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Pour conclure sur le parcours présent de rétrospection (provisoire…) de François Noudelmann, enfant rétrospectif du cimetière bouleversé et rénové de Cadillac, en 2020 : le sentiment d’ « à part – tenance » et le désir d’ « a – s- similation » – intégration – « a – grégation » – « incorporation » à la France, en ses filiations chahutées par l’Histoire ; et les « modalités et intensités » et « harmonieuse complicité » d’affinités adventices heureuses, de François Noudelmann…

27mai

Ce samedi 27 mai,

je conclus l’élan des commentaires de ma lecture du splendide et profond « Les enfants de Cadillac » de François Noudelmann, à la suite de mes 6 articles précédents :

_ du dimanche 21 mai : « « 

_ lundi 22 mai : « « 

_ mardi 23 mai :  « « 

_ mercredi 24 mai : « « 

_ jeudi 25 mai : « « 

_ et du vendredi 26 mai : « « 

Sur le complexe et difficile « sentiment d’appartenance« , dans lequel s’entend nécessairement, comme une sorte d’implacable répétitif destin, et en même temps, un très tenace sentiment d’ « à part – tenance » _ à sa « francité« , du fait de la « judéité«  héritée de sa marquante branche familiale paternelle (par son histoire personnelle de fils très très proche, par « cette vie avec mon père, plus conjugale que familiale » (l’expression se trouve à la page 174 des « Enfants de Cadillac« …), un bon bout de temps seuls, et isolés, tous les deux, à Lyon, « pendant notre vie commune » (l’expression se trouve à la page 59), entre les huit ans et les treize ans du petit François, de 1967 à 1972) ; et de génération en génération, comme répétivement, chez ces Noudelmann-ci, le lien à la mère (et a fortiori aux branches maternelles) est soit carrément rompu, coupé, tranché vif, soit extrêmement distendu et lache… _ de François Noudelmann,

on retiendra pas mal de lucidissimes expressions sur le fait d' »en être » ou « ne pas en être » vraiment, de cette « francité » par « a – s -similation » si ardemment désirée par son père et, avant, son grand-père, en leur difficile, et in fine tragique, parcours de vie (en Lithuanie, 1891 – Cadillac, 1941), pour Chaïm _ mort de cachexie, c’est-à-dire de faim, en un asile de fous, sous le régime de Vichy, en 1941 _, et Paris 18e, 1916 – Limoges, 1998, pour Albert _ avec un passage ultra-violent de « cinq années allemandes », en Silésie, entre 1940 et 1945 ; et in fine suicidé, alors qu’il n’avait aucune maladie, avec un pistolet à grenaille _)… 

Ce sont donc ces très belles expressions-là, sous la plume de François Noudelmann, en ce profond et lucidissime « Les enfants de Cadillac« , que je tiens ici et maintenant, et en forme de conclusion provisoire à mes lectures et relectures, à la loupe, le plus possible attentives aux plus infimes détails dans lesquels se niche et se tient caché, comme c’est bien connu, le diable, l’essentiel du message crypté, d’abord à lui-même, bien sûr _ mais c’est le travail patient et inspiré (= d’« imageance« ) d’écriture qui vient porter à la conscience de l’auteur, qui va l’assumer, point après point, jour après jour, détail (et mot prononcé) advenu par détail (et mot prononcé) advenu, et avec l’expérience de l’âge, le sens ainsi porté à un peu plus et un peu mieux de lumière ; et c’est bien cela seul qui fait advenir une œuvre vraie, véridique et véritable, et pas un simple produit de marketing, promis à obsolescence rapide, tel qu’un « roman«  divertissant, à consommer juste pour le fun, et très vite digérer… : « Je hais les oisifs qui lisent« , s’exclame Nietzsche en le magnifique « Lire et écrire » de son indispensable « Ainsi parlait Zarathoustra«  _, ce qu’il y a apprendre vraiment des vies, à commencer par la sienne propre, et celles de ses proches, et d’abord ceux auxquels nous sommes généalogiquement affiliés comme fils ou fille, petit-fils ou petite-fille, arrière-petit-fils ou arrière-petite-fille, etc. : nous n’y échappons – coupons pas…

Voici donc ce qu’ici, ce samedi 27 mai, et en forme de conclusion provisoire à mes lectures suivies, je me permets de retenir des expressions de François Noudelmann sur le feuilletage de ses doubles liens personnels, et plus ou moins hérités de sa filiation paternelle, à la « francité » et à la « judéïté » _ avec, aussi, l’appoint de mes farcissures de commentaire, en vert _ :

Pages 164-165 :

« Je lui _ Albert, le père bien aimé _ ai longtemps tourné _ en pensée, surtout après son suicide (à Limoges, le 16 juillet 1998) et la cérémonie de la dispersion de ses cendres en un ruisseau du Limousin, et jusqu’à ce jour qui a suivi le choc de l’expérience du cimetière de Cadillac, le 19 septembre 2020… _ le dos, avant de réfléchir _ ce fut « au moment _ à la toute fin, donc, de l’été 2020 _ où j’avais pris mes résolutions, où j’avais établi les réglages _ tant géographiques que mentaux _ entre ma vie de Français à l’étranger _ résidant désormais, probablement depuis 2019, à New-York ; là-dessus, de même que sur la précision des dates, François Noudelmann demeure très discret… _ et mon pays de naissance _ la France, donc : François Noudelmann est né à Paris, à l’hôpital Rothschild, le 20 décembre 1958 _ que la mémoire familiale se rappella à moi, de manière inattendue, alors que le monde s’était figé dans ses frontières à cause de la pandémie de covid. (…) Voilà que je fus invité dans le cimetière français qui avait retrouvé la trace de mon grand-père Chaïm. (…) Ce fut donc pour assister _ à Cadillac, en Gironde _ à la rénovation d’un cimetière abandonné que je revins _ ce fut le 19 septembre 2020, je le répète ici _ sur les traces funéraires de mon fou grand paternel « , lit-on page 223 _ au défaut _ répété, peut-être endémique… _ de transmission, dans ma lignée, des pères aux fils. Refusant d’hériter du moindre bien qui me rappellerait le corps paternel _ le corps de ce père, Albert, dont François avait été pourtant (mais justement…) si physiquement proche de 1967 à 1972, quand ils vivaient, et c’était même une « vie, avec mon père, plus conjugale que familiale« , lit-on page 174 ; et page 172 : « Depuis mon jeune âge, j’avais pris en effet l’habitude de dormir avec lui et de chercher son contact, restant sur ses genoux après le déjeuner, reniflant l’odeur de son pyjama dans le lit. Il faut dire aux lecteurs suspicieux qu’un père juif est souvent une mère normale« …) _, je ne revins jamais sur ses traces, son absence de tombe _ les cendres d’Albert ayant été dispersées, selon sa volonté expresse, dans un ruisseau du Limousin… _ facilitant le détachement de tout lieu. Il m’a fallu la mémoire _ après la cérémonie au cimetière des fous de Cadillac, le 19 septembre 2020 _ de son propre père _ Chaïm Noudelmann _ pour le retrouver _ lui, Albert _ et tenter de comprendre ce que succéder veut dire _ et cela, en toutes ses acceptions _, si cette notion doit être maintenue. Entre Chaïm et Albert, un récit a bégayé, celui de l’assimilation des Juifs, le fils _ Albert _ oubliant son père _ Chaïm, interné comme fou : d’abord à Sainte-Anne, puis en 1929 à Cadillac _ et poursuivant _ pourtant, malgré cet oubli-refoulement de la figure paternelle _ le même désir _ que celui de son père _ de fuir ses origines juives _ voilà ! _ et de s’incorporer _ le mot est très puissant _ à la France, quitte à recevoir son passé _ autour de son histoire personnelle, avec la place qu’y ont occupé les marques les plus sensibles de sa judéité : la prononciation bien sonore de son nom, et le signe corporel bien visible, une fois mis à nu, de sa circoncision… _ en pleine face, comme un boomerang _ en 1940, sur minable antisémite dénonciation… La superposition de leurs histoires, l’une _ incurablement _ sans parole, l’autre confiée _ un jour unique de 1980, et dix heures durant, à un enregistrement sur un petit magnétophone… _, redouble le paradoxe de ces vies tragiques, le destin _ du retour à l’Est des pogroms quitté très jeune par Chaïm _ se réalisant par le souhait même d’y échapper _ en devenant, pour Albert, un soldat français passant cinq années de prisonnier-esclave juif des Nazis en Silésie… Mais de Chaïm et d’Albert à moi François _que s’est-il transmis de leur judéité et de leur francité ? _ telle est là la question de fond de ce très grand livre… En décidant d’exhumer _ par le travail de recherche et de penser _ le premier _ Chaïm (1891 – 1991) _ de la fosse commune de Cadillac, en écrivant la confidence _ enregistrée sur le magnétophone, en 1980 _ du second _ Albert (1916 – 1998) _ sur ses cinq années allemandes mai 1940 – février 1945 _, j’ai l’intuition qu’être français doit _ beaucoup, pour François _ à  leurs souffrances et désillusions _ aussi : tout cela est inextricablement mêlé…. Même si nos vies demeurent _ de fait _ incomparables car je n’ai connu ni la guerre ni la relégation. Né en France, n’ayant jamais été menacé, je ne saurais porter ni revendiquer cette mémoire sans imposture« …

Page 166 :

_ « L’histoire de nombreux Juifs venus d’Europe de l’Est est sans doute _ et c’est certes là plus qu’un euphémisme ! _ marquée par leur désir d’intégration _ voilà ! _ et leur éloignement _ assez souvent radical _ de la tradition _ liée à bien trop de tragédies et malheurs… _, au point qu’ils donnèrent volontiers des prénoms français à leurs enfants _ ainsi, moi-même  ai-je reçu le prénom de Francis… _, et le mien, François, remplit au mieux cette condition. (…) François, je porte le prénom de mon pays« .

Page 174 :

_ « Parmi les questions posées à un individu sur son identité, on lui demande d’où il est, car il est censé connaître ses origines, sa famille, sa ville, sa région ou son pays. La difficulté que j’ai toujours éprouvée, et que j’éprouve encore aujourd’hui, à définir ces affiliations, et le recours à des périphrases pour y répondre bien que je sois français, doivent sans doute à cette vie avec mon père _ à Lyon, de 1967 à 1972 _ plus conjugale que familiale j’y reviens ici encore, car cela fut en effet crucial pour la formation de l’idiosyncrasie de François Noudelmann. Lui seul _ Albert _ fut ma patrie, celle qui a fait de moi un fils et un compatriote«  _ en ces années sensibles de sortie de l’enfance et entrée dans l’adolescence, entre les huit et treize ans du petit François.

Page 175 :

_ « La paternité ne se réduit pas au partage des gènes et elle repose sur un élan _ affectif, affectueux même _ réciproque de l’enfant et du père. Le mien m’a reconnu deux fois, à la naissance _ le 20 décembre 1958 _ puis en obtenant ma garde juridique _ lors du prononcé du jugement de divorce d’avec la mère de François, en 1967 ; et page 184, François Noudelmann ajoutera ceci : « J’ai dit qu’il m’a reconnu deux fois, mais il m’aura quitté deux fois aussi, en se (re-) mariant _ en 1972 _ puis en se suicidant » _ le 16 juillet 1998. Les recompositions familiales qui s’ensuivirent _ à commencer par le malencontreux remariage d’Albert avec sa troisième épouse en 1972, et le déménagement consécutif du couple formé par le père Albert et son fils François, de Lyon à Limoges _ modifièrent toutefois mon sentiment de l’appartenance _ et de l’« à part -tenance«  _ comme l’éprouvent les enfants dont les racines se troublent à mesure que leurs foyers se fracturent et se transforment _ se recomposent, comme cela se dit maintenant. Cette expérience de vie dans des mondes différents leur enseigne le relativisme, que j’appris très tôt » _ dès les âges de huit et treize ans, par conséquent.

Pages 191-192 :

_ « La fréquentation des universités me conduisit à devenir docteur, non en médecine comme l’auraient compris mes parents, mais en philosophie _ ce fut le 11 juillet 1995, à l’université Paris 4. Cependant la charge symbolique de ma réussite vint _ un peu plus tôt _ du concours  qui, visant simplement à recruter des professeurs, me rendit « agrégé de français » _ de Lettres modernes… _, ainsi que je l’annonçai fièrement à mon père qui n’avait aucune idée de cette promotion. Si je devenais le premier fonctionnaire de la famille, toutes branches comprises, je pouvais surtout afficher qu’en moi s’étaient agglomérés, agglutinés assez de savoirs pour être un français « agrégé », ayant la densité _ rassurante _ d’une molécule. Cette agrégation à la française signait le parachèvement d’un désir _ familial des Noudelmann, depuis Chaïm, venu à Paris, non sans difficultés, « à l’âge de dix-huit ans«  (page 16), en 1909 donc, en carriole à cheval, de Lithuanie… _ de France, commencé avec la naturalisation _ »par décret du 16 juin 1927″ (comme indiqué page 25) _ de mon grand-père _ Chaïm _, juif _ de nationalité _ russe, et confirmé cinquante ans plus tard _ j’en ignore la date précise _ par celui dont le nom figurait désormais au tableau de ceux qui « apprendraient le français » aux jeunes Français. L’étude du latin m’avait même permis de repérer dans le mot d’agrégé la racine étymologique de grégaire, grex, le troupeau. Ainsi avais-je rejoint la troupe des Français, non pour y tenir un fusil, comme Chaïm _ entré dans l’armée française en 1911 (lit-on page 16) _, mais comme passeur de la langue et de sa culture. Ce résultat marquait aussi une fin, l’effacement des origines s’étant réalisé _ principalement _ grâce aux parentés adoptives _ ce serait à préciser, du moins eu égard à cette date de l’agrégation de français… _ qui m’avaient embarqué dans leurs mondes parallèles où les histoires de shtetl, de génocides – on ne disait pas encore Shoah – n’étaient pas déterminantes. Ce passé tragique faisait partie de l’Histoire universelle et ne définissait pas mon identité, d’autant moins que les témoins ne souhaitaient pas en parler. L’assimilation _ a- s -similation… _ au pays ne pouvait être mieux prouvée que par l’entrée dans un corps d’État« .

Page 221-222 :

_ « Bien que j’abbhorre les identifications _ mensongèrement réductrices _, lorsque je suis à l’étranger _ hors de France, par conséquent _, c’est le mot de Français qui me vient en premier. Comme pour tous les exilés – un terme que je préfère à celui d’expatrié -, des événements politiques et culturels ravivent de temps à autre l’appartenance au pays natal, quand bien même on a décidé de ne plus lire les journaux ni de regarder les télévisions françaises. (…) Avec l’éloignement, et dans la langue qui ordonnera _ et c’est fondamental _ pour toujours mon rapport au monde, bien que je découvre des émotions inédites _ et enrichissantes… _ en moi grâce aux images, aux sensations et aux idées recelées dans une autre langue, je m’interroge sur ce qui me fait _ de fait, si, tellement _ français, et ce sont moins des fromages ou des terroirs que des œuvres _ voilà ! _ qui surgissent _ avec une joyeuse vivacité. Lorsque je lis Montaigne ou Marivaux _ deux de mes auteurs absolument préférés à moi aussi ! _, leurs tournures de phrase _ voilà ! _ agissent sur mes poumons et mes nerfs, et elles déclenchent, par le rire, la raison et les sons, une harmonieuse complicité _ ou connivence radieuse, nous y sommes en plein… Plus encore que toute configuration langagière _ mais oui ! Et comment ! _, la musique _ si délicate, fine, et si subtile en son plus parfait naturel dépourvu d’affectation : tempérée… _ de Fauré, de Debussy et de Ravel me dit, sans les mots _ mais oui ! _ que je suis français, même si je peux pleurer _ en effet _ avec des compositeurs italiens, allemands, russes ou espagnols. J’y reconnais mes modalités et intensité » _ voilà le secret magnifiquement dégagé ici par François Noudelmann : des modalités et des intensités sonores idiosyncrasiques partagées au plus intime, crucial et essentiel de soi…

Toute une philosophie fondamentale se trouve ainsi merveilleusement exprimée là, en sa rétrospection _ provisoire : mais qu’est-ce donc qui ne l’est pas ? du moins tant qu’existe de l’encre et du papier, ainsi que de la vie (et de la lucidité), pour penser et écrire, et éventuellement ré-écrire et retoucher… _ de trois parcours géographico-sentimentaux, plus ou moins désirés, plus ou moins bousculés, et parfois violemment chahutés par l’Histoire, de trois générations _ Chaïm (1891 – 1941), Albert (1916 – 1998), François (1958) _ de Noudelmann,

entre Lithuanie et New-York, et surtout un attachement français peut-être indéfectible, viscéral, à la France _ en sa culture, si sensible et si fine, de climat idéalement doux et tempéré : sa littérature et sa musique tout spécialement, en tout cas en premier, pour le petit-fils de Chaïm et fils d’Albert, François… _, par François Noudelmann,

lui qui a l’oreille si fine _ et je viens de me procurer, je l’avais commandé, son « Penser avec les oreilles« , paru le 29 août 2019, un an avant l’expérience renversante du 19 septembre 2020 à Cadillac, et l’admirable rétrospection dont celle-ci a été la source nourricière féconde de mémoire et de recherche, et de penser, encore et toujours…

Ce samedi 27 mai 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Quelques premières précisions sur quelques personnages (et événements) apparaissant un peu floutés dans le récit de François Noudelmann en son passionnant et très beau « Les enfants de Cadillac » : les noms floutés de plusieurs femmes…

22mai

En une sorte de second Avant-propos,

après celui d’hier 21 mai en mon article « « ,

et conformément à la méthode de lecture-enquête _ sainte-beuvienne _ dont je suis coutumier, « en cherchant bien« , en creusant un peu plus les détails,

voici ce jour de premières précisions _ d’identité de personnes, de lieux, ou de dates laissés un peu flous dans le récit donné par l’auteur… _ en réponse à quelques unes de mes questions,

au fil et au terme _ provisoire _ de mes lectures successives _ au nombre de 3 jusqu’ici… _ de ce récit _ « roman » continue de passablement me gêner, en dépit du constat que, en son entretien (un peu trop rapide, et même un peu trop sec, à mon goût…) sur France-Culture, le 5 décembre 2021, avec l’ami Mathias Enard _ cf le podcast de mon entretien avec lui du 8 septembre 2010 ; et mon article du 21 septembre 2008 à propos de son stupéfiant chef d’œuvre « Zone » : « « … _, François Noudelmann l’assume, et même fermement _, qu’est ce passionnant « Les enfants de Cadillac« …

Pas mal d’éléments laissés flous dans le fil souvent rapide du récit s’éclairant davantage quand on s’avise de les relier à d’autres détails situés plus loin dans le récit, et dans notre lecture de parties ultérieures de ce récit, et eu égard à d’autres aspects de ces mêmes éléments rapportés, dans le cadre parfois un peu chahuté de la chronologie _ historique _ des éléments de ce réel évoqué ;

et si, bien sûr, le lecteur un peu curieux de tels éléments et faits, opère effectivement de telles un peu éclairantes mises en relation, et cela sans que l’auteur ait cherché vraiment à nous les cacher :

comme par exemple la plupart de ce qui concerne sa mère.

Et plus généralement aussi les compagnes de trois générations (Chaïm, Albert, François) de Noudelmann :

_ 1) Marie Schlimper, la grand-mère paternelle de François, née à Lemberg _ Lviv aujourd’hui : désormais en Ukraine… _ en 1881 et inhumée au cimatière de Bagneux _ j’ignore la date de son décès _, épouse _ en secondes noces : elle était veuve de Hersch Friedmann (j’ignore ses dates et lieux de naissance et de décès), dont elle avait 4 enfants : Jacques (Paris 18e, 7 novembre 1902 – Livry-Gargan, 1er juin 1978), Rachel (Paris 18e, 25 août 1904 – Dreux, 2 août 1999), Raymonde (Paris 18e, 3 avril 1907 – Villiers-le-Bel, 1er avril 1995) et Bernard (Paris 18e ?disparu entre 1941 et 1945…) : demi frères et sœurs d’Albert Noudelmann (Paris 18e, 24 juin 1916 – Limoges, 16 juillet 1998)… _, puis veuve, de Chaïm Noudelmann (1891 – Cadillac, 21 février 1941), et de dix ans plus âgée que lui, et la mère bien peu maternelle d’Albert _ ce qui éclaire pas mal de choses qui vont s’ensuivre en la vie de son fils Albert, et peut-être aussi, bien qu’il ne l’ait probablement pas connue, de son petit-fils François, les liens étant rompus entre Marie Schlimpel, veuve Noudelmann, et son fils Albert Noudelmann. Celui qui conservera les liens, documents familiaux, dont des photos, est un cousin _ j’ignore par quels liens précis : était-il un neveu de Hersch Friedmann, le premier mari de Marie Schlimper ?… _, Henri Friedmann (Metz, 22 décembre 1925 – Suresnes, 9 novembre 2019) ; et c’est de ce cousin Henri Friedmann que François Noudelmann reprendra le flambeau de l’entretien de la tombe de sa grand-mère paternelle, dans le carré juif du cimetière de Bagneux : « La mort d’Henri Friedmann, ce cousin vigilant, m’a imposé la responsabilité d’entretenir à mon tour cette tombe que je ne connaissais pas et que mon père n’honorait pas, bien que sa mère y reposât. (…) Le  passage de témoin eut lieu lorsque Henri fut inhumé _ en novembre 2019, donc _ dans une sépulture sur laquelle est écrit le nom de ses parents « morts en déportation ». Le jour où ils furent raflés, le 16 juillet 1942, la maîtresse d’école le somma de ne pas rentrer chez lui. Elle lui donna une adresse dans la Drôme et il réussit à franchir la ligne de démarcation pour passer le reste de la guerre à travailler chez des paysans. C‘est lui, Henri l’orphelin, maroquinier de son état, qui garda la mémoire de la famille, en conserva quelques photos et honora ses tombeaux« , peut-on ainsi lire, page 53..

_ 2) les trois épouses successives _ dont la mère de François : demeurée sans nom ni prénom tout le long du récit : elle quittera brutalement son mari Albert (et son fils François) pour suivre un autre homme (non nommé précisément, un médecin de province, un notable…), qu’elle épousera ; et François, après le jugement de divorce de ses parents, la verra deux week-ends par mois jusqu’à sa majorité…d’Albert Noudelmann, après Huberte Bordes, la première, et avant la troisième, non nommée elle non plus _ une fois l’union entre cette dernière et Albert réalisée (en 1972 semble-t-il…), et la nouvelle famille installée dans un pavillon de la banlieue de Limoges, « je passai brutalement du bonheur à deux _ avec son père Albert, à Lyon _à l’enfer à six » _ à Limoges _, résume François Noudelmann… _, elle dont la conduite accula François, « après quatre années de galère » _ familiale malencontreusement recomposée et de fait affreusement toxique, de 1972 à 1976 _, à prendre « la fuite, à dix-sept ans _ en 1976, donc : François est né le 20 décembre 1958. La rupture avec mon père _ écrit ainsi François Noudelmann page 184 _ fut violente et définitive, à la mesure de l’amour trahi _ lire ici les sublimes pages 172 à 174 à propos de la vie (de « paradis » de tendresse paternelle et filiale), entre 1967 et 1972 (entre ses huit ans et ses treize ans), de François avec son père Albert « devant élever seul un enfant depuis ses huit ans » (en 1967, donc ; page 169), entre le départ de l’épouse et mère (« un père et son fils abandonnés par une femme qui était partie avec un autre homme« , page 171), en 1967 donc, quand François a huit ans, et la catastrophe du père se remariant, en 1972 (François a alors 13 ans), avec une épouse (de substitution) qu’il n’aurait absolument pas fallu, ni au mari Albert, ni à l’enfant François ; et mettant alors fin à la vie « plus conjugale que familiale« , que mena, entre 1967 et 1972, François avec son père : « Depuis mon jeune âge, j’avais pris en effet l’habitude de dormir avec lui et de chercher son contact, restant sur ses genoux après le déjeuner, reniflant l’odeur de son pyjama dans le lit. » L’auteur de 2020 commentant  malicieusement : « Il faut dire aux lecteurs suspicieux qu’un père juif est souvent une mère normale« , page 172… On comprend donc bien ce que peut ici signifier l’expression puissante d’« amour trahi« , page 184, sous la plume magnifiquement subtile du narrateur rétrospectif (et pardonnant tout à son père suicidé : le 16 juillet 1998) de 2020 Avant de partir _ en 1976 _, je brûlai toutes les lettres que je lui avais écrites et je ne revins jamais chez lui, ou plutôt chez eux » _ à Limoges, donc, tant que dura ce troisième et ultime mariage d’Albert (« Ce mariage fut un désastre qui dura longtemps _ de 1972 à 1977-78, probablement _, la supposée mère révélant son instabilité mentale par des crises cycliques, provoquant des hurlements et des insultes nocturnes, prolongés par des actes de violence. Rien n’échappait à sa fureur destructrice« , lit-on, pages 182-183 ;  cependant, c’est probablement après la fin de ce troisième mariage d’Albert, fin advenue probablement avant 1980 (voir plus bas), que François recueillera, probablement en 1980, si l’on se fie aux « quarante années«  écoulées qui sont évoquées, au présent du récit du narrateur en 2020, entre l’enregistrement des 10 heures de confidences d’Albert à son fils, et ce présent du récit de 2020, selon cette indication de la page 61, en ces si précieuses 10 heures d’enregistrement sur un petit magnétophone à cassettes, de l’extraordinaire récit des six ans de guerre d’Albert, le père prisonnier et s’évadant et étant repris à plusieurs reprises, principalement en Silésie aujourd’hui polonaise : « Nous avions pris nos distances, toi et moi _ c’est au présent de son récit, en 2020, que François Noudelmann s’adresse ici par la pensée à son père disparu, par suicide (avec « un pistolet à grenailles« , page 158), le 16 juillet 1998 _, lorsque je voulus forcer ta vérité _ c’est donc François qui prit l’initiative de cela, retournant alors, peut-être à cette fin, chez son père, demeuré en Limousin… Je cherchais _ voilà, en 1980, François Noudelmann a alors 21 ans… _ le cadavre planqué sous le parquet de ta vie _ enfin, désormais, depuis qu’Albert étaist redevenu solitaire… _ bien rangée _ et même quasi vide _, et ne me contentais pas du mot de résilience qui rassure et qui écrase. Pour quelle raison tu acceptas de déroger à ce mutisme tellement maîtrisé qu’il passait inaperçu autour de toi, je ne le sais toujours pas. Tu consentis à une parole fleuve qui fut une « confidence », car elle supposait à la fois du secret et de la confiance _ envers François, son fils. As-tu voulu retrouver ainsi notre intimité _ voilà : filiale, d’entre 1967 et 1972 _ trahie _ par le calamiteux remariage d’Albert, en 1972, et le départ du domicile de Lyon pour Limoges… _, ou as-tu cherché à réintégrer _ en une identité décidément malmenée… _ une part de ton existence que tu avais soigneusement comprimée, empaquetée, refoulée ? Tu délivras ce récit en un seul flot, dix heures durant, et une fois pour toutes, sans plus jamais le répéter, et le petit magnétophone à cassettes que tu m’avais offert pour mes dix ans _ en décembre 1968, donc _ servit _ douze ans plus tard ; et François, le récipiendaire de ce récit tellement important, avait alors vingt-deux ans… _ à l’enregistrer. Pendant quarante années _ en remontant à partir de cette écriture-ci, en 2020, cela fait 1980... _, je n’ai jamais songé à le transcrire, ni à le transmettre, parce qu’il fut un geste confidentiel _ et comme de réconciliation, à travers la distance de leurs vies désormais séparées l’une de l’autre _, accompli d’un père à un fils, non communicable. Peut-être n’avais-je pas envie de le partager, conservant ainsi la complicité exclusive _ voilà _ que j’avais entretenue avec toi depuis l’enfance _ voilà, voilà. Peut-être ne voulais-je pas non plus m’identifier à ce vécu _ de Juif ostracisé _, soucieux de maintenir à mon tour l’innocuité de ce passé clandestin _ et vigoureusement tu, de victime de sa judéité. Alors que cette parole devait rester entre toi et moi, je l’entends autrement à présent _ en cette écriture pensante et creusante, si finement, de 2020 _ et sans doute fallait-il que mes oreilles se tapissent d’abord d’une couche de temps qui rende ta voix un peu étrangère, et que la poigne des affects se desserre. Tel est le paradoxe de pouvoir accéder au discours transmissible d’un père lorsqu’on s’en est détaché, ce qui s’appelle, probablement, devenir adulte _ oui _, et il n’est jamais trop tard pour y arriver _ en effet : penser vraiment possède un tel pouvoir de « reprise » correctrice et comprise. Afin de te comprendre aujourd’hui _ en 2020 _, et d’entendre _ en vérité _ ce que tu dis et ce que tu caches, je dois te ventriloquer _ en cette expérience d’écriture exploratrice et révélatrice magnifique, de 2020 _, parler pour toi en continuant de m’adresser à toi, car cette confidence ponctuelle  _ de 1980 _, non destinée à la publication, ne s’adressait à personne d’autre _ que le fils, François _ et n’avait pas vocation à entrer dans une enquête _ nous y voici ! _  sur l’identité française » _ ce qu’est fondamentalement ce magnifique et si profond livre qu’est ce « Les enfants de Cadillac«  _, a-t-on pu découvrir, pages 60-61-62, pour ce qui concerne cette intimité quasi conjugale entre Albert, le père, et François, le fils… _ ;

_ 3) et les compagnes (?) du très discret François Noudelmann, dont, surtout, la mère des deux enfants qui l’ont accompagné et se sont installés au moins une année avec lui aux États-Unis (à New-York ?), peu après le suicide d’Albert, qui avait eu lieu, à Limoges, le 16 juillet 1998 : « à la fin du siècle dernier, nous _ comment s’appelle-t-elle donc ? Cela demeure tu… _ nous y sommes installés en couple _ voilà _ avec nos deux enfants _ non prénommés dans le récit, eux non plus ; tout au plus « mes enfants jouaient au base-ball« , lit-on page 217… _, vivant pour la première fois dans une maison _ et non plus en un appartement, comme jusqu’alors… _, comme des pionniers imaginaires, prêts à mener la vie conventionnelle de nouveaux arrivants qui veulent s’intégrer au melting pot. Tout en cherchant à fuir le souvenir du suicidé _ de 1998 _, ayant résolu de bannir toute photographie ou lettre de mon père – ce qui fut le cas jusqu’à aujourd’hui -, je me rejouais le film des immigrants juifs arrivant à New-York _ via le sas d’Ellis Island. Le scénario généalogique m’attendait _ déjà alors, avant 2000 _ comme le bonbon qu’un enfant ne résiste pas à croquer« , lit-on aux pages 216-217.

Mais « Cette vita nuova _ new-yorkaise de 1999 ? _ se nourrissait d’un récit contradictoire qui visait, dans le même temps, à oublier une parenté disparue et à retrouver une impulsion généalogique lointaine _ celle du grand-père Chaïm fuyant, vers l’Ouest, les pogroms de Lithuanie, en 1909. Et lorsque la mythologie gouverne une existence, la névrose n’est jamais loin, surtout quand elle se pare d’une recherche de l’origine authentique, la meilleure alliée de la mauvaise foi « , lit-on ensuite, page 218.

Avec cet aboutissement immédiat-ci : « Sans doute n’étais-je pas prêt à imposer cette fiction personnelle à mon entourage _ épouse et enfants, voilà… _ et, pendant les vingt ans _ dates à préciser : 2000 -2020 ?.. _ qui suivirent le retour à Paris _ en 2000 ? _, je me suis mais sans mon entourage, demeuré, lui, sinon à Paris, du moins en France… _ divisé entre la France et les États-Unis, par d’incessants allers-retours et séjours temporaires _ universitaires là-bas… La vie pendulaire avait du bon, avec ses départs enthousiastes _ là-bas, loin, en Amérique… _ et ses douces rentrées _ ici, en douce France…

 (…) 

Je trouvais mon chemin entre l’idéal des voyageurs que décrit Baudelaire, ceux qui « partent pour partir«  _ cf son beau poème « Le Port«  _, et l’expérience de l’altérité préférée _ et expérimentée _ par Lévi-Strauss _cf, pour commencer, le récit de « Tristes tropiques«   _, qui recherchait la plongée dans des cultures différentes. La joie de changer de perspective _ d’abord géographique _ correspond, à une échelle modeste, au regard éloigné des anthropologues. Briser ses propres représentations, se rapprocher du plus distant puis, en retour, percevoir ce qui était proche avec les yeux du lointain, voilà qui déracine l’esprit et le libère de ses stéréotypes » _ soit l’hygiène la plus saine et la plus juste du penser, du ressentir et du vivre, découverte, élaborée et construite-déconstruite peu à peu par François Noudelmann toutes ces années-là… _, lit-on, superbement exprimé ainsi, page 219.

Voilà pour débuter cette recherche de précisions factuelles _ selon ma méthode de curiosité de lecture sainte-beuvienne, du qui ? où ? quand ? comment ?.. _, ce lundi.

Et à suivre, bien sûr…

Ce lundi 22 mai 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Dacia Maraini, superbe et lumineuse médiatrice, par sa littérature vraie, de voix empêchées ou contraintes, pour l’ouverture de la 4e édition du « Printemps italien », au Château de Thouars, à Talence, ce samedi 18 mars 2023

18mar

Ce samedi 18 mars 2023,

de 18h 30 à 20h 30, au Château de Thouars à Talence, pour l’ouverture de la 4e édition du « Printemps italien » dans la métropole bordelaise,

et dans un  français impeccable,

Dacia Maraini _  née le 13 novembre 1936 à Fiesole _ a été lumineusement splendide. 

À propos de son œuvre _ dont « La Vie silencieuse de Marianna Ucria » et « Le Bateau pour Kôbé : journaux japonais de ma mère«  (celui-ci traduit en français par Nathalie Castagné) : deux récits particulièrement emblématiques de son « donner une voix«  à qui est privé, momentanément ou durablement, de la parole (ou de l’écoute) : Marianna, ainsi, était sourde et muette ; quant à la famille de Dacia au Japon, c’était quand celle-ci a été internée au Japon, pour son anti-fascisme, pour avoir refusé allégeance au régime de Salò… ; « Voix«  étant aussi, très significativement, le titre d’une œuvre importante, « Voci« , en 1994, de Dacia Maraini… _,

dont elle a dit _ et c’est là le fondement ferme et constant de la conception que Dacia Maraini assigne à sa littérature… _ que chacun de ses romans est comme une réponse un peu développée _ et c’est là un euphémisme : en bien plus qu’une année d’écriture… _ à un personnage _ ou « caractère« , a-t-elle dit : historique ou bien contemporain… _ qui frappe un instant à sa porte, toc-toc, se présente à elle, et finit par demander, d’abord à passer la nuit en quelque chambre, puis, au matin, prendre un bon petit-déjeuner, et finalement séjourner le temps qu’il faudra en sa compagnie _ d’écriture (pour elle, réceptrice de cette voix qui demande à être un peu et enfin écoutée) de l’histoire à narrer de son récit, qui appelait ainsi, très instamment, à être donné et transmis, par elle, Dacia, à être raconté, et partagé, et reçu vraiment, par le menu infiniment sensible, et ainsi enfin « parlant« , par le passage à l’écriture (et après la lecture) d’une vraie littérature (l’unique qui vaille ! le reste, de divertissement, n’étant rien que misérable et très vaine imposture…), de ses plus significatifs très humbles, mais vrais détails, par les lecteurs les découvrant au fil de ce récit ;

en une forme de « mission civique » pour la médiatrice-réceptrice de cette voix qui demandait à être enfin entendue, que se fait alors, en quelque sorte, l’écrivaine-médiatrice, elle-même humble porte-parole de cette humilité profonde de victimes sollicitant d’être un peu écoutées et enfin un peu entendues, et reçues, via cette littérature… _ ;

à propos des femmes _ surtout celles qui, telle sa mère, Topazia, dans l’épreuve, sont fortes ;

et, en réponse à une question mienne sur les écrivaines italiennes qui comptaient le plus pour elle, Dacia, celles qu’elle a qualifiées (telle fut en effet sa très forte expression) d’ « écrivaines-mères«   pour elle : Elsa Morante, Natalia Ginzburg, Lalla Romano, Goliarda Sapienza _,

et à propos de l’infiniment tendre douceur de son ami Pier-Paolo Pasolini _ dont elle a détaillé le récit de leurs voyages (sous la tente), avec aussi Alberto Moravia, dans les contrées les plus misérables d’Iran, Inde, Yemen, ou Afrique ; en marquant bien l’importance des détails les plus quotidiens, humbles, et même triviaux, à relever et figurer, en l’écriture, comme de très maigre et pauvre nourriture vitale partagée, telle une poignée de riz mêlée de cadavres de mouches, par exemple…

Le 3 mars 2022, a paru, aux Edizioni Neri Pozza, « Caro Pier Paolo« , de Dacia Maraini, à propos duquel voici la vidéo (d’une durée de 48′ 41) d’un entretien, le 16 novembre 2022, entre l’auteur, s’exprimant en un français magnifique, et Stefania Graziano-Glockner, la présidente du Festival « Le Printemps italien« … 

Une bien belle soirée.

Ce samedi 18 mars 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

La conversation (de musique aussi et surtout) quasi ininterrompue de Lucien Durosoir et sa mère Louise : une lecture en cours du « Ma Chère Maman, Mon Cher Enfant _ the Letters of Lucien and Louise Durosoir 1914 – 1918″, édité et traduit par Elizabeth Schoonmaker Auld…

18déc

 

Voici le courriel que je viens d’adresser à mon amie Georgie Durosoir,

suite à ma seconde lecture du « Ma Chère Maman, Mon Cher Enfant ¨the Letters of Lucien and Louise Durosoir 1914 – 1918« ,

édité et traduit par Elizabeth Schoonmaker Auld, qui vient de paraître aux Éditions Blackwater Press.

Chère Georgie,

 
dans le cadre de ma recherche et dans le protocole de ma petite méthode d’attention aux plus petits détails bio-géographico-historiques,
j’aurais besoin des précisions biographiques suivantes (identité à la naissance, dates et lieux de naissance, de mariage et de décès) de quelques membres de la famille de Lucien Durosoir (Boulogne-sur-Seine, 5 décembre 1878 – Bélus, 4 décembre 1955) : 
_ ses parents (mariés en 1876) :
Léon-Octave Durosoir (décédé en 1890)
et Louise-Marguerite Marie (x, 2 mars 1856 – Bélus, 16 décembre 1934) ;
 
_ ses grands-parents paternels Durosoir :
x Durosoir
et son épouse x x ;
 
_ ses grands-parents maternels Marie : 
Jean-Baptiste Marie
et son épouse Charlotte x
 
Ces précisions m’échappant jusqu’ici…
 
 
Je compte aujourd’hui consacrer un article aux avancées de ma lecture du passionnant monument de Biz :
sur cette passionnante et richissime«  conversation » ininterrompue (en dépit des éloignements forcés de la guerre) entre Lucien et sa mère,
par leurs échanges quasi quotidiens de lettres _ quand Lucien n’était pas (brièvement !) de passage lors de ses rares permissions, de 1914 à 1919 _, 
puis, au retour de Lucien, de 1919 à 1934, par ses très importantes œuvres de musique,
dont Louise était la principale et quasi unique « interlocutrice » et réceptrice…
 
4 mois et un jour après le décès de sa mère (à Bélus, le 16 décembre 1934), 
c’est le 17 avril 1935 que Lucien Durosoir (né le 5 novembre 1878, à Boulogne-sur-Seine) épouse à Bélus Hortense Datcharry (née le 1er juillet 1916, à Bélus) ;
et le 4 octobre 1936 et le 27 octobre 1937 naîtront chez eux, aux « Vieux Chênes », à Bélus leurs deux enfants, Luc et Solange.
 
Lucien accomplissant ainsi, peu après le décès de sa mère Louise (à Bélus, le 16 décembre 1934) son second projet de résilience de vie d’après la terrible et longue guerre,
après ce que l’on peut considérer comme le principal de son œuvre de musique (de 1919, pour ses 4 « Aquarelles », pour violon et piano, à 1934, pour son « Vitrail », pour alto et piano, et sa « Berceuse », pour flûte et piano), dont sa mère est l’ « interlocutrice » musicale quasi unique,
le projet de fonder _ même tardivement : en décembre 1936, Lucien aura 58 ans… _ une famille et lui transmettre ses valeurs…
 
La coexistence de ces deux projets, éminemment vitaux pour lui, s’étant avérée un peu difficile du fait du puissant pouvoir (économique aussi : Lucien ayant cessé de se produire en concerts, afin de _ outre composer ! _ s’occuper pleinement de sa mère devenue impotente après son grave accident domestique…) qu’a continué d’exercer sur lui sa mère, qui ne cessait pas, lui a-t-il dit et à plusieurs reprises, de le traiter toujours « comme un petit garçon de 8 ans » . Car aux yeux de celle-ci, l’œuvre de musique de son fils constituait une priorité absolue, sacro-sainte.
 
Mais Lucien ne s’est jamais laissé, en aucune circonstance difficile, abattre ou dissuader en ce qui lui tenait décidément très à cœur…
 
 
Et Luc, et avec vous Georgie, avez magnifiquement repris le flambeau de Lucien
en donnant à lire, jouer et écouter universellement l’œuvre splendide et singulière de musique créé et laissé en son tiroir, pour plus tard, par Lucien Durosoir…
 
Je vous embrasse,
 
Francis
Ce dimanche 18 décembre 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

Quelques nouvelles des superbes miniatures italiennes de Bernard Plossu, en conversation discrète avec François-Marius Granet, cet été 2022 au Musée Granet, à Aix-en-Provence

16juil

Très simplement ceci :

Les miniatures italiennes de Bernard Plossu

Bernard Plossu
Bernard Plossu
Bernard Plossu, Villa Medicis, 2001, collection particulière. © Bernard Plossu.
« L’Italie des paysages est ancrée en moi. Depuis toujours, avec une loupe, je regarde les arrière-plans _ voilà ! _ des grands tableaux classiques, les villages, les châteaux, les collines surtout, souvent peintes dans des teintes brunes » écrit Bernard Plossu dans son ouvrage Voyages italiens publié en 2004. L’Italie pour ce photographe né à Đà Lạt, au Sud du Viêt Nam, c’est une histoire de famille qui remonte à loin, « je me sens très italien à cause de la couleur de ma peau et de mes cheveux. » Son arrière-grand-mère était d’Urbino, cette commune où dit-il dans un entretien réalisé par Bruno Ely et publié dans le livre de l’exposition « Plossu – Granet, Italia Discreta » : « je rêve toujours d’aller et ne suis toujours pas allé. »
C’est en février 1970, à l’âge de vingt-cinq ans et en voiture que Bernard Plossu se rend pour la première fois en Italie. « C’était donc en hiver, il pleuvait à torrents et j’ai attrapé une grippe carabinée à Rome avant d’aller à Pompéi encore sous la pluie. C’était un Pompéi sombre. Il n’y avait personne, j’étais avec une petite amie à l’époque et on nous a ouvert Pompéi et là je me suis dit, là, il se passe quelque chose ! » Avant l’Italie, c’était un peu la famille, mais surtout le cinéma, comme beaucoup de jeunes Français de sa génération, il avait été marqué par les films de Don Camillo.
Bernard Plossu, Rome, 1980, collection particulière. © Bernard Plossu.
François-Marius Granet, Vue prise à la Villa Médicis, 1er tiers du XIXe siècle, musée Granet, Aix-en-Provence. © Claude Almodovar / Musée Granet, Ville d’Aix-en- Provence.
François-Marius Granet, Vue du monastère des Capucins et de l’arbre de San Felice à Tivoli, musée Granet, Aix-en-Provence. © Claude Almodovar / Musée Granet, Ville d’Aix-en-Provence.
Bernard Plossu, Florence, 1993, collection particulière. © Bernard Plossu.
 « Je me souviens être arrivé de nuit à Gênes, et je n’en croyais pas mes yeux de voir sur le port tous les feux allumés – c’était en hiver, les prostituées du port se chauffaient avec des braseros, et tout… On s’est retrouvés là-dedans, j’étais avec ma copine, où dormir ? Je ne m’en souviens plus en fait. » De ce premier séjour, il a quelques images comme une photographie en noir et blanc de Pompéi sous la pluie. Il s’installe ensuite aux États-Unis, sur les hauts plateaux du Nouveau-Mexique pour « un long séjour américain » dont on peut retrouver des images dans l’ouvrage So Long. Vivre l’Ouest américain 1970/1985 publié par les éditions Yellow Now.
« Je suis retourné à Rome en 1979 en provenance du Nouveau-Mexique. Puis, nouveau séjour romain en 1980. À partir de 1985, j’ai fait au moins une bonne quarantaine de petits séjours partout en Italie, en Toscane, en Ligurie particulièrement. Basé à La Ciotat, je pouvais y aller en voiture ou en train… » Le photographe se prend de passion pour l’Italie. Il se rend partout, « des paysages de montagne près de Cuneo, à la frontière du col de l’Arche, c’était à Chialvetta, jusqu’en Sicile ou en Sardaigne. » Ces séjours italiens, il ne les arrêtera jamais, sauf pendant la période du Covid.

François-Marius Granet, Intérieur d’une cour à Tivoli, musée Granet, Aix-en- Provence. © Claude Almodovar / Musée Granet, Ville d’Aix-en-Provence. / Bernard Plossu, Lucca, 2009, collection particulière. © Bernard Plossu.
Féru de littérature italienne, Bernard Plossu lit tout, du polar à la poésie, et principalement des auteurs contemporains où un certain « humour italien » lui plaît, « un humour qui touche au drame de la vie et qu’on peut résumer en une expression, quand tu lèves les sourcils : “Ecco !” C’est comme ça ! Et ça, c’est très italien, tu vois : il t’arrive un truc terrible, et tu arrives à le prendre ainsi. » La peinture italienne le captive également : Campigli, Sironi, De Chirico, Melli, de Pisis, Scipione. « Quand je suis en Italie, je vais dans les musées. Dans n’importe quelle ville, je trouve toujours un peintre que je ne connais pas, ou deux ou trois, avec souvent des catalogues à cinq euros parce qu’ils ne sont pas connus et que personne n’en veut. »
Dans l’exposition « Plossu – Granet, Italia Discreta », les commissaires Bruno Ely et Pamela Grimaud créent des liens _ voilà _ entre les photographies de Bernard Plossu et les peintures de François-Marius Granet. « Deux siècles les séparent, mais deux amis s’étaient rencontrés. » écrit Pamela Grimaud. Peintre emblématique de la ville d’Aix, François-Marius Granet (1775-1849) fut lui aussi inspiré et fasciné par Rome et l’Italie. « L’un et l’autre ont parcouru la campagne romaine, poursuit-elle, happés par la lumière qui anime le paysage contemplé. La qualité de l’espace devant soi, les valeurs de clair-obscur, les rapports du plein et du vide, autant de critères que le peintre et le photographe ont souhaité donner à voir, appareil Nikkormat ou carnet de croquis à la main. »
Bernard Plossu, Rome, 1979, collection particulière. © Bernard Plossu.
François-Marius Granet, Ruines d’un arc du Colisée à Rome, musée Granet, Aix-en-Provence. © Claude Almodovar / Musée Granet, Ville d’Aix-en-Provence.
Bernard Plossu photographie l’Italie en 50mm, « ce qui est l’unité de ton de Corot et des œuvres italiennes de Granet (…) Au 50 mm, c’est impossible de faire de l’effet, il n’y a ni la distorsion du grand angle, ni l’aplatissement du téléobjectif, c’est l’objectif photographique au plus près de l’œil. » Ruelles chargées d’histoire, de culture, de mémoire, paysages suspendus dans le temps, Bernard Plossu travaille principalement en noir et blanc, mais expérimente parfois la couleur à travers le tirage Fresson qui donne un rendu délavé, granuleux, doux et presque poudré à ses images. Une soixantaine de lavis et d’aquarelles du peintre François-Marius Granet sont mises en regard au Musée Granet avec plus de cent photographies de Bernard Plossu, pour la plupart inédites, des petits tirages, « mes miniatures dit-il, (qui) sont sans doute miniatures pour respecter ce côté miniature des fonds de tableaux. Tout d’un coup, je suis en train d’y penser (…) En général, quand on fait quelque chose, pour que ce soit bien, il faut que ce soit plus fort que soi, c’est-à-dire complètement inconscient, et c’est exactement ce qui m’a fait photographier l’Italie. »
« Plossu – Granet, Italia Discreta » au Musée Granet, Pl. Saint-Jean de Malte, 13100 Aix-en-Provence, dans le cadre du Grand-Arles Express, jusqu’au 28 août 2022.
Plossu – Granet, Italia Discreta est publié par les Éditions Filigranes et le Musée Granet, 192 pages, 29€.
François-Marius Granet, Vue du torrent de Santa Scolastica sur le chemin de San Benedetto Subiaco, musée Granet, Aix-en-Provence © Claude Almodovar / Musée Granet, Ville d’Aix-en-Provence.
Bernard Plossu, Barga, Toscane, 2009, collection particulière. © Bernard Plossu.

Ce samedi 16 juillet 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

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