Posts Tagged ‘Josep Colom

Le tout simple bonheur de la surprise de la joie de la musique à son meilleur : des enthousiasmes purs à partager à ressentir…

15juil

Ici, et ce lundi matin, je désire simplement mettre en exergue la petite conclusion de mon article d’hier «  » , en l’isolant de ce qui l’a amenée, afin de la mettre bien valeur, rien que pour elle-même :

Oui, la musique _ tout simplement fredonnée spontanément sous la douche, tout comme enregistrée au concert ou sur CD, et surprise au vol à la radio (et je repense ici à l’épisode magnifique (!) de ces morceaux enchanteurs, des Sonatas en deux mouvements, de Manuel Blasco de Nebra (Séville, 2 mai 1750 – Séville, 12 septembre 1784) interprétés par Josep Colom entendus au vol sur mon auto-radio (sur France-Musique) en 1995 quand je me rendais au petit matin à mon travail sans avoir pu percevoir-identifier alors le nom de ce compositeur singulier, à nul autre semblable (ni Scarlatti, ni Boccherini, ni CPE Bach, ni Mozart, ni Haydn, ni Mendelssohn…) … ; des extraits, et je ne l’ai découvert, après recherche un peu difficile, qu’ensuite, du CD Mandala MAN 4847 « M. Blasco de Nebra – Pièces pour clavier « , enregistré à Paris en 1995 par le toujours parfait Josep Colom : écoutez cette merveille ici ! ; un CD qui, une fois commandé, reçu et adoré (!), est devenu ensuite, après le partage de mon enthousiasme avec Vincent Dourthe, le disquaire à l’oreille si fine et si mélomane, un des CDs best-sellers du rayon Musique de ma chère librairie Mollat, à Bordeaux ! quelle aventure !.. ; cf le détail du récit jubilatoire de mon article en temps de Covid, le 10 avril 2020 : «  « …), ou bien passée et repassée infiniment sans jamais se lasser sur sa platine… _ peut accompagner en beauté immédiate et profonde le moindre chapitre et le plus simple moment de nos diverses vies, pour nous faire à notre tour recevoir et ressentir à partager _ quelle chance ! _ un peu ou beaucoup de sa foncière et parfois sublime joie…

Merci l’artiste !

Ce lundi 15 juillet 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

Les merveilleuses trouvailles des soldes de CDs (suite) : le saisissant double CD Tacet 131 des « Préludes pour piano » de Claude Debussy par Evgeni Koroliov

14juil

Et maintenant voici le saisissant double CD Tacet 131 des « Préludes pour piano » de Claude Debussy par Evgeni Koroliov _ enregistrés à Oslo aux mois de mai et octobre 2003 _, publié par Tacet en 2004 : écoutez-ici

Sur ce double CD, j’ai retrouvé un article plutôt sévère de Pierre-Jean Tribot, publié sur le site de ResMusica le 26 mai 2005, intitulé « Evgeni Koroliov, du Debussy monacal » :

Evgeni Koroliov, du Debussy monacal

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Formé par la solide école russe d’Anna Artobolewkaya mais aussi conseillé par les légendaires Heinrich Neuhaus et Maria Youdina, le pianiste moscovite s’est imposé comme un artiste discret mais dont chaque disque mérite une attention particulière _ en effet. Fortement attaché à l’œuvre de Bach, son Clavier bien tempéré et son Art de la Fugue, de très haute tenue, lui ont valu une reconnaissance internationale. Le compositeur György Ligeti considérant même son Art de la fugue comme le disque à emporter sur l’île déserte. On attendait donc avec intérêt sa lecture d’un tel monument de la littérature pianistique que les Préludes de .

L’approche est hautement personnelle, sans aucune concession à la facilité et à l’esthétisme. Le ton est à l’économie de moyen tout en respectant scrupuleusement les indications du compositeur, mais sans tomber dans une aridité hors sujet. Cependant force est de constater que dans Debussy, ce n’est pas particulièrement convaincant  _ pour Pierre-Jean Tribot. Certaines pièces de ces deux livres pêchent par un manque de sensualité (défaut particulièrement marquant pour Danseuses de Delphes et Brouillard qui nous font craindre le pire pour cet album). Heureusement le pianiste réussit beaucoup mieux certaines pièces plus techniques où il faut plus de puissance : la Danse de Puck et Général Lavine-exentric s’avèrent très efficaces. Cependant, il manque à cette intégrale une sensualité ou une rigueur à la Robert Casadesus pour transcender ces œuvres. Nous resterons donc fidèles à nos nombreuses références habituelles : Michelangeli, Arrau, Crossley, Kocsis, Pollini, Zimmerman, Casadesus et Février, tout en reconnaissant la probité _ voilà _ de l’approche ascétique de Koroliov.

La curiosité du disque réside dans l’enregistrement en première mondiale d’un vingt-cinquième prélude. Prévu dès l’écriture du cycle, cette pièce intitulée les soirs illuminés par le charbon et dédiée au marchand de charbon Tronquin est apparue en 2001 lors d’une vente aux enchères. Pendant 85 ans, la partition resta la propriété de cette famille dont l’ancêtre avait fourni du charbon de chauffage au compositeur. Cette œuvre dont le titre est tiré du poème le balcon de Charles Baudelaire, fait écho au quatrième prélude du premier livre où une autre citation du poète caractérise l’atmosphère de la pièce : les sons et les parfums tournent dans l’air du soir. Peu de commentaires à faire sur cette pièce qui prolonge la magie debussyste.

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Claude Debussy (1862-1918) : Préludes (Livres I et II), Les soirs illuminés par l’ardeur du charbon.

Evgeni Koroliov, piano.

2 CDS « The Koroliov series Vol. VII » Tacet 131.

Enregistré à Oslo en mai et octobre 2003.

Notice en français, anglais et allemand.

Durée : 86, 41mn.

Ainsi qu’un bien plus empathique entretien intitulé « Evgeni Koroliov, discret magicien du piano« ,

paru sur ResMusica en date du 22 juin 2015 :

Evgeni Koroliov, discret magicien du piano

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Primé dans la catégorie récital instrumental des International Classical Music Awards 2015, le pianiste est l’un des artistes les plus indispensables _ probablement, oui _ de notre époque. Loin de la médiatisation, il construit une discographie exceptionnelle (Tacet) _ oui ! _ dont Schubert est la plus récente étape.

Koroliov-Stephan_wallocha«  Je veux qu’ils se rendent compte qu’il n’y a rien de mieux que la musique dans le monde ; ils doivent être heureux de pouvoir vivre avec elle, quelle que soit leur position : pianiste de concert ou professeur dans une petite école de musique. »

ICMA :  Comment êtes-vous venu au piano ? Etes-vous issu d’une famille de musiciens ? 

 : Non pas du tout ! Mais quand j’étais petit, il était de coutume en Russie d’apprendre la musique aux enfants. Mes deux frères aînés ont commencé à apprendre le piano et ils ont abandonné très vite. Mais je me rappelais les mélodies et je voulais les jouer. C’est ainsi que je suis devenu pianiste.

ICMA :  Il y a-t-il eu dans votre enfance une expérience musicale particulière qui vous a fait dire « Oui, c’est cela que je veux faire dans ma vie » ?

EK : Oui, les œuvres de Bach, Mozart ou Schubert me touchaient énormément, même les petites pièces que j’étais en mesure de jouer. Et, plus important encore, je me suis mis très jeune à composer, cela me motivait beaucoup. Je ne me sentais pas destiné à être pianiste mais plutôt compositeur. La vie en a décidé autrement.

ICMA : Y-a-t-il eu dans votre enfance un concert par l’un des grands pianistes ou chefs que vous avez ressenti comme une forte expérience ?

EK : Je me souviens très bien d’un concert avec le célèbre chef français . Le violoniste a, lui aussi, toujours été une lumière pour moi. Un autre moment très important fut une rencontre avec dans la petite salle du Conservatoire Tchaïkovski. Il a joué trois pièces de l’ « Art de la fugue » qui m’ont beaucoup influencé.

ICMA : A 17 ans, vous avez joué le « Clavier bien tempéré » en concert. C’était rare à l’époque. Comment avez-vous eu cette idée ?

EK : Je me suis toujours senti attiré par cette musique et l’expérience des trois pièces de l’ «Art de la fugue » dont je viens de parler m’a tellement inspiré que je jouais Bach avec beaucoup d’amour et d’intérêt. Cela ne me semblait pas difficile, c’était tout simplement un plaisir. Et je ne me suis jamais inquiété de savoir si cela plairait au public _ bravo !

ICMA : Était-ce un public d’experts, ou des habitués des récitals ?

..;

EK : A cette époque, le public de Moscou était très, très bon. Il y avait un grand nombre d’amateurs de musique et ce n’était pas un problème, même de jouer Bach …

..;

ICMA : On ne jouait pas beaucoup le répertoire baroque en Russie. Peu de pianistes jouaient ces œuvres en concert. et occupaient à ce titre une position unique…

EK : Exactement! J’ai travaillé quelques heures en privé avec . Elle adorait Bach, le jouait très bien mais de façon non conventionnelle. A cette époque, on ne parlait pas encore d’ « interprétation historiquement authentique ». Et Bach au piano, ce n’est pas « authentique »… c’est clair.

ICMA : Était-ce pour vous une raison de jouer Bach au clavecin ou au clavicorde ?

EK : Oui ! Mais je n’ai jamais été très friand du clavecin. Par contre, le clavicorde est mon instrument de prédilection _ tiens, tiens… Mais il ne convient pas pour les concerts, car c’est un instrument très calme, très très calme _ de peu d’amplitude sonore. C’était aussi l’instrumentent préféré de J-S Bach…

ICMA : Quel rôle joue l’instrument pour un pianiste ? Pouvez-vous comprendre que ou voyagent avec leur Steinway ? 

EK : Oui, c’est très bien si vous pouvez vous le permettre. Mais de toute façon, je ne pense pas que je puisse faire quelque chose de parfait en concert _ ni non plus à l’enregistrement discographieue… Personnellement, j’essaie autant que possible de compenser les inconvénients de l’instrument par mon oreille et mon expérience. L’essentiel est de rester concentré _ et c’est fondamental. Finalement, c’est l’attitude face à la musique qui est décisive _ voilà.

ICMA : Quelles sont les qualités essentielles d’un piano à queue ?

EK : Un bon instrument chante… Mais restons réalistes: je suis déjà heureux si la deuxième octave sonne bien. Il y a cinquante ans d’ici je jouais des instruments où la troisième octave chantait encore…

ICMA : Vous avez enseigné pendant de nombreuses années à Hambourg. Les étudiants  ont-ils aujourd’hui une vision différente de ce que signifie « être pianiste » ?

EK : Difficile à dire! Tout est si différent d’une personne à l’autre. Je crois que les musiciens de la génération actuelle ont une réflexion beaucoup plus pratique _ et utilitariste. Ils doivent maîtriser des enregistrements, le monde des concerts… et vous devez obtenir ce qu’ils veulent faire. Ce qui n’est vraiment pas facile à notre époque ! Cela nécessite beaucoup d’énergie.

ICMA : Que dites-vous à vos élèves à ce propos ?

EK : Je veux qu’ils se rendent compte qu’il n’y a rien de mieux _ probablement, en effet ! _ que la musique dans le monde ; ils doivent être heureux de pouvoir vivre avec elle _ voilà ! En sa compagnie amicale ou amoureuse quotidienne : sans bla-bla mensonger intéressé… _, quelle que soit leur position : pianiste de concert ou professeur dans une petite école de musique _ et même aussi fervent mélomane…

ICMA : Au regard du résultat artistique, préférez-vous les enregistrements en salle de concert ou en studio ?

EK : Je suis toujours un peu insatisfait tant après un concert qu’après un enregistrement _ voilà. À cet égard, je ne fais aucune différence.

ICMA : Que signifie pour vous d’avoir reçu un Prix international de Musique Classique ?

EK : Cela m’est très agréable et me rend hommage, mais, en fait, je n’ai pas le sens des honneurs très développé _ un grand bienfait pour l’interprète : la reconnaissance donnée l’est le plus souvent pour de très mauvaises raisons….

ICMA : Quelles sont vos passions, outre la musique ?

EK : Il y en a beaucoup : la peinture, l’architecture, la poésie, la littérature. Auparavant, je jouais beaucoup aux échecs, mais aujourd’hui je n’en ai plus le temps et je n’ai plus de bon partenaire. Mais j’achète encore de revues d’échecs et je les lis, c’est ce qui me reste…

ICMA : Comment voyez-vous l’avenir de la musique classique dans les dix prochaines années?

EK : Je prédis un avenir pas très brillant. Les années à venir seront très difficiles, et cela n’a rien à voir avec notre musique mais avec le développement de la culture en général _ hélas, hélas ! _, un mouvement que nous ne pouvons arrêter. Je pense, et quelques musiciens pensent comme moi, que nous avons besoin de construire une « culture de catacombe », pour passer le temps en quelque sorte, tout comme l’ont fait les moines irlandais à l’âge des ténèbres pour ne pas laisser la culture descendre au plus bas _ oui, résister toujours, toujours, comme l’on peut, sans rien abandonner du moindre cran.

Propos recueillis par Isabel Roth, et Martin Hoffmeister. Rédaction de l’article par . Traduction de l’allemand par Bernadette Beyne.

Crédit photographique : © Stephan Wallocha

Pour ma modeste part,

j’ai consacré deux articles sur ce blog « En cherchant bien » au double CD Tacet 256 de la collection des merveilleux « Intermezzi » de Johannes Brahms interprétés par Evgeni Koroliov _ enregistrés à Berlin en février et octobre 2018 et février 2019 _ :

_ l’article du 15 septembre 2019 : «  » ;

_ et l’article du 15 octobre 2019 : « « .

« Spécificité« , « Singularité« , disais-je déjà alors, en 2019, du jeu d’Evgeni Koroliov :

oui, le jeu musical d’Evgeni Koroliov me parle vraiment ; et à ma modeste place d’écouteur, je dialogue avec lui.

De même que lui dialogue vraiment aussi, principiellement, avec les compositeurs qu’il interprète ; il n’est en rien un simple rouleau mécanique débitant la partition…

Une ultime remarque, de ma part _ de moi qui ne suis pas musicien, mais seulement mélomane un peu passionné... _, à propos de la fondamentale affirmation d’Evgeni Koroliov en son entretien « Evgeni Koroliov, discret magicien du piano » de 2015 :

« il n’y a rien de mieux que la musique dans le monde ; ils doivent être heureux de pouvoir vivre avec elle » :

en effet, cette affirmation _ sur la capacité infinie de bonheur de vivre avec de la musique _, moi qui ne suis pas musicien _ et pas non plus vraiment musicologue, sinon dans les marges contextuelles de celle-ci (cf mes deux contributions au colloque, au Palazzetto Bru-Zane à Venise, le 19 février 2011, « Lucien Durosoir, un compositeur moderne né romantique » : «  » et « La poésie inspiratrice de l’œuvre musical de Lucien Durosoir : Romantiques, Symbolistes, Parnassiens, Modernes«  _, je la partage pleinement, et de plus en plus fortement à mon âge, en ma soixante-dix-septième année de vie.

Bien sûr, toutes les musiques sont loin, très loin, de se valoir, s’équivaloir ; il existe, et en nombre infini, de pauvres musiquettes, ainsi que des flopées de musiques bavardes, ou seulement fonctionnelles ou bassement utilitaires…

Cependant, et chacune en son genre, depuis les musiques non notées, transmises par la seule performance d’interprètes très souvent non savants et non professionnels, peut tout à fait constituer, en son éventuelle naïveté, un sublime chef d’œuvre, quand elle est à son meilleur, et à son meilleur d’interprétation, jusque sur un coin de rue, et pas dans une salle de concert ;

telles ces musiques que nous disons « populaires » que Bartok et Kodaly _ et bien d’autres… _ sont allés rechercher collecter, écouter, capter, et noter, eux, sur papier, dans les campagnes et montagnes profondes de Transylvanie, ou partout de par le vaste monde, pour que puissent se poursuivre la transmission et le partage _ la joie ressentie ! _ des merveilles de celles-ci…

Oui, la musique _ tout simplement fredonnée spontanément sous la douche, tout comme enregistrée au concert ou sur CD, et surprise au vol à la radio (et je repense ici à l’épisode magnifique (!) de ces morceaux enchanteurs de Manuel Blasco de Nebra (1730 – 1784) interprétés par Josep Colom entendus au vol sur mon auto-radio (sur France-Musique) en 1995 quand je me rendais au petit matin à mon travail sans avoir pu percevoir-identifier alors le nom de ce compositeur singulier, à nul autre semblable (ni Scarlatti, ni Boccherini, ni CPE Bach, ni Mozart, ni Haydn, ni Mendelssohn…) … ; des extraits, et je ne l’ai découvert, après recherche un peu difficile, qu’ensuite, du CD Mandala MAN 4847 « M. Blasco de Nebra – Pièces pour clavier« , enregistré à Paris en 1995 par le toujours parfait Josep Colom : écoutez cette merveille ici ! ; un CD qui, une fois commandé, reçu et adoré (!), est devenu ensuite, après le partage de mon enthousiasme avec Vincent Dourthe, le disquaire à l’oreille si fine et si mélomane, un des CDs best-sellers du rayon Musique de ma chère librairie Mollat, à Bordeaux ! quelle aventure !.. ; cf le détail du récit jubilatoire de mon article en temps de Covid, le 10 avril 2020 : « « …), ou bien passée et repassée infiniment sans jamais se lasser sur sa platine… _ peut accompagner en beauté immédiate et profonde le moindre chapitre et le plus simple moment de nos diverses vies, pour nous faire à notre tour recevoir et ressentir à partager _ quelle chance ! _ un peu ou beaucoup de sa foncière et parfois sublime joie…

Merci l’artiste !

Ce dimanche 14 juillet 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

Francesco Piemontesi une fois encore au sommet : en un magistral double album Pentatone « Liszt Transcendantal Etudes & Piano Sonata » _ ou la perfection de l’interprétation la plus subtilement incarnée d’un immense compositeur…

19sept

Le merveilleux pianiste Francesco Piemontesi _ né à Locarno le 7 juillet 1983  _ nous conduit à nouveau au sommet en un magique magistral double album Pentatone PTC 5187 052 « Liszt Transcendantal Etudes & Piano Sonata« , enregistré à Lugano en avril-mai 2021,

et tout juste paru le 1er septembre dernier…

Les titres de mes 6 précédents articles sur le génie _ mais oui ! _ d’interprétation de Francesco Piemontesi témoignent de ma constante superlative admiration pour son piano, dans Mozart, Schubert, comme Liszt _ et aussi Debussy _ :

_ le 26 décembre 2018 : «  » ;

_ Le 6 juin 2019 : «  » ;

_ le 27 juin 2019 : «  » ;

_ le 25 septembre 2019 : «  » ;

_ le 29 octobre 2019 : «  » ;

_ et le 24 octobre 2020 : «  » ;

C’est l’article de Jean Lacroix, très justement intitulé « Franz Liszt et Francesco Piemontesi : des affinités qui coulent de source« , paru avant-hier 17 septembre, sur le site de Crescendo, qui m’a appris l’existence _ ignorée jusqu’alors ! _ de ce double CD publié par l’excellent label Pentatone ; et m’a fait me précipiter chez mon disquaire préféré  pour me le procurer _ ce double CD « Liszt – Transcendantal Etudes & Piano Sonata – Francesco Piemontesi«  du label Pentatone, d’ailleurs, ne se trouvait pas sur la table des nouveautés, mais était tout simplement rangé, et en tête, sur une étagère au rayon « Liszt«  ; je n’ai donc pas eu de peine à le dénicher…

Voici donc cet article efficace et très juste, « Franz Liszt et Francesco Piemontesi : des affinités qui coulent de source« , de Jean Lacroix :

Franz Liszt et Francesco Piemontesi : des affinités qui coulent de source

LE 17 SEPTEMBRE 2023 par Jean Lacroix

Franz Liszt (1811-1886) :

Études d’exécution transcendante S. 139 ; Sonate pour piano en si mineur S. 178.

Francesco Piemontesi, piano. 2021.

Notice en anglais et en allemand.

96.00.

Un album de deux CD Pentatone PTC 5187 052.

Depuis sa troisième place au Concours Reine Elisabeth 2007, remporté cette année-là par Anna Vinnitskaya, le pianiste suisse Francesco Piemontesi (°1983) a fait son chemin, ô combien ! Né à Locarno, il a étudié à Hanovre avec Arie Vardi, mais a aussi pu travailler avec Alfred Brendel, Murray Perahia ou Alexis Weissenberg. Crescendo a suivi son parcours de façon régulière (lire l’entretien avec Pierre-Jean Tribot du 21 octobre 2020 _ publié sous le titre « Francesco Piemontesi, pianiste réflexif et discophile« … _). Piemontesi a enregistré pour plusieurs labels (Avanti, Naïve, Claves), notamment des pages de Mozart, Debussy, Dvořak ou Schumann. Pour Pentatone, il a gravé des œuvres de Schubert, un « Bach Nostalghia », ou un programme qui regroupait Schoenberg, Messiaen et Ravel. Avec ce dernier label, il prolonge son exploration du répertoire de Liszt, entamée avec brio pour Orfeo en 2017 _ cf mes propres articles des 26 décembre 2018 et 6 et 27 juin 2019 auxquels je viens de donner ci-dessus les liens… _ par les deux premières Années de pèlerinage et Deux Légendes, deux albums élégants agrémentés par des DVD, dont un documentaire aux superbes images, signé par Bruno Monsaingeon. Le nouveau programme Pentatone est non seulement alléchant, il est aussi audacieux.

La genèse des Études d’exécution transcendante s’étend sur près de vingt-cinq ans, cinq lustres au cours desquels, au fil du temps, Liszt a creusé la technique, fait des choix et insisté sur le développement. La vision aboutit en 1851 à un résultat fascinant : ces douze pages sont devenues un redoutable exercice de virtuosité, nourri du bagage littéraire et poétique que le génie hongrois du piano a accumulé. Tout ici est de haut vol _ et pas seulementent l’exécution qu’a en donner l’interprète… _, des frénétiques et mystérieux Feux follets (n° 5), à une valeureuse Chasse sauvage (n° 8) aux rythmes syncopés, ou encore, aux Harmonies du soir (n° 11). C’est l’étude la plus célèbre du recueil, une véritable incarnation poétique remplie de paix, de bonheur spirituel, de cohérence contemplative qui fait penser à la plénitude lamartinienne ; une musique d’une grande pureté _ voilà. On n’oubliera pas non plus la quatrième étude, Mazeppa, dédicacée à Victor Hugo, magistrale _ oui _ évocation d’un poème des Orientales ; très dramatique, c’est la substance du futur poème symphonique du même titre, et d’une version pour deux pianos et à quatre mains. Avant la découverte de l’ensemble sous les doigts de Piemontesi, il faut aller en plage 11 du premier disque et s’enivrer de ces Harmonies du soir pour se persuader que le pianiste suisse, technicien impeccable, possède le sens de la couleur, la fluidité des accents habités, l’élégance généreuse et la capacité expressive, le tout mêlé à une concentration de jeu phénoménale _ tout cela est de la plus haute justesse.

En 1964, lorsqu’il écrivait sa biographie sur Liszt pour les éditions Seghers (n° 5 de la collection « Musiciens de tous les temps »), Alfred Leroy avait souligné à quel point les Études d’exécution transcendante sont redoutables pour ceux qui s’affrontent à ce monument d’une durée dépassant l’heure : Elles doivent être exécutées avec un art fait de sensibilité, de nuances, de demi-teintes habilement ménagées, de grandioses orchestrations et de colorations délicates. Point d’acrobaties spectaculaires et vaines, point d’inutiles et fausses apparences, mais une pénétration de tout ce que ces Études enclosent de raffinement et de subtilité _ oui. À cette ligne directrice, qui convient tout à fait _ parfaitement _ à la vision de Piemontesi, le musicologue aurait pu ajouter, s’il avait connu le Suisse, des qualités qui sont les siennes : l’art des contrastes qui apparaît dès le Prélude et le Molto vivace qui suit, le dépouillement tendre ou rêveur _ c’est là un trait de jeu très présent chez ce subtil et magistral interprète _ qui parcourt le Paysage (n° 3) ou la Vision (n° 6), l’atmosphère entre ombre et lumières, proche de l’improvisation _ oui _, qui saupoudre la Ricordanza (n° 9). Piemontesi invite l’auditeur à un parcours exaltant, avec un piano très présent, capté à Lugano au printemps 2021 dans l’Auditorium Stelio Molo de la Radio Suisse Italienne (RSI). Lorsque le voyage s’achève sur le Chasse-neige, ce tableau d’un lyrisme si parfait qui marque la fin d’une aventure vécue intensément avec un artiste à la sensibilité épanouie _ oui ! _, on éprouve une vraie tristesse à le quitter… On n’oublie pas les versions déjà historiques de Claudio Arrau, Lazar Berman, Alfred Brendel ou György Cziffra, pour ne citer qu’elles, ni des signatures plus récentes, celles de Bertrand Chamayou, Marie-Claire Le Guay, Vesselin Stanev ou Gabriel Stern. Mais la vision de Francesco Piemontesi ne peut que susciter d’absolus éloges _ parfaitement ! Notre plaisir d’écoute est de cette hauteur d’intimité et grandeur à la fois…

Autre monument, autre réussite, la Sonate en si mineur, achevée à Weimar le 2 février 1853, qui occupe seule le deuxième disque _ écouter et regarder aussi cette superbe prise vidéo (d’une durée de 29′ 35) de Francesco Piemontesi interprétant cette célèbre Sonate en si mineur en concert à Prague le 1er novembre 2020, au magnifique Rudolfinum ; le double CD Pentatone, lui, a été enregistré, 6 mois plus tard, à l’Auditorio Stelio Molo de la Radiotelevisione Svizzera (RSI) à Lugano en avril et mai 2021… La dimension introvertie _ assez stupéfiante ! _ avec laquelle Piemontesi entame _ et l’oreille et le goût doivent aussitôt s’y adapter !.. _ ce long propos met en place une architecture qui va peu à peu _ oui _ installer un climat où la virtuosité, la véhémence, la dynamique et la netteté _ elle est très importante, et m’enchante dans le jeu d’interprète ultra-exigeant envers le respect le plus grand de la partition qui est celui de Francesco Piemontesi… _ vont s’imposer. Cette musique à couper le souffle _ en effet _ prend sous les doigts du pianiste suisse un caractère qui allie la sidérante beauté plastique _ voilà _ imaginée par le génie lisztien à une tension qui ne se relâche pas _ voilà. Ce piano peut se nimber d’une grande pudeur _ oui, et tendresse _, comme se réclamer d’un appel à une dimension grandiose _ vers le sublime _ au sein de laquelle la démesure _ aussi _ se laisse libre cours. Mais Piemontesi n’oublie jamais, et c’est en cela qu’il nous séduit, de veiller à conserver une sonorité qui sait combiner le murmure (Andante sostenuto) à une intense réflexion _ oui. Il manie les plans sonores avec une habile science des contrastes _ jamais artificielle ni poussée _ et une noble sensibilité _ c’est essentiel ! _, qui va conclure la sonate comme si elle s’effaçait, à la manière d’un baisser de rideau.

Ici aussi, la discographie est riche. On chérit les grandes réussites d’Argerich, Arrau, Brendel, Cziffra, Horowitz et ses sorcelleries, Pogorelich, Pollini, Richter, Rubinstein trop oublié, Zimerman… Mais on s’attarde aussi à de plus proches de nous : Colom _ cet immense pianiste catalan que j’apprécie énormément (c’est lui qui, en 1995, m’a fait découvrir et adorer la merveilleuse musique à nulle autre pareille de Manuel Blasco de Nebra ; et écouter un Mompou aussi beau qu’interprété par Federico Mompou lui-même : cf notamment mon article « «  du 23 avril 2022…) _, Dalberto, Grosvenor, Hamelin, Hough ou Yundi Li. Francesco Piemontesi rejoint cette pléiade qualitative en servant _ voilà ! _ Liszt avec toute la passion et la grandeur qu’il mérite. Pour la petite histoire, on signalera que la notice de ce superbe _ oui, oui, oui _ double album est signée par Nike Wagner, arrière-arrière-petite-fille de Liszt et fille de Wieland Wagner _ en effet.

Son : 9  Notice : 7  Répertoire : 10  Interprétation : 10

Jean Lacroix

À nouveau,

une merveilleuse et indispensable réalisation discographique du décidément parfait, chaque fois, Francesco Piemontesi.

Ce mardi 19 septembre 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Le trésor singulier de la brillante réussite de Stephen Hough dans l’intimissime sublimissime « Musica callada », un des chefs d’oeuvre les plus marquants du XXème siècle musical, de Federico Mompou…

04juil

Ce jeudi 4 juillet 2023,

l’article « Chants magnétiques » de Jean-Charles Hoffelé _ qui a étrangement un peu tardé à se pencher sur ce nouveau CD Mompou de Stephen Hough… _ vient remettre le focus sur une des plus épatantissimes réussites d’interprétation discographique de ces derniers mois :

le CD « Musica callada » de Stephen Hough, soit le CD Hyperion CDA 68362,

sur lequel je me suis penché au moins à deux reprises, le 11 février et le 21 mars derniers,

en mes articles « « 

et « « …

Cette « Musica callada » de Federico Mompou,

un sublimissime chef d’œuvre d’intimité musicale époustouflant, une des plus extraordinaires musiques du XXième siècle, en sa stupéfiante éblouissante singularité…

Avec la qualité d’écoute, puis de riche dialogue, qu’elle réclame aussi de l’auditeur…

Voici donc cet article _ un peu tardif tout de même… _ de Jean-Charles Hoffelé, à l’oreille pourtant assez bien affutée :


CHANTS MAGNÉTIQUES

Musique du silence, plutôt que musique silencieuse _ bien sûr : minimale en ses moyens, maximale en ses effets poétiques sublimes… Dès le bruissement d’ailes dorées de l’Angelico qui ouvre le Livre de 1959 (et donc tout le cycle écrit sur presque dix ans _ en effet _), Stephen Hough ouvre la porte mystique que désignent les fragments de chansons catalanes, les esquisses brisées de rythmes de sardanes : música callada, música catalana, le pianiste anglais sait, depuis sa prodigieuse relecture des Canciónes y Danzas, Charmes et autres Paisajes, que le silence chez Mompou est la manifestation de la _ plus haute, sublime _ spiritualité.

Un peu plus d’un quart de siècle séparent les deux albums, c’est peu dire que Stephen Hough aura pris le temps de se perdre et de se trouver dans ces effleurements de notes, dans cet hypnotique labyrinthe de songes éveillés.

Il se garde bien comme tant d’autres d’en réduire jusqu’à l’abstraction, jusqu’à la blancheur ces presque-riens où s’impose le souvenir des Préludes les plus murmurés de Debussy.

Son piano prône le plein _ oui : de sens… _ jusque dans le quasi silence, la profondeur dans l’immatériel, et joue des timbres comme de ceux d’un gamelan lointain. Fascinant, et si différent _ en effet : une lecture très singulière, mais parfaitement juste, elle aussi (après Mompou lui-même, ainsi que cet autre catalan qu’est Josep Colom), en sa singularité… _ de tout ce qu’on y aura tenté, peut–être l’un de ses plus grands disques, écoutez seulement _ très judicieux conseil !

LE DISQUE DU JOUR

Federico Mompou
(1893-1987)


Música callada (Intégrale)

Stephen Hough, piano

Un album du label Hypérion CDA68362

Photo à la une : le pianiste Stephen Hough – Photo : © Andrew Crowley

Revenir donc à l’écoute de cette superbissime interprétation par le pianiste anglais de ce chef d’œuvre absolu du catalan Mompou…

Ce mardi 4 juillet 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

A nouveau à propos de la « Musica callada » de Federico Mompou par Stephen Hough, un très détaillé et judicieux point de vue pour une splendide réussite discographique, et un CD nécessaire, après et avec ceux de Federico Mompou lui-même et la magnifique Josep Colom (le re-découvreur-interprète de l’extraordinaire Manuel Blasco de Nebra)…

21mar

À nouveau à propos de la sublime « Musica callada » de Federico Mompou interprétée ici par Stephen Hough _ soit le récent CD Hyperion CDA68362 _,

et suite à mes deux articles des 11 février «  » et 15 février derniers, 2023, « « ,

voici ce jour un très détaillé et judicieux point de vue de Jean Lacroix, paru hier lundi 20 mars sur le site de Crescendo, intitulé « Les sonorités de l’évaporation pour la Musica callada » :

Les sonorités de l’évaporation pour la Música callada 

LE 20 MARS 2023 par Jean Lacroix

Federico Mompou (1893-1987) : Música callada. Stephen Hough, piano. 2020. Notice en anglais, en français et en allemand. 68.40. Hyperion CDA68362.

Il est assez difficile de traduire et d’exprimer le vrai sens de Música Callada dans une langue autre que l’espagnol. Le grand poète mystique, san Juan de la Cruz, chante dans une de ses plus belles poésies : la música callada, la soledad sonora, cherchant à exprimer ainsi l’idée d’une musique qui serait la voix même du silence _ voilà. La musique gardant pour soi sa voix callada, c’est-à-dire qui « se tait » _ tue _ pendant que la solitude se fait musique. Ces propos de Federico Mompou _ i Dencausse (c’est là le nom de sa mère), Barcelone, 16 avril 1893 – Barcelone, 30 juin 1987 _ sont cités par Jérôme Bastianelli dans la biographie qu’il consacre au compositeur barcelonais (Actes Sud, 2021, p. 129 – nous avons présenté ce livre le 4 mai 2021). Ces quatre cahiers pour piano, dont la composition s’étend de 1951 à 1967, inspirés donc par les écrits de saint Jean de la Croix, sont une expérience esthétique à la fois spirituelle, pour ne pas dire métaphysique, mais surtout destinée, toujours selon les dires de leur créateur, à pénétrer les grandes profondeurs de notre âme. C’est en tout cas un motif de fascination, un modèle de simplicité austère _ sobre, minimale _ et chaleureuse en même temps, qui plonge l’auditeur dans un univers où l’économie de moyens est d’une rare efficacité.

Les interprètes qui se sont penchés sur la partition ont bien compris la portée de ces miniatures, dont la durée ne dépasse jamais les quatre minutes, la plus courte, la huitième du premier « cuaderno », Semplice, se contentant même de quarante-cinq secondes. Si la dédicataire du quatrième cahier, Alicia de Larrocha, n’a laissé que ce témoignage partiel pour Decca, si Arcadi Volodos _ un interprète qui ne m’agrée pas : ni sobre, ni chaleureux… _ n’a gravé que des extraits de l’ensemble (Sony, 2018), d’autres se sont lancés dans l’intégrale, souvent avec bonheur. C’est le cas de Remei Cortes Ayats (Pavane, 2002), Jordi Masó (Naxos, 2002), Josep Colom (Mandala, 2002) _ parfait ! Et c’est Josep Colom qui m’a fait découvrir (et largement partager !) cet extraordinaire compositeur qu’est Manuel Blasco de Nebra (Séville, 2 mai 1750 – Séville, 12 septembre 1784) avec son prodigieux CD Mandala 4847 : écoutez ici ! ; cf mon article du 10 avril 2020 : « «  _, Martin Jones (Nimbus, 2004), Steffen Schleiermacher (MDG, 2013) ou Lily Gregorian (Orchid Classics, 2021). Récemment, notre compatriote Thérèse Malengreau (Soupir, 2022) a prouvé son affinité profonde avec Mompou. Jean-François Heisser en a fait un audio-livre pour Actes Sud en 2013, d’une superbe tenue. Quant au compositeur _ LA référence, forcément : magnifique !.. _, il a lui-même enregistré sa version en 1974, dans un style librement contemplatif et proche de l’improvisation _ comme cela doit être toujours, et sans nulle exception, jamais, le cas…. On la retrouve dans un _ indispensable _ coffret Brilliant de 4 CD (2009) qui contient, sous ses doigts, ses œuvres complètes pour piano.

Le pianiste britannique Stephen Hough (°1961) a déjà enregistré un album de Mompou, salué par la critique, contenant une variété de petites pièces. C’était en 1997 ; près de vingt-cinq ans plus tard, à Londres, du 22 au 24 octobre 2020, il s’est penché sur les quatre cahiers de Música callada. On connaît les qualités stylistiques de ce défricheur de pages peu fréquentées, son souci de clarté _ oui _ et sa capacité à créer des univers adaptés aux spécificités _ voilà, les idiosyncrasies… _ des compositeurs qu’il aborde. Dans la notice signée par le critique musical Philip Clark, ce dernier rappelle que Stephen Hough a, un jour, évoqué les sonorités de Mompou comme représentant « la musique de l’évaporation », jolie formule qui définit bien l’essence créative de cet univers ibérique _ catalan, en fait ! lui dont la mère était bigourdane, sur l’autre versant des Pyrénées… _ très original, qui amène aussi à se poser la question suivante : comment devons-nous écouter une musique qui cherche désespérément à ne pas être là ? Le virtuose y répond de manière sensible, sans pathos, sans introspection déplacée _ comme de nécessaire ! _, sans écarter la part d’atmosphère mystique que l’on peut y déceler, mais avec pudeur et franche simplicité _ voilà, voilà ! _, dans un son souvent cristallin qui apporte de la lumière nuancée et du raffinement _ à la Cantico, ce chef d’œuvre (1936, 1944, 1951) du poète Jorge Guillen (Valladolid, 18 janvier 1893 – Malaga, 6 février 1984) ; rappelons que les 4 livres de Musica callada sont, eux, de 1959, 1962, 1965 et 1967 : Mompou (1893 – 1987) et Guillen (1893 – 1984) sont de très exacts contemporains… _, même dans les pages les plus émaciées.

Il faut s’imprégner des vingt-huit pièces de Música callada et de leur lecture par le guide à la fois secret et ouvert qu’est Stephen Hough. Il n’oublie pas qu’en ce qui concerne Mompou, on peut évoquer des réminiscences de Chopin, mais aussi le situer entre les univers d’Erik Satie et de John Cage _ ce que sait très discrètement faire Stephen Hough. Car le souci de la concision, qui va jusqu’à ce qui est inexprimé derrière la musique, ouvre les portes du silence qui est à l’intérieur même des notes. Il faudrait disséquer chaque feuillet de ce magnifique panorama pour saisir toute la richesse magnétique que Stephen Hough met en évidence _ oui. Citons en tout cas le premier, Angelico, qui installe le mystère, le troisième, Placide, où pointe une forme de gaieté, le cinquième, avec ses rappels des cloches de l’enfance, le septième, un Lento mélancolique ou le onzième, un Allegretto appuyé. Mais encore le quinzième, Lento. Plaintif, où Chopin est invité en filigrane, le dix-huitième, Luminoso, qui porte bien son nom, le vingt-deuxième, Molto lento e tranquillo, infiniment douloureux, ou le vingt-huitième, ce Lento qui clôt ces inclassables cahiers par une lumineuse percée d’espoir.

Stephen Hough signe une approche à la fois dense et épurée _ oui, moderne _, que chacun pourra appréhender selon sa propre sensibilité. C’est sans doute ce qui fait la qualité intrinsèque d’une interprétation qui se révèle pleine de questions en raison de la vie intérieure qui s’en dégage. Comme le dit Philip Clark, la musique n’a aucune emprise sur vous. À la place, elle force les auditeurs à réfléchir à leurs propres relations avec les sons, à la manière dont le son peut affecter leur propre solitude. Mais aussi, ajoutons-le, la part de secret et d’intimité qui est essentielle à chacun d’entre nous. Cet album, à marquer d’une pierre blanche _ oui : il a touché le mélomane fidèle que je suis et à Josep Colom, et à Federico Mompou lui-même… _, vient se placer tout en haut d’une riche discographie.

Son : 10  Notice : 10  Répertoire : 10  Interprétation : 10

Jean Lacroix

Un CD nécessaire.

Ce mardi 21 mars 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

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