Aux pages 60 à 62 se situe un chapitre intermédiaire _ c’est le septième d’un livre qui, en son « recueil« , en comptera finalement onze _ qui nous apprend que _ je cite ; et j’ajoute qu’à la page 9 une avertissante Note de l’éditeur nous prévenait, et c’est important pour l’architecture de ce livre, de ceci : « Certains de ces textes ont été publiés épars dans des revues, il y a longtemps ou non. Comme l’autrice ne se souvient pas toujours ni des circonstances ni des lieux de publication, considérons que les inédits et les autres se rejoignent dans un ordre qui en fait un recueil écrit aujourd’hui » : c’est en effet assez utile de le savoir, même si ça ne change pas grand chose à l’effet toujours sidérant et aussi admiratif que produit sur le lecteur ce nouvel opus d’Hélène Cixous, poursuivant, pour notre jubilation, l’exploration de sa toujours brûlante vivante veine à vif… _ :
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« Le livre voudrait _ le verbe est ici au conditionnel _ s’appeler Barricades _ et j’ignore encore, à ce stade prématuré de ma toute première lecture, pourquoi ce livre aura in fine un autre titre, comique, lui : « Et la mère pond vite un dernier œuf« …
C’est un amoncellement _défensif, en un épisode désordonné et improvisé de bric-et-de-broc, sur le champ, à la va-vite, de conflit violent face à des armes offensives potentiellement mortelles… _ de divers objets, matériaux, fragments d’expérience unis entassés-unis _ ajointés, « se rejoignant » dit l’éditeur, dans une même perspective poursuivie, et in fine « unie« , de regard… _ pour résister _ voilà ! _ à des assauts hostiles _
armée sans armement, sauf à l’édification de pyramides de résistances _ d’encre et de papier _ improvisées _ inévitablement et ludiquement, hic et nunc, là, sur le champ, avec lucidité visionnaire et formidable prestesse : quelles joies de surprises secouantes à jets continus, oui, de lecture à notre tour endiablée ! _,
des poèmes de street-art,
la lutte entre des vagues _ en assauts successifs _ de rage, qui se disputent l’idée d’honneur _ et de dignité d’humanité profonde cruellement attaquée.
Qu’est ce qui est le plus valeureux ? l’émeute, l’insurrection, la révolte, en haut de cet amas convulsif, nue sous un drapeau la révolution, au milieu un orchestre canon, tanks, chevaux, pêle-mêle _ à la Goya du « Dos de Mayo« , ou à la Delacroix de « La Liberté guidant le peuple« , ou encore, bien sûr, à la Hugo des « Misérables« , etc. _
monuments de rêve _ du « Rêvoir« … _
chateaux forts faibles _ de papier.
Ne vous étonnez pas
Que le Prologue soit situé ici, au milieu _ un peu incongru, certes, au regard des normes de l’édition, mais le jeu bondissant et constamment renouvelé de la fantaisie de l’écriture d’Hélène est inépuisable _ du chemin des barricades, ne vous étonnez pas, dis-je à mes petits-enfants _ comptant au premier rang de ceux à qui Hélène tient si puissamment à adresser son vital témoignage, pour quand aura passé ce qu’à, une occasion parmi d’autres, Annette Wieviorka a appelé « L’Ere du témoin« … ; car le témoin doit vitalement, chaque fois (cf ici le beau chapitre aussi, précédent, intitulé « Cérémonies », aux pages 51 à 59), être lui-même matériellement passé, transmis, donné, d’une main à une autre.
Une file de temps nous sépare. Ou raccorde _ on ajointe et on transmet donc. Cinquante ans _ 50 ans ? _ Bien plus. Disons plus d’un demi-siècle s’étend entre mon enfance _ entre 1937 et 1945, rue Philippe, à Oran _ et celle de mes petits-enfants comme celle de mes lecteurs ; et pas du tout le même demi-siècle ou siècle de part et d’autre.
Le mien est composé de tant de guerres, de ruines, d’extinctions de races, de royaumes, de divisions et convulsions de planètes ! Depuis ma naissance je ne me suis jamais sortie d’un état de mobilisation _ et c’est absolument capital pour bien saisir l’idiosyncrasie de l’écriture d’Hélène _, d’endeuillement et de colère _ telle celle de l’Achille de « L’Illiade« … Tous les matins avant le jour je crie, je me plains, je crains, je dénonce la destruction _ voilà. Quand le soleil de mes filles se lève, le cours de la vie reprend une innocence, on lit, on rit, on mange le pain du jour
L’enfance prophétique _ vécue au 54 de la rue Philippe à Oran, donc ; cf, entre divers autres, mon article « Au 54 rue Philippe à Oran, entre 1936 et 1945, la circulation entre les étages Klein, Cixous et Carisio, avec leurs veuves, leurs célibataires et quelques fantômes d’éminents disparus… » du 17 novembre 2022… _ ne me quitte pas, je sais tout, je suis en inquiétude _ d’éveil et alerte permanents, comme sur les remparts d’Elseneur et ses fantômes de revenants… _
Une non-coïncidence se maintient ferme _ au fil de cette vie _entre mon âge à double étage _ celui d’hier et celui de maintenant _
Chaque année _ dans la maison d’écriture de l’Allée Fustel de Coulanges, aux Abatilles, les mois d’été juillet et août… _ le temps, sa substance résineuse _ chargée de la senteur puissante de ce qui s’écoule, en plaie, des pins blessés de ce jardin enchanteur… _, allume un incendie _ cf ici le merveilleux « Incendire _ qu’est ce qu’on emporte ? » d’Hélène, l’année dernière, 2023 ; avec, par exemple, en témoin, mon article « Le double miroir en actes de l’écrire de l’autrice, Hélène Cixous, et du lire de son lecteur, en le saisissant « Incendire – Qu’est-ce qu’on emporte ? » : personnes et personnages, Littérature et Histoire, et le génie Cixous… » du 27 novembre 2023 ; auquel j’ajoute ici un renvoi à celui, prémonitoire, du 15 juillet 2022, un an auparavant, car je n’ai forcément pas manqué alors de bien penser à Hélène en sa maison et son jardin des Abatilles, si proches du feu qui s’étendait : » Quand la forêt de l’Eden, ou quasi elle, brûle… Si près du Pyla et ses villas parmi les pins… » … Une réserve de haines fournit le bûcher quotidien _ où flamboie l’écrire magnifique et merveilleux, unique, splendide et somptueux, d’Hélène. Tout un assortiment. _ c’est intéressant, me dis-je _ bigre ! _
Dans mon campement _ d’éveil et alertes visionnaires _ c’est plein de barricades et de massacres »
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Etc.
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Comme quelques précisions ici jetées sur le papier au très important chapitre « Je veux être aussi criminelle que possible« , des pages 39 à 50…
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Mais tout très effectivement se tient ici et s’ajointe parfaitement en ce « recueil » rapiécé de « textes » peut-être au départ un peu disparates, jetés sur le papier dans le contexte des urgences diverses de circonstances un peu, mais seulement en apparence, en effet disparates, car c’est bien une même unique veine et flamme qui les anime, leur donne vie et passion, et les fait si magnifiquement uniment flamboyer…
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A suivre…
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Ce mardi 12 novembre 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa
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