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A propos du « nominalisme radical » de Michel Deguy et de la « confiscation » du mot « radical » selon Marie-José Mondzain

18mar

À propos du « nominalisme radical » de Michel Deguy _ selon son merveilleux La Vie subite _ poèmes, biographèmes, théorèmes (aux Éditions Galilée) _

et de la « confiscation » du mot « radical » selon Marie-José Mondzain _ en son passionnant Confiscation des mots, des images, du temps (aux Éditions Les Liens qui libèrent) _,

voici le texte du courriel que je viens d’adresser à Michel Deguy et Marie-José Mondzain,

suite à un échange de courriels avec mon ami et collègue Mathias Arnault, présent à la Station Ausone lors du magnifique entretien avec Michel Deguy à propos de La Vie subite _ poèmes, biographèmes, théorèmes :

 

Chers amis,

en sa lettre hebdomadaire, intitulée, hier, « Mille façons de raconter »,
la librairie Mollat cite, à propos de son « podcast de la semaine » (!),
l’entretien que j’ai eu _ mais cette lettre ne va toutefois pas jusqu’à citer mon nom, cependant… _ avec Michel Deguy,
en utilisant l’expression forte _ merci !! _ de « Retrouvez aussi en podcast la belle et profonde rencontre avec Michel Deguy », accessible à l’écoute (en 75′) par ce lien même…

L’expression « belle et profonde rencontre » me touche, forcément,

en tant que source de proposition de cette rencontre,

et plus encore acteur _ sur le vif de nos échanges : on peut y percevoir le rythme très parlant, lui aussi, des respirations et des silences, en même temps que la vivacité ou la sérénité des prises de parole, et aussi le merveilleux humour… _  sur le plateau de la Station Ausone…


J’ajoute qu’ à ce jour j’ignore si la vidéo qui a été réalisée de cet entretien sera prochainement accessible et diffusée, ou pas _ ce sera le podcast

Voici donc ce que je viens de répondre à l’instant à l’ami Mathias Arnault, qui a assisté avec le plus vif intérêt, à l’entretien du jeudi 9 mars dernier,
et qui me donne quelques réflexions _ stimulantes _ de sa part,

notamment sur les rapports entre poésie et philosophie selon Michel Deguy :


Ecouter parler-penser Deguy, et, mieux encore, s’entretenir-dialoguer avec lui, est en effet très enrichissant.

Il faut revenir regarder de plus près ce que Michel Deguy nomme son « nominalisme radical » :
expression cruciale

à relier à la magnifique méditation de Marie José Mondzain sur la confiscation du mot « radicalisation »
en son très important (et urgent) Confiscation des mots, des images et du temps qui vient de paraître aux Éditions des Liens qui libèrent,
qu’elle m’a adressé,
et pour laquelle je suis, et en train d’écrire un article sur mon blog En cherchant bien, et de proposer à la librairie Mollat d’inviter son auteur, Marie-José Mondzain, à venir en parler in vivo en un entretien à la Station Ausone _ ce sera au Théâtre du Port-de-la-Lune, le 7 novembre 2017 ; et en voici la vidéo (de 65′)…

Ainsi qu’il faut revenir-regarder-étudier de plus près la poétique du « comme si comme ça » de Michel Deguy ;
ainsi que sa pratique (poétique) _ active et créatrice _ de la « semblance » _ à oser penser, avec audace autant que justesse des rapprochements vraiment pertinents entre choses _ envers une « identité éclatée, multipliée », ouverte, tant des concepts que des choses ainsi rapproché(e)s.
Car c’est via nos usages des concepts et via nos usages des mots (de la langue) que les choses, en leur étrangèreté de départ, nous sont (ou deviennent) humainement accessibles et (un peu) plus aisément formulables, y compris et surtout en leur fondamentale complexité et singularité : sans amalgame grossier qui les trahirait…

Tout cela mérite explicitation, bien sûr.

À ré-écouter _ grâce au podcast _ parler-penser in vivo _ rien ne remplace cela ! _ Michel Deguy,

nous constatons que son humour très fin et magnifiquement subtil, nous éclate (de rire) à la figure ;
et l’on comprend sa position-thèse de penser, de penser vraiment, en poète et poèmes, et pas seulement par concepts philosophiques : à la Deleuze, pour le dire un peu vite, selon sa caractérisation-formule fameuse du philosopher.

Cf ainsi de Michel Deguy la thèse de l’identité profonde, radicale 
_ ou plutôt que d’identité, il vaut mieux parler de « semblance » ; celle-ci étant, à chaque fois, sur le champ, à établir ! à tenter, s’y risquer, au coup par coup… ; soit une fondamentale et radicale métaphoricité ! commune à tous les signes vraiment humains, y compris les authentiques œuvres d’art _
entre mots ;
ou plutôt entre phrases, comme je l’ai un peu repris là-dessus, en m’appuyant, en pensée du moins, sur la générativité de la parole _ toujours nécessairement articulées en phrases à créer _ selon Chomsky.

Soit  la thèse de la fondamentale et radicale semblance entre mots, concepts, et choses : à faire conjointer !
Sans non plus les séparer artificiellement _ par l’analyse, par exemple linguistique, à la Saussure _, puisque mots, concepts et choses se renvoient dynamiquement les uns aux autres.

Sur cet accès aux choses mêmes (et à ce que Michel Deguy nomme plus largement « le terrestre« ), ré-écouter déjà ce qu’en dit dans l’entretien, Michel Deguy.

Et il faudrait, en effet, appliquer cette correction-ci appliquée aux mots,
à la fois aux concepts et aux choses : tous (générativement) ouverts, dans les usages et/ou approches qu’en permanence nous, humains _ pas encore trop inhumains _, en faisons, tentons _ hors des clichés, lieux-communs éculés et slogans…

Et il me semble qu’il y a de cela quand Michel Deguy se réfère, comme modèle de méthode de son penser, aux « mythèmes » de Lévi-Strauss,
à propos à la fois de ses « biographèmes », « théorèmes », mais aussi, et d’abord, « poèmes »,

selon le sous-titre même de son La Vie subite

Prendre le temps de ré-écouter le podcast, est, déjà, plus que jubilatoire !

La lettre de Mollat, intitulée « Mille façons de raconter », quant à elle, dit simplement, mais c’est beaucoup ! :
« Retrouvez aussi en podcast la belle et profonde rencontre avec Michel Deguy » : rencontre, voilà : entre nous deux, interlocuteurs improvisant sur le vif nos phrases sur le plateau éclairé _ et même éblouissant pour l’occasion : par l’intensité des projecteurs (destinés à la prise vidéo) _ de la Station Ausone…

A suivre,

Francis

Fin de ma citation de moi-même.

Titus Curiosus, ce samedi 18 mars 2017

P. s. : la veille, le mercredi 8 mars,

j’avais eu le grand plaisir de m’entretenir, à la Station Ausone également, avec l’excellent (et très brillant, à l’oral comme à l’écrit) Olivier Wieviorka, à propos de son superbe Une Histoire de la Résistance en Europe occidentale 1940-1945 (aux Éditions Perrin), qui fait suite à sa brillante synthèse, en 2011, et toujours aux Éditions Perrin : Histoire de la Résistance 1940-1945.

Ce nouvel opus portant sa focale sur la conduite mouvementée et complexe des Résistances intérieures européennes par les Anglo-Américains, depuis Londres (et aussi Washington) ; alors que le précédent opus portait sur les Résistances intérieures de la France seulement.

Voici un lien vers ce podcast (de 54′) de mon entretien avec Olivier Wieviorka

Explorateur du bifide des comportements, le carottage anthropologique deleuzien du splendidement sagace « Le Plan Cul _ Ethnologie d’une pratique sexuelle » de Jean-François Bayart

18mai

C’est le passionnant entretien _  Le sexe : valeur-refuge des Français ? _ aux Matins de France-Culture du vendredi 25 avril dernier, de Jean-François Bayart _ cf aussi son interview hier samedi 17 mai par Cécile Daumas dans Libération, pages 30 et 31 : Le Plan-Cul montre comment on s’arrange avec la légalité, la norme ; il est aussi présenté page 29 du journal sous le titre Le Sexe tient, en France, la place qu’occupe la sorcellerie au sud du Sahara ; et le chapeau précédant l’entretien indique « A partir des pratiques en ligne de deux jeunes hommes, le chercheur au CNRS Jean-François Bayart explique que la vie sexuelle est aussi une forme de « dissidence » sociale et politique » ; ainsi que cette citation mise en valeur au sein même de l’interview, page 30 : « Le faux-semblant et la dissimulation plus ou moins « honnête » sont ainsi des piliers de l’ordre social, autant que de sa subversion ou de sa relativisation«  _,

c’est le passionnant entretien aux Matins de France-Culture du vendredi 25 avril dernier, de Jean-François Bayart avec Marc Voinchet et son équipe

à propos de la sortie prochaine en librairie _ le 7 mai ; je l’ai alors immédiatement commandé, puis acheté le 7 mai et sur-le-champ lu _ de son très incisif Le Plan Cul _ Ethnologie d’une pratique sexuelle, aux Éditions Fayard,

qui m’a mis sur la voie de la lecture _ richissime ! _ de cette passionnante exploration _ l’auteur emploie la métaphore du carottage. : « les entretiens _ que Jean-François Bayart, chercheur en anthropologie, a eus avec deux jeunes gens, Grégoire, bordelais, en 2006-2007 ; Hector, stéphanois, en 2013 _ ont opéré comme une « carotte », pour reprendre un terme de géologie, de nature à nous donner une « version » de la société française« , page 152 _ anthropologique _ que je qualifierai de « deleuzienne » ! _ de comportements _ sexuels, en l’occurrence, parce que Jean-François Bayart, avait décidé de commencer son entretien avec Grégoire par là, pour affronter pleinement aussitôt ce qui aurait pu gêner, dans un pesant non-dit, sinon, son interlocuteur, ami d’un ami, Baptiste, de son neveu… _ complexes et ambivalents, tout à la fois cachés et affichés, se développant ces temps-ci dans notre société _ tels que les-dits « plans-cul«  des nouvelles générations, plus particulièrement, semble-t-il _, qu’est cet incisif et très alerte travail d’anthropologie _ l’auteur, lui, use de l’expression « ethnologie d’une pratique sexuelle«  _, par Jean-François Bayard :

j’aurais personnellement apprécié que le livre _ de 200 pages alertes et rapides : sans la moindre graisse !_ comporte au moins le double de pages !

Si je puis comprendre le remerciement, en quelque sorte « éditorial » _ afin de viser à s’assurer possiblement un un peu plus large lectorat… _, que Jean-François Bayart ne manque pas d’adresser, page 165, à Fabrice d’Almeida pour avoir « su le convaincre d’épurer le style universitaire de son enquête et de mieux l’articuler aux grands débats qui traversent la société française« ,

j’ose aussi espérer ici que l' »Annexe méthodologique : Pour des biographies sans sujet«  (déroulée aux pages 141 à 163 : et c’est tout simplement passionnant !), ainsi que les remarques incisives et ouvertes qui ne manquent pas d’agrémenter pas mal des 177 notes (repoussées, elles aussi, en fin de volume, aux pages 167 à 197), recevront ailleurs et bientôt l’ample développement _ épistémologique _ qu’assurément les unes _ l’annexe méthodologique _ comme les autres _ ces riches notes _ méritent !..

Personnellement plongé, depuis un an,  dans une recherche (patiente et à rebondissements quasi incessants) de micro-histoire à propos du parcours (vigoureusement tu, pour l’essentiel, de son vivant : il avait fait le choix _ impérieux ! _ du silence !..) de mon père (11-3-1914 – 11-1-2006) en 1942-43-44 _ parti de Bordeaux (en zone dite « occupée« ) et ayant clandestinement franchi la ligne de démarcation à Hagetmau (en direction d’Oloron, en zone dite « non-occupée«  ou « libre« …), le 5 juin 1942, mon père est revenu à Bordeaux (enfin libéré fin août 1944) le 1er octobre 1944 _, en zone dite d’abord « non-occupée« , puis, à partir du 11 novembre 1942, « zone sud« ,

je me trouve en effet particulièrement sensibilisé aux questions épistémologiques de cette micro-histoire :

cf mon article du 31 août 2013 Le diable se cache dans les détails : la fécondité des travaux de recherche de « micro-histoire »… ; ainsi que mes interventions sur cette question (d’épistémologie de la recherche en histoire) au passionnant séminaire « Vivre au sortir du camp de Gurs : Hannah Arendt« , les 28 et 29 avril derniers, au château d’Orion, à côté de Salies-de-Béarn : c’est sur l’importance et la très riche complexité des méthodes de recherche que je désirais insister auprès des jeunes présents à ce séminaire ! ;

cf aussi le très riche numéro Hors série 2013 L’Estrangement _ retour sur un thème de Carlo Ginzburg, de la revue Essais _ revue interdisciplinaire d’Humanités, sous la direction de Sandro Landi, directeur de l’École Doctorale Montaigne-Humanités de l’Université Michel de Montaigne Bordeaux 3…

L’Introduction (pages 9 à 22) amène excellemment les raisons de départ de l’enquête de Jean-François Bayart :

« L’une des propriétés que le sexe partage avec la politique tient à son ambivalence » _ et voici le mot-clé : car c’est un éclairage de ce qu’est (et comment fonctionne) dans les faits cette « ambivalence«  cruciale que vise l’enquête de fond de ce livre !

Car il se trouve que, dans les faits, « le sexe peut, dans certaines circonstances, absorber le politique, en fournir une « traduction abrégée » par un « effet de condensation » (page 13).

Ainsi Jean-François Bayart d’en donner pour exemples (d’actualité)  « la question du voile« , « l’homosexualité« , « la circoncision« , ou encore « l’ampleur de la Manif pour tous, la radicalité de l’opposition à la procréation médicalement assistée, les polémiques autour du voile ou l’exégèse de ce qui relève du public et du privé en France » (pages 13-14). Et d’en déduire : « J’y ai vu une confirmation de cette osmose _ voilà ! _ entre l’imaginaire sexuel et l’imaginaire politique à laquelle m’ont habitué mon observation de l’État en Afrique, en Turquie, en Iran, au Maghreb, et ma réflexion politique comparée.

Un tel constat incite à mieux comprendre ce rapport intime _ fondamental, et ici s’annonce la pensée de Deleuze… _ entre les registres du désir et du pouvoir« .

Pour aboutir à la question :

« Dans son hétérogénéité, la vie sexuelle des Français est maintenant bien connue grâce aux enquêtes quantitatives et qualitatives des sociologues. Mais que nous disent leurs pratiques en la matière au sujet de la domination politique et sociale concrète dans notre pays ? » (pages 14-15).

Et « au lieu d’affronter cette question dans sa généralité, je l’ai saisie « par le bas » : « le cul et ses « plans » » (page15).

Et c’est ainsi que « pour mener son travail« , Jean-François Bayart s’est « mis _ en 2006-2007, puis 2013 _ à l’écoute de deux jeunes hommes, Grégoire et Hector » (page 16). Avec ce résultat, in fine, que « le dire de mes interlocuteurs dévoile une face du pays et de l’époque dans lesquels nous évoluons, sinon cachée, du moins tue » (page 16).

« Cette leçon de choses n’est pas sans enseignements utiles _ alors à dégager _ sur la pratique du sexe et de la politique, sur leurs enjeux respectifs, sur les façons _ aussi ! et c’est peut-être même cela qui m’a personnellement le plus intéressé ! _ dont nous pouvons écrire les sciences sociales, voire nos propres vies, par le biais de témoignages, de biographies ou d’autobiographies _ cf ici Le Pari biographique _ Ecrire une vie, le passionnant travail de l’excellent François Dosse auquel se réfère Jean-François Bayart.

Du sexe, il sera bien question _ en effet _ dans les pages qui suivent, et parfois de manière très crue, mais pour parler de rapports politiques ou sociaux autant que sexuels » (pages 16-17).

Car « Le sexe démontre au quotidien que nos sociétés sont multidimensionnelles _ un autre terme très important : à rebours du souci hystérisé de l’identité, que Jean-François Bayart a jadis analysé dans son L’Illusion identitaire, en 1996. Cf aussi, ici, le livre d’Herbert Marcuse L’Homme unidimensionnel

Elles se composent de divers espaces-temps _ distincts et séparés, sinon absolument étanches… _ auxquels nous participons _ comment, voilà ce qui doit être minutieusement détaillé _ sans que ceux-ci coïncident ou soient cohérents _ qu’en est-il donc existentiellement de l’application du principe (logique ? métaphysique ?) d’identité ? _ les uns par rapport aux autres.

Le cyberespace n’est pas le moindre d’entre eux, et il convoie des rencontres ou des pratiques sexuelles déconnectées des autres échanges sociaux, tout en créant à son tour du lien social » (pages 20-21).

« Nous nous dissimulons _ idéologiquement _ cette complexité en recourant à de grands mots pompeux, tels que la nation, l’identité, la culture, la famille, l’école, la morale, ou… le sexe _ les substantifs mentent bien davantage que les infinitifs ! Nous nous consolons en rêvant de l’unité de notre cité, alors que celle-ci est bifide _ terme à nouveau crucial ! _, fendue en deux, et se dissocie entre les mondes du jour et de la nuit, entre le visible et l’invisible, entre des rapports sociaux supposés asexués et des relations sexualisées » (page 21).

« La principale leçon que nous enseigne l’analyse du plan cul _ anticipe alors l’auteur _ a ainsi trait à l’inachèvement consubstantiel de notre société, qui n’en trahit pas la faiblesse, mais bien au contraire la condition d’existence » (page 21).

« Autrement dit, le cul nous retiendra moins que le plan.

Car, s’il en est de cul, il en est aussi de bien d’autres, dans tous les domaines de la vie, « bons », selon la formule habituelle, ou « mauvais »« … (page 21).

Et Jean-François Bayart d’achever cette présentation de son travail, par ce mode d’emploi de son livre :

« Il est deux manières de lire les pages qui suivent.

L’une informative, en s’en tenant au corps du texte, qui fait l’ethnologie d’une pratique sexuelle en vogue dans la société française : celle du « plan cul ».

L’autre scientifique, en se reportant aux notes en fin d’ouvrage et à l’annexe méthodologique, qui espèrent ouvrir de nouvelles perspectives _ que je qualifierai, pour ma part, de « deleuziennes« …  _ aux sciences sociales du politique et à l’écriture biographique » (pages 21-22).

Titus Curiosus, ce 18 mai 2014

les humbles progrès en amour lents de Mathieu Lindon : l’admirable délicatesse de sa conférence-entretien avec Xavier Rosan

12fév

Mardi 8 février 2011, les salons Albert-Mollat ont été le théâtre d’une des plus belles _ par son intensité dans la délicatesse ! _ conférences auxquelles il m’a été donné d’assister _ je me souviens en particulier de celle très impressionnante par le poids du moindre mot et du moindre silence de Aharon Appelfeld… _ : la conférence-entretien _ d’une durée de 65′ pour le podcast _ de Mathieu Lindon, avec Xavier Rosan _ parfait de clarté chaleureuse en la relance toute simple et sobre de ses questions justes _ à propos du récit si vibrant de justesse de Mathieu Lindon, aux Editions P.O.L. : Ce qu’aimer veut dire.

Mathieu Lindon est d’une magnifique humilité : toute sa vie, il sera celui qui, fondamentalement, apprend _ voilà ! _ d’abord _ et cela en matière de sentiment et d’« intimité«  (il s’agit là d’un « rapport« , et « vectoriel« , vibrant ; ainsi que l’analyse admirablement l’ami Michaël Foessel en son très important La Privation de l’intime, aux Éditions du Seuil) _ des autres ;

aujourd’hui, en sa vie comme en ce livre (qui s’essaie humblement à y réfléchir _ en un merveilleux « tremblé«  de la phrase qui s’y livre : tel l’admirable « tremblement du temps«  que naguère Gaëtan Picon repéra dans les Mémoires d’Outre-tombe du dernier Chateaubriand ; le livre de Gaëtan Picon, admirable Admirable tremblement du temps, paru aux Éditions Albert-Skira, dans la collection si belle Les Sentiers de la création, mérite, et urgemment, une ré-édition ! _),

ces « autres » _ qu’il aime et qui l’aiment _  sont Rachid et Corentin ; comme hier, ce furent et Jérôme Lindon et Michel Foucault sur les liens affectifs avec lesquels ce Ce qu’aimer veut dire se penche admirablement humblement tout spécialement !

Toute vie est faite de rencontres,

et infiniment diverses en leur multiplicité, intensité, poids, conséquences.

Mais certaines aident considérablement à la formation-déformation _ déflagration jusqu’à la désintégration parfois même _ de notre identité de personne,

toujours, toujours en chantier.


C’est ce chantier-là de la formation de soi

que le discret et très humble (et magnifique d’humanité « vraie » !) Mathieu Lindon s’essaie ici,

en ce livre infiniment délicatement sensible _ la braise y chante en permanence sous la cendre _,

de cerner, tracer, retracer ;

et qui peut servir _ et Mathieu Lindon d’évoquer au passage une remarque à ce propos de Christine Angot : sur cet enjeu-ci pour le lecteur… _ d’amer (de repérage) à tout un chacun :

puisqu’il nous arrive à tous de croiser en nos vies

et un père,

et un ami un peu plus âgé,

et des amis plus jeunes,

et un ou quelques amours aussi :

encore faut-il, et chaque fois, en réussir _ c’est toujours à divers degrés ; et selon une gradation de nuances très complexe ! _ l’occurrence

_ j’avais d’abord écrit : « l’expérience«  : mais celle-ci n’a rien d’expérimental ; et c’est toujours, vulnérablement, et chacun, « à son corps défendant«  face à (et avec ! consubstantiellement ! les deux !) l’autre : c’est en cela qu’aimer « vraiment«  est absolument admirable…

J’entends, d’ailleurs, toujours ici, personnellement, le mot que Gilles Deleuze, dans Logique du sens, relève dans La Fêlure, de Francis Scott Fitzgerald :

« Toute vie est bien entendu un processus _ éperdument généreux ! _ de démolition« …

Bref :

le livre Ce qu’aimer veut dire

comme la conférence-entretien de Mathieu Lindon, avec Xavier Rosan, le 8 février dernier dans les salons Albert-Mollat,

sont une expérience

et de lecture

_ cf mon article du 14 janvier dernier : Les apprentissages d’amour versus les filiations, ou la lumière des rencontres heureuses d’une vie de Mathieu Lindon _

et d’écoute attentive

d’une intensité, délicatesse, humilité

et justesse d’intelligence de l’exister (et « aimer » !

_ mais qu’est-ce qu’« exister«  sans aimer « vraiment » ?..

Cela ne se faisant certes pas « sur commande«  ! L’« épreuve«  (lire ici la sublime pièce éponyme de Marivaux !) a toujours aussi quelque chose de terriblement « éprouvant«  ; ce que la joie (à ne pas confondre avec le plaisir ! qui la contrefait…) compense, récompense, si l’on veut, et à l’infini ! : sans le moindre calcul, cela va sans dire ! il n’y a de joie que passionnément et généreusement, ce sont des synonymes, éperdue ! _)

proprement admirables !

Titus Curiosus, ce 12 février 2011

 

L’énigme de la renversante douceur Plossu : les expos (au FRAC de Marseille et à la NonMaison d’Aix-en-Provence) & le livre « Plossu Cinéma »

27jan

Ce week-end des 22 & 23 janvier, j’ai fait le voyage de Marseille et Aix-en-Provence pour découvrir les expos « Plossu Cinéma » du FRAC (1 Place Francis Chirat, à Marseille, dans le quartier du Panier : bravo Pascal Neveux !) _ pour la période 1966-2009 _ et de La NonMaison (22 rue Pavillon, à la périphérie du quartier Mazarin, à Aix-en-Provence : merci Michèle Cohen !) _ pour la période 1962-1965 _ ; et être présent à la « rencontre », « Le cinéma infiltré« , entre Alain Bergala & Bernard Plossu, en guise (luxueuse ! autant que simplissimement amicale !) de vernissage à la NonMaison de mon amie Michèle Cohen…

Couverture, Porquerolles 1963

Couverture, Porquerolles, 1963 © courtesy galerie La NonMaison, Aix-en-Provence

Il existe une énigme de la renversante beauté du Nonart _ comme il pourrait se penser (sans même le dire) à La NonMaison… _ de Plossu : sa clé étant peut-être l’impact du geste aimant photographique… En marchant et dansant, d’abord, probablement… C’est aussi une affaire de « rapport à » l’objet _ c’est-à-dire un « rapport à«  l’autre, autant qu’un « rapport au«  paysage ; les deux n’étant pas, non plus, dissociés : en tension douce ; et même d’une douceur extrême ; mais invisible, cependant, sinon par cet infime (et très rapide) geste à peine perceptible d’un photographier un instant effacé (instantanément) par ce qui suit, et reprend, et prolonge, poursuit, très simplement, la courbe (très douce) du mouvement précédent… Photographier fut à peine une parenthèse ; exquisément polie ; avec le maximum et optimum d’égards…

Ou le moyen tout simple qu’a bidouillé le bonhomme Plossu pour « être de plain-pied avec le monde et ce qui se passe« , ainsi que lui-même a pu l’énoncer _ cf le très bel article de présentation de Pascal Neveux, « Bernard Plossu /// Horizon Cinéma« , pages 6 à 9 de « Plossu Cinéma«  _ le livre, magnifique, est une co-édition FRAC Provence-Alpes-Côte d’Azur, Galerie La Non-Maison & Yellow Now / Côté photo _, avec ces mots de commentaire de Bernard Plossu : « En apparence mes images sont poétiques et pas engagées. Mais pratiquer la poésie, n’est-ce pas aussi résister à la bêtise ? La poésie est une forme de lutte souterraine qui contribue à changer les choses, à améliorer la condition humaine« 

Déjà, nous ne pouvons que prendre en compte, forcément _ face à ce (minuscule) fait (si discrètement) accompli ! _ la dimension temporelle _ cf ce doublement crucial « être de plain-pied avec » et « avec ce qui se passe« , ce qui advient et va (bientôt : tout de suite, instantanément) passer… _ du processus _ mais qui dure, qui ne s’interrompt pas, mais se poursuit, très simplement ; sans pose, ni pause… _ dont l’image photographique va, elle, (un peu) demeurer _ un peu plus longtemps, du moins… _ : quelque amoureuse trace sur une pellicule _ bande passante _ développée ; et voilà qu’il nous la donne _ on ne peut plus gentiment ! _ à regarder, et à partager, pour peu que cela, bien sûr, nous chante ; et nous enchante, alors !.. Quelle improbable joie ! et qui nous comble ! ainsi généreusement offerte et, en effet, partagée.

L’expression qui m’est venue est : « la renversante douceur Plossu » ; l’expression de mon titre _ elle m’est survenue à Aix, en repensant à tout cela, le soir (la nuit) du vernissage, dans ma chambre (noire ; nocturne) ; tout cela doucement continuant de me « travailler«  dans l’obscurité d’un penser comme un refrain

Col, “Train de lumière”

Col, « Train de lumière« , 2000 © courtesy galerie La NonMaison, Aix-en-Provence

Et voilà que je découvre _ au matin _ que, page 130 du livre « Plossu Cinéma« , son ami Gildas Lepetit-Castel, dit, lui _ et à son tour, et avec les guillemets ! _ : « l’inadmissible douceur » !

Mexico City

Mexico City © courtesy galerie La NonMaison, Aix-en-Provence

Je lis, c’est l’incipit de l’article : « Le regard de Bernard Plossu, beaucoup en ont parlé avec justesse, cherchant à percer le mystère de ces images _ les photos qu’il nous met sous les yeux… _ empreintes _ et en gardant le parfum, la trainée, d’autant plus prégnante que discrète _ d’une « inadmissible _ nous y voici ! _ douceur » » _ cette expression d’« inadmissible douceur«  est en effet empruntée à Denis Roche, en sa préface pour « Les paysages intermédiaires«  de Bernard Plossu, l’exposition et le livre (aux co-éditions Contrejour/Centre Pompidou), en 1988 ; elle a été mentionnée aussi, déjà, par Gilles Mora en son « Introduction« , page 12, au magnifique « Bernard Plossu : Rétrospective 1963-2006 » des Éditions des Deux Terres accompagnant l’exposition « rétrospective«  de même nom au Musée d’Art moderne et contemporain de Strasbourg, du 16 février au 28 mai 2007…

Et Gildas Lepetit-Castel d’ajouter, on ne peut mieux : « Bien sûr, ce n’est pas seulement la douceur qui rend ces images si singulières, c’est également la justesse _ et comment ! et combien ! en plein dans le mille ! comme la flèche de l’archer zen ! _, l’émotion, l’élégance _ magnifique, en sa fondamentale discrétion _, le refus de l’effet _ qui serait facile ; et vulgaire : jamais, au grand jamais, chez Bernard ; tout à fait comme dans le cinéma suprêmement élégant, lui aussi d’Antonioni (cf « L’Eclipse« ) ; et dans celui de Truffaut (« La Peau douce« )…

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Françoise, Toulouse 1982 © courtesy galerie La NonMaison, Aix-en-Provence

Et de poursuivre, encore : « autant de caractéristiques qui permettent de reconnaître son regard entre mille _ à coup sûr ! Certains n’y ont vu (sûrement par facilité _ en ce « ne… que« , en effet… _) que du flou _ le voici ! le fameux « flou Plossu«  _, car Bernard Plossu privilégie _ par fondamentale probité, en lui ! depuis son début, et toujours !!! sans jamais si peu que ce soit y déroger : c’est un juste ! _ l’authenticité à la netteté parfaite _ superficielle : sa « netteté«  à lui va plus loin ; elle est en vrai relief ! et condition de combien plus de « vérité«  !

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Phares, Ardèche 2005 © courtesy galerie La NonMaison, Aix-en-Provence

D’où cette « infiltration » cinématographique _ c’est l’expression (lucidissime !) d’Alain Bergala _ de sa photo ; selon la formule radicale de Gilles Deleuze, il s’agit bien de « L’image-Mouvement« , en la photo, de Plossu, donc, aussi ; pas que dans le cinéma… Et pour Bernard Plossu, il y a davantage de mouvement (ultra-sensible et immédiat : vif ! au comble de la vivacité ! même…) en sa photo qu’en (presque) tout le cinéma ! Là se trouve sans doute l’intuition originelle de Michèle Cohen (quant à l’œuvre-Plossu), intuition à la source même _ faut- il le souligner ?.. _ de tout ce « Plossu Cinéma« -ci

Et Gildas de continuer : « Ces images ne sont pas floues, mais portent en elles la vie _ en son tremblé-dansé… _, elles témoignent _ tout simplement, en effet, rien que _ du bougé _ voilà _ du photographe, de l’empreinte du geste _ un élément capital ! _ qui les fait naître, comme la touche du peintre marque la toile _ par exemple chez un Fragonard : la couleur multipliant ainsi la vibration du saisi… La fixation s’opère dans l’acte créateur _ voilà _, cette faculté de savoir retenir _ mais parfaitement délicatement… _ les sensations _ en une esthétique stoïcienne, si l’on veut faire savant… _, et non simplement dans un rendu figé«  _ mis à l’arrêt, bloqué ; page 130, donc : c’est magnifique de précision dans la justesse !

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Patrick Sainton 2000 © courtesy galerie La NonMaison, Aix-en-Provence

Et voilà qui agace bien des grincheux… Eux « résistant » (très) dur à cette terriblement puissante _ mais c’est un oxymore _ « douceur Plossu« .

De même que Barthes disant que « désormais, l’obscène est le sentiment«  (pas le sexe) !..

Car nous voici, nous, l' »homo spectator » _ je renvoie ici à l’indispensable livre de mon amie Marie José Mondzain : « Homo spectator » _ tenus d’opérer, en suivant, dans le mouvement même, dans la danse qui, à notre tour, nous requiert _ de bouger, de danser, nous mouvoir… _, ce ce que mon amie Baldine Saint-Girons qualifie, elle aussi si justement, d' »acte esthétique » _ en son indispensable, lui aussi, « L’Acte esthétique« 

Je me propose, ainsi,

afin de me confronter ici-même, en cet article, à cette douce énigme _ celle d’un indéfinissable style (ou Nonstyle !!!) Plossu ! en sa fondamentale et fondante « douceur«  !.. _,

de confronter un texte mien, la dédicace à Bernard Plossu d’un essai (inédit, en 2007) : « Cinéma de la rencontre : à la ferraraise«  ;

avec pour sous-titre _ ainsi que dans les essais américains : on aime là-bas ce genre de précision-ci ! _ : « un jeu de halo et focales sur fond de brouillard(s) : à la Antonioni« , parce qu’un des pôles de ses analyses de la rencontre (de personnes) est la séquence ferraraise _ testamentaire ! à propos d’un amour de jeunesse ; peut-être seulement fantasmé, même… cf « Quel bowling sul Tevere » (« Ce bowling sur le Tibre« , aux Éditions Images modernes, en 2004 : un texte très précieux pour l’exploration du génie antonionien à son jaillir… _ du dernier chef d’œuvre de Michelangelo Antonioni, en 1995 (et avec, un peu, Wim Wenders : pour, d’une part, assurer des « liens » entre les séquences ; et, d’autre part (et surtout), rassurer les producteurs : dans l’éventualité où l’hémiplégique qu’était devenu, depuis son ictus cérébral (survenu en décembre 1985), Antonioni, ne pourrait mettre le point final à ce film…) : « Al di là delle nuvole » (« Par-delà les nuages« ) ;

soit une clé de tout l’œuvre antonionien ! :

je me propose de confronter, donc,

cette dédicace mienne

au texte _ tout bonnement magnifique ! _ qu’Alain Bergala a conçu, ce mois de janvier-ci, pour un mur de La NonMaison aixoise de Michèle Cohen,

en présentation d’un « Passage de l’intime à l’abstraction« , ces années 1962-1965 :

celui, « passage« , allant

des toutes premières photos de Bernard Plossu, celles de son amie Michèle Honnorat, aux alentours de la cinémathèque, à Chaillot, en 1962,

à l’aventure du « Voyage mexicain« , en 1965…

« L’exposition à La NonMaison à Aix est donc _ d’où sa radicale importance en tant que la source de tout l’œuvre Plossu ! pas moins ! _ le début et la fin d’un désir _ de cinéma _, ensemble« .

Et « Michèle incarne _ oui : c’est le mot parfaitement juste ! _ tout cela sans le savoir« , commente Bernard Plossu lui-même,

en dialogue maintenant,

et en voiture, entre La Ciotat et Aix _ cela a aussi son importance… _

avec Michèle Cohen :

car « Je rencontre Michèle Honnorat au début des années 60, et je suis frappé _ voilà ! _ par sa beauté cinématographique naturelle _ sic : 

l’élégance, même si un peu plus plus tard (!), d’une Claude Jade (celle de « Baisers volés » _ en 1968 _ et de « Domicile conjugal » _ en 1970 _, de Truffaut, mâtinée, pour le regard profond et sombre, d’une Lucia Bosè, celle de « Chronique d’un amour » _ en 1950 _ et « La Dame sans camélias«  _ en 1953 _, d’Antonioni, dont Lucia Bosè était alors la _ « sidérante« , en effet !.. _ compagne ; avant la sublime, elle aussi, Monica Vitti) _ ;

Michèle, Paris 1963

Michèle, Paris 1963 © courtesy galerie La NonMaison, Aix-en-Provence

je dis cinématographique parce qu’à l’époque j’allais

_ page 16 de ce livre « Plossu Cinéma« , Alain Bergala rapporte, aussi, cet éclairant auto-portrait-ci, aujourd’hui, de Bernard Plossu « en jeune homme«  de dix-sept-ans : « quand je fréquentais la Cinémathèque du Trocadéro : (j’étais) un peu de Truffaut, de Jean-Pierre Léaud et de Samy Frey« …  _

je dis cinématographique parce qu’à l’époque j’allais

tout le temps au cinéma _ d’une très grande qualité, alors _, et très souvent avec elle _ ce facteur-ci a lui aussi son importance.

Avec ma Rétinette Kodak, je n’arrêtais pas de la photographier. (…) Mon désir de la photographier me dévorait.

Dans ses regards, peu de sourires, une vraie beauté d’écran _ voilà !

Michèle, 1962

Michèle, 1962 © courtesy galerie La NonMaison, Aix-en-Provence

Une présence _ le terme capital ! _ incroyable _ tout l’art de Bernard Plossu est (ontologiquement !) une saisie (en quelque sorte : comme il le peut ! et il le peut !!!) de cette présence : « incroyablement« , en effet ; à nous « renverser«  !!! tel un Eugène Atget ! _ ; et moi je me sentais comme un petit garçon _ cela a-t-il fondamentalement changé, face au monde même, pour le grand Bernard Plossu ? _ avec juste mes 18 ans. Serais-je devenu photographe sans un tel modèle ? _ les questions de Michèle Cohen poussent loin, loin, l’introspection poïétique de Bernard Plossu, « entre La Ciotat et Aix-en-Provence« , et « entre août et octobre 2009« , et dans la voiture de Michèle, plus que probablement (cf page 176)…

Le travail de ce « Plossu Cinéma«  mène plus loin que jamais jusqu’ici l’analyse et la compréhension de l’œuvre-Plossu !!! Merci Michèle ! Je veux dire Michèle Cohen, ici…

En fait, avec elle

_ elle, Michèle Honnorat, en un mélange composé de quelque chose de Claude Jade et de Lucia Bosè ;

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Michèle, Trocadero © courtesy galerie La NonMaison, Aix-en-Provence

lui, Bernard Plossu, en un mixte et de François Truffaut et Jean Pierre Léaud (et, plus accessoirement, Sami Frey) :

Truffaut-Antonioni, voilà la boucle de mon « Plossu Cinéma«  à moi presque bouclée !.. _,

en fait, avec elle,

je me faisais mon film Nouvelle Vague à moi« , page 182 de l’« Entretien avec Bernard Plossu » de Michèle Cohen, qui court de la page 176 à la page 183 du livre « Plossu Cinéma« 

Ou comment passer de l’attraction du cinéma _ encore toute juvénile _ à la pratique passionnée (et vitale ! et artiste ! tout uniment ! les deux…) de la photographie !..

Ou, si l’on préfère, comment on devient le grand Plossu !

Avec cette question-clé, maintenant, que Bernard,

se faisant à son tour le questionneur,

se met à adresser à la questionneuse perspicace et tenace, dans toute sa (permanente) douceur, Michèle Cohen, page 178 _ soit l’arroseuse arrosée !

Michèle vient de dire : « Truffaut aussi séchait les cours pour aller à la Cinémathèque ; mais quand il est devenu réalisateur, il a séché la vie _ ce que Bernard n’était, n’est, et ne sera jamais, prêt à faire, lui !!! _ pour ne plus quitter les tournages de film.« 

Alors Bernard, piqué au vif, se fait le questionneur :

« Michèle, je te pose cette question : « Est-ce que, quand on arrive à la caisse d’un cinéma et qu’on achète son ticket, c’est pour la liberté ou l’esclavage ? » »

Michèle n’y répond pas ; esquive provisoirement la réponse… Celle-ci, cependant, affleure vite très peu plus loin, quand, page 179, Michèle déclare : « Dans le « Voyage mexicain« , tu écris que voyager, c’est crever les petits écrans du cinéma _ voilà ! _ pour rejoindre enfin _ voilà : de plain-pied ; sous son pas ; en marchant et cheminant ! _ les grands espaces… Voulais-tu tourner le dos au cinéma et à Paris ?« … Le jeu du questionnement commence à « brûler«  ; même si la voix de Michèle est très douce

Car Bernard répond, comme toujours !, sans barguigner : « Oui« .

Et il explique, en racontant : « Une après-midi pluvieuse au Quartier latin, en sortant d’un western, j’ai enfourché mon vélo et je me suis dit : « Qu’est-ce que je fous là ? » C’était plus fort _ en terme d’intensité du ressentir, c’est-à-dire du « vivre« , tout bonnement ! _ d’être à _ et avec ! « de plain-pied«  _ Big Sur pour de vrai _ voilà ! _ que de le voir _ seulement des yeux _ au cinéma _ sur un écran toujours trop « petit«  !.. J’avais 25 ans. Je suis allé voir le monde en relief _ et le saisir sur la pellicule ultra-sensible photographique à bout de bras… Ce « relief« -là même du « flou Plossu« , qui tient à la marche en avant _ la plante des pieds au sol ! _ du photographe en son acte décidé (et hyper-sensible : un million de fois plus que la pellicule), « à vif«  et tellement léger à la fois !, de photographier… Le pied, le bras, le doigt suffisent ! C’est un art hyper-gestuel ! Tout y est geste ! Y compris, forcément, les opérations du cerveau ! En hyper-accélération !..

Bref, « les salles de cinéma, c’était l’enfermement«  : voilà donc la réponse !

La stagnation stérile…

« Et depuis que _ parce que « vivre, c’est tellement mieux que d’aller au cinéma » (en position de « spectateur » seulement…) _ je suis revenu en Europe, je suis souvent _ quand Bernard n’est pas « sur le terrain« , ou bien sur la route (ou en train), en « campagne » hyper-active (mais hyper-patiente et hyper-tranquille : hyper-attentive ! à l’imprévu !) photographique ! _ chez moi ; je ne « sors pas le soir » ; je lis _ voilà la nourriture plossuïenne. La lecture a remplacé le cinéma _ moins substantiel dorénavant pour lui : il n’y va quasiment plus.

Je lis beaucoup, à 80 % la littérature italienne _ Rosetta Loy (l’auteur de « La Première main« ) et Elisabetta Rasy (l’auteur d’« Entre nous«  et maintenant « L’Obscure ennemie« , sa très exacte suite), pour commencer !.. tellement sensitives ! ces deux Romaines magnifiques… _, les nouveaux écrivains de polars réalistes _ pour leur ontologie fruste (du réel!)… En voyage aussi je lis. Je prends le train exprès _ en effet ! _ pour lire !

Avec les paysages français, italiens ou espagnols _ cf son merveilleux « L’Europe du Sud contemporaine« , aux Éditions Images en manœuvres, en 2000 : un des chefs d’œuvre de Plossu !.. Cherchez-le ! _ qui passent à la fenêtre _ quel luxe, en effet ! qu’un tel défilement (de beauté de paysage) à portée de regard ! Parfait.« 

Voici donc,

après cette clé du « Cinéma » de Plossu, délivrée à la curiosité tranquille et douce, patiente, profonde et juste _ hyper-attentive elle-même, comme il se doit : c’est là le gisement à éveiller de sa création personnelle à elle… _, de Michèle Cohen,

voici ma dédicace (en 2007) à « Cinéma de la rencontre : à la ferraraise » ;

puis la suivra le texte du mur : magnifiquement intitulé, par Alain Bergala, « Le Sentiment de l’essentiel » _ qu’a (et qui possède) Bernard Plossu…

A Bernard Plossu, photographe
si juste,
dans ses photos comme dans la vie


qu’on peut dire
de ce qu’on peut identifier, instantanément,
d’une somptueuse et sans chi-chi évidence,
comme « son style« ,

instantanément et à la perfection « identifié », et reconnu de soi, en effet
_ d’où pareille stupéfiante « justesse » : on s’y arrête, on ne peut que l’approuver et même la « saluer »,
et bien bas,
d’une quasi imperceptible inclination du menton,
seulement,
tant elle est légère, délicate, discrète,
mais pas moins non plus ! _,

un « style » avec ce que d’aucuns,
le « pointant » en zigzaguant un peu de l’index,
seraient tentés, en balbutiant un peu aussi , de « baptiser »
_ selon les canons plus ou moins en cours, c’est-à-dire quelques habitudes un peu installées _
« le flou » ;
ou, du moins, « avec parfois du flou« ,
car cela n’a rien, bien sûr, de « systématique » : un style ne peut pas être systématique !

mais pas « n’importe quel » « flou« , oh que non ;
ni n’importe quel « avec parfois » :
il lui faut, justement, à ce « flou« ,
et en « son » occurrence précise, en « son bain », en « son jus », en « son contexte »,
en cette circonstance-ci, toute particulière, et si singulière,
peut-être rare, et peut-être même unique, dans sa contingence absolue,
tout en étant, l’occurrence (= ce qui arrive, qui survient,
et qui, d’avoir surgi, maintenant est là,
tout à fait là,
on ne peut même guère davantage être plus là,
comme à son comble de présence),

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Modène 2001 © courtesy galerie La NonMaison, Aix-en-Provence

tout en étant, donc,
la plus constante, banale, quotidienne _ « le fil même des jours » : surtout lui ! _ ;
il lui faut, donc, à ce « flou« -ci, ce « poudroiement »,
ce doux et léger sillage de mouvement
avec sa mince, imperceptible
et donc invisible trainée
de poudre-poussière,
telle celle d’une étoile filante, d’une comète, de quelque angélique « voie lactée » :
il lui faut, à cette image _ qui reste,
et va, ne serait-ce qu’un peu, en son instant,
demeurer sous et pour nos regards _ ;
il lui faut
cette époustouflante sidérante qualité _ est-ce de grain ? _ de toute simple et immédiate « évidence »
d' »allure », de « mouvement de danse », de « glissé »
(de ce qui suit et accompagne amoureusement « l’élan » :
comme un halo
à peine _ c’est si légèrement _ vibré ou tremblé)
_ jusqu’à presque, mais juste avant (par l’é-gard) la caresse _
il lui faut donc cette qualité, ou grain, d' »allure » quasi dansé
du « vrai vivant » et du »vivant vrai »
_ « qualité de grain d’évidence » combien rare, certes :
ailleurs qu’en ses photos et que dans lui, au quotidien, veux-je dire _
il lui faut
 » la justesse », en toute sa précision _,

qu’on peut dire _ j’y suis _
de ce style « si juste »
et si précis

_ dans, et par, cette sorte de brume qui nimbe
(pas tout à fait cependant jusqu’à l’embrouillamini et les carambolages du « brouillard »)
de ce « flou » _ allons-y donc, aussi _,

qu’on peut dire de ce style
qu’il est « à la Plossu« 

_ marque de fabrique libre, formidablement libre
_ ça aussi, comment ne pas le remarquer et le dire ? _
sans avoir eu jamais besoin d’être déposée ;
sans exportation ni contrefaçons possibles, en conséquence :
pour réussir à contrefaire la « marque de fabrique »,
ou ce « style« , « Plossu« ,
il faudrait parvenir à devenir
ce que la palette bariolée des multiples, divers, variés, vastes, aux dimensions de tous les continents de la planète, et tortueux aussi parfois, chemins de sa vie,
y compris passages d’épreuves et par le(s) désert(s) _ ô combien divers, les déserts _,
sont arrivés à faire du « bonhomme Plo«  _ ou, mieux encore, « plo« , sans majuscule (ou « b« , ou « ploplo« ) _,
comme il lui arrive de conclure avec prestesse ses merveilleux _ de justesse (et beauté : mais est-ce distinguable ?) _ mails,
mieux repéré dans le monde de la Photo et de l’Art sous l' »identifiant » « Bernard Plossu »

Saludo, o Abrazo, y Gracias, amigo.

Et maintenant,

« Le Sentiment de l’essentiel« , par Alain Bergala _ avec quelque farcissures miennes : en prolongement de son penser… _ :

« Les photographes qui inventent vraiment en photographie, ceux qui trouvent _ en général tout de suite _ leur photographie _ = leur style _, sont rarement ceux dont la visée _ carriériste _ est d’entrer dans l’institution de la photographie, d’endosser le rôle social de « photographe » _ Plossu n’est pas « social« , en effet ; ni idéologique ! Il n’est pas dans le « rôle«  Ce sont d’abord les images dont ils ont besoin _ en une très impérieuse « nécessité«  de (tout) leur être-au-monde (d’artistes : dont ils ressentent l’« appel«  profond !) _, et dont le modèle n’existe pas _ ni, donc, nulle part ne pré-existe _, qui les fait s’emparer _ tel est le geste fondateur, et quasi anodin, en même temps _ d’un appareil photo. N’importe quel appareil photo, la technique dans ce premier temps leur importe peu _ c’est seulement l’image elle-même, et en son geste unique, aussi, qu’il leur faut, et urgemment, « sauver«  : en la captant, tel un pauvre croquis sur un carnet à tout faire… Leur horizon de création n’est pas la photographie en elle-même ni pour elle-même, mais d’abord un besoin personnel, impérieux _ de toute première nécessité : en effet ! _, pas forcément conscient : celui de faire des images qui répondent _ en se traçant si peu que ce soit ainsi _ à leur propre désir _ à eux, ces « inventeurs«  _ d’entrer avec le réel _ au lieu de lui passer à côté ! sans que rien du tout en résulte… _ dans un rapport _ ontologique, de vérité : actif (à la puissance mille) ! voilà ! _ qui soit le leur _ en s’y glissant : tout en douceur, en ce rapport « leur« , idiosyncrasique, au réel… ; ne pas passer à côté de sa (seule vraie) vie !!! _, et dont ils n’ont pas forcément les mots _ ce serait déjà trop long _ pour le dire ou le penser _ c’est le dispositif photographique (dont soi-même on est un simple morceau, un simple rouage, une petite bielle : quasi modeste) qui seul agit ! Rien n’est moins futile _ certes : c’est de l’ordre de la gravité ! même si ultra-légère ! et ultra-rapide ! sans la moindre lourdeur ; laquelle, malheureux !, plomberait vilainement tout… _ que ces photos dont quelqu’un a eu intimement besoin _ c’est très exactement cela ! _ dans son rapport au monde _ qui le fait exister, aussi, lui, s’accomplir, se déployer : _ se déployer avec et vers l’objet saisi ; avec (= en compagnie de) et vers (en direction de) l’autre de ce rapport ; et autre absolument capital ! C’est une affaire de respiration (vitale !) : versus asphyxie… Ce qui est futile, c’est de faire de la photographie pour toute autre raison _ certes ! petite, sinon minable ! eu égard à ce « cela«  vital, capital, lui ! _, même artistique au sens social du terme _ et qui ne vaut pas grand chose (trop de pose ! et un penchant de fausseté !), face à pareil « absolu » !.. « Il n’y a pas photo«  du tout, en pareil choix, en pareille alternative !!! forcément rencontrée par tout artiste… D’où la fondamentale probité Plossu. Et la force de vérité des images qui en résultent et qu’il nous donne ! De quoi faire rager bien des jaloux, évidemment ; et leur ressentiment d’« inadmissible » face à la pureté, en effet, quasi angélique, mais oui ! _ et scandaleuse alors ! cf Pasolini ! Par exemple, en son « Théorème« _, de la vérité d’image du réel que sait capter si délicatement Bernard Plossu : tout innocemment, lui !..

Regardez bien la vibration _ oui ! _ à nulle autre pareille _ en effet ! _ de ces photos de femme _ Michèle Honnorat avait dix-huit ans, au Trocadéro, en 1962 _ dont il veut enregistrer la beauté sidérante _ voilà _ qui le charme autant qu’elle l’inquiète _ en effet ! et il lui tourne inlassablement autour ;

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Michèle 1963 © courtesy galerie La NonMaison, Aix-en-Provence

cf aussi les deux photos éblouissantes de Michèle

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Michèle, 1963  © courtesy galerie La NonMaison, Aix-en-Provence

sur le pont du bateau au large de Porquerolles, l’année suivante, en 1963 : peut-être le sommet de toute cette séquence de l’expo à la NonMaison ! _,

un ami _ Dominique Vialar _ dont il veut capter la croyance _ = confiance _ qu’il a en lui

Dominique Vialar, Paris 1963

Dominique Vialar, Paris, 1963 © courtesy galerie La NonMaison, Aix-en-Provence

_ une image d’une suprême élégance ! : à comparer avec celles (de groupe) des copains de ces années-là, dans cette mine qu’est le « Plossu : Rétrospective 1663 – 2006 » de Gilles Mora, aux pages 29 & 31 du chapitre « Génération nouvelle vague » : images plus anecdotiques, sociologiques (ou biographiques) seulement… : c’est du moins mon point de vue… _,

un coin de rue du Mexique où résonne sourdement son propre imaginaire cinéma _ tel un bagage en fond sonore du regard.

Ce qu’il cherche à apprivoiser _ oui ! du réel qu’il aborde (ontologiquement, en quelque sorte) à travers ces divers  « rapports«  aux choses, aux lieux et aux êtres (de chair et de sang)… _ avec ces photos, c’est le mystère du rapport qu’il entretient _ oui, c’est aussi comme une lutte amoureuse… _ avec ces sujets _ lieux et moments compris ! _ proches et pourtant si insaisissables _ faute d’être avec eux tout à fait « de plain-pied«  ! mais l’est-on jamais complètement ?.. Nous cesserions de continuer de marcher… Tout est dit ici, Alain ! Le jeune homme _ de dix-sept et vingt ans _ qui les a prises ne jouait _ certes _ pas au photographe. Au contraire : c’est lui et son rapport à la vie, aux autres, qui était en jeu _ de fait _ dans ces images _ en jeu grave, comme pour le (grand) Michel Leiris de « L’Âge d’homme » et de « La Règle du jeu« , ajouterais-je, pour ma part… Par quel miracle Plossu n’a-t-il jamais perdu _ en effet ! _ ce sentiment du personnellement essentiel _ c’est très exactement cela !!! _ qui imprègne _ et nimbe, si légèrement ; et avec quelle joie luminescente d’exister ! _ ces photos initiales ? _ Merci, Michèle,

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Michèle Cohen et Bernard Plossu, La Ciotat août 2009, par Guy Jungblut © courtesy galerie La NonMaison, Aix-en-Provence

de nous les faire découvrir, « à la source«  même _ « poïétiquement« , pour reprendre le terme du philosophe de l’Esthétique Mikel Dufrenne, en son passionnant « Le Poétique » (aux PUF), en 1963… _ de Plossu, en 1962… C’est proprement à la « poïétique« , même, donc _ rien moins !!! _ de Bernard Plossu que nous fait accéder par son intuition initiale, dès avant l’été 2008, Michèle Cohen, en étant à la source de ce « Plossu Cinéma«  ; je veux dire par là : et les deux expos du FRAC PACA de Marseille et de La NonMaison d’Aix-en-Provence ; et la si belle réalisation du livre qui en témoigne, par Guy Jungblut (avec l’œil _ unique ! _ de Bernard Plossu), de ce « Plossu Cinéma« , aux Éditions Yellow Now   Cet homme-là a toujours eu _ oui ! _ un besoin intime _ merveilleusement fort en sa terrible douceur ; d’aucuns (trop cérébraux ! ceux-là…) ne le supportent pas ! cela leur est « inadmissible«  ; mais oui, Gildas ! tant pis pour ces tristes !!! et jaloux… _ des photos qu’il a prises toute sa vie » _ sur la privation endémique et galopante de l’intime par nos contrées aujourd’hui, lire, de Michaël Foessel, « La Privation de l’intime » ; cf mon article du 11 novembre 2008 : « la pulvérisation maintenant de l’intime : une menace envers la réalité de la démocratie« 


Alain Bergala, janvier 2010

Voilà nos manières d’approcher peut-être l’énigme de la douceur du rapport au monde _ et toujours parfaitement « intimement«  ! _ du bonhomme Plossu ; notre ami…

Le monde en est meilleur !

A votre tour,

laissez vous gagner (à la stoïcienne !) à son contact…

Titus Curiosus, ce 27 janvier 2010

Post-scriptum :

Cette (double) exposition (marseillaise et aixoise) m’est d’autant plus _ un peu personnellement _ chère

que je fus aussi _ un peu, donc _ sur ses fonts baptismaux, avec Michèle Cohen et Pascal Neveux,

au domicile de Bernard Plossu, le 22 juillet 2008 ;

sur une intuition fécondissime de départ de Michèle… Vivent les nuits d’été !

Et enfin,

cerise sur le gâteau,

c’est à l’objection de Valéry Laurand, philosophe (spécialiste des Stoïciens) : « et la « rencontre », si ce n’était que du cinéma ? » _ de la « pose« , en quelque sorte ; du théâtral : menteur… _

que je me suis « essayé » à répondre

en un (long) essai (inédit : je l’ai adressé seulement à Bernard Plossu et à Michèle Cohen ; car ma réflexion est partie de ma propre rencontre avec le bonhomme Plossu _ et ses diablesses de photos : d’une douceur « confondante » !.. pure, angélique !.. _) intitulé « Cinéma de la rencontre : à la ferraraise » ;

car la vérité de ce que nous donne à regarder, en son cinéma, Michelangelo Antonioni _ comme en la séquence ferraraise (inaugurale tout autant que testamentaire) de « Al di là delle nuvole« , en 1995… _,

moi, j’y crois !

Aussi, suis-je personnellement ravi que la (double) photo de couverture

Couverture, Porquerolles 1963

Couverture, Porquerolles, 1963 © courtesy galerie La NonMaison, Aix-en-Provence

_ sublime en sa « séquence » (horizontale, panoramique : la ligne d’horizon de la mer prolongeant la ligne du dos de la jeune fille) à la fois contrastée (le charnu d’un corps de jeune femme étalé se livrant, de dos, les yeux clos, au soleil sur le pont d’un bateau / quelques rochers dressés, pointus, hostiles sur une côte d’île au milieu de la mer, sur la droite de l’image), et (très discrètement) signifiante de la complexité de ce qu’est la vie ; et même les amours… _ de ce si beau livre qu’est « Plossu Cinéma« , aux Éditions Yellow Now, et dans la collection Côté photo _ merci Guy Jungblut pour votre travail, une fois de plus, parfait ! si élégant et si juste ! c’est essentiel ! c’est magnifique ! dans toute la diversité, aussi, du « regard«  (unique !) de Bernard Plossu… _, soit la succession de deux images prises l’une juste après l’autre _ et se succédant sur la planche-contact _, l’été 1963 au large de Porquerolles _ la photo de « quatrième de couverture » (avec un superbe cactus proliférant sur la petite terrasse face à la mer)

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Quatrième de couverture © courtesy galerie La NonMaison, Aix-en-Provence

est sous titrée, de l’écriture claire, vive et pausée, tout à la fois, de Bernard Plossu : « La maison de Pierrot le Fou à Porquerolles, en 1976«  ; un hommage à Godard, elle, dont la Marianne et le Pierrot nous ont, pas mal d’entre nous, pas mal marqués (en 1965)… _,

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signature © courtesy galerie La NonMaison, Aix-en-Provence

la succession _ séquentielle ! cf là-dessus la très riche réflexion de l’article « Photographier en cinématographe«  de Núria Aidelman, en présentation de la section « Le Déroulement du temps«  de l’expo au FRAC de Marseille, aux pages 84-85 du livre…  _ de deux images _ à gauche, Michèle Honnorat prenant le soleil sur le pont du bateau ; à droite, la côte rocheuse, noire, au large, mais pas loin, vers Porquerolles _ sur la planche-contact, qui rappellent, en radieuse beauté, l’Antonioni de soleil et d’ombre de « L’Avventura« , en 1960 _ dont la (magnifiquement) longue séquence de (quasi _ le tout début se passe à Rome…) ouverture se déroule au large de, et puis sur l’îlot (seulement rocheux, peu accueillant à arpenter…) de Lisca Bianca, la plus petite des Îles Lipari (ou Îles Éoliennes), chères aussi (depuis) à Bernard Plossu…

Je suis _ personnellement _ particulièrement heureux, donc, de ce choix (et hommage) « antonionien » !!! pour ce livre magnifique _ de 192 pages, avec un éventail très généreux de merveilleuses photos _ qu’est ce « Plossu Cinéma« , nous donnant à regarder le parcours d’artiste de Bernard Plossu, de 1962 à 1965, puis 1966 à 2009.

Le livre est ainsi,

par cette « récapitulation » d’un bonheur vrai _ d’artiste et d’homme, tout uniment !

et c’est crucial en ce cas d’espèce ! la perspective « poïétique«  sur la gestation du génie Plossu

_ Alain Bergala use, lui, de l’expression, également très juste, de « cinéma séminal«  ! pour intituler sa très substantielle et éclairante contribution : « Le Cinéma séminal de Bernard Plossu« , aux pages 16 à 27 de « Plossu Cinéma«  _

issue du regard (profond !) de Michèle Cohen

étant à mes yeux la nouveauté fondamentale et capitale, pardon d’enfoncer ainsi le clou !, de ce livre-ci, « Plossu Cinéma« , sur l’œuvre : photographique,

mais aussi cinématographique !

_ cf les deux films projetés en permanence et en continu au FRAC :

soient « Almeria, La Isleta del Moro« , une vidéo couleur de 50′ de Bernard Plossu lui-même, en 1990 ;

et « Sur la voie« , un documentaire réalisé par Hedi Tahar, sur une idée de Bertrand Priour, en 1997, une production La Houppe, pour FR3 : « sur la manière de photographier«  de Bernard Plossu « depuis les vitres d’un train«  : ici « pendant le trajet La Ciotat-Lyon-La Ciotat, via Marseille, en hommage aux frères Lumière« , Bernard Plossu commentant tout le long ce qu’il voit : « L’équipe avait une 16 mm, une caméra vidéo qui prenait aussi le son ; et moi, j’avais une petite caméra super8. C’est ce jour-là que j’ai filmé ce qui est devenu ensuite la série de photogrammes « Train de lumière« . Comme j’avais aussi mon appareil photo Nikkormat, j’ai collé la caméra super8 au viseur du Nikkormat, et j’ai filmé à travers : verticale et horizontale, double vision !« , commente Bernard Plossu lui-même

+ la (double) projection, et en avant-première, au Cinémac, du Musée d’Art Contemporain de Marseille, le samedi 27 février prochain, de 14h à 17h, des deux films : « Le Voyage mexicain« , film super8 en couleurs tourné en 1965-1966 (de 50′), par Bernard Plossu lui-même ; puis « Un Autre voyage mexicain« , film en couleurs tourné en 2009 (de 110′) par Didier Morin ;

de même que « Le Voyage mexicain«  de Bernard Plossu sera redonné le samedi 20 mars au FRAC de Marseille, à 14h30, en présence de Bernard Plossu et de Dominique Païni ; Dominique Païni a écrit l’article de présentation (aux pages 158 à 161 de « Plossu Cinéma ») qu’il a intitulé « Vierge, vivace et le bel aujourd’hui« , consacré aux films de _ ou avec la participation de _ Bernard Plossu : une sélection de photogrammes extraits des films « Train de Lumière », « Sur la voie« , « Le Voyage mexicain«  et « Almeria« , sont visibles aux pages 162 à 175 de « Plossu Cinéma« . Fin de la (beaucoup trop) longue incise à propos de l’œuvre cinématographique (à découvrir !) de Bernard Plossu : tout aussi libre et juste que sa photo… _

Le livre est ainsi

_ je reprends ma phrase commencée plus haut _,

par cette « récapitulation » d’un bonheur vrai _ d’artiste et d’homme, tout uniment ! _ conquis sur fond de deux ou trois précipices, bien réels eux aussi ;

le livre est ainsi

magnifiquement plossuïen _ j’espère qu’on voudra bien pardonner l’étalage ici de mon enthousiasme… Mais il n’est pas si fréquent d’approcher d’un peu près, au point d’y participer même un peu, à la joie généreuse d’un tel artiste « vrai«  !

D’où le qualificatif (rochien) d’« inadmissible » _ de la part des malheureux qui « résistent«  des quatre fers à l’évidence Plossu… : dans leurs forteresses froides (et hyper-sèches) germano-pratines ! _ pour ce que je ressens _ on ne peut plus joyeusement, dans mon cas, provincial que je suis, moi aussi, et du pays (rieur) de Montaigne ! _ comme une « renversante«  « douceur » : étonnamment discrète et pudique _ et la boucle est bouclée…

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