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Un très juste article, à nouveau, sur l’éclatante réussite des tragiques « Boréades » de Jean-Philippe Rameau dans l’interprétation saisissante de György Vashegyi et la splendide troupe réunie par lui…

27sept

En écho à mon article éminemment laudatif «  » du jeudi 12 septembre dernier,

voici, ce jour, un justissime article, à nouveau, du très fiable Jean-Charles Hoffelé à propos de l’enregistrement par György Vashegyi , le Purcell Choir, l’Orfeo Orchestra, et une excellente réunion de chanteurs à leur optimum, des magistrales « Boréades » de Jean-Philippe Rameau ;

un article intitulé « La Flèche magique » :

LA FLÈCHE MAGIQUE

« Suivez la chasse, allez », de son chant si noble, en trois mots, Sabine Devieilhe pose le tendre personnage d’Alphise face à l’attentive Sémire de Gwendoline Blondeel. La chasse, qui a emporté l’ouverture – Rameau se dispense du prologue, d’emblée tout à sa tragédie (et quelle !) – résonnera au long de cette première scène, cors en appels qui viendront piquer le dialogue et élargir l’espace sonore, jusqu’à l’arrivée de Borilée, formidable Philippe Estèphe, et du haut ténor de Benedikt Kristjansson, Calisis un peu fat.

La caractérisation de chaque personnage, apanage de cette version saisissante _ absolument !!! _, fait l’ultime théâtre de Rameau moderne comme jamais _ oui : un aboutissement de tout le magistral œuvre ramélien ! _, le chant si pur et si ardent _ oui : splendide ! _ de Reinoud van Mechelen donnant une ampleur d’émotion et une élégance de style plus entendus depuis le modèle laissé par Philip Langridge – tout aussi stylé, l’Adamas paternel de Tassis Christoyannis – fait entendre dans la nature de son chant que lui seul _ Reinoud van Mechelen, donc _ a la clef du secret d’Abaris, comme Thomas Dolié _ excellent comme à son habitude _ campe un Borée ravageur _ oui.

Sur une troupe aussi parfaite _ voilà, voilà ! _, l’orchestre fulgurant _ oui ! et pour quelle inouïe musique !!! _ de György Vashegyi emporte la victoire, fascinant évidemment dans les déchaînements qui unissent les Acte III et Acte IV, mais si juste dans les interrogations et les divertissements de l’Acte I, les charmes amoureux qui font de l’Acte II une parenthèse subtile où la danse s’invite, saisissant dans la tension de l’acte final et dans sa solaire résolution _ tout cela étant justissime. On garde amoureusement la gravure princeps de Sir John Eliot Gardiner, on chérit les audaces de Václav Luks, mais c’est ici qu’on viendra s’émerveiller avec constance devant ce chef-d’œuvre _ oui, oui, oui ! Cf mon propre article « «  en date du 12 septembre dernier… _ qui aura attendu le XXe siècle pour paraître _ enfin…

LE DISQUE DU JOUR

…`

Jean-Philippe Rameau (1683-1764)


Abaris ou Les Boréades,
RCT 31

Sabine Devieilhe,
soprano (Alphise)
Reinoud van Mechelen,
ténor (Abaris)
Benedikt Kristjansson,
ténor (Calisis)
Philippe Estèphe, baryton (Borilée)
Thomas Dolié, baryton (Borée)
Tassis Christoyannis, baryton (Adamas, Apollon)
Gwendoline Blondeel, soprano (Sémire, Une nymphe, L’Amour, Polymnie)

Purcell Choir
Orfeo Orchestra
György Vashegyi, direction

Un album du label Erato 5021732372734

Photo à la une : le chef d’orchestre György Vashegyi –
Photo : © Pilvax Films

 

Bravissimo pour cette magistrale _ et indispensable _ réalisation,

si fidélissime au tragique profond de ce chef d’œuvre, ultime, de Rameau…


Ce vendredi 27 septembre 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

La reconnaissance confirmée du talent singulier de Jonathan Fournel, brillant et affuté pianiste, ici dans Chopin et Szymanowski…

25sept

Le 3 septembre dernier, je consacrais un article de curiosité admirative «  » envers le talent brillant et affuté du pianiste Jonathan Fournel, à l’occasion de la parution de son superbe album Alpha 1064 « Chopin – Szymanowski« … 

Et voici que trois semaines plus tard cette admiration mienne évoquée en mon article se voit rejointe et développée plus amplement par deux articles bien détaillés consacrés à ce même CD Alpha 1064 « Chopin -Szymanowski » de Jonathan Fournel au piano :

le premier avant-hier 23 septembre, par Jean Lacroix sur le site du magazine Crescendo, sous le titre de « Après Brahms et Mozart, Jonathan Fournel se tourne vers la Pologne » ;

et le second hier 24 septembre, par Jean-Charles Hoffelé, sur son blog Discophilia, sous le titre de « Les deux Pologne« …

Les voici donc, l’un et l’autre :

Après Brahms et Mozart, Jonathan Fournel se tourne vers la Pologne

Le 23 septembre 2024 par Jean Lacroix

Frédéric Chopin (1810-1849) : Sonate pour piano n° 3 en si mineur op. 58. Karol Szymanowski (1882-1937) : Variations pour piano en si bémol mineur op. 3 ; Variations sur un thème folklorique polonais op. 10. Jonathan Fournel, piano. 2023. Notice en français, en anglais et en allemand. 60’ 51‘’. Alpha 1064.

Vainqueur du Concours Reine Elisabeth de 2021, placé sous le signe de la pandémie, le pianiste français Jonathan Fournel (°1993), originaire de Sarrebourg, dans l’est de la France, avait alors démontré ses affinités particulières avec Brahms en jouant en demi-finale les Variations et Fugue sur un thème de Haendel op. 24, avant un brillant Concerto n° 2 en finale. Entré dès 2009 au CNSM de Paris où il étudia avec Bruno Rigutto, Brigitte Engerer, Claire Désert et Michel Dalberto, Fournel a poursuivi sa formation, à partir de 2016, à la Chapelle musicale de Waterloo, avec Louis Lortie et Avo Kouyoumdjian. Dans la foulée de ce Premier Prix, il a gravé pour Alpha son premier disque _ Alpha 851 _, consacré lui aussi à Brahms _ « Brahms – Piano Sonata N°3 – Handel Variations«  On y retrouvait l’opus 24 _ « Variations and Fugue on a Thème by Handel«  _, couplé à la Sonate n° 3 _ Op. 5. Nous avions souligné, le 23 novembre 2021, l’excellence du style, riche en nuances, ainsi que la plénitude, la capacité expressive, l’énergie et l’intensité émotionnelle que ces pages dévoilaient chez ce jeune interprète. Nous appelions aussi de nos vœux des gravures de Fournel dans d’autres répertoires. Ce fut chose faite, début 2024, pour le même label, avec les Concertos n° 18 et 21 de Mozart _ le CD Alpha 1039 _, l’Orchestre du Mozarteum de Salzbourg étant placé sous la direction de Howard Griffiths ; Fournel en soulignait toute la vivifiante élégance.

Pour son troisième album chez Alpha _ le CD Alpha 1064 _, le pianiste propose un album où se côtoient Chopin et Szymanowski. Un judicieux programme polonais, qui rappelle que le second nommé, dans ses partitions _ Op. 3 et Op. 10 _ de Variations, composées en pleine jeunesse, au tout début du XXe siècle, s’inscrit dans la descendance de Chopin, mais aussi du premier Scriabine, et sous influence brahmsienne et schumanienne. Dans l’opus 3 _ « Variations in B Flat Minor«  _, dédié à Arthur Rubinstein lorsqu’il est publié en 1910 (sauf erreur, le virtuose n’en a pas laissé de témoignage sur disque) _ l’œuvre a été composée en 1903 _, douze variations s’enchaînent, en moins de douze minutes, Szymanowski manie l’art de la concision et de la liberté expressive, avec des suraigus et des graves, une certaine joie, et un rappel de la marche funèbre de Chopin. Le compositeur est en recherche d’un style propre, qu’il va développer au sein de l’opus 10 _ « Variations on a Polish Folk Theme«  _ de manière plus large (une vingtaine de minutes), dans une polyphonie plus travaillée, qui fait défiler les variations d’un thème emprunté à un recueil de chants de la région de Zakopane, située au pied de la chaîne montagneuse des Tatras. La musique traditionnelle fait ainsi son entrée dans le catalogue de Szymanowski. L’écriture pianistique, qui n’est pas sans évoquer des atmosphères lisztiennes, s’exprime encore de façon académique (la dédicace est pour son professeur Zygmunt Noskowski), mais avec des humeurs variées : sombre, rêveuse, rythmée, funèbre, ou triomphale dans une conclusion en apogée. Jonathan Fournel sert ces deux séries de variations avec un vrai sens de l’équilibre instrumental, leur accordant cette part de jeunesse qui les caractérise, sans effets ni contrastes malvenus. Il met en évidence les influences, tout en animant le tout avec finesse et sûreté.

Placée entre les deux opus szymanowskiens, la Sonate n° 3 _ Op. 58 _ de Chopin (1844) fait vibrer la lumière et la joie, tout à fait à l’opposé de la Sonate Funèbre _ N°2. De style large et jaillissant, cette composition de Nohant, à la virtuosité maîtrisée, déploie un superbe chant d’une esthétique entre Beethoven et Bellini dans le vaste l’Allegro maestoso initial, avant un bref Scherzo « plus léger que l’air », selon la jolie formule de maints commentateurs. Le Largo se mue en caresses élégiaques qui s’épanouissent de façon rêveuse, en plein émerveillement, presque irréel. Chopin laisse la puissance et les scintillements se propager dans un final en forme de rondo, aux effets flamboyants. Jonathan Fournel est ici aussi à l’aise que dans Brahms ; il traduit tous les paysages intérieurs de Chopin avec un enthousiasme communicatif, un sens du partage, une flamme ardente et un engagement qui séduisent tout au long du parcours. Il sait aussi ne pas se laisser emporter par une fougue trop débridée et ne pas être débordé par une émotion excessive (le Largo est superbement énoncé), dans le respect de ce moment de bonheur que reflète l’écriture du compositeur. On aurait aimé que _ dans le livret du CD _ Fournel fasse l’un ou l’autre commentaire sur la manière dont il conçoit son approche de Chopin. Mais la notice n’en dit rien.

Ce troisième album confirme la maturité pianistique d’un artiste qui aura sans doute bien des richesses musicales à proposer dans le futur.

Son : 9  Notice : 8  Répertoire : 10  Interprétation : 10

Jean Lacroix

LES DEUX POLOGNE

Admirable la Sonate en si _ de Chopin _ selon Jonathan Fournel, l’élégance et le feu, la main gauche impérieuse, le chant dit haut, la lumière même du Steinway font son Chopin d’une intense autorité sans pourtant oublier la ligne classique qu’y entendait jadis Dinu Lipatti. Le modèle certes était posé, mais le jeune homme y ajoute son propre clavier, où les polyphonies dansent, s’exaltent, s’envolent.

Pourtant, aussi fabuleuse que soit sa Sonate de Chopin, ce sont d’abord les deux cahiers de Variations _ Op. 3 et Op. 10 _ de Szymanowski qui me feront ranger le disque à l’auteur du Roi Roger _ ce chef d’œuvre majeur…

D’un Polonais l’autre croirait-on, mais non, le jeune Szymanowski ne regarde guère vers Chopin, Fauré s’évoque quasi sous les doigts du Français dans le thème de l’Opus 3, les verreries colorées de Scriabine, si souvent jouées pour Szymanowski par Heinrich Neuhaus, sont reconnaissables dans maintes variations, tout cela divulgué avec des attentions de poète qui trouveront l’ampleur commandée, une année plus tard _ en 1904 _, par les Variations sur un thème polonais, son glas fulgurant, ses esquisses de danses des Tatras, ses spectaculaires oiseaux de la coda, tout cela si vif, si prégnant, preuves nouvelles d’un art inspiré qui s’amplifie à chaque nouvel album.

LE DISQUE DU JOUR

Karol Szymanowski
(1882-1937)


Variations en si bémol mineur, Op. 3
Variations sur thème populaire polonais, Op. 10


Frédéric Chopin (1810-1849)


Sonate pour piano No. 3
en si mineur, Op. 58

Jonathan Fournel, piano

Un album du label Alpha Classics 1064

Photo à la une : le pianiste Jonathan Fournel – Photo : © Marco Borggreve

Deux belles reconnaissances de la critique : un talent d’interprète assurément à suivre…

Ce mercredi 25 septembre 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

Un formidablement exaltant « Les Sept Péchés capitaux » de Kurt Weill (et Bertolt Brecht) par une faramineuse Katharine Mehrling en Anna, dans le CD « The Kurt Weill Album » de Joana Mallwitz, pour Deutsche Grammophon…

23sept

C‘est un diaboliquement saisissant « Die Sieben Todsünden » _ créé à Paris au Théâtre des Champs-Elysées le 7 juin 1933 _

de Kurt Weill (Dessau, 2 mars 1900 – New-York 3 avril 1950) et sur un texte de Bertolt Brecht (Augsbourg, 10 février 1898 – Berlin, 14 août 1956),

que vient nous offrir, en un abrasif et formidablement décapant CD Deutsche Grammophon 486 5670 « The Kurt Weill Album« , Joana Mallwitz dirigeant le Konzerthausorchester Berlin _ un enegistrement à Berlin aux mois de Janvier et février 2024 _,

avec, surtout, la très efficacement incisive présence, en Anna, de Katharine Mehrling, accompagnée de Michael Porter, Simon Bode, Micael Naegl et Oliver Zwarg : une équipe de chanteurs absolument idoine pour ce chef d’œuvre enthousiasmant et vénéneux de Kurt Weill…

Écoutez ici ses 7 moments, c’est bouleversant ! :

1 : Prolog  (3′ 24)
2 : Faulheit (4′ 04)
3 : Stolz (4′ 02)
4 : Zorn (4′ 11)
5 : Völlerei (2′ 57)
6 : Unzucht (4′ 54)
7 : Habsucht (2′ 53)
8 : Neid (4′ 26)
9 : Epilog (1′ 24) 

À coté d’un article bien peu convaincant (et à côté de la plaque) de Pierre-Jean-Tribot intitulé « Kurt Weill symphonique avec Joana Mallwitz » paru le 29 août dernier sur le site du magazine Crescendo,

voici un article autrement judicieux du très fin et fiable Jean-Charles Hoffelé, et justement intitulé, lui, « Péchés capitaux« , paru le 16 septembre dernier sur son excellent blog Discophilia : 

PÉCHÉS CAPITAUX

Dès l’abrasion  _ voilà : Kurt Weill est merveilleusement abrasif, en effet _ des accords qui ouvrent la Symphonie berlinoise, la messe est dite : Joana Mallwitz et son orchestre signent un disque Kurt Weill majeur, d’abord pour les deux Symphonies, peu mais toujours bien enregistrées (De Waart, Bertini surtout, la Première de Sawallisch, les Seconde de Jansons et de Shani), plongée dans un brasier _ voilà _ qui en exalte la radicalité moderniste _ oui, oui _, mais surtout _ voilà !!! _ pour une interprétation faramineuse _ oui ! _ des Sept péchés capitaux _ de 1933, et sur un texte formidable de Brecht… _ où Katharine Mehrling sera désabusée, cruelle, ironique, fataliste, terrible _ absolument !

Elle a entendu _ bien sûr _ le modèle laissé par Lotte Lenya _ Vienne, 18 octobre 1898 – New-York, 28 novembre 1981  _, s’en inspire sans copier _ oui _, elle sait les subtilités _ oui, encore _ qu’Ute Lemper _ Münster, 4 juillet 1963 _ y a joutées, à leur égal elle est totalement _ voilà, voilà ! _  Anna, jusque lorsque la narratrice qu’elle devient décrit l’ultime étape du voyage, ce San Francisco où semble passer le souvenir de Lulu face à Jack l’Éventreur _ et c’est encore tout à fait juste… Les boys sont au diapason _ oui _, formidables _ tout à fait !

Sur son chant blessé _ comme l’apparence que le timbre écorché donne idéalement à la voix de Katharina Mehrling _, Joana Mallwitz met son orchestre délétère _ oui : et c’est là la tonalité majeure de l’œuvre... _, si intimement lié à la voix de la chanteuse _ oui ! _ que déjà je rêve _ moi aussi… _ de les retrouver dans un album herborisant les songs de la période américaine _ dont le bouleversant « Speak low« , par exemple : écoutez-ici l’interprétation glamour d’Anne Sophie von Otter, parmi bien d’autres… _, il ne faut pas qu’elles en restent là !

LE DISQUE DU JOUR

The Kurt Weill Album

Kurt Weill (1900-1950)


Symphonie No. 1
« Berliner Sinfonie »


Die sieben Todsünden


Symphonie No. 2
« Fantaisie symphonique »

Katharine Mehrling
(Anna I & II)
Michael Porter, Simon Bode, ténors
Michael Nagl, baryton
Oliver Zwarg, baryton-basse

Konzerthausorchester Berlin
Joana Mallwitz, direction

Un album du label Deutsche Grammophon 4865670

Photo à la une : la cheffe d’orchestre Joana Mallwitz –
Photo : © Sima Dehgani/Deutsche Grammophon

Une intelligence magnifique et justissime du génie de Kurt Weill (et de Bertolt Brecht) !

Ce lundi 23 septembre 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

Juste une oreille rapide au double CD « Forqueray – Intégrale des Pièces de Viole » de Myriam Rignol : un peu trop placide à mon goût…

22sept

Mon affection-passion pour la musique française de l’époque dite baroque a fait que je me suis laissé tenter par le double CD Château de Versailles – Spectacles (n°12 de la collection « La Chambre des Rois« ) CVS 120 « Forqueray – Intégrale des Pièces de Viole » de Myriam Rignol, avec la complicité de Pau Marcos Vicens, Gabriel Rignol, Julien Wolfs, Lucile Boulanger et Mathilde Vialle…

qui, à l’écoute de ses 156′ 40, me laisse une impression de performance seulement anecdotique, sans véritable génie saisissant :

que ce soit ceux des compositeurs de cette famille _ de plutôt turbulente réputation _, des Forqueray ;

ou ceux des interprètes d’aujourd’hui...

À titre de simple information adjacente,

voici ce qu’en a dit le 19 septembre dernier, en un article intitulé « Histoire de famille« ,  le bien bon Jean-Charles Hoffelé :

HISTOIRE DE FAMILLE

Le père, le fils, le neveu. Chez les Forqueray, on aura saisi au cours des générations _ Antoine Forqueray (1671 – 1744), Jean-Baptiste Forqueray (1699 – 1782), Nicolas-Gilles Forqueray (1703 – 1761)…  _ toute l’évolution de la viole de gambe, de son apogée magnifié par le grand jeu d’Antoine, virtuose consommé victime de sa légende (de virtuose « diabolique« )… – dans son instructive note d’intention Myriam Rignol corrige le tir, je pense qu’elle ne le voit pas _ ce diabolique et sulfureux Antoine Forqueray _ si opposé à _ l’angélique rivalMarin Marais – aux ariettes sans voix de Nicolas-Gilles en passant par les précis poétiques de Jean-Baptiste dont l’art se marie si naturellement à celui de son père à la façon des poupées gigogne.

Ajouts majeurs, les pièces à trois violes certainement du fils, où Myriam Rignol fait assaut de poésie et de caractère avec Mathilde Vialle et Pau Marcos Vicens.

La petite troupe varie à loisir les opus en les vêtant des cordes pincées du théorbe, de la guitare, du luth animés par Gabriel Rignol et du clavecin (Julien Wolfs). S’y ajoute parfois le dessus enchanteur de Lucile Boulanger, on tient enfin _ oui… _ tout ce que cette prodigieuse famille écrivit pour la grande caisse, dans des luxes de poésie, d’imagination, qui renouvellent une discographie relativement rare, préférant retrouver, par-delà les humeurs de Paolo Pandolfo, la lyrique un rien crépusculaire de Jordi Savall, ses tendresses maraisiennes, qui déjà éloignait le diable d’un art si noble.

LE DISQUE DU JOUR

Antoine Forqueray
(1671-1744)


6 Pièces de viole


Nicolas-Gilles Forqueray(1703-1761)


Rondeau « que je regrette Papillon »
Rondeau musette « N’espère plus jeune Lisette »


Jean-Baptiste Forqueray(1699-1782)


Allemande
Courante
Sarabande
Pièces de viole avec la basse continue (1747 –
d’après les pièces d’A. Forqueray)

Myriam Rignol, basse de viole
Pau Marcos Vicens, basse de viole
Gabriel Rignol, théorbe, luth, guitare baroque
Julien Wolfs, clavecin
Lucile Boulanger, dessus de viole
Mathilde Vialle, basse de viole

Un album de 2 CD du label Château de Versailles Spectacles CVS120

Photo à la une : la gambiste Myriam Rignol – Photo : © DR

 

Mais pour ce qui me concerne, en tout cas, je n’ai pas du tout été emballé par un peu trop de placidité de ces interprétations-ci :

j’attends bien davantage de vie et d’élan, et surtout un petit grain supplémentaire de diabolique folie…

Ce dimanche 22 septembre 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

L’erreur de parcours du « Douce France – Mélodies et Chansons – Berlioz – Chausson – Duparc – Kosma – Trenet – Brel » de Benjamin Bernheim : et pour la voix, et pour le style. Et c’est le charme qui fait défaut…

07sept

Le CD Deutsche Grammophon 486 6155 de 12 mélodies (et 3 chansons) françaises « Douce France – Mélodies et Chansons – Berlioz – Chausson – Duparc – Kosma – Trenet – Brel«  _ enregistré à Paris, salle Colonne, au mois de février 2024 _ de Benjamin Bernheim, avec le piano de Carrie-Ann Matheson, est pour moi, amateur passionné de mélodies françaises _ et qui avais aussi beaucoup apprécié jusqu’ici la discographie de Benjamin Bernheim… _, une douloureuse déception :

_ trop maniéré et sans assez d’allant, de sprezzatura, pour le style, inadapté à l’art subtil et sans la moindre pesanteur, de la mélodie pour ne rien dire de l’ajout incongru et très artificiel des trois chansons finales (de Kosma, Trenet et Brel) _ ;

_ et une voix parfois hélas engorgée, et avec des aigus bien trop métalliques, mal maîtrisés…

Je ne partage donc hélas pas, mais pas du tout, les avis bien trop généreux des articles « Vie antérieure » de Jean-Charles Hoffelé, en date d’hier 6 septembre, sur son site Discophilia ;

et « Mélodies et chansons françaises avec Benjamin Bernheim et Carrie-Ann Matheson » de Pierre Degott, lui aussi en date d’hier, sur le site de ResMusica…

LA VIE ANTÉRIEURE

Un étonnement d’abord : l’orchestre manque pour Les Nuits d’été, réduit en squelette par la transcription de Carrie-Ann Matheson, pas pour le Poème de l’amour et de la mer où la pianiste a saisi _ à son seul piano : bravo à elle ! _ toute la palette de l’original. On ne sait pas assez qu’Ernest Chausson aura écrit son triptyque pour ténor : Désiré Desmet en assura la création _ le 21 février 1893, à Bruxelles _, le compositeur au piano.

Benjamin Bernheim y est idéal, conteur d’abord, et ajoute une version majeure dans une discographie peu fréquentée côté homme : hier Ivan Kozlovski (et en russe), plus récemment _ dans le CD « Turbulent heart – Music of Vierne & Chausson« , avec le Queensland Orchestra, dirigé par Guillaume Tourniaire, un CD Melba paru en octobre 2009 : à écouter en podcast ici (27 ‘ 38) ; et c’est bien beau…Steve Davislim qui vient de nous quitter _ le 11 août 2024, à Vienne _, les deux avec l’orchestre que Chausson réserva pour les sopranos : l’original est donc seulement ici _ mais un tel scoop discographique constitué-t-il un motif bien suffisant ?..

Les Nuits d’été appelle une grande voix, Gérard Souzay y trouvait Eleanor Steber géniale, il aurait applaudi au vaste instrument qu’y déploie Benjamin Bernheim _ écouter ici le podcast, d’une durée de 27′ 06 pour ces 6 (sublimissimes) mélodies des Nuits d’été _, capable d’allégement sidérant : Sur les lagunes sur un fil, Le spectre de la rose fuligineux, que de poésie dans l’élégance, que de vertige dans l’émotion _ non ! ; et je partage bien plutôt l’avis de cet auditeur, jefgong : « Décevant. Trop appliqué. Pas de parfums, pas de sensualité. Que de raideurs, que de duretés ! »

Pourtant, le plus beau du disque reste à venir : les Duparc _ et là, je suis d’accord : les Duparc sont le plus satisfaisant de ce récital, à mon avis aussi… _ sont impérissables _ ce superlatif-ci est-il bien nécessaire ? _, L’Invitation au voyage trouble _ écoutez-en ici le podcast (d’une durée de 4′ 17)… _, La Vie antérieure opiacée _ écoutez-ici (d’une durée de 4′ 17)… _, Extase tristanesque _ écoutez-ici (d’une durée de 3′ 22)… _, Phidylé entre murmure et éclat _ ici le podcast (d’une durée de 4′ 55)… _, le disque se referme sur trois chansons qui ne me consolent pas _ moi non plus… _ des autres Duparc qui manquent. Il les faut au complet, Benjamin Bernheim y poserait tout son art _ qui gagnerait cependant à beaucoup plus de simplicité, et moins de pose : le partage au public de la mélodie est en effet de l’ordre de l’intimité, et pas du grand-guignol de la scène... _ face au modèle _ voilà !!! _ laissé jadis par Leopold Simoneau _ écoutez par exemple ici la perfection de l’art du chant « naturel » de Léopold Simoneau (Saint-Flavien, 3 mai 1916 – Victoria, 24 août 2006), enregistré en 1956, dans « Phidylé » (d’une durée de 6′ 31) ;

de « Phidylé« , j’apprécie bien aussi l’interprétation (l’écouter ici) de Véronique Gens, en son CD Alpha 215 « Néère« 

LE DISQUE DU JOUR

Douce France

Hector Berlioz (1803-1869)
Les nuits d’été, H. 81 (version pour ténor et piano : Matheson)


Ernest Chausson (1855-1899)
Poème de l’amour et de la mer, Op. 19 (version pour ténor et piano : Matheson)


Henri Duparc (1848-1933)
L’invitation au voyage
Extase
Phidylé
La vie antérieure


Joseph Kosma (1905-1969)
Les feuilles mortes (version pour ténor et piano : Leuenberger)


Charles Trenet (1913-2001) / Léon Chauliac (1913-1977)
Douce France (version pour ténor et piano : Leuenberger)


Jacques Brel (1929-1978)
Quand on n’a que l’amour (version pour ténor et piano : Leuenberger)


Benjamin Bernheim, ténor
Carrie-Ann Matheson, piano

Un album du label Deutsche Grammophon 4886155

Photo à la une : le ténor Benjamin Bernheim – Photo : © Edouard Brane

Mélodies et chansons françaises avec Benjamin Bernheim et Carrie-Ann Matheson

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Dans un répertoire peu fréquenté par les grands ténors lyriques,  enchante par l’élégance et la délicatesse _ un poil trop affectée, pour moi... _ de son chant. Accompagnement suprême de la pianiste .

De Georges Thill à Roberto Alagna, en passant par Cesare Vezzani, Albert Lance, Gilbert Py ou Alain Vanzo, les grands ténors lyriques de notre pays n’ont pas beaucoup pratiqué la mélodie française _ probablement par prudence : c’est si fragile et délicat, en son sublime qui est très éloigné du gueuloir de la scène…… Cette dernière, en revanche, a été plutôt bien servie _ mais oui ! _ par nos ténors de caractère ou de demi-caractère. Hugues Cuénod, Michel Sénéchal, Yann Beuron, Cyrille Dubois _ parfaits, eux, en effet : et je les aime tous beaucoup, beaucoup !.. _ et bien d’autres s’en sont fait une spécialité. Grâces soient donc rendues aujourd’hui à pour proposer un programme original _ vraiment ? En tout cas guère équilibré… _, permettant de faire entendre des pages tirées du grand répertoire aux côtés de quelques chansons dites populaires, marquant ainsi une forme de continuité _ mais artificielle et forcée, hélas… _ entre musiques dites savantes et musiques supposées populaires. On se réjouit au passage _ mais est-ce vraiment important ? Non ! Seul compte l’art du chant… _ d’entendre, aussi bien interprétés par une voix de ténor, des cycles que la tradition, pour des raisons assez inexplicables, a fini par associer à une voix de femme. Le texte des Nuits d’été de Berlioz et du Poème de l’amour et la mer de Chausson est pourtant sans ambiguïté, il est explicitement adressé à une femme aimée. L’un des deux cycles fut également créé par une voix d’homme, la première audition de l’œuvre de Chausson en 1893 ayant eu lieu _ à Bruxelles _ avec le ténor Désiré Demest, accompagné du compositeur au piano. Berlioz, de son côté, eut l’occasion en 1843 de diriger dans « Absence » le grand Gilbert Duprez, le fameux inventeur du contre-ut de poitrine. On notera également pour les deux cycles le choix d’une nouvelle version pour piano, apparemment transcrite par la pianiste-accompagnatrice , qui nous livre de la partie pianistique des deux cycles une lecture symphoniste de toute beauté _ réussie, oui. On s’étonne cependant _ oui _ que la brochure de l’enregistrement n’ait pas donné la raison de ces deux nouvelles transcriptions, qui vont donc coexister avec la version originale des deux compositeurs. Les adaptations des chansons de Kosma, Trénet et Brel sont quant à elles dues à Guy-François Leuenberger.

Ce sont incontestablement _ non !les Nuits d’été qui nous valent la plus belle réussite de l’album, succès _ non _ sans doute dû à une longue fréquentation du cycle de Berlioz par . On ne sait ce qu’il faut le plus admirer, de la clarté presque précieuse _ bien trop, hélas : ampoulée, maniérée… _ de la diction à la maîtrise parfaite du rythme et du phrasé _ trop lent, trop ampoulé, je le répète _, ou bien s’il faut s’émerveiller davantage sur la conduite exemplaire _ que non !!! _ des registres, qui permet au ténor d’être tout aussi convaincant _ hélas pas du tout ! c’est tout le contraire… _dans la tessiture sombre de « Sur les lagunes », dans le « quart de voix » de « Au cimetière » et dans le subtil dosage _ absolument raté, ici _ de voix de tête et de voix mixte pour « Le Spectre de la rose ». L’expression est soignée _ trop ampoulée, pas assez naturelle, il me faut le redire… _ de la première note à la dernière, avec un travail particulier sur les segments de phrase répétés qui à chaque reprise trouvent une autre couleur _ et c’est l’élan qui fait défaut. Ces qualités, on les trouve également dans les mélodies bien connues de Chausson et de Duparc, même si l’osmose entre la voix et le texte paraît légèrement moins aboutie _ non ; en tout cas pas dans les Duparc… Dans les trois chansons retenues pour son programme, Benjamin Bernheim assume franchement _ hélas ! c’est carrément hors-sujet ici ! _ son identité de ténor lyrique, tout en évitant de surchanter des pages forcément toutes connues du grand public et dont on apprécie, grâce notamment au raffinement des nuances et à la qualité exceptionnelle de la diction, les corrélations _ qui ne sont que forcées _ avec les extraits du grand répertoire dont elles semblent, ici, être le prolongement naturel _ que non, que non, que non ! : c’est hélas tout le contraire ! Un disque qui enchantera les fans de Bernheim _ pas vraiment ! Et pourtant, je renvoie ici à mes articles enthousiastes « «  et « «  des 24 novembre 2019 et 1er mai 2022… _, et qui pourra être entendu comme un prolongement de sa très belle prestation _ hélas pas assez audible ; cf cette fois mon article « «  du 12 août dernier… _… _ lors de la cérémonie de clôture des Jeux Olympiques de Paris 2024.

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Hector Berlioz (1803-1869) : Les Nuits d’été op. 7.

Ernest Chausson (1855-1899) : Poème de l’amour et de la mer op. 19.

Henri Duparc (1848-1933) : L’Invitation au voyage ; Extase ; Phidylé ; La Vie antérieure.

Joseph Kozma (1905-1969) : Les Feuilles mortes.

Charles Trenet (1913-2001) : Douce France.

Jacques Brel (1929-1978) : Quand on n’a que l’amour.

Benjamin Bernheim, ténor. Carrie-Ann Matheson, piano.

1 CD Deutsche Grammophon. Enregistré salle Colonne à Paris en février 2024.

Notice de présentation bilingue (anglais et français).

Durée : 79:01

Un CD étrangement mal maîtrisé, hélas, par conséquent :

le charme, absolument essentiel en ces matières, faisant ici très cruellement défaut…

Un douloureux ratage pour le parcours discographique de Benjamin Bernheim,

mal conseillé ici…

Ce samedi 7 septembre 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

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