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L’erreur de parcours du « Douce France – Mélodies et Chansons – Berlioz – Chausson – Duparc – Kosma – Trenet – Brel » de Benjamin Bernheim : et pour la voix, et pour le style. Et c’est le charme qui fait défaut…

07sept

Le CD Deutsche Grammophon 486 6155 de 12 mélodies (et 3 chansons) françaises « Douce France – Mélodies et Chansons – Berlioz – Chausson – Duparc – Kosma – Trenet – Brel«  _ enregistré à Paris, salle Colonne, au mois de février 2024 _ de Benjamin Bernheim, avec le piano de Carrie-Ann Matheson, est pour moi, amateur passionné de mélodies françaises _ et qui avais aussi beaucoup apprécié jusqu’ici la discographie de Benjamin Bernheim… _, une douloureuse déception :

_ trop maniéré et sans assez d’allant, de sprezzatura, pour le style, inadapté à l’art subtil et sans la moindre pesanteur, de la mélodie pour ne rien dire de l’ajout incongru et très artificiel des trois chansons finales (de Kosma, Trenet et Brel) _ ;

_ et une voix parfois hélas engorgée, et avec des aigus bien trop métalliques, mal maîtrisés…

Je ne partage donc hélas pas, mais pas du tout, les avis bien trop généreux des articles « Vie antérieure » de Jean-Charles Hoffelé, en date d’hier 6 septembre, sur son site Discophilia ;

et « Mélodies et chansons françaises avec Benjamin Bernheim et Carrie-Ann Matheson » de Pierre Degott, lui aussi en date d’hier, sur le site de ResMusica…

LA VIE ANTÉRIEURE

Un étonnement d’abord : l’orchestre manque pour Les Nuits d’été, réduit en squelette par la transcription de Carrie-Ann Matheson, pas pour le Poème de l’amour et de la mer où la pianiste a saisi _ à son seul piano : bravo à elle ! _ toute la palette de l’original. On ne sait pas assez qu’Ernest Chausson aura écrit son triptyque pour ténor : Désiré Desmet en assura la création _ le 21 février 1893, à Bruxelles _, le compositeur au piano.

Benjamin Bernheim y est idéal, conteur d’abord, et ajoute une version majeure dans une discographie peu fréquentée côté homme : hier Ivan Kozlovski (et en russe), plus récemment _ dans le CD « Turbulent heart – Music of Vierne & Chausson« , avec le Queensland Orchestra, dirigé par Guillaume Tourniaire, un CD Melba paru en octobre 2009 : à écouter en podcast ici (27 ‘ 38) ; et c’est bien beau…Steve Davislim qui vient de nous quitter _ le 11 août 2024, à Vienne _, les deux avec l’orchestre que Chausson réserva pour les sopranos : l’original est donc seulement ici _ mais un tel scoop discographique constitué-t-il un motif bien suffisant ?..

Les Nuits d’été appelle une grande voix, Gérard Souzay y trouvait Eleanor Steber géniale, il aurait applaudi au vaste instrument qu’y déploie Benjamin Bernheim _ écouter ici le podcast, d’une durée de 27′ 06 pour ces 6 (sublimissimes) mélodies des Nuits d’été _, capable d’allégement sidérant : Sur les lagunes sur un fil, Le spectre de la rose fuligineux, que de poésie dans l’élégance, que de vertige dans l’émotion _ non ! ; et je partage bien plutôt l’avis de cet auditeur, jefgong : « Décevant. Trop appliqué. Pas de parfums, pas de sensualité. Que de raideurs, que de duretés ! »

Pourtant, le plus beau du disque reste à venir : les Duparc _ et là, je suis d’accord : les Duparc sont le plus satisfaisant de ce récital, à mon avis aussi… _ sont impérissables _ ce superlatif-ci est-il bien nécessaire ? _, L’Invitation au voyage trouble _ écoutez-en ici le podcast (d’une durée de 4′ 17)… _, La Vie antérieure opiacée _ écoutez-ici (d’une durée de 4′ 17)… _, Extase tristanesque _ écoutez-ici (d’une durée de 3′ 22)… _, Phidylé entre murmure et éclat _ ici le podcast (d’une durée de 4′ 55)… _, le disque se referme sur trois chansons qui ne me consolent pas _ moi non plus… _ des autres Duparc qui manquent. Il les faut au complet, Benjamin Bernheim y poserait tout son art _ qui gagnerait cependant à beaucoup plus de simplicité, et moins de pose : le partage au public de la mélodie est en effet de l’ordre de l’intimité, et pas du grand-guignol de la scène... _ face au modèle _ voilà !!! _ laissé jadis par Leopold Simoneau _ écoutez par exemple ici la perfection de l’art du chant « naturel » de Léopold Simoneau (Saint-Flavien, 3 mai 1916 – Victoria, 24 août 2006), enregistré en 1956, dans « Phidylé » (d’une durée de 6′ 31) ;

de « Phidylé« , j’apprécie bien aussi l’interprétation (l’écouter ici) de Véronique Gens, en son CD Alpha 215 « Néère« 

LE DISQUE DU JOUR

Douce France

Hector Berlioz (1803-1869)
Les nuits d’été, H. 81 (version pour ténor et piano : Matheson)


Ernest Chausson (1855-1899)
Poème de l’amour et de la mer, Op. 19 (version pour ténor et piano : Matheson)


Henri Duparc (1848-1933)
L’invitation au voyage
Extase
Phidylé
La vie antérieure


Joseph Kosma (1905-1969)
Les feuilles mortes (version pour ténor et piano : Leuenberger)


Charles Trenet (1913-2001) / Léon Chauliac (1913-1977)
Douce France (version pour ténor et piano : Leuenberger)


Jacques Brel (1929-1978)
Quand on n’a que l’amour (version pour ténor et piano : Leuenberger)


Benjamin Bernheim, ténor
Carrie-Ann Matheson, piano

Un album du label Deutsche Grammophon 4886155

Photo à la une : le ténor Benjamin Bernheim – Photo : © Edouard Brane

Mélodies et chansons françaises avec Benjamin Bernheim et Carrie-Ann Matheson

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Dans un répertoire peu fréquenté par les grands ténors lyriques,  enchante par l’élégance et la délicatesse _ un poil trop affectée, pour moi... _ de son chant. Accompagnement suprême de la pianiste .

De Georges Thill à Roberto Alagna, en passant par Cesare Vezzani, Albert Lance, Gilbert Py ou Alain Vanzo, les grands ténors lyriques de notre pays n’ont pas beaucoup pratiqué la mélodie française _ probablement par prudence : c’est si fragile et délicat, en son sublime qui est très éloigné du gueuloir de la scène…… Cette dernière, en revanche, a été plutôt bien servie _ mais oui ! _ par nos ténors de caractère ou de demi-caractère. Hugues Cuénod, Michel Sénéchal, Yann Beuron, Cyrille Dubois _ parfaits, eux, en effet : et je les aime tous beaucoup, beaucoup !.. _ et bien d’autres s’en sont fait une spécialité. Grâces soient donc rendues aujourd’hui à pour proposer un programme original _ vraiment ? En tout cas guère équilibré… _, permettant de faire entendre des pages tirées du grand répertoire aux côtés de quelques chansons dites populaires, marquant ainsi une forme de continuité _ mais artificielle et forcée, hélas… _ entre musiques dites savantes et musiques supposées populaires. On se réjouit au passage _ mais est-ce vraiment important ? Non ! Seul compte l’art du chant… _ d’entendre, aussi bien interprétés par une voix de ténor, des cycles que la tradition, pour des raisons assez inexplicables, a fini par associer à une voix de femme. Le texte des Nuits d’été de Berlioz et du Poème de l’amour et la mer de Chausson est pourtant sans ambiguïté, il est explicitement adressé à une femme aimée. L’un des deux cycles fut également créé par une voix d’homme, la première audition de l’œuvre de Chausson en 1893 ayant eu lieu _ à Bruxelles _ avec le ténor Désiré Demest, accompagné du compositeur au piano. Berlioz, de son côté, eut l’occasion en 1843 de diriger dans « Absence » le grand Gilbert Duprez, le fameux inventeur du contre-ut de poitrine. On notera également pour les deux cycles le choix d’une nouvelle version pour piano, apparemment transcrite par la pianiste-accompagnatrice , qui nous livre de la partie pianistique des deux cycles une lecture symphoniste de toute beauté _ réussie, oui. On s’étonne cependant _ oui _ que la brochure de l’enregistrement n’ait pas donné la raison de ces deux nouvelles transcriptions, qui vont donc coexister avec la version originale des deux compositeurs. Les adaptations des chansons de Kosma, Trénet et Brel sont quant à elles dues à Guy-François Leuenberger.

Ce sont incontestablement _ non !les Nuits d’été qui nous valent la plus belle réussite de l’album, succès _ non _ sans doute dû à une longue fréquentation du cycle de Berlioz par . On ne sait ce qu’il faut le plus admirer, de la clarté presque précieuse _ bien trop, hélas : ampoulée, maniérée… _ de la diction à la maîtrise parfaite du rythme et du phrasé _ trop lent, trop ampoulé, je le répète _, ou bien s’il faut s’émerveiller davantage sur la conduite exemplaire _ que non !!! _ des registres, qui permet au ténor d’être tout aussi convaincant _ hélas pas du tout ! c’est tout le contraire… _dans la tessiture sombre de « Sur les lagunes », dans le « quart de voix » de « Au cimetière » et dans le subtil dosage _ absolument raté, ici _ de voix de tête et de voix mixte pour « Le Spectre de la rose ». L’expression est soignée _ trop ampoulée, pas assez naturelle, il me faut le redire… _ de la première note à la dernière, avec un travail particulier sur les segments de phrase répétés qui à chaque reprise trouvent une autre couleur _ et c’est l’élan qui fait défaut. Ces qualités, on les trouve également dans les mélodies bien connues de Chausson et de Duparc, même si l’osmose entre la voix et le texte paraît légèrement moins aboutie _ non ; en tout cas pas dans les Duparc… Dans les trois chansons retenues pour son programme, Benjamin Bernheim assume franchement _ hélas ! c’est carrément hors-sujet ici ! _ son identité de ténor lyrique, tout en évitant de surchanter des pages forcément toutes connues du grand public et dont on apprécie, grâce notamment au raffinement des nuances et à la qualité exceptionnelle de la diction, les corrélations _ qui ne sont que forcées _ avec les extraits du grand répertoire dont elles semblent, ici, être le prolongement naturel _ que non, que non, que non ! : c’est hélas tout le contraire ! Un disque qui enchantera les fans de Bernheim _ pas vraiment ! Et pourtant, je renvoie ici à mes articles enthousiastes « «  et « «  des 24 novembre 2019 et 1er mai 2022… _, et qui pourra être entendu comme un prolongement de sa très belle prestation _ hélas pas assez audible ; cf cette fois mon article « «  du 12 août dernier… _… _ lors de la cérémonie de clôture des Jeux Olympiques de Paris 2024.

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Hector Berlioz (1803-1869) : Les Nuits d’été op. 7.

Ernest Chausson (1855-1899) : Poème de l’amour et de la mer op. 19.

Henri Duparc (1848-1933) : L’Invitation au voyage ; Extase ; Phidylé ; La Vie antérieure.

Joseph Kozma (1905-1969) : Les Feuilles mortes.

Charles Trenet (1913-2001) : Douce France.

Jacques Brel (1929-1978) : Quand on n’a que l’amour.

Benjamin Bernheim, ténor. Carrie-Ann Matheson, piano.

1 CD Deutsche Grammophon. Enregistré salle Colonne à Paris en février 2024.

Notice de présentation bilingue (anglais et français).

Durée : 79:01

Un CD étrangement mal maîtrisé, hélas, par conséquent :

le charme, absolument essentiel en ces matières, faisant ici très cruellement défaut…

Un douloureux ratage pour le parcours discographique de Benjamin Bernheim,

mal conseillé ici…

Ce samedi 7 septembre 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

Chanter « L’hymne delphique à Apollon » harmonisé par Gabriel Fauré : Benjamin Bernheim au Stade de France ; et aussi Cyrille Dubois…

12août

Benjamin Bernheim en clôture des Jeux olympiques de Paris 2024

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Alors qu’il interprètera à partir de demain le rôle d’Hoffmann dans la nouvelle production des Contes d’Hoffmann de la metteuse en scène Mariame Clément au Festival de Salzbourg, chantait hier soir au Stade de France l’Hymne à Apollon de Gabriel Fauré (d’après un chant grec retrouvé à Delphes en 1893), lors de la cérémonie de clôture des Jeux olympiques de Paris 2024. Il était accompagné par le pianiste et performer Alain Roche jouant sur un piano suspendu à la verticale. Une nouvelle version piano/voix de l’Hymne à Apollon créée pour l’occasion par Victor Le Masne, directeur musical des Jeux olympiques et Paralympiques de Paris.

Revoir la performance (en une vidéo d’une durée de 3′ 44) :

Alain Roche et Benjamin Bernheim interprètent « L’hymne d’Apollon«  lors de la cérémonie de clôture

Écouter aussi la belle interprétation de Cyrille Dubois

accompagné au piano par Tristan Raës :

Avec aussi, pour l’événement d’hier soir au Stade de France, ce commentaire-ci du Figaro :

Cérémonie de clôture JO 2024 : L’Hymne d’Apollon, réinterprétation française d’un classique grec

L’Hymne d’Apollon, qui a résonné dimanche soir au Stade de France pour la clôture des Jeux olympiques, est la réinterprétation française d’un classique grec vieux de plus de deux mille ans.

«Parenthèse en lévitation», selon les mots des organisateurs de la cérémonie : Alain Roche était au piano, suspendu à la verticale, et le ténor Benjamin Bernheim au chant. Le pianiste jouait dans une position très inhabituelle et avec un costume constitué de bandes VHS.

Pour le chanteur lyrique, se produire devant 80.000 personnes et avec un micro était évidemment inédit. «J’ai eu la possibilité de chanter comme je le fais à l’opéra, sans changer de style. C’est une chance énorme», a-t-il déclaré à l’AFP après son interprétation.

«Moment magique»

Ce chant est l’un des «hymnes delphiques», interprétés à Delphes, dans le centre de la Grèce, en 128-127 avant notre ère. En 1892 et 1893, des archéologues français de l’École d’Athènes mettent au jour des fragments de marbre d’un mur de temple, où sont gravées les partitions (pour le chant) d’hymnes au dieu des arts.

Aidé des philologues Henri Weil et Théodore Reinach, le compositeur Gabriel Fauré va l’«harmoniser», sous le titre Hymne à Apollon. Il sera chanté pour la première fois en 1894, lors du congrès à Paris qui consacre l’invention des Jeux olympiques modernes, dont la première édition a lieu à Athènes deux ans plus tard.

L’Hymne d’Apollon, réorchestré en 2024 par le compositeur Victor Le Masne, est plus court, avec une tonalité plus élevée, plus de pauses dans le chant et davantage de place pour le piano. «Il fallait un air qui touche le public populaire, en respectant notre héritage du passé, la Grèce antique et Gabriel Fauré. Le résultat m’a beaucoup plu. C’était un moment magique», a commenté Benjamin Bernheim.

Ce lundi 12 août 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

Une seconde étape du périple discographique du répertoire de ténor chanté en français, par Benjamin Bernheim : un passionnant « Boulevard des Italiens »…

01mai

Après son inaugural magnifique et marquant récital _ soit le CD Deutsche Grammophon 481 6078 _ tout simplement intitulé « Benjamin Bernheim« , constitué d’airs pour ténors de Massenet, Donizetti, Gounod, Verdi, Tchaikovsky, Godard Berlioz et Puccini,

que le superbe Benjamin Bernheim _ cf mon article du 24 novembre 2019 : « «  _ nous a donné en 2019,

voici que celui nous livre maintenant une seconde magnifique étape de son périple de ténor chantant en français,

consacrée cette fois à des airs de compositeurs italiens ayant composé, ou bien tout spécialement pour des scènes fraçaises d’opéra, ou bien des œuvres ayant très vite rencontré le plus vif et large et durable succès en France,

en un récital très judicieusement intitulé cette fois « Boulevard des Italiens« , en un nouveau très réussi CD Deutsche Grammophon, numéro 486 1964.

Cf l’article que, sur le site de ResMusica, et le 27 avril dernier, Steeve Boscardin, a consacré à ce CD, sous le titre de « Benjamin Bernheim rend hommages aux Italiens à Paris« …

Benjamin Bernheim rend hommage aux Italiens à Paris

Ce nouvel enregistrement de Benjamin Bernheim sort des sentiers battus et apparaît beaucoup plus original que les traditionnels récitals de ténors, grâce à la collaboration du Palazzetto Bru Zane qui a concocté un programme autour de l’engouement des compositeurs italiens pour Paris.

L’avantage de ce programme est d’éviter la succession de « tubes » archi-connus, et d’aborder les compositeurs italiens dans leurs compositions en langue française. L’’intitulé, « Boulevard des Italiens », rappelle que Paris et sa « grande boutique » était un pôle d’attraction important pour les compositeurs italiens qui ont été amenés à écrire des opéras en français pour un public avide : on retrouve ainsi le traditionnel Don Carlos de Verdi, mais aussi des pages de son Jérusalem et des Vêpres Siciliennes, ainsi que La Vestale de Spontini ou La fille du régiment et La favorite de Donizetti, et des raretés de Cherubini et Mascagni. Enfin, le programme du disque s’ouvre et se referme avec deux airs de Puccini (extraits de Tosca et Madame Butterfly) dont la simple traduction en français – comme cela se faisait encore jusque dans les années 60 avant l’apparition du sur-titrage – apporte une écoute renouvelée et quasiment « exotique ».

Reconnaissons toutefois que l’enchainement de ces cavatines et romances où la « démonstration » technique semble mesurée quels que soient les styles abordés (romantisme, vérisme et classicisme), manque un peu de variété et aboutit à une absence de relief qui peut susciter une relative monotonie. Relative, car l’élégance suprême _ voilà ! _ domine, et toutes ces pages sont magistralement défendues et interprétées. Et puis quel plaisir d’entendre une telle évidence _ oui _ entre un répertoire et un interprète, car Benjamin Bernheim semble ici sans rival dans la domination naturelle de la prosodie, la clarté d’émission, le legato ondulant prétexte à de longues phrases lancées sur un souffle _ absolument…

A ce titre la cavatine de Dom Sébastien de Donizetti est peut-être le bijou, le point d’acmé de cet album qui résume toutes les qualités du ténor, ici tout en intériorité et raffinement pour peindre le portrait d’un monarque solitaire et mélancolique. Justesse du phrasé, belles dynamiques, maitrise absolue de la demi-teinte et de l’aigu puissant _ oui, oui, oui. L’extrait de la Favorite est du même acabit avec cette ligne de chant ondulante et si, pour donner plus de contrastes, on aurait aimé que Bernheim aborde le personnage de Tonio de La fille du régiment du côté de sa virtuosité, reconnaissons que la romance « Pour me rapprocher de Marie » abordée ici expose là encore une diction parfaite et une émission d’une grande clarté conférant beaucoup de fraîcheur _ oui _ à son interprétation.

Les Verdi sont aristocratiques et d’un grand raffinement _ comme il leur convient. Bernheim y apparait souverain, d’une ligne de chant et d’un legato flottants, et le duo jeune et plus « viril » du Don Carlos avec Florian Sempey (Posa) atteint des sommets dans de superbes harmoniques. La délicatesse des romances de Jérusalem et des Vêpres siciliennes donnent à admirer une grande qualité du phrasé et le souffle infini du ténor ainsi qu’une parfaite maîtrise de la voix mixte.

Le programme donne l’occasion au ténor d’aborder le répertoire plus « classique » – avec notamment le très rare Ali Baba de Cherubini – qui se révèle plein de promesses, même si l’extrait de la Vestale de Spontini nous semble encore manquer un peu de mordant, d’urgence et de drame.

Enfin, Amica, seul opéra en français que Mascagni a composé (1905), est une belle découverte qui nous permet de savourer cette voix duveteuse et moelleuse associée à une clarté d’émission qui sonne avec beaucoup de finesse dans ce répertoire vériste souvent plus trivial chez d’autres artistes.

A la tête de l’Orchestra del Teatro Comunale di Bologna, le chef français Frédéric Chaslin aborde avec la même élégance les divers styles qui composent le programme. Si on aurait parfois aimé – comme pour le ténor – un peu plus de mordant dans certaines pages, l’orchestre offre une belle variété de couleurs et une valorisation des pupitres qui enrichissent l’écoute de ces œuvres que l’on prend plaisir _ oui _ à découvrir ou redécouvrir.

Giacomo Puccini (1858-1924) : « Adieu, séjour fleuri » extrait de Madama Butterfly ; « Ô de beautés égales dissemblance féconde ! » extrait de Tosca.

Gaetano Donizetti (1797-1848) : « Pour me rapprocher de Marie » extrait de La Fille du régiment ; « Ange si pur que dans un songe » extrait de La Favorite ; « Seul sur la terre » extrait de Dom Sébastien, Roi de Portugal.

Giuseppe Verdi (1813-1901) : « Fontainebleau ! forêt immense et solitaire », « Je l’ai vue », « Le voilà ! c’est l’enfant ! – Ô mon Rodrigue ! », « Dieu, tu semas dans nos âmes » extraits de Don Carlos ; « L’Emir auprès de lui m’appelle » et « Je veux encore entendre ta voix » extrait de Jérusalem ; « Ô toi que j’ai chérie » extrait des Vêpres siciliennes.

Gaspare Luigi Pacifico Spontini (1774-1851) : « Qu’ai-je vu ! … Julia va mourir ! » extrait de La Vestale.

Luigi Cherubini (1760-1842) : « C’en est donc fait, plus d’espérance ! » et « C’est de toi, ma Délie, que dépendait mon sort » extrait d’Ali Baba.

Pietro Mascagni (1863-1945) : « Amica ! Vous restez à l’écart … » et « Pourquoi garder ce silence obstiné ? » extrait d’Amica.

Benjamin Bernheim, ténor ;

Orchestra del Teatro Comunale di Bologna, direction : Frédéric Chaslin.

1 CD Deutsche Grammophon réalisé en coopération avec le Palazzetto Bru Zane – Centre de musique romantique française.

Enregistré au Teatro auditorium Manzoni de Bologne en avril 2021.

Texte de présentation en français, anglais et allemand.

Durée : 59:13

La profondeur du charme _ tant de la splendeur du timbre de ténor que de cette conduite admirable, si aisée, de l’art maîtrisé du chant en français _ emportant tout…

Ce dimanche 1er mai 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

 

Cyrille Dubois, et le très notable renouveau des ténors français : poursuite d’une très précieuse tradition et riches singularités…

25nov

Le mardi 5 novembre dernier, j’ai relevé la réussite parfaite

du jeune ténor français Cyrille Dubois

dans un récital de Lieder et mélodies de Lisz, O Lieb ! (avec le pianiste Tristan Raës),

soit le CD Aparté AP 200 :

Et,

comme pour poursuivre mon article d’hier

consacré au magnifique ténor français Benjamin Bernheim

,

voici que je découvre ce matin

sur le blog Discophilia de Jean-Charles Hoffelé,

un bel article consacré à Cyrille Dubois et ce CD O Lieb !,

intitulé Sur les ailes du chant :

SUR LES AILES DU CHANT

Les ténors se sont peu risqués _ en effet _ aux lieder comme aux mélodies de Liszt au disque, Ernest Haefliger, Nicolaï Gedda s’y sont penchés, l’un et l’autre tardivement, mais avec encore tout leur art, exceptions heureuses _ bien sûr : deux très grands !

Territoire souvent par annexion des « voix moyennes », mezzos, barytons, le ténor est pourtant chez lui ici, bien sûr dans les redoutables mélodies sur les vers de Victor Hugo – pour le célèbre Oh quand je dors, Cyrille Dubois préfère la seconde version, plus contournée – mais aussi lorsque Liszt débusque avec génie le lyrisme de Goethe ou de Heine _ des poètes majeurs…


Cyrille Dubois les éclaire avec ce timbre si net _ oui _, ce vibrato de flûte, cette voix longue et si française _ absolument ! _ qu’on reconnaissait hier un peu chez Paul Derenne, beaucoup chez Eric Tappy (lequel aimait regarder les mélodies de Liszt, mais n’y touchât guère), affaire de ténor et de ténor avec aigu, qui peuvent se mesurer aux sopranos lesquelles auront peu parcouru ces opus éparses, sinon Hildegard Behrens pour un album fugitivement publié par Deutsche Grammophon, merveilleuse comète filante.


Et bien voilà, maintenant cette part charmeuse et aventureuse _ tiens, tiens… _ de Liszt et jusqu’au génial Freudvoll und Leidvoll aura trouvé cette voix venue d’ailleurs _ oui ! très marquante dans son infinie tendresse ; et sans jamais rien forcer ; tout est dans la douceur _, encorbellée par la piano harpe de Tristan Raës, mieux qu’un accompagnateur, un amoureux qui fait son clavier aussi chantant que la voix qu’il emporte.

LE DISQUE DU JOUR


Franz Liszt (1811-1886)


Hohe Liebe, S. 307
Jugendglück, S. 323
Liebestraum „O lieb“, S. 298
Morgens steh’ ich auf und frage (2e version), S. 290/2
Es rauschen die Winde (2e version), S294/2
Die Loreley (2e version), S. 273/2
Freudvoll und Leidvoll II, S. 280/2
Vergiftet sind meine Lieder, S. 289
Bist du, S. 277
Was Liebe sei (1re version), S. 288/1
Die Zelle in Nonnenwerth (4e version), S. 274/2
Nimm einen Strahl der Sonne, S. 310
Laßt mich ruhen, S. 314
Schwebe, schwebe blaues Augen (1re version, posthume), S. 305/1
Der Fischerknabe (1re version), S92/1
S’il est un charmant gazon (1re version), S. 284
Enfant, si j’étais roi (2e version), S. 283/2
Oh ! quand je dors (2e version), S. 282/2
Comment, disaient-ils (2e version), S. 276/2
Angiolin dal biondo crin (2e version), S. 269/2
3 Sonnets de Pétrarque (1re version), S. 270/1

Cyrille Dubois, ténor
Tristan Raës, direction

Un album du label Aparté AP200

Photo à la une : le ténor Cyrille Dubois – Photo : © DR

Ce merveilleux CD Liszt _ un CD majeur de l’année 2019 ! _ de Cyrille Dubois

a peu à voir avec le superbe CD carte de visite de Benjamin Bernheim ;

il n’empêche : voici deux superbes jeunes ténors _ tous deux ont 34 ans _

magnifiques dans la continuation de la tradition si précieuse pour nous du _ bien spécifique _ chant français !

Et chacun d’eux parfaitement reconnaissable et singulier…

Ce lundi 25 novembre 2019, Titus Curiosus – Francis Lippa

La révélation discographique d’un splendide ténor français de 34 ans : Benjamin Bernheim

24nov

Chaque génération d’artistes offre _ très heureusement _ de nouveaux talents.

Vient de paraître chez Deutsche Grammophon un récital de très grande qualité

d’airs d’opéras romantiques

_ français, tout particulièrement : de Massenet et Gounod (Manon, Werther, Faust, Roméo et Juliette…), voici des interprétations de rêve, d’un charme tendre et d’une incarnation puissante, tout à la fois, absolues… _

par Benjamin Bernheim :

le CD Benjamin Bernheim _ DG 483 6078 _,

où un talent exceptionnel _ désormais reconnaissable : unique ! _ nous livre une splendide carte de visite,

avec le PKF – Prague Philharmonia, dirigé par Emmanuel Villaume.


Voici comment dans un article du Monde du 16 octobre dernier

Marie-Aude Roux débutait le portrait de ce chanteur :

Benjamin Bernheim est arrivé à voix de velours _ oui. Un air de nez au vent _ certes _, le regard clair qui ne ment pas. Sa grâce et sa rigueur _ les deux ! la seconde au service de la première _ se sont imposées dans l’épanouissement d’un somptueux ténor lyrique _ oui _, une voix conquise non à la force de l’art, mais de l’âme _ en tout cas d’une intelligence rarement aussi habitée de ces airs pourtant si courus. Longtemps, le chanteur n’a pas aimé sa voix. Qui ne s’extasierait pourtant _ en effet : nous sommes subjugués et conquis ! _ devant ce chant _ oui _ d’une juvénilité ardente _ en effet _, authentiquement poète, la radieuse volupté _ éclatante ! _ du timbre rond et clair _ oui _, une émission idéalement souple _ c’est parfaitement juste _, dont l’articulation habille chaque mot d’intelligence et d’intelligibilité _ oui ! _ ? Sans oublier le charme ensorceleur _ mais oui _ de cet aigu en voix mixte, entre tête et poitrine, dont la douceur _ c’est bien sûr là un facteur dominant : la tendresse _ et la subtilité _ c’est très juste aussi… _ extrêmes furent l’une des caractéristiques du beau chant français _ bien sûr ; et dans ce beau chant français-là Benjamin Bernheim excelle et nous emporte ! Bravo !

Rien à ajouter à cela

après écoutes répétées à plaisir de ce très beau CD.


À suivre !

Ce dimanche 24 novembre 2019, Titus Curiosus – Francis Lippa

P. s. : en complément;

voici un article du 21 novembre dernier, de Pierre Degott

sur le site de Res Musica :

Révélation lyrique avec le premier récital de Benjamin Bernheim

Révélation lyrique avec le premier récital de Benjamin Bernheim

 

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