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Nouvelle réactualisation, ce jeudi 11 janvier 2024, de la bibliothèque de podcasts et vidéos d’Entretiens de Francis Lippa, d’octobre 2009 à janvier 2024, avec les plus excellents auteurs et parfois amis…

11jan

Suite à mon entretien d’avant-hier mardi 9 janvier à la Station Ausone avec François Noudelmann pour un aperçu rétrospectif sur tout son œuvre philosophique,

et cela à partir de son passionnant récit familial sur trois générations de Noudelmann : son grand-père Chaïm (1891 – 1941), son père Albert (1916 – 1998), et lui-même François (né en 1958) par rapport à eux deux, en fonction des filiations et dés-affiliations et affinités adventives…

_ cf mon article d’hier mercredi 10 janvier 2024 «  » qui donnait donc accès à cette jubilatoire vidéo. de notre superbe entretien de 61’… _,

voici,

pour succéder à mon précédent article rétrospectif du catalogue de mes divers Entretiens enregistrés (podcasts et vidéos) avec d’excellents auteurs, en date du vendredi 16 décembre 2022 : « « ,

voici donc

une nouvelle réactualisation simplement mise à jour de cette collection de liens à de podcasts et vidéos de mes Entretiens enregistrés et disponibles _ les assez nombreux entretiens antérieurs ayant pris place dans les salons Albert Mollat n’ayant hélas pas encore bénéficié d’enregistrements, et cela à l’initiative magnifique de Denis Mollat… _ :

1)  Yves Michaud, Qu’est-ce que le mérite ? (52′) le 13 octobre 2009

2)  Jean-Paul Michel, Je ne voudrais rien qui mente dans un livre (62′), le 15 juin 2010

3)  Mathias Enard, Parle-leur de rois, de batailles et d’éléphants (57′), le 8 septembre 2010

4)  Emmanuelle Picard, La Fabrique scolaire de l’histoire (61′), le 25 mars 2010

5)  Fabienne Brugère, Philosophie de l’art (45′), le 23 novembre 2010

6)  Baldine Saint-Girons, Le Pouvoir esthétique (64′), le 25 janvier 2011

7)  Jean Clair, Dialogue avec les morts & L’Hiver de la culture (57′), le 20 mai 2011

8)  Danièle Sallenave, La Vie éclaircie _ Réponses à Madeleine Gobeil (55′) le 23 mai 2011

9)  Marie-José Mondzain, Images (à suivre) _ de la poursuite au cinéma et ailleurs (60′), le 16 mai 2012

10) François Azouvi, Le Mythe du grand silence (64′), le 20 novembre 2012

11) Denis Kambouchner, L’École, question philosophique (58′), le 18 septembre 2013

12) Isabelle Rozenbaum, Les Corps culinaires (54′), le 3 décembre 2013

13) Julien Hervier, Ernst Jünger _ dans les tempêtes du siècle (58′), le 30 janvier 2014

14) Bernard Plossu, L’Abstraction invisible (54′), le 31 janvier 2014

15) Régine Robin, Le Mal de Paris (50′), le 10 mars 2014

16) François Jullien, Vivre de paysage _ ou l’impensé de la raison (68′), le 18 mars 2014

17) Jean-André Pommiès, Le Corps-franc Pommiès _ une armée dans la Résistance (45′), le 14 janvier 2015

18) François Broche, Dictionnaire de la collaboration _ collaborations, compromissions, contradictions (58′), le 15 janvier 2015

19) Corine Pelluchon, Les Nourritures _ philosophie du corps politique (71′), le 18 mars 2015

20) Catherine Coquio, La Littérature en suspens _ les écritures de la Shoah : le témoignage et les œuvres & Le Mal de vérité, ou l’utopie de la mémoire (67′), le 9 septembre 2015

21) Frédéric Joly, Robert Musil _ tout réinventer (58′), le 6 octobre 2015

22) Ferrante Ferranti, Méditerranées & Itinerrances (65′), le 12 octobre 2015

23) Bénédicte Vergez-Chaignon, Les Secrets de Vichy (59′), le 13 octobre 2015

24) Frédéric Martin, Vie ? ou Théâtre ? de Charlotte Salomon (61’), le 25 novembre 2015

25) Marcel Pérès, Les Muses en dialogue _ hommage à Jacques Merlet (64’), le 12 décembre 2015

26) Yves Michaud, Contre la bienveillance (64′), le 7 juin 2016

27) Karol Beffa et Francis Wolff, Comment parler de musique ? & Pourquoi la musique ? (32′), le 11 octobre 2016

28) Etienne Bimbenet, L’Invention du réalisme (65′), le 6 décembre 2016

29) Olivier Wieviorka, Une Histoire des Résistances en Europe occidentale 1940-1945 (54′), le 8 mars 2017

30) Michel Deguy, La Vie subite _ Poèmes, biographies, théorèmes (75′), le 9 mars 2017

31) Frédéric Gros, Possédées (58′), le 6 avril 2017

32) Sébastien Durand, Les Vins de Bordeaux à l’épreuve de la seconde guerre mondiale (55′), le 6 juin 2017 _ non diffusable publiquement, hélas, pour des raisons techniques : l’entretien est passionnant ! À défaut, lire le livre : « Les Vins de Bordeaux à l’épreuve de la Seconde Guerre mondiale : 1938-1950, une filière et une société face à la guerre, l’Occupation et l’épuration« , aux Éditions Memoring…

33) François Jullien, Dé-coïncidence (61′), le 17 octobre 2017

34) René de Ceccatty, Enfance, dernier chapitre (52′) & La Divine comédie (30′), de Dante (traduction en vers et en français de René de Ceccatty), le 27 octobre 2017

35) Marie-José Mondzain, Confiscation _ des mots, des images et du temps (65′), le 7 novembre 2017, au Théâtre du Port-de-la-Lune : une vidéo.

36) Pascal Chabot : L’homme qui voulait acheter le langage (49′), le 20 septembre 2018

37) Nathalie Castagné / Goliarda Sapienza : Carnets (49′), le 29 avril 2019

38) Jean-Paul Michel : Défends-toi, Beauté violente ! & Jean-Paul Michel « La surprise de ce qui est«  & Correspondance 1981-2017 avec Pierre Bergounioux  (82′), le 3 mai 2019 : une vidéo

39) Hélène Cixous : 1938, nuits (62′), le 23 mai 2019 : une vidéo

40) Denis Kambouchner : Quelque chose dans la tête & Vous avez dit transmettre (62′), le 26 novembre 2019

41) Karol Beffa : L’Autre XXe siècle musical (53′), le 25 mars 2022 : une vidéo 

42) René de Ceccaty : Le Soldat indien (9′), le 4 novembre 2022 : une vidéo

43) Pascal Chabot : Avoir le temps : Essai de chronosophie ainsi que Après le progrès & Les sept stades de la philosophie & Global burn-out L’Âge des transitions & Exister, résister _ ce qui dépend de nous & Traité des libres qualités (64′), le 22 novembre 2022 : une vidéo

Et donc maintenant aussi :

44) François Noudelmann : Les Enfants de Cadillac ainsi que Le Toucher des philosophes : Sartre, Nietzsche, Barthes au piano & Les Airs de famille. Une philosophie des affinités & Le Génie du mensonge _ les plus grands philosophes sont-ils de sublimes menteurs ?  & Penser avec les oreilles & Un tout autre Sartre (61′), le 9 janvier 2024 : une vidéo.

À suivre…

Le lien à l’article de mon blog du 27 avril 2017 Deux merveilleux entretiens à l’Auditorium de la Cité du Vin, à Bordeaux, avec Nicolas Joly et Stéphane Guégan donne accès, lui, à deux très riches vidéos d’entretiens à la Cité du Vin :

le premier entretien, le 17 janvier 2017, avec Nicolas Joly _ le très fameux vigneron du prestigieux merveilleux vignoble de La Coulée de Serrant, en Anjou… _, et Gilles Berdin, à propos du livre La Biodynamie (94′) : une vidéo ;

et le second, le 28 mars 2017, avec Stéphane Guégan _ conservateur du patrimoine _, à propos de la passionnante et très réussie exposition à la Cité du Vin Bistrot ! De Baudelaire à Picasso (96′) : une vidéo

 

J’y joins ici aussi ce courriel adressé ce matin même à François Noudelmann, en forme de prolongation à nos riches échanges de mardi, ainsi qu’immense remerciement… : 

Cher François,

 
exemplaire aussi a été mon entretien magique avec Jean Clair (le 20 mai 2011) à propos de ses « Dialogue avec les morts » et « L’Hiver de la culture »,
dont pourra jouir au mieux à l’écoute ta lucidissime exercée « troisième oreille ».
 
Et beaucoup de ses paroles (et bien plus qu’elles : ses rythmes, ses grains de voix, ses tons, ses ralentis, ses pauses, ses silences, etc.) vont,
telle une bouteille lancée à la mer,
trouver en toi l’oreille (et le penser) qu’ils attendaient et espéraient-désespéraient peut-être de rencontrer…
Mais nous sommes finalement d’incurables jubilatoires optimistes…
 
En voici un lien au podcast
 
Je vais bien sûr _ et c’est ce que je viens de faire ici même _ rédiger un nouveau récapitulatif des enregistrements accessibles des podcasts et vidéos de mes entretiens,
en y joignant le merveilleux nôtre d’avant hier 9 janvier,
où tous ces entretiens sont accessibles à l’oreille ou au regard.
 
Bien sûr, tous ne sont pas de la hauteur de celui, de bout en bout merveilleux, avec Jean Clair
_ de même que tous les « Comment l’entendez-vous ? » de la magnifique Claude Maupomé ne sont pas tous de la hauteur somptueuse du « Je l’entends comme je l’aime » de Roland Barthes pour son Schumann ; celui-ci eût lieu au mois d’octobre 1978 ; et c’était d’ailleurs là la première (!) d’une merveilleuse émission qui eut 545 exemplaires, jusqu’en 1990... _,
mais beaucoup d’entre eux sont, au moins de mon point de vue, assez jubilatoires ; et les passions lumineuses communicatives de ces interlocutions m’ont vraiment beaucoup appris et m’ont ouvert, à moi aussi, de vrais mondes…
 
De mes 45 entretiens enregistrés jusqu’ici _ les précédents, avant 2009, n’étaient pas encore enregistrés par Denis Mollat ; et le nôtre est donc le 46e _,
j’élis :
 
celui (en vidéo) avec Hélène Cixous sur son « 1938, nuits »,
celui (en vidéo) avec Karol Beffa sur son « L’Autre XXe siècle musical  » _ il y parle entre autres de Ravel, de Poulenc, de Reynaldo Hahn… _,
celui (en vidéo) avec Pascal Chabot sur son « Avoir le temps : Essai de chronosophie » (+ l’ensemble de son parcours philosophique),
celui (en vidéo) avec Marie-José Mondzain sur son « Confiscation _ des mots, des images et du temps »,
celui (en podcast) avec René de Ceccatty sur ses « Enfance, dernier chapitre » et « La Divine comédie »,
celui (en podcast) avec Bernard Plossu sur son « L’Abstraction invisible »,
celui (en podcast) avec Michel Deguy sur son « La Vie subite _ Poèmes, biographies, théorèmes »…
 
Comme par hasard presque tous des amis…
 
Tomber sur, rencontrer, trouver de vrais interlocuteurs,
comme aussi des paysages, des villes,
et bien sûr aussi des œuvres (ainsi que des interprétations) à lire, regarder, écouter,
avec lesquels s’entretenir, dialoguer, rebondir, aller plus loin, s’enchanter,
voilà ce que j’aime _ tel un Montaigne s’entretenant avec ses livres (et ses poutres gravées) en sa féérique Librairie _ ;
 
et que j’ai aussi eu la chance d’avoir _ mais oui ! _ le long de mes 42 ans de défi d’enseigner à philosopher, dans la classe, avec mes élèves, chaque heure (ou presque…) de cours, au lycée…
Et j’ai adoré ça !
De même que j’aime aussi chercher-rechercher un pas plus loin, à côté ou de biais :
 
_ comme en la recherche du parcours de survie (tu) de mon père le Dr Benedykt Lippa (1914 – 2006) sous l’Occupation ;
_ comme en la recherche de l’ancrage argentin (depuis 1830) de mes cousins oloronais Bioy, dont est issu le cousin au second degré de ma mère née Marie-France Bioy (1918 – 2018), Adolfo Bioy Casares (1014 – 1999), l’ami si proche de Jorge Luis Borges ;
_ comme à propos de l’œuvre musical de Lucien Durosoir (1878 – 1955) pour lequel j’ai donné 2 communications au Colloque musical « Un Compositeur moderne né romantique : Lucien Durosoir » au Palazzetto Bru-Zane à Venise le 19 février 2011 : «Une poétique musicale au tamis de la guerre : le sas de 1919 – la singularité Durosoir » et « La Poésie inspiratrice de l’œuvre musical de Lucien Durosoir : romantiques, parnassiens, symbolistes, modernes » ;
_ comme en la recherche des ancêtres basques du cher Maurice Ravel  (1875 – 1937) à Ciboure ;
_ comme en la recherche de la descendance de la branche « algérienne » de Louis Ducos du Hauron (1837 – 1920), l’inventeur génial, en 1868, à Lectoure, de la photographie en couleurs…
 
Et au-dà de ces podcats et vidéos d’entretiens accessibles sur mon blog « En cherchant bien »,
ce sont tous mes articles (qui ont débuté le 3 juillet 2008) qui constituent pour moi un trésor d’expression et mémoire conservé et accessible…
 
Voilà !
 
Un immense merci, cher François.
 
Voilà ce qu’est s’entendre en s’écoutant et se répondant en s’accordant assez bien, sur le vif…
Soient les inestimables cadeaux vrais de la vraie vie.
Une grâce…
 
Bien à toi, François,
 
Francis

Et je joins encore, ce vendredi matin, ce lien-ci à un site où peut se regarder et écouter la vidéo d’une passionnante contribution (d’une durée de 30′) de François Noudelmann consacrée au « doigté » selon Roland Barthes, pour la Fondation Singer-Polignac, le jeudi 4 juin 2015…  

Ce jeudi 11 janvier 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

Ma seconde lecture en cours de l’ « Ut musica, ut poiesis » de Michel Deguy, « Dialogue avec Bénédicte Gorrillot », à paraître aux Editions du Canoë le 6 juin prochain…

12mai

Depuis ma réception, mardi après-midi dernier 9 mai, de l' »Ut musica, ut poiesis _ Dialogue avec Bénédicte Gorrillot » de Michel Deguy _ décédé le 16 février 2022 _, que m’a adressé son éditrice Colette Lambrichs – le livre est à paraître en librairie le 6 juin prochain –,

je viens d’achever cet après-midi du 12 mai ma seconde attentive et minutieuse lecture de ce dialogue majeur  _ les entretiens ont eu lieu les 28 juin, 6 juillet 2021, puis 3 janvier, 11 janvier et 21 janvier 2022… _ sur un élément très important _ et pas assez élucidé jusqu’alors… _ de la poétique de ce maître de poésie et philosophe qu’a été Michel Deguy (Draveil, 23 mai 1930 – Paris, 16 février 2022),

 

comme en prolongement _ extrêmement bienvenu _ de ce dialogue très consistant, entre eux deux, qu’a été, Noir, impair et manque, paru aux Éditions Argol, le 21 octobre 2016…

 

Ce vendredi 12 mai 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Pour célébrer, et sur le fond, le premier anniversaire du décès de Michel Deguy (23 mai 1930 – 16 février 2022), une passionnante contribution, à méditer, de son ami Martin Rueff : « Nos poèmes ne savent pas ce qui les attend »… Ou le legs de l’oeuvre qui demeure au présent.

22mar

Afin de célébrer, et sur le fond _ des liens charnels et consubstantiels entre langue reçue et partagée, discours réalisé et parole vivante inventivement créée : lire là-dessus d’abord, comme basiquement, les linguistes, et tout particulièrement, bien sûr, Noam Chomsky, mais aussi l’admirable Paul Valéry dans la postérité desquels s’est inscrit et a œuvré de façon ultra-vivante et fécondissime notre Michel Deguy… _, le premier anniversaire du décès de Michel Deguy  le 16 février 2022,

l’excellente revue En attendant Nadeau nous propose une passionnante et très dense superbe contribution, à méditer, de son ami _ et successeur à la direction de la revue PO&SIE _ Martin Rueff :

« Nos poèmes ne savent pas ce qui les attend« …

Nos poèmes ne savent pas ce qui les attend

La disparition de Michel Deguy (1930-2022) nous a marqués, comme en a témoigné Tiphaine Samoyault _ en son hommage magnifique « Michel Deguy (1930 – 2022)«   du 21 février 2022. Un an après, Martin Rueff, qui dirige aujourd’hui sa revue Po&sie, réfléchit, à partir de cette absence et de sa pensée, notre présent, la place et le rôle du poème, comme des leçons continuées _ voilà ! _ avec vigueur.

Il y a un an, le 16 février, que le poète et philosophe Michel Deguy est mort, un an que beaucoup d’entre nous, penchées et penchés sur le journal, s’interrogent ce qu’il aurait dit, pensé. Quelles auraient été ses _ vivantes et vives, et intensément vivifiantes _ colères, ses inquiétudes et ses passions ? La guerre en Ukraine, le tremblement de terre en Turquie et en Syrie, la situation politique européenne et mondiale si peu orientée vers la recherche d’une société juste et digne, mais surtout les preuves du géocide continué (terme qu’il inventa pour dire l’assassinat perpétré de notre terre), auraient bouleversé ce témoin engagé _ voilà ! _ et auraient inspiré le poète si on peut encore user d’un mot qui signifie que ces événements l’auraient traversé en pensée de mots _ oui : puisque penser procède de la langue et de ses mots reçus et pouvant inspirer ; et quelques uns d’entre ces mots, parfois, forgés même, comme néologismes assumés, par le locuteur… Or, comme la poésie, selon son expression, « fait des propositions » (au double sens, logique et érotique, de la formule), et comme la poétique les fait rentrer _ en les proposant à lire, parler, et penser _dans le débat _ voilà ! _, il est urgent de rappeler quelques-unes des exigences qu’il nous lègue _ oui, voilà ! _ à travers ses livres de poèmes – une trentaine, depuis Les meurtrières (1959) – et ses essais, dont un titre rassemble l’élan : La raison poétique (2000) _ et très bientôt, début juin, aux Éditions du Canoë, Ut musica, ut poïesis, un ultime entretien avec Bénédicte Gorrillot.

Nos poèmes ne savent pas ce qui les attend, par Martin Rueff

À quoi reconnaît-on le langage _ singulier, spécifique _ du poème ? C’est dans la réponse à cette question que se trouve la première leçon _ à méditer _ de Deguy. Le poème est en lutte intime contre toute forme de littéralisme _ qui enferme et veut clore le sens. Soit le syllogisme didactique suivant. L’époque est au littéralisme, or le poème refuse tout littéralisme, donc l’époque se trouve face à une alternative dont elle sort toujours vainqueure autoproclamée : ou bien elle rejette le poème (elle le marginalise, le réduit _ voilà _ tout en déplorant sa disparition), ou bien elle l’accepte en le dissolvant dans la littéralité (stratégie de la récupération). Examinons rapidement ce syllogisme.

a) Il y a aujourd’hui trois formes de littéralisme : on les croit ennemies. Elles se retrouvent dans ce qu’elles nient. Le littéralisme économique (le réel à la lettre, c’est la finance ; la condamnation de ce littéralisme est convaincante : pensée unique, realpolitik, dictature des marchés _ à sens unique : TINA, There Is No Alternative) ; le littéralisme religieux (il a pour nom fondamentalisme ; il y a plusieurs fondamentalismes) ; le littéralisme des corps (celui de la biologisation des identités sexuelles : qu’il s’agisse de les revendiquer ou de les diluer ; on veut que le corps soit, non une interprétation, mais un donné à changer littéralement plutôt qu’à comprendre : le corps de la lettre devient le modèle du corps à la lettre) _ oui, oui, oui. Que l’on relise un peu Freud…

b) Or le poème défait le littéralisme même quand il défend la lettre : il est de l’ordre du comme, de la commaison _ cf La commaison, paru à L’Extrême Contemporain le 3 mars 2022 _, de la comparaison. C’est la thèse la plus durable _ en effet… _ de Deguy, comme l’atteste le très actuel Court traité de poétique surtitré La poésie n’est pas seule (1987) : le poème fait entrer et la langue dans la sensibilité _ oui _ et l’imaginaire dans la langue _ qu’il ouvre et prolonge superbement. Il invente les formes de l’autre langue _ celle du poème et du poète _ dans la langue du même _ la langue d’abord reçue et partagée, qui s’agrandit par là. Il est liberté _ imageante ; j’ai personnellement formé ce mot, « imageance« , à partir des analyses de mon amie Marie-José Mondzain… _ de la langue quand la rhétorique (fût-elle celle des discours émancipateurs) rebat _ et referme dans la platitude de la stricte répétition (cf les affreux et si tristes « éléments de langage«  des sinistres godillots playmobils si peu cérébrés…), même si, grâce au jeu qu’offre toute syntaxe tant soit peu maîtrisée, nous inventons toujours (ou du moins le pouvons, le pourrions) un peu chacune de nos phrases, en dépit des paresseux clichés véhiculés jusqu’à plus soif par la bienpensance supposée et de fait imposée des médias… _ les oreilles du langage _ jusqu’à plus soif. Le roman n’est-il pas capable de cette même liberté ? C’est évident et il ne cesse de faire ses preuves. Mais si le roman du XIXe siècle avait obligé le poème à se libérer de la rhétorique de la poésie, il est temps désormais d’admettre que le poème pourrait permettre au roman d’échapper à sa propre rhétorique _ répétitive, refermée, enfermante. Est-il étonnant qu’on puisse voir aujourd’hui fleurir des romans écrits en vers ?

c) Le rejet du poème peut prendre des formes plus ou moins brutales (de son éviction par l’économie de marché _ éditoriale déjà et d’abord : la poésie se vend-elle bien ? permet-elle de gonfler suffisamment les chiffres de vente des librairies ?.. _, à la forme apéritive sociale du « vous reprendrez bien un petit poème » – dans le bus, sur tweet, etc.) pittoresque. Les formes de sa littéralisation sont aussi nombreuses qu’insupportables – qu’il s’agisse d’adhérer aux images du poète (éculées toutes et à réinventer toutes comme formes-phrases plus que comme formes de vie) ou de récupérer la poésie en la faisant rentrer dans le moule. Deguy avait inventé un terme pour décrire la manière dont le capitalisme avancé se saisit des identités pour les retourner contre elles : le culturel _ prêt au cliché, prêt-à-porter, prêt à penser : par paresse d’abord, puis très vite conformisme moutonnier (et bien vite agressif)… Or le culturel, c’est l’époque du capitalisme qui a fait passer le même au cœur des différences vécues.  Le poète plus vrai que nature n’a jamais existé – pas plus que le « yaourt à l’ancienne ». On veut faire du poète une icône, on s’accroche à des vies de poètes, on liquide la poésie _ en la vidant de la vie libre et toujours un peu sauvage et aventureuse de son imageance giboyeuse. La poésie continue _ voilà. Elle en a vu d’autres.

Nos poèmes ne savent pas ce qui les attend, par Martin Rueff

Une deuxième leçon consiste alors en ceci : la poésie doit rester l’art _ avec sa part de goût et de saveur de l’inventivité et sa joie de la découverte… _ du langage. Comme art, elle tend à l’œuvre _ qui accède, alors, à une durée autre et autonome _ (et non à la pratique qu’elle n’exclut pas mais accueille comme de surcroît) ; comme art du langage, elle se meut dans le logos qu’elle meut _ transforme un peu, au moins à la lisière, à sa façon _ et émeut _ surtout, en effet ; et élève, et transporte. Le langage est le théâtre _ scénique, opératique _ de ses opérations et rien de ce qui est langagier ne lui est étranger. Elle reste accueillante et appelle à ses propres résistances et transformations, mais elle défend la loquacité _ orale _, notre capacité de parler et notre liberté _ ouverte et inventive d’inouï _ d’expression. Si les poètes sont assassinés, ce n’est pas en raison de leur mode de vie ; c’est à cause de leur puissance _ formidable _de formulation. C’est parce qu’ils ouvrent la bouche et articulent la langue de manière inouïe et poignante _ voilà, voilà.

Nous ne savons _ forcément _ pas ce que nous devons attendre de _ la puissance d’improvisation dynamique (et qui peut être même dynamiteuse) de _ la poésie. Cette leçon, la troisième, est d’espoir. Une lecture paresseuse de Benjamin voudrait que la prose soit la sobriété du poème et son avenir. C’est une vieille rengaine de matrice hégélienne. Fin du poème comme fin de l’art ? C’est en poème qu’il faut répondre à la fin du poème. Trois anciens noms du poème servent à indiquer des issues pratiquées aujourd’hui (la lectrice et le lecteur s’amuseront à coller des noms propres comme dans un exercice à trous). L’hymne, ou le poème continué d’avant la fin du poème. L’hymne se maintient contre la fin du poème. Il assure la grandeur _ de célébration, cérémoniale et exaltante _ du ton, la hauteur de la poésie, sa prodigalité _ joyeuse _ spacieuse. L’élégie s’inscrit comme le poème _ d’humilité ressentie et assumée _ de l’impossibilité du poème. Poésie comme haine ou comme déception de la poésie, exilée, raréfiée rendue « impossible ». Le poème réflexif ou critique. Il prend en compte le diagnostic de l’époque, mais il refuse la thérapie. Pourquoi donc l’idée de poème ne passerait-elle pas par le poème ? Le poème se fera porteur d’opération critique sur la fin du poème : il prendra en charge les opérations de la pensée sous une forme poétique. Ou, pour le dire avec Mallarmé, la poésie est comme le sonnet : elle se passe de son explicitation en prose puisqu’elle se réfléchit elle-même _ voilà : en elle-même et par elle-même, consubstantiellement _ de toutes les façons. Deguy aura pratiqué l’hymne et l’élégie en les croisant dans le poème critique _ et philosophique par là _ pour voir s’échanger leurs prérogatives. Il aura donné à la poésie française une des poésies critiques les plus intenses de la seconde moitié du vingtième siècle. On le rapprocherait volontiers (avec toutes les précautions d’usage) de deux autres poètes critiques de l’Europe de l’après-guerre : l’Italien Franco Fortini (Florence, 10 septembre 1917 – Milan, 28 novembre 1994) et l’Allemand Hans Magnus Enzensberger (Kaubeuren, 11 novembre 1929 – Munich, 24 novembre 2022).

La quatrième leçon que nous lègue sa réflexion est que si la poésie est au cœur de ce que nous traversons et de ce qui nous traverse, c’est que le géocide _ lui-même, qui advient _ exige que nous prenions le langage _ en la pluralité élargie de ses usages et registres, au-delà des idiomes scientifiques, technologiques, ou économiques dominants… _ au sérieux. Deguy a consacré trois livres à ce problème : La fin dans le monde (2009) ; Écologiques (2012) ; L’envergure des comparses. Écologie et poétique (2017). Prendre le langage au sérieux ? Nulle grandiloquence ici : la poésie ne sauvera pas le monde, et si jamais elle permettait « d’habiter poétiquement le monde », ce ne serait qu’au prix d’un travail continu sur ce cliché qui maltraite Hölderlin en galvaudant son mot d’ordre. Ce que Deguy nous rappelle (et d’autres poètes avec lui), c’est que la poésie entretient un rapport d’essence scellé par le langage avec notre compréhension _ même, et c’est forcément essentiel ! _ du monde (milieu ? environnement ? nature ? terre ?) _ à toujours davantage creuser, élargir, vraiment pleinement penser.

Nos poèmes ne savent pas ce qui les attend, par Martin Rueff

Ce rapport s’énonce de la manière suivante : la poésie éprouve le langage comme l’expérience du monde en tant qu’il va disparaître _ fuir, échapper, être manqué, perdu, détruit par notre inattention et absence d’égard, puis oubli… « Le monde va finir » ? L’émotion _ vive, touchante _ qui naît du langage poétique n’est pas liée à un contenu particulier (le poème fait flèche de tous les bois de l’affect) mais à sa forme qui affecte autant ses énoncés (ce qu’il dit) que son énonciation (comment il prend en charge _ voilà, en la chair même de son chant _ ce qu’il dit). L’émotion qui naît du poème est spécifique _ oui, et il faut apprendre à bien l’accueillir _ : elle est liée à l’appréhension du temps qui passe _ oui : ce temps qui fait la pulsation même de nos vies _ au sein même de l’appréhension _ plus ou moins perspicace et attentive, juste _ des phénomènes. Si les hommes voient le sol de la terre se dérober sous leurs pieds (cette formule devenant aujourd’hui littérale), et si les hommes regardent la terre avec le langage (la formule est du poète Jean-Patrice Courtois commentant Deguy), alors il n’est pas étonnant qu’ils se tournent vers le langage qui se rapporte au monde « en le portant disparaissant » _ en sa coulée même. Le poème porte le monde – il le rend présent _ voilà _, il le fait passer, le translate, le reconduit, mais aussi le sauve, le repêche, le rappelle, le restitue _ oui, il est ainsi réellement opérant, à l’inverse d’aveuglant. S’il le portait « apparaissant », le poème serait hymne à la célébration de sa présence : c’est dans le poème que le monde pourrait « rejaillir vivant » _ une fête ! S’il le portait « disparu », le poème serait élégie _ déploration _ pour un monde défunt. Or le poème critique ne porte ni « apparaissant », ni « disparu », mais « disparaissant » _ dans la difficulté de la recherche de saisie de la justesse de son penser sensible et de ses conditions elles-mêmes… _ : la modalité même de la constitution du monde lyrique est précisément celle d’un « porter disparaissant » – d’un faire apparaître dans la disparition en acte _ ne serait-ce que parce que toute phrase entamée va finir et finit. En portant le monde, il en garantit la phénoménalisation _ voilà _, en le portant « disparaissant », il assure et la présence et son retrait _ concomitamment _, et le phénomène et sa défection – il le fait défaillir dans un frémissement de langage _ ou « admirable tremblement du temps » presque saisi, Kairos aidant, en son passage... Il le décontenance.

Parce qu’il dit la sortie de route et la perte des repères, « désarroi » est un beau mot. Et puisque desarreier a existé, nous pourrions, toutes et tous, nous dire désarroyés. Plus que jamais ? Le sentiment d’être arrachés à l’histoire est historique et à des millénarismes sans science ont succédé les catastrophismes éclairés d’aujourd’hui. Il était inévitable sans doute qu’une telle situation fît lever des prières et, avec elles, de nouvelles spiritualités. Que ces dernières entraînassent un désir de poésie était sans doute prévisible. Mais le désir de poésie ne fait pas le poète _ certes _ et les poètes ne seront _ en effet _ ni les saints ni les gourous de demain. Ils regardent ailleurs et devant eux. On ne leur fera pas dire la messe. On espérera leurs poèmes inouïs. Quand les mots viennent à manquer, il n’est ni facile ni inutile de se tourner vers celles et ceux qui font de ce manque une force et qui tentent _ en toute humilité _ d’éviter les effets de manche et le retour _ très illusoirement _ confortable des rhétoriques les plus plates _ soit mercenaires et cyniques, soit achetées et prisonnières. Les poètes font preuve d’une opiniâtreté bizarre _ en effet. Une vieille comparaison rapproche le mot de la monnaie et du jeton. Le poète ne veut pas qu’on se refile les vieux jetons de la fausse monnaie. Il veut remonétiser _ oui _ le langage. Qu’il y échoue n’est ni signe de son échec ni synonyme de sa grandeur. Deguy aura essayé _ voilà : à la Montaigne _ pendant près de soixante-dix ans. Sa vigueur est de rigueur. Et l’inverse n’est pas moins vrai.

 

Un hommage ô combien mérité à ce que nous a définitivement laissé (à revenir méditer, en son œuvre qui est là) Michel Deguy.

Et en apostille un peu plus personnel,

et sans revenir ici aux divers articles que j’ai consacrés à Michel Deguy lui-même,

ni à l’entretien si précieux _ et tellement exemplaire de la vie frémissante de son si inventif penser en langue ! _ que j’ai eu avec lui à la Station Ausone le 9 mars 2017, à propos de son « La Vie subite » _ et aussi « Noir, impair et manque«  _, dont voici un lien au podcastafin de percevoir aussi et encore le grain même de sa voix et les rythmes de son souffle, présents toujours, et toujours audibles, en le verbe et de sa poésie et de tout ce qu’il a écrit : en l’œuvre de lui qui nous demeure à lire, pour converser encore avec lui…

je me permets simplement de renvoyer ici à plusieurs des articles de ce blog « En cherchant bien« , signés Titus Curiosus, liant de près le nom de Martin Rueff à celui de Michel Deguy :

_ le 12 décembre 2009 : « « 

_ le 23 décembre  2009 : « « 

repris le 13 mai 2010 : « « 

_ le 18 février 2022 : « « 

_ et tout récemment le 2 février 2023 : « « 

Ce mercredi 22 mars 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

A propos de l’indispensable legs, toujours à inlassablement réactiver, de la lucidité d’imageance poïétique des chefs d’oeuvre majeurs des génies de la littérature mondiale _ ou la profonde vérité du « Ce qui demeure, les poètes le fondent », de Friedrich Hölderlin…

23fév

En apostille-ajout à mon article du 14 février dernier « « ,

ceci,

et un peu « retravaillé » encore, à la relecture devenant ré-écriture _ à la Montaigne en ses indispensables « Essais » _,

qui me paraît mériter, à lui seul, ce petit tiré-à-part-ci d’aujourd’hui :

mon « Lire ‘Liquidation’ d’Imre Kertész, ou ce qui dure d’Auschwitz« , achevé de rédiger le 13 janvier 2006, est enfin redevenu accessible, grâce à Nathalie Georges-Lambrichs _ qui a réussi à le « récupérer » sur une ancienne sauvegarde sienne, qu’elle est, non sans difficulté (elle n’en avait plus le souvenir…), parvenue à réactiver : ouf ! immense merci à elle ! _, tel que j’ai, sur ce blog même, mis en ligne en mon article du 8 novembre 2022 : « « ,

où ce très long texte mien _ plus long, mais c’était absolument nécessaire, que le texte de Kertész, dont il est n’est qu’une modeste, mais exigeante, lecture-commentaire, et un patient déchiffrage… _ de lecture-commentaire-déchiffrage du « Liquidation » de Kertész,

est miraculeusement redevenu effectivement accessible _ il n’a finalement pas été « liquidé« , ouf !, réduit au pur néant, lui, par l’accident de mon précédent ordinateur (soudainement un jour kaput !) où je le conservais sans sauvegarde aucune… _ à de patientissimes lectures !!!  ;

ce très très grand texte de Kertész qu’est ce chef d’œuvre étourdissant _ en son époustouflante complexité archi-enchevêtrée d’écriture par lui, l’auteur, mais aussi de lecture, par nous, ses lecteurs : pour ne pas nous y perdre, il nous faut, à nous lecteurs, très sérieusement nous y accrocher ; et c’est ce très patient effort-là que s’efforce de retranscrire, avec jubilation aussi et surtout, mon texte de lecture-commentaire-patient déchiffrage… _, de « Liquidation« , se re-révélant hélas ces jours de maintenant plus prémonitoire que jamais _ « Ce qui dure d’Auschwitz » avais-je, et à mon tour comme prémonitoirement, sous-titré ce modeste mien « Lire ‘Liquidation’« , qui, et cela à mon vif étonnement (!), résiste fort bien à la relecture, 17 ans après sa rédaction, achevée le 13 janvier 2006 !.. _ avec le présent retour de l’incroyable barbarie déchaînée sur ces décidément malmenées _ Boutcha, Irpin, Marioupol, Bakhmout, etc. _ terres d’Ukraine ;

relire ici, du très grand historien américain Timothy Snyder, pour commencer, son indispensable lucidissime « Terres de sang : l’Europe entre Hitler et Staline » (et désormais Poutine !)

_ et relire aussi, éventuellement et superfétatoirement, mes articles de commentaire, celui très détaillé, du 26 juillet 2012 « « , et celui, synthétique et rétrospectif, lui, du 4 mars 2022 « « , sur ce magistral travail de l’historien Timothy Snyder en ce magnifique et plus que jamais indispensable « Terres de sang : l’Europe entre Hitler et Staline« …

Et où nous mesurons aussi _ et c’est à cela que je veux bien sûr en venir ici _, tout ce que nous pouvons devoir, voilà !, par nos lectures, à la lucidité de poïesis la plus fine et la plus juste sur le réel des plus géniaux écrivains,

tel, en cette occurrence-ci, un Kertész…

Oui, voilà bien ce qu’apporte l’imageance des plus grands génies visionnaires _ et je repense ici à ce qu’en présente ce dialogue essentiel et fondamental de Platon, à propos de la puissance propre du poétique, qu’est son petit Ion _, écrivains et artistes ;

et il nous est plus que jamais indispensable, à nous les lecteurs de ce qui demeure encore de ces génies, de venir toujours et à nouveau, et génération après génération, les lire, et revenir, de nouveau, de nouveau, et génération après génération, il me faut le redire, venir et revenir encore les lire et les relire, et les méditer, tant sont puissamment destructrices les forces d’effacement, de dénégation négationniste, ainsi, d’abord, que d’oubli !, à inlassablement combattre et renverser…

Car, de ces génies visionnaires,

les regards, via _ et c’est bien cela seul qui vraiment porte et transporte jusqu’à nous, d’abord inattentifs, et oublieux que nous sommes, de l’essentiel  _, leurs plus que jamais vivantes_ à dimension temporelle d’éternité, mais oui ! puisque d’éternité il n’y a réellement que dans le temps de vies humaines (mortelles, c’est là un pléonasme) : toute vie (sexuée du moins) passe, et est promise à passer un jour définitivement, et il appartient donc à chacun, individu de passage, d’apprendre le plus vite possible, tant qu’il est temps, à saisir au vol ce que vient très furtivement et très brièvement offrir et mettre à notre portée le généreux et très malicieux (et tranchant aussi !) Kairos… _ parlantes et vibrantes voix _ oui, les voix ! je dis bien les voix : qu’il nous appartient, à nous les lecteurs, d’apprendre à percevoir, recevoir, écouter, et alors clairement enfin entendre, en leurs ténus et fragiles souffles-respirations, ainsi qu’intonations et accents, même : ce qui est le propre du seul, mais puissant en ses effets, poïétique, du moins quand ces effets du poïétique sont effectivement bien reçus et intégrés par la conscience la plus lucide du lecteur à son intelligence actuelle des situations… _ précieusement maintenues ainsi activement parlantes, déposées qu’elles sont, pour ce moment du moins où elles subsistent et durent un peu pour nous, en livres, et en livres accessibles à la lecture, ainsi que, et surtout, à la pensée-méditation à venir du lecteur, dans les rythmes souples et colorés de ces phrases _ surtout , car c’est leur allure et leur rythme singuliers qui importent !_, lignes, pages de ces livres-là, nous demeurent donc ces regards via les voix, plus que jamais présents, ces extra-lucides regards-là visionnaires, via les voix parlantes et vibrantes de vie, il me faut le souligner, en l’éclat de la beauté, oui, de la beauté, de ces œuvres et chefs d’œuvre, qu’à nous, leurs potentiels _ en voie de devenir d’un peu plus effectifs, si possible… _ lecteurs, ils ont su, tel un infiniment précieux legs, nous laisser à venir méditer _ en dialoguant un minimum avec eux _ ; charge à nous de les écouter et les entendre, ces voix, et accéder, par leur écoute musicale, à ces regards perspicaces et vifs-là.

La vraie lecture étant un réel et très effectif _ wirklich, dit Hegel… _ dialogue :

un entretien actif _ de muses : à la François Couperin... _ des deux côtés, auteur et lecteur ainsi en dialogue _ les muses en dialogue, donc ; encore à la François Couperin… Et on peut comprendre ainsi, au passage, ce qui me rend aujourd’hui particulièrement impatient de la publication, le 6 juin prochain, aux Éditions du Canoë (de Colette Lambrichs), de l’ « Ut musica, ut poïesis«  du cher Michel Deguy ; comme pour continuer avec lui la conversation entamée à la Station Ausone le 9 mars 2017, autour de son vibrant « La Vie subite« … _, et entre lecteur et auteur, quand survient le miracle de cette grâce, voilà, de s’entendre vraiment l’un l’autre.

Immense merci donc à eux tous, ces plus grands des auteurs !!!

Pour l’imageance poïétique de leurs vibrantes musicales voix, toujours vivantes et parlantes, en acte _ quand leur puissance est ainsi un peu richement activée _, pour nous, quand nous lisons vraiment leurs grands livres…

Lire et lier, relire et relier, étant consubstantiels.

Ce jeudi 23 février 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Intense admiration envers Georges Lambrichs, à l’issue de ma lecture du portrait de l’homme et son oeuvre (dont surtout « Le Chemin »..) que vient d’en tracer Arnaud Villanova en « Le Chemin continue _ Biographie de Georges Lambrichs », aux Editions Gallimard

20fév

C’est une intense très vive admiration,

tant à l’égard de l’homme _ « d’une entière droiture et d’une noblesse rare« , dixit parfaitement Jean Paulhan, comme il est rapporté à la page 107, du merveilleux chapitre (pages 104 à 120), intitulé « Le collectionneur«  _ Georges Lambrichs (Saint-Josse-ten-Noode, 5 juillet 1917 – Paris, 9 février 1992)

qu’à l’égard de son œuvre d’éditeur

(dont tout particulièrement _ principalement, mais pas exclusivement _ la formidable collection « Le Chemin« , qu’il fonde _ cf à la page 107 : « Gaston accepte finalement, poussé par son fils Claude et « un peu à titre de compensation » – pour ne pas, pas encore, avoir accepté de l’intégrer au comité de direction du mardi des Éditions Gallimard, que Georges crée la sa collection « Le Chemin » » _, au sein des Éditions Gallimard, au mois de septembre 1959),

un éditeur si magnifiquement perspicace et extraordinairement fin _ et animateur profond (et convivial aussi, et même festif, et c’est très important : possiblement un trait de belgitude… – et c’est ce que m’avait répondu, à Saint-Émilion, l’ami Pascal Chabot, me présentant un de ses amis, bruxellois lui aussi, et éminemment sympathique, à ma question : à quoi tenait ce degré frappant de sympathie chaleureuse qui m’impressionnait en eux : « la belgitude !« , m’avait-il, avec son immense sourire, immédiatement répondu alors ! – ; cf, ce passage, aux page 143-144, dans le chapitre « Les Cahiers du Chemin«  : « Pour orienter ses Cahiers dans le sens de la discussion dont Georges Lambrichs apprécie tant la fécondité des surprises !, Georges a l’idée de ritualiser les rencontres entre écrivains. Il se souvient des bistrots de la Grand-Place de Bruxelles _ voilà ! et Georges Lambrichs est éminemment sensible à la qualité singulière des « ambiances«  ; le mot revient à diverses reprises dans ce livre très fouillé et si riche d’Arnaud Villanova… _où se mêlent les paroles et la rumeur, il voit depuis quelques années les bienfaits et la force _ voilà ! _ des déjeuners Chez Alexandre ou au café de l’Espérance, alors il se dit, allons-y, formalisons l’informel, embrassons notre liberté – et c’est là aussi un trait absolument décisif de la personnalité de Georges Lambrichs – finalement acquise. Dès 1967, sa femme Gilberte et lui décident désormais de recevoir chez eux, tous les mercredis, pour un déjeuner écho de la collection et de sa revue, c’est-à-dire sans cloison, sans préséance ni préjugé, simplement pour les discussions et les occasions de rencontres et ce qui va en surgir. Le principe est simple, Gilberte prépare un plat de pâtes à la tomate, les invités apportent le vin, et la table est grande ouverte. Il y a un noyau d’habitués bien entendu, les Parisiens, et d’autres qui ne le sont pas, mais viennent de temps en temps, quand ils sont là, « tiens, untel est à Paris, proposons-lui de venir mercredi. (…) On se parlait, la parole voyageait (…) On paraissait tous revenir de voyage. Écrire, n’est-ce pas toujours voyager par poïesis !… en soi ? »« …) de la vie littéraire de la seconde partie du XXe siècle en France _,

que je ressens à la lecture, ce jour, du passionnant travail d’enquête à lui _ et son œuvre surtout d’éditeur _ consacré par Arnaud Villanova en ce très riche, vaste et profond « Le Chemin continue _ Biographie de Georges Lambrichs » _ après, notamment, de très éclairants entretiens remarquablement fouillés avec J.M.G. La Clézio, Jean-Marie Laclavetine, Nathalie Lambrichs, Louise Lambrichs, Colette Lambrichs, Gérard Macé, Erik Orsenna, Claire Paulhan et Jacques Réda (ainsi que Arnaud Villanova  prend soin de le marquer en ses « Remerciements«  d’auteur à la page 18 de son livre)qui vient tout juste de paraître aux Éditions Gallimard le 16 février dernier _ ainsi que m’en avait avisé le 1er février dernier l’ami Pierre Coutelle alors que je lui parlais de l’« Ut musica, ut poiesis » de Michel Deguy (avec Bénédicte Gorrillot), que fait paraître, le 6 juin à venir, en ses Éditions du Canoë, Colette Lambrichs, la propre nièce, justement, de Georges Lambrichs, comme je l’ai appris alors à Pierre.

Et le 20 mai 2014, c’était à la Librairie Mollat, et à propos de l’œuvre d’Imre Kertész, que j’avais rencontré Nathalie Georges-Lambrichs, la fille aînée de Georges, venue présenter un travail collectif intitulé « L’Homme Kertész : variations psychanalytiques sur le passage d’un siècle à un autre » ; et nous avions immédiatement sympathisé

Ce dimanche 19 février 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

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