Posts Tagged ‘philosophes

Le rêve d' »intersections fécondes » entre journalisme et philosophie : le Libé des Philosophes (et sa manifestation à Bordeaux)

04déc

En ouverture du numéro de Libération du jeudi 2 décembre

_ le jour du gros accès de tempête de neige, notamment à Bordeaux où se rencontraient, réunis par le quotidien Libération, philosophes, journalistes… et même politiques !.. : le thème fédérateur étant « la philosophie dans la cité« , et les rencontres s’intitulant « Penser l’actualité« , « La Justice gagnerait-elle à philosopher ?« , « Peut-on réduire les inégalités ?« , « Aide, entraide et fraternité : penser la solidarité« , « Délinquance : déni ou délit de culture ?« , « Quelle ville laisser à nos enfants ?«  et, in fine, « La cité idéale, ou l’utopie réalisable«  _,

et sous le très judicieux titre d’Intersections fécondes,

Michel Serres _ tel un Leibniz « revenu«  cette fois en corsaire gascon : en vadrouille malicieuse (plutôt que course sauvage…) dans le paysage en voie de mondialisation du bal des monades… _ résumait excellemment

le pari _ renouvelé cette année-ci encore : ce 2 décembre, donc ! et réussi ! _ de Robert Maggiori,

le responsable de la rubrique Philosophie de ce quotidien,

et maître d’œuvre de ce concept de « Libé des philosophes » :

Depuis qu’a été inventé le Libé des philosophes,

nous n’avons cessé de réfléchir sur les bénéfices de cette rencontre

entre journalisme et philosophie.

Elle produit plusieurs courts-circuits _ voilà ce qui peut se révéler fructueux pour le penser, (souvent un peu) trop ensommeillé en ses (un peu trop) molles habitudes…

D’abord un temps long _ celui du penser, en sa salubre intempestivité méditative ! Nietzsche osant ici la figure de la « rumination« _ y coupe la rapidité _ le plus souvent éphémère _ du jour,

et peut lui apporter des aliments _ c’est déjà çà… _ inattendus.

Heureusement,

l’éclair momentané _ quand il est tant soit peu surprenant ! du moins… _ de l’actualité

réveille _ voilà ! à l’instant du choc de cette rencontre (électrique)… _ une mémoire _ un peu trop souvent un peu trop _ prête _ encline _ à s’assoupir.

On dirait un long fleuve tranquille enflammé soudain _ de lumière _ par les cascades d’un torrent _ venant enfin, et opportunément, la secouer, cette mémoire alluviale plus ou moins limoneuse un peu trop installée…

De plus,

le philosophe creuse _ voilà ! malignement… _ alors que le journaliste _ pressé par son rédacteur en chef et l’attente au jour le jour du lectorat _ galope _ un peu trop éperdument…

Alors le vertical coupe l’horizontal _ avec fécondité.

On dirait un carrefour _ tels l’Agora d’Athènes, le Forum de Rome, ou la place du marché de n’importe quel bourg zarathoustréen-nietzschéen... _

et tout le monde sait que les rassemblements intéressants _ possiblement féconds, donc… _

ont lieu

en cette place _ qui s’y prête ;

cf Kant : « Penserions nous beaucoup, et penserions-nous bien, si nous ne pensions pas pour ainsi dire en commun avec d’autres, qui nous font part de leurs pensées et auxquels nous communiquons les nôtres ?..«  (in son manifeste contre la censure : La Religion dans les limites de la simple raison : un must !..

Enfin,

la philosophie vole _ cf Corneille : « Va, cours, vole ; et nous venge !« , in Le Cid_ et plane parfois _ un peu trop, en se laissant aller vagabonder (et se perdre) au hasard des courants d’air porteurs : combien ne manquent pas de le lui reprocher (et parfois à raison !!! )… _

alors que l’actualité a le souci _ professionnellement vital _ de garder les pieds sur terre _ même si pas forcément les mains dans le pétrin (voire le goudron)…

La seconde force _ bienheureusement, en effet ! _ la première _ sans les ailes de géant de l’albatros baudelairien _

à atterrir.

On dirait un aéroport _ hyper-affairé, que ce lieu d’atterrissages impromptus…

Confluent,

place de l’étoile,

piste d’envol ou de retour,

voilà les trois intersections fécondes

que Robert Maggiori inventa _ bel (et plus encore : juste !) hommage ! _

pour le Libé des philosophes.

Voyons alors

ce que personnellement j’y ai le plus goûteusement

glané,

pour ma (propre) gouverne…

D’abord, ce qui m’a le plus touché

et marqué _ c’est une merveille (de pensée) rare !, en plus de poésie ! que cet article tout de discrétion (et humilité) ! _ puissamment,

se trouve à la rubrique

_ peu en vue, certes : il fallait assurément aller la dénicher ; elle se cachait sous ce titre magnifiquement actuel ce jour-là (de même qu’éternellement, aussi !) de Partie de neige ; soit le titre même du sublime recueil de poèmes de 1968 (et paru posthume) de Paul Celan : Partie de neige, aux Éditions du Seuil, en allemand et dans la très belle traduction de Jean-Pierre Lefèbvre !.. _

de la météo

_ qui l’eût dit ?..

La page est même indiquée très exactement : « Jeux-Météo«  ;

sur la partie (gauche) des « Jeux« ,

le philosophe Marc de Launay commente ainsi une partie d’échecs,

empruntée au 70e championnat d’Italie, en 2010 (entre les joueurs Brunello et Rombaldini)… :

« Il en va des échecs comme du langage. (…) Ceux qui continueront à jouer (…) auront plaisir à jouer comme on a plaisir à converser (…). Savoir limité le nombre des combinaisons qu’offrent les lettres d’un alphabet et la grammaire d’une langue

n’a jamais rendu muet _ certes ! Le jeu sérieux n’est pas ignorant de l’ambition conceptuelle, il taquine l’infini en le sachant illusoire ; il éduque l’esprit à la rigueur des métaphores en révélant une pluralité de combinaisons face à telle disposition générale :

belle propédeutique à l’appréciation des innovations qui miment l’issue possible hors d’une situation jugée désespérée, mais qu’une raison étrangère nous révèle riche d’une ressource.

Comme une parole inouïe dissipe des académismes et fait briller les cristaux d’une nouvelle syntaxe.

Une fois jouées toutes les combinaisons, l’histoire des joueurs et du jeu ne sera pas sans avenir« ... :

comme c’est superbe aussi !.. _,

à la rubrique de la météo, donc,

et sous la plume _ de poète comme de philosophe ! _ de Martin Rueff

_ dont j’ai fait personnellement la connaissance (je consulte mon agenda) le mardi 8 décembre 2009, lors de sa conférence (très belle : il y convoquait la saison de l’Hiver de Poussin !) pour notre Société de Philosophie de Bordeaux : c’était sur le sujet de Rousseau : le pas et l’abîme, autour de sa lecture de la fiction (comme philosophie, aussi !) de Julie, ou La Nouvelle Héloïse ; puis au cours du repas (toujours très convivial) qui a suivi la conférence ; et surtout par la lecture de son magistral travail sur la poésie et la poétique de Michel Deguy, Différence et identité : Michel Deguy, situation d’un poète lyrique à l’apogée du capitalisme culturel _ ; cf mon article sur ce magistral ouvrage, en date du 23 décembre 2009 : la situation de l’artiste vrai en colère devant le marchandising du “culturel” : la poétique de Michel Deguy portée à la pleine lumière par Martin Rueff

Martin est revenu ensuite à Bordeaux, le mercredi 12 mai (toujours mon agenda ! pour ne pas complètement perdre le fil des jours qui défilent ; et y raccrocher un peu des efforts, facilités ensuite à partir de ces menus amers-là, de la mémoire qui risquait de se noyer, sans repères…) afin de présenter, et avec Michel Deguy, dans les salons Albert-Mollat, ce grand livre, et important pour mieux comprendre ce qui change (en fait de différence et identité, donc !!!) en ces siècles : le XXème comme le XXIème…

Cf mon article sur cette conférence-là, cette fois : De Troie en flammes à la nouvelle Rome : l’admirable “How to read” les poèmes de Michel Deguy de Martin Rueff _ ou surmonter l’abominable détresse du désamour de la langue

En son propre Partie de neige,

à la page 21 du Libé des philosophes du jeudi 2 décembre (enneigé à Bordeaux et toute sa région !

je me suis trouvé sur la route _ heureusement presque tout uniment droite ! _ vers 7h, 7h15, dans des bourrasques ô combien drues de neige, droit devant, le regard mangé par ce que tentaient de percer de la nuit, ainsi ouatée de ces rafales hyper-serrées de flocons, les phares de ma voiture, essayant de gommer le plus possible les pirouettes du verglas, sur le sol, si jamais j’avais à tourner si peu que ce soit le volant, trop brusquement ralentir ou accélérer, pour ne rien dire de freiner, aux ronds-points drastiquement piégeux de la route, heureusement assez peu embouteillée à cette heure : j’étais parti très tôt exprès : à 6h 30 ; les flocons commençaient juste de tomber, en légère voilette de tulle, alors, sur Bordeaux)…

Martin ne fait pas référence explicitement à Paul Celan (non plus qu’à son recueil de poèmes écrits en 1968 : ni l’un, ni l’autre ne sont nommément cités !) _ sinon par le seul titre de son article quant au temps qu’il faisait, ou pouvait faire, ce jour-là, 2 décembre 2010, en France :

comment prendre alors le vocable de « Partie«  (de neige) ? A chacun d’essayer sa (ou ses) propositions (s)… Le poème (vrai) est toujours, dès ses signifiants mêmes, polysémique, flottant, ouvert, en sa battue, pourtant nette, forcément, des cartes de ce qui s’y inscrit, à prononcer… _,

mais Martin, donc,

faisait beaucoup mieux que cela :

lui, pensait la neige ;

et ce qu’elle peut induire, aussi _ en redoublement du penser _ de pensée (alors métaphysique !),

par exemple pour quelques philosophes :

ici, ce seront _ ainsi qu’il les indique ou les nomme, nommément, si j’osais dire _ :

les philosophes de la « théorie des climats » du XVIIIe siècle, Socrate (in Le Banquet), Spinoza, Sénèque, Kant (en l’esthétique transcendantale de la Critique de la raison pure), Lévinas (in De l’existence à l’existant) ;

auxquels Martin mêle aussi, aimablement _ quant à aider aussi un peu au figurer du lecteur ! lire étant aussi se figurer… _ une kyrielle de peintres (de la neige) :

« Beerstraaten, Van der Neer, Isaac van Ostade,

mais aussi Goya ou Courbet« ,

et Turner ;

ainsi qu’un _ unique à être nommément nommé ! Mallarmé et Chrétien de Troyes (et Celan !) n’étant, eux, qu’évoqués… _ poète,

Guillaume de Salluste Du Bartas ;

ainsi :

« Turner peint la neige comme au premier jour de la Semaine de Du Bartas :

« avant tout, matière, forme et lieu »…« .

Et Martin de le commenter alors ainsi :

« Neige grand ouvert sur l’ouvert » ;

pour conclure, au final,

après un paragraphe consacré à Kant

et un autre à Lévinas :

« Neige, nuit blanche. Et ce qui sera sans lumière, il nous faudra

_ ce « nous«  en ce défi prometteur, pourvoyeur peut-être,

en cette situation de mission, de devoir (vital ?),

pourvoyeur

de courage… _

le perpétuer« …


Voici donc

_ je le recopie manuellement : et je m’en réimprègne encore un peu plus (ou un peu mieux) en le ré-écrivant ainsi mot à mot sur le clavier… _

l’article Partie de neige, par Martin Rueff,

en la rubrique Météo du Jeudi 2,

sur deux colonnes de la partie droite de la page 21,

en encadrant, en son centre _ hexagonalement _, une carte de France des prévisions météorologiques de ce jour…

Autant la grammaire des énoncés météorologiques (« il pleut« , « il vente« ) a pu pousser les philosophes à réfléchir en métaphysiciens sur l’ontologie _ voilà ! _ des événements et sur les chaînes _ principalement, voire exclusivement, mécaniques ?.. _ de causalité qu’ils impliquent, (à la fois sur la cause de ces événements et sur l’inscription de ces événements dans la vie des hommes _ on pense à la « théorie des climats » des philosophes du XVIIIe siècle avec leurs causes sans cesse _ répétitivement ? cf ici l’humour de Hume… _ renaissantes), autant l’expérience de la neige a offert un motif de prédilection à ceux qui étaient enclins à méditer sur l’endurance _ hivernale : en « l’hiver de notre mécontentement«  _ des hommes. Si l’on admet le partage _ stoïque _ de ce qui dépend de nous et de ce qui n’en dépend pas, et si l’on reconnaît que la balance est inégale entre l’un et l’autre, il faut supporter la neige comme le faisait Socrate « qui marchait pied nus sur la glace plus aisément que les autres avec leurs chaussures, et les soldats le regardaient de travers croyant qu’il les bravait«  (Le Banquet, 220a).

Est-ce tout pourtant ? Regardons-la, cette neige qui vient _ indépendamment de nous, comme nous étouffer, asphyxier, en noyant, bientôt, tout…

Il y a une beauté de la neige comme état _ reposé, ensuite, en ses couches alors horizontalement déposées, étalées, comme majestueusement tranquilles _ de la matière, dans le double spectacle de sa chute (elle est alors rideau _ enduré _ qui voltige, pétales soufflés, mur blanc effilé, tempête au parvis des épousailles, _ mallarméennes _ « tasses de neige à la lune ravie« ) et de sa surface _ déposée, donc, et demeurant longtemps… _ de trop grande clarté _ épiderme, drap, écran, visage exposé, facies totius universi (Spinoza retrouve la formule de Sénèque), support/ surface, ligne blanche d’horizon, horizon blanc de dunes. Le chevalier _ cf l’imaginaire (si vivant !) de Jean Giono dans l’aveuglante blancheur neigeuse alpine de deux ou trois hivers d’Un Roi sans divertissement, du côté de Mens et de Chichiliane : à partir du poème si fascinant de Chrétien de Troyes… _  cherche la trace de sang _ de l’oie agressée _ : un trou, une crête, une crevasse pour ne pas céder au vertige du même _ tel étant le chiffre affolant de l’angoisse. La neige, univocité étale, est pureté purifiante ou pureté étalée _ rêve d’effacement, offrande écartée au soleil, condition de la lumière aveuglante, miroitante ; et d’elle plus que de tout autre spectacle il faudrait dire : c’est la mort d’un soleil blanchi qu’on ne peut regarder en face. Ou peut-être comme l’espace pur désorienté _ aussi ! pour notre perte… _ : le fond comme figure, la figure comme fond, ni droite ni gauche, tout le profond venu à sa surface blanche ; et parfois tes yeux _ même ! _ sont débordés face à l’immensité absente qui dure ; ni béance du chaos, ni confusion à vide _ cependant : et la nuance est capitale… _, la neige…

_ en sa magie lancinante d’étrangeté poïétique

en fusion…

On rappellera que certains peintres se rendirent célèbres par leurs effets _ d’éclats assourdissants _ de neige : Beerstraaten, Van der Neer, Isaac van Ostade, mais aussi Goya ou Courbet. Turner peint la neige comme au premier jour de la Semaine de Du Bartas : « avant tout, matière, forme et lieu« .

Neige : grand ouvert sur l’ouvert

_ pour qui s’y affronte, d’abord par le regard (sempiternellement étonné, chaque fois…),

en son vivant ici une fois encore défié

Mais une méditation sur la neige ne devrait rien ignorer non plus de ce que l’esprit humain y investit : l’image offerte à la méditation métaphysique du blanc de néant

_ autre défi (« métaphysique« , donc, et ainsi…) de l’esprit, qui s’agite…

La neige constitue une de ces images sans motif où le fond est _ ou devient _ tout _ voilà… On se souvient que « l’exposition métaphysique de l’espace » dans l’esthétique transcendantale de la Critique de la raison pure repose sur une thèse simple : la représentation de l’espace ne peut pas être déduite de l’expérience. Il faudrait qu’elle soit posée comme fondement : « L’espace est une représentation nécessaire, a priori, qui sert de fondement à toutes les intuitions externes. » Et Kant poursuit : « On ne peut jamais se représenter qu’il n’y ait point d’espace, quoiqu’on puisse bien penser qu’il ne s’y trouve pas d’objets. » La neige offrirait l’image de l’espace comme tel dans sa pureté transcendantale _ la neige comme spectacle pur de l’espace, comme exposé métaphysique.

Mais il y a plus encore : une chose est de dire que la neige est un spectacle métaphysique, autre chose est d’affirmer qu’elle permet l’intuition de la métaphysique elle-même _ l’image de la différence ontologique

_ en sa différance (mouvante) même, s’offrant à nous défier, pour peu, du moins, que nous consentions à y opposer (et soutenir, tant soit peu, aussi…) un penser singulier…

Neige : offrande pure _ voilà _ du il y a _ oui ! _, de cet il y a d’avant _ prénatalement ? aussi… _ tout objet _ allégorie pure de l’être comme fable du néant, image du cri _ munchien ? à l’abattoir ?.. _, comme symbole du silence _ advenant, voire advenu, murant… _, temps suspendu et temps qui passe, qui passe suspendu. Analogue à la nuit noire que veille l’inutile insomnie, la neige offre _ oui _ le fait nu _ voilà : et il s’impose… _ de la présence : il y a présence _ du vivant

dont le souffle tremble, respire, bat.

Lévinas écrit dans De l’existence à l’existant : « Le fait universel de l’il y a, qui embrasse et les choses et la conscience » ; et il serait important d’appliquer à la neige les évocations de l’insomnie qu’il propose : « Il n’y a plus de dehors, ni de dedans », « ce retour de la présence dans l’absence ne se fait pas dans des instants distincts, comme un flux et un reflux. Le rythme manque _ voici la clé ! _ à l’il y a, comme la perspective aux points grouillants de l’obscurité« . Lévinas précisera : « On ne peut dire non plus que c’est _ tout à fait, non plus : en effet… _ le néant _ absolu _, bien qu’il n’y ait rien« .


Neige, nuit blanche. Et ce qui sera sans lumière, il nous faudra _ nous ! c’est là un « nous«  plus ou moins ouvert… _ le perpétuer _ en son abondance sourcière, probablement…

Sourcière de vie…



Martin Rueff,

poète et philosophe, enseigne à l’université de Genève.

(A publié dernièrement) La fin de Superman dans (la revue) Grumeaux, en novembre 2010.

Je vais poursuivre mon compte-rendu _ partiel et partial, on le ressent… _ de ce riche et très intéressant Libé des Philosophes de jeudi dernier, avant-hier,

par deux articles aisément accessibles, eux, sur le Net,

et qui m’ont aussi bien, bien intéressé

_ en plus qu’il s’agit, là aussi, d’articles d’amis… _ :

celui, très fouillé et passionnant d’aperçus très riches, très justes _ ainsi que très beaux (mais oui !!! à la fois ! d’un seul tenant !) _,

de Fabienne Brugère,

Les Missions des Lumières _ Diderot philosophe en Pléiade,

lisible sur papier aux pages II et III du Cahier Livres :

il est consacré au volume Œuvres philosophiques de Denis Diderot,

publié sous la direction de Michel Delon, avec la collaboration de Barbara de Negroni, dans la Bibliothèque de la Pléïade, aux Éditions Gallimard… ;

et celui, toujours aussi incisivement piquant et lucidissime (!!!) _ et toujours aussi réjouissant ! _

d’Yves Michaud,

Les Pinçon-Charlot : Gold Gotha,

en la rubrique Pourquoi ça marche , à la page XVIII du cahier Livres :

il est consacré à l’ouvrage de Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot : Le Président des Riches _ Enquête sur l’oligarchie dans la France de Nicolas Sarkozy,

aux Éditions Zones…

J’y ajouterai encore un ultime petit commentaire

de l’article de synthèse

paru dans le Libération du lendemain, hier vendredi 3 décembre, à la page 5,

et sous la plume de Vincent Barros :

A Bordeaux, «Libération» fait passer l’oral de philo

et sous-titré : Réflexion. Echos du forum «la Philosophie dans la cité», qui s’est tenu hier dans la capitale girondine.

Cela,

en mon article juste à suivre celui-ci,

donc…


Titus Curiosus, le 4 décembre 2010

Post-scriptum :

De Paul Celan,

et traduit par Jean-Pierre Lefèbvre, à la page 23 de Partie de neige, aux Éditions du Seuil,

ce poème-ci

(et qui donne son titre à tout le recueil) :

PARTIE DE NEIGE, droit cabrée jusqu’à la fin,

dans le vent ascendant, devant

les cabanes à jamais défenêtrées :


faire ricocher des rêves plats

sur la

glace striée ;


dégager au pic

les ombres de mots, les empiler par toises

tout autour du fer

dans le trou d’eau.

De Guillaume de Salluste du Bartas (Montfort, 1584 -Mauvezin, 1590),

à la page 3 de sa Sepmaine (1581), en l’édition d’Yvonne Bellanger

de la Société des Textes Français Modernes,

ce passage (du Premier Jour : les vers 25 à 30

_ d’un poème qui en son entier compte 6494 vers) :


Or donc avant tout temps, matière, forme et lieu,

Dieu tout en tout estoit, et tout estoit en Dieu,

Incompris, infini, immuable, impassible,

Tout-Esprit, tout-lumière, immortel, invisible,

Pur, sage, juste et bon. Dieu seul regnoit en paix :

Dieu de soy-mesme estoit et l’hoste et le palais.

Et, de Stéphane Mallarmé :


Las de l’amer repos où ma paresse offense
Une gloire pour qui jadis j’ai fui l’enfance
Adorable des bois de roses sous l’azur
Naturel, et plus las sept fois du pacte dur
De creuser par veillée une fosse nouvelle
Dans le terrain avare et froid de ma cervelle,
Fossoyeur sans pitié pour la stérilité,
— Que dire à cette Aurore, ô Rêves, visité
Par les roses, quand, peur de ses roses livides,
Le vaste cimetière unira les trous vides ? —
Je veux délaisser l’Art vorace d’un pays
Cruel, et, souriant aux reproches vieillis
Que me font mes amis, le passé, le génie,
Et ma lampe qui sait pourtant mon agonie,
Imiter le Chinois au cœur limpide et fin
De qui l’extase pure est de peindre la fin
Sur ses tasses de neige à la lune ravie
D’une bizarre fleur qui parfume sa vie
Transparente, la fleur qu’il a sentie, enfant,
Au filigrane bleu de l’âme se greffant.
Et, la mort telle avec le seul rêve du sage,
Serein, je vais choisir un jeune paysage
Que je peindrais encor sur les tasses, distrait.
Une ligne d’azur mince et pâle serait
Un lac, parmi le ciel de porcelaine nue,
Un clair croissant perdu par une blanche nue
Trempe sa corne calme en la glace des eaux,
Non loin de trois grands cils d’émeraude, roseaux.

Conversation _ de fond _ avec un philosophe : sans cesse (se) demander « Qu’est ce donc, vraiment, que l’homme ? » Pas un « moyen », mais un sujet ; un (se) construire _ avec d’autres _, pas un utiliser, jeter, détruire

18nov

Petites _ ou élémentaires, basiques (et vraies) _ conversations

avec un (vrai) philosophe,

Michaël Foessel,

l’auteur de « La Privation de l’intime_ mises en scène politiques des sentiments« , paru ce mois d’octobre aux Éditions du Seuil,

et de l’article « Néolibéralisme versus libéralisme ? » dans le numéro (11) de novembre de la Revue Esprit :”Dans la tourmente (1). Aux sources de la crise financière« .

A l’envoi de mon article (du 11 novembre) sur ce blog-ci, « la pulvérisation maintenant de l’intime : une menace envers la réalité de la démocratie« ,

Michaël Foessel a l’amabilité de me répondre, très sobrement, ceci :

De :   Michaël Foessel

Objet : re: Article sur « La Privation de l’intime »
Date : 14 novembre 2008 14:37:08 HNEC
À :   Titus Curiosus

« Merci beaucoup d’avoir rédigé cet article. Il est à la fois juste et original, mettant parfaitement en lumière les points saillants du livre.

Très cordialement
 »

Michaël Foessel

Je lui réponds alors _ moins sobrement _ ceci :

De :   Titus Curiosus

Objet : Article

Date : 14 novembre 2008 17:31:18 HNEC
À :   Michaël Foessel

« Je suis ravi que ma « proposition de lecture » de « La Privation de l’intime«  ne vous choque pas trop :
c’est un « essai » de lecture et de « compte-rendu » à la fois se voulant assez objectif,
et exprimant aussi un regard, un point de vue _ le mien _ sur votre travail…


Hier soir, au repas qui a suivi la conférence de Bernard Sève sur Montaigne,
pour la Société de philosophie de Bordeaux,
et que Céline Spector et moi-même avons « introduite », « présentée » à la librairie La Machine à Lire,
la conversation (en petit comité) fut très agréable et stimulante (la crise, Obama, le PS, etc…)…
Et nous avons aussi un peu parlé de votre travail…

Je me réjouis de l »actualité » particulière des questions que vous soulevez ;
même si ce sont des questions de fond et de longue haleine…


J’aimerais tant croire que le 4 novembre
« l’espoir vient de changer de camp depuis 30 ans« 
,
ainsi que commençait Laurent Joffrin son éditorial de Libé le 6 novembre…

Pour curiosité, si vous avez du temps _ je suis prolixe, hélas _,
voici l’article sur la conférence de Bernard Sève que j’ai « mitonné » de bon matin,
avant de partir pour 9h 30 à un colloque (sur « la Grande Guerre« ) à Agen, dont je suis de retour à l’instant…
« Jubilatoire conférence hier soir de Bernard Sève sur le tissage de l’écriture et de la pensée de Montaigne »
Titus Curiosus

Puis :

De :   Titus Curiosus

Objet : Penser le moment pour mieux fonder l’agir
Date : 15 novembre 2008 17:33:49 HNEC
À :   Michaël Foessel

Cher Michaël,

La librairie Mollat m’a prévenu immédiatement de leur réception du numéro de novembre d’Esprit.

Et je viens de lire vos 2 articles.
Je me permets d’y réagir immédiatement :

au fond, il me semble qu’une priorité pourrait être de faire le point sur les diverses anthropologies possibles
_ y compris, la prise en compte de l’hypothèse de sa radicale absurdité (dans un total artificialisme), d’une part _ il faudrait ici relire « L’Anti-nature » de Clément Rosset, toujours assez fin… ;

et y compris, d’autre part, envisager la position kantienne (et le caractère en partie subordonné de tout « état de fait » vis-à-vis des « impératifs » de l' »exigence rationnelle de droit »…

En tout cas,
réfléchir à une sorte de statut de l’anthropologie…

Nous ne sommes guère loin de la 4ème _ et LA fondamentale ! _ question kantienne : « Qu’est-ce que l’homme ?« 

En tout cas,

la connaissance « historique » des théories empiristes, ainsi que des théories du pragmatisme,

paraît bien utile
pour s’éclairer face,

sinon aux impasses (version pessimiste),

du moins aux (relatifs) changement de mains, de donnes, de jeu,
des divers pouvoirs (et forces) sur le terrain aujourd’hui : version plus optimiste, qui me séduit de prime abord…
Mais je n’y ai pas assez réfléchi.


Voilà quelques pistes que mes ignorances et mon questionnement, par rapport à ma propre culture (avec ses trous) philosophique, me permettent d’esquisser.
Vous semblez beaucoup plus avancé, ne serait-ce que par le terreau des échanges philosophiques que vous pouvez avoir à Paris (ou ailleurs, comme aux Etats-Unis, par exemple ; ou en Allemagne…)…

Merci pour votre grande clarté d’explication.

Comprendre notre présent, l’aménager autant que, à notre échelle, et au milieu d’autres, nous le pouvons,
me paraît une proposition d’action dynamisante…
Et c’est ce dont nous avons maintenant besoin.


Yes, we can ; en France et en Europe aussi…

Bien à vous,

Titus Curiosus

Sa réponse, magnifique de sobriété :

De :   Michaël Foessel

Objet : re: Penser le moment pour mieux fonder l’agir
Date : 17 novembre 2008 17:12:45 HNEC
À :   Titus Curiosus

« Vous avez raison, c’est bien le statut de l’anthropologie qui est en jeu, et la question de son rapport aux normes.

Ce que j’ai essayé de montrer dans l’article d’Esprit est qu’il faut s’abstenir autant que possible de toute anthropologie normative dès lors que l’on s’occupe de politique.

Une leçon qui est celle de Kant,

mais aussi finalement celle de Montaigne dont vous a parlé Bernard Sève pour qui j’ai beaucoup d’admiration.
J’espère que nous aurons l’occasion d’en parler à Bordeaux.

Très cordialement »
Michaël Foessel

Soit l’incessant tranquille et inquiet souci philosophique :


« en _ perpétuel _ éveil« , dirait Bernard Sève

après, et d’après, notre cher Montaigne, en son indispensable « Montaigne. Des règles pour l’esprit » ;

mais aussi la leçon cent fois remise sur le tapis (pédagogique de ses « Propos« )

d’Alain ;

ainsi que de la cohorte défilante, un par un, de tous les philosophes, au fond :

à quoi (nous) « appellent »-ils donc, ceux-ci, les philosophes authentiques,

sinon à « enfin penser »

« de frais »,

et « à nouveaux frais »

_ d’un esprit sans cesse à « r-éveiller » de sa torpeur,

si dangereusement assoupissante ?.. _ ;

« enfin penser » « de frais » le réel

en vérité ?!..


Soit,

je reprends mot à mot les termes mêmes de mon titre pour cet article-ci :

conversation de fond :

sans cesse se demander : « Qu’est-ce donc, vraiment, que l’homme ?« 

Pas rien qu’un moyen, qu’un objet,

pas seulement rien qu’un outil (dans les échanges de services) ;


et jamais, en tout cas, une marchandise

_ ni, a fortiori, de la « chair à canons » _ ;


mais toujours aussi un sujet,

avec un visage ;

un sujet à (se) construire, lui, avec toute l’amplitude d’une riche palette de rapports et liens

_ affectifs (ou « intimes ») _

avec d’autres sujets (et non pas « objets ») ;

en sa liberté, à « se forger » : même si elle n’est certes pas « de fer » !!! _ ;

en _ et par _ tout un art

(et pas une technique ! a fortiori mécanique !)

de ce (se) construire ;

à rebours d’un réducteur _ purement instrumental ! _ « utiliser » ;

et « jeter » et « détruire », comme un rebut et une ordure, après « usage » _ bien « propret » ! _ strictement utilitaire (de l’utilitarisme…)… 

Titus Curiosus, ce 18 novembre 2008

La Société de philosophie de Bordeaux reçoit : Bernard Sève ; puis Fabienne Brugère…

10nov

La Société de philosophie de Bordeaux aura le plaisir d’accueillir,
ce jeudi 13 novembre à 18h à La Machine à Lire (salle annexe, rue du Parlement-Saint-Pierre),
et mardi 25 novembre dans les salons Albert-Mollat, de la librairie Mollat, 15 rue Vital-Carles,

les philosophes,
Bernard Sève
et Fabienne Brugère,

à l’occasion de deux conférences de philosophie,
auxquelles le public le plus large
est chaleureusement convié
non seulement à assister
_ par son écoute attentive _ ;

mais aussi à participer : par les questions au conférencier,
enrichissant ainsi, par le dialogue,
le questionnement
_ philosophique _ du philosophe-conférencier (de départ :
questionnement qu’il vient _ tout spécialement _ nous faire partager,
en venant nous livrer quelques une de ses pistes un peu « personnelles » de recherche…) ;

questionnement dont celui-ci vient nous donner, en quelque sorte, la continuation du cours, du flux, plus ou moins bouillonnant (de ce questionnement « in progress« ) :

« la bêtise serait _ Flaubert nous l’a appris _ de conclure« …

Ouvrant par là un débat dans les (= nos) esprits, dont la démocratie a aussi (bien) besoin : pour redevenir plus vivante…

Voici ces deux annonces de conférences :


pour le jeudi 13 novembre, à La Machine à Lire : Bernard Sève ;

et le mardi 25 novembre prochain, à la Librairie Mollat : Fabienne Brugère.

Bernard Sève, sur « Montaigne. Des règles pour l’esprit »

Montaigne est-il seulement un philosophe sceptique ? Il critique certes la raison, sa présomption, son impuissance. C’est le fameux « Que sais-je ? ». Mais la raison n’est pas la seule faculté intellectuelle, ni même la plus importante.

Les « Essais » sont d’abord une extraordinaire enquête sur la puissance de l’esprit, que Montaigne distingue soigneusement de la raison. Livré à lui-même, l’esprit invente, croit, divague… En somme, il imagine,

pour le meilleur (l’invention poétique) et pour le pire (le fanatisme religieux).

Comment « régler » cette puissance fantasque ?

Bernard Sève est professeur d’esthétique et de philosophie de l’art à l’Université Lille 3. Il est notamment l’auteur de « La Question philosophique de l’existence de Dieu« , P.U.F. 1994 et 2000) et de « L’Altération musicale, ou Ce que la musique apprend au philosophe » (Seuil, 2002) ; ainsi que de « Montaigne. Des règles pour l’esprit » (paru aux PUF, le 27 novembre 2007).

Ensuite,

la Société de philosophie de Bordeaux aura le plaisir d’accueillir, le mardi 25 novembre à 18 h, dans les salons Albert Mollat, 15 rue Vital-Carles,

Fabienne Brugère, sur « Le sexe de la sollicitude » :


Pourquoi les femmes restent-elles majoritairement des pourvoyeuses de soin et des mères dans presque toutes les sociétés, même dans celles où les mouvements féministes ont eu un impact certain dans la promotion d’une égalisation des devenirs des femmes et des hommes ? On répond ordinairement : parce que c’est une affaire de nature féminine.

Alors, la sollicitude, cette relation aux autres sur le mode de la protection, a-t-elle vraiment un sexe
, le « deuxième sexe » pour reprendre l’expression de Simone de Beauvoir ? Si tout ce qui porte les femmes aux tâches d’amour et de soin est largement culturel, comment déconstruire cette assignation sexuée injuste ; et sauver la sollicitude qui n’est ni la compassion, ni la charité ?

Pour y répondre, Fabienne Brugère défendra une conception de l’individu qui n’est pas celle de l’individu autonome, performant _ masculin généralement _, prônée par l’ultra-libéralisme économique. La sollicitude doit valoir comme une reconnaissance de l’individu dépendant et, plus généralement, de la vulnérabilité (des humains, des institutions, de la nature).

Fabienne Brugère est professeure de philosophie à l’Université Michel de Montaigne Bordeaux3. Elle est actuellement Présidente du Conseil de Développement de la Communauté urbaine de Bordeaux. Elle dirige (en collaboration avec Anne Sauvagnargues) la collection « Lignes d’art » aux PUF. Ses centres d’intérêt sont la réflexion sur l’art, la question des sentiments et du partage entre usage privé et public, le féminisme.

Ouvrages déjà publiés : « Théorie de l’art et philosophie de la sociabilité selon Shaftesbury« , Champion, 1999 ; « Le goût. Art, passions et société« , PUF, 2000 ; « L’Expérience de la beauté« , Vrin, 2006 ; « C’est trop beau« , Gallimard, Jeunesse giboulées, 2008 ; « Le sexe de la sollicitude« , Paris, Le Seuil, « non conforme », paru ce mois d’octobre 2008.


Je reprends ma parole :
j’ai personnellement présenté Bernard Sève, le 20 mai 2003, dans les salons Albert-Mollat, pour son _passionnant _ livre sur la musique, « L’Altération musicale, ou Ce que la musique apprend au philosophe » : c’est un ami…

Quant à Fabienne Brugère,
je n’ai pas besoin de la présenter aux bordelais
: elle enseigne à l’Université Michel-de-Montaigne-Bordeaux-3 depuis l’année 2001, en qualité de maître de conférences, et de professeur depuis septembre 2004… Elle aussi a focalisé sa réflexion, et une partie importante de son enseignement, sur l’Esthétique :
ce que je me permettrai d’interpréter comme un certain souci de l’altérité (du réel, comme de la personne _ ou « l’autre » ; « souci » quelque peu en crise ces derniers temps-ci _ d’ultra-libéralisme exacerbé, notamment, mais pas seulement…)…

Je reviendrai  très prochainement sur cette question, à propos du _ passionnant ! et urgent !_ livre de Michaël Foessel, dont je me permets de recommander d’ores et déjà très vivement la lecture : « La Privation de l’intime_ mises en scène politiques des sentiments« , paru ce mois d’octobre 2008, lui aussi, aux Éditions du Seuil…


Titus Curiosus, ce 10 novembre 2008

Chercher sur mollat

parmi plus de 300 000 titres.

Actualité
Podcasts
Rendez-vous
Coup de cœur