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Réactualisation, à la date du 16 décembre 2022, de la bibliothèque de podcasts et vidéos d’Entretiens de Francis Lippa, à Bordeaux, de 2009 à 2022, avec les plus excellents auteurs, et parfois amis…

16déc

 

Ce vendredi 16 décembre 2022,

voici une nouvelle réactualisation

du listing des podcasts (et vidéos) de mes divers entretiens enregistrés avec d’excellents auteurs

à la Librairie Mollat (et un peu ailleurs : Théâtre-du-Port-de-la-Lune, Cité du Vin…)

enregistrés depuis le 13 octobre 2009,

disponibles _ et accessibles à l’écoute ! _ par podcasts, et aussi vidéos, sur les sites de la librairie Mollat

reprenant et complétant les listes de mes articles

du 22 octobre 2015 6 ans d’ entretiens d’un curieux, Francis Lippa, à la librairie Mollat _ et comment accéder à leur écoute

du 11 février 2016 Actualisation du listing des entretiens de Francis Lippa à la librairie Mollat, à la date du 11 février 2016 

du 10 avril 2017 Nouvelle actualisation du listing des entretiens avec Francis Lippa à la Librairie Mollat à la date du 10 avril 2017

du 27 novembre 2017 

du 11 juin 2019 

et du 6 avril 2022 

 

1)  Yves Michaud, Qu’est-ce que le mérite ? (52′) le 13-10-2009

2)  Jean-Paul Michel, Je ne voudrais rien qui mente dans un livre (62′) le 15-6-2010

3)  Mathias Enard, Parle-leur de rois, de batailles et d’éléphants (57′) le 8-9-2010

4)  Emmanuelle Picard, La Fabrique scolaire de l’histoire (61′) le 25-3-2010

5)  Fabienne Brugère, Philosophie de l’art (45′) le 23-11-2010

6)  Baldine Saint-Girons, Le Pouvoir esthétique (64′) le 25-1-2011

7)  Jean Clair, Dialogue avec les morts & L’Hiver de la culture (57′) le 20-5-2011

8)  Danièle Sallenave, La Vie éclaircie _ Réponses à Madeleine Gobeil (55′) le 23-5-2011

9)  Marie-José Mondzain, Images (à suivre) _ de la poursuite au cinéma et ailleurs (60′) le 16-5-2012

10) François Azouvi, Le Mythe du grand silence (64′) le 20-11-2012

11) Denis Kambouchner, L’École, question philosophique (58′) le 18-9-2013

12) Isabelle Rozenbaum, Les Corps culinaires (54′) le 3-12-2013

13) Julien Hervier, Ernst Jünger _ dans les tempêtes du siècle (58′) le 30-1-2014

14) Bernard Plossu, L’Abstraction invisible (54′) le 31-1-2014

15) Régine Robin, Le Mal de Paris (50′) le 10-3-2014

16) François Jullien, Vivre de paysage _ ou l’impensé de la raison (68′) le 18-3-2014

17) Jean-André Pommiès, Le Corps-franc Pommiès _ une armée dans la Résistance (45′) le 14-1-2015

18) François Broche, Dictionnaire de la collaboration _ collaborations, compromissions, contradictions (58′) le 15-1-2015

19) Corine Pelluchon, Les Nourritures _ philosophie du corps politique (71′) le 18-3-2015

20) Catherine Coquio, La Littérature en suspens _ les écritures de la Shoah : le témoignage et les œuvres & Le Mal de vérité, ou l’utopie de la mémoire (67′) le 9-9-2015

21) Frédéric Joly, Robert Musil _ tout réinventer (58′) le 6-10-2015

22) Ferrante Ferranti, Méditerranées & Itinerrances (65′) le 12-10-2015

23) Bénédicte Vergez-Chaignon, Les Secrets de Vichy (59′) le 13-10-2015

24) Frédéric Martin, Vie ? ou Théâtre ? de Charlotte Salomon (61’) le 25-11-2015

25) Marcel Pérès, Les Muses en dialogue _ hommage à Jacques Merlet (64’) le 12-12-2015

26) Yves Michaud, Contre la bienveillance (64′) le 7-6-2016

27) Karol Beffa et Francis Wolff, Comment parler de musique ? & Pourquoi la musique ? (32′) le 11-10-2016

28) Etienne Bimbenet, L’Invention du réalisme (65′) le 6-12-2016

29) Olivier Wieviorka, Une Histoire des Résistances en Europe occidentale 1940-1945 (54′) le 8-3-2017

30) Michel Deguy, La Vie subite _ Poèmes, biographies, théorèmes (75′) le 9-3-2017

31) Frédéric Gros, Possédées (58′) le 6-4-2017

32) Sébastien Durand, Les Vins de Bordeaux à l’épreuve de la seconde guerre mondiale (55′) le 6-6-2017 _ non diffusable publiquement, hélas, pour des raisons techniques : l’entretien est passionnant ! À défaut, lire le livre : « Les Vins de Bordeaux à l’épreuve de la Seconge Guerre mondiale : 1938-1950, une filière et une société face à la guerre, l’Occupation et l’épuration« , aux Éditions Memoring…

33) François Jullien, Dé-coïncidence (61′) le 17-10-2017

34) René de Ceccatty, Enfance, dernier chapitre (52′) & La Divine comédie (30′), de Dante (traduction), le 27-10-2017

35) Marie-José Mondzain, Confiscation _ des mots, des images et du temps (65′), le 7-11-2017, au Théâtre du Port-de-la-Lune : une vidéo. 

36) Pascal Chabot : L’homme qui voulait acheter le langage (49′), le 20-9-2018

37) Nathalie Castagné / Goliarda Sapienza : Carnets (49′), le 29-4-2019

38) Jean-Paul Michel : « Défends-toi, Beauté violente ! » & « Jean-Paul Michel « La surprise de ce qui est«  » & « Correspondance 1981-2017 » avec Pierre Bergounioux  (82′), le 3-5-2019 : une vidéo

39) Hélène Cixous : 1938, nuits (62′), le 23-5-2019 : une vidéo

40) Denis Kambouchner : Quelque chose dans la tête & Vous avez dit transmettre (62′), le 26-11-2019

41) Karol Beffa : L’Autre XXe siècle musical (53′), le 25-3-2022 : une vidéo 

42) René de Ceccaty : Le Soldat indien (9′), le 4-11-2022 : une vidéo

43) Pascal Chabot : Avoir le temps : Essai de chronosophie (64′), le 22-11-2022 : une vidéo

À suivre…

Le lien à l’article suivant de mon blog le 27 avril 2017 Deux merveilleux entretiens à l’Auditorium de la Cité du Vin, à Bordeaux, avec Nicolas Joly et Stéphane Guégan donne accès, lui, à deux très riches vidéos d’entretiens à la Cité du Vin :

le premier, le 17 janvier 2017, avec Nicolas Joly, et Gilles Berdin, à propos du livre La Biodynamie (94′) : une vidéo ;

et le second, le 28 mars 2017, avec Stéphane Guégan, à propos de la passionnante exposition à la Cité du Vin Bistrot ! De Baudelaire à Picasso (96′) : une vidéo

Bonnes écoutes ! Prenez-en le temps…


Une telle bibliothèque sonore et visuelle est sans prix :

victoire sur le temps, et dans le temps, et grâce au temps et à la vie, avec les rencontres et les œuvres qui en naissent, elle comporte d’irremplaçables joyaux, demeurant hic et nunc disponibles.

Ce vendredi 16 décembre 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

OPA et titrisation réussies sur « l’art contemporain » : le constat d’un homme de goût et parfait connaisseur, Jean Clair, en « L’Hiver de la culture »

12mar

Avec L’Hiver de la culture, qui paraît ce début mars aux Éditions Flammarion (dans l’incisive collection Café Voltaire !),

Jean Clair nous livre un aussi sobre que brillantissime constat

en même temps qu’un lumineux et essentiel historique, parfaitement informé, et plus encore d’une admirable justesse !

de ce qu’est devenu, pour le principal, à partir d’une OPA rondement menée et admirablement réussie, l’actuelle titrisation de l' »Art contemporain«  _ de marque certifiée (et dûment estampillée !) conforme ! _ au sein des Arts plastiques

_ pas mal ravagés, en effet : beaucoup d’« artistes«  vrais (!), eux, ayant « disparu« , « sacrifiés«  à « la circulation et la titrisation d’œuvres (…) limitées à la production , quasi industrielle, de quatre ou cinq «  hyper-habiles faiseurs triés par « l’oligarchie financière mondialisée«  qui en « décide«  : ces expressions-clé se trouvent, elles, à la page 104 ; « morts sans avoir été reconnus« , et « désespérés souvent de cette ignorance« , conclut son rapport sur l’état présent de l’« art contemporain«  Jean Clair, page 141, terminant le livre par : « c’est pour eux que ce petit livre aura été écrit«  _,

aujourd’hui :

le « constat« 

_ soit une « promenade d’un amateur solitaire à travers l’art d’aujourd’hui, ses manifestations, ses expressions. Constat d’un paysage saccagé, festif et funèbre, vénal et mortifiant« , ainsi que le présente excellemment la quatrième de couverture !!! _,

d’un homme de (vrai) goût, parfait connaisseur, et on ne peut plus et mieux expert de ces « affaires« ,

est tout bonnement implacable

en sa complète justesse _ hélas : quant à l’imposture parfaitement (= machiavéliennement ! re-lire toujours les fondamentaux, dont Le Prince…) réalisée il y a déjà quelque temps et plus que jamais en vigueur aujourd’hui… _,

qui nous met sous le nez, et imparablement soumet et montre à notre regard _ qui n’en peut mais, il n’y échappe pas… _ de lecteur, l’essentiel !


Ce petit livre de 141 pages est ainsi décisif :

le roi (des affaires ! _ de ce marché (lui aussi très juteux pour qui sait y bien opérer-manœuvrer) qu’est « la culture« , ici en la branche des « Arts plastiques« ) est _ bel et bien _ nu !

A poil !

Sans le moindre appareil _ qui (nous) dissimulerait encore quoi que ce soit de sa peau ainsi dé-masquée…

Un peu à la façon, à la fin de Gorgias

_ aux pages 303 à 311 de l’édition Garnier-Flammarion en la traduction de Monique Canto-Sperber ; voici le texte (assez parlant !) de la quatrième de couverture : « Sans doute le plus animé et le plus féroce des dialogues platoniciens dans lequel Platon s’attaque au fondement de la démocratie et esquisse une nouvelle forme de pouvoir. Il se veut le protocole éthique _ voilà ! _ d’un engagement politique _ qui soit mieux fondé ! que celui qui a présentement cours… _ et débat donc des conditions  _ vraies _ du gouvernement de soi et des autres. Le ton du Gorgias est particulièrement violent, et pas seulement à l’égard de la rhétorique. Le dialogue formule une des critiques les plus radicales qui aient été adressées à la démocratie athénienne, à ses valeurs dominantes et à sa politique de prestige. En effet, Socrate s’en prend à tous les aspects de cette politique, du plus concret au plus idéologique. Mais l’essentiel de la critique vise la condition qui donne à la démocratie athénienne ses principaux caractères. Or cette condition est la même que celle qui assurait l’influence de la rhétorique. Il s’agit de la foule comme sujet dominant de la scène politique _ en son ignorance et sa crédulité… Le gouvernement de la liberté est un gouvernement de la foule, c’est-à-dire de l’illusion, du faux-semblant et de la séduction _ voilà ! La critique de la rhétorique débouche donc directement sur la critique de la démocratie« … _,

de Platon nous faisant montrer par Socrate, le jugement dernier (des âmes), outre-tombe, au royaume des morts : jugés et juges (Minos, Rhadamante et Eaque, tous trois rien moins que fils de Zeus…) sont, tous et également, nus : « rien qu’une âme qui juge une âme« , dit Zeus, ayant « laissé sur la terre » tout le « décorum«  qui « impressionne les juges » ordinairement… : car « c’est _ un tel dé-pouillement _ le seul moyen pour que le jugement soit juste« …

Quant aux « ravages » accomplis,

je relèverai simplement la très simple et retenue _ sans pathos _ conclusion de Jean Clair, à l’avant-dernier alinéa, page 141 :

« Les gesticulations convenues des gens d’Église et des fonctionnaires d’État admirant _ volontiers très publiquement assez fréquemment _ l’« art contemporain » _ objet du tout dernier chapitre, « Les Deux piliers de la folie« , pages 127 à 141 _, si contraires à leurs fonctions et à leur mission _ officiellement de fondation-légitimation, et civilisatrices _, évoquent les pantomimes burlesques des Fêtes des Fous lorsque le Moyen Âge touchait à sa fin.« 

Et Jean Clair alors de splendidement _ et douloureusement _ conclure, au dernier alinéa, tout l’essai _ et voici, cette fois, la phrase en son entier _ :

« Cela aurait peu d’importance _ en matière de fond (des choses) !

Mais entre-temps _ et en partie en conséquence plus ou moins directe de cela : un point à un peu mieux établir… _, combien d’artistes, dans le siècle qui s’est achevé et dans celui qui commence,

incomparablement plus maltraités _ via le baillon du silence-radio de toutes les presses, d’abord… _ que leurs compagnons _ d’infortune _ de la fin de l’autre siècle qu’ont avait appelés _ presque aussitôt _ des artistes « maudits »,

ont-ils disparu _ voilà ! : dans le gouffre-vortex du néant de la renonciation aux œuvres, tout d’abord, de leur part : et là, est bien le premier rédhibitoire ! hélas… : s’arrêter, pour un artiste vrai, d’œuvrer ! _,

sacrifiés _ voilà ! _,

dans l’indifférence _ voilà !.. _ des pouvoirs supposés les aider,

morts sans avoir été reconnus _ des autres _,

désespérés trop souvent _ tous n’ayant pas, en effet, la rare force d’âme du génial Lucien Durosoir (1878-1955), musicien plus qu’indifférent, lui (carrément immunisé contre…), à l’exécution en concert de ses compositions, se contentant de (et se concentrant à…) parfaire chaque œuvre sur le papier de son écriture, et remisant, admirablement confiant, les manuscrits (très) achevés en son « tiroir« , pour une postérité un peu plus curieuse et soucieuse seulement de la qualité de l’Art (l’œuvre !) ; et non plus du (misérable !) savoir-vendre de l’artiste !.. Sur Durosoir, cf mes précédents articles ; par exemple celui-ci, du 25 janvier 2011 : Les beautés inouïes du “continent” Durosoir : admirable CD “Le Balcon” (CD Alpha 175) _ de cette ignorance _ les rongeant, à détruire certains d’entre d’eux.

C’est pour eux que ce petit livre aura été écrit« …

Voilà pour cette introduction à ce livre imparable, en la justesse et la force de sa lumière,

de Jean Clair…

Le chapitre crucial de l’essai

est très probablement, à mes yeux, le chapitre VII, pages 95 à 109 : « La Crise des valeurs » _ loin de n’être qu’« esthétique«  ; ou circonscrite aux Arts, cette « crise«  !.. Et c’est là un élément on ne peut plus décisif du « constat«  (éclairant !) qu’est ce livre : quant au « sens«  même du « vivre«  : rien moins !..

Car c’est bien, en effet, du « sens » même du « vivre« , de l' »exister », du « faire » et du « sentir« , humainement ou in-humainement _ voilà ! _, qu’il s’agit,

soit affronter et renverser le nihilisme !,

en cette question de la hiérarchie des « valeurs« , et de leur « crise » actuelle (et indurée)…

La référence, page 102-103 au Schaulager de Bâle

_ « Le Schaulager de Bâle (…) n’est pas une collection au sens propre, c’est-à-dire un ensemble à peu près fixe et inventorié, mais plutôt un stock d’œuvres qui varie, s’agrandit ou se vide. Une exposition publique mais discrète permet chaque année à quelques invités de découvrir les modèles dont l’obscurité du bâtiment garde les prototypes. Parallèlement la Foire de Bâle, dont on ne peut comparer les stands qui se succèdent qu’aux présentations d’été des grands couturiers, montre des productions voisines mais de plus grande série et plus facilement portables. Les responsables de la Foire, au long des années, ont d’ailleurs fini par éliminer de leur sélection les galeries dont l’orientation esthétique n’était pas jugée assez proche de ce qui peut se voir dans le Schaulager. Le système _ c’est est un ! fort cohérent ! _ a été verrouillé« _,

reprend l’analyse de cette institution (très discrète) , entamée page 20,

alors à travers la question de l’architecture muséale :

dans le cas de la forme architecturale du bâtiment de ce Schaulager bâlois,

il s’avère qu’il s’agit d’une forme architecturale « simple, sévère et fonctionnelle, sans presque aucune ouverture sur l’extérieur comme il se doit : ce lieu qui n’est « ni » ceci _ « ni un musée«  _ « ni » cela _ « ni un entrepôt«  : selon le discours officiel de cet « établissement privé«  sur son propre statut… _, mais qui se referme et sur le secret de ses trésors et sur la discrétion de ses opérations« ,

une forme qui « ne pouvait qu’adopter la géométrie des coffres bancaires« , lit-on au final de la page 21 _ dès le tout premier chapitre de l’essai, intitulé « Les Instruments du culte » ;

cf, ceci, page 10 :

« Églises, retables, liturgies, magnificence des offices : les temps anciens pratiquaient la culture du culte.

Musées, « installations », expositions, foires de l’art : on se livre aujourd’hui au culte de la culture.

Du culte réduit à la culture _ d’abord _,

des effigies sacrées des dieux aux simulacres de l’art profane _ ensuite, en la modernité _,

des œuvres d’art aux déchets des avant-gardes _ maintenant, en la post-modernité _,

nous sommes en cinquante ans _ soit de 1960 à 2010-11… _,

tombés

dans « le culturel » :

affaires culturelles, produits culturels, activités culturelles, loisirs culturels, animateurs culturels, gestionnaire des organisations culturelles, directeurs du développement culturel, et, pourquoi pas ? : « médiateurs de la nouvelle culture », « passeurs de création », et même « directeurs du marketing culturel »

Toute une organisation complexe _ sur modèle ecclésial : en visée de gestion d’un sacré de substitution, en quelque sorte… _ de la vie de l’esprit, disons plutôt des dépouilles de l’ancienne culture,

avec sa curie, sa cléricature, ses éminences grises, ses synodes, ses conclaves, ses conciles, ses inspecteurs à la Création, ses thuriféraires et ses imprécateurs, ses papes et ses inquisiteurs, ses gardiens de la foi et ses marchands du temple.

Au quotidien,

comme pour faire poids à cette inflation du culturel,

on se mettra à litaniser _ voilà, en cette novlangue que sut admirablement pointer, dès 1948, George Orwell, in 1984 _ sur le mot « culture » : « culture d’entreprise », « culture du management » (dans les affaires) _ etc. : j’abrège…

Cent fois invoqué, le mot n’est plus que le jingle _ voilà ! _ des particularismes, des idiosyncrasies, du reflux gastrique,

un renvoi de tics communautaires,

une incantation des groupes, des cohortes ou des bandes qui en ont perdu l’usage _ voilà le retournement basique de la novlangue !

Là où la culture prétendait à l’universel,

elle n’est plus que l’expression de réflexes conditionnés _ très basiquement pavloviens ! _,

de satisfactions zoologiques«  : nous y reviendrons (ce point-là étant loin d’être marginal) ; fin de l’incise ;

revenons à l’institution du Schaulager bâlois, page 21 :

« Le Schaulager à Bâle est un vaste bunker de béton, édifié dans les faubourgs de la ville patricienne, qui abrite quelques milliers d’œuvres d’« art contemporain », sélectionnées et calibrées _ voilà ! _ comme des légumes d’élevage.

C’est un établissement privé _ oui ! _ qui affirme n’être « ni un musée ni un entrepôt » _ voilà pour le ni-ni !.. _, mais pourtant se dédier _ noblement, sinon sacralement !.. _ « à la créativité et à la transmission _ voilà surtout… _ de l’art contemporain ».

De fait, c’est sa mission,

mais elle s’accomplit sur un mode discret.

Il ne se visite pas,

sinon par autorisation spéciale, délivrée principalement à des professionnels du milieu de l’art _ j’adore cette expression.

Cela explique qu’on en parle si peu _ dans les médias :  comme on parle très peu de tout pouvoir réel : le silence et l’ombre sont les conditions (cf la leçon machiavélienne de pragmatisme…) de l’agir efficace _, alors qu’il est devenu _ très vite _ un rouage essentiel _ tout fonctionnant ainsi _ du marché  _ nous y voilà ! Vive la Suisse et son secret bancaire… N’est-ce pas, Jean Ziegler ?

Il est à l’art _ voilà ! ce Schaulager-ci… _ ce que la banque est à l’argent,

un saint des saints où quelques initiés décident _ voilà : un lieu de pouvoir ! _ des cours et des investissements«  _ à la jointure de l’économique et de l’artistique : voici l’étalon-or (et/ou nerf de la guerre) au centre névralgique, ou plutôt cérébral, de toute cette « affaire«  !..

Jean Clair,

au-delà de ce cas très discret, mais bien plus qu’exemplaire, révélateur !, de ce qui se décide et se fait très effectivement en matière d’affaires d' »art contemporain« ,

du Schaulager de Bâle,

souligne excellemment qu’un tournant du devenir des musées (et du choix de leurs fonctions) s’accomplit _ très vite, déjà _ « en cinq ou six années » (page 32, dans le chapitre « Le Musée explosé« ) peu après Mai 68, en France :

« Mai 68 ne marquait pas l’avènement _ désiré par quelques uns _ d’une société égalitaire et fraternelle, exaltant une pensée populaire grâce à laquelle les musées devaient, comme l’avaient voulu les artistes d’avant-garde, exploser et s’ouvrir à la vie. Il ne provoqua _ de fait, voilà… _ que le charivari _ seulement réactif : un symptôme !.. _ qui, dans les sociétés traditionnelles, accompagne les nouveaux mariés. Mais, cette fois, le mariage _ en voie (déjà avancée) de consommation dès cette décennie des années 60, donc… _ unit la société française _ et ses représentants politiques dans les institutions de pouvoir de l’État : les Georges Pompidou, et Valéry Giscard d’Estaing, au premier chef, avant bien d’autres : le premier créa ce qui fut baptisé après sa mort « Centre Pompidou«  ; le second, le musée d’Orsay… _ au capitalisme international. (…) C’est le monde ancien tout entier, rural et ouvrier, qui fut emporté _ voilà ! _ en cinq ou six années« .., pages 31-32…


Que cherche alors, désormais _ et à l’autre bout de la chaîne de l’Art… _, « le pèlerin moderne, le gyrovague artistique,

l’automate ambulatoire qui itinère _ de musée en musée, d’abord… _ du Louvre jusqu’à Metz, de Londres à Bilbao et de Venise _ ville d’où je reviens du colloque « Lucien Durosoir« , au Palazzetto Bru-Zane les 19 et 20 février derniers : mais, de fait, je préférai, lors de mon temps libre à Venise, arpenter et parcourir les divers quartiers (surtout ceux vierges de foule de touristes), et découvrir l’intérieur (presque trop riche) des églises, plutôt que de suivre le rituel assez ennuyé des visiteurs de musées… _ au MoMA,

celui qu’incarnaient jadis, au mieux, Ruskin ou Byron,

ou bien, à présent, les passagers des tour operators,

que cherche-t-il ?

Quel salut _ le mot parle ! _

de la contemplation _ qui s’y adonne ? qui s’en donne le vrai temps ? _ d’œuvres

qui seraient, à elles seules _ dans quelle mesure (hors mesure !) ?.. _, la récompense _ en effet : tel un gain substantiel (et vrai ! par un effet profond, « comblant« , et durable de « présence«  incorporée !..) d’humanité ! _ de ces migrations ? « , page 53 ;

avec cette réponse, page 54 :

« On y découvre _ en ces musées de par le monde (contemporain) _ un désarroi commun, une solitude augmentée _ chez la plupart des visiteurs _, quand la croyance a disparu«  _ dans la désertification en expansion continue (cf Nietzsche : « Le désert croît« …), sinon irrésistible (Nietzsche en appelait, lui, au sursaut du sur-humain, en son Zarathoutra, un livre pour tous et pour personne…), du rouleau-compresseur du nihilisme… La beauté ne devenant plus qu’un vague décorum esthétique : réduit en quelque sorte à l’ordre seulement de l’agréable… Cf ici Kant (qui ne se faisait pas à la réduction du beau à l’agréable !), et sa Critique de la faculté de juger

Jean Clair commentant cette situation-là

ainsi, toujours page 54 :

« Ainsi des religions quand elles se mouraient,

dont les pèlerinages n’étaient plus là que pour cacher _ encore un peu _ le vide de leur liturgie et la pauvreté de leur consolation.

La multiplication de ces brimborions _ voilà ! ridicules ! et il faut en rire publiquement ! Comme l’enfant des Habits neuf du roi d’Andersen… _ de l’art contemporain

qui envahissent à présent les châteaux de Versailles

_ cf mon article du 12 septembre 2008 à propos de l’installation Jeff Koons à Versailles : Decorum bluffant à Versailles : le miroir aux alouettes du bling-bling ; mais aussi celui du 2 septembre 2008 sur la cohabitation de Ben et de Cézanne à l’Atelier Cézanne du chemin des Lauves, sur les hauteurs d’Aix… : Art et tourisme à Aix _ la “mise en tourisme” des sites cézanniens (2)… ; et aussi celui-ci, du 10 septembre 2008 : De Ben à l’Atelier Cézanne à Aix, à Jeff Koons chez Louis XIV à Versailles _

et les palais de Venise _ le Palazzo Grassi ; La Dogana di mare… _,

est à la modernité finissante

ce que l’imagerie sulpicienne fut

au christianisme moribond _ parfaitement ! de sinistrement tristounets clichés…

Le musée semble _ ainsi _ offrir le parfait objet de cette croyance _ vacillante, faiblarde _ universelle, identique en tout lieu, prête à offrir le salut _ d’une émotion seulement « esthétique«  ; jointe à l’agrément du tourisme (international, mondialisé !) plus ou moins balisé et formaté, avec ses paraît-il must !.. _ à tous et dans l’instant _ ce point est essentiel ; du fait que non seulement pour la plupart d’entre nous désormais time is money ; mais aussi et surtout que tout s’accélère… ; cf l’excellent Accélération de Hartmut Rosa, paru en traduction française aux Éditions La Découverte… _,

et qui remplacerait la patiente instruction _ formatrice du goût, elle ; et de l’aptitude à « sentir«  et « expérimenter«  (dans le temps de la vie : mais en est-il donc d’autre, de temps ?) l’éternité, aussi ! selon la leçon magnifique et essentielle (!) de l’Éthique de Spinoza… _ qui ne se donnait qu’à ceux _ ne cessant, toute la vie durant, de « se cultiver« , avec patience, voire passion vraie… _ qui respectaient la lenteur des règles et la diversité des multiples langues _ constituant, en effet, une vraie « culture«  : incorporée !..

A l’inverse des mots _ et des phrases, en leur générativité : qui prennent toujours un minimum de temps (à la différence des envois de SMS) ; lire ici le grand Chomsky… _, toujours soupçonnés d’imposer un ordre _ « fasciste« , a-t-il malencontreusement échappé, un jour à Barthes, qui s’est, plus heureusement, repris plus tard là-dessus… _ et de réclamer un sens _ mais c’est bien le moins !.. _,

l’œuvre _ des arts plastiques, tout au moins (et « d’art contemporain« …) : Jean Clair en distingue, au chapitre VI, « L’action et l’Amok », les cas des œuvres de musique et de danse, davantage « incorporatrices« … ;

pour la photo, je renvoie à l’« incorporation«  de la vie et de ses mouvements, mais oui !, dans l’œuvre (jusqu’au flou…) de mon ami Bernard Plossu ; cf, par exemple, mon article du 27 janvier 2010 sur le livre (aux Éditions Yellow now) et les expos (au FRAC de Marseille et à La NonMaison de mon amie Michèle Cohen, à Aix-en-Provence), admirables !, Plossu Cinéma : L’énigme de la renversante douceur Plossu : les expos (au FRAC de Marseille et à la NonMaison d’Aix-en-Provence) & le livre “Plossu Cinéma_,

plutôt qu’un savoir à acquérir _ et « incorporer« , donc _,

posséderait le privilège, le pouvoir, la magie de se livrer sans peine _ au dilettante : l’adepte du plaisir sans peine : surtout jamais la moindre « peine«  ! _,

dans une profusion de significations possibles et contradictoires _ ludiquement ! quelle fête !.. Quelle caricature-là de « liberté«  ! à pleurer de cette fausseté ! _

qui répond au goût contemporain d’abolir _ sociologiquement, du moins : à la Bourdieu… _ les distinctions, les hiérarchies et les frontières _ au profit de la nuit dans laquelle toutes les vaches sont noires…

A quoi bon l’histoire, la géographie,

à quoi bon la lecture ?

A quoi bon tant d’efforts

quand tout paraît _ bien illusoirement : ici, lire Freud, L’Avenir d’une illusion _, comme ici, livré _ et sans le moindre effort de soi _ d’un coup ?

Le monde ancien _ celui de la culture : humaniste… _ était lent et discursif. Le monde moderne _ ou post-moderne _ en une seconde prétend s’ouvrir _ de lui-même _ aux yeux _ bonjour les gogos ! Triomphe de la photo, de l’écran, de l’affiche, du schéma, du diagramme, du plan _ du moins de leurs usages immédiats paresseux et lâches…

Au mot, qui était mémoire et mouvement _ voilà ; cf Chomsky ; et Bernard Stiegler : passim… _, on substitue, impérieuse, immédiate, immobile, imposée _ surtout : à la passivité anesthésiée _, l’image _ cf ici l’admirable travail de la chère Marie-José Mondzain : Homo spectator Là où il y a un tableau, il n’y aurait plus besoin de mots. Ce qui est vu efface _ voilà ! _ ce qui est lu ; pire encore, se fait passer _ on ne peut plus mensongèrement _ pour ce qui est su. Le tableau dresse un écran que l’on voudrait protecteur entre le monde _ et le réel, donc ! tenu à distance, et demeurant inconnu : c’est bien là un dispositif efficace d’obscurantisme !.. _ et soi « , pages 54-55,

au sein du chapitre IV, « Les Abattoirs culturels » ;

la formule donnant son titre à ce chapitre étant empruntée à l' »érudit libertin » et « créateur du musée, aujourd’hui disparu, des Arts et Traditions populaires« , Georges-Henri Rivière, au début des années soixante-dix ; et la citation se trouve au final du chapitre, aux pages 59-60 :

« Le succès _ vrai ! _ d’un musée ne se mesure pas au nombre de visiteurs qu’il reçoit, mais au nombre de visiteurs auxquels il a _ vraiment _ enseigné _ non superficiellement _ quelque chose. Il ne se mesure pas au nombre d’objets qu’il montre, mais au nombre d’objets qui ont pu être _ vraiment _ perçus par les visiteurs dans leur environnement humain _ vrai. Il ne se mesure pas à son étendue, mais à la quantité d’espace que le public aura pu raisonnablement _ = vraiment _ parcourir pour en tirer un véritable _ voilà le concept décisif ! il est de l’ordre du qualitatif, pas du quantitatif ! _ profit. Sinon, ce n’est qu’une espèce d' »abattoir culturel » »  _ voilà !..

Il existe aussi des personnes qui osent dire la vérité ;

et pas seulement rien que des carriéristes inféodés à leurs (tout) petits et misérables ! intérêts..,

après lesquels _ « Après nous, le déluge !«  ; ou encore les vacances ad vitam aeternam aux Seychelles… _ le monde peut bien, à la Néron incendiant Rome, disparaître : tout entier et à jamais…

Le chapitre V, « Le temps du dégoût« , montre, alors, excellemment comment les objets de rebut, les excrétions digestives, ont fait leur entrée en fanfare (ou bling-bling) dans les lieux et milieux les plus prestigieux ;

page 64 : « Les institutions muséales les plus prestigieuses, le Louvre et Versailles, en premier lieu, devaient _ dans la course au succès ! et aux revenus du tourisme : quelle industrie prospère ! et au si bel avenir… _ devenir des galeries _ d’exposition up to date_montrer _ aussi ! _ la création « vivante ». Dans un élan conjoint, ces lieux de mémoire qui avaient fini par perdre leur sens en oubliant leurs origines, tentèrent _ donc : pour un pari juteux (du moins pour les quelques « initiés«  qui allaient s’en mettre plein les poches : mais y a-t-il autre chose que cela qui « vraiment«  les « intéresse » ?.. _ de suivre une cure de rajeunissement en imposant, contre tout bon sens, l’idée que les créations les plus audacieuses, les plus choquantes, les plus immondes, les plus idiotes souvent de l’art d’aujourd’hui s’inscrivaient, sous la griffe distinctive _ voilà le truc : la marque, le logo ! _ d’« art contemporain », dans l’histoire des chefs d’œuvre d’autrefois. A défaut de pouvoir continuer sa propre histoire, qui était, on l’a vu, forclose, le musée devint ainsi l’agent, le promoteur, l’impresario d’une histoire fabriquée » _ mensongère, falsifiée autant que falsificatrice (de l’Art et de la culture) : page 64, donc….

Et Jean Clair de prendre alors l’exemple d’un Jeff Koons : après son mariage, puis sa séparation d’avec la fameuse Cicciolina

_ « Cicciolina est le surnom donné à une jeune fille rose et fondante, mais qui désignait peut-être plus précisément une partie de son anatomie qu’elle exposait sans gêne _ voilà ! un exhibitionnisme : vendeur… _ et qu’en latin, vu son apparence, on appelait souvent le petit cochon. La Cicciolina fit la fortune de l’homme avec qui elle s’affichait alors _ cf le livre très important de Michaël Foessel, La Privation de l’intime ; plus mon article du 11 novembre 2008 : la pulvérisation maintenant de l’intime : une menace envers la réalité de la démocratie : ces phénomènes font système !.. _, dans les années quatre-vingt, un certain Jeff Koons, dadaïste attardé, qui se plaisait à façonner de petits cochons roses en porcelaine. La Cicciolina fut élue député au Parlement de Rome ; puis, devenue mère, coule aujourd’hui, retirée du monde, des jours de mamma comblée » ; fin de l’incise « Cicciolina« , page 65.

« Jeff Koons est entre-temps _ en effet _ devenu l’un des artistes les plus chers _ nous y voici ! _ du monde. La mutation s’est faite à l’occasion des transformations d’un marché d’art _ voilà ce dont il s’agit ! _ qui, autrefois réglé par un jeu subtil de connaisseurs, directeurs de galeries d’une part et connaisseurs _ vrais _ de l’autre, est de nos jours _ désormais _ un mécanisme _ très finement huilé et hyper-efficace _ de haute spéculation financière _ ici aussi ! _ entre deux ou trois _ guère plus ! _ maisons de vente et un _ tout _ petit public de nouveaux riches _ acheteurs, vendeurs et revendeurs : sur ces marchandises-là aussi…

Jeff Koons s’affiche _ l’image (= le logo identifiable) est le medium privilégié (en puissance d’extension, mondialisée, comme en rapidité de transmission !) de la publicité ; et l’exhibition simplifiée jusqu’à la caricature facilite l’identification du spectateur attrapé (médusé) : la plus rudimentaire et grossière possible, pour l’immédiateté du réflexe conditionné de peu regardants peu regardeurs !.. _ aujourd’hui,

non plus échevelé comme les artistes romantiques,

moins encore nu et ensanglanté comme les avant-gardistes des années soixante-dix,

mais comme un trader de la City, attaché-case à la main et rasé de frais, _ parfaitement _ adapté _ voilà _ à son nouveau public _ et clientèle ! _ et totalement fondu en lui comme un homo mimeticus » _ ce qui favorise, nous y voici, l’élémentaire (= simpliste) identification, vite fait, bien fait (et mortifèrement ludique ! cf ici les fortes intuitions de Philippe Muray : un bien festif « Après nous le déluge !«  ; cf en particulier, de Muray, le fort réjouissant Festivus festivus…) a minima _, page 65.

C’est que « la consécration _ lui _ était venue _ mutation d’image magique ! par adjonction d’« onction«  d’aura archi artificielle !.. _ par Versailles. On l’y exposa, on l’y célébra, on l’y décora ; demain peut-être on l’y vendrait _ on va (et très vite) y venir : on commence déjà à vendre des morceaux immobiliers de ce patrimoine national…

Jeu spéculatif à l’accoutumée : des galeries et des intérêts privés financent _ oui : ils « investissent » !.. _ une opération _ promotionnelle, (hyper-luxueux !) marketing aidant… _ dont une institution publique comme Versailles semble _ bien sûr : la confiance (des gogos = la crédulité !) est nécessaire à ce (gros) jeu-là… _ garantir le sérieux ; on gage des émissions éphémères et à haut risque _ tout de même ! _ sur une encaisse-or qui s’appelle le patrimoine national«  _ résultat des courses : ni vu, ni connu, l’opérateur, en cette nuit (de l’art) où toutes les vaches sont devenues semblablement (= également !) noires ! par un tel tour de passe-passe « égalisateur« , ici à très haut prix (de vente) !.. ; page 66.

Et « Koons à Versailles ou à Beaubourg n’est que l’exemple _ en effet ! _ d’une longue série de phénomènes _ de sur-cotation (astronomique : jusqu’au vertige ; pour les autres, surtout, qui n’ont pas ces moyens : ils en sont ébaubis…) ! _ semblables. (…) Pas moyen, naguère, de visiter une exposition au musée d’Orsay sans se voir imposer _ par toute simple (= toute bête) contigüité ! il suffisait donc d’y penser… _ l’œuvre d’un minimaliste pour vous convaincre _ ou persuader _ que Böcklin ou Cézanne n’avaient jamais fait que l’annoncer _ ah ! les « précurseurs«  en Art : tout se tient ; pourvu qu’on y ait été un minimum « initié«  (…) Le Louvre a cédé son nom _ son logo : cf le livre de Naomi Klein, No logo, la tyrannie des marques... Encore fallait-il qu’il fît la preuve que ce nom _ cette marque, ce logo bien identifié et excellemment reconnu (l’« Art » !) sur la place des valeurs (d’abord marchandes : vive la confusion !) : ici le nom « Musée du Louvre«  _ était devenu la griffe des produits de la plus haute modernité«  _ puisque tel est ici le nec plus ultra

« Jeff Koons n’est que le terme d’une longue histoire de l’esthétique moderniste qu’on appelle aujourd’hui le décalé » _ sur un marché sur lequel il importe de « se distinguer«  (un minimum…) des concurrents ; ensuite, il ne suffit pas de « se décaler«  pour accéder, rien qu’ainsi, à une vraie « singularité«  de l’œuvre même ! à un (« vrai« ) style d’auteur ! C’est que la probité joue encore, et résiste, plus que jamais, ici ; à l’inverse des modes, versatiles, elles… _, page 67.

« L’usage du mot « décalé » dans la langue de la publicité _ voilà : nous sommes dans le petit monde de la communication et du marketing : strictement (et petitement) commercial ! _ est apparu il y a sept ou huit ans. Rien d’intéressant _ pour le vulgum (ou pas !) pecus du « public« , surtout un peu « branché«  ! Il a bien sûr ses organes (efficaces) de presse et ses médias _ qui ne soit « décalé » » _ sur le marché de l’art, quand les produits à vendre (acheter et re-vendre, du point de vue des acheteurs) sont en terrible concurrence… Et c’est alors (et dès lors) « le monde à l’envers donc. L’âne qui charge le maître de son fardeau et qui le bat ; le professeur traduit en justice pour avoir giflé l’élève qui l’insultait ; le bœuf découpant son boucher au couteau ; les objets de Koons déclarés _ voilà ! et « crus«  par des ignorants bien peu « regardant(s) » !.. _ « baroques » _ vive la confusion ! _ appendus dans les galeries royales. Fin d’un monde«  : page 67.

« Tout cela, sous le vernis festif _ le feu des ors (vrais, eux) des Palais _, a un petit côté, comme à peu près tout désormais en France, frivole et funèbre, dérisoire et sarcastique, goguenard et mortifiant _ comme c’est magnifiquement juste ! Sous le kitsch des petits cochons roses de Jeff Koons, la morsure de la mort. Sous la praline, le poison«  _ du nihilisme, et de son sado-masochisme insidieux (et même de plus en plus carrément décomplexé ! pourquoi donc si peu que ce soit se gêner ?!..) : page 69.

C’est que « l’œuvre d’art, quand elle est l’objet d’une telle manipulation financière, et brille d’un or plaqué dans les salons du Roi-Soleil, a plus que jamais partie liée avec les fonctions inférieures _ excrémentielles _, illustrant les significations symboliques que Freud _ cf le stade sadique-anal de la sexualité infantile ! Nous y passons tous, mais aussi nous le dépassons ; sauf fixations névrotiques, précisément… _ leur prêtait. On rêve de ce que Saint-Simon, dans sa verdeur _ en effet : celle qu’aimait tant Proust _, aurait pu écrire de ces laissées de marcassins déposées à Versailles. Elles lui eussent rappelé peut-être la mauvaise plaisanterie du Chevalier de Coislin : « Je suis monté dans la chambre où vous avez couché, j’y ai poussé une grosse selle tout au beau milieu sur le plancher »... » _ in les Mémoires (1691-1701) de Saint-Simon, La Pléiade, 1983, page 596.

Et Jean Clair de rappeler, page 70 :

« J’ai autrefois tenté de relier entre eux les multiples aspects, dans une époque qu’on appelle désormais « post-human », d’une « esthétique du stercoraire » :

« Le temps du dégoût a remplacé l’âge du goût.

Exhibition du corps, désacralisation, rabaissement de ses fonctions et de ses apparences, morphings et déformations, mutilations et automutilations, fascination pour le sang et les humeurs corporelles, et jusqu’aux excréments, coprophilie et coprophagie : de Lucio Fontana à Louise Bourgeois, d’Orlan à Serrano, de Otto Muehl à David Nebreda, l’art s’est engagé dans une cérémonie étrange où le sordide et l’abjection écrivent un chapitre inattendu de l’histoire des sens. Mundus immundus est ?«  _ in Jean Clair, De Immundo, Éditions Galilée, 2004.

Et c’est sur cet aspect-là (un peu trop de complaisance au trash !) de la contribution de Julia Peker à son livre commun _ très éclairant ! _ avec Fabienne Brugère, Philosophie de l’art (aux Presses Universitaires de France), que Francis Lippa avait émis une réserve lors de son entretien avec Fabienne Brugère le 23 novembre 2010 ; cf mon article du 26 novembre : Dialogue sur le penser des Arts : lire le “Philosophie de l’art” de Fabienne Brugère et Julia Peker, ou comment apprendre des avènements progressifs des Arts, aujourd’hui ; ainsi que le podcast de cet entretien…

« Il y a une dizaine d’années _ poursuit Jean Clair, pages 70-71 _, à New-York, une exposition s’était intitulée Abject Art _ Repulsion and Desires. On franchissait là un pas de plus dans l’immonde, dans ce qui n’appartient plus à notre monde. On n’était plus dans le subjectus du sujet classique, on entrait dans l’abjectus de l’individu post-humain.

C’était beaucoup plus que la « table rase » de l’Avant-Garde qui prétendait desservir l’apparat dressé pour le festin des siècles. L’art de l’abjection nous entraîne dans l’épisode suivant, le post-prandial : ce que le corps laisse échapper de soi quand on a digéré. C’est tout ce qui se réfère à l’abaissement, à l’excrétion.

On se demande _ très pragmatiquement _ si un tel art peut avoir droit de cité _ de facto ? ou de jure ? Bien démêler la confusion… Et comment obtenir _ de facto, donc _, non seulement l’accord _ effectif _ des pouvoirs publics, mais leur _ encore plus effectif ! _ appui financier et moral _ les deux : chacun des deux épaulant adroitement l’autre ! _, puisque c’est _ de facto ! _ un art qui se voit _ désormais _ dans toutes les grandes manifestations _ et cette « grandeur« -là est indispensable à la réussite pratique de telles opérations : le « petit«  n’ayant pas la moindre aura ! et donc nulle retombée financière effective ! Donc plus ce sera gros, plus (et mieux) ça passera ! _, à Versailles comme à Venise ? » _ où règne encore (et vient moult se visiter, ou « consommer« , touristiquement : même à dose infinitésimale…) la « grandeur«  magnifique d’un éclatant passé qui continue de briller un peu : en un monde de plus en plus uniformément gris, lui ;

cf ici, la prolifération (calamiteuse !) de la banlieue de par le monde entier, sur le modèle de l’american way of life ; on peut lire là-dessus les travaux de Bruce Bégout (par exemple Zéropolis, l’expérience de Las Vegas ; ou Lieu commun, le motel américain ; ou encore L’Éblouissement des bords de route…) ; ou mon article du 16 février 2009 sur le passionnant livre de Régine Robin, Mégapolis (ou les derniers pas du flâneur…) : Aimer les villes-monstres (New-York, Los Angeles, Tokyo, Buenos Aires, Londres); ou vers la fin de la flânerie, selon Régine Robin

« Pourquoi _ continue Jean Clair, page 73 _ le socius a-t-il besoin de faire appel à ce ressort (dit) esthétique _ voilà : ici lire l’ami Yves Michaud : L’art à l’état gazeux, essai sur le triomphe de l’esthétique _ quand son ordre n’est plus assumé ni dans l’ordre du religieux, ni dans l’ordre du politique ? Est-ce le désordre scatologique, qui s’étale et qui colle, qui peut nous assurer de cette cohésion ? » _ question que je me posais hier, en faisant la queue aux caisses d’un grand supermarché de la « culture« , entre deux piles d’un livre (à la couverture couleur rouge sang) intitulé « Vie de merde » ; et à peine me disais-je cela, que les deux jeunes filles (collégiennes probablement) qui me précédaient dans la file d’attente à la caisse, se précipitaient sur un ses exemplaires… Je n’ai pu m’empêcher de leur dire : « quel titre appétissant !«  ; ce qui ne les a pas du tout dissuadées de le prendre… Soit, le monde comme il va désormais

Et Jean Clair, revenant « à la vieille distinction d’Aristote entre zoe et bios : bios, la vie intelligente, la vie des êtres logiques ; et zoe, la vie primitive, la vie animale, la vie bestiale« , de (se) demander, page 74 :

« Ne vivrions-nous pas actuellement une régression vertigineuse _ voilà ! _

du bios à la zoe ?

N’y aurait-il pas là quelque chose qui ressemblerait au sacer

_ cf de Giorgio Agamben, le cycle de l’Homo sacer _

tel que le monde antique l’envisage,

fascination et répulsion mêlées,

tabou et impunité à la fois ?« …

Ainsi _ conclut-il, pages 75-76 _, « dans l’art actuel,

ce n’est pas d’un certain goût que nous ferions l’apprentissage,

mais de l’abandon au contraire du dégoût inculqué dans l’enfance, quand les parents tentaient de nous faire comprendre que la maîtrise des sphincters était importante.

On reviendrait ainsi à la position du primate qu’évoque aussi Freud : quand on rabaisse vers le sol un organe olfactif pour le rendre à nouveau voisin des organes génitaux,

alors que tout l’effort de l’homme a été d’adopter la station debout pour s’en éloigner et s’en épargner les odeurs ».

« Prostate des civilisations fatiguées. Débâcle« , conclut ici Jean Clair

_ « nihilisme« , dit, quant à lui, Nietzsche…

On en arrive alors au chapitre-clé, le chapitre VII, « La crise des valeurs« ,

de ce « constat« 

de l’OPA de l' »oligarchie financière« 

sur l' »art contemporain« .

Page 99 : « Les procédés _ commerciaux _ qui permettent de promouvoir et de vendre _ le but principal demeurant, somme toute, le profit (financier) au final des manœuvres spéculatives (financières, est-il besoin de le spécifier ?) de quelques margoulins, mais de haut vol… _ une œuvre dite d’« art contemporain »,

sont comparables à ceux qui, dans l’immobilier comme ailleurs, permettent de vendre n’importe quoi et parfois même, du presque rien«  _ mais pas tout à fait ici dans l’acception (ultra-fine, elle) qu’en fait un Vladimir Jankélévitch…

Page 99-100, un exemple : « Soit un veau coupé en deux dans sa longueur et plongé dans un bac de formol. Supposons à cet objet de curiosité un auteur _ Damien Hirst, pour ne pas (alors) le nommer _, et supposons du coup que ce soit là une œuvre d’art, qu’il faudra _ voilà l’objectif _ lancer _ voilà…

Quel processus _ factuel : à monter et mettre en œuvre… _ justifiera _ du moins en apparence ! de facto ; et non de jure ! _ son entrée _ effective : nous avons affaire à des réalistes hyper-pragmatiques ! pas à de doux rêveurs « bohèmes« _ sur le marché ?

Comment, à partir d’une valeur nulle, lui assigner un prix et le vendre _ de facto _ à quelques millions d’euros l’exemplaire, et si possible _ quelle magique multiplication ! c’est la formule même (et le filon !) du « veau d’or«  !.. _ en plusieurs exemplaires ? Question de créance _ voilà !!! _ : qui fera crédit à cela ; qui croira _ voilà ! _ au point d’investir ?«  _ tel est bien l’enjeu de fond et fondamental, en effet ! de cette « opération commerciale«  ambitieuse

« Hedge funds et titrisations _ boursières _ ont offert un exemple parfait _ nous y voici ! _ de ce que la manipulation financière pouvait accomplir _ en création de plus-value ! _ à partir de rien _ en l’absence d’œuvre qui soit réellement tangible, même parfois… On noiera d’abord la créance douteuse dans un lot de créances un peu plus sûres. Exposons le veau de Damien Hirst près d’une œuvre de Joseph Beuys, ou mieux de Robert Morris _ œuvres déjà accréditées, ayant la notation AAA ou BBB sur le marché des valeurs, un peu plus sûres que des créances pourries. Faisons-la entrer par conséquent dans un circuit de galeries privées, limitées en nombre et parfaitement averties _ condition sine qua non, mais qui se trouvent ! _, ayant pignon sur rue, qui sauront _ habilement _ répartir les risques encourus _ il y en a toujours un minimum… Ce noyau d’initiés, ce sont les actionnaires, finançant le projet, ceux qui sont là pour « éclairer », disent-ils : spéculateurs de salles de vente ou simples amateurs, ceux qui prennent les risques. Ils sont au marché de l’art ce que sont les agences de notation financière mondiale, supposés guider _ de leurs conseils d‘ »experts«  hyper-compétents et avérés… _ les investisseurs, mais qui manipulent en fait _ eh ! oui … _ les taux d’intérêt et favorisent _ très efficacement, en sous-main _ la spéculation.

Promettons par exemple un rendement d’un taux très élevé, vingt à quarante pour cent à la revente, pourvu que celle-ci se fasse, contrairement à tous les usages qui prévalaient dans le domaine du marché de l’art fondé sur la longue durée _ certes _, à un très court terme, six mois par exemple. La galerie pourrait même s’engager, si elle ne trouvait pas preneur sur le marché des ventes, à racheter l’œuvre à son prix d’achat, augmenté d’un léger intérêt.

On obtiendra enfin
_ but not at least _ d’une institution publique, un grand musée de préférence, on l’a vu, une exposition _ bien médiatisée _ de cet artiste : les coûts de la manifestation, transport, assurances, catalogue, mais aussi les frais relevant de la communication et des relations publiques (cocktails, dîners de vernissage, etc.) seront discrètement _ toujours… _ couverts par la galerie ou le consortium qui le promeuvent.

Mais surtout _ clé de voûte de l’opération _ (…), c’est le patrimoine des musées, les collections « nationales » exposées ou mises en réserve, comme l’or de la Banque est gardé en ses caves, qui sembleront _ voilà : la clé du succès est dans le jeu de perspective (de l’ingénieux trompe-l’œil)… _ selon cet ingénieux stratagème _ voilà, voilà _ garantir _ = le socle de la confiance ! _ la valeur des propositions _ au départ très virtuelles et éminemment volatiles… _ émises sur le marché privé » _ avec ce tour de passe-passe (magistral) et confusion (de prestidigitation) du (secteur) « public«  (il conserve donc de l’utilité !) et du (secteur) « privé« , le tour (auprès de l’acheteur-spéculateur) est joué ! : au jeu (embrouilleur virtuose) du bonneteau…

« Bien sûr, le terme de « valeur » ne signifiera jamais valeur esthétique _ mais qui s’en soucie, ici ? Chacun (et tous) a (et ont) bien mieux à faire ! (que cette ringardise…)… _,

qui ressortit à la longue durée,

mais valeur _ marchande (ou d’échange : financière) _ du produit _ le terme d’« œuvre«  n’a plus cours ! Et le qualificatif « d’art«  devient un pur effet de marque, c’est-à-dire de standing social… _ comme « performance économique » _ = profit (en espèces sonnantes et trébuchantes !) à la re-vente _, fondée sur le court terme ; d’un mot, « performance », qui a pris lui aussi , cependant, un sens figuré d’ordre artistique.

Ce n’est en rien la « valeur » _ ni en soi, ni d’usage _ de l’œuvre,

c’est seulement le « prix » de l’œuvre _ en fait un pur et simple « produit« , voire un quasi rien, passant de main en main, de coffre en coffre et compte en compte… _

qui est pris en compte _ c’est le cas de le dire ! _,

tel qu’on le fait _ si habilement ! _ monter dans les ventes« .

Et Jean Clair de citer en note de bas de page ici, page 101,

le « principe _ sans prix; et donc à jamais impayable ! _ de dignité« ,

énoncé par Kant en ses Fondements de la métaphysique des mœurs, en 1785 :

« Tout a, ou bien un prix, ou bien une dignité.

On peut remplacer ce qui a un prix par son équivalent ;

en revanche, ce qui n’a pas de prix, et donc pas d’équivalent, c’est ce qui possède une dignité« …


Et Jean Clair de conclure le raisonnement , page 101-102, par cette conséquence

notable :

« Bien sûr aussi, comme dans la chaîne _ ou « pyramide »_ de Ponzi,

le perdant _ car il y en a toujours en ces tractations (de crédulité, qui plus est) !.. _ sera celui qui, dans ces procédés de cavalerie _ voilà le fond de la tractation ! _ ne réussira pas à se séparer de l’œuvre _ tel un mistigri poisseux et collant _ assez vite pour le revendre : le dernier perd tout« …

Nous sommes là bien au cœur de la mise en lumière par Jean Clair,

en cet essai lucidissime qu’est L’Hiver de la culture,

des malversations _ rien moins ! même si très légalement contractuelles _ en jeu ici,

en bien des pratiques dominantes _ même si elles ne sont pas absolument généralisées _ de l' »art contemporain« ,

et de leur participation active _ oui, oui : elles ont des effets idéologiques non négligeables ; quant aux procédures d’« autorité«  de fait, sinon de droit, ayant cours : en les échanges sociaux entre personnes… _ au système nihilisme-cupidité…

Page 102, Jean Clair déduit (et synthétise) donc cette (très réelle) histoire-ci :

« Du culte à la culture

de la culture au culturel,

du culturel au culte de l’argent,

c’est tout naturellement, on l’a vu, qu’on était tombé

au niveau des latrines :

Jeff Koons, Damien Hirst, Jan Fabre, Serrano et son Piss Christ ;

et, avec eux, envahissant, ce compagnon accoutumé, son double sans odeur : l’or,

la spéculation,

les foires de l’art,

les entrepôts discrets façon Schaulager,

ou les musées anciens changés en des show rooms clinquants, façon Palais Grassi,

les ventes aux enchères, enfin, pour achever le circuit,

_ faramineuses, obscènes… »

Et « au-dessus des corps réels _ et du travail ! _ de l’économie réelle

plane l’image désincarnée

des échanges virtuels,

d’une économie volatile

sortie du monde des idées pures«  _ où règne l’intelligence opérationnelle aux manettes (conceptuelles) de la manœuvre… _,

page 104 .

Résultat (fort concret, mais discret _ pas trop affiché au plein jour… _) :

« Une étrange oligarchie financière mondialisée,

comportant _ en ces circuits dominants d’« art contemporain » dans les arts plastiques… _

deux ou trois galeries parisiennes et new-yorkaises,

deux ou trois maisons de vente,

et deux ou trois institutions publiques responsables du patrimoine d’un État,

décide ainsi de la circulation et de la titrisation d’œuvres d’art

qui restent limitées _ « réservées« , ainsi, en un quasi monopole de ce marché : efficacement dissuasif pour la plupart des autres !.. _ à la production, quasi industrielle, de quatre ou cinq artistes…

Cette microsociété d’amateurs prétendus _ ce n’est qu’une posture (d’imposture !!! voilà !) _

ne possède rien, à vrai dire _ voilà le propos de base, l’alpha et l’oméga (de l’amateur homme-de-goût et connaisseur vrai qu’il est !) de Jean Clair ! _,

sinon des titres immatériels ;

elle ne jouit _ mais non… _ de rien,

n’ayant _ en vérité _ goût à rien _ sinon à ce jeu (pervers : sadique, ou plutôt sado-masochiste, plus profondément…) de pouvoir…

Elle a remplacé l’ancienne bourgeoisie riche et raffinée

qui vivait _ elle, vraiment _ parmi les objets d’art, les tableaux et les meubles qu’elle se choisissait _ pour cadre au quotidien de sa vie ; et la nimbant de leur aura _

et dont elle faisait parfois don à la nation :

les Rothschild, les Jacques Doucet, les Noailles en France,

comme les Hahnloser en Suisse, les Stein en Amérique, les Tretiakov en Russie.

Mais surtout société cultivée

qui prenait son plaisir _ vrai : de la joie ! _ à fréquenter, à côtoyer, à devenir à l’occasion l’amie _ vraie, et non factice _,

non d’un homo mimeticus, trader ou banquier lui-même,

qui lui aurait renvoyé au visage sa propre caricature _ voilà la situation de l’impérialisme du mensonge, et de la tyrannie ! _,

mais d’un homme différent d’elle,

étrange _ vraiment (= réellement) singulier ; et pas idéologiquement (= en posture factice) décalé _,

un artiste _ voilà ! _,

un « original » _ au double sens du mot _,

dont elle appréciait l’intelligence et le goût,

comme Ephrussi, Manet.

Cette histoire-là,

qui conclut celle qui commence lorsque Léonard meurt dans les bras de François Ier  

et se continue lorsque Watteau s’éteint entre les bras du marchand Gersaint,

cette longue histoire des protecteurs et des créateurs,

des mécènes et des bohèmes,

des connaisseurs et des artistes

_ voilà ce que fut la richesse culturelle (civilisationnelle) de tels échanges personnels artistiques ; pas de tractations d’ectoplasmes

comptabilisateurs de (pauvres : misérables !) rien que comptes en banque financiers : à pleurer !.. _,

a été l’histoire de l’art de notre temps _ = les « Temps modernes« 

Elle est finie.« 

Et Jean Clair d’y méditer, page 105 :

« C’est là où l’art

peut apporter une lumière décisive sur le sens d’une crise

qu’on dit économique

mais qui est réalité morale et intellectuelle » _ en effet, cher Jean Clair !

Car « l’art produit

non des idées,

non des transactions électroniques,

non des valeurs virtuelles,

mais des objets _ éminemment _ matériels, physiques, substantiels.

Et ces objets _ ce sont des œuvres ! _ ne relèvent pas d’un capital intellectuel ou cognitif,

mais d’un capital spirituel _ voilà ! _,

terme désuet qui ne se rencontre pas dans le vocabulaire de l’économie de l’immatériel »,

page 105

« Un artiste qui meurt

laisse après lui un vide _ de création ! vraiment sans-pareille ! et « incorporée«  à lui, en son « vivant«  plus activement vivant que celui des autres, par la qualité spécifique (élaborée le long de son œuvre) de son « sentir«  _

bien différent

de celui que laisse un autre homme, quelle qu’ait été son importance _ pratique _ dans la société.

La mort de l’homme du commun, vous et moi,

provoque la souffrance de ses proches, de ses amis.

Mais la mort d’un artiste _ vrai ; pas celle d’un imposteur ! _

est plus irréparable

car elle endeuille _ en puissance effective ! et à dimension, non de postérité, mais d’éternité… _

tous les hommes ».


Car : « c’est tout un monde
_ voilà : un « monde«  humain,

via une aisthesis qui s’est élaborée en son rapport au monde (singulier : poétique !) de créateur (vraiment original : pas décalé !) d’œuvres « vraies«  ! ce qui n’est ni immédiat, ni facile : c’est l’aventure longue, patiente et complexe, très fine et très riche, en la finesse infinie de son détail, de l’œuvre (d’Art) d’une vie d’un artiste « vrai«  : pas un vulgaire commercial !!!.. _

qui disparaît avec lui.

Sans doute _ aussi _ laisse-t-il une œuvre _ « vraie« , donc _,

là où d’autres, bien plus célèbres _ car mieux identifiés, ceux-là, de la plupart des autres, en leur « commun« , faute d’une telle singularité (de créateur d’œuvres d’art)… _ de leur vivant,

hommes politiques, leaders d’opinion, chefs d’entreprise, patrons d’industrie,

ne laisseront rien » _ de cette qualité-intensité d’éternité vraie : vraiment singulière !..

« Il _ l’artiste qui meurt _ laisse des objets

auxquels on _ certains « amateurs«  un peu mieux attentifs et lucidement sensibles (que d’autres), ceux-ci… _ attribuera,

un peu légèrement sans doute _ par confusion avec l’« éternité«  : lire ici Spinoza ; et Deleuze… _, la vertu de l’immortalité,

mais des objets pourtant _ soient des œuvres ! _ qui, sans utilité, sans usage _ immédiatement pratique à l’évidence commune, rudimentaire, du moins… _,

sortis du circuit commercial _ c’est-à-dire du profit spéculatif _,

sont des témoins uniques et admirables,

dans leur fragilité et leur vulnérabilité _ du profond à découvrir, délicatement, de la vraie « humanité«  : qualitative, elle ; pas comptable ! _,

empreints de ce sens, comme les vases de Babylone, d’un certain sacré » _ celui, « sens« , et celui, « sacré« , auquel accèdent (seuls, sans doute…) les créateurs d’œuvres d’art « vraies«  _, page 106.

Voilà pourquoi la cupidité nihiliste

qui mène principalement le monde maintenant

est une nef des fous-aveugles

entraînant _ en une régression sadique-anale perverse ?.. _ le reste de la chaîne des non-voyants _ à la Breughel _ vers l’abîme

misérable

du _ merdiquement ! _ rien… 

Voilà donc une contribution admirable à la civilisation humaine non-in-humaine

que cet incisif et lucidissime Hiver de la culture

de Jean Clair,

aux Éditions Flammarion, dans la collection Café Voltaire :

nous y parle très directement une lucidité vraie, de très haute tenue, en sa profonde et essentielle probité

de ce qui fait vraiment (= sensiblement) « monde » pour des humains

non encore in-humains,

en une aisthesis à partager

et cultiver…

Merci d’un tel livre si important !

Titus Curiosus, le 12 mars 2011

Le rêve d' »intersections fécondes » entre journalisme et philosophie : le Libé des Philosophes (et sa manifestation à Bordeaux)

04déc

En ouverture du numéro de Libération du jeudi 2 décembre

_ le jour du gros accès de tempête de neige, notamment à Bordeaux où se rencontraient, réunis par le quotidien Libération, philosophes, journalistes… et même politiques !.. : le thème fédérateur étant « la philosophie dans la cité« , et les rencontres s’intitulant « Penser l’actualité« , « La Justice gagnerait-elle à philosopher ?« , « Peut-on réduire les inégalités ?« , « Aide, entraide et fraternité : penser la solidarité« , « Délinquance : déni ou délit de culture ?« , « Quelle ville laisser à nos enfants ?«  et, in fine, « La cité idéale, ou l’utopie réalisable«  _,

et sous le très judicieux titre d’Intersections fécondes,

Michel Serres _ tel un Leibniz « revenu«  cette fois en corsaire gascon : en vadrouille malicieuse (plutôt que course sauvage…) dans le paysage en voie de mondialisation du bal des monades… _ résumait excellemment

le pari _ renouvelé cette année-ci encore : ce 2 décembre, donc ! et réussi ! _ de Robert Maggiori,

le responsable de la rubrique Philosophie de ce quotidien,

et maître d’œuvre de ce concept de « Libé des philosophes » :

Depuis qu’a été inventé le Libé des philosophes,

nous n’avons cessé de réfléchir sur les bénéfices de cette rencontre

entre journalisme et philosophie.

Elle produit plusieurs courts-circuits _ voilà ce qui peut se révéler fructueux pour le penser, (souvent un peu) trop ensommeillé en ses (un peu trop) molles habitudes…

D’abord un temps long _ celui du penser, en sa salubre intempestivité méditative ! Nietzsche osant ici la figure de la « rumination« _ y coupe la rapidité _ le plus souvent éphémère _ du jour,

et peut lui apporter des aliments _ c’est déjà çà… _ inattendus.

Heureusement,

l’éclair momentané _ quand il est tant soit peu surprenant ! du moins… _ de l’actualité

réveille _ voilà ! à l’instant du choc de cette rencontre (électrique)… _ une mémoire _ un peu trop souvent un peu trop _ prête _ encline _ à s’assoupir.

On dirait un long fleuve tranquille enflammé soudain _ de lumière _ par les cascades d’un torrent _ venant enfin, et opportunément, la secouer, cette mémoire alluviale plus ou moins limoneuse un peu trop installée…

De plus,

le philosophe creuse _ voilà ! malignement… _ alors que le journaliste _ pressé par son rédacteur en chef et l’attente au jour le jour du lectorat _ galope _ un peu trop éperdument…

Alors le vertical coupe l’horizontal _ avec fécondité.

On dirait un carrefour _ tels l’Agora d’Athènes, le Forum de Rome, ou la place du marché de n’importe quel bourg zarathoustréen-nietzschéen... _

et tout le monde sait que les rassemblements intéressants _ possiblement féconds, donc… _

ont lieu

en cette place _ qui s’y prête ;

cf Kant : « Penserions nous beaucoup, et penserions-nous bien, si nous ne pensions pas pour ainsi dire en commun avec d’autres, qui nous font part de leurs pensées et auxquels nous communiquons les nôtres ?..«  (in son manifeste contre la censure : La Religion dans les limites de la simple raison : un must !..

Enfin,

la philosophie vole _ cf Corneille : « Va, cours, vole ; et nous venge !« , in Le Cid_ et plane parfois _ un peu trop, en se laissant aller vagabonder (et se perdre) au hasard des courants d’air porteurs : combien ne manquent pas de le lui reprocher (et parfois à raison !!! )… _

alors que l’actualité a le souci _ professionnellement vital _ de garder les pieds sur terre _ même si pas forcément les mains dans le pétrin (voire le goudron)…

La seconde force _ bienheureusement, en effet ! _ la première _ sans les ailes de géant de l’albatros baudelairien _

à atterrir.

On dirait un aéroport _ hyper-affairé, que ce lieu d’atterrissages impromptus…

Confluent,

place de l’étoile,

piste d’envol ou de retour,

voilà les trois intersections fécondes

que Robert Maggiori inventa _ bel (et plus encore : juste !) hommage ! _

pour le Libé des philosophes.

Voyons alors

ce que personnellement j’y ai le plus goûteusement

glané,

pour ma (propre) gouverne…

D’abord, ce qui m’a le plus touché

et marqué _ c’est une merveille (de pensée) rare !, en plus de poésie ! que cet article tout de discrétion (et humilité) ! _ puissamment,

se trouve à la rubrique

_ peu en vue, certes : il fallait assurément aller la dénicher ; elle se cachait sous ce titre magnifiquement actuel ce jour-là (de même qu’éternellement, aussi !) de Partie de neige ; soit le titre même du sublime recueil de poèmes de 1968 (et paru posthume) de Paul Celan : Partie de neige, aux Éditions du Seuil, en allemand et dans la très belle traduction de Jean-Pierre Lefèbvre !.. _

de la météo

_ qui l’eût dit ?..

La page est même indiquée très exactement : « Jeux-Météo«  ;

sur la partie (gauche) des « Jeux« ,

le philosophe Marc de Launay commente ainsi une partie d’échecs,

empruntée au 70e championnat d’Italie, en 2010 (entre les joueurs Brunello et Rombaldini)… :

« Il en va des échecs comme du langage. (…) Ceux qui continueront à jouer (…) auront plaisir à jouer comme on a plaisir à converser (…). Savoir limité le nombre des combinaisons qu’offrent les lettres d’un alphabet et la grammaire d’une langue

n’a jamais rendu muet _ certes ! Le jeu sérieux n’est pas ignorant de l’ambition conceptuelle, il taquine l’infini en le sachant illusoire ; il éduque l’esprit à la rigueur des métaphores en révélant une pluralité de combinaisons face à telle disposition générale :

belle propédeutique à l’appréciation des innovations qui miment l’issue possible hors d’une situation jugée désespérée, mais qu’une raison étrangère nous révèle riche d’une ressource.

Comme une parole inouïe dissipe des académismes et fait briller les cristaux d’une nouvelle syntaxe.

Une fois jouées toutes les combinaisons, l’histoire des joueurs et du jeu ne sera pas sans avenir« ... :

comme c’est superbe aussi !.. _,

à la rubrique de la météo, donc,

et sous la plume _ de poète comme de philosophe ! _ de Martin Rueff

_ dont j’ai fait personnellement la connaissance (je consulte mon agenda) le mardi 8 décembre 2009, lors de sa conférence (très belle : il y convoquait la saison de l’Hiver de Poussin !) pour notre Société de Philosophie de Bordeaux : c’était sur le sujet de Rousseau : le pas et l’abîme, autour de sa lecture de la fiction (comme philosophie, aussi !) de Julie, ou La Nouvelle Héloïse ; puis au cours du repas (toujours très convivial) qui a suivi la conférence ; et surtout par la lecture de son magistral travail sur la poésie et la poétique de Michel Deguy, Différence et identité : Michel Deguy, situation d’un poète lyrique à l’apogée du capitalisme culturel _ ; cf mon article sur ce magistral ouvrage, en date du 23 décembre 2009 : la situation de l’artiste vrai en colère devant le marchandising du “culturel” : la poétique de Michel Deguy portée à la pleine lumière par Martin Rueff

Martin est revenu ensuite à Bordeaux, le mercredi 12 mai (toujours mon agenda ! pour ne pas complètement perdre le fil des jours qui défilent ; et y raccrocher un peu des efforts, facilités ensuite à partir de ces menus amers-là, de la mémoire qui risquait de se noyer, sans repères…) afin de présenter, et avec Michel Deguy, dans les salons Albert-Mollat, ce grand livre, et important pour mieux comprendre ce qui change (en fait de différence et identité, donc !!!) en ces siècles : le XXème comme le XXIème…

Cf mon article sur cette conférence-là, cette fois : De Troie en flammes à la nouvelle Rome : l’admirable “How to read” les poèmes de Michel Deguy de Martin Rueff _ ou surmonter l’abominable détresse du désamour de la langue

En son propre Partie de neige,

à la page 21 du Libé des philosophes du jeudi 2 décembre (enneigé à Bordeaux et toute sa région !

je me suis trouvé sur la route _ heureusement presque tout uniment droite ! _ vers 7h, 7h15, dans des bourrasques ô combien drues de neige, droit devant, le regard mangé par ce que tentaient de percer de la nuit, ainsi ouatée de ces rafales hyper-serrées de flocons, les phares de ma voiture, essayant de gommer le plus possible les pirouettes du verglas, sur le sol, si jamais j’avais à tourner si peu que ce soit le volant, trop brusquement ralentir ou accélérer, pour ne rien dire de freiner, aux ronds-points drastiquement piégeux de la route, heureusement assez peu embouteillée à cette heure : j’étais parti très tôt exprès : à 6h 30 ; les flocons commençaient juste de tomber, en légère voilette de tulle, alors, sur Bordeaux)…

Martin ne fait pas référence explicitement à Paul Celan (non plus qu’à son recueil de poèmes écrits en 1968 : ni l’un, ni l’autre ne sont nommément cités !) _ sinon par le seul titre de son article quant au temps qu’il faisait, ou pouvait faire, ce jour-là, 2 décembre 2010, en France :

comment prendre alors le vocable de « Partie«  (de neige) ? A chacun d’essayer sa (ou ses) propositions (s)… Le poème (vrai) est toujours, dès ses signifiants mêmes, polysémique, flottant, ouvert, en sa battue, pourtant nette, forcément, des cartes de ce qui s’y inscrit, à prononcer… _,

mais Martin, donc,

faisait beaucoup mieux que cela :

lui, pensait la neige ;

et ce qu’elle peut induire, aussi _ en redoublement du penser _ de pensée (alors métaphysique !),

par exemple pour quelques philosophes :

ici, ce seront _ ainsi qu’il les indique ou les nomme, nommément, si j’osais dire _ :

les philosophes de la « théorie des climats » du XVIIIe siècle, Socrate (in Le Banquet), Spinoza, Sénèque, Kant (en l’esthétique transcendantale de la Critique de la raison pure), Lévinas (in De l’existence à l’existant) ;

auxquels Martin mêle aussi, aimablement _ quant à aider aussi un peu au figurer du lecteur ! lire étant aussi se figurer… _ une kyrielle de peintres (de la neige) :

« Beerstraaten, Van der Neer, Isaac van Ostade,

mais aussi Goya ou Courbet« ,

et Turner ;

ainsi qu’un _ unique à être nommément nommé ! Mallarmé et Chrétien de Troyes (et Celan !) n’étant, eux, qu’évoqués… _ poète,

Guillaume de Salluste Du Bartas ;

ainsi :

« Turner peint la neige comme au premier jour de la Semaine de Du Bartas :

« avant tout, matière, forme et lieu »…« .

Et Martin de le commenter alors ainsi :

« Neige grand ouvert sur l’ouvert » ;

pour conclure, au final,

après un paragraphe consacré à Kant

et un autre à Lévinas :

« Neige, nuit blanche. Et ce qui sera sans lumière, il nous faudra

_ ce « nous«  en ce défi prometteur, pourvoyeur peut-être,

en cette situation de mission, de devoir (vital ?),

pourvoyeur

de courage… _

le perpétuer« …


Voici donc

_ je le recopie manuellement : et je m’en réimprègne encore un peu plus (ou un peu mieux) en le ré-écrivant ainsi mot à mot sur le clavier… _

l’article Partie de neige, par Martin Rueff,

en la rubrique Météo du Jeudi 2,

sur deux colonnes de la partie droite de la page 21,

en encadrant, en son centre _ hexagonalement _, une carte de France des prévisions météorologiques de ce jour…

Autant la grammaire des énoncés météorologiques (« il pleut« , « il vente« ) a pu pousser les philosophes à réfléchir en métaphysiciens sur l’ontologie _ voilà ! _ des événements et sur les chaînes _ principalement, voire exclusivement, mécaniques ?.. _ de causalité qu’ils impliquent, (à la fois sur la cause de ces événements et sur l’inscription de ces événements dans la vie des hommes _ on pense à la « théorie des climats » des philosophes du XVIIIe siècle avec leurs causes sans cesse _ répétitivement ? cf ici l’humour de Hume… _ renaissantes), autant l’expérience de la neige a offert un motif de prédilection à ceux qui étaient enclins à méditer sur l’endurance _ hivernale : en « l’hiver de notre mécontentement«  _ des hommes. Si l’on admet le partage _ stoïque _ de ce qui dépend de nous et de ce qui n’en dépend pas, et si l’on reconnaît que la balance est inégale entre l’un et l’autre, il faut supporter la neige comme le faisait Socrate « qui marchait pied nus sur la glace plus aisément que les autres avec leurs chaussures, et les soldats le regardaient de travers croyant qu’il les bravait«  (Le Banquet, 220a).

Est-ce tout pourtant ? Regardons-la, cette neige qui vient _ indépendamment de nous, comme nous étouffer, asphyxier, en noyant, bientôt, tout…

Il y a une beauté de la neige comme état _ reposé, ensuite, en ses couches alors horizontalement déposées, étalées, comme majestueusement tranquilles _ de la matière, dans le double spectacle de sa chute (elle est alors rideau _ enduré _ qui voltige, pétales soufflés, mur blanc effilé, tempête au parvis des épousailles, _ mallarméennes _ « tasses de neige à la lune ravie« ) et de sa surface _ déposée, donc, et demeurant longtemps… _ de trop grande clarté _ épiderme, drap, écran, visage exposé, facies totius universi (Spinoza retrouve la formule de Sénèque), support/ surface, ligne blanche d’horizon, horizon blanc de dunes. Le chevalier _ cf l’imaginaire (si vivant !) de Jean Giono dans l’aveuglante blancheur neigeuse alpine de deux ou trois hivers d’Un Roi sans divertissement, du côté de Mens et de Chichiliane : à partir du poème si fascinant de Chrétien de Troyes… _  cherche la trace de sang _ de l’oie agressée _ : un trou, une crête, une crevasse pour ne pas céder au vertige du même _ tel étant le chiffre affolant de l’angoisse. La neige, univocité étale, est pureté purifiante ou pureté étalée _ rêve d’effacement, offrande écartée au soleil, condition de la lumière aveuglante, miroitante ; et d’elle plus que de tout autre spectacle il faudrait dire : c’est la mort d’un soleil blanchi qu’on ne peut regarder en face. Ou peut-être comme l’espace pur désorienté _ aussi ! pour notre perte… _ : le fond comme figure, la figure comme fond, ni droite ni gauche, tout le profond venu à sa surface blanche ; et parfois tes yeux _ même ! _ sont débordés face à l’immensité absente qui dure ; ni béance du chaos, ni confusion à vide _ cependant : et la nuance est capitale… _, la neige…

_ en sa magie lancinante d’étrangeté poïétique

en fusion…

On rappellera que certains peintres se rendirent célèbres par leurs effets _ d’éclats assourdissants _ de neige : Beerstraaten, Van der Neer, Isaac van Ostade, mais aussi Goya ou Courbet. Turner peint la neige comme au premier jour de la Semaine de Du Bartas : « avant tout, matière, forme et lieu« .

Neige : grand ouvert sur l’ouvert

_ pour qui s’y affronte, d’abord par le regard (sempiternellement étonné, chaque fois…),

en son vivant ici une fois encore défié

Mais une méditation sur la neige ne devrait rien ignorer non plus de ce que l’esprit humain y investit : l’image offerte à la méditation métaphysique du blanc de néant

_ autre défi (« métaphysique« , donc, et ainsi…) de l’esprit, qui s’agite…

La neige constitue une de ces images sans motif où le fond est _ ou devient _ tout _ voilà… On se souvient que « l’exposition métaphysique de l’espace » dans l’esthétique transcendantale de la Critique de la raison pure repose sur une thèse simple : la représentation de l’espace ne peut pas être déduite de l’expérience. Il faudrait qu’elle soit posée comme fondement : « L’espace est une représentation nécessaire, a priori, qui sert de fondement à toutes les intuitions externes. » Et Kant poursuit : « On ne peut jamais se représenter qu’il n’y ait point d’espace, quoiqu’on puisse bien penser qu’il ne s’y trouve pas d’objets. » La neige offrirait l’image de l’espace comme tel dans sa pureté transcendantale _ la neige comme spectacle pur de l’espace, comme exposé métaphysique.

Mais il y a plus encore : une chose est de dire que la neige est un spectacle métaphysique, autre chose est d’affirmer qu’elle permet l’intuition de la métaphysique elle-même _ l’image de la différence ontologique

_ en sa différance (mouvante) même, s’offrant à nous défier, pour peu, du moins, que nous consentions à y opposer (et soutenir, tant soit peu, aussi…) un penser singulier…

Neige : offrande pure _ voilà _ du il y a _ oui ! _, de cet il y a d’avant _ prénatalement ? aussi… _ tout objet _ allégorie pure de l’être comme fable du néant, image du cri _ munchien ? à l’abattoir ?.. _, comme symbole du silence _ advenant, voire advenu, murant… _, temps suspendu et temps qui passe, qui passe suspendu. Analogue à la nuit noire que veille l’inutile insomnie, la neige offre _ oui _ le fait nu _ voilà : et il s’impose… _ de la présence : il y a présence _ du vivant

dont le souffle tremble, respire, bat.

Lévinas écrit dans De l’existence à l’existant : « Le fait universel de l’il y a, qui embrasse et les choses et la conscience » ; et il serait important d’appliquer à la neige les évocations de l’insomnie qu’il propose : « Il n’y a plus de dehors, ni de dedans », « ce retour de la présence dans l’absence ne se fait pas dans des instants distincts, comme un flux et un reflux. Le rythme manque _ voici la clé ! _ à l’il y a, comme la perspective aux points grouillants de l’obscurité« . Lévinas précisera : « On ne peut dire non plus que c’est _ tout à fait, non plus : en effet… _ le néant _ absolu _, bien qu’il n’y ait rien« .


Neige, nuit blanche. Et ce qui sera sans lumière, il nous faudra _ nous ! c’est là un « nous«  plus ou moins ouvert… _ le perpétuer _ en son abondance sourcière, probablement…

Sourcière de vie…



Martin Rueff,

poète et philosophe, enseigne à l’université de Genève.

(A publié dernièrement) La fin de Superman dans (la revue) Grumeaux, en novembre 2010.

Je vais poursuivre mon compte-rendu _ partiel et partial, on le ressent… _ de ce riche et très intéressant Libé des Philosophes de jeudi dernier, avant-hier,

par deux articles aisément accessibles, eux, sur le Net,

et qui m’ont aussi bien, bien intéressé

_ en plus qu’il s’agit, là aussi, d’articles d’amis… _ :

celui, très fouillé et passionnant d’aperçus très riches, très justes _ ainsi que très beaux (mais oui !!! à la fois ! d’un seul tenant !) _,

de Fabienne Brugère,

Les Missions des Lumières _ Diderot philosophe en Pléiade,

lisible sur papier aux pages II et III du Cahier Livres :

il est consacré au volume Œuvres philosophiques de Denis Diderot,

publié sous la direction de Michel Delon, avec la collaboration de Barbara de Negroni, dans la Bibliothèque de la Pléïade, aux Éditions Gallimard… ;

et celui, toujours aussi incisivement piquant et lucidissime (!!!) _ et toujours aussi réjouissant ! _

d’Yves Michaud,

Les Pinçon-Charlot : Gold Gotha,

en la rubrique Pourquoi ça marche , à la page XVIII du cahier Livres :

il est consacré à l’ouvrage de Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot : Le Président des Riches _ Enquête sur l’oligarchie dans la France de Nicolas Sarkozy,

aux Éditions Zones…

J’y ajouterai encore un ultime petit commentaire

de l’article de synthèse

paru dans le Libération du lendemain, hier vendredi 3 décembre, à la page 5,

et sous la plume de Vincent Barros :

A Bordeaux, «Libération» fait passer l’oral de philo

et sous-titré : Réflexion. Echos du forum «la Philosophie dans la cité», qui s’est tenu hier dans la capitale girondine.

Cela,

en mon article juste à suivre celui-ci,

donc…


Titus Curiosus, le 4 décembre 2010

Post-scriptum :

De Paul Celan,

et traduit par Jean-Pierre Lefèbvre, à la page 23 de Partie de neige, aux Éditions du Seuil,

ce poème-ci

(et qui donne son titre à tout le recueil) :

PARTIE DE NEIGE, droit cabrée jusqu’à la fin,

dans le vent ascendant, devant

les cabanes à jamais défenêtrées :


faire ricocher des rêves plats

sur la

glace striée ;


dégager au pic

les ombres de mots, les empiler par toises

tout autour du fer

dans le trou d’eau.

De Guillaume de Salluste du Bartas (Montfort, 1584 -Mauvezin, 1590),

à la page 3 de sa Sepmaine (1581), en l’édition d’Yvonne Bellanger

de la Société des Textes Français Modernes,

ce passage (du Premier Jour : les vers 25 à 30

_ d’un poème qui en son entier compte 6494 vers) :


Or donc avant tout temps, matière, forme et lieu,

Dieu tout en tout estoit, et tout estoit en Dieu,

Incompris, infini, immuable, impassible,

Tout-Esprit, tout-lumière, immortel, invisible,

Pur, sage, juste et bon. Dieu seul regnoit en paix :

Dieu de soy-mesme estoit et l’hoste et le palais.

Et, de Stéphane Mallarmé :


Las de l’amer repos où ma paresse offense
Une gloire pour qui jadis j’ai fui l’enfance
Adorable des bois de roses sous l’azur
Naturel, et plus las sept fois du pacte dur
De creuser par veillée une fosse nouvelle
Dans le terrain avare et froid de ma cervelle,
Fossoyeur sans pitié pour la stérilité,
— Que dire à cette Aurore, ô Rêves, visité
Par les roses, quand, peur de ses roses livides,
Le vaste cimetière unira les trous vides ? —
Je veux délaisser l’Art vorace d’un pays
Cruel, et, souriant aux reproches vieillis
Que me font mes amis, le passé, le génie,
Et ma lampe qui sait pourtant mon agonie,
Imiter le Chinois au cœur limpide et fin
De qui l’extase pure est de peindre la fin
Sur ses tasses de neige à la lune ravie
D’une bizarre fleur qui parfume sa vie
Transparente, la fleur qu’il a sentie, enfant,
Au filigrane bleu de l’âme se greffant.
Et, la mort telle avec le seul rêve du sage,
Serein, je vais choisir un jeune paysage
Que je peindrais encor sur les tasses, distrait.
Une ligne d’azur mince et pâle serait
Un lac, parmi le ciel de porcelaine nue,
Un clair croissant perdu par une blanche nue
Trempe sa corne calme en la glace des eaux,
Non loin de trois grands cils d’émeraude, roseaux.

Dialogue sur le penser des Arts : lire le « Philosophie de l’art » de Fabienne Brugère et Julia Peker, ou comment apprendre des avènements progressifs des Arts, aujourd’hui

26nov

Mardi soir 23 novembre,

dans les salons Albert-Mollat de la rue Vital-Carles,

Francis Lippa a dialogué (le podcast dure 50 minutes)

avec Fabienne Brugère

sur son (avec Julia Peker) Philosophie de l’art,

qui vient de paraître aux Presses Universitaires de France.

Bien plus qu’un manuel

destiné peut-être d’abord aux Étudiants de Philosophie (et Esthétique),

ce livre important _ et passionnant ! _ de 269 pages

est loin de consister en un simple panorama _ exposé factuel _ de l’état présent de la réflexion philosophique, même la plus pointue et la mieux lucidement ouverte

sur ce que sont les activités et productions artistiques,

en particulier aujourd’hui _ et cela, en toute la richesse de leur profuse et complexe diversité ! en priorité en ce qui concerne les Arts plastiques _, en ce tournant du millénaire,

mais qu’il propose bel et bien un véritable creusement

profondément éclairant (philosophiquement !)

de ce qu’est pour les artistes

_ et les plus authentiques, tout spécialement ! les auteures ont (très heureusement) privilégié les exemples qu’elles apprécient ou préfèrent ! auxquels va toute leur sympathie… On pourra le compléter, je me permets de le suggérer ici, par la lecture très substantielle du très beau et très riche 53 œuvres qui (m’) ébranlèrent le monde, de Bernard Marcadé, paru l’année dernière aux Éditions Beaux-Arts (et sous-titré Une lecture intempestive de l’Art du XXème siècle…) : un livre de « regards« , lui aussi exemplaire !.. sur les Arts depuis L’origine du monde, de Gustave Courbet, en 1866, à l’Hommage aux hirondelles, de Niele Toroni, en 1997… _

un véritable creusement, donc,

de ce qu’est pour les artistes

le penser _ leur penser _ même (à l’œuvre ! œuvrant ! « à l’ouvrage« , dirait un Jean Dubuffet…),

ouvert, tendu, secret, mais se manifestant peu à peu, cheminant plus ou moins sourdement, en effet, mais obstinément « instaurant« ,

selon le concept que les auteures empruntent (très judicieusement) à Étienne Souriau (cf son Vocabulaire d’Esthétique…)

_ pour ma part, j’aurais aussi fait appel au concept de poiesis (et de poïétique) que manie un Mikkel Dufrenne (cf, par exemple, son très beau travail Le Poétique…) _

le penser même, œuvrant,

de leur activité singulière artiste ;

et dont l’œuvre

(ou les œuvres _ les productions en tous genres, et parfois fort divers !..)

_ ce concept est magnifiquement « travaillé«  par Fabienne Brugère en son chapitre II, « L’œuvre (dé)grisée« , déployé de la page 81 à la page 132 _

n’est (ou ne sont) à certains égards qu’un témoin, une trace,

un résidu,

voire un déchet

_ si l’on consent à mettre un peu ses pas dans ceux d’un Antonin Artaud (cf Le Pèse-Nerfs…),

comme semble s’inciter à le faire, peut-être, Julia Peker, auteure d’un très récent Cet Obscur objet du dégoût, que Fabienne Brugère a publié dans la collection Diagnostics qu’elle dirige aux Éditions Le Bord de l’eau : c’est, me semble-t-il, au moins, ce qui vient colorer certains des chapitres de ce Philosophie de l’art, et en particulier sa conclusion : pour ma part, je résiste tout de même quelque peu, comme cela peut se soupçonner discrètement à l’audition de notre conversation, à la coloration quasi trash de ce penchant (surtout quand on l’applique aux Arts), dans lequel, et toujours pour mon humble part, je verrais comme les vestiges d’une sorte d’imprégnation, même up to date (ainsi appliquée aux Arts _ ou à la Culture, sinon à la Civilisation ! _, tout spécialement : vers un trash chic !!!) du masochisme nihiliste (mortifère !) contemporain, contre lequel Nietzsche, en son Zarathoustra (un livre pour tous et pour personne, le sous-titrait-il, plus que jamais intempestivement actuel !!!), par exemple,

contre lequel Nietzsche

appelait à un vigoureux sursaut

(de vie !) :

« Encore un siècle de lecteurs, et l’esprit va se mettre à puer« , diagnostiquait-il en sa lucidité magnifique !

en un chapitre capitalissime de ce Zarathoustra : « Lire et écrire« 

On aperçoit alors où peut mener la dérive hors de l’enthousiasme du « spectateur«  dé-passionné !..

Même si jamais le ton de Fabienne,

ni en l’écriture magnifiquement déployée du livre,

ni en l’éclat de sa parole claire et éloquemment détaillée (et illustrée de très judicieux exemples donnant à ressentir aussi, selon l’aisthesis, ce que ses concepts affutés excellemment dégagent en son analyse), en sa conférence,

n’a cette coloration décadente…

Fabienne choisissant, a contrario, de privilégier toujours l’empathie d’une approche positive,

amie,

envers la démarche, toute de fragilité _ en l’exposition la plus audacieuse à l’altérité dans sa plus extrême singularité : celle d’à son meilleur et le plus authentique… _ des artistes,

et s’interdisant tout surplomb _ qui serait seulement conceptuel _ qui pontifierait, de haut, et froidement, en quelque sorte.

C’est en tout cas cela que j’ai moi-même voulu signifier en insistant un peu sur l’exigence de valeur des artistes eux-mêmes _ et pas celle des critiques extérieurs ! _, en leur parcours poïétique, en leur working progress « instaurant« , avec la plus haute rigueur : celle de la probité de ce qui se cherche

en leur penser-expérimenter-œuvrer, donc…

Et qui peut donner lieu,

et sans forcément que cela soit recherché comme une « marque » pour seulement se faire remarquer, se _ bourdieusement… _ distinguer _ sur un marché (dramatiquement concurrentiel !) de consommation-achat-vente, par exemple… _

à un style :

cf le beau mot de Buffon

en son Traité du style : « le style, c’est l’homme même« ,

en son improbable singularité, donc ;

en sa propre, quasi monstrueuse, altérité à lui-même, se découvrant, sourdement ;

ou, encore : le « Je est un autre » d’Arthur Rimbaud…

Alors l’exposition _ par l’artiste, qui en propose en quelque sorte l’offre,

ou, mieux encore et plutôt, en fait (absolument !) le don (gracieux !) :

de cet exposer même !

(et sans exhibitionnisme !! est-il seulement besoin de le mentionner ?.. :

cela ne peut être que discret, intime ! quasi secret, et à la sauvette…) _,

ou mieux encore _ Fabienne le développe ! _ la « rencontre »  !

_ par le rencontreur même : qui veut bien se laisser aller (= consentir à…) s’y exposer, à son tour, en une expérience (dont l’intensité de l’enthousiasme _ de l’aisthesis : du corps propre s’y ouvrant… _ peut même aller jusqu’à une quasi explosion du ressenti… ;

même si tout cela ne peut être, de même aussi pour lui, forcément !, que discret, intime, quasi secret, et comme à la sauvette !

et en symétrique de l’intimité ultra-sensible, quasi à hurler silencieusement, de l’artiste lui-même !)

en une expérience

qui peut, donc, à l’occasion (assez rare ! tout de même…), se révéler, intensément, très forte :

cf là-dessus l’analyse tout bonnement sublime (!) qu’en livre, en toute sa générosité, Baldine Saint-Girons en son très grand (!! : je ne le recommanderai jamais assez !) L’Acte esthétique (aux Éditions Klincksieck) ;

et nous sommes là, en pareille « rencontre«  (activement esthétique ! donc), considérablement plus loin que ne pouvait aller le spectator (à la suite de celui d’Addison et Steele…) toujours passablement refroidi, lui, et, somme toute, toujours assez compassé (par quelque, tout de même, sorte de tampon-filtre anesthésique précautionneux…),

d’Adam Smith :

dont Fabienne Brugère nous donne une somptueusement lumineuse analyse, aux pages 193 à 207 de son chapitre Le Spectacle de l’Art… Et c’est même là un temps fort magnifiquement éclairant de ce travail ! Quand on le rapporte aux autres conséquences, un peu mieux connues, elles,  des analyses d’Adam Smith… ;

et sur ce spectator, justement,

on ne saurait faire l’impasse sur le décisivement magistral, lui aussi, Homo spectator,

de mon amie Marie-José Mondzain (aux Éditions Bayard)… :

Homo spectator et L’Acte esthétique sont des lectures absolument indispensables !!!… _

alors

_ et je reprends le fil de mon élan après cette incise consacrée au spectator _

l’exposition,

ou mieux encore la « rencontre »  !

_ en son ultra-sensibilité aussi discrète, intime, que puissamment explosive ! _,

d’un tel processus

improbable et fragile

est, en effet,

un merveilleux cadeau

_ donné (par l’un), reçu (par l’autre) : les deux ayant su (et appris à) _ c’est une force ! _, hors train-train, y consentir…

Donnant lieu, cette « rencontre » un peu rare,

à une expérience _ hors préméditation, ni calcul ;

et elle-même, forcément (ainsi en aval), elle aussi un peu rare,

en pareille discrétion et secret (aux antipodes du moindre exhibitionnisme hystérisé !) de « rencontre«  des intimités des ultra-micro-sensibilités ainsi ouvertes et offertes !.. _

de joie,

à peut-être, qui sait ?,

daigner

_ c’est la visitation de l’Ange ! le passage (ultra-furtif et si peu repérable, pour peut-être savoir, à l’instant de son apparaître si fugace, l’alentir, et accueillir, et recevoir ! s’en faire l’hôte le plus humblement dévoué…) de la Grâce ! _

daigner

partager

_ expérience proprement esthétique que cette joie singulière-là…


Inutile de préciser, donc,

que,

à mon tour

de lecteur de ce livre,

je partage dans toute sa plénitude cette démarche _ toute amicale _ d’accueil

et de sympathie,

celle de la curiosité ouverte et amie, affectueuse,

de Fabienne Brugère

à l’égard

de ce que nous avons qualifié, en notre conversation,

d' »expérimentation« 

audacieuse, courageuse

_ en l’audace, toute de probité, de sa fragilité discrète même… _,

d’artistes contemporains…

Bravo donc pour ce travail passionnant

d’exploration

quant aux Arts

pensant vraiment

_ et autrement que conceptuellement :

à travers quelque aisthesis

donnant, d’une façon ou d’une autre, à s’exposer (sans s’exhiber)

à d’autres que soi,

sans fausse posture

(ou imposture : hystérisée en quoi que ce soit) de soi… :

au service d’un autre Soi (étrangement plus grand que soi,

et cela pour chacun ! pas que pour l’artiste !)

qui vient discrètement,

« se trouvant«  ainsi alors en cette « expérience » d’aisthesis

partagée,

s’y découvrir… _

bravo donc

pour ce travail passionnant

qu’est ce Philosophie de l’art

de Fabienne Brugère et Julia Peker…

Titus Curiosus, le 26 novembre 2010

Post-scriptum :

le mardi 25 janvier 2011,

j’aurai la grande joie de dialoguer à la librairie Mollat, au 91 de la rue Porte-Dijeaux,

avec la magnifique Baldine Saint-Girons

_ cf et son génial Fiat lux : une philosophie du sublime, au Quai Voltaire ;

et son si merveilleux L’acte esthétique, aux Éditions Klincksieck _ :


à propos de son dernier important essai d’esthétique, Le Pouvoir esthétique,

aux Éditions Manucius,

dont voici

_ cf aussi mon article de présentation, en date du 12 septembre 2010 : les enjeux fondamentaux (= de civilisation) de l’indispensable anthropologie esthétique de Baldine Saint-Girons : “le pouvoir esthétique” _

la quatrième de couverture :

Mettre en évidence «le pouvoir esthétique», c’est souligner l’intrication des questions de l’esthétique à celles de l’éthique et du politique. Le pouvoir naît d’un vouloir et se heurte à d’autres pouvoirs. Sous la diversité des apparences, il concerne la force de l’apparaître, compris en ses trois temps : projet, stratégie, effets. Faut-il plaire, inspirer ou charmer ? Rechercher la dignité du beau, la gravité du sublime ou la suavité de la grâce ? Parmi les trois figures de la laideur ou du mal, notre adversaire est-il d’abord la difformité qui dissone, la médiocrité qui enlise, ou la violence qui révulse ? Le beau peut être médiocre et violent : il ne saurait manquer d’harmonie. De même, le sublime peut être compatible avec la difformité et la violence : il disparaît avec la médiocrité. Et la grâce peut être dépourvue de beauté et d’originalité : la douceur ne saurait lui faire défaut. À chaque combat sa technique : l’imitation des meilleurs, l’invention du nouveau, l’appropriation de traits gracieux. De là des résultats divergents : l’admiration va à ce qui plaît, l’étonnement à ce qui inspire, la gratitude à ce qui charme. Rompre les trois cercles maudits du mépris niveleur, de la médiocrité agressive et de l’envie négatrice, tel est l’enjeu. Dans quelle mesure ces trois grands types de pouvoir esthétique sont-ils exclusifs, chacun des deux autres ? Si Burke dégagea, au milieu du XVIIIe siècle, ce qu’on peut appeler le dilemme esthétique entre beau et sublime, est-on aujourd’hui fondé à parler d’un trilemme esthétique entre beau, sublime et grâce ?

A suivre…

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