Et en complément à mon article d’avant-hier 12 août « Chanter « L’hymne delphique à Apollon » harmonisé par Gabriel Fauré : Benjamin Bernheim au Stade de France ; et aussi Cyrille Dubois…« ,
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cet article-ci « La cérémonie de clôture des Jeux Olympiques de Paris 2024 : Liberté, Egalité, Universalité«
d’hier 13 août 2024,
de la plume de Jean-Luc Clairet, sur le site de ResMusica :
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Le 13 août 2024 par Jean-Luc Clairet
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Quinze jours après une cérémonie d’ouverture _ très réussie ! _ qui n’a toujours pas fini de faire couler encre et salive, la cérémonie de clôture, en dépit de quelques aléas, et de quelques longueurs inhérentes au genre, brandit haut rien moins qu’une devise de bientôt deux cents ans d’âge : celle de la France.
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Quoique l’unisson des commentateurs s’acharne à faire accroire, il y aura bien eu deux types de spectateurs des Jeux Olympiques : ceux qui en auront suivi l’intégralité, friands de performances sportives, et ceux qui se seront contentés de leurs cérémonies d’ouverture et de clôture, curieux de voir ce que Thomas Jolly, metteur en scène qu’ils avaient apprécié au théâtre, à l’opéra, allait faire de deux soirées destinées à être scrutées dans le monde entier. La première, très voyageuse et d’une audace folle, a fait frissonner jusqu’en France, ce qui ne manque pas d’étonner dans le pays qui a fait du concept de laïcité le maître-mot élémentaire du « Vivre ensemble ». La seconde, quasi-cantonnée dans un seul lieu, sera apparue plus sage même si tout aussi rassembleuse, des 70 000 spectateurs présents dans le Stade de France aux millions d’autres rivés sur leurs écrans trois bonnes heures durant.
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Depuis le 26 juillet, la barre était de toutes façons placée très haut, ainsi que le rappelle, sur une musique qui n’est pas sans rappeler l’Adagio de Samuel Barber, un prologue alignant les moments hauts en couleur de la cérémonie d’ouverture, dont l’émotion immédiate qu’ils suscitent en dit long sur la place déjà mythique que celle-ci occupe dans la mémoire collective, de cette cavalière nocturne chevauchant la Seine sans dévier de sa route jusqu’à cet embrasement de la vasque olympique qui ne déparerait pas le finale de La Walkyrie !
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Le Prologue, d’emblée dédié à la jeunesse, séduit avec deux noms encore inconnus du grand public un an plus tôt. La virevoltante Zaho de Sagazan, concentré de grâce _ tristounette, pour ne pas dire funèbre, à mon goût, et manquant singulièrement de voix… _ incarnée en noir et blanc, accompagnée par le Chœur adolescent de l’Académie Hendriks-Haendel dirigé par Jean-Christophe Spinozi, relit _ bien piteusement _ le Sous les ponts de Paris d’Edith Piaf. La nouvelle future « personnalité préférée des Français », le poisson humain Léon Marchand (quadruple médaille d’or) refait faire le parcours inverse à la flamme olympique, du Jardin des Tuileries au Stade de France où il l’éteindra de son souffle.
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Entre-temps musique et sport se seront épaulés sans relâche. Face à la tribune présidentielle, Zahia Ziouani dirige son Orchestre symphonique Divertimento, né à quelques encablures du stade. La diversité musicale, surtout festive, aura quant à elle été toute relative, avec un répertoire classique clairement à l’arrière-plan _ en effet ! _ : un Fauré inconnu, une pincée des Sirènes de Debussy, une Marseillaise dont l’idéale flamme berliozienne n’a pas été préférée à celle, aux angles plus arrondis, de Victor Le Masne, compositeur de la bande-son de ces JO, notamment de Parade, refrain repris comme un mantra, en signature musicale de ces jeux 2024.
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Sur le sol du Stade de France, on découvre la pièce maîtresse de la soirée : le planisphère dessiné au sol par la scénographe Emmanuelle Favre, sorte de microcosme du monde, avec ses cinq continents stylisés et reliés par des passerelles. La levée des couleurs du drapeau français donne le la de l’invasion du planisphère par les étendards de tous pays, portés par les athlètes : un moment dont le confraternel coloré réalise le temps d’un soir le rêve d’une seule nation, mais dont le versant micro-trottoir s’avère sur la durée un brin lassant _ ouais _ avec sa pléthore de saluts, de sourires, de cocoricos et de biceps brandis face caméra. On avait entendu France Gall et Philippe Katherine le 26 juillet : le 11 août, on entendra Johnny Hallyday (dont le Que je t’aime semble faire aujourd’hui fonction d’hymne national bis), Michel Polnareff, on s’époumonera avec Charles Aznavour, Joe Dassin, Freddie Mercury au moment du karaoké géant souhaité par un Jolly qui aura même réussi à faire du public une seule nation chantante. On remercie longuement les 45 000 volontaires qui ont joué les bénévoles et sans lesquels l’événement n’aurait tout simplement pas pu avoir vu le jour. Avant que la soirée soit interrompue par un clip (il y en aura d’autres, comme celui consacré au voyage incroyable de la flamme dans les plus beaux sites de France) consacré au Marathon pour tous où chacun aura pu s’élancer dans Paris sur les traces des athlètes, on remet ensuite longuement, très longuement, trop longuement, les dernières médailles de ces JO 2004, celles du marathon féminin. Même la quadruple ceinture de projecteurs implantés aux différents étages du lieu semble frétiller d’impatience…
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Ce n’est qu’au bout d’une heure quinze, à la tombée de la nuit, que le Stade de France peut enfin entamer sa mue. Le corps cultivé n’est rien si le cerveau ne l’est pas : ce sera la mission des quarante minutes de Records, la partition cosmique de Clément Mirguet, que de parvenir à faire vibrer la fibre culturelle des aficionados. Doublement bien nommé, Records évoque le record sportif mais aussi, en anglais, Golden Voyager Record, le disque, celui que le monde a envoyé en 1977, via la navette Voyager, aux confins de l’univers, afin de faire connaître le génie humain à d’éventuels extraterrestres. C’est l’un d’eux (très différent de celui dont le réalisateur John Carpenter avait fait en 1984, le héros de son très touchant Starman) que, dans un futur lointain, et dans un foisonnement de lasers qui avait déjà transcendé son récent Starmania, Thomas Jolly fait atterrir du toit du Stade de France sur le planisphère déserté, abandonné aux caprices des seuls quatre éléments : ce Golden Voyager, incarné par le danseur-contorsionniste Arthur Cadre, fascinant insecte d’or immatériel magnifié par la patte du costumier Kévin Germanier, découvre, épars sur les cinq continents, les cinq anneaux olympiques, qu’une armée d’hommes de Vitruve surgis du sol, tombés du ciel (des performeurs du parkour, du street show, du break dance, du cirque et les gymnastes de la Brigade de Sapeurs-Pompiers de Paris), et chorégraphiés par Kévin Vivès, va réunir à nouveau, dans l’esprit qui anima Pierre de Coubertin en 1894 quand il décida de réanimer la flamme allumée dès les premiers jeux à Olympie 28 siècles plus tôt. Les JO, alors synonymes de trêve dans le quotidien _ au moins, voilà _ déjà houleux des hommes et des femmes de la planète, ambitionnaient rien moins que d’ouvrir les âmes au sentiment du respect mutuel, base de l’entente entre les hommes. Le passage obligé de l’Hymne grec fait se lever des sables du Temps la Victoire de Samothrace. Thomas Jolly met aussi les spectateurs en scène, faisant de ces derniers la toile de fond en mouvement des fresques qui ornent les vases antiques au moyen de bracelets led. Malgré de superbes plans télévisuels vus du ciel, la caméra semble quelque peu débordée par la sombre beauté du moment, ignorant quasiment les volutes des toiles en folie s’agitant à la surface des continents.
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Cette performance esthétique gravit un cran à l’apparition d’un piano s’élevant à la verticale sous les doigts d’Alain Roche, vêtu pour le second instant classique de la soirée d’une longue houppelande noire tissée avec des bandes de cassettes VHS ! Le pianiste suisse accompagne Benjamin Bernheim, accouru de Salzbourg, deux jours avant la première des Contes d’Hoffmann mis en scène par Mariame Clément, pour faire découvrir à la planète entière l‘Hymne d’Apollon, le plus ancien de la Grèce Antique, daté du IIème siècle avant notre ère, et harmonisé au XIXème par Gabriel Fauré. Dès les premiers mots (Ô Muse de l’Hélicon), on fond à l’écoute _ mais pas assz sonore ! _ du style ardent et gracieux du ténor français que Jolly a mis en scène dans Roméo et Juliette : ce très prenant oasis intemporel, véritable instant suspendu, apporte au sidéral Records de Clément Mirguet l’émotion qui fait défaut au caractère mystico-tribal de sa partition.
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Une fois les anneaux olympiques réunis, la touche française de jadis, Debussy et Fauré, fait place à la French Touch d’aujourd’hui : Air (la BO de The Virgin Suicides), Kavinsky (le Nightcall de Drive avec une entrée remarquée d’Angèle), le rappeur cambodgien VannDa et le groupe Phoenix, quelque peu débordé par la ferveur envahissante des athlètes qui franchissent spontanément les limites du plateau avant d’être plusieurs fois rappelés à l’ordre.
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Parade poursuit son siège au forceps des cerveaux pour annoncer les allocutions vibrantes de Tony Estanguet « On voulait des images fortes… Paris est redevenu une fête… On s’est réveillé dans un pays de supporters déchaînés qui ne veulent plus s’arrêter de chanter… » et fortes de Thomas Bach : « Vous avez vécu ensemble en paix sous un même toit… vous vous êtes embrassés… vous vous êtes respectés malgré les guerres et les conflits qui déchirent vos pays… Vous avez créé une culture de la Paix… Les JO ne peuvent instaurer la Paix mais ils sont une œuvre de paix… Les premiers JO placés sous le signe d’une parfaite parité hommes/femmes… Ce furent des JO d’une nouvelle ère.»
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Entonné par la Maîtrise de Fontainebleau, l’Hymne Olympique composé par Spýros Samára sert de transition vers la dernière partie de la cérémonie : la maire de Paris, Anne Hidalgo, visiblement comblée, passe symboliquement le drapeau olympique à Karen Bass, maire de Los Angeles, où la flamme olympique se rallumera en 2028. Tandis que Her, étoile montante en son pays, fait retentir le Star Sprangled Banner, les projecteurs pivotent vers le sommet du Stade, où les attendait, en chair et en os, prophétisé par de dommageables divulgâchages, Tom Cruise soi-même, se lançant en rappel dans le vide ! Ironie du sort : tandis que le présentateur-télé évoque les missions impossibles qui ont fait la gloire de l’acteur-cascadeur américain, on assiste aux vaines manœuvres de ce dernier pour libérer le drapeau aux 51 étoiles prévu pour rendre plus flamboyante encore sa vertigineuse descente. Un aléa qui ne l’empêche pas de courir à travers la foule des athlètes dont il serre les mains, qu’il embrasse, d’investir la scène, de s’y emparer du drapeau olympique, de s’enfuir avec lui à moto à travers Paris, de monter avec son engin dans la soute d’un avion qui le conduit à Hollywood, de rouler à tombeau ouvert au sommet de la mythique colline où il peut enfin rajouter trois anneaux aux deux O qui dominaient déjà la célèbre cité du cinéma ! Une bande-annonce digne d’un blockbuster pour signifier que c’est bien sur la Côte Ouest des États-Unis que la flamme que Léon Marchand va éteindre se rallumera. Une Côte Ouest où, en attendant, dos au Pacifique, sur une scène beaucoup plus spartiate _ cheap… _ que le planisphère de Thomas Jolly, défilent quelques gloires de la scène musicale du moment : Red Hot Chili Peppers, Billie Eilish, Snopp Dog, Dr Dre.
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Retour au Stade de France pour un dernier mot français, et non des moindres. Après que l’on a annoncé que la fête allait continuer avec les tout prochains Jeux Paralympiques, voici que, partie du continent australien, s’avance en direction du continent américain, une dernière interprète, Yseult, aussi classieusement sanglée de noir que Céline Dion l’était de blanc au finale de la cérémonie d’ouverture. Avant d’être couronnée par le point final d’un feu d’artifice qui n’est pas sans donner au Stade de France des allures de gâteau d’anniversaire, avant un dernier Parade de Victor Le Masne pour la route, la chanteuse déroule sobrement la chanson que Jacques Revaux composa en 1967 pour Claude François, My Way. Un ultime, très parlant, et très émouvant symbole que de faire chanter cette chanson, par Yseult, chanteuse française qui, bien qu’adoubée aux Victoires de la Musique 2021, puis intronisée en Marraine de la Francophonie par Emmanuel Macron soi-même, avait préféré s’exiler en Belgique en raison du passé colonial français, avant de revenir à Paris. De l’ouverture à la clôture des Jeux Olympiques de Paris 2024, Thomas Jolly, décidément l’homme de la situation _ oui _, aura jusqu’au bout fait en sorte que son pays, la France, remporte la plus belle des médailles d’or : celle de l’universalisme.
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Crédits photographiques : photos 1 et 3 © Paris Olympics ; photo 2 Benjamin Bernheim @ Paris Olympics 2024 PA Media – Alamy
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Modifié le 14/08/2024 à 10h41
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Dont acte.
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Ce mercredi 14 août 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa
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