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La joie sauvage de l’incarnation : l' »être vrais ensemble » de Claude Lanzmann _ dans l »écartèlement entre la défiguration et la permanence », « là-haut jeter le harpon » ! (VII)

07sept

Alors, quelle fut la solution poïétique cinématographique d' »auteur » de Claude Lanzmann ?

d’œuvre en œuvre « se confirmant » et « s’engrossant«  _ cf l’usage de ces deux verbes à la page 243 du « Lièvre de Patagonie« …)

depuis l’affrontement à l’énigme de « Pourquoi Israël« 

jusqu’au projet non, à ce jour encore, réalisé de l’opus cinématographique « nord-coréen«  (= la « brève rencontre de Pyongyang » cette semaine _ et cette « folle journée » du dimanche de canotage sur le fleuve Taedong-gang, tout spécialement ! qui la clôt en apothéose ! _ de la fin août 1958…),

en passant par le « monument«  (le mot est de Simone de Beauvoir, page du « Lièvre de Patagonie« , page 271 : « Il s’agit d’un monument qui pendant des générations permettra aux hommes de comprendre un des moments les plus sinistres et les plus énigmatiques de leur histoire« ) de « Shoah«  ;

à propos duquel, « Shoah« , ce jour même, je peux lire dans l’édition papier du « Monde« , à la page 3 du cahier « Littérature » et sous la plume de Yannick Haenel (et Franck Nouchi le « rapportant » en son article) cette phrase importante-ci, que je détache :

« « Shoah » est un film à venir, écrit Yannick Haenel _ donc, rapporte Franck Nouchi _ dans « Jan Karski« , son dernier ouvrage : « on commence à peine à penser _ rien moins !!! en 2009 : plus de six décennies après la survenue de la « Chose«  ; et encore vingt-quatre plus tard que le film même qui la fait (un peu ; jamais complètement : c’est tellement impossible !) « comprendre«  dans la matérialité précise de ses « détails« , « rapportés«  au plus fidèle par la « reviviscence«  des « témoignages«  si précieusement alors « recueillis« , en cette aventure filmique de ce film, « Shoah« , si singulier lui-même, par Claude Lanzmann !.. _,

on commence à peine à penser _ tant cela paraît d’abord, et même ensuite, impensable ! sur « l’impensable« , cf page 83 du « Lièvre de Patagonie« , et à propos de la mort et du néant évoqués par un poème de Monny de Boully, dont quatre vers ont été choisis (« j’ai fait graver ce défi immortel sur la stèle qui surplombe la tombe de ma mère, au cimetière du Montparnasse« ), cette expression de Claude Lanzmann, page 83 : « sur la stèle, on peut donc lire aussi quatre vers d’un de ses poèmes _ de Monny, donc, le « Rimbaud serbe« _, déchirant poème sur la mort et le néant impensables, impensable pensée«  : c’est le cœur de l’énigme même à laquelle tout le « Lièvre de Patagonie«  ose, et en permanence, se confronter !..  _

on commence à peine à penser

ce qu’un tel film donne à entendre«  _ le mot est à prendre à la lettre, par ce qui se donne à recevoir, accueillir, via les oreilles et le cerveau, des « récits de parole«  des « témoignages » proférés par la voix, accompagnée de l’expression des visages ; et l’expression en son entier étant aussi « reprise » en chapeau pour donner son titre à l’article de Franck Nouchi sur l’événement (dans l’histoire de notre inculture-culture) que constitue aussi, de fait, ce livre de Yannick Haenel, « Jan Karski« , à propos de ce que, d’abord, surtout, a fait (« fin août«  1942, pour ses deux « venues dans le ghetto«  de Varsovie ; et quelques jours avant « le 11 septembre 1942« , « voir un camp d’extermination des Juifs« ) ; et de ce que, ensuite, a écrit (en 1944 : « écrire un livre était encore une manière de franchir la ligne : une façon nouvelle de transmettre le message, comme si je passais de la parole à un silence étrange _ un silence qui parle« , fait superbement « penser«  et dire Yannick Haenel à Jan Karski, page 142 de son livre) ; Jan Karski ;

avec, sur la même page du Monde de ce vendredi 4 septembre, encore, un très beau « commentaire » à propos du « mandat » de « témoin »

(« Une chose est certaine, la posture du témoin qui a été mienne dès mon premier voyage en Israël _ en 1952 _, et n’a cessé de se confirmer et s’engrosser au fil du temps et des œuvres _ voilà ! _, requérait que je sois à la fois dedans et dehors, comme si un inflexible mandat m’avait été assigné« , disait Claude Lanzmann aux pages 243-244 de son « Lièvre« …),

sous la plume toujours infiniment sensible et justissime _ cf son plus qu’indispensable « « Qui si je criais… ? » _ Œuvres-témoignages dans les tourmentes du XXe siècle« , paru aux Éditions Laurence Teper en 2007 _ de Claude Mouchard ;

et pas seulement du « mandat de témoin » de Claude Lanzmann lui-même : en tant qu’« accoucheur«  (et « passeur« , aussi, transmetteur à bien d’autres, via ses propres œuvres : de cinéma de « reviviscence » des « témoignages« , précisément) ; en tant qu’« accoucheur« , donc, de « témoignages«  (des victimes, des bourreaux, des témoins plus ou moins extérieurs, ou passifs ou complices, volens nolens : « il s’agissait d’un film, j’étais à la recherche de personnages » s’exprimant eux-mêmes en personne en direct, en quelque sorte, à l’écran ; et pas de documents d’archives, page 432) ;

c’est à propos du travail, aujourd’hui, d’écrivains, tels que Yannick Haenel pour ce « Jan Karski« , ou Bruno Tessarech, pour « Les Sentinelles » ;

je lis ce qu’énonce le grand Claude Mouchard :

« ces deux romanciers nés après guerre, se retournent _ littérairement : à la recherche d’une « ré-incarnation« , pourrait-on dire… : par le souffle du style ! _ sur cette période qu’ils n’ont pas vécue en s’efforçant d’allier _ conjuguer, fondre… _ à leur écriture de « fiction » la connaissance précise _ historiographique _ des événements et si possible (mais là il arrive que les choses se gâtent), une charge de pensée. C’est la preuve qu’une transmission des témoignages s’opère ou se cherche _ aussi et spécifiquement _ en littérature _ en effet ! Cette exigence de transmettre _ oui _ est d’ailleurs d’emblée présente chez Haenel puisque, dans la première partie du livre _ « Jan Karski«  : pages 13 à 34… _, nous découvrons Karski par le regard du romancier, qui lui-même le découvre dans « Shoah« , de Claude Lanzmann _ avant de le « découvrir«  encore, en une seconde partie, pages 35 à 113, en tant que « témoignant directement« , en « auteur«  de son livre, en 1944 (paru sous le titre, en anglais, de « Story of a Secret State » ; le livre est traduit en français en 1948 : « Histoire d’un État secret » _ celui du gouvernement clandestin polonais en exil, à Paris, puis à Londres (ainsi que de son bras armé de la Résistance sur place, dans la Pologne occupée par les nazis et par les soviétiques !) _ ; et re-publié en 2004 sous le titre, cette fois, de « Mon témoignage devant le monde _ histoire d’un secret« , aux Éditions Point de Mire ; son tirage est épuisé… ; avec une nuance  d’importance toutefois : de 1948 à 2004, le « secret«  passe de la clandestinité de l’État polonais au mutisme mal assumé des États alliés à propos de l’Extermination alors en cours des Juifs d’Europe…). Le lecteur devient donc lui-même une manière de témoin _ à son tour ! s’il est, montaniennement surtout, « de bonne foi » ; sinon, « qu’il quitte » de tels « livres » !!! _, qui reçoit ce que l’auteur (Haenel), devenu transitoirement témoin d’une œuvre _ et le film de Claude Lanzmann, en 1985, et le livre de Jan Karski, en 1944 _, lui confie du témoignage _ par deux fois, en le film de Lanzmann (en 1977), et en son propre livre (en 1944) _ d’un autre (Karski), le témoin _ direct, lui _ des faits«  :

« on est fin août«  1942, page 90, du « Jan Karski » ; « il est allé deux fois dans le ghetto«  de Varsovie (la seconde étant « le jour suivant » le premier : en pénétrant par le « même immeuble, même chemin« ), page 32 ; « une maison de la rue Muranowska dont la porte d’entrée donne à l’extérieur du ghetto, et dont la cave mène à l’intérieur« , page 96 ; ou plutôt « il revient deux jours plus tard« , page 99 ;

et « quelques jours après sa seconde visite au ghetto de Varsovie, le chef du Bund, qui lui a servi de guide, propose à Jan Karski de « voir un camp d’extermination des Juifs« , page 101 : plutôt que du camp de Belzec lui-même, « il s’agirait _ avance Yannick Haenel _ du camp d’Izbica Lubelska« , page 101 (cf les pages 101 à 105 du livre de Haenel : terribles !) _ ;

et qui tragiquement échoue, ce Jan Karski de l’Histoire, à faire « reconnaître«  et « interrompre«  : par des interventions ciblées _ par exemple autour d’Auschwitz _ ces « faits« -là, par Roosevelt ou Churchill… _

Le lecteur devient donc lui-même une manière de témoin, qui reçoit ce que l’auteur (Haenel), devenu transitoirement témoin d’une œuvre, lui confie du témoignage d’un autre (Karski), 

le témoin

des faits _ eux-mêmes. Un témoin qui a d’ailleurs, historiquement, un statut particulier. Qu’il s’agisse de la Shoah, du goulag, ou du génocide cambodgien, nombre de témoignages émanent des victimes. Karski, lui, n’était pas juif. Polonais catholique et résistant, ce n’est pas en victime, mais en bystander (même s’il refuse de rester _ seulement _ dans cette position « à côté ») qu’il témoigne de ce qu’il a vu dans le ghetto de Varsovie et dans un camp _ en avant de celui de Belzec. C’est donc un « témoin-messager ». Ils ne furent pas nombreux dans ce cas« 

Fin de l’incise sur le commentaire si juste de Claude Mouchard ;

et je termine maintenant ma (toute première) phrase :

Alors, quelle fut la solution poïétique cinématographique de Claude Lanzmann ?

solution d’œuvre en œuvre « se confirmant » et « s’engrossant« ,

depuis l’affrontement à l’énigme, d’abord, de « Pourquoi Israël » (1973 _ le titre le dit lui-même !.. affirmativement !) en en proposant, en trois heures et quart de film de « témoignages« , pas moins, une première réponse, un premier éclairage,

jusqu’au projet non, à ce jour encore du moins, réalisé de l’opus cinématographique « nord-coréen«  (= la « brève rencontre de Pyongyang » cette semaine _ et cette « folle journée«  _ de la fin août 1958…),

en passant par le « monument » de « Shoah » (1985 _ de neuf heures et dix minutes rien que de « témoignages« , encore…) ;

ainsi que « Tsahal » (1994 _ de quatre heures et cinquante minutes) ;

« Un Vivant qui passe » (1997 _ une heure et cinq minutes) ;

et « Sobibor, 14 octobre 1943, 16 heures » (2001 _ une heure et trente cinq minutes)

quelle fut la solution poïétique cinématographique de Claude Lanzmann

au « mystère » découvert peu à peu par lui ;

et qui,

« vérifié » « dans le désespoir, pendant la réalisation de « Shoah« , lorsque je fus _ pleinement _ confronté aux paysages de l’extermination

_ tout d’abord (au village de Treblinka, à partir de la page 492 (« le détonateur manquait. Treblinka fut la mise à feu« ) du « Lièvre«  _

en Pologne« 

(« confrontation« 

_ cette « confrontation entre la persévérance dans l’être de ce village maudit, têtue comme les millénaires, entre la plate réalité d’aujourd’hui et sa signification effrayante dans la mémoire des hommes«  qui « ne pouvait être qu »explosive« , page 492 _

qui fut en effet « alors » _ en février 1978 _, pour lui, Claude, « un bouleversement inouï, une véritable déflagration ; la source de tout« , même !., page 169 : Claude Lanzmann le détaille magnifiquement au chapitre XX, aux pages 490 à 498),

quelle fut alors la solution poïétique cinématographique de Claude Lanzmann

au « mystère » découvert peu à peu par lui ;

et

qui

« se déclara » à lui, sans doute tout d’abord, en constatant, rétrospectivement, un jour

_ non précisé dans le livre, autour des deux pages 169 et 170 ;

et « constat«  qui fait, probablement, pleinement partie intégrante du « travail de deuil«  se poursuivant toujours, toujours, en Claude (« les novembre ne me valent rien, c’est le mois de la mort d’Évelyne« , page 189) de la perte de sa sœur Évelyne, par suicide, le 18 novembre 1966 _,

en constatant, rétrospectivement, un jour

la disparition du café « Royal »

(« un café très animé de Saint-Germain-des-Prés _ un vrai bistrot avec un grand comptoir courbe, de hauts tabourets rouges et une large arrière-salle _ situé juste en face des Deux-Magots, au coin de la rue de Rennes et du boulevard Saint-Germain« , page 169 _ je m’ y suis rendu ce samedi 5 septembre ! à la place du Royal, une boutique Armani…)

où s’était passé, « en un éclair« , page 170, une scène cruciale (avec la survenue improbable et inattendue _ et très malencontreuse pour Évelyne et son mari, Serge Rezvani… _ de Gilles Deleuze) pour le destin de sa sœur Évelyne, suicidée, dans certaines (longues, souterraines, certes) « suites » (plus de seize ans plus tard) de « cela«  _ = cet « éclair« -là, entre ces paires d’yeux-là, en ce lieu-ci… _, le 18 novembre 1966…

Alors quelle fut la solution poïétique cinématographique de Claude Lanzmann

au « mystère » découvert peu à peu par lui

du « combat » _ voilà le cœur de l’obsédant « mystère » ! _, de l' »écartèlement entre la défiguration et la permanence » ?..

des lieux _ à Paris, à Berlin, à Pékin et Shanghaï ; ou Pyongyang !!! _ ;

ainsi, peut-être aussi que le « combat«  et l' »écartèlement entre la défiguration et la permanence«  des personnes elles-mêmes qui y sont passées (et, certaines d’entre elles, au moins, ne sont plus ; sinon, pour et par nous, par le souffle vibrant de la mémoire en travail ; et son « imageance » ; versus les forces d’annihilation, et concertées ou pas, de l’oubli…) ?..


Car « permanence et défiguration des lieux

sont la scansion du temps de nos vies« , toujours page 169 :

« dans le temps« , conclut Proust sa « Recherche« 

Et « ce combat, cet écartèlement entre la défiguration et la permanence« 

sont bien « la source de tout«  (page 169, toujours)

de tout l’œuvre lanzmannien ;

à commencer par la « quête » (de « vérité » et « pour l’éternité«  !) cinématographique (via l’obtention et l’« incarnation«  des « témoignages« ) de Claude Lanzmann cinéaste ;

à laquelle s’ajoute, peut-être,

sur un mode de « compensation« ,

ou pas (c’est à considérer !),

à l’arrêt _ provisoire ou définitif ? qui le sait ? depuis le « Sobibor, 14 octobre 1943, 16 heures«  paru sur les écrans en 2001… _ de ses tournages,

à laquelle s’ajoute, peut-être, dis-je,

la « dictée«  de ce « Lièvre de Patagonie« -ci à Juliette Simont et Sarah Streliski :

quand la voix « dicte«  (et le livre « recueille ») ce que la caméra et le micro ne captent pas (ou plus !?!) sur la bande unique, en anneau de Moebius, du film de cinéma…

Nous allons bien voir…

Avec cette remarque d’apparence d’abord assez anodine que voici, pages 169-170 :

« Saint-Germain-des-Prés ou le Quartier latin ne sont certes pas des hauts lieux de massacre _ tels Treblinka, Sobibor, Belzec, Majdanek, Chelmno ou Auschwitz-Birkenau _ : que le Royal, la librairie Le Divan, au coin de la rue Bonaparte, à l’autre bout de la place, ou encore, Boulevard Saint-Michel, les Presses universitaires de France, théâtre de mes larcins _ d’étudiant, l’année de « frasques » 1946… cf tout le chapitre VIII _ aient dû, avec tant d’autres, céder _ voilà la « défiguration » !.. _ à la pandémie de la mode, est simplement triste » _ et significatif de la « croissance » rampante rapide du « nihilisme« _ ;

mais donnant lieu à la conclusion majeure qui la suit immédiatement, page 170 :

« Davantage, peut-être :

vivants, nous ne reconnaissons plus _ à mesure que, peu à peu, et d’abord assez insensiblement, du temps passe _ les lieux de nos vies ;

et éprouvons _ parfois, à l’occasion, alors un peu brutale, et nous surprenant... _ que nous ne sommes plus

les contemporains de notre propre présent« , page 170 du « Lièvre« , donc :

celui-ci, « notre propre présent« , nous filant, hors de perception, entre les doigts et nous échappant, insaisi,

ayant cessé, assez surprenamment, lui comme nous-même, d’« être vrais ensemble« 

Quelque chose de notre « co-présence » (et « con-temporanéité«  ! donc…)

est-il, ou pas, cependant,

de quelque façon, ou pas,

« rattrapable«  ?..

Voilà, en tout cas, la question (ou l' »opacité« ) à propos de ce « mystère » de l' »écartèlement » entre « permanence » et « défiguration » se combattant sans cesse

(et des degrés possibles d’une élucidation éventuelle de celui-ci)

qu’il me plairait _ sans la défigurer ; ou la détruire… _ d’éclairer un peu ici,

en conclusion enfin (et synthèse de l’esthétique d' »auteur » de cinéma de Claude Lanzmann),

de ma lecture de cet immense, on ne le dira jamais assez, « Lièvre de Patagonie » ;

et de ce « feuilleton de l’été » de ce blog…

Indépendamment de la configuration (« défiguration » versus « permanence« , donc) de ce carrefour parisien de Saint-Germain-des-Prés (baptisé « Carrefour Jean-Paul Sartre-Simone de Beauvoir« , qui plus est !),

et à côté des expériences foudroyantes, elles, des lieux de l’extermination industrielle des Juifs d’Europe sur le territoire de l’actuelle Pologne,

et à côté, aussi, des cas rapidement évoqués de Pékin et Shanghaï

(par où Claude Lanzmann est passé lors de ses deux voyages en Chine, en 1958 et en 2004 ; cf ses remarques des pages 328-329 :

à Shanghaï : « presque cinquante ans après, la métamorphose de la Chine me sauta _ presque « lièvrement«  _ au visage ; m’enthousiasma _ cf aussi le « Les Transformations silencieuses » et « La Propension des choses«  de mon ami François Jullien… _ ; je n’en dirai rien, sauf ceci : à Shanghaï, j’ai pris un bateau qui descendait le Huangpu jusqu’à sa confluence avec le Yangzi Jiang, où les deux fleuves deviennent une mer sans rivages. Pendant les trois heures de la navigation, on éprouve physiquement la puissance de la Chine, la conscience qu’elle a de cette puissance et sa façon orgueilleuse de le montrer« , page 328 ;

et à Pékin : « Pékin : ses dix périphériques ; ses gratte-ciel qui s’édifient à grande allure, changeant en quelques semaines le paysage urbain au point que les Pékinois eux-mêmes semblent dépaysés _ cf du même François Jullien « Dépayser la pensée«  _ dans leur propre ville devenue épicentre de la mondialisation _ lire aussi le très riche et passionnant « Mégapolis » de Régine Robin ; et mes deux articles sur ce travail en ce blog-ci… _ ; l’éblouissement absolu de la Cité interdite et du temple du ciel enfin offerts à tous ; Pékin le jour ; Pékin la nuit, avec ses restaurants, ses bars, ses prostituées mongoles à forte stature et terrassante beauté« , page 329…) ;

c’est la comparaison des deux cas de Berlin et Pyongyang

qui me semble la plus, et de manière assez éblouissante, parlante :

Pyongyang, elle, est la ville de l’impossible métamorphose d’un peuple tout entier « essoufflé » _ et pas que par le tabac ! _ dans un temps (totalement !) figé qui ne sait rien construire, tout en détruisant beaucoup, dans son temps (étatique) doublement immobilisé :

« La Corée du Nord a arrêté le temps deux fois au moins : en 1955, à la fin de le guerre ; et en 1994, à la mort de Kim-Il-sung« , page 335… Et « Un demi-siècle de mobilisation _ paralysante ! _, un demi-siècle sans tirer un coup de feu, cela ne peut être et se poursuivre sans un très puissant dérivatif : le tabac. Malgré défilés, pas de l’oie et rodomontades, l’armée coréenne est à bout de souffle. Cela se vérifie d’ailleurs à la faible amplitude de l’élévation, chez eux, du mollet tendu ; dérisoire si on le compare au jeté nazi du même pas de l’oie, grimpant haut, à la perpendiculaire du bassin« , page 337.


Les solutions cinématographiques pour « donner à voir«  (page 341)

« de la façon la plus saisissante, tout ce que j’ai narré plus haut _ pages 331 à 341 ; cf aussi mon propre précédent article de cette série _ sur la ville _ de Pyongyang _, le vide, la monumentalisation, la mobilisation permanente, le tabac et l’essoufflement généralisé, la faim, la terreur, la suspension du temps pendant cinquante ans ; montrant que tout a changé ; rien n’a changé ; tout a empiré. Et, sur des plans du Pyongyang contemporain, une voix off, la mienne aujourd’hui, sans un acteur, sans une actrice, sans reconstitution, eût raconté _ sur la bande-son de ce film « à venir«  _, comme je l’ai fait _ en le récit « parlé«  qu’a recueilli, via les doigts, sur le clavier de l’ordinateur, de Juliette Simont et de Sarah Streliski, la page du livre, cette fois _ dans le chapitre précédent, la « brève rencontre » de Claude Lanzmann et Kim Kum-sun. Il s’agirait d’un très minutieux et sensible travail _ de « construction«  riche et complexe, de « vérité » : sans trucages ni artifices séducteurs, mensongers _ sur l’image et la parole, le silence et les mots, leur distribution _ « scandée« , avec les « trous«  du souffle… _ dans le film, les points d’insertion

_ ultra-sensibles ! la « rencontre » (du souvenir énoncé par la voix du passé, éloigné mais revisité par le récit mémoriel, et des images fortes, en un autre sens, du présent des lieux, vides de la présence recherchée à re-trouver, re-rencontrer, de la ville…) trouvant à miraculeusement s’y « incarner«  _

Il s’agirait d’un très minutieux et sensible travail sur l’image et la parole, le silence et les mots, leur distribution dans le film,

les points d’insertion, donc,

je reprends cette phrase décisive de Claude Lanzmann, page 342,

du récit du passé _ par la voix off qui se souvient ! au présent de sa vibration ! _  dans la présence _ à l’image : de ce qui se donne à percevoir visuellement dans l’aujourd’hui _ de la ville _ dont l’« opacité«  effarante du « vide » se perce alors et ainsi _ ; discordance et concordance _ luttant avec acharnement entre elles : un « combat » et un « écartèlement » permanent de ce qui se refuse et se laisse pourtant appréhender (mais seulement à qui « cherche«  à « vraiment«  voir et à « vraiment«  entendre _ comme amoureusement : il n’y a que l’amour vrai à ne pas être aveugle ! _ si peu que ce soit, à contresens des « faux-semblants«  !) en « ressuscitant » du fait de ce que vient dire la voix vive du « témoin » qui se souvient, en une « vision » (ou « voyance« , page 285 _ ou même « imageance« , pour reprendre le concept-clé de ma lecture de l’« Homo spectator » de Marie-José Mondzain) hyper-hallucinée autant que très précise ! _ qui culmineraient en une temporalité unique _ un ruban de Moebius _, où la parole se dévoile comme image et l’image comme parole« 

Les solutions cinématographiques pour « donner à voir«  (page 341)

« de la façon la plus saisissante, tout ce que j’ai narré plus haut sur la ville » _ de Pyongyang aujourd’hui _ et la « brève rencontre » avec Kim Kum-sun en 1958

sont passionnantes !

Et, par contraste, en positif, cette fois, Berlin !

« J’aimais _ en 1947-4849 ; page 207 _, j’aime toujours Berlin ; et je n’en aurais jamais fini avec l’énigme _ voilà le passionnant de l’inépuisable singularité des « énigmes » : de villes, comme de personnes (telles que la mère de Claude, Pauline-Paulette Grobermann-Lanzmann-de Boully ; ou sa seconde épouse, berlinoise rencontrée à Jérusalem, Angelika Schrobsdorff)…  _ que l’ex-capitale du Reich, capitale aujourd’hui _ = l’« aujourd’hui«  de l’écriture de ce « Lièvre de Patagonie«  _ de l’Allemagne réunifiée, représente _ encore, toujours _ pour moi. Je peux passer des heures au Paris Bar ou au Café Einstein _ toujours ces merveilleux lieux de rencontres possibles (des autres), et d’une convivialité possible des différences et singularités, que sont les cafés de l’Europe… _, où inlassablement je confronte _ voilà : en « imageance«  ; et victorieusement : dans la joie… _ le spectacle de ces couples de jeunes Allemands, avenants, libres, sérieux, à toutes _ et combien diverses ! riches de leur vivante complexité !.. _ les images de ma mémoire ancienne.

Depuis 1948, je suis revenu bien des fois à Berlin, mais quelques années après la chute du Mur, au cours d’une croisière sur la Spree, la rivière de la ville, j’avais été saisi _ très positivement _ par l’architecture du nouveau Berlin, légère, aérienne, inventive _ voilà ce qui doit être, au meilleur du « génie » humain ! _ ; qui défiait _ avec l’« esprit«  incisif, créatif et joyeux, au-delà ses ironies mordantes, d’un Brecht ! _ le Berlin en ruines que j’avais connu autrefois ; et sa première reconstruction dont j’avais été _ alors, cet après-guerre _ le témoin ; comme si l’Histoire imposait à cette métropole un recommencement _ affirmatif, vivace : de « lièvre » ironique joyeux en son « bondissement«  _ perpétuel.

Bien plus tôt, dès 1989, j’avais découvert le Bauhaus-Archiv, le long du Landwehrkanal dans lequel fut jeté le corps de Rosa Luxemburg après son assassinat

(mon ami Marc Sagnol, grand chasseur de traces juives en Allemagne, en Europe de l’Est, en Russie, en Ukraine, ou en Moldavie, a été le premier à me montrer l’endroit où flottait entre deux eaux son cadavre ; je m’y rends maintenant, sans en saisir tout la raison, à chacun de mes séjours ; c’est comme une obligation intérieure à laquelle je ne puis me soustraire _ comme on le oit même les parenthèses de Claude Lanzmann sont essentielles, capitales ! _),

et d’autres lieux non construits, de vastes espaces abandonnés au cœur de Berlin de part et d’autre du tracé du Mur.

J’étais allé à maintes reprises à Berlin-Est pendant les interminables années de la guerre froide, avec un laissez-passer, mais je n’avais jamais vu ces endroits-là, car, jouxtant le Mur, ils étaient interdits.

Or ces lieux vagues et vides étaient précisément _ c’est ce dont je prenais conscience _ ceux de l’institution nazie. Si je les avais vus avant de réaliser « Shoah », je n’aurais sûrement pas été capable de les lire et de les décrypter _ il y faut l’apprentissage d’une culture « incarnée » on ne peut plus personnellement… A cause de « Shoah », mon regard était devenu perçant et sensible _ l’« expérience«  (afin de bien mieux « percevoir«  : ressentir et comprendre tout à la fois) se formant et se forgeant dans le mûrissement même de ce que vient mettre à notre portée et nous offrir du temps.

Le nom de la Prinz-Albrecht-Strasse me parlait _ désormais ! _ ; c’était là et dans les environs immédiats que se trouvaient les édifices de la terreur nazie, le Reichssicherheitshauptamt, le Auswärtiges Amt, la Gestapo : le centre du totalitarisme hitlérien.

Dans un de ces terrains vagues, si on descendait quelques marches, on accédait à une petite exposition souterraine, une enfilade de quelques salles, pas grandes du tout, avec des photographies ; certaines connues, d’autres moins ; légendées de textes sobres et forts _ cf mon article à propos . Le lieu était nommé « topographie de la terreur ». Je m’étais demandé quels Allemands avaient eu l’idée de cela ; et j’éprouvais pour eux, sans les connaître, une sympathie vive. Le passé revivait _ voilà : les « légendes«  « sobres et fortes«  ajoutant pas mal de choses aussi aux « images«  des photos… cf mon article du 14 avril 2009 à propos du passionnant travail de légendage du « Kriegsfibel » de Bertolt Brecht, in « Quand les images prennent position _ L’Œil de l’Histoire, 1 » de Georges Didi-Huberman _

Le passé revivait

par ces quelques salles ouvertes dans ce no man’s land que personne _ de si peu que ce soit « autorisé« , « académique« _ ne revendiquait ; où tout semblait possible _ facteur fondamental de l’« imageance«  de l’« Homo spectator« , comme du « génie«  créatif (pardon du pléonasme !) de l’artiste « auteur« ….

Je compris alors que Berlin était une ville sans pareille ; car on pouvait à travers ce paysage urbain déchiffrer tout le passé
_ passablement tourneboulé ! _ de notre temps ; appréhender _ de façon « saisissante » !.. _, comme dans des coupes géologiques, ses différentes _ comme superposées ; et, ainsi conservées, nous demeurant splendidement co-présentes _  strates _ le Berlin impérial, le Berlin wilhelminien, le Berlin nazi, le Berlin allié, le Berlin rouge, communiste _ qui coexistent, se conjuguent, se fondent en quelque chose _ un richissime ruban de Moebius _ d’unique pour l’Histoire du XXème siècle.

Pour moi, il y avait là une sorte de miracle mémoriel _ l’opposé de l’éradication-annihilation par le vide de Pyongyang, par conséquent _, un fragile miracle qu’il fallait préserver à tout prix. Je pensais que si les concepteurs et les architectes du nouveau Berlin voulaient assumer leurs responsabilités devant l’Histoire, ils ne devaient pas toucher à cela ; mais garder au contraire un vide _ respirant ! _ au cœur de la ville : ce trou, que, par devers moi, j’appelais « trou _ actif ! _ de mémoire ». Je me souviens avoir discouru là-dessus au cours d’un colloque, sans aucun espoir, car les promoteurs immobiliers ont le dernier mot ; et le plein l’emporte toujours _ sur le vide et l’élan (respiratoire, voire dansé !) de la remémoration de la personne singulière ; portée par ses « ailes du désir«  en quelque sorte… Mon « trou » rêvé n’existe plus aujourd’hui : c’est la nouvelle Postdamer Platz, avec son architecture futuriste, souvent admirable.

En vérité j’ai aimé Berlin dès la première année _ de séjour là-bas, en 1947 ou 48… _ ; j’avais surmonté ma peur de l’Est. L’effondrement du IIIe Reich, la capitulation avaient généré chez les Berlinois une sorte de liberté _ du « génie«  effectif, à l’œuvre (poïétique) : à la Kant… _ débridée et sauvage, alliée à une discipline et un courage inouïs« , pages 207 à 209 :

ce passage en forme d’« Ode à Berlin«  est particulièrement magnifique…

C’est le rythme de la scansion qui compte, l’élan et l’effectivité du souffle qui passe par les interstices et les espaces troués entre les strates, pour un sujet vivant qui se souvient et parle (et « crée«  aussi ainsi !) enfin,

amoureusement…

Voilà ce « souffle » qui « passe » dans la construction et le montage inspiré des divers « témoignages » des personnes, par les moindres inflexions de leur voix comme par les rumeurs de leur visage,

dans l’art de « vérité » du cinéma (de l’« être vrais ensemble« ) de Claude Lanzmann,

en tous et en chacun de ses opus…

Et voilà aussi pourquoi j’ose encore espérer la « réalisation » filmique de cet impossible opus « nord-coréen » de la « brève rencontre » à Pyongyang en 1958,

avec le chant de sa voix off sur l’« assise » d’images du vide de la ville monumentalisée d’aujourd’hui !…

D’où ce sublime hommage, évoqué page 83,

« défi immortel sur la stèle qui surplombe la tombe de ma mère, au cimetière du Montparnasse«  ;

ces « quatre vers _ gravés sur le marbre de la stèle pour l’« éternité » de la « présence » des disparus qui juste en contrebas reposent _ d’un des poèmes » de Monny de Boully ;

« déchirant poème sur la mort et le néant impensables ;

impensable pensée :

   « Passé, présent, avenir, où êtes-vous passés

     Ici n’est nulle part

     Là-haut jeter le harpon

     Là-haut parmi les astres monotones » »

Quel sublime « immortel défi«  ! que celui de la « présentification » à jamais

de qui « éternellement » on aime…

Titus Curiosus, ce 7 septembre 2006

Le « ce qui fait vivre » Antonio Lobo Antunes

28mai

A propos d’un des plus grands écrivains contemporains (en activité, à Lisbonne

_ et que nous connaissons personnellement : ils nous a reçus deux heures durant, en son atelier d’écriture de la Rua Gonçalves Crespo, à Lisbonne, il y a cinq ans, le jeudi 19 février 2004 (comme l’a « retenu«  mon agenda) _,

António Lobo Antunes,

quelques nouvelles de son œuvre (en cours) et de sa vie (fragile : dont, aux derniers récents « épisodes« , les « épreuves » et du deuil, et du cancer),

à partir d’une visite à Madrid pour « rencontrer » ses lecteurs (en langue castillane :

un public d’importance

qui vient de lui valoir le « Prix » « Juan Rulfo » de la « Feria Internacional del Libro » de Guadalajara, au Mexique)…

« El arte puede vencer a la muerte« 

ENTREVISTA: ANTÓNIO LOBO ANTUNES Escritor

MIGUEL ÁNGEL VILLENA – Madrid – 28/05/2009

António Lobo Antunes (Lisboa, 1942) se recuperó hace un par de años de un cáncer _ dont acte ! _ y, para alegría de sus lectores, ha publicado después « Mi nombre es Legión » (Mondadori), una novela sobre personajes marginales en una Lisboa periférica _ comme souvent en son œuvre ; lui même est natif du quartier (excentré) de Benfica _ con un policía como hilo conductor. « Sentía vergüenza« , manifestó ayer en Madrid, « cuando me recuperaba de la enfermedad en el hospital porque yo iba a seguir viviendo _ survivre ! _ y otra gente, más joven, iba a morir. Pensé durante mi tratamiento _ médecin, il continue de très régulièrement (voire obsessionnellement) fréquenter, voire pour y passer des heures à écrire, au calme, l’Hôpital Miguel Bombarda… _ que en honor a esa gente hay que dejar testimonio del paso del tiempo y de la vida _ l’expresssion, magnifique, justifiant à elle seule l’article !.. : « laisser témoignage du passage du temps et de la vie«  Un anciano me dijo en el hospital que no estamos preparados para morir, sino para vivir. Es verdad, lo suscribo. Por ello creo que la literatura es la única manera de vencer al tiempo, sólo el arte puede vencer a la muerte » _ soit « témoigner » de ce « passage » (par le temps) comme la « seule » « manière » de « victoire » accessible… António Lobo Antunes est fondamentalement un « lutteur » généreux ; lui aussi…

Con esa actitud de « las cartas boca arriba » que proporciona haber superado un trance grave, Lobo Antunes compareció ayer ante los periodistas y mantendrá hoy un coloquio con sus lectores en Casa de América tras haber obtenido el premio Fil de literatura en lenguas romances _ le prix « Juan Rulfo« , plus précisément… _ que concede la Feria del Libro de la mexicana Guadalajara. Escéptico _ lui qui n’a pas obtenu le « Nobel » de Littérature de Stockholm (qu’obtint en 1998 José Saramago, dont l’épouse est suédoise) _ sobre las distinciones _ « que ni mejoran ni empeoran _ certes ! ce n’est pas là la vraie gloire : celle que reconnaît un peu mieux la postérité : et c’est pour cela qu’Antonio Lobo Antunes ne se résout pas encore à « décrocher » de sa tâche à l’écritoire !.. Immense merci à lui !!!  _ la obra literaria«  _ uno de los autores europeos vivos más importantes _ et ce n’est pas encore assez dire ! _, traducido a muchos idiomas, desmitificó sin piedad a los escritores. « La literatura representa un mundo« , comentó, « plagado _ lui aussi : il n’y échappe pas… _ de competencia y de envidias. Los escritores deberían ser como los tigres que no se devoran entre ellos. Pero no ocurre así _ en notre « humanité » avec des « petitesses » ; pas en permanence à hauteur du « sublime«  Antes de dedicarme _ le mot est important pour ce très grand bourgeois lisboète avec racines aristocratiques : le titre de « vicomte«  appartenait à son grand-père paternel _ a la literatura _ voilà … _, los escritores me parecían gente muy fascinante ; y luego sufrí una cierta desilusión _ certes, mais est-ce très important ? Cf in mon article du 20 avril 2009, « Un modèle de “leçon de musique”, à l’occasion de la mort de Maria Curcio, “pianiste italo-brésilienne”, à Cernache do Bonjardim (Portugal)« , le mot de Maria Curcio, décédée le 30 mars : Vous ne pouvez pas être l’ami de tous les grands artistes, parce que tous les grands artistes ne sont pas de grands humains Además, en algunas épocas todo este ambiente de premios, traducciones y contratos por libros que no has _ pas encore _ escrito hizo _ il en parle au passé ; et au passé révolu… _ que me sintiera como un Julio Iglesias de las letras » _ vive l’humour !..

Hasta tal punto este irónico, descreído y brillante _ certes ! _ Lobo Antunes ha puesto las cartas boca arriba después de su enfermedad que se permitió comentar a los periodistas: « Ustedes pregunten lo que quieran que yo contestaré lo que me parezca« . No para de filosofar sobre la vida y la literatura _ indistinctement liées, certes ; une affaire de « grand style » !.. _ este hijo de familia de abogados y médicos, psiquiatra de formación, que fue oficial en la guerra colonial en Angola _ cf sa trilogie « de départ d’écriture » : « Mémoire d’éléphant« , en 1979 ; « Le Cul de Judas« , en 1979 ; et « Connaissance de l’enfer » en 1980 ; ainsi que ses « Lettres de la guerre » (d’Angola : à son épouse, Maria-José ; parues en 2005)… _  y que sostiene que nunca ha escrito sobre aquella terrible experiencia « por respeto a los muertos« . Y en conversación con este diario Lobo Antunes explica, a propósito de su novela « Mi nombre es Legión« , que « las fronteras entre el bien y el mal siempre aparecen muy difusas« . « En la guerra estás matando porque te entrenan para eso y, un rato después, estás salvando vidas _ surtout en tant que médecin militaire… Es cierto además que en las situaciones límite encontramos la parte más sublime _ voilà ce à hauteur de quoi (!) essaie de se tenir en l’écriture ce formidable écrivain ! _ y la más despreciable _ et abjecte _ de las personas« .

Tras anunciar que escribirá más libros, pese a haber anunciado en alguna ocasión que se cortaba la coleta _ ou comment cesser d’écrire (et « finir en beauté« …) tant qu’il ya en soi des forces de la vie… _, Lobo Antunes sentencia que cada novela es un organismo vivo que el autor debe manejar _ absolument ! Michel Leiris, dans sa grande préface à « L’Âge d’homme« , parle de l’épreuve permanente, à chaque fois (à chaque œuvre !) de la « corne du taureau«  En « Mi nombre es Legión« , aclara, « el policía protagonista se convierte en una especie de escritor que lucha con el material que tiene y que, en este caso, son personajes solos y desarraigados en un ambiente de emigrantes africanos. Son gentes que sólo saben expresarse _ ils ne sont pas écrivains ! _ a través de la violencia porque no pertenecen ya a una África que han perdido ni a una Europa que no las acepta« . En una Lisboa de desarraigados _ comme le plus souvent en son œuvre ; mais dans des quartiers très divers : Lisbonne est très vaste ; et toujours en expansion… _, Lobo Antunes ilustra la reflexión moral entre el bien y el mal con una anécdota escalofriante. « Vivo en un barrio _ du côté de Madre de Deus et de l’Alto de São João ? _ donde acuden travestis y veo, en ocasiones, que llegan clientes en buenos coches con sillitas de bebés en los asientos traseros. Es decir, esos clientes de la prostitución _ un commerce assez actif à l’heure de la prolifération de la pornographie dans les mœurs _ son honrados padres de familia de día y sórdidos demandantes de que los penetren con los tacones por las noches« .

Vitalista _ oui ! _ y amante de los placeres _ certes : c’est un grand jouisseur _, fumador y buen comedor, admirador de las mujeres atractivas _ en effet, et nous l’avons de visu bien « constaté«  (!) quand nous sommes allés lui rendre visite, en son atelier d’écriture, Rua Gonçalves Crespo, à Lisbonne, ce 19 février 2004 _, Lobo Antunes se siente en España como en casa, aunque añora las gaviotas y el mar de Lisboa _ comme cela se comprend ! Lisbonne fait partie des lieux les plus « magiques«  au monde ! « Toda la península Ibérica debería ser una federación« , proclama uno de los escritores portugueses más seguidos en España. Declara que mantiene una vida aislada _ oui : centrée sur la folie festive de l’écriture ! et quel régal, ensuite, pour nous, de le lire !!! _ y frecuenta poco los actos sociales _ comme il a raison ! _, aunque editoriales, universidades y centros culturales lo reclaman en medio mundo _ il ne leur concède (sous forme de « tournées«  de « corvée«  de « promotion«  éditoriale…) que de rares plages de temps, entre deux écritures (festives, elles) de livres, seulement… Pero sus amigos representan un tesoro _ oui ! et la fidélité, ici, compte beaucoup pour lui _ para Lobo Antunes. « Es más fácil confesarse _ le terme est important _ y hablar _ en toute liberté (et sans conséquences trop sérieuses : en « rigolant« …), à côté de la tâche solitaire (et ô combien « terrible« , elle, pour lui !) d’écrire _ con los amigos que con la familia _ même si l’affection d’António Lobo Antunes pour ses parents (un peu étrange, tout de même), pour ses filles ; ainsi que pour ses frères (mais, aîné, il est placé en situation de « rivalité » avec eux) est capitale… En definitiva, la familia son los amigos que tú eliges« .

Lire cet immense écrivain _ un contemporain fondamental ! _ qu’est António Lobo Antunes,

constitue une urgence pour qui veut un peu mieux ressentir et comprendre (en son style) son temps :

plus vaguement « cotoyé » sinon,

sans sa lecture…

Titus Curiosus, le 28 mai 2009

Chant d’action de grâce – hymne à la vie ; mais de « dedans la nasse »…

19sept

Sur le « Journal » d’Hélène Berr, aux Editions Tallandier ;

et sa présentation par Mariette Job et Karen Taieb dans les salons Albert Mollat mercredi dernier 17 septembre à 18 heures : l’enregistrement est disponible (podcast).

Voici le petit texte de présentation en avant-propos du podcast :

Rendez-Vous : Mercredi 17 Septembre à 18 H 00 : Rencontre autour du journal d’Hélène Berr
Journal, 1942-1944

Rencontre autour du journal d'Hélène BerrEn partenariat avec le Centre Yavné

« En présence de Mariette Job, nièce d’Hélène Berr et de Karen Taieb, responsable des archives au Mémorial de la Shoah de Paris.

Agrégative d’anglais, Hélène Berr a vingt-et-un ans lorsqu’elle commence à écrire son journal. L’année 1942 et les lois anti-juives de Vichy vont faire petit à petit basculer sa vie. Elle mourra en 1945 à Bergen-Belsen quelques jours avant la libération du camp.

Soixante ans durant, ce manuscrit n’a existé que comme un douloureux trésor familial. Un jour de 2002, Mariette Job, la nièce d’Hélène, décide de confier ce document exceptionnel au Mémorial de la Shoah. » Fin de citation.

Le « Journal » d’Hélène Berr est à la fois

un document de témoignage poignant sur la condition de Juif pris dans la nasse de la monstrueuse entreprise génocidaire, par l’Europe entière, nazie _ un « témoignage » urgent, brûlant et nécessaire, parmi un certain nombre d’autres, identiquement urgents, brûlants et absolument nécessaires, de la part de leurs auteurs physiquement menacés et en sursis (et qui pour beaucoup ne survivront pas à cette « entreprise » systématique), qui nous sont, tant bien que mal, parvenus, et ont été, longtemps après leur écriture parfois extrêmement difficile, in fine publiés (par quelque éditeur), pour pouvoir être proposés à la lecture des lecteurs de maintenant, plus de soixante ans après, aujourd’hui, en 2008 _ ;

et une œuvre on ne peut plus singulière (et irremplaçable par là) d’une rare beauté d’écriture _ littéraire, si l’on veut ; mais le terme est ridicule, car il s’agit alors, en ce « journal », au quotidien, de dire et surtout de partager (en l’occurrence ces pages, griffonnées presque sans ratures au crayon à papier ou au stylo sur des feuillets séparé, sont destinées à son fiancé _ Jean Moravieski, qui avait « l’air« , dit Hélène Berr, « d’un prince slave » _, quand il n’est pas présent à ses côtés, en ces années « d’occupation » et de très lourdes menaces de « déportation » :

à une question d’un auditeur à propos du mot « déporté« ,

Mariette Job indique que l’usage de ces termes par sa tante Hélène Berr provient surtout de sa familiarité de lectrice avec l’œuvre de Tolstoï… ;

et que, d’autre part, les activités d’entr’aide aux enfants en danger,

ainsi que la position sociale et professionnelle de sa famille, son père, Raymond Berr, dirige _ il en est vice-président-directeur général _ une grande entreprise française, Kuhlmann,

placent Hélène Berr en position d’en savoir « pas mal »,

en tout cas « un peu plus » que bien d’autres,

sur ce qui se trame et se passe en matière de « déportation« , en effet,

sinon d' »extermination »…

Son père effectuant ainsi un premier « séjour » à Drancy,

avant d’être autorisé à revenir _ travailler même _ à son domicile (exclusivement !..) ;

avant d’être définitivement, cette fois, « pris »,

lui, son père (Raymond), elle, sa mère (Antoinette) et, elle-même, Hélène ;

et « expédiés » vers « les camps«  (d’extermination ou de travail) de l’Est, de Galicie ;

et, de là, vers « les nuages« …

il s’agit, donc,

pour Hélène en ces années 40,

surtout, de partager _ avec son fiancé, Jean _ son expérience :

et de la grâce de vivre ;

et des inquiétudes de ce qui menace gravement _ le mot est faible _ la vie (/survie) de ces humains…

Les remarques un peu naïves de certains auditeurs présents à la conférence

sur la « malchance » _ d’Hélène _ de n’avoir pas « réchappé »,

ou sur la « passivité » _ le mot n’a cependant pas été prononcé _ de ne pas avoir « fui »,

demeurant assez étonnantes,

face à la machine de destruction systématique (par tous les territoires de l’Europe occupée) nazie,

et les hasards

entre ceux qui furent « pris » et broyés ;

et ceux qui « passèrent entre les mailles du filet » nazi ;

et entre les griffes…

_ on peut citer la proportion de « Juifs » de nationalité française qui purent « en réchapper » ;

mais rien ne fut dit _ il est difficile d’être exhaustif _  sur les juifs étrangers ou apatrides qui avaient fui « par » la France :

je citerai ici l’exemple du bouleversant (et indispensable) témoignage de Saul Friedländer sur l’histoire (interrompue à Saint Gingolph, à la frontière franco-suisse du Léman , entre Haute-Savoie et Valais) ;

sur l’histoire interrompue de ses parents,

dans « Quand vient le souvenir« , disponible en Points-Seuil…

Ou le livre _ sur les efforts de ceux qui aidèrent à fuir _ d’un Varian Fry : « « Livrer sur demande… » Quand les artistes, les dissidents et les Juifs fuyaient les nazis (Marseille, 1940-1941)« , aux Éditions Agone.

Et, pour Bordeaux, sur l’admirable action,

à l’heure encore bien trop mal connue des heures bousculées et affolantes _ en un Bordeaux devenu soudain « surpeuplé » _ de l’irreprésentable (pour nous, aujourd’hui) débâcle en juin 1940,

du consul (délivrant des visas en dépit des ordres stricts, très impératifs, puis comminatoires de son gouvernement) Aristides de Sousa Mendes : de José-Alain Fralon, « Aristides de Sousa Mendes, Le juste de Bordeaux« , aux Éditions Mollat, en 1998.

Sur ces journées de juin 1940 à Bordeaux,

un témoignage très précieux, celui de Zoltán Szabo dans « L’Effondrement _ Journal de Paris à Nice (10 mai 1940-23 août) » : les pages concernant les journées _ un dimanche (le 17 : il arrive à Bordeaux « vers midi« ) et un lundi (le 18 juin 1940 : le train de « dix-neuf heures quarante-cinq » pour Marseille « part à l’heure. Avec une précision à la minute près« ) _ ; les pages concernant les journées bordelaises de Zoltan Szabó se trouvent aux pages 179 à 195 de cet « Effondrement« , traduit par Agnès Járfás et publié aux Éditions Exils, en novembre 2002…

Fin de l’incise ; retour au « Journal » d’Hélène Berr.

Qu’on écoute, sur ce point

_ de la « fuite » : de ce que firent (ou ne firent pas) les Berr entre 1940 et 1944 _,

le détail du témoignage _ podcasté _ de Mariette Job : les Berr étaient des citoyens français depuis qu’existent des états-civils en France, et assumaient, tant leur « citoyenneté » française, que les plus élémentaires « devoirs » de la personne _ ;

et qu’on écoute aussi, lues par Mariette Job, les pages d’Hélène Berr sur les diverses façons d’assumer, ou pas, les commandements de la foi, la catholicité (et le « pharisaïsme » : le mot ne fut ni écrit par Hélène Berr, ni prononcé par Mariette Job ; c’est moi, concitoyen _ bordelais _ de l’auteur de « La Pharisienne » qui me l’autorise ici…).

Et ce à l’heure de « mesures » anti-roms en Italie berlusconienne, aujourd’hui, en dépit des législations européennes (la Roumanie, d’où viennent  certains de ces « roms », faisant bien partie, désormais, de la Communauté européenne) ;

ou de certaines « chasses » aux immigrés « sans papiers »

qui n’émeuvent guère la bonne conscience des détenteurs de papiers, assurés, eux _ pour le moment, du moins _, de leur « normalité » (il est vrai « tranquille » : hors fichiers Edvige, et autres ; du moins ne le supposent-ils pas)…

Pour prolonger la lecture de ce très, très beau « Journal » d’Hélène Berr, entamé à la lecture par Mariette Job par une merveilleuse citation,

par Hélène Berr à l’ouverture même du premier feuillet de son « Journal« ,

de Paul Valéry :

« Au réveil, si douce la lumière ; si beau, ce bleu vivant« ,

je voudrais indiquer quelques lectures.

D’abord, tout Paul Valéry (1871 – 1945) _ en Pléiade _,

en commençant par sa poésie si belle

(de la hauteur _ en beauté _, pour moi, de celles de François Villon et de Joachim du Bellay !) :

qu’on commence par « Charmes« , par exemple ; et « La Jeune Parque » ; ou les « Fragments du Narcisse« ,

pour l’éblouissement _ auroral ! pour lui, comme pour Hélène… _ de sa sensualité face au monde (et aux autres) ;

puis, qu’on jette un œil sur la grande biographie de « Paul Valéry » que vient de proposer, aux Éditions Fayard, Michel Jarrety.

Puisse Paul Valéry « sortir » enfin de son « purgatoire » des Lettres…

Puis,

qu’on découvre « Canticó« , de Jorge Guillén (1893 – 1984) : une merveille d’émerveillement  _ partagé : auteur et lecteurs ! Des 75 poèmes de l’édition première en 1923, l’édition définitive _ à Buenos Aires, en 1950 _, est passée à 334… Un éblouissement rare… Qu’on le recherche, en français _ la traduction en français en 1977, aux Éditions Gallimard, est de Claude Esteban… _, ou en castillan !

Enfin, quant aux témoignages sur de tels « chants d’action de grâce » (ou « hymnes à la vie »), en situation terrible, qui plus est, de « pris dans la nasse »

d’une telle impensable _ et si peu envisageable _ pareille universelle (et systématique) extermination,

tel que cet « hymne à la vie » d’Hélène Berr,

on pourra _ et doit _ lire,

outre le « Qu’est-ce qu’un génocide ? » par l’inventeur du mot _ pas de la chose !!! il a bien fallu « la » penser sur le tas !!! d’autres avaient « conçu » une « solution finale » !.. _ Rafaël Lemkin,

tout récemment traduit et publié en français _ aux Éditions du Rocher, en janvier 2008 _,

et le « Purifier et détruire _ usages politiques des massacres et génocides » de Jacques Sémelin _ aux Éditions du Seuil, en 2005 _,


on doit lire l’indispensable et sublimissime tout à la fois

« L’Allemagne nazie et les Juifs » de Saul Friedländer, en deux tomes : « Les Années de persécution (1933-1939) » et « les Années d’extermination (1939-1945)«  ;

à propos duquel j’ajouterai ce petit échange de mails avec Georges Bensoussan (Rédacteur en chef de la Revue d’histoire de la Shoah et responsable des co-éditions, au Mémorial de la Shoah, à Paris),

que je me permets ici de retranscrire :

De :   Titus Curiosus

Objet : Pouvoir lire en français les diaristes que cite Saul Friedländer
Date : 23 avril 2008 16:08:47 HAEC
À :   Georges Bensoussan

Cher Georges Bensoussan,

J’achève à l’instant la lecture des « Années d’extermination (1939-1945)« , le second volume de la synthèse de Saul Friedländer sur « L’Allemagne nazie et les Juifs« .
Avec une émotion bouleversée et une immense gratitude, ainsi qu’une profonde admiration, pour l’immensité du travail accompli, sa force de vérité, la précision en même temps que l’étendue des analyses et le questionnement qui continue de nous hanter…

J’admire surtout la polychoralité de ces voix que Saul Friedländer nous aide à continuer d’entendre et écouter, celles de ces diaristes qui ont désiré si fort que leurs témoignages leur survivent… Et dont, au fil des jours _ et jusqu’à leur interruption ! _ Saul Friedländer nous livre des extraits de la teneur… C’est tout simplement irremplaçable…

J’en ai lu quelques uns : Anne Frank, il y a longtemps, en mon adolescence ; puis Etty Hillesum et Victor Klemperer
_ pour l’œuvre de ce dernier, je disais aux responsables du rayon « Histoire » de la librairie Mollat qu’il s’agissait d’un des grands livres du XXème siècle ; et qu’il faudrait aider à vraiment le diffuser _ en librairie, d’abord ; mais notamment aussi dans tous les centres de documentation des lycées et collèges…

J’en découvre, avec Friedländer, bien d’autres, de ces diaristes, et (hélas ! leur écriture n’eut rien d’une coquetterie !) magnifiques _ je me souviens, immédiatement, par exemple de l’écriture « intense » de Chaïm Kaplan ; mais il y en bien d’autres, y compris de certains demeurés anonymes, aussi puissants (que Kaplan) en la force de vérité de ce dont ils témoignent ; et par leur style.

Le style est ici aussi, en effet, capital : il est, jusqu’au bout, et c’est en cela que c’est magnifique, « l’homme même« , pour continuer Buffon, en une humanité qui leur était, avec leur vie, déniée !

Le travail analytique, et avec recul, d’historien ne peut pas, à lui seul, suffire, s’il n’est aussi porté par un souffle _ vous le savez mieux encore que moi… Et je ne suis pas sorti tout à fait indemne de la lecture _ sur un autre plan _ de votre « Un nom impérissable _ Israël, le sionisme et la destruction des Juifs d’Europe » : merci profondément à l’historien que vous savez être !

Je me suis amusé, sur un terrain (d’écriture) légèrement différent _ n’étant pas un historien _, à « écrire » _ dans l’idée, sans doute, d’ aider à un peu le faire connaître à qui voudrait bien me lire, à qui aspirerait à pénétrer un peu dans le monde de l’auteur majeur qu’il est à mes yeux ! _sur l’œuvre traduit jusqu’ici (c’était en 2006) en français d’Imre Kertész (à part le magnifique « Dossier K.« , lu dès sa publication en français cette année 2008). Outre, une présentation un peu rapide de chaque opus de Kertész, j’ai rédigé une « lecture » de « Liquidation » plus longue au final que le texte original : mais celui-ci est si riche et si fort ; et de lecture assez complexe : davantage, par exemple, que le déjà magnifique « Chercheur de traces« , et pourtant déjà requérant des efforts de lecture (de la part de celui que Montaigne nomme « l’indiligent lecteur« , sans doute…).

Cela pour dire combien je suis sensible à la question du style _ « Dossier K. » faisant excellemment le point là-dessus ! _ pour ce qui concerne la capacité de se faire « écouter » du témoignage.

Il est vrai que je suis particulièrement sensible à la difficulté de bien (ou d’assez) se faire comprendre, et de vraiment enseigner _ dans mon cas, enseigner à philosopher est quasi une gageure (cf Kant : « On n’enseigne pas la philosophie, on enseigne à philosopher » ; et Montaigne : « Instruire, c’est former le jugement« ) ; que faire contre la bêtise ? contre les croyances les plus absurdes ? C’était aussi, déjà, la question de Socrate (puis celle, autrement, de Platon). Ce fut celle de Montaigne. Et celle de Spinoza (les variations entre le style more geometrico et les scolies ; etc… Ne croyez pas que cela tarisse mon enthousiasme d’enseignant, mais je reste lucide _ osant espérer que certains des petits grains semés finiront par germer, par rencontrer le terreau (et une pluie) un peu plus favorable(s) qui les aidera en quelque temps à se mettre à fleurir…

Bref, j’en viens à ma requête :

pourrait-on offrir au lecteurs francophones des traductions de certains de ces « Journaux » de temps de détresse ?

En prolongeant, en quelque sorte, ce que vous avez commencé à faire, pour le témoignage _ particulièrement puissant, il faut dire !!! _ de Zalmen Gradowski, avec votre « Des voix sous la cendre« , pour les manuscrits des Sonderkommandos d’Auschwitz-Birkenau…

Il faudrait que je repasse en revue ces diaristes que donne à lire Saul Friedländer :

j’ai relevé, en les lisant, outre le nom de Chaïm Kaplan (à Varsovie : « Chronique d’une agonie _ Journal du Ghetto de Varsovie« , paru aux Éditions Calmann-Lévy) , celui de Philip Mechanicus (à Amsterdam), de Moshe Flinker (à Bruxelles), de Gonda Redlich (à Prague, ou Terezin), d’Elisheva – Elsa Binder (à Stanislawow) ; de David Rubinowicz (à Kielce), et de bien d’autres, il faudrait que je me replonge plus attentivement dans le livre de Friedländer…

Pardon d’être trop bavard.

Une autre fois, j’aurais à vous soumettre (pour élucidation d’interprétation) une « lecture » _ en mon essai sur « la rencontre » _ des discours de Himmler à Poznan les 4 et 6 octobre 1943.
Je m’étais posé des questions à leur propos ; mais le travail de Friedländer m’a aidé à avancer un peu dans leur « compréhension », tant à propos de Himmler que du contexte d’octobre 43…

Et même à vous proposer de revenir à Bordeaux pour une autre conférence (pour la Société de Philosophie, cette fois) ;
mais ne voulant pas tout mélanger, je vous en reparlerai beaucoup plus précisément une autre fois…

Bien à vous,

Titus Curiosus

Avec la réponse de Georges Bensoussan :

De : Georges Bensoussan

Objet : RE: Pouvoir lire en français les diaristes que cite Saul Friedländer
Date : 25 avril 2008 13:02:18 HAEC
À :  Titus Curiosus

Cher Titus Curiosus,


Merci pour votre message. J’ai pris beaucoup de plaisir à le lire.
C’est aussi en lisant le second volume de Friedländer que je me suis fait la même réflexion. Peut-être pourrait-on republier certains de ces Journaux. En l’occurrence, ici, il y a une chance que nous reprenions d’ici un an le « Journal » de Haïm Kaplan.

Peut être à bientôt à Bordeaux

Bien cordialement

Georges Bensoussan


Voilà.

Le livre _ immense ! _ de Saul Friedländer

et le « Journal«  _ depuis l’arrivée d’Hitler au pouvoir, dès 1933 _ de Victor Klemperer

sont deux livres majeurs

pour un peu mieux faire la lumière

sur les atrocités tellement invraisemblables à se représenter, encore aujourd’hui, du siècle passé _ le XXième _ ;

..

et sur ce qui continue, aussi _ toujours encore _ de nous pendre collectivement ou individuellement au nez,

sans que nous continuions _ toujours encore _ de bien en prendre la mesure : en Europe même ; à Rome comme à Paris, sans aller jusqu’en Roumanie ou au Kosovo, en Géorgie ou en Ukraine, etc…

Des nasses ne sont-elles peut-être pas déjà, ici ou là, en gestation ?..

Des témoignages, et une telle beauté, tels que ceux du « Journal » d’Hélène Berr

sont aussi un travail d’édition et de diffusion

indispensables.

A nous de les lire vraiment.

« Il n’y a de joie pour moi que celle que je puis partager« ,

a écrit la rayonnante

_ et amoureuse des matins :

« Aurore, aurore, aurore » sont les derniers mots de ces feuillets précieusement mis à l’abri en une enveloppe par elle _

Hélène Berr…

Titus Curiosus, ce 19 septembre 2008

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