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Un bel et salutaire entretien avec Robin Renucci dans Le Monde :  » L’industrie du divertissement nous dévore »

16avr

Un très remarquable article-entretien dans Le Monde de ce dimanche de Pâques 2017, avec cet excellent comédien qu’est Robin Renucci : « L’industrie du divertissement nous dévore »

Robin Renucci : « L’industrie du divertissement nous dévore »


Acteur, metteur en scène, Robin Renucci, le médecin de campagne de la série télévisée « Un village français », sera à l’affiche du Festival d’Avignon.

LE MONDE | 16.04.2017 à 07h40 • Mis à jour le 16.04.2017 à 12h32 | Propos recueillis par Sandrine Blanchard


Je ne serais pas arrivé là si…


… si Mme Martin, ma première institutrice, n’avait pas, tous les matins, demandé à sa classe d’agencer _ faire (et même, si possible, créer ; de même que nous osons créer nos phrases quand nous parlons, pour peu que nous ne reproduisions pas des formules toutes faites, et leurs clichés prêts à ne pas penser…) : c’est essentiel en le processus d’éducation ! ne pas seulement recevoir, écouter, copier, reproduire (tels les robots) ; cf mon passionnant entretien avec Denis Kambouchner, le 18 septembre 2013, à propos de son décisif L’École, question philosophique ; ainsi que les deux articles de ce blog que j’ai consacrés à ce livre majeur le 24 février et le 13 mars 2013 : « Penser vraiment l’école : l’indispensable et urgent débrouillage du philosophe _ l’admirable travail de Denis Kambouchner et Ecole et culture de l’âme : le sens du combat de Denis Kambouchner _ appuyé sur le « fait du bon professeur »… »  _ des petites cases africaines et des petits hommes noirs. Et si M. Richard, mon maître d’école primaire, ne m’avait pas fait découvrir la poésie avec Les Pauvres Gens de Victor Hugo _ dans La Légende des siècles. Enfant, je vivais à Tonnerre, dans l’Yonne, au-dessus de la cellule de dégrisement de la gendarmerie où mon père travaillait. De ma chambre, j’entendais des cris. Très vite, j’ai compris qu’on pouvait mettre à distance _ une distanciation à la Brecht _ des craintes, des angoisses, grâce à la fiction, au récit. L’inquiétude de l’enfant qui a du mal à s’endormir ou qui a peur, et à qui on raconte des histoires dans lesquelles il peut s’identifier, se réfugier, tout cela lui permet _ très effectivement, grâce à ces petits pas de côté de la mise, si peu que ce soit, à distance vis-à-vis du réel subi, du jeu avec… _ de comprendre avec le recul très précieux qu’offrent les mises en perspective _ le monde, d’être humain _ voilà ; sinon, l’individu demeure au stade du clone et du robot ; et n’accède pas au statut de sujet libre.

Je rentrais chez moi avec plus de quiétude et avec l’essentiel : le goût _ voilà _ de la différence de l’autre _ en la diversité profondément enrichissante de sa possible singularité. Hors de mon cadre familial, dans un autre lieu de transmission _ et apprentissage _ qu’est l’école, grâce à l’éducation artistique et culturelle _ c’est essentiel ! _, j’acquérais d’autres _ très précieuses _ valeurs. J’ai eu très jeune le désir de m’émanciper _ et devenir sujet. J’étais en très bons termes avec ma famille, mais je savais que je ne serais pas gendarme, que je ne manipulerais pas les armes et que je ne vivrais pas dans des champs d’angoisse _ mais dans des champs de joie.


Votre mère était couturière. C’est grâce aux costumes qu’elle faisait que votre vie a changé…


Absolument. Ma mère reconstruisait des costumes de théâtre sur la table de la salle à manger. J’avais 15-16 ans, et, un jour, je vois des comédiens entrer dans notre appartement à Auxerre. Ils venaient du Théâtre national de Strasbourg (TNS) pour refaire leurs costumes de La Comtesse d’Escarbagnas _ de Molière _ et de Mademoiselle Julie _ de Strindberg. J’avais le sentiment qu’ils étaient libres, différents, dans leur comportement, leurs vêtements, leur parfum. Ils sentaient le patchouli ! Ils m’ont proposé d’assister à leurs répétitions. Puis j’ai suivi les stages organisés par le directeur de la troupe, Maurice Massuelle, dans la maison de Romain Rolland à Vézelay _ un auteur passionnant, ne serait-ce que comme fondateur de la musicologie en France. J’y ai passé un été entier d’émancipation absolue. La naissance de la liberté.


C’est donc au cours de cet été-là que vous décidez de votre voie…


Oh oui ! C’était comme un appel _ voilà. Nous étions mélangés _ sans ségrégation ; là-dessus lire Jacques Rancière : Le Maître ignorant _ cinq leçons sur l’émancipation intellectuelle ou Le Partage du sensible  _ entre amateurs et professionnels, et menions un travail rigoureux, très exigeant _ c’est absolument nécessaire pour avancer vraiment… Il n’y avait pas ce que j’ai pu entendre par la suite – et contre quoi je me suis battu toute ma vie : l’idée que l’amateur est lié _ pieds et poings, et pour toujours _ à l’amateurisme. L’« amateurat » est _ en fait _ quelque chose de très puissant _ par sa dimension même d’amour, et d’abord de désir _, c’est la genèse _ mais oui ! _, c’est ce qui m’est arrivé : cela s’appelle l’éducation populaire. Le monde qui s’ouvre _ voilà _ tout d’un coup.


L’été suivant, j’ai refait des stages à Valréas, dans la Drôme, avec René Jauneau, autre rencontre _ situation décisive ! _ fondamentale. J’y rencontre Hubert Gignoux, Jean Dasté. Je suis entraîné dans un mouvement, celui de la conscience politique du théâtre, et de la décentralisation théâtrale. Mes pères et parents s’appellent Charles Dullin, Jacques Copeau, Louis Jouvet… Il y a une phrase de Dullin qui est pour moi fondamentale : « Le théâtre est une entreprise artisanale qui met en contact profond _ voilà, et cela par delà les temps et les lieux de chacun… _ un auteur et un public. »


En tant que spectateur, quel a été votre premier coup de cœur théâtral ?


1789, d’Ariane Mnouchkine, que j’ai vu lorsque j’étais lycéen _ au lycée Jacques-Amyot d’Auxerre ; Robin Renucci est né le 11 juillet 1956 au Creusot ; et 1789 a été créé au mois d’août 1970 à la Cartoucherie de Vincennes… _ grâce à mes professeurs de musique et de philosophie. Il s’agit là encore d’éducation populaire : tous ces animateurs de MJC, ces médiateurs _ metteurs en relation _, ces enseignants de l’éducation nationale, passionnés _ voilà _ de littérature, de poésie, de théâtre, nous transmettaient _ très effectivement _ de la culture _ véritable. Je me souviens d’une professeure de mathématiques qui nous emmenait à un concert de Brassens à Paris et qui nous conseillait de voir Tous les autres s’appellent Ali, de Fassbinder. J’ai été marqué par ces gens qui nous faisaient de l’éducation à l’art _ c’est crucial ! _ alors que ce n’était pas au programme scolaire. Je suis attaché à ces valeurs de transmission _ et c’est humainement capital, en effet !


Quand vous partez à Paris, quel regard vos parents portent-ils sur votre souhait d’une carrière artistique ?


Ils ont laissé faire. Je suis parti à Paris dès le bac en poche, pour intégrer _ en 1975 _ l’école Charles-Dullin. Je m’étais malgré tout inscrit en fac d’italien à Censier, mais j’ai très vite arrêté. J’habitais dans une chambre de bonne de 10 mètres carrés. Je faisais des ménages dans l’école Dullin pour payer ma formation _ toute vraie formation impliquant de vrais engagements. Mes profs m’avaient repéré, et très vite j’ai donné des cours. Et puis il y a eu la cerise sur le gâteau : j’ai décroché le concours du Conservatoire national d’art dramatique. Entrer au Conservatoire… le bonheur décuplé ! J’étais stakhanoviste dans mon envie d’apprendre _ là encore, un ressort fondamental : une curiosité de fond. Elève, alors que je ne faisais aucun casting, que je n’avais pas d’agent, là encore la chance survient : je tourne dans Eaux profondes, de Michel Deville _ en 1980, et d’après le très beau roman Eaux profondes de Patricia Highsmith _, avec Jean-Louis Trintignant et Isabelle Huppert, puis dans Les Quarantièmes rugissants, avec Michel Serrault.


A quel moment choisissez-vous de changer votre nom et de vous appeler Robin Renucci et non Daniel Robin ?


Petit, tout le monde m’appelait Robinou, Robinet, Binbin. Daniel, c’était pour mes parents. Lorsque j’entre au Conservatoire, il y a Muriel Robin parmi les élèves. Cela faisait deux Robin ! J’ai eu envie de rassembler les noms de mes deux familles : celle, hédoniste bourguignonne, de mon père _ Robin _ et celle, autarcique corse, de ma mère _ Renucci. Ma mère disait toujours : ne rit pas trop parce que tu vas pleurer demain. C’est horrible, non ? J’ai été élevé dans les cimetières où elle allait pleurer le dimanche pendant que je jouais avec les graviers et les fleurs.


« Escalier C », le film de Jean-Charles Tacchella _ d’après le roman éponyme Escalier C d’Elvire Murail _, vous vaut, à 30 ans, une nomination au César du meilleur acteur. Pourtant, à cette époque, vous critiquez le cinéma et dites aimer votre métier, mais pas la profession. Pourquoi ?


C’était sincère. Je me suis peut-être grillé en disant cela. Mon premier plan de cinéma, je l’ai fait avec Jean-Louis Trintignant. Le moteur n’est pas encore lancé, il entoure mes épaules de son bras et me dit : “tu sais, ça va être formidable, ça va bien se passer”. [Long silence. Les larmes lui montent aux yeux]. Excusez-moi, cela m’émeut parce qu’être mis en confiance c’est l’humain absolu _ oui ! _, et non pas ce rapport de compétitivité dans lequel on évolue en permanence. Lorsque ensuite j’ai tourné avec des gens qui étaient plus égotiques, cela n’avait pas la saveur du début, cette envie _ magnifiquement généreuse _ de voir l’autre aller au maximum jusqu’au sublime, peut-être _ de ses possibilités.


Je suis entré dans ce qu’on appelle l’industrie cinématographique, avec ses qualités mais aussi ses grands défauts en matière de sens voilà _ et de rapports humains. Nous sommes dans les années 1980, le libéralisme se développe _ ce sont les années Thatcher et Reagan _, l’individualisme forcené _ au détriment de toute solidarité, détruite… _, qui clive les gens, se met en place. Entre ma sortie du Conservatoire, en 1981, et 1990, ce sont mes années de cinéma les plus importantes, mais elles n’ont jamais le goût de ces moments avec le public que j’avais connus _ au, dans et par le théâtre _ à Valréas. Le métier est piteux en conversations de fond, beaucoup de personnes ont pour projet principal _ et exclusif, peut-être _ de gagner de l’argent. On ne me proposait que des sous. On ne me regardait que par rapport au succès d’un film. Escalier C m’a offert un décollage terrible, mais, en même temps, c’était corrosif.


Pourquoi ?


Parce qu’on parle de vous comme d’une tête de gondole qui entre sur le marché. Financièrement aussi, ce n’est pas évident – quand on vient d’un milieu modeste où l’on sait ce qu’est l’argent – de gagner trois ou quatre smics par jour. Par jour ! Tout d’un coup, il y a un problème de sens _ voilà un terme capital. On me propose trois ou quatre films dans l’année, mais j’ai le sentiment de ne pas être à ma place _ en se trouvant réduit à un produit comptable. Je n’ai pas voulu me brûler les ailes. Je voulais simplement être un bon acteur – loin du star-system –, qui peut avoir la reconnaissance _ effective et non usurpée _ du public _ cf ici ce que Marie-José Mondzain dit de la place du spectateur dans la conception même des œuvres, et leur effectuation ; avec aussi l’importance du hors-champ _ tout au long de sa vie.


C’est pour cela que vous acceptez _ en 1987 _ Le Soulier de satin ?


Oui. Antoine Vitez m’explique qu’il part sur une aventure de deux ans avec une pièce de douze heures. Il y a aura Didier Sandre, Ludmila Mikaël… Cela a été ma bouée. Jouer à Avignon, dans la Cour d’honneur, c’est un moment de grâce _ et comment ! _ du théâtre. Et puis retrouver les pas de Jean Vilar, la réflexion sur l’éducation populaire, sur la décentralisation, tout cela me ramenait au bon endroit _ et face au bon public. Mais je voulais aussi faire de la télévision. Mes parents n’allant ni au cinéma ni au théâtre, ils ne pouvaient me voir que dans des téléfilms. Par la suite, j’ai été content de retrouver au cinéma Claude Chabrol _ pour les films Masques, en 1987, et L’Ivresse du pouvoir, en 2006 _, Bernardo Bertolucci _ le génial auteur de La Luna, de Prima della Rivoluzione, du Conformiste, 1900, etc. ; pour le film The Dreamers, en 2003.._ ou Gérard Mordillat _ ami, lui, de Frédéric Gros, et qui a aidé ce dernier de quelques conseils pour son premier roman, Possédées ; pour le film Vive la Sociale, en 1984 _, des réalisateurs qui avaient du sens.


Vous dites : « Je suis un pur produit de l’éducation populaire. » Est-ce pour cela que vous avez créé l’Association des rencontres internationales artistiques (ARIA) en 1998 ?


Oui, bien sûr. Je gagne ma vie, je n’ai pas de problème d’argent, nous vivons en Corse avec nos quatre enfants, tout va bien. Je me dis : comment être utile, comment rendre _ voilà _ à d’autres ce que j’ai reçu, être cohérent avec moi-même ? Dans cette montagne corse _ à Olmi-Cappella, précisément _ qui m’a tant donné de par ma mère et qui est tellement en voie de désertification _ hélas ! _, je raconte à des élus les aventures fondatrices et fonder, afin de transmettre, est essentiel _ que j’ai vécues à Vézelay et à Valréas _ des villages vivants. Et je leur propose de rendre un ancien et immense bâtiment scolaire, qui tombait en ruine, à l’éducation populaire _ voilà. D’y organiser des stages en été. Ils m’ont fait confiance.


N’ont-ils pas trouvé cela utopique ?


Si, complètement. Mais, dès le premier été, les quinze spectacles réalisés ont eu un grand succès. Alors on a continué, trouvé des financements, réhabilité le bâtiment, construit un théâtre, et cela fait bientôt vingt ans que dure l’aventure, avec toujours la même exigence artistique _ cela aussi est très important : ne jamais transiger avec cette visée de l’excellence, qui est sans prix ! L’ARIA – pour laquelle je suis évidemment bénévole – a créé des vocations _ bravo ! _ de metteurs en scène, d’acteurs. Le théâtre sert à unir _ le public réuni là _ et à libérer _ au lieu d’époustoufler-sidérer-capturer de purs spectateurs _, encore faut-il nommer _ bien effectivement _ les chaînes qui nous aliènent.


Dans notre société de consommation effrénée, on se sent perdu _ noyé dans un maelström de faux repères : les marques… On va dans le mur sur plan écologique, mais on continue. Le théâtre mise sur l’intelligence du public _ via la distance de la rampe entre la scène et la salle _, reste le lieu où l’homme parle _ à distance toute humaine _ à l’homme. Les gens ne se rendent pas compte qu’ils sont _ réduits à de vides rouages _ dans une industrie _ oui : machinale, mécanique _ du divertissement qui les mange, les dévore. L’obscène _ Marie-José Mondzain emploie même, à ce propos, le mot de pornographie : cf notre entretien du 16 mai 2012 à propos de son Images (à suivre) _ de la poursuite au cinéma et ailleurs ; et mon article récent du 15 mars dernier sur son Confiscation des mots, du temps et des images : « Le superbe « Nettoyer une expression » de Marie José Mondzain en son « Confiscation des mots, des images et du temps »  _ est revenu, mais ils ne savent pas nommer cette angoisse naissante.


Etes-vous pessimiste ?


Je ne suis ni pessimiste ni optimiste, je suis absolument combatif _ bravo ! Il faut agir et faire _ oui : et sans relâche. J’agis dans un centre dramatique national itinérant, Les Tréteaux de France_ dont, enfant, j’ai assisté à diverses représentations, avec Jean Danet : de pièces de Shakespeare (Hamlet), Claudel (L’Otage), Pirandello (Chacun sa vérité), Camus (Caligula), Sartre (La P. respectueuse)… _, parce que la notion de service public m’importe beaucoup _ oui !!! L’idée est de poursuivre le chemin de Jean Vilar, d’aller à la rencontre d’un public qui manque au théâtre. Mon combat est de tenter que les gens s’emparent de la langue _ qui aide à mieux penser, mieux juger. Le grand privilège d’aujourd’hui, c’est ceux qui ont les mots face à ceux qui ne les ont pas _ quelle tragédie : la détérioration de l’école y a sa part, à partir, notamment, de la suppression de la formation des instituteurs dans les Écoles Normales. D’où l’importance _ énorme ! _ de l’éducation artistique et culturelle dès l’école _ on n’insistera jamais assez là-dessus : cf en mon entretien du 20 mai 2011 avec Jean Clair, sur son Dialogue avec les morts ce qu’en dit superbement celui-ci.


Qu’est-ce qui vous a convaincu de participer à la série télévisée grand public « Un village français » ?


L’idée était séduisante : il s’agissait de raconter, à travers 72 heures de fiction, la seconde guerre mondiale dans _ la complexité à pénétrer de _ la zone « grise ». Daniel Larcher, mon personnage de médecin, va se conscientiser au contact _ violentissime _ de l’Histoire. Il n’est ni un héros ni un salaud. On nous a beaucoup menti sur la réalité. Durant toute ma scolarité (je suis né dix ans après la guerre _ le 11 juillet 1956 _), le « roman national » consistait à raconter que toute la France avait été résistante.


Quel regard portez-vous sur cette campagne présidentielle ?


Nous sommes davantage dans le bavardage que dans la parole _ une parole qui soit vraiment assumée, sans parler du scandale (que d’aucuns voudraient banaliser, et quasi justifier !) des mensonges et parjures en tous genres de tant d’acteurs politiques présents... Cette campagne électorale est complètement tiraillée entre ceux qui sont pour l’intérêt général _ et la solidarité avec les autres _ et ceux qui sont pour la défense _ cynique _ des intérêts privés _ égoïstes. Nous n’avons pas été _ assez _ clairs sur la nécessité _ oui ! pour sauvegarder ce que sont l’idéal et les dispositifs concrets de la démocratie véritable _ d’assainir les liens entre l’argent et le pouvoir. Le Conseil national de la Résistance – auquel je reste très fidèle _ oui, et combien j’approuve cela ! _, car c’est de là que vient la question de l’éducation populaire – disait très précisément qu’il fallait séparer les banques du pouvoir, et séparer les médias du pouvoir.


Aujourd’hui, il y a ceux qui sont capables de tenir ce programme, et ceux qui ne le sont pas. Cela se voit de manière extrêmement claire _ en effet. Après, ce qui est déplorable, c’est que ce soit édulcoré par, d’un côté Poutou, d’un côté Mélenchon, d’un côté Hamon… Tout cela crée de la division dans des pensées qui pourraient _ et devraient _ être rassembleuses, mais qui se diluent _ dispersant hélas les voix. Je suis atterré de savoir que Marine Le Pen risque d’être au deuxième tour et que, vraisemblablement, ce sera face à Fillon ou Macron. Mes pensées sont de gauche. Mais, franchement, je ne sais pas _ non plus _ si je serais sécurisé que la gauche _ mais laquelle ?  celle qui se prétend « progressiste » et renie le mot de « socialiste »  ?.. _ soit maintenant au pouvoir. Il faudrait vraiment qu’elle soit active _ certes !!!!! _, pas comme elle l’a été _ trois fois hélas _ ces dernières années.


Une chose est certaine : le libéralisme tel qu’il nous est proposé _ l’ultra-libéralisme _ est une impasse absolue _ catastrophique ! _ et l’avenir est au métissage de nos sociétés. Il est inconcevable de ne pas se rendre compte que l’évolution du monde, quoi qu’il arrive, va vers le métissage. C’est l’avenir de l’humanité. Quant à l’avidité envers l’argent, c’est un système corrosif _ de corruption et de haine _ dont il faut sortir. Peut-être Benoît Hamon est-il en avance sur la question du travail et de la subsistance qui serait assurée par la société ?


Propos recueillis par Sandrine Blanchard

« Le Faiseur », de Balzac, mise en scène Robin Renucci, en tournée du 21 avril au 5 mai
« L’Enfance à l’œuvre », à partir de textes de Romain Gary, Henri Michaux, Arthur Rimbaud, Marcel Proust. Spectacle itinérant du 7 au 26 juillet dans le cadre du Festival d’Avignon
20es Rencontres internationales de théâtre en Corse, du 5 au 12 août

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/culture/article/2017/04/16/robin-renucci-l-industrie-du-divertissement-nous-devore_5111966_3246.html#G39Y9BjjoIBX6fu8.99

À méditer…

Titus Curiosus, ce dimanche 16 avril 2017

 

Autre contribution (de crise) de Thomas Piketty à la réflexion sur la nécessaire et urgente reconstruction de l’U.E.

02juil

Ce matin, au réveil, après  la découverte, dans le Monde _ Mort d’Yves Bonnefoy, poète, traducteur et critique d’art _, de la perte de l’immense poète _ mais un poète demeure toujours… _ qu’était Yves Bonnefoy,

je découvre un entretien que Thomas Piketty vient d’accorder à cinq journalistes étrangers, dont le correspondant à Paris d’El Pais, Carlos Yarnoz ;

en forme de suite à son article (du 28 juin, dans Le Monde) Reconstruire l’Europe après le Brexit _ reproduit et accessible dans mon article précédent : Une remarquable contribution de Thomas Piketty au questionnement sur une nécessaire et urgente reconstruction de l’U.E. .

Cet entretien, le voici, en castillan _ avec farcisssures en vert.


THOMAS PIKETTY | ECONOMISTA ESPECIALISTA EN DESIGUALDADES


“Nacionalismo y xenofobia es la respuesta fácil ante las desigualdades”


El autor de ‘El Capital en el Siglo XXI‘, analiza el ‘Brexit’ y los problemas de la UE

CARLOS YÁRNOZ


París 1 JUL 2016 – 19:59 CEST


Tras haber vendido en tres años 2,5 millones de ejemplares de su libro El Capital en el Siglo XXI, Thomas Piketty (Clichy, 1971) rechaza las continuas invitaciones que recibe para sumarse a la política activa. En esta entrevista en la fea y desangelada Escuela de Economía de París, donde es director de Estudios, este especialista en desigualdades cuenta a periodista de cinco medios europeos que la xenofobia y el nacionalismo campan por Europa y están en el origen del Brexit. La canciller Angela Merkel y el presidente François Hollande, dice, debieran apoyarse en Syriza, el PSOE o Podemos, partido al que, según cuenta al inicio de la charla, vota su esposa, Julia Cagé, nacida en Metz pero con doble nacionalidad franco-española.


Pregunta. ¿Ha llegado con el Brexit la catástrofe de la que usted alertó durante crisis griega?

Respuesta. Europa jugaba con fuego desde hace tiempo _ tiens, tiens… _, especialmente en la zona euro. La crisis de 2008, la más grave desde la II Guerra Mundial, ha sido mal gestionada. Nos empeñamos en reducir el déficit demasiado deprisa _ le choix du bon rythme est toujours crucial _ y matamos  _ voilà le résultat _ la recuperación, el crecimiento.

P. Inglaterra no padeció ese error al estar fuera de la zona euro.

R. Europa ha fracasado _ en sa gouvernance, et la malencontreuse prépondérance des Merkel et Schaüble _ y ha creado tensiones por doquier. Paradójicamente, Inglaterra salió mejor de la crisis, pero las políticas antisociales de David Cameron avivaron los resentimientos de las clases populares que ha llevado a una reacción _ de colère _ irracional a base de xenofobia y estigmatización.

P. ¿Cómo salir del embrollo?

R. Ahora nadie _ ni Cameron, ni Johnson, ni, encore moins, le totalement irresponsable Farage _ parece haberse preparado para el Brexit. Tenemos la sensación _ en effet _ de que, una semana después, todo el mundo navega a la vista. Pese a todo hay que recuperar _ voilà ! _ la esperanza _ cf le concept si important d’Ernst Bloch (et Cornelius Castoriadis) dans Le Principe Espérance (et L’Institution imaginaire de la société)de poder construir algo nuevo _ et meilleur _ a partir de este desastre. Un desastre para las generaciones jóvenes, que van a sufrir durante mucho tiempo las consecuencias de una opción elegida _ par colère et ressentiment primaires  _ por la gente mayor.

P. ¿Cómo valora la respuesta dada por la UE al Brexit?

R. Ha sido totalmente insuficiente _ c’est le moins que l’on puisse dire. Y hay asuntos pendientes importantes. Los costes causados por el secreto bancario suizo y mañana _ voilà ! _ por los paraísos fiscales de la Corona británica y la opacidad de la City son considerables. Si no se hace _ comme ne se fait rien depuis des années pour contrer ce qui l’alimente _, se alimenta el populismo. Me da miedo _ en effet ! _ ver que a los dirigentes europeos les falta coraje _ oui ! Une vertu indispensable.

P. ¿Y cómo debe transformarse la zona euro?

R. Soy partidario de un sistema bicameral: un Parlamento elegido directamente por los ciudadanos _ et j’ajoute, pour ma part, sur des listes qui soient (enfin !) européennes, et non plus nationales _ y otro que represente a los Estados nación con parlamentarios del Bundestag, la Asamblea Nacional francesa… El actual sistema no funciona ni funcionará jamás. En el Parlamento que propongo podría haber alianzas estratégicas, coaliciones ideológicas _ en fonction des questions débattues et réponses envisagées…

P. ¿Son los dirigentes políticos, y no solo británicos, responsables del Brexit?

R. Sí, sí. Y no solo los británicos. Francia no ha hecho nada _ hélas, par faiblesse, face à Merkel et Schaüble  _ en favor de los países del sur porque, con tipos de interés a cero…, mejor no cambiar. Claro que la actitud de Alemania _ Merkel, Schaüble _ ha sido insoportable y completamente irracional _ voilà. Machacando la actividad económica del Sur, los prestamistas alemanes no van a conseguir que se les devuelvan los créditos. Hay una voluntad de castigar _ voilà _ que denota dosis de nacionalismo _ sado-masochiste.

P. ¿Por qué se opone a la política de austeridad?

R. Porque no funciona. Alemania _ dans l’Histoire _ es el país por excelencia que jamás _ rien moins ! Ni après la Première Guerre Mondiale, ni après la Seconde… _ ha devuelto su deuda. Por eso es paradójico _ ô combien ! C’est même à rire !!! _ ver que Alemania exige a Grecia que devuelva hasta el último euro _ mais le relèvement d’un pays comme l’Allemagne a de tout autres enjeux et un tout autre poids que celui d’une petite Grèce… La realpolitik demeure ! Cf le podcast de mon entretien (le 7 juin dernier) avec Yves Michaud, à propos de son réjouissant (de lucidité!) Contre la bienveillance Europa se construyó _ au passé ! _ sobre el olvido _ oui ; sur les vertus de ce type d’oubli, à rebours des ressentiments, relire Nietzsche ! _ de las deudas, para que las nuevas generaciones no pagaran los errores de los antepasados.

P. ¿Y qué propone a nivel mundial?

R. Es necesario regular _ voilà ! _ el capitalismo. Necesitamos _ d’inventer _ instituciones democráticas fuertes _ les deux ! _ para regular _ voilà ! _ la deriva _ voilà ! _ de desigualdades _ terriblement destructrices : les politiciens de droite, ici, nous mènent au précipice ! _, a controlar _ voilà ! _ la potencia _ très effective, elle _ de los mercados, del capital, al servicio _ cette fois ! _ del interés general. Es un error _ celle de l’ultra-libéralisme _ creer que a eso _ l’intérêt général, donc _ se llega de forma natural. Hay una especie de fe _ idéologique, hélas _ en la autoregulación _ sans rien y rectifier-redresser _ de los mercados que es excesiva _ une hybris En 1914 _ juste avant le déclenchement de la Guerre _, durante la primera mundialización, hubo una sacralización del libre mercado y la propiedad privada que creó fuertes desigualdades, tensiones sociales, aumento del nacionalismo y, de alguna manera, contribuyó _ voilà !_ al estallido de la I Guerra Mundial.

P. Y más recientemente ha llegado el dumping _ multiplicateur à la puissance n de ces inégalités ! _ social, fiscal, financiero…

R. Sí. Y si no hay repuesta _ enfin ! _ para detener _ enfin ! _ esas desigualdades, la respuesta más fácil _ celle des Nigel Farrage et autres Boris Johnson, parangons des populismes paresseux, et follement irresponsables, en leur sado-masochisme… _ es el nacionalismo y la xenofobia. Y así surgen responsables políticos como Donald Trump, Boris Johnson o Marine Le Pen…gente _ elle-même _ muy privilegiada financiera y socialmente _ mais oui ! _ cuya única estrategia consiste en explicar _ rhétoriquement seulement, hélas ; et pour cause… _ a las clases populares blancas que sus enemigos son las clases populares mexicanas, negras… Distraen así la atención _ affaire de focalisations habiles _ sobre las desigualdades y las derivan hacia desigualdades identitarias, culturales, religiosas _ racistes.

P. Crecen movimientos xenófonos, pero también una izquierda radical, como Syriza o Podemos.

R. Yo lanzo una llamada a Hollande y Merkel para que se apoyen en Syriza, en Podemos, en el PSOE…en esos partidos de izquierda, más o menos radical. Vale, Alexis Tsipras no es perfecto, Pablo Iglesias no es perfecto, tampoco sus programas, hay imperfecciones en lo que cuenta, no tiene experiencia en el poder…, pero son mucho menos peligrosos _ voilà ! _ que los nacionalistas polacos, británicos, húngaros…

P. ¿Ha seguido de cerca las dos elecciones en España?

R. Sí, sí. Ahora hay una situación casi ingobernable. Se ha fomentado el miedo a Podemos _ avec succès _ humillando a Syriza, humillando a Grecia, exigiéndole privatizaciones totalmente irracionales para vendérselas luego baratas _ tiens, tiens… La crise ne pâtit donc pas à tous… _ a griegos ricos aliados de banqueros alemanes o franceses. Y lo han hecho para meter miedo _ voilà _ a los electores de países como España. Lo importante es que un cambio en España puede originar _ voilà _ un cambio en la zona euro _ toute entière. Francia, Italia y España suponen el 50% _ voilà _ de la población de la zona euro. Y Alemania, el 27% _ seulement. España, según sea pro o antiausteridad, cambia los equilibrios.

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Titus Curiosus, ce samedi 2 juillet 2016

La casse de l’école (et des humanités) : le regard de Martha Nussbaum dans « Les émotions démocratiques »

16sept

Dans son Les Émotions démocratiques _ comment former le citoyen du XXIe siècle ?,

la philosophe américaine Martha Nussbaum nous propose l’expertise très fine de son expérience des enjeux d’enseignement (et pédagogies ad hoc) aux États-Unis, mais aussi en Inde,

pour porter la lumière sur les liens (très étroits !) existant,

très fondamentalement,

entre formation du citoyen d’une authentique _ et pas simili ! à la mode des populistes haussant la voix et poussant de hauts cris !!! ils ne manquent pas d’air !.. _ démocratie _ à rebours des casses populistes, au service des menées des ultra-libéraux en faveur de la réduction des individus à des réflexes (les plus rapides possible !) à des compulsions d’achat (selon ce qui est (très vite, et le plus possible sans réflexion critique) estimé utile et agréable) primaires… _

et enseignement et pédagogie de la complexité : à destination de tout un chacun s’initiant à l’intelligence du réel, c’est-à-dire, un peu plus précisément, le monde, les autres, les œuvres les mieux humaines…

Et cela, à l’heure de la casse à laquelle se livrent de par le monde, et tout spécialement en France, les serviteurs serviles (et grassement stipendiés ! eux, « ils le valent bien » !) de l’anti-démocratie

au service des réducteurs de tête très efficaces du grand commerce _ cf l’excellent L’Art de réduire les têtes _ sur la nouvelle servitude de l’homme libéré, à l’ère du capitalisme total, de Dany-Robert Dufour _,

à rebours de l’entreprise d’initiation à la compréhension un peu subtile (et vraie !) de la complexité du réel et de l’attention aux autres (que soi et ses petits intérêts bien égoïstes) :

que permet, seule, l’imprégnation _ suivie : avec le temps et les moyens d’attention nécessaires que cela, forcément, implique ! _ aux œuvres,

scientifiques et technologiques, déjà _ non réduites à l’exposé des résumés de quelques résultats : lire ici tout l’œuvre d’Edgar Morin, et les tomes successifs de sa Méthode _,

mais plus encore artistiques et littéraires :

selon une logique (tellement plus subtile !) du qualitatif,

et pas seulement du (misérablement réducteur !) quantitatif.

Logique du qualitatif (des humanités !) seule apte à nous faire accéder à la compréhension des autres (ô frères humains !)…

Voici la quatrième de couverture de ces Émotions démocratiques _ comment former le citoyen du XXIe siècle ?… :

Une crise silencieuse frappe _ et sape grièvement ! au fil du défilé des jours (et de la crétinisation médiatique (et fun) qui l’accompagne) _ aujourd’hui les démocraties du monde. L’éducation se plie aux exigences du marché de l’emploi, de la rentabilité et de la performance, délaissant la littérature, l’histoire, la philosophie et les arts : les humanités. Pour Martha Nussbaum, l’une des plus grandes philosophes américaines, celles-ci ne sont ni un vestige du passé ni un supplément d’âme pour happy few.

Dans ce manifeste original et argumenté, Martha Nussbaum montre comment les humanités nous font accéder à la culture des émotions, à l’« imagination narrative ». C’est grâce à l’empathie que nous sommes capables de nous mettre à la place d’autrui, de nous identifier au « faible » au lieu de le stigmatiser, de développer de la compassion et du respect en lieu et place de l’agressivité et de la peur qui naissent inévitablement de la vulnérabilité, et de défendre l’intérêt commun.

Ce n’est pas à coup de débats d’idées abstraites que s’imposeront l’égalité et la liberté C’est en formant, par le biais des « émotions démocratiques », le citoyen du XXIe siècle.

Selon une démarche assez bien partagée outre-Atlantique, et qui mêle exposé des expériences personnelles singulières de l’auteur _ en particulier aux Êtats-Unis et en Inde _, et analyse théorique et factuelle à dimension d’universalité,

le livre de Martha Nussbaum éclaire excellemment ainsi les enjeux de fond de démocratie et culture des activités tant des créateurs eux-mêmes _ en la puissance effective de leur imaginer se construisant _, que des formateurs des nouvelles générations, afin de donner plein sens à ce qu’est, pour tout homme, une existence vraiment humaine,

et pas simplement une vie réduite à acheter des produits et services de bien peu de valeur, là où cherchent à s’imposer ce qui veut se faire passer pour le très pragmatiquent utile et le très pragmatiquement agréable

Cet article-ci s’inscrit donc, en cette rentrée scolaire (et universitaire), dans la continuité de mon article du 3 septembre : Face à la déculturation : (re-)penser l’école pour apprendre à apprendre à penser (et « bien faire l’homme » !) , sur ces mêmes enjeux civilisationnels !

Et il y a urgence !…


Titus Curiosus, ce 16 septembre 2011

 

« Faire monde » face à l’angoisse du tout sécuritaire : la nécessaire anthropologie politique de Michaël Foessel

18jan

Pour présenter la conférence _ l’enregistrement dure 65 minutes _ de cet après-midi même,

mardi 18 janvier 2011, à 18 heures, dans les salons Albert-Mollat,

_ et dans le cadre de la saison 2010-2011 de la Société de Philosophie de Bordeaux _,

de Michaël Foessel :

« Les nouveaux modèles sécuritaires : vers une cosmopolitique de la peur ? »


Comment expliquer que l’affaiblissement des modèles de justice _ cf Mireille Delmas-Marty : Libertés et sûreté dans un monde dangereux (aux Éditions du Seuil) : un livre très important ! + mon article du 30 mai 2010 : Curiosité, inspiration et génie : splendeur de la conférence (artiste et rigoureuse) de Mireille Delmas-Marty au Festival Philosophia 2010 à Saint-Emilion _ s’accompagne de la montée en puissance des politiques sécuritaires ? Assiste-t-on aujourd’hui à un retour inattendu des États-nations et de leur souveraineté, comme semble l’indiquer le durcissement des politiques d’immigration ? Pourquoi la mondialisation libérale ne s’accompagne-t-elle pas d’une référence à un droit cosmopolitique ?

On montrera que le « monde » de la mondialisation se définit avant tout par la conscience du risque et la généralisation des peurs : un monde que l’on cherche seulement à préserver est aussi un monde que l’on a renoncé à transformer.

Ce renoncement pourrait bien être un écueil pour la démocratie…

voici, à nouveau

_ la première fois, ce fut le 22 avril 2010 : Le courage de “faire monde” (face à la banalisation esseulante du tout sécuritaire) : un très beau travail d’anthropologie à incidences politiques de Michaël Foessel _,

ma présentation de son _ excellentissime ! _ livre État de vigilance _ Critique de la banalité sécuritaire (aux Éditions Le Bord de l’eau) :

Comme pour poursuivre le questionnement (et l’analyse !) sur les manières de résister _ intelligemment et efficacement ! _ aux ravages civilisationnels de l’étroitesse utilitariste _ dictatoriale ! subrepticement totalitaire ! _ du néolibéralisme

_ cf mon article précédent « Penser le post-néolibéralisme : prolégomènes socio-économico-politiques, par Christian Laval«  à propos de la conférence de Christian Laval « Néolibéralisme et économie de l’éducation« , mercredi dernier à la librairie Mollat _,

voici que paraît ce mois d’avril 2010, sous la plume de l’excellent Michaël Foessel _ l’auteur du lucidissime, déjà, La Privation de l’intime, aux Éditions du Seuil en 2008 : le sous-titre en était : « mises en scènes politiques des sentiments«  : un travail déjà très important et magnifique !.. _ un passionnant et très riche (en 155 pages alertes, nourries et incisives !) État de Vigilance _ Critique de la banalité sécuritaire,

aux Éditions Le Bord de l’eau (sises _ après Latresne… _ à Lormont, sur les bords de la Garonne…),

et dans une collection, « Diagnostics« , que dirigent nos judicieux collègues bordelais Fabienne Brugère et Guillaume Le Blanc…

L’ouverture d’esprit ainsi que le champ d’analyse _ et de culture :

principalement philosophique : de Hobbes, excellemment « fouillé«  (entre Le Citoyen et Léviathan), à Hannah Arendt (La Crise de la culture) ou Hans Blumenberg (Naufrage avec spectateur, paru en traduction française aux Éditions de L’Arche en 1994) et Wendy Brown (Les Murs de la séparation et le déclin de la souveraineté étatique), ainsi que, et surtout, les dernières leçons au Collège de France de Michel Foucault (par exemple Naissance de la biopolitique, ou L’Herméneutique du sujet ; et aussi La Gouvernementalité, en 1978, disponible in Dits et écrits…) ;

mais pas seulement : cf, par exemple, la mise à profit par Michaël Foessel du tout récent et important travail de la juriste Mireille Delmas-Marty : Libertés et sureté dans un monde dangereux ; ou de celui du Prix Nobel d’économie Amartya Sen, in le rapport de l’ONU paru en 2003 La Sécurité humaine maintenant…) _

l’ouverture d’esprit ainsi que le champ d’analyse

de Michaël Foessel, n’ont, Dieu merci !, rien d’étroit ; ni de mesquin, d’avare 

Non plus que sa sollicitude _ passablement inquiète (sinon « vigilante«  !..), sans être excessivement dramatisée, voire hystérisée, cependant : à la différence des rhétoriques (sécuritaires) excellemment mises en lumière et critiquées ici, en leur banalisation même, à renfort quotidien, laminant, de medias et de communiquants, d’un « catastrophisme«  très complaisamment et non innocemment surjoué, lui !.. _

non plus que sa sollicitude, donc,

à l’égard de la santé de la démocratie et du « vivre ensemble » en notre histoire collective (sociale, économique, politique) désormais globalisée _ d’où l’expression du titre de cet article : « faire monde » !

La quatrième de couverture de État de Vigilance _ Critique de la banalité
sécuritaire
énonce ceci (avec mes farcissures ! si l’on veut bien…) :

« Nous vivons sous le règne de l’évidence _ à la fois matraquée par les medias et les divers pouvoirs ; mais aussi largement assimilée (et partagée) par bien des individus (je n’ose dire « citoyens« , tant ils se dépolitisent et « s’esseulent« …), qui y adhérent, donc, en nos démocraties… _ sécuritaire. Des réformes pénales _ telle « la loi sur la « rétention de sûreté » adoptée par le Parlement français en février 2008 » (cf page 51)… _ aux sommets climatiques en passant par les mesures de santé : l’impératif _ normé _ de précaution a envahi nos existences. Mais de quoi désirons-nous tant _ voilà la dimension anthropologique fondamentale que dégage magnifiquement le travail d’analyse, ici, de Michaël Foessel _ nous prémunir ? Pourquoi la sécurité produit-elle _ de fait, sinon de droit, en ces moments-ci de notre histoire contemporaine… _ de la légitimité _ socialement, du moins _ ? Et que disons-nous lorsque nous parlons _ ainsi que le relève aussi Mireille Delmas-Marty _ d’un monde « dangereux » ?

Le maître mot de cette nouvelle perception du réel est « vigilance » _ à laquelle sont expressément et en permanence « invités« , en leur plus grande « liberté«  (d’individus), et au nom du plus élémentaire « bon sens« , les membres de nos sociétés, au nom de leurs plus élémentaires (toujours : nous sommes là et demeurons dans le plus strict « basique«  ! du moins, apparemment !..), au nom de leurs plus élémentaires intérêts : « vitaux«  !.. Rien de plus « rationnel« , en conséquence !!!

L’état _ permanent : sans cesse (obligeamment !) rappelé : on s’y installe et on le réactive d’instant en instant le plus possible… _ de vigilance s’impose _ ainsi : avec la plus simple (et douce) des évidences ! « naturellement« , bien sûr ! _ aux individus non moins qu’aux institutions : il désigne l’obligation _ bien comprise ; mais non juridique ! _ de demeurer sur ses gardes _ apeuré _ et d’envisager le présent _ en permanence, donc _ à l’aune des menaces _ de tous ordres, et fort divers : Michaël Foessel en analyse quelques unes ; ainsi que l’effet (incisif) de leur conglomérat (pourtant composite : en réciproques contagions)… _ qui pèsent sur lui.

Cette éthique de la mobilisation _ apeurée, donc _ permanente _ voilà : à coup d’« alarmes«  et de « conseils de précaution«  (préventifs et réitérés) des plus aimable : du type « à bon entendeur, salut !«  _ est d’abord celle du marché _ tiens donc ! mais rien n’est gratuit en ce bas monde : tout a un « coût« , n’est-ce pas ?.. : la première évidence, et normative, est donc, par là, marchande ! _, et ce livre montre le lien entre la banalité sécuritaire et le néolibéralisme _ c’est là le point capital. Abandonnant le thème _ bien connu, lui ; et assez bien balisé _ de la « surveillance généralisée », il propose _ plus profondément et plus originalement _ une analyse des subjectivités vigilantes _ apeurées contemporaines : ce sont elles les acteurs-fantassins du premier « front«  On découvre la complicité _ politico-économico-sociétale _ secrète entre des États qui rognent _ oui ! en leur forme d’« État libéral-autoritaire«  : analysé dans le chapitre 1 du livre : « L’État libéral-autoritaire« , pages 27 à 55 : une analyse décisive !!! _ sur la démocratie _ voilà ! et l’enjeu est de taille !!! _ et des citoyens qui aiment _ voilà _ de moins en moins _ en effet _ leur liberté _ eh ! oui ! au profit du fantasme de leur « confort«  désiré, mis à mal (par toutes ces « inquiétudes«  !), mais encore moins satisfait ainsi : de plus en plus rabroué !!! au contraire…

L’équilibre (par définition instable : la dynamique de ce dispositif est conçue et voulue ainsi ! en spirale vertigineuse) des pratiques et de discours (rhétoriques) et de pouvoir bien effectif, lui (avec espèces bien sonnantes et bien trébuchantes à la clé !), des communiquants amplement mis à contribution et des détenteurs du pouvoir politique (ainsi qu’économique : mais ils sont en très étroite connexion, collusion) en direction du « public«  (des individus : chacun esseulé dans sa peur) ciblé se situe et se maintient (et cherche à s’installer et durer) en ce schéma mouvant et émouvant (affolant…) : dans la limite, à bien calculer-mesurer, elle, du supportable… Les élections et les sondages d’opinion (d’abord) en fournissant d’utiles indicateurs pour les pilotes décideurs et acteurs « à la manœuvre« 

L’État libéral-autoritaire produit _ ainsi _ des sujets _ assujettis, tout autant que s’assujettisant (d’abord, ou ensuite, ou en couple : comme on préfèrera), ainsi « manœuvrés«  en leurs affects dominants… _ et des peurs qui lui sont adéquats. C’est à cette identité nouvelle entre gouvernants et gouvernés qu’il faut apprendre à résister« 

_ par là, l’intention de ce livre-ci de Michaël Foessel rejoint le souci (de démocratie vraie !) qui animait aussi Christian Laval en sa conférence de mercredi dernier : Néolibéralisme et économie de la connaissance ; ou en son livre avec Pierre Dardot : La Nouvelle raison du monde

Personnellement, j’ai beaucoup apprécié le passage d’analyse de la curiosité, pages 127 à 131 d’État de Vigilance _ à l’ouverture du chapitre 4 et dernier, intitulé « Cosmopolitique de la peur ? » (et explorant de manière très judicieuse « l’hypothèse d’une historicité de la peur«  : l’expression se trouve page 123) _ à partir d’une lecture fine de l’article « Curiosité«   de Voltaire dans l’Encyclopédie : à contrepied de l’interprétation par Lucrèce, au Livre II de De la nature des choses, de ce qui va devenir, à partir de lui, le topos du « naufrage avec spectateur« …

« Aussi longtemps que la sécurité a été une caractéristique de la sagesse et non une garantie politique, la peur était définie comme une faute imputable à l’ignorance. Dans la célèbre ouverture du livre II de son poème, Lucrèce présente ainsi le plaisir qu’il peut y avoir à se sentir en sécurité lorsque tout, autour de soi, s’effondre :

« Douceur, lorsque les vents soulèvent la mer immense,

d’observer du rivage le dur effort d’autrui,

non que le tourment soit jamais un doux plaisir

mais il nous plaît de voir à quoi nous échappons. »

Le sage jouit de savoir que sa position n’est pas menacée. Devant le spectacle de la tempête, il ne ressent pas de peur, précisément parce que sa sagesse est ataraxie, tranquillité et constance de l’âme. Il n’y a rien dans ce sentiment du spectateur face à la violence des flots qui ressemble à la « pitié » des modernes : le philosophe antique n’éprouve aucune émotion à contempler les malheurs d’autrui. La pitié est une passion démocratique _ en effet ! _, puisqu’elle suppose l’égalité entre celui qui souffre et le témoin de sa souffrance.

A l’inverse, Lucrèce chante ici la hauteur _ d’âme _ du sage _ épicurien, matérialiste _ qui sait qu’il n’existe pas de Providence _ rien que le jeu de la nécessité et du hasard, avec le clinamen _, et que la colère des Dieux ne peut pas s’abattre sur la Terre. Le philosophe est préparé à l’agitation du monde parce que son savoir le prémunit _ en son âme : en ses affects _ des désordres _ du réel des choses _ qui se laissent expliquer par le mouvement nécessaire des atomes. Son rapport contre la peur est de nature scientifique, construit avec la théorie d’Épicure.

Hans Blumenberg _ en son Naufrage avec spectateur _ a montré que l’histoire de cette image _ du naufrage avec spectateur »  » _ était aussi celle des rapports entre la raison _ voilà : en ses diverses acceptions : plus ou moins calculantes ; plus ou moins utilitaristes… _ et ce qui, dans le monde, est inquiétant. « Le naufrage, en tant qu’il a été surmonté, est la figure d’une expérience philosophique inaugurale » _ écrit Blumenberg, page 15 de ce livre (paru aux Éditions de l’Arche en 1994). La force de cette métaphore réside dans l’opposition entre la terre ferme (où l’homme établit ses institutions _ à peu près stables _ et fonde ses savoirs _ avec une visée de constance _) et la mer comme « sphère de l’imprévisible ». L’élément liquide symbolise le danger puisqu’il échappe aux prévisions, en sorte que le voyage en pleine mer permet de penser la condition humaine dans ce qu’elle a d’effrayant _ dans l’augmentation du risque de mortalité effective. Dans tous les cas, surmonter l’expérience du naufrage suppose de le « voir » du rivage, et de ne pas craindre pour sa vie _ ainsi qu’on l’a évoqué plus haut _ ce fut pages 89 à 91 _, ce sera encore le modèle de Kant dans son analyse du sublime

_ au § 28, Ak V, 261-263 de la Critique de la faculté de juger :

« il importe à Kant que le sublime soit autre chose qu’une épreuve du désastre pour que le déchaînement de la nature devienne l’occasion d’une prise de conscience d’une faculté qui, en l’homme, excède toute nature : sa liberté« , page 90 d’État de Vigilance.

Et Michaël Foessel poursuit alors : « A l’abri de la violence qu’il contemple, le sujet découvre en lui « un pouvoir d’une toute autre sorte, qui (lui) donne le courage de (se) mesurer avec l’apparente toute-puissance de la nature« . La liberté est cette faculté qui situe l’homme à la marge _ voilà ! _ du monde, en sorte qu’il n’a rien à craindre des tumultes naturels. Mais pour que le sujet puisse s’apercevoir _ voilà encore ! _ de sa liberté, il faut qu’il se sente en sécurité et que sa peur ne se transforme pas en angoisse«  _ une distinction cruciale, que Michaël Foessel reprendra plus loin, page 143, à partir de la distinction qu’en fait Heidegger.

Et pour montrer, page 145, avec Paolo Virno, en sa Grammaire de la multitude _ pour une analyse des formes de vie contemporaines, que « la ligne de partage entre peur et angoisse, crainte relative et crainte absolue, c’est précisément ce qui a disparu«  ; et que « c’est plutôt à l’« être au monde » dans son indétermination _ la plus vague qui soit : « Qu’est-ce que j’peux faire ? j’sais pas quoi faire…« , chantonnait en ritournelle la Marianne (confuse…) du Ferdinand de Pierrot le fou, de Godard, sur l’Île de Porquerolles, en 1965 _, c’est-à-dire à la pure et simple exposition à ce qui risque _ voilà _ d’advenir ou de disparaître _ les deux unilatéralement négativement… _, que renvoient les peurs angoissées _ voilà leur réalité et identité (hyper-confuses !) clairement déterminée ! _ du présent.« 

Avec cette précision décisive encore, toujours page 145 : « Les discours de la « catastrophe », une notion qui tend à se généraliser bien au-delà des phénomènes naturels, enveloppent nos craintes d’une aura de fin du monde. Apocalypse sans dévoilement _ et pour cause ! en une (hegelienne) « nuit où toutes les vaches sont noires«  _, la catastrophe devient la figure du mal sous toutes ses formes _ mêlées, emmêlées _ : injustice, souffrance et faute. Les théories de la « sécurité globale » se fondent précisément sur la généralisation _ indéfinie autant qu’infinie _ de ce modèle à toutes les formes d’insécurité, comme s’il n’y avait d’autre moyen d’envisager la résistance du réel qu’à l’aune de son possible effondrement« _ tout fond « cède« … : aux pages 145-146 ;

Michaël Foessel ne se réfère pas aux analyses de Jean-Pierre Dupuy ; par exemple Pour un catastrophisme éclairé

Fin ici de l’incise ouverte avec la référence au « sentiment de sécurité«  comme condition de l’expérience du « sentiment de sublime«  selon Kant ; et les remarques adjacentes sur l’opportunité de la distinction « peur« /« angoisse«  ; et le « catastrophisme« … Et retour aux remarques sur la « curiosité«  et la démarcation de Voltaire par rapport à Lucrèce, aux pages 125 à 128 du chapitre « Cosmopolitique de la peur ?« 

« C’est dans la modernité que l’on procède à une réinterprétation radicale de la métaphore du « naufrage avec spectateur » ; donc du statut anthropologique de la peur«  _ soit le centre de ce livre décidément important qu’est État de Vigilance _ Critique de la banalitésécuritairePour les penseurs des Lumières, il n’est plus question de valoriser la distance indifférente du spectateur, car celle-ci suppose une quiétude qui ressemble trop _ par son statisme, son inertie ; et son anesthésie doucereuse _ à la mort. Désormais, la vie est perçue comme ce qui reste _ bienheureusement ! _ en mouvement _ vital ! pardon de la redondance ! _ grâce à ce qui risque de lui être fatal : le danger devient une dimension positive _ dynamisante _ de l’expérience«  _ se construisant pour sa sauvegarde nécessaire : page 126. « En conséquence, il faut réhabiliter les passions qui, d’une manière ou d’une autre, ont toujours été la source _ nourricière, féconde, fertile _ de ce qui s’est fait de grand dans le monde«  ; et donc « il faut désormais s’intéresser à ce qui se passe sur le bateau afin d’éviter qu’un naufrage se reproduise _ le réel étant répétitif jusque dans ses accidents les plus rares (= un peu moins fréquents, seulement…) : commencent alors à prospérer les statistiques (par exemple dans la Prusse de Frédéric II) : Kant ne manque pas de le remarquer en ouverture de son article crucial Idée d’une histoire universelle au point de vue cosmopolitique, en 1784…

« C’est pourquoi Voltaire réinterprète l’image du naufrage avec spectateur dans l’article « Curiosité » de l’Encyclopédie » : « C’est à mon avis la curiosité seule qui fait courir sur le rivage pour voir un vaisseau que la tempête va submerger ! »

Le sentiment de sécurité du sage est contredit par un affect universel : le désir de savoir de quoi il retourne dans les catastrophes. Pour Lucrèce, un naufrage n’est jamais que le résultat d’un mécanisme naturel qui affectait par hasard les hommes. Pour l’éviter, il convenait donc surtout de ne pas prendre la mer _ liquide et mobile : éviter le risque de ce danger ; voire le fuir : en s’abstenant de courir le risque : « mieux vaut changer ses désirs que l’ordre du monde« , hésitait (et balançait…) encore un Descartes (avec un plus entreprenant « devenir comme maître et possesseur de la Nature« , en 1637 (en son « Discours de la méthode pour bien conduire sa raison et chercher la vérité dans les sciences« )… _, et de demeurer sur la terre ferme _ solide et davantage stable _ décrite par la physique épicurienne. A l’inverse, le penseur des Lumières s’intéresse aux naufrages parce qu’ils atteignent ce qu’il y a de plus noble _ voire héroïque _ en l’homme : son désir _ faustien (cf tout ce qui bouge entre le Faust de Christopher Marlowe en 1594, pour ne rien dire de celui de l’écrit anonyme Historia von D. Johann Fausten, publié par l’éditeur Johann Spies, en 1587, et le Faust de Goethe…) _ de dépasser ses limites en apprivoisant _ = « s’en rendre comme maître et possesseur« , dit, à la suite d’un Galilée (« la Nature est écrite en langage mathématique« ), un Descartes, en 1637, donc : les dates ont de l’importance… _ la nature. Dès lors, il faudra se demander comment prendre la mer (c’est-à-dire civiliser le monde _ sinon le coloniser et mettre en « exploitation«  _), sans courir de risques inutiles _ le pragmatisme utilitariste a de bien beaux jours devant lui ; pages 127-128…

Quel est le rapport entre cette valorisation de la curiosité _ à ce moment des Lumières et de l’Encyclopédie _ et l’histoire de la peur ?

Avant les Lumières, Hobbes est le premier _ ou parmi les premiers : cf un Bacon… _ philosophe à réhabiliter la curiosité contre sa condamnation chrétienne. (…) La curiosité n’est rien de plus que « le désir de savoir pourquoi et comment » _ énonce Hobbes dans Léviathan, au chapitre VI. (…) Être curieux, c’est être amoureux _ oui _ de la connaissance des causes : l’homme doit à cette passion _ voilà _ toute sa science et ses plus hautes œuvres de culture. La curiosité est donc l’opérateur _ tel un clinamen de très large amplitude et fécond _ de la différence humaine«  _ par rapport au reste du vivant (et du règne animal) : moins « déployé« 

Et « pourquoi cette réhabilitation de la curiosité est-elle en même temps _ dans l’œuvre de Hobbes _ une valorisation de la peur ?« , page 129.

« Pour les penseurs de la modernité (…), le désir de savoir qui mène le spectateur sur le rivage et l’incite à analyser les causes du désastre s’explique, tout comme la peur _ voilà ! _ par un rapport inquiet au futur.

« C’est l’inquiétude des temps à venir » qui « conduit les hommes à s’interroger sur les causes des choses » _ énonce Hobbes dans Léviathan, au chapitre XI. La curiosité n’est une passion aussi vivace _ c’est aussi une affaire de degrés _ que parce que les êtres humains se trouvent dans l’ignorance de l’avenir, et cherchent par tous les moyens à remédier _ = prendre des mesures préventives tout autant efficientes qu’efficaces (soit prévoir & pourvoir ! pragmatiquement ! _ à leurs craintes«  _ on pourrait citer aussi, ici, le très significatif chapitre XXV du Prince de Machiavel ; avec la double métaphore de la crue catastrophique (faute, aux hommes, d’avoir ni rien prévu, ni rien pourvu !) du fleuve et des « digues et chaussées«  (à concevoir & réaliser) qui, si elles n’empêchent pas la-dite crue d’advenir et se produire, évitent du moins ses effets ravageurs catastrophiques sur les hommes et leurs biens institués ou construits : en les « sauvant«  de la destruction. A cet égard, la « précaution«  (active et efficiente) est plus « moderne«  que la simple « fuite«  (passive) à laquelle recouraient les Anciens…

 

C’est alors que Michaël Foessel compare (et confronte) les peurs contemporaines aux peurs modernes ; et la place changeante qu’y prend, tout particulièrement, en chacune, le remède politique de l’État ; ainsi que ce qu’il qualifie, page 131, de « l’histoire de la rationalisation _ calculante _ de la peur« …

Avec la modernité de Hobbes, « au moment où elle devient raisonnable, la peur acquiert le statut de passion politique _ quand se construisent les États-Nations de la modernité. La banalité sécuritaire se fonde _ alors _ sur cette équivalence entre une peur _ citoyenne _ qui cherche à se dépasser dans la tranquillité _ d’une part _ et _ d’autre part _ un État qui répond _ voilà ! _ à cette exigence par les moyens de la souveraineté » _ voilà !

« Mais qu’en est-il de cette équivalence aujourd’hui ?«  _ en cette première décennie de notre XXIème siècle, page 132.

Les dix-sept pages qui suivent vont y répondre :

et selon « l’hypothèse«  d’« une dépolitisation de la peur » _ dans le cadre oxymorique (à déchiffrer !) des « États libéraux-autoritaires« _ ; c’est elle « qui explique pour une part _ au moins _ les évolutions sécuritaires auxquelles nous assistons« … 

Michaël Foessel alors résume les trois apports du modèle moderne (hobbesien) _ soient :

« passion du calcul rationnel,

rappel à la finitude,

affect qui ne peut se dépasser que dans l’institution :

voilà les trois principales caractéristiques qui font de la peur un sentiment politique à l’intérieur de l’anthropologie classique«  _, afin d’y confronter ce qui se passe à notre époque :

« ce modèle est-il encore le nôtre ?« , demande-t-il, page 136. 

« Il semble que les peurs actuelles empruntent surtout au premier élément : la vigilance prônée dans les sociétés néolibérales est un appel constant à évaluer les risques _ voilà ! _ pour les intégrer à un calcul _ de plus en plus strictement utilitaire _ en termes de coûts et de bénéfices«  _ faisant devenir chacun et tous et en permanence des comptables de leur existence (réduite à cela) !!!

« Il est déjà moins sûr que la peur fonctionne encore comme un correctif à la démesure _ ah ! ah ! la cupidité du profit, de l’appât du gain (d’argent) n’ayant guère, déjà et en effet, de « mesure«  Les mesures sécuritaires _ en effet _ s’inscrivent dans un projet qui est celui de la maîtrise aboutie _ voilà ! _ du monde _ dont les hommes, s’agitant sans cesse _, comme si des technologies électroniques devaient tendanciellement se substituer aux évaluations humaines _ subjectives : par l’exercice personnel du juger… _ de la menace.« 

Et Michaël Foessel de commenter excellemment : « Ainsi qu’on le voit avec la biométrie, le rêve _ un terme qui doit toujours nous alerter ! _ sécuritaire est un rêve d’abolition de la contingence _ voilà l’horreur : le « rêve«  d’une vie enfin sans « jeu«  ! sans la marge d’incertitude d’une « création » éventuelle (= indéterminée, forcément) de notre part ; ce que Kant nomme aussi « liberté » du « génie«  ; ou qui, aussi et encore, est la poiesis _ dans lequel les identités individuelles sont réduites _ voilà ; et drastiquement : telle une implacable peau de chagrin… _ à des paramètres constants et infalsifiables _ une réification (= choséification) de l’homme ! La crainte (…) est _ alors _ plutôt le titre d’un nouveau fantasme de perfection : celui d’un monde régulé _ tel un lit de Procuste ! on y coupe ce qui dépasse _ par des informations dont il n’est plus permis de douter puisqu’elles ont été avalisées par la science _ et ses experts patentés ! en fait l’illusion mensongère (et ici servile et stipendiée !) du scientisme… La peur n’est rationnelle que si elle fait parvenir ceux qui l’éprouvent à un plus haut degré de perception _ pré-formatée _ du réel _ pré-sélectionné et bureaucratiquement breveté, ainsi, par quelques officines monopolistiques !

Mais les peurs actuelles peuvent plutôt être interprétées comme des angoisses _ sans contour ni objets identifiables : re-voilà ce concept crucial _ face au réel _ méconnu, lui, en sa diversité et spécificité qualitative : hors numérisation et comptabilité ! _ et à ce qu’il comporte de hasards _ bel et bien objectifs ! lire ici Augustin Cournot ; ou Marcel Conche : l’excellent L’Aléatoire (paru aux PUF en 1999)… _ et d’incertitudes » _ ludiques et glorieuses… Aux pages 136-137…

« Mais c’est surtout sur le dernier point, celui qui associe la peur et l’institution de la souveraineté, qu’il nous faut admettre ne plus vivre dans un monde hobbesien.« 

Car « la peur qu’éprouvent les sujets à l’égard des institutions est différente de la crainte raisonnable éprouvée face au Souverain«  _ énoncée et décrite dans Léviathan. « Dans un monde globalisé, les craintes _ désormais _ sont transnationales : c’est pourquoi les frontières classiques ne sont plus perçues _ par les individus _ comme des protections suffisantes« 

Et « des peurs contemporaines, on peut dire qu’elles sont « socialisées » en ce sens qu’elles renvoient à des attitudes _ larges et floues : voilà _ plus qu’à des actes illégaux _ spécifiés. Les citoyens ne sont donc pas seulement tenus de craindre les appareils étatiques de contrainte, ils doivent d’abord être vigilants face à _ tout _ ce qui, dans leur environnement immédiat _ infiniment ouvert et mobile _, les met _ subjectivement _ en danger« , pages 137-138.


Avec ce résultat que « le bénéfice de la peur politique, qui est de permettre aux individus de s’abandonner à _ la douceur presque insensible d’ _ une certaine confiance mutuelle _ oui : cette « civilité«  (« pacifique ») était l’objectif politique escompté, au final, du modèle d’État hobbesien _, est alors perdu au bénéfice d’une défiance _ rogue et perpétuellement malheureuse ; plus qu’intranquille : perpétuellement sur le bord de verser dans l’humeur querelleuse et agressive _ généralisée« , page 139. 

Avec aussi ce résultat, terrible : « les peurs d’aujourd’hui isolent _ voilà _ les individus parce qu’elles ne désignent pas un « autre » comme danger, mais se défient _ et fondamentalementdu réel social même _ en son entièreté. Les murs contemporains _ ceux qu’analyse Wendy Brown en son très remarquable Les Murs de la séparation et le déclin de la souveraineté étatique _ montrent _ cruellement, en leur réalisme ! _ que la peur n’est plus à l’origine d’un désir communautaire _ celui de « faire monde« , ou « société«  _, mais qu’elle est une invitation à faire sécession _ voilà ! en une « forteresse assiégée«  isolée du reste par ses barbacanes, fossés et douves… _ d’un monde jugé globalement pathogène«  _ (= toxique) : page 139…

Par là, « le modèle de l’aversion _ et de la fuite : mais jusqu’où ?.. _ semble plus adéquat _ en notre aujourd’hui d’« apeurement«  généralisé… _ que celui de la peur classique pour aborder les refus du présent« , en déduit Michaël Foessel, page 142.

Avec cette conséquence éminemment pratique que « confronté à un marché et à des risques qui ne connaissent plus de frontières, les souverainetés étatiques blessées _ et qui demeurent encore _ ne peuvent répondre autrement que sur un mode _ c’est à bien relever ! _ à la fois métaphorique _ ou magique ! d’où les palinodies d’incantations… _ et réactif au désir de monde clos qui anime la peur _ = l’angoisse, en fait… A force de discours _ et pas seulement ceux des communiquants et publicitaires, et autres propagandistes stipendiés _ qui affirment que le danger est partout puisqu’il est le monde lui-même _ voilà ! _, la peur a perdu _ et c’est un comble ! _ sa vertu de circonspection. N’étant plus en mesure de distinguer _ ni évaluer, ou mesurer, non plus ! _ le menaçant de l’inoffensif, elle tend à envisager _ fantasmatiquement _ toute chose _ à l’infini, continument ! _ comme un danger en puissance« , page 143. « Les peurs contemporaines ne font plus monde«  _ par là même : en un « esseulement«  (anti-social) proprement affolant…


Et « l’angoisse advient dans l’effondrement de ces significations _ qui furent jadis familières _ lorsque plus rien ne répond à nos attentes _ devenues seulement mécaniques et réflexes _ ou ne s’inscrit dans un horizon maîtrisé _ mécaniquement, aussi _ par nos actes«  _ selon quelque chose dont Kafka semble avoir, avec beaucoup, beaucoup d’humour, lui, exprimé très lucidement quelque chose…

D’où « les discours de la catastrophe » contemporains… Et « dans les politiques de la catastrophe _ qui se déploient si complaisamment _, il n’y a plus de différence de nature entre un monde qui menace de disparaître à cause de l’insouciance des hommes et une vie qui déraille » _ carrément ; page 146.

Certes « une catastrophe possède des remèdes, mais ceux-ci _ massifs, forcément… _ empruntent toutes leurs procédures à la science _ calculante, ainsi qu’à la techno-science (son compère), à partir de probabilités envisageables selon des moyennes… _ et aux mesures préventives _ techniques, mécaniques et automatisées _ qu’elle permet d’anticiper.

Sciences du climat, mais aussi du comportement, du crime, de la gestion des risques sanitaires et de la conduite _ envisageable, grosso modo, statistiquement… : le raisonnement se fait sur des ensembles, des masses, des foules ; et pas sur des singularités : non ciblables… _ des hommes _ coucou ! les revoilà ! _ : autant d’édifices théoriques qui figent l’avenir _ on en frémit ! tels des papillons promis (et condamnés) au filet, au formol et à l’épingle qui les immobilise pour l’éternité ! _ dans les prédictions _ ou prévisions ? imparables ?.. _ qui en sont faites.


Il faut _ très concrètement _ que la catastrophe _ massive !!! donc… _ soit un horizon _ incitatif suffisant ! pour les individus comme pour les gouvernants, par l’incommensurabilité de son caractère épouvantable ! sinon, on demeure insouciant ; et imprévoyant ! anesthésié qu’on est par le désir de confort et de routine ordinaire… _ pour que le monde et les vies deviennent prévisibles _ ceux qui contrôlent et calculent en étant à ce compte-là seulement, rassurés ! On ne maintient pas _ voilà ! _ les citoyens et les gouvernants dans la prévoyance active pour les lendemains si ceux-ci ne sont pas menacés _ rien moins que _ du pire. En sorte que les discours de la catastrophe ont tout de la prophétie autoréalisatrice : ils suscitent les peurs angoissées auxquelles ils proposent _ bien fort _ d’apporter une solution« , page 146.


Et « cette circularité _ voilà : auto-alimentatrice du système _ entre la peur angoissée _ sans objet nettement déterminé _ et la vigilance productive qu’elle induit _ voilà _ ne se limite nullement aux rapports entre les individus et les États. On n’expliquerait pas, sinon, qu’elle ait pu investir les vies jusque dans leur intimité _ mais oui ! _, réduisant toujours les espaces de quiétude. La peur incertaine _ angoissée, kafkaïenne… _ s’est transformée en élément _ productif _ de mobilisation permanente _ d’où la polysémie du titre de l’ouvrage : « État de vigilance«  : dont le sens, aussi, d’un état perpétué en permanence d’attention inquiète, voire stressée, des individus ; en plus de l’« État libéral-autoritaire« , adjuvant (et complice : bras séculier !) de l’économie néolibérale… _ dans un système global, que faute de mieux, nous appelons « néolibéralisme » _ voilà !

La vigilance ne serait jamais devenue un _ tel _ ethos majoritaire _ et continuant de se répandre _ si les trois dernières décennies _ après la fin des « trois glorieuses«  et la première grande crise du pétrole, en 1974… _ n’avaient pas été celles de l’introduction des horaires flexibles _ la flexibilité tuant la plasticité ; cf les excellents ouvrages là-dessus de Catherine Malabou… _, de l’affaiblissement des garanties liées au contrat de travail ; et de la sous-traitance à des entrepreneurs indépendants et socialement fragilisés«  _ en effet ! voilà des procédures empiriques diablement efficaces sur le terrain pour créer, multiplier et entretenir l’anxiété…


Et « le « management par la terreur » _ oui ! _ fait système _ lui aussi : par le haut ! _ avec ce réel angoissé _ oui ! _ où le fait de se sentir nulle part « chez soi » _ une barbarie ! _ est considéré _ managérialement ! Michaël Foessel cite ici une déclaration en ce sens de Andrew Grove, ancien PDG d’Intel : « la peur de la compétition, la peur de la faillite, la peur de se tromper et la peur de perdre sont des facteurs de motivation efficaces«  _ comme une vertu cardinale« , page 147 _ au bénéfice d’une nomenklatura, qui, elle, de fait, sait fort bien s’en exempter : cf les « retraites automatiques« , « parachutes dorés«  et « autres primes extravagantes« , précise Michaël Foessel, pages 147-148…

Le résultat étant que « dans les sociétés libérales, la majorité des individus est _ et de plus en plus : à moins qu’on ne s’emploie à y mettre fin !.. à inverser le processus ! _ soumise à une variabilité permanente _ dite « flexibilité«  : le contraire de la « plasticité«  artiste ; et des démarches souples et ouvertes à l’accident de l’imprévisibilité du « génie«  _ des formes de vie _ Michaël Foessel reprend ici l’expression de Paolo Virno ; cf aussi son Opportunisme, cynisme et peur _ ambivalence du désenchantement_ qui favorise l’apparition des craintes angoissées« , page 148. « Étrange procédure que celle dont on attend _ les néolibéraux ! du moins… _ qu’elle produise de la stabilité psychologique et sociale _ systémiques : une induration de l’habitus… _ par l’exacerbation des inquiétudes » _ des individus (pire que stressés)…

Et Michaël Foessel de conclure son chapitre « Cosmopolitique de la peur ? » :

« Dans tous les cas, il nous faut renoncer à nos espoirs _ sic ! _ dans une cosmopolitique de la peur _ pour reprendre le concept kantien… : soit la perspective d’un tel affect qui « ferait monde«  ! pour la collectivité des humains que nous sommes… Le cosmopolitisme n’est possible que là où _ décidément _ il y a des institutions et là où il y a un monde _ se faisant par nos coopérations effectives et lucidement confiantes (de vraies personnes sujets, et non réduites au statut d’objets) :

on aura depuis longtemps compris combien j’applaudis à ce « diagnostic«  de Michaël Foessel _ pour reprendre le titre (au pluriel : « diagnostics« ) de cette « collection » du « Bord de l’eau« , que dirigent Fabienne Brugère et Guillaume Le Blanc !


Or, les peurs angoissées sont solitaires et acosmiques
_ hélas ! _ : elles n’ont pas d’autre horizon que celui de la catastrophe » _ et font mourir les individus (isolés, s’isolant les uns des autres, désocialisés ; et sans œuvres !) de mille morts avant la mort biologique définitive… Ce ne sont pas là des vies vraiment « humaines » ! mais « inhumaines » ! barbares !

« Mais _ et ce sont les mots de Michaël Foessel en sa conclusion, page 155 _, entre l’audace _ téméraire _ de l’aventurier et la prudence _ calculante, comptable _ de l’entrepreneur _ ainsi, aussi, que la lâcheté (veule) devant la peur ; ou la soumission (maladive) à l’angoisse _, il y a le courage de l’action qui se mesure _ sans opération de calcul comptable, cette fois ! et joyeusement ! _ à l’imprévisibilité _ ludique _ du monde. Cette vertu collective _ et pas seulement personnelle et individuelle, par là ; mais civique (et civilisatrice !) _ est nécessaire pour que nos désirs politiques _ authentiquement démocratiques : à rebours des populismes démagogiques (bonimenteurs) menteurs ! _ osent à nouveau se dire dans un autre langage que celui _ apeuré et apeurant, avare et mesquin, aveuglément cupide ! _ de la sécurité _ soit le langage de la liberté créatrice d’œuvres authentiquement (= qualitativement !) « humaines« 

Un défi exaltant…

Existent d’autres régimes d’attention _ ou « vigilance« , avec d’autres rythmes… _que cette mesquinerie réductrice utilitariste néolibérale « coincée » ! D’autres désirs que de sur-vivre (soi, tout seul) biologiquement, et à tout prix ! Ou seulement s’enrichir _ gagner plus ! _ !.. Quelle pauvreté d’âme ! Quelle bassesse ! Quelle porcherie que cette cupidité exclusive !

Une attention un peu plus généreuse (et ludique _ jouer…) à l’altérité amicale (ou l’altérité amoureuse _ il y a aussi l’altérité des œuvres) ; et non inamicale _ Michaël Foessel cite aussi à très bon escient Carl Schmitt, et cela à plusieurs reprises _ ou concurrentielle !

Quelles terribles restrictions (et appauvrissements _ qualitatifs ! _) de l’humanité voyons-nous se déployer sous nos yeux avec cette économie politique néolibérale conquérante, exclusive, totalitaire ! en plus du ridicule infantile de son exhibitionnisme bling-bling !..

C’est cette anthropologie joyeuse-là qu’il vaudrait mieux, ensemble, en une démocratie ouverte, réaliser, joyeusement, souplement, et les uns avec _ et pas contre _ les autres…

Aider à advenir et s’épanouir une humanité mieux « humaine » !..

Titus Curiosus, ce 22 avril 2010

Post-scriptum :

Avec un cran supplémentaire de recul,

je dirai que la pertinence de l’analyse de l’état contemporain de l’État

(ainsi que du Droit : ici la réflexion de Michaël Foessel s’inscrit dans la démarche d’analyse lucidement riche d’un Antoine Garapon, comme dans celle de Mireille Delmas-Marty)

me paraît tout particulièrement redevable à la démarche de Michel Foucault _ en ses leçons au Collège de France, tout spécialement : leçons dont la lucidité fut sans doute en quelque sorte « accélérée«  par le sentiment de l’urgence de ce qui lui restait de temps, terriblement « compté« , à « vivre«  ! _ quant à l’historicité et des réalités et des concepts _ ensemble : ils font couple ! _ afin de les penser et comprendre :

à l’exemple _ encourageant ! _ de ce qu’une Wendy Brown retire de la méthode foucaldienne.

Soit un refus de la « substantialisation«  _ le terme est employé au moins à deux reprises dans le livre _ des concepts, de même qu’une critique reculée des « thèmes«  _ ce terme aussi revient à plusieurs reprises : les deux font partie de l’épistémologie critique foesselienne, en quelque sorte… La compréhension du réel, en son historicité même, requiert donc une telle mise en perspective à la fois cultivée et critique. 

C’est ainsi que la philosophie de l’État, ainsi que l’anthropologie _ classiques, toutes deux, en philosophie politique _ d’un Thomas Hobbes, doivent être relues et corrigées afin de comprendre ce qui change, ce qui mue, ce qui devient autre et se transforme à travers l’usage (faussement similaire) des mots, des expressions, des concepts, même, pour « suivre » et saisir vraiment ce qui « devient » (et mue) dans l’Histoire :

ici, en l’occurrence, comprendre « l’État libéral-autoritaire » et les « peurs angoissées » contemporains.

Comment la peur est « utilisée » autrement aujourd’hui qu’hier par un État _ avec ses appendices idéologiques _ qui, lui non plus, n’est plus le même ; et selon des affects qui eux-mêmes ont « bougé« . Et qu’il importe absolument de comprendre, en ce « bougé » même, pour mieux saisir le sens de ce qui advient maintenant ; et mieux agir au service d’un « humain » qui lui-même change (et se trouve « malmené » !)…

Ce qui _ nous _ impose _ aussi _ d’autres modalités d’action, notamment politiques, au service des valeurs d’épanouissement des humains : au lieu d’une « guerre _ même sous d’autres formes _ de chacun contre tous« .

Voilà comment Michaël Foessel, en son travail d’analyse philosophique, en ses livres publiés, comme en son travail d’articles dans la revue Esprit, au courant des mois et des années, nous offre un travail au service de l’épanouissement de l’humain…

Et d’un « faire monde » courageux : les deux étant liés…

Grand merci à ces contributions !!! Elles sont importantes !

C’est aussi une mission _ d’une certaine importance ! en effet… _ du philosophe _ faisant ce que sa démarche (d’intelligence comme d’action : en intense corrélation…) lui permet d’effectivement faire _ que de s’inscrire, avec son effort d’intelligence critique du réel, dans une démarche d’aide à la lucidité de la cité _ et des citoyens : tant qu’il en demeure, du moins ; mais le pire (ou la « catastrophe« ) n’est pas toujours le plus sûr, heureusement, peut-être !..

Tout cela me paraissant assez bien résister à la re-lecture,

neuf mois plus tard que le 22 avril 2010

de sa rédaction…


Le contexte des « événements » _ courageux ! _ de Tunisie

en ce moment même (!),

donnant à tout cela

_ et face à l’océan qui paraissait en expansion irrésistible des mensonges et des lâchetés !.. _

une perspective (d’espérance démocratique)

_ peut-être : nous verrons… _ un peu ravivée…

Titus Curiosus, ce mardi 18 janvier 2011

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