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Elégance et probité d’Elie During _ penseur du rythme _ en son questionnement « A quoi pense l’art contemporain ? » au CAPC de Bordeaux

17avr

C’est avec grande élégance et probité de penser qu’Elie During nous a donnés à partager ses interrogations et réflexions (de philosophe actif

_ se concentrant tout particulièrement sur l’étrangeté interrogative des complexités du temps et de l’espace)

face au travail (de penser à l’œuvre dans des formes sensibles) des artistes plasticiens contemporains,

pour la sixième et dernière conférence de la (riche et très réussie) saison 2008-2009 de la Société de Philosophie de Bordeaux,

que recevait, en sa très belle salle de conférence du second étage, le CAPC Musée d’Art contemporain de Bordeaux

_ avec une chaleureuse présentation de Yann Chateigné Tytelman (« responsable de la programmation culturelle » du Musée), mardi 7 avril à 19 heures…

Outre

« L’Âme« , anthologie de textes commentés, avec une introduction et un glossaire, aux Éditions GF-Flammarion, collection « Corpus », en 1997 ;

« La Métaphysique« , anthologie de textes commentés, avec une introduction et un glossaire, aux Éditions GF-Flammarion, collection « Corpus », en 1998 ;

et  » La Science et l’Hypothèse : Poincaré« , aux Éditions Ellipses, 2001 ;

le philosophe Elie During a publié

_ en collaboration avec Alain Badiou, Thomas Bénatouïl, Patrice Maniglier, David Rabouin, Jean-Pierre Zarader : « Matrix, Machine philosophique » aux Éditions Ellipses, en 2003 ;

et 

_ en collaboration avec Bernard Stiegler : « Philosopher par accident. Entretiens avec Elie During« , aux Éditions Galilée, en 2004.

C’est en effet à partir des fondamentaux de l’aisthesis,

depuis Baumgarten (1717-1762 : son « Esthétique » fonde la discipline)

et Kant (cf et sa « Critique de la raison pure » et sa « Critique de la faculté de juger« ),

qu’Elie During réfléchit à ce qu’expose (et (se) donne à « penser ») « l’art contemporain » ;

et tout particulièrement eu égard aux cadres a priori de l’expérience que forment pour le sujet _ en l’exercice de ses facultés (de perception et connaissance) _ l’espace et le temps…

L’esthétique kantienne sollicitant, fort judicieusement, en l’exercice même de la faculté de l’imagination _ et pas seulement artistique _, le dynamisme ouvert du « génie« …

Elie During, avec beaucoup de probité ainsi que de précision (et même délicatesse) en son analyse _ mais est-ce séparable, dans l’ordre du qualitatif, tout du moins !? _, a commencé par indiquer « quatre chemins » que ne prendrait pas son exploration (personnelle) de l' »art contemporain » ;

ainsi que les formes de cet « art contemporain » auxquelles il allait consacrer son attentation, sa focalisation, son analyse, donc :

principalement l’œuvre de Marcel Duchamp (28 juillet 1887, Blainville-Crevon en Seine-Maritime – 2 octobre 1968, Neuilly-sur-Seine)

et « l’art conceptuel » ;

sans exclure d’autres artistes _ nous l’allons voir… _ ;

en privilégiant plutôt la « Mariée mise à nu par ses célibataires, même« , ou « Grand Verre« , réalisée sur panneau de verre (1915-1923, exposée au musée de Philadelphie) que les ready-mades,

pour le premier _ Duchamp _ ;

et plutôt l’œuvre _ les séries _ de Sol La Witt que celle de Joseph Kosuth,

pour le second _ « l’art conceptuel » :

pour leur meilleure dynamique.

Ce sont en effet,

ainsi que le formulait le texte de présentation de la conférence,

la « machine artistique« 

et sa « puissance d’invention formelle« 

qui sollicitent l’intérêt, la curiosité, voire la passion d’Elie During à l’égard de (et face à) la production plasticienne des artistes contemporains,

livrés _ ou se livrant _ à la force

(ou faiblesse, pauvreté, se cherchant… ;

je pense ici au concept d' »impouvoir« , de Georges Bataille)

de leur génie singulier en leur rapport

(de concept autant que de sentir

_ mais non « romantique » !)

au réel même ;

et à la tâche,

en conséquence de quoi, ainsi que concomitamment,

de « monstration »

qu’ils (artistes qu’ils sont) se donnent ;

à laquelle ils se « vouent », en quelque sorte (en réponse à quelque « appel » de « formes« …) ;

et dont ils nous proposent,

proprement effectivement,

quelques « monstrations » sensibles ;

en des « dispositifs »,

davantage qu’en des œuvres proprement dites,

closes et arrêtées (voire « achevées »)

_ soit, si l’on y tient, en des « œuvres ouvertes« , si l’on s’autorise à se saisir du concept qu’a proposé, en son temps, le sémioticien Umberto Eco : « L’Opera aperta » _ « L’Œuvre ouverte » _ a été publiée en 1962…

« Il y aurait une plastique du concept« , disait en sa présentation Elie During,

dans la lignée (appliquée ici aux Arts Plastiques) de la conception deleuzienne de la philosophie, comme capacité

(« pouvoir » _ ou « dynamis » _ se mesurant à son effectivité _ et à elle seule ! face au réel, lui-même constitué de « forces », de « dynamiques »…)

de créer, mettre en place, des concepts facteurs d’opérativité…

Le reste n’étant que flatus vocis, ou imposture : tant pour les philosophes (discourant) que pour les plasticiens (exposant), d’ailleurs…

« La pensée a une forme, mais elle doit se comprendre dans toute son extension, de façon à y inclure formats et dispositifs, gestes et procédés«  : c’est là le facteur décisif ; ce qui distingue irrémédiablement une problématique (effective : dynamisante !) d’une thématique (inerte ; et par là stérilisante, plombante : aveugle et sans filiation en aval) ;

problématique où se donne à ressentir (et retentir, pour commencer) la complexité en jeu des modalités actives de l’espace et du temps, tout d’abord.

Et au-delà de Duchamp et Le Witt,

Elie During nous a confrontés à quelques images _ sur l’écran de la salle de conférence obscurcie _

des travaux de Dan Graham

_ passionnants d’inventivité, en ses jeux du temps sur l’espace, et réciproquement _ ;

et de Tatiana Trouvé

_ dont Elie During avait rédigé une approche, « Tatiana Trouvé : la stratégie de l’implicite« , pour l’exposition de 2003 de cette artiste au CAPC : « Aujourd’hui, hier, ou il y a longtemps…« ,

dont le commissaire était François Poisay…

Bien sûr, (bien) d’autres approches de l’art contemporain sont possibles (et compossibles) ;

et il ne fallait certes pas s’attendre, de la part d’un philosophe,

à quelque vademecum de quelque « Art contemporain pour les Nuls« , si j’ose pareille expression,

de la part d’un philosophe qui ne se prête en rien

_ pas davantage que la Philosophie ni que l’Art ! quand ils sont authentiques _

à la réduction à des formules de « résumé »..


Pour ma part,

j’ai été particulièrement sensible à cette mise en relation de l’analyse, du penser, d’Elie During, avec les fondamentaux de l' »aisthesis » ;

afin de rappeler à la curiosité (bienveillante, ouverte, ludique) de l’amateur d’Art

(et d’Art contemporain, en l’occurrence)

toujours fondamentalement ouvert (et accueillant) aux œuvres _ je veux dire à l’œuvre, même, « naturante », avant que d’être que « naturée » _ du « génie » de l’artiste au travail ;

rappeler, donc _ si besoin s’en faisait jamais ressentir… _,

l’exigence radicale de vérité et de nécessité _ tout à la fois _ de l’Art

_ exigence autre que celle du prurit d’une expression narcissique  (« romantique« ) de soi…

La découverte de l’Art est, pour tout un chacun qui vient s’y livrer

_ « Passant _ ainsi parle le Musée selon Paul Valéry _, il dépend de toi que je sois tombe ou trésor ; n’entre pas sans désir !«  _,

une découverte radicale de l’altérité ;


de l’altérité qui vient à passer plus ou moins à proximité de nous-même

(mais non sans distance ! toujours ! déjà que le « soi » n’est pas clos !),

et s’offrir, éphémèrement

_ pour un moment qu’il s’agit pour nous d’étirer ; en un « dialogue » avec l’œuvre rencontrée _,

à quelque accueil de notre part, de « spectateur », à qui consent à s’ouvrir à elle ; à la ressentir ; en sortant de sa propre fermeture, narcissique, à un ego arrêté, déjà fossilisé…

Quand cette rencontre-là a lieu,

avec son cortège d’exigences réciproques (de la part de l’œuvre et du lieu d’exposition _ tel qu’un Musée _ comme, et surtout, de soi),

c’est une chance _ ou une grâce _

qui nous donne _ de manière désintéressée _ de l’expansion…

Titus Curiosus, ce 17 avril 2009

En complément,

voici « Intermondes« , un texte d’Elie During consacré à Tatiana Trouvé

(in Bing, n°7, Galerie Emmanuel Perrotin, 2008, à la page 58 : les pages consacrées à Tatiana Trouvé _ avec photos des œuvres _ allant de la page 54 à la page 65),

à l’occasion de l’exposition « Time Snares » _ « Pièges à temps« , cela peut se traduire… _ de l’artiste à la Galerie Emmanuel Perrotin de Miami, du 4 décembre 2007 au 23 février 2008

_ auquel je me permettrai d’ajouter quelques « commentaires » de mon cru… :

Pour rendre compte de l’espèce de dualité ou de « double bind » qui traverse cette œuvre, il faudrait imiter le geste d’Alighiero Boetti scindant son nom en deux. Il faudrait écrire : « Tatiana et Trouvé : artistes parisiennes d’origine calabraise, nées en 1968 ». Il y a Tatiana qui travaille en solitaire, comme une « sauvage » (Van Gogh disait « comme un bœuf »), maniant la scie à métaux et le fer à souder dans son atelier de Pantin ; et puis il y a Trouvé, absorbée dans l’anamnèse rêveuse de sa propre activité artistique, constamment suspendue entre deux mondes, ou deux dimensions. La face chtonienne et la face lunaire : diurne et nocturne, activité et passivité, frénésie productrice et mélancolie du projet. Peu importe d’ailleurs qui d’elles d’eux est Tatiana ou Trouvé. Les jumelles (T&T, pour faire bref) travaillent de concert. Et l’œuvre témoigne de cette dualité : pour qui sait voir, pour qui sait écouter, ces installations et sculptures qu’un regard distrait nous fait dire désaffectées, désertées, mutiques, frémissent d’une sourde activité. Ici le sable envahit un module qui doucement s’éteint, là une structure tubulaire agencée à une sorte de secrétaire _ en son « Bureau d’activités implicites » (ou BAI) _ est près d’être submergée par une coulée de gravats ; le silence règne, mais en même temps tout est chargé, tout est tendu, tout vit _ voilà ! _ d’une agitation microscopique _ à l’infra-scintillement duquel il faut apprendre (vite) à se prêter... _ sous la lumière vibrante des néons. Le temps _ de la rencontre avec l’œuvre ; et de sa « contemplation » ; celui de l’« acte æsthétique » (cf Baldine Saint-Girons : « L’Acte esthétique« )… _ n’est pas suspendu, mais infiniment ralenti _ et c’est très important. Sous l’apparence glaçante et même spectrale de ce « Bureau sans maître » _ cf le « Marteau sans maître » (René Char, en 1934 ; et Pierre Boulez, en 1955… _, ce sont des durées larvaires, incommensurables aux nôtres _ coutumières, du moins ; mais qui nous sont données à « ressentir«  ici _, tout un monde grouillant de schémas dynamiques _ encore une expression qui vérifie ma propre intuition (vectorielle) _, d’opérations mentales, de devenirs virtuels _ oui ! qui peuvent (et doivent) passer à l’acte : par notre concours…

Ce monde n’a rien de particulièrement opaque ou compliqué, mais il est impliqué, implicite (Valéry aurait dit « implexe » _ dans « Mon Faust«  _), c’est-à-dire plein de plis et de replis _ et que l’œuvrer de l’artiste nous offre à « déplier«  ici… Il faut prendre le temps de le déplier _ voici immédiatement l’opération « invitée » ! _, il faut se faire à ses rythmes _ un concept décidément fondamental de tout exister ! _ : Le « Bureau d’Activité Implicite » était le Cerveau et la Mémoire de l’artiste. Il n’a pas besoin d’être présenté dans son intégralité pour continuer à disséminer _ l’opération se poursuivant… _  ses effets : les polders lovés dans les recoins de l’espace d’exposition ouvrent _ oui : il n’y a d’œuvre vraie qu’ouvrante ! et avec précision… _ de nouvelles dimensions _ inaperçues jusqu’alors _, tandis que les conduits de cuivre connectent _ oui _ les pièces, gagnent (!) le plafond, percent (!!) les cimaises et suggèrent _ donnent à penser _ une circulation _ oui _ perpendiculaire à la déambulation _ bien sûr _ naturelle du « regardeur » _ encore un concept en acte, un modus operandi, fondamental ! Ainsi cet univers qu’on dit volontiers replié sur lui-même et autosuffisant ne cesse de s’étendre, de contaminer l’espace environnant _ un Art ne saurait être anodin : il « inspire«  et « modifie«  _ sous les formes les plus les plus diverses : il cherche _ en se faufilant _ les passes (portes ou grilles d’aération _ quel beau concept que celui de « passes«  ! _), il s’immisce _ voilà ! _ entre les mondes, entre les dimensions. « Intermondes » est l’autre nom des limbes. Ici, il désigne l’équivalent formel d’espaces psychiques : espaces des attentes, des latences, des rémanences et des réminiscences _ qui nous travaillent _, espaces des imminences ou des transformations lentes qui opèrent _ oui, c’est cela, la puissance d’un Art authentique _ en silence _ pour ce qui concerne les Arts (Plastiques, en l’occurrence). Les objets qu’ils renferment sont moins présentés que projetés : même construits en volume, ils sont toujours dessinés. Quoi qu’on en dise, ils offrent peu de prises à la « fiction », si l’on associe ce mot aux vagabondages _ de fuite _ de l’imagination ou au fantasme _ par opposition au « réel » qui intéresse l’artiste courageux ! Maintenus en réserve, en latence, ils ne sont _ certes _ pas en sommeil : ils sont en veille _ oui : et malheur aux un peu trop assoupis et aux congénitalement endormis : il sera bientôt trop tard ! Kairos ne repasse pas… _, comme on le dit des appareils ménagers ou de la « Lampada Annuale » de Boetti. Car le temps perdu _ Proust nous l’a appris : cf la merveille (absolue !) du « Temps retrouvé » !.. _ peut être ranimé à tout instant _ l’étymologie de l’expression « être ranimé » étant mieux que parlante…

La force _ qu’est un art sans conséquences ? _ de T&T tient à la manière dont elle parvient, au-delà de toute « atmosphère », à imposer l’évidence _ plastique : sentie et pensante _ d’un univers autonome, consistant, et néanmoins parfaitement étranger aux coordonnées et aux échelles habituelles _ formant clichés… Cette consistance _ d’une œuvre vraie _ tient avant tout à la temporalité propre du projet _ en avant _ et de la mémoire _ vers l’arrière : d’une culture assumée _ artistiques. T&T a fait de cette trame_ vivante, vibrante _ son matériau. Sans relâche _ un artiste (et un philosophe) vrai(s) se fatigue(n)-t-il(s) jamais ?.. _, de raccord en raccord, elle imagine et construit un espace de concentration _ c’est décisif _ de son activité qui ne serait pas un théâtre _ réduit à un plateau et un décor (plats)…

Ce que j’apprends d’un blog (2) : confirmation qu’il commence enfin (!) à se dire que le roi (d' »Art ») est nu

29nov

Ce que j’apprends d’un blog (2) :

confirmation qu’il commence enfin à se dire que le roi (d' »Art ») est nu ! Cette fois-ci, il ne s’agit pas tout à fait d’un blog, mais d’une « libre opinion », exprimée, en tant que (simple) « point de vue » sur une page du Monde, et signée d’un (simple) professeur : « agrégé, plasticien et conférencier en histoire de l’art (Ecole normale supérieure-prépa HEC)« .

Ce qui change aussi, ici encore

_ je veux dire sur le site (Internet) d’un journal tel que Le Monde _,

ce sont les réponses des (« simples ») lecteurs _ même « abonnés du Monde »… _, qui commencent à oser « répondre », et autrement que par quelques « clichés » (populistes), à quelque solennelle intimidante tribune de l' »anti-conformisme » ayant « pignon sur rue » _ et « accès aux media…

D’abord, je me permettrai de citer mes propres articles de cet été, sur ce même blog-ci _ les 10 & 12 septembre _, consacrés à la brillante (de strass) expo Koons à Versailles :

_ « De Ben à l' »atelier Cézanne » à Aix, à Jeff Koons chez Louis XIV à Versailles« , le 10 septembre ;

_ « Decorum bluffant à Versailles : le miroir-aux alouettes du bling-bling« , le 12 septembre…

Conformément à ma méthode _ pas nécessairement aisée à déchiffrer, faute de telles habitudes de « mises en dialogue » _,

je me permettrai de truffer l’article de mes « commentaires » (plutôt amicaux)…

Point de vue :

Art contemporain, le triomphe des cyniques,

par Olivier Jullien

LE MONDE | 26.11.08 | 13h31  •  Mis à jour le 26.11.08 | 13h31

Jeff Koons trône au château de Versailles et en permanence _ la « durée », en effet, importe, « compte » en ces « affaires » : elle impose, au moins, l’ersatz d’autorité de l’habitude, sinon plus « haut » « fondement » _ à l’entrée de la Fondation Guggenheim de Bilbao comme au Palazzo Grazzi à Venise. Damien Hirst lui tient compagnie dans ce même palais à Venise et partout. Jan Fabre triomphe au Musée du Louvre, éléphant suspendu dans les galeries de Fontainebleau, voiture de course en marbre dans les jardins du même château. La grosse langue autrefois transgressive des Rolling Stones est tracée _ vivent les « marques » ! cf là-dessus le travail de Naomi Klein, in « No logo _ la tyrannie des marques« , en janvier 2000 (et paru en traduction française aux Editions Actes-Sud en juin 2002) _ dans les jardins du château de Chambord…

Les châteaux et les palais seraient-ils pris d’assaut par des œuvres plébéiennes ? Certains discours voudraient faire croire _ ou le triomphe aggravé, ces deniers temps-ci, de Gorgias (et de la rhétorique) sur Socrate (et l’amour-désir de la la vérité et de la justice _ que « signifie » le vocable « philo-sophie« ) _ qu’il s’agirait de cela, de confronter un art vivant _ mieux encore que « moderne » : « contemporain » !!! « up-to-date », que diable !!! _ à des galeries poussiéreuses et endormies, des institutions conservatrices et des grandeurs passées ; que les réactionnaires seraient du côté des outragés, des frileux et grincheux, soucieux de préserver la noblesse _ tout juste « patrimoniale », à l’ère de la « fin des pères », cf ce qu’annonçait Alexandre Mitscherlich, dans les années 60, en son « Vers la société sans pères » (en 1963 ; la traduction française est parue en 1969)… _ de lieux de prestige.

Homard, lapin, en forme de ballons gonflables réalisés en aluminium, toutou gigantesque garni de fleurs, comme un mauvais « rond-point » de triste « carrefour » pour Jeff Koons. Crâne gigantesque en seaux à champagne accumulés devant le Palazzo Grazzi, moulage d’un crâne humain incrusté de diamants d’une valeur de 74 millions d’euros, l’œuvre est la copie en platine d’un crâne du XVIIIe siècle parsemé de 8 601 diamants, dont l’origine a été vérifiée pour s’assurer qu’ils ne proviennent pas d’un marché de contrebande (on a la morale qu’on peut !).

Agneau recouvert d’or, citation pesante des primitifs flamands ; centaines de milliers de scarabées, urines, couteaux et sang pour Fabre, le bon à tout ; la provocation rusée garantie et la transgression spectaculaire _ comment régner sans jeux, sans spectacles, sans fêtes ? (cf ici les pistes offertes par Guy Debord : « La société du spectacle » ; ou Philippe Muray : « Festivus festivus » ; ni transgressions (cf Georges Bataille : « La Part maudite« ) ; surtout un tant soit peu « canalisées »…  _ et outrée comme système, inaugurée par la reine de Belgique ! Si Fabre est ébouriffant et même parfois pertinent et drôle, quel est réellement le propos de l’installer princièrement au Louvre ? Comment penser raisonnablement qu’un artiste _ à préciser… _ soit en mesure de dialoguer avec des siècles d’histoire et de pensée comme de pratiques complexes ?

On voit que même Picasso, de toute sa vie, n’a établi que des liens assez pauvres avec ses maîtres, des couleurs standards de Formica des années 1950 et une approche virtuose et systématique, quoi qu’en disent les médias soumis _ pour raisons d’audibilité ? _ aux principes des expos spectaculaires. Sa pratique la plus géniale, le cubisme analytique, est absente de ces confrontations au passé, car cela se joue ailleurs _ ici alors _ ; et tant mieux.

Hélas !, peu d’articles critiques et peu d’auteurs _ pas même sociologues ?… _ pour chercher à décoder cette inflation de moyens comme les principes de quantité et du spectaculaire. De même, déplorons la complaisance des « Conservateurs » _ en titre ! _ des lieux, qui ouvrent leurs palais à des faiseurs, quand ils ont le soutien des grands argentiers, Pinault par exemple.

Pourtant le message est clair. Quelques représentants omniprésents d’un art dit « contemporain » _ vivent le nominalisme ; et la tautologie : sur ce dernier point, cf le très vivifiant travail d’Alain Roger « Bréviaire de la bêtise » !.. (paru en février dernier) _ sont tous, sans exception, les nouveaux artistes pompiers et académiciens bourgeois, la naïveté en moins _ sachant en imposer en épatant avec un alliage bien efficace de puissance et componction !.. De nombreux artistes contemporains vivants et créatifs utilisent aussi l’installation, la monumentalité, et parfois les références au luxe. Il y a des innovateurs dans des domaines variés et des sculpteurs pleins d’intelligence et d’humour. Certains proposent des œuvres complexes et déroutantes, mais avec un grand humour et des bricolages inventifs.

Quelques-uns encore continuent discrètement à recouvrir des surfaces par des moyens de leurs choix ; si Dubuffet et Reyberolle sont morts dans un silence assourdissant _ des media _, il existe encore des peintres _ ou « derniers des Mohicans » ?.. _, mais je gage qu’une personne sur mille, y compris dans un milieu éclairé de classe moyenne cultivée, soit capable de nommer trois artistes peintres, contemporains de 40 à 60 ans ! Même Garouste, Blais, Cognée, Favier pour ne citer qu’eux, sont inconnus, sans parler de plus âgés, comme Fromanger, Hucleux, Télémaque, Titus-Carmel… ; et je ne cite ici que ceux résidant en France.

Pendant ce temps, tous les lieux sont envahis et réellement colonisés par des productions spectaculaires, arrogantes, réalisées dans une débauche de moyens _ facteurs d’autorité du fait ; quand manquent, ou ne sont guère audibles les instances d’appréciation du « droit de l’Art » : au moins les pairs ; mais qui les connaît ? consulte ? ou écoute ?) _, installées dans les boudoirs et les salons _ de Palais ; ou de méga-Musées _, signes non pas d’une vieille aristocratie cultivée, mais de palais dorénavant squattés _ « squatt » : voilà le terme chirurgical qui analyse le fond du dispositif (de grandiose imposture !) _ par les parvenus les plus arrogants, qui, par des fortunes et des situations conquises par la fréquentation _ et occupation prolongée, tel le droit de l’occupant que nul ne vient remplacer : on s’y fait… ; il devient « partie intégrante » du « décor » _ des milieux du pouvoir, s’en arrogent l’usage.

Ces nouveaux maîtres des lieux _ par l’argent, la fortune, ou par l’élection populaire _ s’appuient justement sur des productions artistiques absconses pour décourager quiconque de s’identifier et de se les approprier. Le peuple se sent exclu de ces allées de châteaux (est-ce l’objectif ? _ oui : d’un côté de la « rampe », ou de « l’écran », ceux qui font ; et qu’on regarde ; de l’autre, le public, cantonné à regarder rien que ce qui lui est montré) qui doivent rester des allées de pouvoir. Paradoxalement, on l’y invite _ à « voir », vite et de pas trop près ; et sans toucher _ par le tapage médiatique, la provocation et le spectaculaire, mais pour l’en exclure quant à la saisie des enjeux _ il (le peuple !) tourne autour (un peu et vite : cela ne demande ni d’être détaillé, ni d’être contemplé), impressionné surtout, comme face au gigantisme (écrasant) des Pyramides ! Quant aux « objets », ils ont le goût amusant, pour certains, de la dérision ludique du nihilisme…

Les crânes de Hirst, les voitures de sport en marbre, les gigantesques babioles de Koons, ont un sens clair et précis, celui de l’arrogance de classe _ certes ! Perversité : ce sont des messages de même nature _ of course ! _ que ceux du président, au Fouquet’s, sur son yacht ou dans les piscines que lui prêtent ses commanditaires, où la vulgarité se drape dans le luxe pour amadouer _ anesthésier (cf le très remarquable « La démocratie immunitaire«  d’Alain Brossat, à La Dispute, en septembre 2003) ; autant que séduire et complaire, avec et par l’épate et le rire (méchant) de connivence : cf les comiques engagés dans ces palais du pouvoir… : jusqu’au Vatican ! (cf ici Olivier Mongin : « De quoi rions-nous ? notre société et ses comiques » _ ce qu’ils pensent être le peuple, lui intimant par là de se taire, de fuir ces lieux la tête basse, puisque leurs nouveaux maîtres possèdent et dominent leurs références _ cf mes articles de septembre sur les dispositifs à l’égard du « peuple » au XVIIème siècle (Louis XIV d’après son parrain « baroque romain » Mazarin !)… L’idée est la même, quand Nicolas Sarkozy entraîne Bigard et Johnny, comme Clavier, pour s’approprier ce qu’il croit être la « culture populaire » ; de même, crânes, bagnoles, petits chiens, jouets, vulgarité, sont sans doute les stéréotypes, les clichés que se font des classes populaires les faiseurs contemporains.

Ce kitsch _ parfaitement : et son « triomphe » même ! _ se réfère donc pour parfaire son arrogance provocatrice à certains codes habituels des quelques signifiants des classes populaires, les « nains de jardin » et les « toutous », les objets en ballons gonflables, les méchants canevas de mercerie, les crânes, des tatouages de bidasse, la bagnole de sport, le porno (Koons et la Cicciolina), la culture pop bon marché (la langue des Rolling Stones _ rachetée récemment comme logo…).

Manière de se gausser du mauvais goût des classes dominées, manière de s’approprier leurs icônes _ étrangères à l’Art ; idéologiques seulement _ pour les abrutir _ ah ! _ encore plus et se les soumettre en les passant à la moulinette de la monumentalité et du luxe _ bravo ! _, ce que « eux » ne pourront jamais se payer, même pour valoriser leurs propres signes _ d’appartenance sociale. Il s’agit d’établir la frontière, le mur _ la rampe et l’écran, en matière de « spectacle » ; les barrières mobiles, en matière d’organisation de la circulation sur la voie publique  _, entre des mondes, destinés à ne plus se rencontrer _ rien à toucher. L’esprit, la connaissance, le goût, la sensibilité, la culture et les références n’ont plus cours dans ces œuvres _ nihilistes _ de pouvoir _ loin, loin du « Partage du sensible«  dont a le souci un Jacques Rancière. Le signe de reconnaissance est le postmodernisme luxueux _ la richesse (d’où émane un tel luxe) ne pouvant que « faire (et si aisément !) sens »… Il faudrait maintenant, en manière d’art, prendre son parti que, là aussi, il n’y a plus de sens à chercher _ ou le « nihilisme » ! _, plus d' »évolution » _ d’aventure du « génie », préfèrerais-je _, ni d’esprit de sérieux ou d’enthousiasme, ni de quête, ni d’idéal, ni bien sûr d’émotion au pays du cynisme roi _ jolie formule ! le seul jeu étant celui, social, du pouvoir : et malheur aux vaincus !..

Art de gamins blasés et de bébés rassasiés, d’enfances gâtées _ infantiles et infantilisées. Surcharges pondérales _ et c’est peu dire _ du goût. Insulte délibérée de classe, ces _ pseudo _ artistes sont complices. La complicité va encore plus loin, quand l’architecture et les institutions s’en mêlent, faisant fleurir des fondations et des musées luxueux, audacieux et architecturalement bavards, comme le Musée d’Orsay en avait montré le chemin, aux missions obscures _ toujours pyramidalement en imposer !!!

Même à Beaubourg, architecture cohérente, démocratique et lisible, qui à l’origine, en tant que musée, devait abriter, sélectionner et proposer à l’esprit des collections permanentes, permettant de réfléchir, comparer, prendre du recul, évaluer et enfin penser notre époque, c’est le tourbillon spectaculaire _ circulez ! _ des collections et des œuvres, comme au Palais de Tokyo et dans tous les musées contemporains. Même au Havre, où il est dorénavant impossible de voir des Dubuffet, constamment remplacés par des gloires éphémères _ « tout passe, tout casse, tout lasse » : ou le turn-over des gondoles de « marchandises » des modes…

Ne parlons pas des machines à monumentalité et à spectacle des grandes fondations et des musées récents dont personne n’est en mesure de dire ce qu’elles abritent, le Musée Guggenheim de Bilbao en étant le plus flagrant _ on l’a « vu » : on ne pouvait pas le manquer ; non plus que l’oublier… _  modèle. Le bilan est celui d’une époque qui ne se donne plus les moyens de réfléchir, de penser, de comparer, de prendre du recul, de voir, revoir et assimiler ; mort des musées _ et de l’« Homo spectator » de Marie-José Mondzain…

Je ne dis pas ici que les grands bourgeois aient forcément mauvais goût, les fondations, Gulbenkian de Lisbonne et Thyssen de Madrid, Saatchi à Londres, entre autres _ ou les grandes collections américaines, telle, parmi bien d’autres, la collection Frick, fondée par Henri Clay Frick (1849-1919), à New-York _, le montrent, à l’évidence, mais de même qu’un capitalisme financier repose de plus en plus sur des bulles spéculatives et des valeurs virtuelles _ on voit ce qu’elles deviennent, quand elles n’ont rien « anticipé » pour se « solidifier » un peu mieux… _, une esthétique, un art de la spéculation, de l’artifice et de l’excès _ du faux _ voient le jour _ et prospèrent.

Je dirai deux mots de ce qui me motive : enseignant et conférencier en arts plastiques et culture artistique, artiste modeste et sincère, connaissant des dizaines de compagnons et compagnes d’anonymat, comme des centaines de jeunes créateurs, destinés à former les futurs acteurs de l’art contemporain, je suis scandalisé par l’arrogance de certaines postures et de la place significative qui leur est accordée _ au sein des jeux de pouvoir socio-économico-idéologico-politiques _, je suis atterré par l’absence totale de réactions _ ou d' »offensives » ; de pas mal, au moins (sinon tous) _ des sociologues, des penseurs, des critiques, des journalistes _ existe au moins un inlassable et inintimidable Jean Clair ! _, et certainement frustré, comme des milliers d’artistes de tous horizons des inégalités _ pis encore : injustices _ de traitement médiatique et marchand _ mais une justice est-elle ici à entendre de tels « spéculateurs » ? D’où vient la « juste » reconnaissance ? D’autres que de pairs ?.. De « regardeurs » (et acheteurs, collectionneurs) mieux lucides ?


Olivier Jullien est agrégé, plasticien et conférencier en histoire de l’art (Ecole normale supérieure-prépa HEC)…Quand la « croyance » en « les habits neufs » du roi cesse, bien des règnes _ et jusqu’à des empires _ s’écroulent tout soudain… Une vraie confiance paraît, elle, se mériter mieux, et autrement, que selon les modes d’emploi pressés _ how to… en 80 leçons _ de ces manipulateurs d’illusions : en Art, en finances, comme en pouvoir politique… L’Art est objet d’amour profond et d’infinie passion, seulement ; pas de modes (changeantes autant qu’éphémères)… Et d’une vraie et durable pratique d’œuvres : qui demande une réelle disposition du temps, pour s’y livrer… Rien qui obéisse au caprice ; et au doigt et à l’œil… Sub specie æternitatis, en vérité (et en réalité), seulement…
…Cette prise de position _ d’Olivier Jullien _  n’est certes pas parfaite ; et présente _ un peu naïvement _ quelques défauts de cuirasse _ qu’on identifiera en parcourant les « réactions » de quelques lecteurs-commentateurs de l’article du Monde _, contre les dangers desquels, déjà, un fin politique tel que Disraëli aurait prévenu : « never explain, never complain« … Mais elle a le mérite minimal de mettre avec courage en lumière le degré insupportable d’outrecuidance d’impostures en matière de fondement des valeurs, de croyance (entre crédulité niaise et confiance fondée) ; en Art aussi.

Et l’Art n’est pas le pire terrain pour se former le jugement (de goût esthétique), en dépit _ et précisément à cause !!! _ de l’absence de critères quantitatifs (faciles à « suivre »)… Les malheurs des spéculations de « marché » _ et cette « heure » même de « crise » ! qui risque de durer… _ pouvant (?) re-mettre un peu (peut-être fais-je , à mon tour, preuve ici de naïveté ?) les « pendules » à l’heure : car, en Art, règne _ et très implacablement ! _ le souci de la justesse ; pour l’artiste, au premier chef, forcément ; et son « génie » créateur _ tel un Cézanne sans cesse « cherchant » ; pour les amoureux des œuvres, ensuite ; au premier rang desquels des acheteurs (et bientôt collectionneurs) saisis par l’enthousiasme des (très hautes) exigences des valeurs _ sans équivalence : d’où le « sans prix » (ou « folie », même) de leur admiration ! _ d’Art…

Que, fuyant le suicidaire miroir-aux-alouettes collectif du bling-bling, on en (re-)vienne un peu plus au vrai risque du courage et de la sagesse d’un tel mieux « juger », afin d’un peu mieux,

et « nous faire conduire », ensemble ;

et, chacun, « se conduire », soi..

En cela, le jugement esthétique de goût artistique peut être un paradigme d’honnêteté du goût,

et pour le jugement (de goût) politique démocratique,

et pour le jugement (de goût) éthique existentiel :

apprendre à mieux juger…


Titus Curiosus, ce 27 novembre 2008

Post-scriptum :

avec une sélection de réponses _ au moins significatives (au-delà de la diversité de leur qualité) _ de lecteurs-abonnés du Monde :

ROBERT C.
28.11.08 | 10h41
Ouf ! Merci Olivier Jullien. Koons, c’est le triomphe du fric et du pouvoir. Le stade Dubaï de l’Art. Il faudra trouver un mot plus fort que « snob », ou « cynique », pour décrire cet « Art » qui n’est qu’un attrape-gogo fortuné. En ce sens, ce ne serait pas grave (qu’ils payent !) ; mais hélas cette chose occupe et occulte la scène culturelle. Car ce n’est pas seulement du mauvais goût, mais un manifeste : « Mort aux pauvres ! »

la huronne
27.11.08 | 19h19
Les « instances » publiques qui proclamant que l’idée dans l’art est plus importante que l’œuvre, et montrent des homards, des veaux en gelée, font qu’une fois de plus le pékin se dit que les artistes sont décidément des farceurs ; qu’ils sont là pour causer des sensations et faire rire le bourgeois ! on ne le choque plus, le bourgeois ; et l’Art, il s’en fout.

Juliannes
27.11.08 | 19h17
L’Art contemporain est une énorme escroquerie. Ce sont des artistes du vide. Quel est leur message ? Rien. On ne devrait même pas parler d’eux.

CHARLES B.
27.11.08 | 18h24
Excellent. Comme ça fait plaisir de lire ça ! Enfin quelqu’un d’assez courageux pour dire que le roi est nu…

nicolas f.
27.11.08 | 15h44
Quelqu’un qui signe « artiste modeste et sincère« , ça fait vraiment peur ! Depuis quand juge-t-on les artistes sur leur sincérité ou leur modestie ? Mozart était-il sincère et modeste ? Charles Le Brun, le peintre de Louis XIV, était déjà un sacré opportuniste, et je crois qu’ils ont vraiment eu raison de lui associer Jeff Koons. Marre d’entendre les mêmes bêtises sur l’Art. L’Art, c’est vivant ! Si vous voulez juste adorer et vous prosterner, il faut aller à l’église, pas au musée…

Thomas Lévy Lasne
27.11.08 | 14h42
Si les « bons » artistes ne sont pas plus présents sur la scène nationale, n’est-ce pas aussi parce qu’au lieu de se regrouper, s’organiser, se créer un public, ils font la queue individuellement des FRAC, DRAC, institutions, en espérant y être, tout en jouant le jeu de la féroce concurrence ? Dire qu’il n’y a pas de bons critiques en France, c’est faux (le très consolant Olivier Céna, le très systémique Yves Michaud, le très philosophe Alain Chareyre-Méjan, le très jouisseur Hector Obalk…)

Thomas Lévy Lasne
27.11.08 | 14h40
Puisqu’il faut faire court (obligation du site) : Pierre Auguste Renoir _ dont je ne suis pas fan _ disait « qu’il ne pouvait pas y avoir de bons artistes si il n’y avait pas de bons amateurs d’art« . Son « Koons » à lui s’appelait Bonnat. Il passait beaucoup de son temps à éduquer le goût des amateurs. Sa réaction face aux institutions d’État, ce fut d’abord de se regrouper avec d’autres artistes pour créer le Salon des Impressionnistes (avec Pissarro, Monet et Degas). Pourquoi jouer encore le jeu ?

MAURICE M.
27.11.08 | 13h50
De quoi parle-t-on quand on parle d’Art aujourd’hui ? Qu’en sait-on ? Qui en a entendu parler ? En tout cas ni à l’école, ni au lycée, ni par les récents ou actuels « Ministres de la Culture » (il paraît qu’il y en a au gouvernement), ni par les media fascinés par le gigantisme, le sensationnel, le « jamais vu » ? Vous avez dit « Art » ? Disons plutôt « mauvais goût généralisé« , « kitsch universel« , « fric« , « bulle financière » et, effectivement, « triomphe des cyniques » ! Au secours, Malraux !

vincent s.
27.11.08 | 13h15
Ce que M. Jullien voit dans les œuvres de ces artistes dévoile un esprit ombrageux. Le verbe est amer et ne dénote qu’une vive réaction à l’époque. Réduire l’Art contemporain à une guéguerre entre le soldat Koons et le soldat Garouste n’est la preuve que d’une absence totale de goût. On n’affirme rien, on crache. L’Art d’aujourd’hui est plus riche et mérite mieux qu’une énième élucubration de peintre maudit. Combien de temps encore allons-nous être emmerdé avec ces débats du siècle passé ?!

Lunettes
27.11.08 | 12h28
Ah, le beau discours ! Dénoncer le complot des financiers et des snobs, démontrer que l’Art contemporain n’est qu’esbroufe et manipulation : quel succès vous aurez auprès du bon peuple. D’ailleurs, tous les commentaires renchérissent sur votre propos. Il faut arriver à la signature pour comprendre : un plasticien aigri qui n’expose nulle part, un prof qui détourne les élites intellectuelles (ENS) vers le commerce (HEC), qui dit des stupidités poujadistes sur Picasso et qui écrit « Grazzi« .

Patricia G.
27.11.08 | 12h18
MERCI !!!!!!!!!!!!!

Mais j’erre.
27.11.08 | 11h53
Versailles et Koons, la rencontre peut néanmoins être intéressante. Un art à la botte du monarque absolu, doré et prétentieux à souhait, contre un art qui pratique l’humour, la dérision, l’éphémère, le scandale. Si Versailles s’en sort mieux, c’est qu’on est peut-être vampirisé par Louis le 14°. Au fait, Louis, c’était pas ce type maquillé et perruqué, avec plein de nœud-nœuds partout, avançant une jambe provoquante, quillé sur ses hauts talons. Quel mauvais goût !

Chiara R.
27.11.08 | 09h39
Très bien. Mais le palazzo, c’est Grassi, veuillez corriger s’il vous plaît ! Aussi, au lieu de dénoncer les nouveaux pompiers, et en parler encore et toujours, il serait temps peut-être maintenant de les ignorer, pour laisser la place, dans les médias, dans les musées, dans les lieux d’expositions, aux artistes. Ceux qui font leur œuvre comme on fait une résistance.

Marc D.
27.11.08 | 09h38
Bravo! oui, un certain Art comtemporain est bien le pompiérisme de nos jours, un art de parvenus. Les riches fin XIXe recherchaient la respectabilité pompeuse ; nos riches font dans le bing-bling. Tout cela repose sur une fantastique spéculation financière (une autre bulle !). Exposer dans des musées nationaux est une publicité qui ne peut qu’augmenter la cote des « artistes »-spéculateurs. Espérons au moins que la RMN participe à la plus-value…

jojo+
27.11.08 | 08h45
Le plus grave est le mépris du public que cela révèle : on va visiter Versailles pour faire connaître Louis XIV à ses enfants ; et on vous fout Koons devant pour qu’ils n’y comprennent rien ! Cette rage de l’ « élite » contre les simples gens est véritablement répugnante.

Rodolphe I.
27.11.08 | 01h46
Picasso est fascinant, justement pour avoir réussi _ lui _ à faire réellement de l’Art avec des moyens pauvres. Mais tous ces autres !… qui épatent le bourgeois (et rien que lui), et les critiques terrorisés à l’idée de passer pour de vieux cons. Tout ça relève du terrorisme intellectuel. La bêtise a de l’avenir. Comme toujours. Je suis un fou de peinture. Mais j’ai des exigences moins puériles que Pinault. Libre, lui ? Parce que la richesse est une preuve de goût ? Il le croit probablement.

Catherine M.
26.11.08 | 22h42
Un réseau d’acteurs (du monde de l’Art) liguent leurs intérêts pour faire monter la cote d’un artiste, ils récupèrent ensuite pour leur propre compte les bénéfices (symboliques, financiers, etc….) de l’opération. La plupart des « événements » de l’Art contemporain sont obtenus par consentement du spectateur. Celui qui se rebelle est viré du système. La plupart des « événements » de l’Art contemporain sont obtenus par « fabrique du consentement » des spectateurs, c’est de la pure com’.

Artiste Lambda
26.11.08 | 21h44
D’accord à 97 % avec votre constat : juste 3 petits bémols sur la confrontation de Picasso aux maîtres anciens, Orsay et Bilbao : critiquables certes, mais ne pas jeter les bébés avec l’eau du bain…

noelle b.
26.11.08 | 20h30
Merci, il fallait que cela soit aussi bien dit. Je communique votre article à mes amis »galeristes » et collectionneurs qui s’ébaudissent devant ce mauvais goût…

@ EtLaMusiqueDonc
26.11.08 | 20h24
Que les ballons de Koons soient en acier plutôt qu’en alu, ne les rend pas plus beaux et ne rend pas plus intéressante la démarche soi-disant artistique de leur auteur. « Auteur » (entre guillemets) devrait-on dire, car sans les dizaines de graphistes et d’ingénieurs de son bureau d’études, on se demande ce que pourrait « créer » ce Koons chéri des nouveaux riches. Lesquels n’en ont rien à cirer de l’Art, qui pour eux est pure spéculation financière.

natacha
26.11.08 | 20h19
Avoir le courage de braver le complot des bien-pensants et des bureaucrates culturels pour dénoncer les foutaises de certains artistes-business avec leurs homards et autres, c’est plutôt rare. A la place de Fabre et de Koons, allez donc, puisque c’est encore ouvert, jusqu’à la fin de la semaine, visiter le Salon des Indépendants au Grand-Palais, pour découvrir qu’il existe encore une vraie création artistique, qui n’a rien à voir avec la « daube » qu’on nous impose à Versailles.

Plein des poches
26.11.08 | 18h38
Avec la crise, rien ne va plus ; et demain, ce sera encore pire. Les chefs-d’oeuvre de Pinault et consorts ne vaudront plus un clou. Dans le meilleur des cas, ils seront entassés dans des garages aux toits crevés, dans le pire, jetés à la décharge. C’est donc demain qu’il faut acheter pour pouvoir faire la culbute. Le marché de l’Art, c’est comme la Bourse, on peut gagner très gros ; et il n’existe aucune valeur objective. La seule réalité est la loi du marché.

Hum_Hum
26.11.08 | 17h25
Merci et bravo pour cet article.

Atchoum
26.11.08 | 17h06
C’est comme ça, les pompiers se font des millions, et les purs crèvent la faim. En ces temps de crise, je pense avec dégoût à toutes les centaines de millions prélevées sur les résultats des entreprises de MM Arnault et Pinault aux dépens de leurs employés et englouties dans des homards gonflables !

EtLaMusiqueDonc
26.11.08 | 16h27
Un critique qui utilise encore des clichés comme « silence assourdissant »… et qui ignore que les ballons de Koons sont en acier. C’est vrai, ça, tous ces farceurs qui ne savent même pas dessiner ! Ah, Madame, on parle de Picasso, maintenant, mais les prédécesseurs trouvaient Picasso épouvantable ! Et que dire de Duchamp ? D’ailleurs, c’est bien simple, on devrait interdire la foire de Bâle, et interner Gehry…

Mona
26.11.08 | 16h25
MERCI pour ce point de vue vivifiant ! Nous vivons une époque où plus que jamais les « monnayeurs » l’emportent sur les « créateurs », pour reprendre une distinction chère à Julien Gracq .

MARTINE D.
26.11.08 | 14h52
Vous avez dit « cynique« , et vous avez raison. Le musée Picasso a besoin d’argent pour payer les travaux. Seul intérêt que l’expo Grand Palais : quelques toiles « de maîtres » ; le reste : infâme. Rothko et Bacon à Londres, c’est autre chose. Turner était en voyage… Je n’ai pas les mêmes points de vue que Jean Clair, mais au moins il sait de quoi il parle.

ajax
26.11.08 | 13h56
Comme vous avez raison : mais le temps tranchera ; nous traversons dans l’Art l’équivalent de la bulle de la Bourse. Bientôt nous verrons un krach de cet art-baudruche.


thierry g.
26.11.08 | 13h56
On ne peut que partager ce sentiment quand on entend le porte-serviette de Pinault qui gère (présider !…hum ) Versailles dire que Koons a _ dans un galimatias digne d’une devanture de fleuriste branché _ posé le même problème que Le Nôtre et donné une réponse d’aujourd’hui à ce que faisait le Nôtre à Versailles ! On sait bien que sa formation de maitre-aux n’en fait pas un grand intellectuel, mais quand même ! à partir du moment où les bornes sont franchies, il n’y a pas de limite : D’ac, Duchamp ?



Lire chaque jour les pages du Monde _ d’El Pais, de La Repubblica, du New-York-Times, et quelques autres _ est riche de significations… Des paroles un peu moins « pré-vendues » accèdent à la possibilité de la lecture ; et du débat, grâce aux sites des journaux (et des blogs), sur Internet… Charge à chaque lecteur d’apprendre à s’y orienter, avec recherche de « justesse »… Le pire n’est pas chaque fois le plus sûr…

Sur la crise (de confiance et aveuglement) : la méthode d' »attention intensive » de Titus Curiosus

30oct

Petite réflexion-bilan (de Titus Curiosus : sur 4 mois de blog « En cherchant bien _ les carnets d’un curieux« )
sur les enjeux de « la crise«  (confiance et aveuglements « graves » en tous genres),
par rapport à la vérité et aux œuvres vraies des artistes, philosophes, historiens, chercheurs de diverses disciplines
que proposent les livres (et disques _ vive la musique !) qui nous attendent, si nous les « dénichons », sur les rayons d’une grande librairie, telle que la Librairie Mollat, à Bordeaux…

A confronter avec mon article d’ouverture de ce blog, le 4 juillet dernier :

« le carnet d’un curieux« …


Par sa méthode (d' »attention intensive »),
en ce blog « En cherchant bien _ les carnets d’un curieux« ,
Titus Curiosus se propose de
(s’essaie à)
_ en ses phrases longues, complexes, « cahoteuses » parfois

(c’est le mot _ « cahoteux » _ par lequel Maxime Cohen qualifie le « style » de Montaigne même, en ses « Essais« , à la page 43 de ses « Promenades sous la lune » ; cf mon article « Sous la lune : consolations des misères du temps« )

par lesquelles l’écrivant se confronte, un peu dans le détail,

au style de l’écrivain, du peintre, du musicien, du photographe,

bref de l’artiste, ou du philosophe, ou de l’historien, etc…

car « le style, c’est l’homme même« , retenons-nous de Buffon, en son « Discours sur le style » (prononcé à l’Académie française, lors de sa réception, le 25 août 1753 _ et qui n’a pas pris une ride !) _

Par sa méthode (d' »attention intensive »), donc,

Titus Curiosus se propose de (s’essaie à)

et propose à
ses lecteurs (en ce blog-ci)

d’essayer (et prendre envie) de
mieux regarder, écouter, lire

de « vraies » œuvres d’auteurs (« véritables » ; et pas des « faisant-semblant de » ; quand s’étalent et se répandent presque partout les impostures)…

Et, par là, de « rencontrer » « mieux » ces auteurs (d’œuvres),
en tant qu' »humains »

_ « non » encore (trop) « in-humains« 

(j’emprunte ce mot-concept de « non-inhumain« au Bernard Stiegler de « Prendre soin _ de la jeunesse et des générations » _

« rencontrer » mieux ces auteurs « non-inhumains« , donc,

en leur expérience (d’artistes)
du « réel », leur « réel »

le plus « réel »,
celui auquel ils ont « réellement » affaire,
auquel ils se coltinent « vraiment »
(= « en vérité », le plus « réellement » possible _ et pas seulement fantasmatiquement, tel un « réel » qui ne serait que « rêvé » ;

et pas en faisant rien que des moulinets, ronds-de-jambes, « bulles-de-savon » et autres « ronds-de-fumée », en prenant des poses _ de paroles _ cajoleuses et racoleuses « vendeuses »)…


un « réel », pour chacun d’eux

_ ces artistes (écrivains, peintres, photographes, cinéastes, etc…), ces philosophes, historiens, chercheurs _,

chaque fois _ un par un _,

spécifique (précis, particulier, singulier)

_ et parfois
(ou même assez souvent ; mais pas à tous les coups : l' »œuvre vraie » n’est jamais « mécanique » !)

« de génie »

(tel qu’ils le « montrent », ce « réel » : tel qu’il leur apparaît, « en vérité » la plus objective ; et selon leur style…) _,

c’est-à-dire de les « rencontrer » vraiment, « en vérité »,

ces auteurs-là, en ces œuvres particulières-là ;

et cela, en allant _ à leur « réception-rencontre » _ un peu (plus et mieux : par le regard, par l’écoute, par la lecture « attentifs » et « intensifs »)

à la rencontre des traces
qu’en ces œuvres

_ livres, disques (que l’on trouve en un « antre » débordant tel que la librairie Mollat) ;

telles d’improbables « message(s) in a bottle » (de la grande, belle, chanson du groupe Police, tirée de l’album « Reggatta de blanc » en 1979) ;

confiés par eux, ces auteurs « vrais », à quelque « bouteille », donc,

elle-même confiée à la mer, vers, sur d’autres rivages, d’improbables lecteurs ;

ou, encore (autre océan !) enfouies « dessous des cendres » : comme dans l’indispensable « Des voix sous la cendre » édité par Georges Bensoussan et le Mémorial de la Shoah (qu’on lise seulement ce que nous a « légué », de son « enfer » si improbable (mais si « réel ») et très court sursis (!), « en témoignage » « pour toujours », un Zalman Gradowski !

Que son nom et que son « message » (de ces « bouteilles » de « sous la cendre« ) survivent ! Un livre peut aussi remplir cet « office »-là !… Car il n’est pas vrai que, ainsi que beaucoup « pensent », et Staline l’a dit (à Moscou, au général de Gaulle, en 1945, il me semble), « à la fin, c’est la mort qui gagne !«  _

en allant à la rencontre des traces
qu’en ces œuvres

_ livres, disques _, donc,

ils _ ces auteurs « vrais » _ ont adressées _ les « traces » ! _ aux spectateurs-regardeurs-écouteurs-lecteurs éventuels que nous sommes
_ déjà potentiellement, en effet, en arpentant les rayons de la librairie _ ;

et devenant _ revenus chez nous _, « en acte » par notre regard (de regardeur, d’écouteur, de lecteur effectif :

« attentif intensif« , dis-je…),

devenant un peu plus « réels » et effectifs nous-mêmes, ainsi _ que d’ordinaire :

l’ordinaire dominant et commun, disons « social »,
anesthésié qu’est cet « ordinaire » (socialisé) _ et nous-mêmes aussi, en conséquence : anesthésiés _,
par les valeurs (sociales : intimant du silence et de l’acceptation)

et les propagandes (asphyxiantes, à force, sans qu’on en prenne réellement conscience :

telle la grenouille, au final ébouillantée, dans la casserole dont on a monté insensiblement _ traitreusement, pour la dite grenouille _, degré après degré, la chaleur) ;

l’ordinaire anesthésié
par les « valeurs« , donc,

des seuls « intérêt »
(pour le « travail« )
et « agréable »
(pour le « loisir« )…

_ ou « Panem et circenses« ,

selon la formule (ayant fait ses preuves) de pouvoir (sur les autres ; et de la relative tranquille « paix sociale »

_ ou plutôt « apathie » ; il n’y a de paix effective que par des actes et des engagements actifs _

qui en résulte) d’autres potentats…


devenant un peu plus « réels » et effectifs nous-mêmes

en allant

_ je reviens au lecteur « actif », dés-anesthésié, r-éveillé : telle « la belle-au-bois-dormant » (cent ans plus tard !!!) du conte _,

en un « acte esthétique »
_ ainsi que le nomme(
nt), assez génialement, Baldine Saint-Girons (en son « Acte esthétique« , paru aux Éditions Klincksieck), et Marie-José Mondzain (en son « Homo spectator« , paru aux Éditions Bayard)_,

en allant

vers ce « réel » vrai, via

_ médiation nécessaire, indispensable, pardon d’y insister ! _

via les œuvres (« vraies ») de vrais _ et pas des imposteurs, pas des camelots _, « au charbon » (= à l’œuvre » !),

de « vrais artistes »,
et « vrais » philosophes »,
« vrais historiens »,
« vrais chercheurs (scientifiques) »
de toutes disciplines « vraies »,

en s’y salissant _ nous, lecteurs, après eux, auteurs :

« honnêtes », « vaillants et courageux« , dit Marie-José Mondzain en ouverture de son « Homo spectator« , page 12 _ ;

en s’y salissant (un peu : nul lecteur-regardeur-écouteur-spectateur « vrai »
n’en sort tout à fait le même _ indemne ! _ qu’il était avant de s’y coltiner)
en les « rencontrant », ces œuvres « vraies » ;

en s’y salissant (un peu) nos mains, nos yeux, nos oreilles _ un peu de notre propre corps (et de notre âme) _ ;

de même que l’artiste « vrai »
s’est, déjà, lui,
lui-même le premier,
« engagé »
_ et « mouillé » ; et « sali », aussi ! _ dans le « réel » d’une « œuvre de vérité » à la rencontre « vraie » de son « réel » singulier
(où court l’aimantation du désir vif

_ pour un autre ; et, de toutes façons, pour l’altérité du « réel » même !!!..) ;

en une époque de « règne » _ « empire » ? _ du « virtuel »,
des « faux-semblants », mensonges, illusions en tous genres
_ à commencer par ceux des (ou, du moins, de pas mal de) « décideurs »
financiers, économiques, politiques et autres
gens de pouvoir, « aux manettes« , comme ils disent :

nous découvrons (mieux),

en ces jours de « crises » (des valeurs boursières d’abord,
mais pas seulement elles, les valeurs boursières : ce n’est qu’un sommet d’iceberg…),

en quels vides (abîmes, gouffres) ils mènent, ces « décideurs »-là,
les (majorités du moins d’) aveugles
qui leur font d’ordinaire assez « aveuglément », bonnassement, confiance…

Parler d' »économie réelle« , déjà

_ au-delà de l’économie « virtuelle« , elle (= irresponsable ?..) _,

est assez vertigineux,

par rapport aux millions de dollars, ou d’euros, ou de livres sterling, et autres monnaies, que des traders (et des banquiers _ l’expression « banque » est la même à la roulette du casino !) jouent

à la roulette (russe ?),

des fluctuations de jeu de yo-yo

des côtes des Bourses mondiales…


On jettera un œil
sur la « Parabole des aveugles » de Breughel
(à la Renaissance) ;

et autres « Vanités«  _ à « tabagies » et « bulles de savon » _, un peu après (au XVIIème siècle), du Baroque…


Car (quelques uns) des artistes savent dire (exprimer et montrer) parfois _ ou souvent, quand ils sont vrais et « véridiques » _ la vérité…

A l’autre bout _ de l’œuvre _,

il faut _ aussi _ le regard vif et actif

(et « véridique », non, sans « vaillance« , ni « courage » _ comme l’indique Marie-José Mondzain en son « Homo spectator« , dès l’introduction du livre, page 12 : le livre est paru aux Éditions Bayard en novembre 2007) _,

il faut aussi le regard vif et actif, donc,

du spectateur-regardeur-écouteur-liseur,

pour la part d’acte

(« esthétique« , dit Baldine Saint-Girons _ cf tout « L’Acte esthétique« , paru aux Éditions Klincsieck, en janvier 2008)

qui lui revient, du moins, si peu que ce soit

_ mais nul, non plus, ne peut regarder, écouter, lire (ni expérimenter, ainsi que vivre), à la place d’un autre !!!) ;

il faut un « vrai » regardeur, écouteur, liseur ;

un tant soit peu vraiment « curieux » de ce que mettent à sa disposition

de vrais (et « véridiques ») auteurs.

Contre les impostures qui « occupent » la « place » ; tiennent, avec morgue et arrogance, ou avec inertie, le « haut-du-pavé » _ sans même parler (d' »occupation » et « tenue ») des médias…

Voilà ce que la « crise » des « valeurs » m’a « arraché » ce matin

pour souligner un peu, ici et maintenant, les modestes ambitions (= propositions, sinon « attentes », de lecture…) de ce blog-ci, « En cherchant bien _ les carnets d’un curieux« …

en relais

de ce qu’est _ en matière de « services » _ une excellente librairie (avec d’excellents libraires : actifs !) ;

en relais du travail, en amont, des éditeurs ;

et en relais d’abord _ et surtout _, à la source,

_ car c’est cette transmission-ci qui importe, pour la communauté d' »humains » que, tous, nous formons, embarqués sur un seul et même bateau ! _,

de ce qu’offrent à « consulter » les auteurs…

Soit une « chaîne » improbable de « personnes » (« vraies » : véridiques et honnêtes),

où et quand « flambent », encore, bien des imposteurs (et impostures

_ les plus discrètes n’étant pas les moins efficaces, comme cela se sait)…

Mais lire Machiavel

(« Le Prince » ;

on peut lire aussi,

sur « Léonard et Machiavel« , de Patrick Boucheron (le livre est paru aux Éditions Verdier au mois de juillet dernier), mon précédent article : « l’agudezza du temps juste _ art rare et ô combien précieux« ) ;

mais lire Machiavel, donc,

ne suffit certes pas _ à soi seul, du moins _, à prévenir (= parer) de pareilles manœuvres

et de tels circuits bien institués ;

et incrustés dans des habitudes…

Titus Curiosus, ce 30 octobre 2008

Kertész / »Dachau » : la bourde du politique (et la non-lecture des « lecteurs »)

19août

A propos d’un article du (remarquable) blog « La République des livres » de Pierre Assouline _ sur le site du journal Le Monde _ : « Éclats de lecture« , le 16 août 2008 ; et de l’œuvre de (l’immense !) Imre Kertész

Voici, d’abord, l’article in extenso ;

puis viendra ma réflexion (critique) :

Eclats de lecture

Deux passages cueillis au vol dans « Des Hommes d’État » (Grasset) de Bruno Le Maire, conseiller puis directeur de cabinet du Premier ministre de 2005 à 2007. Celui-ci tout d’abord, un dimanche de juillet à l’Elysée, Chirac et Villepin s’opposant sur la repentance à propos du rôle de la France dans l’esclavage, le Président étant « pour » la reconnaissance, son premier ministre « contre » le sac de cendres en permanence sur la tête. Alors Jacques Chirac :

“”Je vais vous raconter une histoire que m’a racontée Desmond Tutu”. Ironique : “Vous connaissez Desmond Tutu ?” Nous hochons la tête. “Bien. Je l’ai rencontré au G8. Il m’a dit il y a quelques mois : ”Vous êtes arrivés en Afrique, nous avions la terre, vous aviez la Bible. Vous nous avez dit : Fermez les yeux ! Ecoutez-nous ! Quelques années plus tard, nous avons rouvert les yeux : vous aviez la terre, et nous avions la Bible”. Voilà ce que c’est que la présence occidentale en Afrique, telle que les Africains la voient. Et en plus, il y a l’esclavage. Ce n’est pas digne de ne pas le reconnaître (…) Quand on fait quelque chose de mal, il faut se repentir !”. (p. 106)

   Autre chose. Le Premier ministre reçoit l’écrivain Imre Kertész, prix Nobel de littérature, à l’hôtel Matignon. Le conseiller est là :

“Je ne résiste pas à la tentation de lui poser une question sur ses textes, pourquoi il ne parle pas des camps, pourquoi il ne parle pas de Dachau, qu’il a connu, préférant évoquer les moments qui ont précédé la déportation. Il répond doucement avec lenteur, il cherche les mots justes, ses yeux se perdent dans le vague :Ça ne sert à rien de raconter les camps. Ça n’intéresse personne. Les détails, ça n’intéresse personne. Il vaut mieux essayer de raconter ce dont on ne se souvient pas. C’est beaucoup plus intéressant”. Il se gratte le haut du crâne du bout de ses ongles jaunis par la cigarette, lentement, minutieusement, pour se donner le temps de la réflexion. “Par exemple dans « Kaddish« , j’ai essayé de raconter les vingt premières minutes de mon arrivée à Dachau, les vingt minutes que je ne me rappelle pas, que je ne veux pas me rappeler, c’est ça qui est intéressant” (pp.246-247)

C’est ce second paragraphe, à propos de Kertész qui seul va faire l’objet de ma réflexion ici. Et je vais « farcir » ce « texte » de mes remarques critiques, cette fois.

Le Premier ministre reçoit l’écrivain Imre Kertész, prix Nobel de littérature, à l’hôtel Matignon. Le conseiller est là :

Je ne résiste pas à la tentation de lui poser une question sur ses textes _ sic ! _,

pourquoi il ne parle pas des camps

_ tiens ! tiens ! : qu’est ce qu’il lui faut donc si Kertész « ne parle pas des camps » ?!? _,

pourquoi il ne parle pas de Dachau, qu’il a connu

_ Dachau : non ! Kertész n’y a jamais mis les pieds !!! _,

préférant évoquer les moments qui ont précédé la déportation _ re-sic ! _

_ c’est tout bonnement renversant pour qui a lu (= VRAIMENT LU !) « Être sans destin » !

A croire que n’en ont été lues _ superficiellement : sans poursuivre… _ que les toutes premières pages (à Budapest : avant et au moment de la grande rafle des Juifs de l’été 44) ;

ou quelque « résumé » de sous-fifre !.. _

Il répond doucement

_ Imré Kertész a l’infinie délicatesse (d’urbanité vraie) d’un homme (hongrois) d’Europe centrale,

et « revenu », qui plus est (et ce n’est certes pas peu !), de bien des choses… _

avec lenteur, il cherche les mots justes

_ oh que oui ! (c’est aussi la « douceur » du débit de son ami, un autre immense écrivain, l’israélien Aharon Appelfeld, l’auteur du si puissant « Histoire d’une vie« ) _,

ses yeux se perdent dans le vague :

Ça ne sert à rien de raconter les camps. Ca n’intéresse personne. Les détails, ça n’intéresse personne. Il vaut mieux essayer de raconter ce dont on ne se souvient pas. C’est beaucoup plus intéressant”.

Il se gratte le haut du crâne du bout de ses ongles jaunis par la cigarette, lentement, minutieusement, pour se donner le temps de la réflexion.

Par exemple dans « Kaddish« 

_ ou dans « Être sans destin » ? le conseiller politique pondeur de livres mêle décidément tout !!! _,

j’ai essayé de raconter les vingt premières minutes de mon arrivée à Dachau (re-re-sic)

_ il n’a pas pu dire « Dachau« , vu qu’il n’y est, de fait, pas « passé » en 44 ! Déjà, Auschwitz-Birkenau, Buchenwald, Zeitz, c’était « beaucoup » ; surtout en ayant manqué de ne pas en revenir du tout !!! _

et qu’il y a assez peu de chance que ce soit sa langue à lui qui,

sur un tel « point » (ou « détail » : qu’on en juge !),

ait pu « fourcher »… ;

ou alors, mieux encore, l’exquise infinie délicatesse d’Imre Kertész

ne relève pas la bévue _ ou un simple lapsus linguæ ? _ du « conseiller de Matignon »,

et reprend son (malencontreux) mot de « Dachau » :

« Dachau, Auschwitz, Buchenwald, Zeitz », le distinguo est peut-être un peu trop subtil quand le temps presse, et qu’on ne peut pas se permettre d’abuser de ce temps si précieux (des politiques : la scène est à Matignon, auprès du premier ministre !) pour vraiment EX-PLIQUER (= DÉ-TAILLER) …

et, surtout, quand tout cela a été si bien « détaillé » _ en effet! _ déjà dans les livres publiés (et vendus à certains milliers, voire millions, d’exemplaires de par le monde) de l’auteur (et « prix Nobel de littérature ») ;

il n’empêche : affirmer ainsi sans complexes

_ et écrire, et publier : n’ont-ils donc pas de « relecteur » chez Grasset ? _

que Kertész, « dans ses textes » _ étrange mot choisi _, « ne parle pas des camps« ,

ne manque pas d’air !!! :

« les vingt minutes »

_ je reprends la citation prêtée à Imre Kertész à l’Hôtel Matignon _

de « l’arrivée » sur la « rampe », et de la « sélection » : il n’y en avait pas à Dachau, qui n’était pas un camp d'(immédiate) extermination, la nuance a encore son importance, cher conseiller d’un premier ministre ! _

que je ne me rappelle pas, que je ne veux pas me rappeler, c’est ça qui est intéressant” (pp. 246 – 247) » :

quelle infinie délicatesse, à mille lieues de la moindre lourdeur, que d’attribuer la force de cette écriture de « vérité » la plus terrible,

à l’effort de la seule reconstruction (de l’expérience éprouvée)

du « génie » _ littéraire et existentiel (= « æsthétique » et « poiétique« ) _ de l' »imagination »…

Ne surtout pas se méprendre à ce qui fait _ rien moins ! _ le « génie » d’implacable « traqueur de vérité » de Kertész !..

Et pourquoi il choisit l’écriture romanesque plutôt que le témoignage de « Mémoires » et d’autobiographie _ même s’il s’y adonne aussi, mais autrement (cf « Un autre : chronique d’une métamorphose« )…

Et c’est là que se trouve la puissance magnifique de vérité

_ et qui marque profondément quand le lecteur (authentique, si je puis dire) l’a vraiment ressentie _

d’Imre Kertész, qui a mis tant de temps,

avant de passer à l’écriture,

et puis encore après

(dans ses divers démêlés _ politico-idéologiques _ pour parvenir à se faire enfin publier _ et sans trop de censure : cf le superbe de force aussi « Le Refus« ) ;

qui a mis tant de temps, donc, à se faire un peu comprendre d’autrui :

qu’on relise, dans « Être sans destin« , la scène _ quasi terminale _ du retour (en son ancien « chez lui ») de « Geörgy Köves« ,

après la longue marche de la mort, en 1945,

à Budapest,

et l’impossibilité de se faire proprement « comprendre » des propres vieux voisins juifs de ses parents :

les « Steiner » et « Fleischmann« , aux pages 348 à 359 de « Être sans destin« …

Même l’onction et l’aura du prix Nobel ne suffisent pas à lever toutes les incompréhensions, surdités, cécités, insensibilités des anesthésiés (et abrutis de propagandes et publicités) que nous, lecteurs et non-lecteurs, sommes…

Pierre Assouline, quant à lui, en son blog, en reste là

_ je veux dire à ces deux extraits « nus » _,

sans le moindre ajout de commentaire : est-ce, à son tour, par délicatesse ?..


Ensuite, les lecteurs du blog, eux,

« se déchaînent »

(dans le déballage de leur ego) ;

mais presque pas un seul

_ à part « Christiane » qui, pour toute remarque, cite un des plus beaux passages de « Kaddish » :

celui où « monsieur l’instituteur » (page 53)

« rend » à György, malade, sur un brancard,

sa « portion de nourriture froide« ,

vitale _

ne s’attache à Imre Kertész _ cet immense auteur !!! _ ;
ni ne relève l’impensable « bévue » du politique pondeur du livre _ vite fait, mal fait _ ;
lequel (pondeur du livre susdit : dispensable…)
ne « sait » visiblement pas

parce que, tout simplement, il n’a probablement pas lu un seul livre entier de Kertész
_ et pas rien qu' »un texte« ,

ainsi qu’un peu curieusement cela est dit,

un « extrait »,

un « résumé » (ou digest)  de livre _ ;

tout ce qu’il « sait »,
_ et ce n’est pas là « savoir » !
rien qu’une « ombre » d’opinion, de croyance,

une « rumeur »

(= ce qui se véhicule, circule, et se ramasse et propage et perpétue « dans les dîners en ville »,

« dans les salons où on cause »…) _ ;

tout ce qu’il « sait », donc,

c’est la « réputation » que véhicule la « rumeur » :

« Kertész revient des « camps » !..«  ;
qu’il en a « réchappé » ! ; qu’il est

_ définitivement : on point de le définir et déterminer, à soi seul, par cette « marque » indélébile

tel le nombre inscrit par tatouage »définitif »

sur les « sélectionnés » du « bon côté »

(pas « le plus important, à droite » ; mais celui « à gauche, le plus petit et en quelque sorte le plus plaisant »

_ ce sont les expressions de la page 119 d’ « Être sans destin« )

à Auschwitz ; pas ceux qui filaient directement vers les

pseudo (on s’en rend compte trop tard pour en sortir _ « s’en sortir ») douches

et, en fait, les cheminées (et le ciel, via les nuages, « les merveilleux nuages« ,

ainsi que le reprend joliment Sagan

du beau spleen baudelairien _ ;

qu’il « est », donc (lui, le prix Nobel de littérature Kertész

_ autre « marque » dûment estampillée, mais « culturellement »,

dirait Michel Deguy _

invité ce jour-là de l’hôte de l’Hôtel Matignon)

« un rescapé » !..

« Dachau » fera donc ici l’affaire  ;

et Dachau,
ou ailleurs,
ce n’est là,
comme dirait l’autre _ politique, encore ! _
qu’un « détail » (de l’Histoire) ;

ainsi que de cette « petite histoire » (= anecdote) -ci,

rapportée

dans ce petit « non-livre »-ci… ;

lequel, pondeur du livre donc, ne sait visiblement _ visiblement pour assez peu de monde, cependant _ pas
que Kertész n’est pas « passé » par Dachau,
mais par la plaque tournante (le temps _ même pas deux secondes, est-il dit dans « Etre sans destin » _ de la « sélection ») d’Auschwitz-Birkenau (avant de reprendre un autre train pour…),
Buchenwald, surtout _ en terme de « durée » de « séjours » : deux fois _
et, accessoirement (entre les deux « séjours » à Buchenwald), le « camp » (de travail) annexe de Zeitz

pour lequel lire, surtout, « Le Chercheur de traces »

_ cf donc (et lire de toute urgence !!!) les plus qu’admirables « Etre sans destin« ,

« Le Chercheur de traces« 

(repris dans « Le Drapeau anglais » : peut-être, ce « Le Chercheur de traces« , le plus fort de tous !…)

et « Kaddish pour l’enfant qui ne naîtra pas«  ;

Lire aussi l’admirable « Liquidation« ,

qui ne traite pas, lui, des « souvenirs-cauchemars » des « camps »,

mais de ce qui ne parvient pas à passer de tout cela dans le monde hyper-technologisé d’aujourd’hui

et que Kertész résume, d’un seul mot : « Auschwitz« 

avec des guillemets : mais lui _ passé par cette « case »-là _ en a le droit !

Lire à ce propos,

et dans une même foulée si possible,

le dyptique « Kaddish » et « Liquidation »

(dont le « héros-victime » est le percutantissime personnage de « B. »),

quand il

_ l’auteur, par le biais de ce « B.« -là _

« essaie » de se faire si peu que ce soit comprendre (des lecteurs) : c’est donc bien difficile !

et des politiques en toute première ligne ;

eux qui se croient du pouvoir…

Tous ces « titres » d’Imre Kertész publiés par Actes-Sud

et repris, la plupart, par Babel

constituent des indispensables
tant « sur » le XXème siècle ;
que « sur » ce que j’oserai appeler « ce qui dure d’Auschwitz »…


Quant aux réactions des lecteurs du blog de Pierre Assouline,

enfin,

elles sont confondantes d' »à côté de la plaque » : ils n’ont, donc, pas (encore ; ou pas vraiment !) lu Kertész…

Bref,
ce monde-ci
(soit, le nôtre, commun _ ou quasi…) comme il va…

Titus Curiosus, ce 19 août 2008

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