Posts Tagged ‘littérature

L’entretien d’Hélène Cixous avec Francis Lippa : « podcast de la semaine », après « vidéo de la semaine » précédente

14juin

Double récompense

sur le site de la librairie Mollat

pour l’entretien du jeudi 23 mai dernier, à la Station Ausone,

d’Hélène Cixous avec Francis Lippa,

à propos du magnifique 1938, nuits, aux Éditions Galilée, d’Hèléne Cixous.

Ce vendredi 14 juin, en effet,

au podcast de cet entretien

est décerné le label « podcast de la semaine » de la librairie ;

alors que le vendredi 7 juin à la vidéo de cet entretien

avait été décerné le label de « vidéo de la semaine« 

de cette même librairie Mollat.

Assez étrangement,

l’impression ressentie au visionnage de la vidéo 

diffère de l’impression ressentie à l’audition du podcast.

Voici ce qu’avant hier j’écrivais de mes impressions là-dessus à un ami,

en accompagnement d’un lien à cette vidéo :

La vidéo de mon entretien avec Hélène Cixous chez Mollat est parue ;


et étrangement, à ma grande surprise _ tant je préfère le pouvoir de la voix à celui de l’image _, cette vidéo apporte (et découvre) beaucoup par rapport au podcast :
probablement du fait d’une certaine théatralité _ dénuée de toute ostentation : elle lui échappe plutôt ; et est absolument « naturelle«  ! et splendidement éloquente… _
d’Hélène Cixous
en ce qui vient sourdre d’elle dans l’entretien
à partir de pertinentes questions ;
théâtralité soft et en rien exhibitionniste, chez elle,
que l’on peut ressentir déjà à l’écoute, dans les inflexions et les rythmes naturels _ extraordinaires ! _ de sa voix,
mais qui devient ici absolument visible _ aussi _, patent _ fulgurant même _, à l’image.
J’en suis le premier tout étonné…
Bien sûr le visionnage _ mais c’est déjà le cas de l’audition _ requiert un temps dont on ne dispose pas forcément
dans le monde hyper-bousculé et sur-occupé d’aujourd’hui,
du fait des conditions de travail _ pressurisé _ de la plupart…
Mais qui sait ? L’expérience en est assez significative.
Ce cas d’Hélène Cixous est en tout cas bien intéressant…
De même que son œuvre _ magistrale.
J’espère qu’un jour, après Osnabrück, elle s’intéressera aussi à Dresde,
où sa grand-mère a peut-être _ même si elle en disconvient au micro quand je le lui demande _ passé les années d’Hitler au pouvoir, de 1933 à 1938 ;
même si il est plus commode pour l’auteure du livre qu’elle est peut-être d’abord ici
de mettre en avant le théâtre et l’image de la cité d’Osnabrück _ plutôt que Dresde ;
qui a aussi sa part, passablement chargée, au sein de l’Histoire allemande sous Hitler.
Car c’est bien à Dresde que sa fille Ève était venue pour la dernière fois rendre visite en Allemagne à sa mère Rosie, peut-être en 1934…
Et pas à Osnabrück…
Et il est peu probable que le consul de France à Dresde, en 1938, ait pris la peine d’écrire à Osnabrück, et tout spécialement à Rosie Klein,
pour lui conseiller de fuir au plus vite l’Allemagne après la Kristallnacht, grâce à son passeport français…
Il me semble par conséquent que c’est plutôt à Dresde que ce contact _ et amical conseil _ consulaire a eu lieu…
Les deux villes sont toutes deux très emblématiques _ cf la Dresde au quotidien des jours du nazisme, de Victor Klemperer en son extraordinaire Journal: un témoignage absolument indispensable ! _,
mais pas pour les mêmes raisons.
Mais il faut aussi souligner que l’écriture d’Hélène Cixous, en ce 1938, nuits, est d’abord de l’ordre de la littérature ;
et pas de l’ordre de l’enquête historique…
D’ailleurs, au cours de l’entretien,
l’auteure nous prévient elle-même de ne pas prendre nécessairement pour vérité de fait sa présentation dans 1938, nuits, du document de Siegfried-Fred Katzmann _ qu’elle aurait peut-être, affirme-t-elle non sans humour, inventé… _ ;
alors que ce document de Fred Katzmann est accessible _ et de son initiative _ sur le web…
Même si Hélène Cixous met aussi en relief la nécessité pour son récit _ de littérature d’absolue liberté… _ de disposer d’un fond historique _ de grande dimension en son fond tragique _ de vérité.
Ce vendredi 14 juin 2019, Titus Curiosus – Francis Lippa

Délicate balance, entre exigence de vérité et souci de délicatesse : quelques remarques préliminaires, en lisant « Mes Années japonaises » de René de Ceccatty

20avr

Désirant que l’article que je vais écrire sur Mes années japonaises de René de Ceccatty _ le livre est à paraître le 2 mai prochain au Mercure de France _,

soit à peu près à la hauteur de celui que j’ai composé pour Enfance, dernier chapitre

j’en suis à ma quatrième relecture minutieuse de ces Années japonaises de René de Ceccatty.
Et je trouve que la figure de R. _ de leur rencontre-coup de foudre au mois de mai 1978 à Tôkyô, à leur très pénible séparation en juillet 1994 à Paris, puis à la fin de leur collaboration de traducteurs du japonais en français, en 2014 ; R. étant rentré d’Europe au Japon en 2011 _
y est un peu _ trop ? _ escamotée, floutée _ et alors même que le prénom de R. apparaît 72 fois (en 51 pages, sur 246) ; et son nom, jamais ; à titre de comparaison, le prénom de Cécile, la compagne de René à Tôkyô, de leur arrivée ensemble le 26 septembre 1977, à son départ prématuré et seule (page 73) à l’automne 1978 (page 82), à 57 reprises (en 39 pages) ; René regagnant la France le 30 juin 1979 (page 152) _ ;
R. étant caractérisé ici par quelques très brefs épisodes de son ironie un peu froide _ mais en rien agressive : affectueuse en sa forme, sinon en son fond (tout de même critique) : « R. estimait que je perdais mon temps à écrire mes livres plutôt que d’approfondir ma connaissance de la langue japonaise et de la culture de son pays. « Tu scribouilles« , me disait-il avec un mélange d’affection et de mépris« , lit-on page 184 _ à l’égard de son ami René,
 plutôt que par des éléments sentimentaux de leur attachement réciproque durablement profond de plus de quinze années, de mai 1978 _ leur rencontre-coup de foudre à Tôkyô ; et nous n’en connaîtrons que la date approximative _ à juillet 1994 _ leur douloureuse rupture : évoquée seulement par la très rapide allusion, page 153, aux larmes de R. « dans un café des Invalides qui n’existe plus » (René ajoutant cependant ici : « Et c’était moins notre rupture qu’il pleurait que sa vie nouvelle déjà si difficile« , sans plus de précision, comme souvent ; nous n’en apprendrons pas davantage…) ;
sans compter la continuation de leurs travaux communs de traduction, poursuivie jusqu’en 2014, même après le départ d’Europe et retour de R. au Japon en 2011 _ je viens de le dire.
C’est d’ailleurs une des principales raisons de cette quatrième relecture de ma part ;
et bien des choses _ tapies dans des détails, comme toujours, dans l’écriture si détaillée et riche (toujours parfaitement fluide ! sans jamais la moindre lourdeur…) de René de Ceccatty _ m’échappent probablement encore…
Et je me demandais aussi pourquoi _ hormis un répété et longtemps tenace masochisme, peut-être : jusqu’à l’arrivée en la vie de René de Julien _ René avait quitté si brutalement R., en 1994, pour sa si calamiteuse histoire avec Hervé, comme cela est narré _ mais sans se focaliser jamais sur les sentiments (et le point de vue) de R., laissés dans l’ombre supposée protectrice du non-dit_ dans Aimer
Et cela, René de Ceccatty le laisse ici à nouveau dans le flou… Sans y poser son regard _ et encore moins s’y attarder si peu que ce soit ; mais René de Ceccatty, toujours fluide, ne s’attarde pesamment jamais.
J’imagine et comprends donc les irritations que pourrait éprouver R. à la lecture de ces Années japonaises de René de Ceccatty,
qui sont d’abord, et profondément même, Les années R. de René !!!
Lire vraiment René de Ceccatty
exige toujours _ et c’est un formidable plaisir de lecture !!! _ une attention patiente et sans relâchement aucun : un tout petit mot unique _ par exemple, page 306, l’hapax du terme télétransportation (un phénomène se produisant pour René, via « la merveilleuse lumière hivernale«  et « l’ombre chaleureuse poméridienne« , entre les collines de Montpellier et celles de Tôkyô) dans Enfance, dernier chapitre _ au sein des volutes détaillés de l’envol d’une phrase développée, pouvant constituer une clé décisive de l’intelligence du réel vécu évoqué… Mieux vaudrait donc ne pas le manquer…
Et j’aime tout particulièrement que la sagacité du lecteur soit ainsi, même un peu rudement _ mais sans jamais d’agressivité, simplement par un jeu infiniment léger avec le lecteur, ainsi provoqué à la vigilance par sa propre éventuelle curiosité, si l’aventure lui survenait de se laisser prendre à un tel jeu (de lecture chercheuse), et sans la moindre lourdeur, évidemment !, de la part de l’auteur ; le lecteur ainsi incité par sa curiosité, devenant lui aussi acteur actif, et non passif, de sa présente lecture _ sollicitée !!!
Montaigne agissait ainsi, lui aussi !
« Indiligent lecteur, quitte mon livre ! », prévenait-il en ouverture hyper-ironique de ses Essais
Et cela, alors que la mère de René, confidente particulièrement lucide _ toute sa longue vie _, était très critique sur les situations amoureuses à éviter _ pour elle-même comme pour tout autre _ :
notamment _ d’abord _ à propos de ses propres sœurs Solange et Colette.
René l’avait bien souligné _ probablement trop tard rétrospectivement pour lui-même. Que n’a-t-il mieux suivi lui-même ce lucide conseil, serait-on donc (bien vainement) tenté de dire, de l’extérieur… 
D’où un assez persistant sentiment _ gris _ de culpabilité en lui
envers ce qu’il a mal réglé en son passé : trahisons, égoïsmes, aveuglements, indifférences,
qui continuent de le travailler, lui maintenant si lucide…
L’œuvre d’écriture réussira-t-elle à en venir au moins partiellement à bout ?
Je peux donc fort bien comprendre ce que pourrait être le point de vue de R. lecteur aujourd’hui de ces Années japonaises de son ami René de Ceccatty ; qui sont pour beaucoup aussi _ voire le principal _ les Années R. de l’auteur…


Et R. rejoindrait ainsi le point de vue du Raphaël réel _ non percé à jour, lui, dans L’Hôte invisible et Raphaël et Raphaël, en sa réelle identité, à la différence d’Hervé _parvenant à faire retirer de la parution, in extremis _ le matin même du jour où allaient tourner les rotatives de l’imprimerie ! _Un Père, qui livrait son portrait, même crypté et flouté.
Même si ce Raphaël réel demeure, lui, in fine assez épisodique et peu profond _ me semble-t-il _ au sein du parcours sentimental de René de Ceccatty ;
à la _ colossale _ différence, précisément, de R. …
Et à cette différence, aussi, que R. _ même si seul le prénom est ici, dans le récit, prononcé ; et pas une seule fois le nom ! c’est à relever ; avant, du moins, la réduction à l’initiale R. … _ est un personnage public parfaitement identifié, lui.
Et même dans la saga d’Hervé, ouverte par Aimer, René s’est efforcé de flouter le mieux possible toutes les personnes réelles qu’il évoque ;
et il faut bien de la ténacité un peu sagace au lecteur un peu curieux pour parvenir à percer à jour pas mal _ certains continuant de résister à l’entreprise _ de ces floutages…
Il n’empêche, les années japonaises de René sont, via, et très fondamentalement, la personne de R., les Années R. de René de Ceccatty
_ cf ces mots éminemment révélateurs à la page 160, à propos de son écriture à Tôkyô de la troisième partie de son magnifique Jardins et rues des capitales :
« Dans ce style ciselé et net, prudent et conscient, dépouillé et sec, je décrivais ma vie intérieure _ telle qu’elle venait d’avoir été vécue à Paris et à Rome _ que je séparais des informations qui m’étaient fournies _ alors _ par mon séjour _ présent _ en terre étrangère, convaincu que je n’étais justement pas _ en ce Japon _ à l’étranger, mais au contraire dans mon propre pays _ voilà ! l’expression est puissante ! _, un pays intérieur _ une expression très proche de celle, décisive, de « paysage intérieur » dans Enfance, dernier chapitre  _
auquel me donneraient accès ces idéogrammes _ de l’écriture japonaise _ que j’avais tant de mal à mémoriser,
espérant un jour faire miens ces livres qu’on m’indiquait (et dont, en effet, d’Ôé, de Mishima, de Kunio Ogawa, de Dögen, je traduirais certains) et me fondre dans une vie _ à la japonaise_ qui me semblait être, elle aussi, la mienne.
Mais cela, je le savais aussi, ne pouvait se produire qu’à travers un être humain tel, justement, R. _, et non seulement des livres »
Alors,
il me semble qu’en effet René de Ceccatty expose le moins possible _ comme il le fait aussi pour son frère Jean dans Enfance _ la figure même de R. _ nous ne saurons quasiment jamais (à l’exception des larmes versées dans le café près des Invalides, qui n’existe plus, de la page 153) ce que R. éprouve _ ;
mais de toutes les façons, la longue collaboration suivie (ne serait-ce que par leurs traductions communes) de René de Ceccatty avec R., est suffisamment publique ;
sans compter ce qui transparaît aussi déjà de R. à travers bien des romans matinés de romanesque _ issus-inspirés de leur séjour anglais : dans le Devon et à Torquay, en 1980 _ de René ;
ainsi qu’à travers les cinq récits _ Aimer, Consolation provisoire, L’Éloignement, Fiction douce et Une Fin _ de la saga d’Hervé, tout particulièrement son premier volume, Aimer.
Déjà là, la figure de R. abandonné _ pour le définitivement fuyant Hervé _ en cette explosive rupture avait été assez étrangement _ pour le lecteur, du moins _ escamotée-floutée dans cet Aimer
A nul moment, en effet, la personne cruciale de R. n’y avait été exposée _ et encore moins surexposée : la surexposition (hystérisée) étant d’ailleurs parfaitement étrangère au mode d’écrire-peindre, toujours parfaitement délicat (et merveilleusement léger en le flux heureux de ses phrases), de René de Ceccatty _ ; au contraire son nom seulement pouvait apparaître, à l’occasion,
mais pas la figure _ ni les expressions _ de sa personne, demeurée(s) entièrement translucide(s), floutée(s).
Ici, forcément, en ces Années japonaises, il est bien difficile de se taire totalement sur R., personne-pivot essentiel tout au long de ces années japonaises – années R., de René de Ceccatty :
que ce soit à Tôkyô et au Japon, dans le Devon, à Torquay et Totnes, à Paris, ou à Brosses, dans le Nivernais _ où se trouve la grange qu’avait achetée R., et dans laquelle ont traduits ensemble René de Ceccatty et R., onze ans durant, de 1990 à 2001 ; y compris après leur rupture-séparation de juillet 1994…
Ainsi R. demeure-t-il quasiment transparent _ translucide, quasi invisible _ aux yeux du lecteur : d’où mon point de vue premier _ de lecteur naïf, donc…
René de Ceccatty a été vraiment plus que discret _ et supérieurement délicat _ sur sa personne ;
et leur attachement…
Et c’est toujours la vérité _ la plus honnête qui soit _ du réel que recherche _ impitoyablement pour lui-même d’abord _ en l’œuvre poursuivi d’écriture rétrospective de sa vie, René de Ceccatty,

puisque la mission de fond qu’il conçoit de l’écriture _ cf page 54 : « c’était déjà _ dès l’enfance _ une évidence prouvée que mon rapport au monde passait par la chose écrite et lue « … _ et de la littérature est bien celle-là :
par le style singulier le plus adéquat possible à la vérité désirée _ maintenant _ de ce réel vécu _ passé, mais dont bien des effets réels, souvent non dépassés, demeurent, de ne pas avoir été réellement réglés alors… _ à laquelle l’écriture et la _ vraie _ littérature seules _ et c’est là une thèse très puissante et décisive de René de Ceccatty, présidant même à toute son écriture d’aujourd’hui ; cf page 56 : « Durant l’été, les manuscrits insipides et maladroits que je lisais attentivement me révélaient la banalité de toute vie quand elle est mal racontée _ voilà ! par clichés _ et donc aussi de la mienne si je ne l’écrivais pas ainsi qu’il me semblait que je le devais «  _ permettent, par-delà _ et contre _ le temps écoulé, passé, d’essayer d’atteindre vraiment _ comme pour remédier, par ses propres moyens spécifiques, à ce qui s’était alors trop mal passé _,
et avec la plus grande finesse _ très vigoureusement recherchée : René de Ceccatty se malmenant lui-même fortement avec celui qu’il a été _ du rendu des sensations éprouvées alors, 
au-delà de la banalité des clichés sur les situations communément partagées : des lieux communs au sens propre… ;
et toujours, aussi, avec la plus grande délicatesse possible, afin de ne surtout pas blesser le moins du monde ceux qui s’y reconnaitraient (ou reconnaîtront) à la lecture
de ce à quoi René de Ceccatty est parvenu à cerner et développer dans le détail subtil et magnifique de sa remémoration de ce souvent douloureux _ et coupable, par ses trahisons, ses aveuglements ou son égoïsme d’alors _ vécu passé.
Et toujours René de Ceccatty, auteur, recherche la plus juste balance possible entre ce souci le plus exigeant de la vérité de ce qui fut vécu alors, à essayer d’atteindre, et celui de la délicatesse à avoir à l’égard de ceux qui pourraient en être aujourd’hui, par son présent récit-remémoration, blessés…
À suivre :
ceci n’étant qu’un avant-propos liminaire à mon article de fond à venir…
Ce vendredi 19 avril 2019, Titus Curiosus – Francis Lippa

Pour aborder le continent Cixous III _ lecture de « Gare d’Osnabrück à Jérusalem »

14mai

Pour continuer et poursuivre, approfondir, mon approche du continent Cixous,

après mes articles des 24 avril et 9 mai derniers :  et 

et cette fois rompant avec ma remontée de l’ordre chronologique de publication des livres que j’ai choisis _ soient pour les dates de publication : 2014, 2009, 2007, 2006, 2004, pour les livres de mes lectures successives, en remontant le temps de leur réalisation, respectivement : Homère est morte…, Eve s’évade _ la Ruine et la Vie, Si près, Hyperrêve et Tours promises _,

j’ai élu maintenant une œuvre publiée postérieurement à Homère est morte (en 2014) Eve Cixous, la mère de l’auteur, étant décédée le 1er juillet 2013, à Paris _ :

Gare d’Osnabrück à Jérusalem, paru le 14 janvier 2016.

C’est un chef d’œuvre !

Renversant de puissance

et de beauté…

Même si ma lecture _ entée pourtant sur la lecture de René de Ceccatty _ risque d’être un peu personnelle

du fait de quelques points communs marquants entre ma propre démarche _ et histoire _ de chercheur _ de traces _

et celle _ démarche, comme histoire _ d’Hélène Cixous,

eu égard à quelques uns des secrets de (sa) famille qu’elle finit par découvrir _ par sérendipité _ sans seulement les rechercher, ceux-ci _ elle les rencontre sur son chemin, et ils lui tombent dessus : du moins semble-t-il cela au lecteur,

qui n’est lui-même pas tout à fait clairement à même de démarquer ce qui ressort indubitablement du réel historiquement advenu, de ce qui sourd de l’imageance fictionnelle musante (et amusée) de l’auteur, jouant (se jouant, et nous jouant, avec elle) à brouiller un peu ses propres cartes… ; et c’est d’ailleurs là un des charmes profonds, à la fois léger comme une gaze, et ironique, et néanmoins intense et vibrant, en son flottement vaporeux, de la lecture par nous de cette part de l’œuvre Cixous à laquelle ses (ces) livres successifs nous donnent, uns à uns et séparément, à approcher, et peut-être arriver à accéder…

Cf ceci :

« Tout ce que j’écris ici est

peut-être vrai, peut-être plus vrai

que je ne m’autorise

à l’espérer

Dès que je vêts les faits et lieux

de chairs et de passions,

la vérité augmente,

prend de la profondeur,

mais au même pas que l’erreur« , lisons-nous à la page 64 de Gare d’Osnabrück à Jérusalem _ ;

je continue ici de procéder à ma méthode de commentaire-farcissure (en vert),

qui est de commenter le commentaire de lecture _ déjà ; mais, tous, nous nous entrelisons… _ de notre ami commun, René de Ceccatty, expert s’il en est _ et profondément amicalen lectures…

C’est donc 

à partir de ma lecture de Gare d’Osnabrück à Jérusalem, paru aux Éditions Galilée le 14 janvier 2016,

que je place ce jour à mon dossier d’approche de tout l’œuvre Cixous

cet article

Entre les mâchoires des ténèbres

de notre ami René de Ceccatty,

publié dans Les Lettres françaises, le 17 janvier 2016

_ article au sein duquel j’intercale, au passage, ainsi que j’aime tout particulièrement le faire (en forme de triple dialogue, donc), quelques menues farcissures de commentaire (ou précisions factuelles) de mon cru, en vert.

Si ces farcissures dérangent, le lecteur a, bien sûr, et toujours, à tout moment, parfait loisir de les shunter.

Entre les mâchoires des ténèbres

Hélène Cixous (…) se tourne _ ici _ vers le nazisme dont elle dénonce _ sur cas très précis (et très proches d’elle : familiaux pour la plupart) _ la monstrueuse machinerie. Hélène Cixous, née à Oran en 1937 _ le 5 juin _, revient _ mais y est-elle déjà allée (avec sa grand-mère Omi, quand elle avait quatorze ans, en 1951, page 93) ?.. Elle n’en est pas du tout sûre, tant elle finit par faire vraiment corps (et chair) avec certains récits (et aussi, bien sûr, certains non-dits !) de sa mère Eve et de sa grand-mère (Omi) Rosie… _ à Osnabrück, la ville _ d’enfance (avant son départ, en 1929, pour Paris, puis Londres, et retour à Paris) de sa mère, Eve Klein, elle-même fille de Rosie Jonas, épouse (et veuve, depuis 1916) Klein, et native, elle, d’Osnabrück, le 23 avril 1882 ; car c’est à Strasbourg, alors allemande depuis la guerre de 1870, que le 14 octobre 1910 est née la petite Eve Klein, future épouse (le 15 avril 1936, à Oran) Cixous ; à Strasbourg où s’étaient installés ses parents, Michaël Klein (mort à la guerre, en Pologne alors russe, et aujourd’hui en Biélorussie, le 27 juillet 1916) et Rosie Jonas, immédiatement après leur mariage à Osnabrück, en 1910 _ de sa mère, Eve Klein, dont une partie _ environ la moitié pour ce qui concerne déjà les Jonas : « si un nombre important a disparu dans plusieurs camps de concentration _ ou extermination ! _ différents _ Auschwitz, Theresienstadt, Sobibor, etc. _, un nombre égal a survécu au naufrage« , page 159 _ de la famille maternelle _ les Klein et les Jonas, et parents _ a été exterminée _ à Theresensienstadt, Auschwitz, Sobibor, etc. Elle y « revient » _ littérairement _ parce que, à la fin du siècle dernier _ le 12 février 1999 _, elle avait déjà consacré à cette ville et à tout ce qu’elle représentait un livre important _ en effet : Osnabrück, aux Éditions Des Femmes _ qui allait, avec Or _ paru le 3 mars 1997, lui aussi aux Éditions Des Femmes _, donner une autre orientation _ plus intime (et charnelle) _ à son œuvre _ et c’est là un regard important et très avisé de René de Ceccatty sur la genèse et le parcours de tout l’œuvre Cixous _, l’ancrant dans un contexte familial _ oui _ très déterminant _ très concret et même, j’insiste, charnel ; et qui personnellement me touche beaucoup ; contexte probablement lié aussi à la grande vieillesse de sa mère (née le 14 octobre 1910), et sa  proximité profonde et intense avec sa personne… Eve devenait une protagoniste littéraire _ voilà _ et prenait une place centrale parmi d’autres figures mythiques _ elles _ et pourtant incarnées _ elles aussi, via le verbe et la formidable vertu d’imageance de l’écrivain. Eve devenait une interlocutrice _ elles ne vont plus cesser de converser-dialoguer dans les livres qui viennent _ plus que privilégiée _ centrale ! Et c’est ce dialogue-conversation-là qui va se poursuive en ce nouvel opus, post-mortem (de sa mère, décédée le 1er juillet 2013), cette fois, qu’est ce Gare d’Osnabrück à Jérusalem ; de même que le dialogue-conversation avec l’ami décédé (le 9 octobre 2004), Jacques Derrida, se poursuivait dans Hyperrêve, dont il constituait, selon moi, le principal (mais pas unique) centre de focalisation : exemplaire.

Dotée d’une autre langue (l’allemand) et d’un autre langage (un parler plus populaire, un humour, un bon sens _ oui ! _ dont l’écrivain jouerait non dans un esprit de dérision, mais comme d’une arme d’autocritique _ mais oui ! : dans un registre d’humour (appliqué à soi-même : pardon du pléonasme) très quotidien, en effet, et non métaphysique _), elle _ Eve donc _ dialoguait _ mais oui : et Hélène Cixous, sa fille, se déploie toute dans leur mutuelle permanente interlocution : comme Montaigne ! _ dans les livres _ qui sont et deviennent les tours promises d’Hélène Cixous… _, comme elle n’avait cessé de le faire _ au quotidien des jours ainsi que des nuits _ dans la vie de sa fille. Eve, sa sœur Eri _ Erika, réfugiée en Palestine – Eretz Israël en 1936 _, leur mère Omi _ qui avait pu gagner Oran en novembre 1938 grâce à son passeport français (de strasbourgeoise) _, ont échappé au massacre _ nazi ; à la différence de la moitié Jonas de leur famille, pour ne rien dire du nombre des Klein engloutis eux aussi. Ce ne fut pas le cas _ tout particulièrement ici, en cet opus-ci _ de l’Onkel Andreas Jonas _ mort, ainsi que son épouse Else, à Theresienstadt ; lui en 1942, elle en 1944 _, qui apparaît ici comme le protagoniste secret _ voilà _, puis explicite _ en effet _ de l’enquête _ lui dont des secrets amers (ayant trait à ses rapports à leur fille Irmgard), aussi, vont être bientôt approchés et révélés. Et qui n’a rien, nul échec, nul sentiment de culpabilité, à cacher ?


Pour raconter son retour _ physique, si elle y avait accompagné sa grand-mère en 1951 : Hélène ne parvient pas à s’en souvenir… ; littéraire sinon… _ à Osnabrück, retour officiel _ et en grandes pompes _ qui sera célébré _ à l’hôtel de ville d’Osnabrück _ le jour anniversaire de la naissance de Hitler _ un 20 avril ; le 20 avril 2015, page 100 _, coïncidence qu’Anne, la fille de l’auteur, trouve plutôt malvenue — mais cela fait partie des plaisanteries _ oui ! il joue aux dés et s’amuse… _ du hasard —, Hélène  Cixous procède comme elle a coutume de le faire : en entremêlant _ et c’est là l’essence même du réel, et de sa richesse, merveilleusement explorés par elle en son écriture polyvocale _ des réflexions sur les maîtres de la littérature, qui sont comme des guides mythologiques _ oui, remontant profond _  permettant de sonder l’inconscient _ voilà _  (Homère, Shakespeare, Balzac, Proust, Joyce), à un dépouillement d’archives familiales ou historiques, et _ aussi _ à des souvenirs personnels parfois évoqués dans d’autres livres _ et il faut à cela tout un art (virtuose, mais sans nulle gratuité, forcément ! ) des liaisons de la part de l’auteur. Comme il faut aussi un art du suivi chez le lecteur…

Qu’a-t-il fallu pour que l’entreprise nazie _ de persécution, puis d’extermination, pour reprendre les mots de Saul Friedländer en les deux volumes (1933-1939 et 1939_1945) de son chef d’œuvre L’Allemagne nazie et les Juifs… ; sur Friedländer, cf mes deux articles des 16 et 29 septembre 2016, à l’occasion de la publication de son Où mène le souvenir ? ma vie :  et  _ se réalise _ passant du stade de fantasme paranoïaque d’un groupuscule de fanatiques ravagés à celui de catastrophe mondiale historique _ dans la petite ville _ fonctionnant ici comme une nasse sans la moindre échappatoire pour les traqués _ d’Osnabrück ? Quelle équipe, quelle topographie, quels moyens matériels, quel « esprit du temps » _ zeitgeist _ ? Des photos, des coupures de journaux, des circulaires, des papiers administratifs, des formulaires, des affiches _ scrupuleusement donnés dans le livre : le cahier de ces documents est inséré entre les pages 160 et 161 du livre ; et la plupart issus du « remarquable » (page 168) recueil de documents intitulé Stationnen aud den Weg nach Auschwitz. Entrechtung, Vertreibung, Vernichtung. Juden in Osnabrück 1900-1945, de Peter Junk et Martina Sellmeyer, Stadt Osnabrück/Rasch Verlag, 1988… : « qui de nous , lorsqu’on apprenait la belle langue allemande à l’école, aurait pu imaginer que cet amical et honorable suffixe -ung, dont la vocation consiste à transformer un verbe en substantif, un agent dévoué, le petit génie du désir d’agir, de continuer, de poursuivre, tout ce qu’il y a de plus souhaitable, donc, deviendrait, dans les années de feu, l’auxiliaire inquiétant de toutes les inventions persécutoires. Vertreibung, Vernichtung, Entrechtung« , lisons-nous, page 69  _ rappellent _ opportunément et à leur manière brute _ un certain nombre de faits incontestables. Ce retour _ en quelque sorte familial et mémoriel de l’auteur en la ville des parents Jonas de sa mère _ est une traversée de l’Histoire, et d’une histoire familiale que la géographie rend _ d’autant plus _ complexe. Comme presque toutes les familles juives, celle d’Eve Klein s’est répandue dans le monde, en Palestine, au Chili, en Angleterre, en France _ et ailleurs : Afrique du Sud, Brésil, Uruguay, Australie, Nouvelle-Zélande, Canada, Etats-Unis, Irlande, Israël, et même, pour un, en Chine, à Shangaï, page 159 _ ; et Hélène communique avec ses cousines et tantes éparpillées _ dont Inès et Marga _, pour comprendre _ plus spécialement _ le destin tragique d’Andreas Jonas _ Onkel André, le frère aîné de sa grand-mère (Omi) Rosie ; mort, lui, à Theresienstadt le 6 septembre 1942 : page 107 ; et la photo, page 157 _, et d’autres comme lui. Car Hitler et son administration n’auraient _ en effet _ pas suffi. Il fallait _ en Allemagne comme ailleurs, par exemple dans la France de Vichy _ d’autres mains _ complices et actives _, volontaires ou pas _ et bien des esprits, aussi, peu à peu gagnés et conquis _, pour parfaire _ matériellement, en mettant la main à la pâte ! _ le crime. Un enfant de trop, une _ simple _ antipathie ou un égoïsme familial _ et les exemples viennent : ainsi celui de l’horloger (et Ortsgruppenleiter) Erwin Kolkmeyer, ou ceux de « ses doubles Gauinspektor Wehmeyer et Kreisleiter Münzer« , page 49 _, et la tragédie se boucle _ factuellement.

En rapprochant du Roi Lear _  « Onkel André, c’est le roi Lear à Osnabrück« , page 59 ; ou « Ce n’est pas que Cordelia est devenue Regan, a pensé Onkel André, c’est qu’elle l’a toujours été« , page 63 _ ou de la Comédie Humaine _ et son « arbre généalogique« , page 123 _ le destin des victimes de l’extermination raciale, Hélène Cixous propose une vision intérieure _ et intime, voilà _ de l’Histoire : le travail d’historien est trop mécanique et trop simpliste _ dans les causalités générales retenues à des fins de résumé surligné ! _ pour permettre de comprendre _ vraiment _ certains événements _ issus de misérables ruisselets de vieilles haines personnelles recuites. La littérature, de tous temps, a dû intervenir _ pour sa part, et très impérativement (il s’agit là de la culture profonde des humanités…) _, parce qu’elle fait converger _ voilà : confluer _ l’intime et le collectif, et introduit la dimension imaginaire _ ce que je nomme, d’après mon amie Marie-José Mondzain, l' »imageance » visionnaire et lucidissime de l’artiste… _ et donc mythique dans _ et en plein dans _ le réel _ même ; et il n’existe probablement pas d’accès personnel vrai au réel sans ce travail visionnaire-là. Elle n’est pas là pour se substituer _ certes pas ! _ au réel (en l’occurrence la destruction _ effective _ d’un peuple), mais pour le placer _ et contribuer à donner à le ressentir _ sous une autre lumière _ avec une focale archi-supérieure en visibilité et intensité de lucidité _ et l’approfondir _ absolument.


Aussi, les anticipations (la vie algérienne, les rapports familiaux qui ont suivi, l’œuvre même de l’auteur) ne sont-elles pas des anachronismes _ mais des visions à dimension d’éternité lucides _, mais au contraire donnent tout son sens au regard rétrospectif, ici essentiel _ voilà, lequel regard est devenu, écriture de livre après écriture de livre, de mieux en mieux apte à l’intelligence fine de ces liens au travers de l’épaisseur de chair des divers temps vécus _ pour éclairer des événements certes mondialement connus _ c’est-à-dire grossièrement repérés _ et déjà analysés _ décomposés _ dans leur généralité visible _ et un peu trop commodément résumée _, mais demeurés _ in fine _ indicibles et obscurs dans la réalité individuelle _ vraiment vécue par les sujets : voilà _ de chaque déportation _ en sa singularité ; et c’est ce regard lucidissime-là, de l’intérieur de ce qui est ressenti, ou même pas consciemment ressenti, mais qui nous est ici néanmoins aidé à approcher par quelques menus signes-indices physiques à peine manifestes, à peine perceptibles, mais bien réels, et à l’efficace terrible surtout dans le réel de ce qui est advenu, et qui n’ont pas échappé au regard de l’écrivain, qui se (et nous) les représente, presque mine de rien (je veux dire sans didactisme pesant, surtout), qu’offre la vraie et belle et profonde littérature. « Fin 1938, Omi _ la mère d’Eve, sortant d’Allemagne avec un passeport français, et parvenant en Algérie, à Oran, chez sa fille Eve et son gendre Georges Cixous : Hélène était née le 5 juin 1937, et son frère Pierre le 11 novembre 1938 _ était seulement sauvée. Frères et sœurs _ plusieurs _ deportiert. Ensuite ermodiert ? Mais cela se passait dans le livre qui s’écrivait en allemand _ en actes dans le Reich, et ses dépendances. Dans le livre d’Osnabrück à Oran, ma grand-mère se mettait un peu vite _ au français, son gendre (mon père) se jetait à l’allemand, on tentait le trilingue avec l’espagnol, on riait _ Georges Cixous avait en effet un remarquable don pour ce genre d’humour (ou cette forme verbale virtuose de « versatilité » ; cf la remarque de la page 199 de Photos de racines…). Le mot nazi sonne dans mes premiers cauchemars, mais comme je n’en ai jamais vu aucun _ de nazi, en Algérie vichyste _, le rêve peint « les-nazis » comme une forêt de dents dense et noire, les nazis devenus invisibles et sans corps, entre la double rangée desquelles nous cherchons à nous glisser _ échapper. Ma grand-mère et moi nous nous tenons par la main et nous courons à toutes jambes entre les mâchoires des ténèbres_ soit l’expression que retient René de Ceccatty pour le titre Entre les mâchoires des ténèbres de son article à propos de ce splendide Gare d’Osnabrück à Jérusalem. Comme deux petites filles » _ lisons-nous page 32 ; et nous prenons bien ici la mesure du génie verbal de l’auteur magnifique qu’est Hélène Cixous.


Hélène Cixous va à Osnabrück _ le 20 avril 2015 _ « comme si maman _ décédée depuis le 1er juillet 2013 _ était devenue _ désormais _ Osnabrück _ toute la ville ! _, voilà comment j’y vais, comme si elle m’y attendait, comme si je m’attendais à la voir venir vers moi au coin de la Grande-Rue ». Eve Klein, morte il y a _ presque _ deux ans, vit _ donc _ encore _ voilà ; de même que Jacques Derrida, dans d’autres livres, dont Hyperrêve, continue de converser vigoureusement avec Hélène Cixous… _ dans ce livre, puisque les morts ne cessent _ voilà ! _ de nous parler, de nous chercher _ et cela, de leur initiative ; et de s’entretenir ainsi encore et toujours, toujours, avec nous, tant que nous vivons et sommes en capacité de nous souvenir, ou d’user de notre capacité d’imageance, pour ceux qui, tels Homère, Virgile et Dante visitant le pays des morts, en ont (ou avons) le courage.

(…) 

Le livre d’Hélène Cixous aurait dû, par un concours de circonstances de sa vie professionnelle qui la conduisait à être _ peu après _ invitée _ en une université _ à Jérusalem, se poursuivre en Israël, ce qui explique son titre. Mais elle a préféré _ à très juste titre : Jérusalem va demeurer ici en pointillés pour Hélène Cixous la voyageuse ; et n’oublions pas qu’Oncle Andreas et Tante Else s’y étaient rendus, eux, à Jérusalem ; mais en étaient revenus : ils étaient retournés à Osnabrück _ s’en tenir _ pour ce récit-ci _ à son séjour _ d’avril 2015 _ à Osnabrück. Son grand-oncle était _ en effet _ allé en Israël, mais en fut renvoyé _ par le choc très amer d’un échec douloureux _, pour vivre _ le 6 septembre 1942 _ sa mort tragique à Terezin _ Theresienstadt : le camp en trompe-l’œil des Nazis, en Bohème. Les documents fournis en annexe _ voilà ! _ sont, dans leur cynisme _ innocemment _ assumé (affiches ou petites annonces) _ de leurs producteurs de l’époque _, porteurs des marques _ indélébiles, pour nous qui les avons ici maintenant sous notre nez ; et peut-être pour quelques uns de leurs innocents descendants ; mais les vents de l’Histoire tournent ; et pas forcément dans le meilleur des sens… _ de cette même chiennerie _ voilà _ dont profita Værnet _ un médecin nazi : Carl Vaernet (28 avril 1893 – 25 novembre 1965) est un médecin danois arrivé en Allemagne en 1942. Il se livra à des expériences hormonales (!) sur des détenus du camp de Buchenwald afin de trouver un traitement permettant de « soigner » l’homosexualité, nous apprend wikipedia… _ et qui était la complice nécessaire _ voilà _ à la machine nazie.

(…) Hélène Cixous conduit _ à nouveau ici, dans ce Gare d’Osnabrück à Jérusalem paru en 2016 _ le lecteur dans le labyrinthe _ somptueusement riche _ de la mémoire familiale, arrachant la tragédie

_ « Il y a une tragédie cachée dans la Tragédie dont personne _ dans la famille _ n’a la force de parler. C’est une tragédie naine entrelacée de péchés et d’innocence où tous les personnages ont des reproches à faire à tous les personnages, la rage souffle, à l’idée de dieu, à l’idée d’amour, des reproches à se faire, il n’y a aucun pardon, seulement des chagrins et de cruelles surprises. Qu’il y ait une tragédie cachée _ celle d’Irmgard _ dans un plan noirci de la Tragédie _ de l’Histoire _, c’est cela le tragique. Si je n’écrivais pas, dit le livre _ s’écrivant _, personne ne saurait rien de la véritable Passion d’Andreas« , lit-on, page 68. « Tout le monde l’enterrerait sous les décombres de la mémoire. Omi était sous un parasol à Paradis plage. Elle redoutait le coup de soleil«  : un passage-clé… _

à la _ froide ; et l’enfer, nous le savons, est glacé _ scène objective des archives, pour la replacer sur la _ brûlante _ scène intime, où les mystères _ certes en partie _ demeurent, se nichant _ offrant dans ces menus détails-là une chance, pour nous, de repérage, d’abord, puis, et surtout, d’exploration _ dans un appel téléphonique, dans une lettre retrouvée, dans une réminiscence, dans un rêve _ aussi : l’Inconscient insiste, en ignorant, qu’il est, des variables de la temporalité, nous apprend Freud _, sur une photographie, dans une notule _ marginale _, dans un fragment _ tronqué _ de dialogue _ auxquels nous rend si bien sensibles l’attention intense et sans la moindre lourdeur, jamais, d’Hélène Cixous. Comme chez Marivaux, ce sont les (très brefs) silences (voire rires) entre deux mots qui parlent le plus. Et quiconque cherche si peu que ce soit avec obstination et patience, finit par trouver un minimum de pépites livrées au jeu en partie aléatoire de la sérendipité… Là-dessus, cf mon article du 3 mars 2014 :

René de Ceccatty

Gare d’Osnabrück à Jérusalem :

un livre très important. Merveilleux. Et magnifique !

Ce lundi 14 mai 2018, Titus Curiosus – Francis Lippa

A propos du métier d’éditeur : une interview d’Elena Ramirez, des Editions Seix Barral

12mai

A propos du métier d’éditeur _ un passeur crucial de l’essentielle culture ! _,

je découvre ce matin sur le site d’El Pais,

ce samedi 12 mai,

une passionnante interview de l’éditrice (chez Seix Barral) Elena Ramirez ;

et qui donne bien à penser…

 

Elena Ramírez: «Es falso que las grandes editoriales se dediquen nada más que a ganar dinero y solo los independientes publiquen literatura»

Publicado por Fran G. Matute

Fotografía : Sonia Fraga

Como directora editorial de un sello tan prestigioso como Seix Barral, Elena Ramírez tiene sin duda mucho que decir _ certes _ sobre el presente del mundo del libro, hoy tan mitificado por fuera como vapuleado por dentro _ dont acte. No obstante, lo que más nos llama la atención no es ya su privilegiada visión del sector, el cual conoce de cabo a rabo toda vez que comenzó en este negocio trabajando en los escalafones más bajos, sino el hecho de que se atreva a hablarnos sobre él con firmeza, sinceridad y sin pelos en la lengua _ bien !

A lo largo de esta entrevista, en la que no solo repasamos su ya larga trayectoria profesional sino que tratamos de comprender el funcionamiento del sector editorial español, Elena Ramírez no dejará inconscientemente de recordarnos que, por mucho romanticismo que exista tras la publicación de un libro, no se debe olvidar nunca que estamos ante un negocio _ pourrait-on l’oublier ? Uno maravilloso, absorbente y tremendamente vocacional, al que solo podrá dedicarse con éxito quien posea el entusiasmo y la convicción que destila Elena Ramírez en cada una de sus palabras.

 

El editor, ¿nace o se hace?

El editor se hace, pero para ejercer esta profesión uno ha de tener cierta sensibilidad y percepción, así como un amor y una pasión por los libros que creo es algo que no se puede aprender _ bien sûr que si (cela n’a rien d’inné!), mais pas par réception d’un enseignement ; cf la distinction entre to learn et to teach ; par apprentissage personnel et passionné. A lo largo de mi carrera he visto las dos cosas : gente con una intuición increíble, sin experiencia profesional previa, que ha llegado a ser un gran editor solo con esa materia prima ; y gente muy bien posicionada, que oficialmente es considerada un editor, pero que, sin embargo, no ha sido nunca capaz de desplegar ese feeling del que te hablo _ celui qui sait reconnaître les voix singulières des vrais auteurs.

Date cuenta de que el editor trabaja fundamentalmente con personas _ oui. Trabaja con material sensible de los escritores, con su potencial _ voilà : à déceler dans sa dynamique à aider… Trabaja con algo que en un momento dado le ha emocionado _ et c’est crucial _ y necesita a su vez transmitir a otros _ voilà. En mi despacho tengo un cartel que dice: «Si editar fuera solo publicar libros…». Porque mucha gente cree que un editor solo se ocupa de corregir textos, de decidir la portada, de establecer una campaña de marketing, de acompañar a los autores… y no. No es «solo» eso. Es todo eso junto, no digo que no, pero también muchas cosas más _ voilà. La edición es por definición un trabajo muy vocacional al que le entregas un porcentaje altísimo de tu vida. No hay horarios, no hay límites. La edición se lo come todo.

¿Qué hay que estudiar entonces para ser editor?

La mayoría de editores viene de Filología, Filosofía o Periodismo, pero en España no hay una carrera universitaria como tal, ni siquiera una especialización. Sí es cierto que existen muchos másteres en edición, muchos cursos de posgrado ; yo, por ejemplo, doy clases en el máster de la Pompeu, en Barcelona. Bajo mi punto de vista, cualquier carrera de humanidades _ dont acte _, si es que siguen existiendo el día de mañana, puede ofrecer una muy buena formación base para ser editor.

Tiene uno sin embargo la percepción de que el sector editorial se está profesionalizando mucho últimamente.

Es cierto que desde los cursos de posgrado que te comentaba antes se está dando bastante protagonismo a la figura del gestor empresarial. Pero, ojo, no nos engañemos : esa figura, de una forma u otra, ha existido siempre en el sector editorial. Leí un librito escrito por el fundador de Minimun Fax, una editorial italiana chiquitita, en el que se cuenta la historia de cómo nació, que es muy curiosa. Empezaron enviando una comunicación por fax a una serie de números de teléfono anónimos, a modo de newsletter de la época, y recibieron tantas peticiones solicitando información que no les quedó otra que empezar a enviar pequeñas publicaciones, que fueron cobrando cierta periodicidad, hasta que aquello terminó convertido en una editorial. Por muy «romántica» que parezca esta historia de éxito, este editor independiente lo dice bien claro en sus memorias: «No nos confundamos. Un editor es ante todo un empresario». Quiero decirte con esto que es falsa esa idea de que las grandes editoriales se dediquen nada más que a ganar dinero y solo los independientes publiquen literatura. Es, además, una idea que yo misma me encargo de desmentir en las clases que imparto. No caigamos en el cinismo de quitarle al gran editor la pasión y la maravilla que hay detrás de esta profesión, así como tampoco olvidemos que en este mundo la gente está siempre jugándose la pasta. Si eres independiente, la pasta será tuya. Si trabajas para un gran grupo, será de un tercero. Pero una editorial es un negocio, y como tal ha de ser sostenible _ oui, le principe de réalité accompagnant de ses exigences le principe de plaisir.

¿Dejó Seix Barral de ser una editorial independiente tras la compra de Planeta en 1982?

No en cuanto a su línea editorial. Seix Barral sigue siendo totalmente independiente en la medida en que a mí, o a mi predecesor, jamás nos han dicho «Esto lo tienes que publicar» o «Esto no lo puedes publicar». Ni siquiera cuando no he cumplido con el presupuesto que me habían asignado. Y me consta que pasa igual en los demás sellos editoriales adquiridos por Planeta. Date cuenta de que cuando un gran sello adquiere uno independiente lo que hace es comprar básicamente un catálogo, una marca, un intangible que solo se busca potenciar con la fuerza de un gran grupo. Si no, no tendría ningún sentido la operación.

¿Y qué grado de autonomía tiene Elena Ramírez como directora editorial de Seix Barral?

Todo, dentro del grado de responsabilidad implícito en el cumplimiento de mis obligaciones, que incluyen el de un presupuesto, of course. Yo soy la culpable de todo [risas]. A ver, este es un trabajo en equipo _ oui _, y yo cuento con un gran equipo _ c’est nécessaire. Digamos entonces que soy la responsable de este equipo, pero cada editor en Seix Barral es soberano sobre su porción de catálogo _ voilà. Teresa Bailach, por ejemplo, es nuestra editora de castellano ; Irene Lucas lo es de internacional ; y Jesús Rocamora hace ambas cosas.

En el mundo anglosajón se distingue entre el publisher, que sería mi actual función, toda vez que abarca cuestiones más a largo plazo, muchas relacionadas con la gestión, y el editor, que es la persona que está más apegada al libro en sí. Con todo, yo no he sido capaz de separarme completamente del texto. Tengo autores, mis autores, para los que sigo siendo su primer editor. Esa parte del trabajo, consistente en leer manuscritos y trabajar su contenido _ voilà _, sigue formando parte de mi ADN. Me gusta hacerlo.

¿Cuál es entonces la labor de Pere Gimferrer en la editorial?

Gimferrer es el director literario de Seix Barral. Es una especie de asesor permanente, constante, al que a veces llamamos «Google» porque lo sabe todo [risas]. Él sigue yendo a la editorial a diario, está siempre al pie de cañón, pero no está, digamos, generando ideas en el día a día. Está, obviamente, para lo que necesites. Y si lo necesitas, cuenta con él a muerte.

 

Repasemos un poco tu carrera profesional. ¿En qué momento entras en contacto con el sector editorial?

Los libros han sido una constante toda mi vida _ et c’est indispensable. Yo he sido una persona no sé si decir solitaria o independiente _ voilà _, pero muy ratón de biblioteca. Los libros, en este sentido, han sido como un refugio _ ou une ouverture _ para mí. Estudié Filosofía y Letras _ oui _ y, antes de entrar en el sector editorial, estuve trabajando en mil cosas. Por ejemplo, como profesora para gente con dificultades de aprendizaje, también para mayores de veinticinco años que querían entrar en la universidad. Estuve trabajando en un geriátrico, en una agencia inmobiliaria mucho tiempo, en fin, en distintos lugares haciendo las cosas más diversas. Me ocurrió entonces que sufrí un gran batacazo vital, porque murió un hermano mío y aquello me dejó completamente noqueada. Me llevó a plantearme muchas cosas sobre lo que quería hacer con mi vida _ voilà. Y un día, simplemente, me di cuenta de que no podía seguir viviendo así, que tenía que hacer algo que me gustara realmente _ exactement _, y me dije eso de «Si quieres, puedes» [risas]. Sé que esto suena muy flower power, pero fue así, fue algo un poco epifánico : decidí entonces que quería trabajar con libros _ oui. Mi madre, Pilar Rico, que era periodista cultural, trabajaba para distintos medios, le hizo llegar mi currículum a Juan Cruz, que me hizo la entrevista de trabajo más rara que he tenido en toda mi vida. Quedé con él, pero mi currículum lógicamente ni lo miró, porque allí no había nada que fuera muy atractivo para trabajar en una editorial. Solo se fijó en que decía que dominaba el inglés, y me preguntó si eso era cierto o lo había puesto ahí de adorno. Tenía tantas ganas de entrar a trabajar en el mundo editorial que, no sé cómo me atreví, le respondí en inglés, y le dije : «¿Quieres que sigamos la conversación así?». Y me dijo: «Contratada» [risas]. Y al día siguiente empecé a trabajar en _ la maison d’édition _ Alfaguara.

¿De editora?

De asistente. Llevando y trayendo cafés, vamos. Te hablo del año 1994, ¿eh? Cuando el mundo editorial era todavía muy masculino. ¿Te cuento una batallita al respecto? Como asistente, una de mis tareas era organizar los comités periódicos de lectura _ voilà _, en los que se analizaban los manuscritos que llegaban a la editorial _ voilà. Yo me dedicaba a ir recopilando informes de lectura para luego clasificarlos entre positivos y negativos, y en esas reuniones exponía los resultados a los miembros del comité, para que luego ellos debatieran. Como te puedes imaginar, yo no opinaba, me limitaba a exponer lo que había, pero para mí era como una reunión importante : era el momento en el que estaba ahí delante de mi jefe, y sus asesores (todo tíos, claro), así que aquello me lo tomaba muy en serio. Y en una de estas, estando yo en la pizarra de pie, explicando lo que fuera, uno de los ponentes, no diré quién, levantó la mano y me dijo: «¡Elena! Un café». Y solo se me ocurrió responder: «No, gracias» [risas]. En el fondo me quedé muy cortada, me puse toda colorada, pero me salió así, espontáneo, no pude evitarlo. El mundo editorial de antes no tiene nada que ver con el de ahora, en el que, te diría, al menos el setenta y cinco por ciento del sector está formado por mujeres. Hasta llegar al top, claro. Ahí arriba la proporción se invierte.

Muchas mujeres en el sector, pero no tantas en los catálogos.

Es cierto, pero te garantizo que no es una cuestión de misoginia. A la editorial llegan muchísimos menos manuscritos firmados por mujeres que por hombres _ dont acte. La diferencia es además abrumadora. Un día tengo que hacerlo, tengo que comprobar el porcentaje exacto. Habría, de hecho, que preguntarse por qué ocurre esto. La respuesta a lo mejor tiene que ver con la famosa «habitación propia» _ de Virginia Woolf. Me da la sensación de que, en verdad, la cosa no ha cambiado tanto. Creo que sigue habiendo muchas mujeres que solo escriben en el tiempo que la vida les deja para escribir, mientras que ellos escriben cuando les da la real gana. Me temo, por tanto, que todavía hay mujeres que están dejando sus sueños atrás por los motivos de siempre.

¿Es hoy día la literatura escrita por mujeres un target editorial?

Sí. No ya tanto la literatura escrita por mujeres como la literatura que tiene que ver con el mundo de la mujer. No te lo niego. Se trata, sin duda, de una tendencia al alza y es por tanto una temática que tenemos muy interiorizada en el plan editorial de Seix Barral. Ahora bien, las modas están ahí para aprovecharse uno de ellas, pero también para criticarlas. La mayoría de las tendencias son burbujas, así que hay que tener mucho cuidado con lo que se publica al hilo de estas. En este sentido, las memorias de una sufragista son algo que publicaría siempre, por su propio valor intrínseco, no porque ahora estén de moda, por más que sea consciente de que ahora van a ser quizás más leídas que en otro momento. Hay que tener en cuenta también que muchos títulos que se compran ahora no verán la luz hasta dentro de unos cuantos años, cuando lo mismo la moda que motivó su compra ha expirado. Cuidado entonces con eso de moverse solo por tendencias _ oui. Y cuidado con ignorarlas _ aussi.

¿Hasta qué punto crees que es importante para un editor empezar, como tú, desde abajo?

En mi caso no solo empecé desde abajo, sino que pasé luego por diversos departamentos. Asistencia, Logística, Diseño, Internacional… He estado toda la vida corriendo por los pasillos fundiendo zapatillas, así que creo que tengo un conocimiento muy profundo del sector _ c’est formateur. Mis inicios fueron en su día un no parar, pero aquello me gustaba tanto, tenía tanta hambre por aprender _ c’est important _, que hoy día agradezco muchísimo tener esta visión tan transversal _ oui _, y que sobre todo me ha servido para poder mostrar una mayor sensibilidad _ oui _ hacia ciertos puestos teóricamente menos glamurosos que el editorial, cuyo día a día he conocido de primera mano.

¿Cómo llegas a Seix Barral?

A Seix Barral llego en el año 2000 de la mano de Adolfo García Ortega, que había entrado a trabajar allí hacía solo unos meses, sustituyendo a Basilio Baltasar. Adolfo se propuso desde el principio reestructurar todo el equipo editorial de Seix Barral, sabiendo que si no lo hacía nada más llegar no iba a ser capaz de hacerlo más adelante. Fichó también a Nahir Gutiérrez, la directora de comunicación, que venía de Tusquets, y a Elena Blanco, actual jefa de prensa del sello. Yo entré como editora ejecutiva. Luego, unos cuantos años más tarde, en 2007, me convertí en la directora editorial. Adolfo decidió cambiar su forma de trabajar en su labor editorial para centrarse más en su escritura, y digamos que el paso natural fue proponerme a mí para dirigir el sello.

Recuerdo que, cuando entramos, Seix Barral estaba bastante perjudicada _ ah. Había sufrido en los últimos años muchos cambios de manos, muchos cambios de línea editorial, incluso hubo periodos en los que no hubo nadie al frente. Mi primer día en la oficina fue como visitar unas catacumbas _ eh bien ! En el que se suponía que iba a ser mi despacho estaban todas las paredes llenas de manuscritos, desde el suelo al techo, que llevaban allí años, vete a saber si fueron en algún momento leídos. Encontramos en aquella montaña algún que otro autor maravilloso, ¿eh? Fue como empezar de cero. Tuvimos además que poner orden sin demasiados recursos _ voilà. La verdad es que las pasamos canutas [risas].

¿Cómo conseguisteis reflotar el sello?

Proponiéndonos un objetivo claro _ oui _, como claros fueron los medios _ aussi _ para conseguirlo. Por una parte, quisimos rejuvenecer _ bien sûr _ el sello. La percepción que se tenía entonces de Seix Barral era que estaba un poco anticuado, y para romper con esa idea una de las primeras cosas que hicimos fue quitar el cuadradito que se seguía utilizando en el diseño de las portadas _ oui. Tratamos así de hacer que las portadas fueran más atractivas, toda vez que sin el cuadradito podíamos usar más formatos.

Empezamos también a apostar por valores un poco más jóvenes, pero, sobre todo, como al principio no teníamos dinero para nuevas contrataciones, recuperamos algunos libros del fondo editorial, que era, claro, magnífico _ oui. Para decidir qué libros rescatar, pensamos en qué títulos nos gustaría que leyesen nuestros hijos. Así, Adolfo propuso reeditar Opiniones de un payaso, de Heinrich Böll, y yo El corazón es un cazador solitario, de Carson McCullers. Nuestra idea era poner estos títulos a disposición de una nueva generación _ voilà. De Carson McCullers, como sabes, hemos ahora reeditado toda su obra, con nuevos prólogos e ilustraciones a cargo de Sara Morante, pero ya en aquellos primeros años 2000 hicimos una primera recuperación fuerte de su obra, y, la verdad, se vendió muy bien. Otra cosa que hicimos fue preguntar a los libreros _ oui. Les pedimos consejo acerca de qué títulos del catálogo tendríamos que reeditar _ voilà. Fueron de hecho unos libreros de Bilbao los que nos aconsejaron recuperar El hombre sin atributos, de Robert Musil, que sacamos en un estuche maravilloso, muy bien presentado, con los volúmenes mejor organizados. Lo pusimos caro, pero lo vendimos fenomenal. Ese libro nos ayudó mucho a arrancar. Nos permitió contratar autores nuevos _ oui.

Otro de nuestros objetivos, uno que además nos propusimos conseguir de manera muy consciente, y no digo con esto que fuera una ocurrencia nuestra, pues fue una estrategia que terminaron siguiendo muchas otras editoriales en paralelo, fue aplicar las técnicas del marketing más comercial a títulos muy literarios _ oui. Ahora el marketing está en todas partes, es como la madre del cordero, pero en aquella época se consideraba que lo literario debía de ser algo minoritario, de culto, invisible a poder ser, y que lo publicitario iba asociado únicamente a la literatura comercial, pues de algún modo su uso desprestigiaba todo lo que tocaba. Nosotros conseguimos demostrar que si esa publicidad venía presentada de una manera coherente, con identidad y elegancia _ oui _, siempre bajo la premisa de «menos es más», porque en las reuniones era fácil que, metafóricamente hablando, alguien de marketing se emocionara y saltara con un «¡Vamos a ponerle a este libro un gato en la portada!», o cosas así [risas], todo era posible.

Al principio de llegar nosotros, la imagen clásica de Seix Barral, la imagen blanca de sus portadas, había perdido mucha fuerza. Tuvimos entonces que romper con esa marca e inventarnos otros diseños _ oui _, con más colorines y tal. Así publicamos un best seller como Pasión india, de Javier Moro, que, si recuerdas, la portada no era blanca, era además a sangre. Y fue así, poco a poco, como comenzamos a recuperar la marca blanca, ¡incluso para los best sellers!, como ocurrió con La elegancia del erizo, de Muriel Barbery, o con Firmin, de Sam Savage, uno de esos libros literarios a los que supimos meterle mucha caña de marketing basándonos siempre en su contenido.

Me llama la atención el peso que le disteis a la opinión de los libreros en todo este proceso de reflote de Seix Barral.

Los libreros son las personas _ les plus et les mieux en contact avec les acheteurs-lecteurs de livres _ de las que, históricamente, más he aprendido sobre este negocio. A los editores siempre les digo : «Salid a la calle. Salid del despacho». Date cuenta de que entre el despacho de un editor y una librería hay un montón _ déjà ! _ de intermediarios. En su despacho, un editor está en su «La La Land», pensando en que sus libros son fantásticos y van a funcionar fenomenal, pero una charla con un librero puede llegar a ser una bofetada brutal de realidad _ et revoilà le rugueux principe de réalité. No me refiero ya a la hora de saber si un libro funciona o no, sino sobre todo a la hora de detectar tendencias _ tendenceurs est même devenu un métier ! A los libreros les pregunto mucho : ¿qué se está vendiendo bien?, ¿qué no se está vendiendo bien?, ¿qué es lo mejor que se ha hecho últimamente? y ¿qué es lo peor? De esta forma te podrás dar cuenta de que aquella colección de bolsillo fabulosa que se te ocurrió en tu despacho, aquella de tapa dura que pretendías vender a X,95 euros, es en realidad una cagada, básicamente porque al librero no le caben esos libros en la estantería, o lo que sea. El librero es sabio _ un pragmatique. Ayuda.

Los editores, mea culpa, solemos ver la vida demasiado a través de los índices de venta que te dan empresas como Nielsen o GFK. Nos limitamos a decir : «Esto no vende», y nos quedamos ahí. Pero cuando esto pasa, me acuerdo siempre de una reunión, una de las últimas que tuvimos todos los editores del Grupo Planeta con José Manuel Lara, que fue una bestia de la edición, un tipo con un carisma espectacular, a la que fuimos todos muertos de miedo a exponerle nuestros proyectos del año. Llevábamos todo ahí superbien presentado, con sus gráficos y tal, y justo antes de la reunión, durante el almuerzo, nos dice: «Si alguno de vosotros va a plantear su presentación basándose en lo que dice Nielsen, que se marche ahora mismo y lo cambie. No me digáis lo que dice el mercado. Decidme qué es lo que el mercado aún no sabe _ voilà _ que quiere». En el marco de una empresa grande esta visión resultaba muy osada. El caso es que, a la hora del café, empezamos todos a levantarnos sutilmente, todos yendo, claro, a cambiar nuestras presentaciones [risas].

¿Para qué sirve entonces Nielsen?

Para saber dónde te metes. Si te llega una oferta de un autor estadounidense que desconoces, y ves en Nielsen que ya ha sido publicado en siete editoriales diferentes y en ninguna ha funcionado, lo mismo ese autor es tierra quemada. Llegado el caso, siempre puedes decirte a ti mismo : «El mundo es de los osados», y contratarlo. Si el libro te gusta, te va a dar igual lo que diga Nielsen, porque, ¿quién sabe si tú puedes triunfar donde otros fracasaron? Ahora bien, la ley de probabilidades te dice que ese autor no está causando buena impresión, por lo que quizás sea menos arriesgado probar incluso con alguien nuevo, que no conoce nadie. Hay que tener también en cuenta que uno tiene pocos disparos en el revólver, así que para tomar este tipo de decisiones tiene todo el sentido del mundo consultar Nielsen o GFK, que son ahora mismo los dos grandes auditores de ventas.

En el pasado, estos índices no eran tan completos, se basaban sobre todo en muestreos sobre los que se hacían extrapolaciones, pero hoy día son bastante fiables. Por ejemplo, son muy útiles también a la hora de fijar una oferta económica. Cuando no tienes otra referencia, las ventas pueden ser de mucha utilidad. No es lo mismo contratar a un autor que presenta unas ventas que van cada año cayendo en picado que uno con ventas que cada año aumentan _ certes : cela dit, du sens d’une tendance (toujours conjoncturelle) est totalement indépendante la valeur d’éternité d’un livre ; Stendhal l’avait identifié ! Ici, ni l’intérêt à court terme du libraire, ni l’intérêt à court terme de l’éditeur, ne coîncident pas avec le désir passionné d’un vrai lecteur ! Esta es una información que se ve clara en los índices citados. Dicho lo cual, no debe ser la única información _ ah ! _ a tener en cuenta a la hora de tomar una decisión. Cuando tengo un editor delante, siempre _ simplement _ pregunto : «Pero ¿el libro cómo es?». Y si la respuesta es: «El libro está bien», ya puede decir Nielsen misa, porque si solo está «bien», no vamos a ningún lado. Si Nielsen me dice que contratar un libro es poco recomendable pero el editor me viene entusiasmado _ voilà ! _ con él, el libro sale. Te lo digo yo.

¿Sigue siendo Frankfurt el lugar donde encontrar los grandes libros del año?

Todos los editores que vamos a la feria de Frankfurt decimos que no vamos a comprar nada allí porque todo se pone muy caro, pero siempre volvemos con algún manuscrito _ tiens, tiens ! _ debajo del brazo. Al igual que se han polarizado las ventas de libros a lo largo del año, condensándose ahora en periodos muy concretos fuera de los cuales no entra ni un alma en las librerías, las ventas de manuscritos parecen también concentrarse alrededor de ciertas ferias como la de Frankfurt. El motivo es muy sencillo : los agentes literarios se esperan a estas ferias para enseñar su mejor material, porque saben que allí todos nos vamos a pelear en las subastas. Es por esto que uno termina comprando siempre allí _ voilà _ y comprando caro aunque no quiera, porque se concentra la oferta _ telle est la situation. De todos modos, en Frankfurt ocurre como cuando vas a una pastelería y te empachas : tras leer treinta y dos manuscritos en cuatro días, termina uno perdiendo la perspectiva, hasta el punto de decir : «¡Ya no quiero ver más libros!» [risas].

Al margen de Frankfurt, ¿cuáles son los métodos más usuales por los que un manuscrito llega a Seix Barral?

La mayoría de manuscritos que leemos en Seix Barral llega a través de subasta _ dont acte. Estas subastas las puede organizar bien un agente literario o bien una editorial, si es que esta representa a sus autores.

Estas subastas a veces nos llegan a través de lo que llamamos un submission, es decir, un envío directo a una o dos editoriales, con una oferta mínima de tanto y quien la supere se lo lleva. Pero otras veces jugamos simplemente a ver quién es el mejor postor _ voilà _, que es un poco como ir al circo, porque ahí entran ya componentes irracionales _ certes _ que pueden hacer que pagues por un libro mucho más de lo que pagarías en circunstancias normales.

La otra forma más común de adquirir un manuscrito es a través de un preempt, que supone pagar un extra por él a cambio de sacarlo de la mesa de negociación, de forma que no pueda pujar nadie más _ voilà. Cuando tú recibes un libro, lo mismo estás dispuesto a pagar por él, por ejemplo, tres, pero a la agencia le ofreces diez a cambio de que lo retire del mercado. En ese caso es la agencia la que tiene que valorar si podría llegar a sacar más de diez de seguir negociando con otras editoriales, o si prefiere quedarse con tu oferta _ les uns et les autres doivent donc parier…

Luego están, por supuesto, los manuscritos que nos llegan directamente a la editorial enviados por los propios autores. A estos los llamamos «espontáneos» _ oui, absolvíment inédits.

¿Se compran muchos libros solo leyendo el comienzo de la novela?

Sí. Incluso solo sabiendo el título _ dites donc ! A ver, te explico : uno intenta siempre leer los libros enteros, pero, para no mentirte, conozco casos en los que solo sabiendo el título de la novela o viendo el perfil del autor no ha hecho falta más que leer tres o cuatro páginas para lanzarte a comprarlo. Son excepciones, por supuesto. Si para conseguir el libro te tienes que meter en una subasta, ahí no te queda otra que leerlo, porque si no estarías pujando a ciegas. Esto ocurre sobre todo con la literatura comercial, donde el argumento es muy importante. Nos hemos encontrado muchas veces con que una novela estupenda se estropea al final de forma irreversible. En la editorial estamos siempre pendientes de ver cuándo aparece «el albino», que es una especie de broma interna que tenemos al hilo de esto, porque una vez estuvimos flipando con una historia que pintaba muy bien, pero al final se liaba con la aparición de un personaje albino que no venía a cuento. Así que siempre que una historia apunta maneras y se estropea al final con alguna cosa inverosímil decimos : «Ya apareció el albino» [risas].

Al hilo de esto, recuerdo oírte una vez una anécdota muy impactante del día que acudiste a tu primera reunión comercial como directora del Departamento de Ficción Internacional del Grupo Planeta.  

Sí, sí, la recuerdo. Fue, en efecto, en una reunión donde se estaba diseñando el plan de marketing de no recuerdo qué libro, pero era un best seller internacional, y hubo un momento en que pregunté : «Pero ¿alguien se lo ha leído?». Y nadie lo había hecho _ waf ! waf !! De todos modos, en esto hay que tener en cuenta, y es lógico además, que por regla general la única persona que suele haber leído un libro entero y en profundidad es el editor, pues ese es su trabajo _ voilà _, así como desbrozarlo. Otros profesionales que están luego trabajando alrededor de ese libro no han tenido por qué hacerlo, toda vez que existen otro tipo de herramientas como informes detallados, extractos, etc. _ tiens, tiens : tout va trop vite… Et lire vraiment un livre prend beaucoup, beaucoup de temps. Si bien que pas mal de potentiels lecteurs de livres, se contentent de les avoir achetés !..

novela literaria

¿Qué es una «novela literaria»? Me sorprende que una editorial literaria pueda publicar novelas no literarias.

Bueno, una novela literaria es cualquier novela, del mismo modo que una novela comercial es cualquier novela. Me explico : para mí las dos tienen los mismos méritos, las mismas cualidades. Pero utilizamos erróneamente el término «novela literaria» para referirnos a aquellas novelas de mayor calidad, supuestamente con menor capacidad para llegar a un gran público _ ah. La historia de la literatura ha demostrado que lo literario y lo comercial son barreras de lo más permeables. Ha habido grandes obras literarias que han llegado sin ningún problema al gran público, y grandes obras comerciales que han sido un gran fiasco. Digamos entonces que la etiqueta _ ce n’est donc rien que cela _ de «novela literaria» se utiliza simplemente para distinguir una novela de una supuesta calidad sobre una novela más popular.

¿Cuáles dirías que son las señas de identidad de Seix Barral ahora mismo?

[Gran silencio] Sé que decir «literatura de calidad» es como un chiste, porque todos los editores dirán eso mismo de su editorial. Con esto me pasa igual que cuando un editor me pone en una contracubierta que el libro está «estupendamente escrito». En estos casos le digo siempre que lo quite, porque, claro, si no está bien escrito, apaga y vámonos.

Creo que lo que buscamos en Seix Barral son libros que de alguna manera importen _ certes. Sea porque desde la no ficción generen un cierto debate público, sea porque desde la ficción nos causen a nosotros una determinada impresión que queremos transmitir fuera. Por otro lado, ponemos mucho empeño en apoyar nuestro catálogo sin perder de vista a los nuevos autores.

Pero Seix Barral tiene fama de ser un sello que publica pocas voces nuevas españolas.

No tengo yo esa percepción _ ouf ! En los últimos años hemos publicado a muchos autores nuevos, lo que ocurre es que, lógicamente, el espacio es limitado. Date cuenta de que la ficción internacional ocupa una gran parte de nuestro catálogo. Todo autor nuevo que incorporemos, sea o no joven, implica para nosotros darle una continuidad en el catálogo _ Très bien. Por eso la política de Seix Barral no es tanto publicar a gente nueva porque sí, política seguida por otros sellos con resultados no muy positivos, sino mantener una política de autor _ parfait ! _, de forma que cuando incorporemos a alguien no lo hagamos solo por un título concreto sino porque queremos darle a ese autor una carrera _ oui. Con esto no te estoy diciendo que piense que lo que nosotros publicamos es lo único que vale. Somos conscientes de que hay mucho talento ahí fuera, pero para nosotros es físicamente imposible dar cabida a todos.

¿Cómo descubriste a Jesús Carrasco?

A Jesús Carrasco lo descubrí a través de Arantxa Martínez, una editora fabulosa que estuvo mucho tiempo trabajando en la editorial hasta que se fue a vivir a Chile. Un día Arantxa me mandó un e-mail diciéndome que tenía un manuscrito que quería que leyera, pero me mandó solo un capítulo, el capítulo cuatro de Intemperie, lo recordaré toda mi vida. Leí el capítulo, aluciné e inmediatamente le escribí pidiendo el resto. Esto fue un viernes y el lunes ya llamé a Jesús, y le dije: «Hola. Soy Elena Ramírez, de Seix Barral. Me gustaría publicar tu libro». Y la respuesta de Jesús me encantó: «¿Qué te parece si cojo un avión mañana y lo hablamos en persona?». Tuvimos entonces la misma conversación que hubiéramos tenido por teléfono, pero lógicamente se creó ahí un lazo, una vinculación, muy fuerte _ c’est bien.

Desde que contraté el libro hasta que se publicó pasó un poquito de tiempo, porque, claro, yo pensaba: «¿De qué forma puedo publicar esto tan bueno sin que sea como lanzar una piedra a un estanque?». Lo normal hubiera sido publicarlo en España, ver que acaparaba buenas reseñas, y con eso moverlo en el extranjero, pero lo hice al revés. Tirando de amigos y contactos míos, quiero decir, no a través de una submission oficial, fui poco a poco contagiando a la gente de que teníamos una joya entre las manos _ voilà. Detrás vino el departamento de venta de derechos de la editorial, a cargo de Daniel Cladera, y arrasó. Conseguimos que la primera subasta fuera en Inglaterra, que es lo más difícil de todo, porque, una vez que los derechos se vendieron al inglés, aquello fue como un dominó. A Jesús lo llamaba de vez en cuando para decirle: «Lo hemos vendido a Alemania», «Lo hemos vendido a Francia»… Pero en verdad él no sabía muy bien lo que estaba haciendo con su libro [risas].

De nuevo los libreros tuvieron un papel muy importante en el éxito de Intemperie. Antes incluso de tener las galeradas, envié a una serie de libreros de confianza _ voilà _ el manuscrito, en Word, a palo seco, porque necesitaba contrastar con gente de fuera que no me había vuelta loca. «¿Es tan bueno como yo creo?», les decía. Y todos me dijeron que sí. Cuando ya tuve las galeradas, invertimos en hacer un folder precioso para el resto de libreros, con una caja donde iba dentro el texto, todo envuelto con una cuerda, con citas maravillosas de editores de todo el mundo, para que se viera que lo mío con Jesús Carrasco no era «amor de madre». Cuando salió publicado, todo el sector _ voilà _ sabía ya que era un libro especial.

Recuerdo que, poco antes de ponerlo en circulación, Jesús me preguntó: «¿Y yo qué tengo que hacer ahora?». Y le dije: «Nada. Dos o tres entrevistas y para casa» [risas]. La verdad es que no lo quería acojonar. La primera entrevista que hizo, con la que se estrenó, fue para el programa Página Dos, con Óscar López. Fíjate. Y así estuvo un año. Sin parar. Nahir Gutiérrez, jefa de prensa entonces, y Elena Blanco hicieron un trabajo brutal. Y, durante todo ese primer año, como Jesús realmente todavía no había asimilado lo que le estaba pasando, me seguía preguntando cada vez que nos veíamos: «Oye, pero ¿esto no iban a ser dos entrevistas y ya está?» [risas]. De Intemperie se han llegado a vender cien mil ejemplares. Y la película empezará a rodarse este verano.

¿Es Jesús Carrasco tu gran descubrimiento literario?

Los grandes descubrimientos literarios no tienen por qué estar vinculados al éxito comercial _ bien ! El que Intemperie vendiera mucho no altera el hecho de que con Jesús Carrasco lo que descubrimos fue, por encima de todo, a un gran escritor _ voilà. Entonces, desde ese punto de vista, puedo decirte que en mi catálogo tengo más grandes descubrimientos literarios que, por lo que sea, no han llegado a triunfar comercialmente como debieran _ bien, bien. Jesús ha sido sin duda un muy grato descubrimiento, pero también Sam Savage, por ejemplo, más que nada porque no todo el mundo lo veía claro. Digamos que la alegría no me la da tanto vender mucho o poco como hacerlo saliéndome de la pista [risas]. Recuerdo que cuando propuse contratar Firmin, Carlos Revés, mi jefe, me dijo : «¿Quién es este Sam Savage? ¿Por qué quieres complicarte la vida así?». Y yo le respondí : «Porque tengo un feeling». Y me dijo : «Entonces, adelante» _ Très bien. Y es ese feeling lo que hace que uno siga dedicándose en cuerpo y alma a esto _ oui, avec passion. Cuando uno comprueba que su pálpito era correcto, la emoción que se siente, la alegría que te envuelve, es casi infantil _ oui.

Tal y como lo planteas, ¿dirías que la edición es tu vida o vives para la edición?

¡Ay! Esta pregunta solo te la podría responder tumbada en un diván, porque no sé si confesar aquí, delante de todo el mundo, que soy una especie de workaholic, o negártelo rotundamente, mintiendo como una bellaca. Cualquier cosa que te responda queda mal, ¿no? [risas]. Sí que creo que la culpa de todo la tiene mi madre, que me hizo una persona hiperresponsable _ parce que capable de passion. Mi forma de ser, mi entrega al trabajo, no tiene tanto que ver con la ambición _ voilà _ como con una necesidad imperiosa _ c’est mille fois mieux, et plus fort ! _ de hacer bien lo que hago _ simplement ; avec probité. Rt la chose devient rare. En este sentido te reconozco que he tenido que educarme mucho para obligarme, por ejemplo, a no responder e-mails durante el fin de semana o a no coger llamadas, salvo urgencias verdaderas, terminada la jornada laboral. Antes el trabajo se comía toda mi vida, hasta el punto de que no sé si no tenía vida porque estaba todo el rato trabajando o trabajaba tanto porque en realidad no tenía vida. Así que he tenido que protegerme un poquito, he tenido que aprender a hacerlo como solo una workaholic haría [risas].

Recuerdo una vez, hace ya un montón de años, que me fui cinco días de vacaciones, nada del otro mundo, y decidí guardar el teléfono en la caja de seguridad del hotel. Al volver, tenía, claro, el buzón lleno de mensajes, pero algunos eran verdaderos lamentos de alguno de mis autores. ¡Me sentí tan mal, tan culpable! Pero ya por fin lo he conseguido. Ahora soy capaz de priorizar _ voilà.

Hablando de priorizar, ¿por qué crees que se publica tanto en España?

En Seix Barral, antes de la crisis, publicábamos alrededor de cincuenta títulos al año. Ahora no más de cuarenta. No sé si es mucho o poco, la verdad, pero por regla general las editoriales publicamos más títulos de los que podemos gestionar con normalidad, muchas veces solo para mantener cierta cuota de mercado, o por mera visibilidad, para no desaparecer de las librerías. En otras ocasiones, el volumen de publicación responde a una necesidad financiera. Luego está, no olvidemos, la propia ludopatía del editor : cuantos más boletos compre uno, cuantos más libros tenga en la calle, más posibilidades hay de que uno de ellos funcione [risas].

Me gustaría que, para terminar, nos hablaras un poco de tus gustos lectores, de tu canon personal.

Cuando era joven, igual que hoy, leía sin orden ni concierto, cuanto caía en mis manos, desde Los cuentos para contar por teléfono de Gianni Rodari, a Perrault, pasando por Grease. ¡Por Dios, aquella edición de Grease hecha con fotografías y bocadillos de texto! [risas]. A un nivel más serio, me marcó mucho Michael Ende, me deslumbró García Márquez, y me mataron Carson McCullers y Salinger, Borges y Camus. De La Regenta y Anna Karenina no quería salir, y me gustaba mucho descubrir libros raros, que por supuesto no lo eran, porque, como sucede en la juventud, que los conociera solo yo (o eso creía) me hacía sentir que estaban escritos por o para mí, como me sucedió con Viaje a través del cristal, de George SandEl gran Meaulnes, de Alain-Fournier.

En mi casa había un cuarto llamado «el cuarto de jugar», sabiamente denominado así por mi madre. En realidad, era el cuarto de estudios, pero albergaba juguetes y cómics, cientos de cómics. Mis cuatro hermanos y yo hemos crecido leyendo cómics como energúmenos, y el paso de aquellos cómics a los libros fue tan natural para mí que no encuentro la transición en mi memoria. Tal vez por eso adoro la novela gráfica.

Todo lo que leía entonces procedía de la biblioteca de casa, ingente, enorme, sin excepción. Mi madre, como te conté, era periodista cultural y una gran lectora _ ah. Su amor por los libros fue para mí su gran legado. Años más tarde, teniendo yo entre veintidós y veinticinco años, hice de negra para/con ella, y leí por dinero mucho de lo que publicaron las editoriales en aquella época. Así que no sé si fue antes o después de entrar a trabajar en Alfaguara, pero pronto mis lecturas se fueron ciñendo a la actualidad de lo que se iba publicando y dejaron de ser tan erráticas:  Rosa Montero, los Manolitos de Elvira Lindo, Murakami, el Saramago de Ensayo sobre la ceguera, Julio Ramón RibeyroVirginia WoolfJanet Frame, Henry Roth… you name it. Si miro atrás, no tengo recuerdos en los que la lectura no forme parte de mi vida _ certes.


Passionnant !

Ce samedi 12 mai 2018, Titus Curiosus – Francis Lippa

Entre « Toute la nuit » et « Sarinagara » (de Philippe Forest) : l’imbécillité du succès _ ce qui se découvre dans « Philippe Forest _ une vie à écrire »

05mai

M’étant procuré ce jour le volume qui vient de paraître des Actes du colloque international (14-16 janvier 2016) intitulé Philippe Forest _ une vie à écrire,

je découvre avec surprise _ mais pas étonnement ! _ certaines circonstances qui ont fait et font que Sarinagara _ qui est celui des livres de Philippe Forest que j’ai lus, qui m’a le moins plu _ un grand succès de vente,

à la différence de Toute la nuit

_ le chef d’œuvre de l’auteur, selon moi ;

cf en une note de mon article du 15 avril dernier («  « ), à propos des livres « de ma prédilection« , ceci :

« René de Ceccatty (en son Enfance, dernier chapitre),

Philippe Forest (en son absolument déchirant et torturant Toute la nuit),

Mathias Enard (en son immense et génialissime Zone),

le grand Imre Kertesz (en ce terrifiant sommet de tout son œuvre qu’est Liquidation),

William Faulkner (l’auteur d’Absalon, Absalon !),

Marcel Proust (en cet inépuisable grenier de trésors qu’est sa Recherche…),

et quelques autres encore parmi les plus grands ;

mais pourquoi ne sont-ce pas les œuvres souveraines et les plus puissantes des auteurs qui, via de telles médiations médiatiques, se voient le plus largement diffusées, commercialisées par l’édition, et les mieux reconnues, du moins à court et moyen terme, du vivant des auteurs, par le plus large public des lecteurs ? Il y a là, aussi, un problème endémique des médiations culturelles et de ses vecteurs, pas assez libres de l’expression publique de leurs avis, quand ils sont compétents, car, oui, cela arrive ; mais bien trop serviles, au final, dans leurs publications, inféodés qu’ils se sont mis à des intérêts qui les lient, bien trop exogènes à l’art propre : j’enrage…« .

Soit la question même que je désire ici aborder.

Or voici ce que je découvre ici même :

Pages 300 et 301,

et à propos de ses livres traduits,

ces déclarations de Philippe Forest lui-même face au dilettantisme de la plupart des lecteurs :

« Mes livres sont traduits dans une dizaine de pays _ mais souvent seul un titre ou deux est disponible, en général L’Enfant éternel et Sarinagara, car sans un prix littéraire il est rare qu’un éditeur fasse _ courageusement, et selon un vrai goût ! _ l’acquisition des droits pour un roman français _ tiens, tiens !  C’est tout dire des critères des choix éditoriaux… Je n’ai pas étudié la question, mais il me semble bien qu’il en va ainsi : n’importe quel roman primé _ aussi insignifiant qu’il soit (hélas !)  _ se trouve automatiquement _ par pur réflexe algorithmique en quelque sorte _ traduit dans un grand nombre de langues quand beaucoup de chefs d’œuvre restent en rade à tout jamais _ voilà le barrage de plomb qu’opposent à la culture véritable et le commerce de l’édition et les médias qui s’en font les complices… Existent cependant d’heureuses exceptions !…

(…) Je ne désespère pas de devenir un jour un auteur à succès _ dit-il avec humour. Mais il est vrai que je n’en prends pas le chemin. Mes livres passent parfois pour trop « littéraires » _ pas assez fun pour le commun des lecteurs (« indiligents« , dirait Montaigne... Les lecteurs se plaignent de la difficulté qu’ils éprouvent _ les malheureux _ à entrer dedans. Ils ne sont pas assez dans l’air _ de la gaudriole _ du temps. (…)

Je crois surtout _ je veux croire peut-être _ que l’expérience du deuil à laquelle je reste fidèle depuis le début et dont je traite d’une manière qui la rend irrécupérable _ voilà _ au regard des fausses valeurs _ de dilettantisme et de fric _ qui règnent dans le monde, continue à éloigner de mes livres le plus grand nombre des lecteurs, soucieux d’ouvrages plus distrayants et consolateurs » _ et tout est dit là.

Mais je remarque aussi, à la page 314, dans la section intitulée « Chronologie de l’auteur« ,

ceci :

« Mars 1999 : parution de Toute la nuit dans la collection « Blanche » des Éditions Gallimard. Philippe Sollers _ à qui le livre avait été présenté _ n’a pas souhaité que l’ouvrage paraisse dans sa collection _ tiens donc… L’info est tout à fait précieuse !.. Teresa Cremini en assure la publication. Malgré de bonnes critiques, le livre passe inaperçu _ Nietzsche : « Je hais les oisifs qui lisent«  A l’occasion de sa traduction, il obtiendra en 2007 le prix Grinzane Cavour décerné chaque année à Turin aux trois meilleurs romans étrangers parus en italien ».

Un panorama édifiant du monde du livre _ et de ses principaux prescripteurs _ tel qu’il fonctionne…

Reste aussi le fossé qui sépare,

et ce dès l’origine,

l’auteur _ sauvage et ravageur _ de Toute la nuit,

et l’univers _ hyper-hédoniste et cérébral _ de Philippe Sollers et des siens…

Philippe Forest, lui, est un faux carriériste ; et un vrai écrivain,

travaillé au corps _ jusqu’à la chair et l’os _ par son sujet.

Ce samedi 5 mai 2018, Titus Curiosus – Francis Lippa

Post-scriptum :

Sur Philippe Forest,

cf mes deux articles des 19 septembre et 28 octobre 2010 :

&  ;

et sur Philippe Sollers,

cf mon article du 31 octobre 2012 :

Les écrivains qui ont ma prédilection sont ceux de la chair

et de la poiesis ;

pas ceux des étais-poutres toujours trop lourds et inadéquats de la theoria.

La poiesis étant la voie unique _ et nécessairement risquée, et courageuse _ de l’entrée dans la chair…

Chercher sur mollat

parmi plus de 300 000 titres.

Actualité
Podcasts
Rendez-vous
Coup de cœur