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Musiques de joie : la grâce humble et retenue de Marc-Antoine Charpentier en ses Psaumes et Motets

30mai

La musique de Marc-Antoine Charpentier,

et cela quel qu’en soit le genre,

est instantanément reconnaissable,

en l’humilité rayonnante et sobre de sa grâce.

J’ai choisi ici, comme illustration musicale, de cette grâce musicale religieuse

paisiblement irradiante 

_ et après audition de toute la discographie carpentiérienne de Sébastien Daucé _,

le choix de Psaumes et Motets de Marc-Antoine Charpentier (1643 – Paris, 24 février 1704)

intitulé O Maria !

soit le CD Zig-Zag-Territoires 100601, produit en 2010,

de l’Ensemble Correspondances,

dirigé par Sébastien Daucé.

Et plus particulièrement

In odorem Unguentorum (H. 51),

Beati omnes qui timent Dominum (H. 178),

et O sacramentum pietatis (H. 274).

Ou l’art appris à Rome de Giacomo Carissimi

(Marino, 18 avril 1605 – Rome, 12 janvier 1674)

adapté à la tendresse française...

Ce samedi 30 mai 2020, Titus Curiosus – Francis Lippa

Musiques de joie : A deux ou à cinq voix, le jubilatoire Tout l’univers obéit à l’amour de Jean de La Fontaine et Michel Lambert, ou le sublime raffinement des Airs de cour à la française

29mai

En poursuivant dans le registre de la sublime délicatesse française du Grand Siècle,

je pense bien sûr au très grand raffinement _ tout de simplicité, aussi : d’où l’assez grande difficulté pour une interprétation la plus juste possible, sans maniérisme…des merveilleux Airs de cour de Michel Lambert

(Champigny-sur-Veude, ca 1610 – Paris, 29 juin 1696),

le maître à chanter, ainsi que le beau-père, par sa fille Madeleine (1642 – 1720) _ le mariage eut lieu à Paris, à l’église Saint-Eustache, le 24 juillet 1662… _de Jean-Baptiste Lully (Florence, 28 novembre 1632 – Paris, 22 mars 1687).

Michel Lambert,

un compositeur tout simplement essentiel dans le devenir de l’art du chant français au Grand siècle

_ et hélas pas assez interprété en ce XXIe siècle : ni au concert, ni au disque ; et donc très injustement méconnu du public d’aujourd’hui !

Je me souviens, pour y avoir très activement participé

_ en tant qu’auteur à 90% du programme de ce CD ; Hugo Reyne y étant pour 10 %.. : j’avais passé toute une année à rechercher-recenser tout ce qui comprenait le moindre élément concernant la musique (sous toutes ses formes) dans l’œuvre de ce mélomane passionné et très connaisseur, vraiment, en profondeur, qu’était La Fontaine… (probablement le premier auteur à établir une esquisse sérieuse et un peu élaborée d’une esthétique de la musique, dès le XVIIe siècle) ;

avec, surtout, au sein de mes recherches méthodiques, l’inestimable découverte, par recoupement de données demeurées jusqu’alors éparses, du petit opéra Les Amours d’Acis et de Galatée (donné à Paris, en 1678, en l’Hôtel de Monsieur de Rians) de Marc-Antoine Charpentier, sur un livret de Jean de La Fontaine ; ainsi que le narre très précisément le livret (dont je suis l’auteur, même si Hugo Reyne, après diverses relectures et corrections du texte que je lui proposais, l’a co-signé) de ce CD _,

je me souviens, donc,

du CD Un Portrait musical de Jean de La Fontaine 

_ soit le CD Virgin Veritas 7243 5 45229 2 5, paru au mois de mars 1996 _,

conçu, élaboré  _ de début juillet 1994 à fin août 1995 _ et réalisé _ du 25 au 28 août 1995 en l’abbaye de Saint-Michel-en Thiérache _

à l’occasion des célébrations du tricentenaire de la mort de La Fontaine (Château-Thierry, 8 juillet 1621 – Paris, 13 avril 1695) _ sur une commande de Jean-Michel Verneiges et du Conseil général de l’Aisne (département de naissance de La Fontaine.

Et ce CD comporte deux sublimes Airs de cour de Michel Lambert :

J’ai beau changer de lieu

_ dont on ignore l’auteur du poème ; mais en une thématique étonnamment lafontainienne : ce qui a justifié le choix de cet Air-là, si magnifique déjà… ;

et Tout l’univers obéit à l’amour

sur un poème de La Fontaine, composé vers 1659, pour le cercle galant du Surintendant des finances de Mazarin, le fastueux Nicolas Fouquet. Lequel Fouquet avait engagé pour son fastueux divertissement du château de Vaux une pléïade des meilleurs artistes de son temps _ outre l’architecte Louis Le Vau, le jardinier André Le Nôtre et le peintre-décorateur Charles Le Brun (pour le château et les jardins de Vaux-le-Vicomte), Molière, Corneille, Madame de Sévigné, Mademoiselle de Scudéry, etc. _,

parmi lesquels le poète Jean de La Fontaine et le musicien-compositeur Michel Lambert

qui s’y sont rencontrés et fréquentés.

Et il se trouve qu’une lettre de Jean Perrault au grand Condé, en date du 13 septembre 1674, témoigne précisément de cette collaboration de La Fontaine et Lambert, vers 1659, à Vaux, pour cet Air à deux voix, que publiera Lambert, au sein d’un recueil d’Airs de cour, un peu plus tard, en 1666 ;

et il se trouve encore que, trente ans plus tard, en 1689 _ soient deux ans après la mort du gendre de Lambert, Lully, le 22 mars 1687 _, paraîtra, remaniée par le compositeur une nouvelle version, mais à cinq voix, cette fois, de ce Tout l’univers obéit à l’amour, en un nouveau recueil d’Airs de cour. 

En surfant sur le web, au moment de rédiger cet article,

je viens de découvrir, datée du 23 avril 2017, cette très brève appréciation-ci d’un mélomane (anonyme) à propos de ce CD Un Portrait musical de Jean de La Fontaine, paru 21 ans plus tôt, en mars 1996,

que je livre ici telle quelle :

« Très bien. 

Somptueux et sublime, au bout de la 7ème écoute.

Jean de La Fontaine était vraiment un mec cool et frais.« 

Voilà qui touche et fait vraiment plaisir.

J’ai découvert aussi que ce CD Virgin Veritas Un Portrait musical de Jean de la Fontaine

est présent dans 7 bibliothèques-médiathèques d’universités aux États-Unis et Canada :

les universités de Princeton (à Princeton, New Jersey), Virginia (à Charlottesville, Virginie), North Texas (à Denton, Texas), Reed College (à Portland, Oregon) et de New-Mexico (à Albuquerque, Nouveau-Mexique) ; 

ainsi que les universités McGill (à Montreal, Québec) et Western (à London, Ontario).

J’ai découvert encore, toujours sur le web, cette appréciation-ci, détaillée et argumentée, et sous la signature du critique musical Stephen Pettitt (né en 1945),

sur le site de Classical-music.com, The official website of BBC Music Magazine :

This is a beautiful, thoughtfully compiled disc. It chronologically charts the life of Jean de La Fontaine, that 17th-century master of the fable, through his own words and through music that sets his text, or that he simply admired. There’s one particular coup : the inclusion of identifiable extracts from the opera _ Les Amours d’Acis et de Galatée _ by Charpentier that sets a text by La Fontaine. Alas, the whole work did not survive, probably for reasons to do with Lully’s royally granted privilege _ mais aussi le vol, au XIXe siècle, à la Bibliothèque Nationale, de plusieurs volumes de partitions originales (et uniques !) de Marc-Antoine Charpentier (dont celui de ses compositions de 1678, qui comportait ce petit opéra complet _, but the booklet notes make an excellent case for the association with the opera of the few pieces recorded here.   La Fontaine’s bon goût – often more than implicitly anti-Lully – is attested to by his admiration of composers like the lutenist Ennemond Gaultier, the harpsichordist Chambonnières, and Pierre de Nyert, master of the air de cour, of whose work there is tragically but one surviving example, ‘Si vous voulez que je cache ma flamme’. All are represented here, as, for the sake of fairness and balance – La Fontaine did write the dedicatory preface to Lully’s opera Amadis, after all – is Lully himself, though the extracts from Amadis and Isis (the famous ‘Air de Trembleurs’) are to texts by his usual librettist Quinault.   Performances of these and other riches – not least Couperin’s Sonata L’Astrée at the end – by La Simphonie du Marais under Hugo Reyne and with soloists Isabelle Desrochers and Bernard Deletré, are excellent. Christian Asse strikes exactly the right atmosphere in his readings, among which is La Fontaine’s furious satire of Lully, Le Florentin. But brush up your French : no translations of the texts are provided.

Stephen Pettitt

Et je rappelle aussi, et surtout, la très précise et fouillée _ lucidissime ! _ recension de ce Portrait musical de La Fontaine par Boris Donné _ et non Patrick Dandrey, comme j’avais jusqu’ici trop rapidement cru ; c’est Patrick Dandrey lui-même qui vient de corriger, par échange de courriels, mon inattention au signataire effectif de cette recension du Fablier, en 1996 : Boris Donné _, dans le numéro 8 de la Revue Le Fablier, Revue des Amis de Jean de La Fontaine, Année 1996 ;

recension que voici in extenso :

Le second disque dont nous voudrions rendre compte est intitulé Jean de La Fontaine, un portrait musical : il mêle textes, lus par le comédien Christian Asse, et musiques, interprétées par La Simphonie du Marais que dirige Hugo Reyne avec notamment Isabelle Desrochers, soprano, et Bernard Deletré, basse.

Le programme, marqueterie délicatement agencée, a été conçu par Hugo Reyne lui-même, avec la collaboration de Francis Lippa ; ils signent ensemble l’excellent texte _ merci ! _ de présentation du livret.

Disons tout de suite que les parties récitées du disque nous ont paru les plus faibles : le montage mêlant extraits de poèmes, de lettres et quelques pièces plus longues (la délicieuse satire contre Lully, Le Florentin, et l’Epître à M. de Nyert, sur l’opéra), quoique très ingénieux, prend quelques libertés avec les textes, tronqués _ nécessités de la durée du CD obligeaient… _ assemblés sans parfois trop de respect ; la diction de Christian Asse, un peu fade et distanciée à notre goût, ne leur rend pas pleinement justice… Mais c’est encore affaire de jugement, et sûrement la sobriété, les intonations graves et méditatives de ce comédien trouveront-elles des défenseurs.

Nous nous concentrerons ici sur le programme musical, interprété par l’ensemble de Hugo Reyne, sur instruments anciens : on y appréciera les sonorités fruitées des vents et les impeccables interprètes du continuo (Jérôme Hantaï à la viole, Vincent Dumestre au théorbe, Elizabeth Joyé au clavecin) ; les cordes ont paru plus indifférentes.

Le programme de ce disque peut sembler composite dans la mesure où il mêle différents types de compositions : mais, dans un esprit proche de celui du poète, c’est la diversité et la variété qui ont guidé _ en effet _ son élaboration.

On pourrait isoler un premier ensemble d’œuvres, celles qui replacent La Fontaine dans le contexte musical de son temps et des cercles qu’il fréquentait : des airs de Lambert _ Tout l’univers obéit à l’amour, et J’ai beau changer de lieu _ ou de Nyert _ l’Air Si vous voulez que je cache ma flamme est un hapax ! _, des extraits d’opéras de Lully _ Amadis et Isis _, l’ouverture des Fâcheux de Beauchamps, quelques pièces de clavecin ou de théorbe (en l’occurrence, deux petits joyaux : une sombre pavane pour clavecin de Chambonnières, très bien interprétée par Elizabeth Joyé, et une courante pour luth d’Ennemond Gaultier par Vincent Dumestre. On se serait plutôt attendu à trouver ici une pièce de son cousin de Paris, Denis Gaultier…) ;  musique souvent très belle, et très délicate, interprétée ici avec style et sensibilité.

Un second ensemble serait constitué de musiques postérieures à La Fontaine, mais entretenant certains rapports avec son œuvre ou son esthétique : on y trouve le meilleur (le délicieux «air à boire» composé par François Couperin _ peu après le décès de La Fontaine, le 13 avril 1695… _ sur L’Epitaphe d’un paresseux, et, du même, la sonate L’Astrée, qui clôt le disque sur une note mélancolique) comme le pire (les paraphrases de fables sur des airs populaires, dans le goût du XVIIIe siècle : Le Loup et l’Agneau, La Fourmi et la Sauterelle).

Le dernier groupe d’œuvres, enfin, est le plus intéressant : ce sont celles auxquelles La Fontaine a directement collaboré _ oui ! Et cela ne se sait pas assez… On y trouve quelques chansons sur des airs à la mode (inépuisables «folies d’Espagne»), un Air mis en musique par Lambert, «Tout l’univers obéit à l’Amour» (Les paroles de cet Air de 1659 furent reprises _ par La Fontaine _ en 1669 dans Les Amours de Psyché (avec une substitution de prénoms que la notice du disque omet _ en effet _ de signaler : la «belle Psyché» était à l’origine une «belle Philis») ; détail intéressant, qu’aucune édition de Psyché _ de La Fontaine _ ne signale à notre connaissance. Un critique _ en fait Boris Donné lui-même, l’auteur de cette recension, comme il l’affirme indirectement, avec élégance, en citant l’ouvrage (sien !) dans lequel sont présentes ces « imprudentes » affirmations : son propre La Fontaine et la poétique du songe, paru en 1995 _, dans un ouvrage récent (Boris Donné, La Fontaine et la poétique du songe, 1995) a même observé, bien imprudemment, que cet «air purement imaginaire [sic], destiné sans doute à figurer seulement sur la page imprimée, […] se prêterait parfaitement à la mise en musique propre à un air de cour bipartite» — «dans la manière de Lambert», ajoute-t-il innocemment _ en élégante contrition rétrospective _ en note (p. 106)… Et pour cause ! Ignorance impardonnable, puisque cet air avait déjà été enregistré par William Christie en 1984 _ ce que le mélomane passionné qu’est aussi Boris Donné ne se pardonnait pas, ici, d’avoir ignoré… _, un bref extrait de la tragédie lyrique Astrée (musique de Colasse)…

Tout cela est intéressant : mais pas tant que ce qui constitue à nos yeux l’intérêt principal du disque, à savoir quelques fragments de Galatée _ un livret de La Fontaine _ mis en musique par Marc-Antoine Charpentier en 1678, ce que l’on ignorait jusqu’ici ! Quand La Fontaine en publie le livret inachevé _ deux actes sur trois ! _, en 1682, son avertissement laisse _ assez étrangement _ entendre que sa composition fut indépendante de tout souci de mise en musique et de représentation _ une cachotterie d’importance, de la part du fabuliste, qui a égaré jusqu’ici tous les lafontainiens… Un compte rendu du Mercure galant, en 1678, faisait par ailleurs l’éloge d’un «petit opéra» de Charpentier intitulé Les Amours d’Acis et de Galatée, dont ne furent données que quelques représentations semi-privées _ chez Monsieur de Rians, à Paris _ ; mais l’auteur du livret _ La Fontaine ! _ n’était pas cité. Par recoupement, Hugo Reyne _ ou plutôt Francis Lippa, auteur de ces découvertes ! Cf la note à ce sujet de Catherine Cessac, en la seconde édition (en 2004) de son Marc-Antoine Charpentier, chez Fayard, à la page 138 ; Hugo Reyne, alors en tournée en Australie, au Japon et aux États-Unis, avait, par échanges de fax, rectifié à la marge quelques passages et expressions du livret que Francis Lippa avait rédigé et lui avait proposé et soumis, à travers l’Atlantique et le Pacifique… _ montre que ce «petit opéra» était, de façon indiscutable _ merci ! _, la Galatée de La Fontaine : l’un des Airs _ Brillantes fleurs, naissez (H.449) _ en fut même publié dans le Mercure en 1689, avec leurs deux signatures ! Il est par ailleurs possible de retrouver, dans les partitions _ conservées, celles-là _ de Charpentier, des extraits de cet opéra qui furent réemployés dans d’autres compositions _ lors de reprises, par Charpentier, de son petit opéra L’Inconnu _ (principalement les pages instrumentales, hélas). Ainsi ce disque propose un charmant montage _ de ce qui demeure de ce petit opéra de 1678 : Les Amours d’Acis et de Galatée _, d’une vingtaine de minutes, où alternent airs, pièces instrumentales et scènes récitées quand la musique n’en a pas été retrouvée : découverte extraordinaire, et fort émouvante _ merci ! _, qui en laisse peut-être présager d’autres… «Il [nous] faut du nouveau, n’en fût-il point au monde» !

En ce CD Un Portrait musical de Jean de La Fontaine de La Simphonie du Marais sous la direction d’Hugo Reyne, enregistré au mois d’août 1995 et paru chez Virgin Veritas au mois de mars 1996,

le merveilleux Air de Lambert J’ai beau changer de lieu

J’ai beau changer de lieu, mon soin est inutile,
Je porte partout mon amour
Et je n’en suis pas plus tranquille,
Dans ce paisible séjour :
Sentirai-je toujours cette cruelle flamme ?
Quoi ? serai-je agité d’un éternel souci ?
Et le calme qui règne ici
Ne peut-il passer dans mon âme ?

Je viens chercher la paix dans cette solitude,
Je veux l’attirer dans mon cœur,
Et je vais bannir l’inquiétude
Qui s’oppose à mon bonheur ;
Mais je ressens toujours cette cruelle flamme,
Je me vois agité d’un éternel souci
Et le calme qui règne ici
Ne saurait passer dans mon âme

se trouve à la plage 7 ;

et le jubilatoire Air à deux voix (de 1659, publié en 1666) de Jean de La Fontaine et Michel Lambert Tout l’univers obéit à l’amour

Tout l'Univers obéit à l'Amour ; 
Belle Philis, soumettez-lui votre âme. 
Les autres dieux à ce dieu font la cour, 
Et leur pouvoir est moins doux que sa flamme. 
Des jeunes cœurs c'est le suprême bien, 
Aimez, aimez ; tout le reste n'est rien.

Sans cet Amour, tant d'objets ravissants, 
Lambris dorés, bois, jardins, et fontaines, 
N'ont point d'appâts qui ne soient languissants, 
Et leurs plaisirs sont moins doux que ses peines. 
Des jeunes cœurs c'est le suprême bien 
Aimez, aimez ; tout le reste n'est rien.
...

se trouve à la plage 5

_ Boris Donné, à l’érudition duquel bien peu de choses échappent, a très opportunément remarqué que dans la version originale de cet Air, publiée par le compositeur Lambert, en 1666, c’est à Philis, et non à Psyché, que s’adresse le poète (ou/et le chanteur interprète), à la différence de ce qui sera le cas, en 1669, dans le poème publié, indépendamment de toute musique cette fois, par La Fontaine en ses Amours de Psyché et Cupidon, trois ans plus tard ; ainsi qu’en 1689, dans la version à cinq voix de ce même Air, publié par Lambert.

Boris Donné a donc raison d’affirmer, en cette recension, en 1996, de notre CD Un Portrait musical de Jean de La Fontaine, que c’est à tort que notre CD a choisi de proposer à l’écoute de cet Air à deux voix composé en 1659, le texte de la version définitive de l’Air, celle à 5 voix, publiée par Lambert en 1689 ; ainsi que celle du poème de La Fontaine en ses Amours de Psyché et Cupidon, publiés en 1669 ; tout en situant bien cet Air, en sa version à deux voix, en la période de sa composition, la période fouquetienne (vers 1659) de la vie de Jean de La Fontaine (et de Michel Lambert). J’ignorais, pour ma part (ne m’étant pas moi-même occupé des partitions de Lambert dans la préparation du programme de ce CD), cette différence d’adresse, dans le texte de l’Air, entre Philis, en 1659 et 1666, et Psyché, en 1669 et 1689 (mais, pour ce qu’il en est de l’adresse de la version à cinq voix de 1689, je ne l’ai pas vérifié).

De la version à cinq voix publiée en 1689 de ce Tout l’univers obéit à l’amour

_ l’adresse chantée est faite à Philis, et non à Psyché, dans les deux CDs des Arts Florissants, les deux fois, en 1984, comme en 2013,  pour la version de 1689 de l’Air à cinq voix voix _,

voici à écouter le podcast d’une interprétation récente (enregistrée en décembre 2013) des Arts Florissants, en la plage finale de leur CD Bien que l’amour… Airs sérieux et à boire ; soit le CD Harmonia Mundi HAF 8905276, sorti le 1er avril 2016 ;

et, toujours, par les Arts Florissants, mais trente-deux ans plus tôt,

le podcast d’une interprétation de 1984 de 14 Airs de cour de Michel Lambert,

en le CD Harmonia Mundi 1901123, re-publié en 1992 ;

le Tout l’univers obéit à l’amour à 5 voix ouvrant alors le bal de ce récital…

Je n’ai hélas pas trouvé sur le web de podcast de la spendide interprétation de la version première, à deux voix, de ce Tout l’univers obéit à l’amour de La Fontaine et Lambert, superbement interprété par Isabelle Desrochers, soprano, et Bernard Deletré, basse, dans le CD Un Portrait musical de Jean de La Fontaine, en 1995, de La Simphonie du Marais.

Ce vendredi 29 mai 2020, Titus Curiosus – Francis Lippa

Interpréter les Descentes d’Orphée aux Enfers de Marc-Antoine Charpentier : une parfaite réussite de Vox Luminis et A Nocte Temporis

23jan

Marc-Antoine Charpentier (1643 – 1704)

me tient tout spécialement à cœur,

ne serait-ce que par la découverte que je fis d’une partie des musiques crues perdues

de son petit opéra de 1678 Les amours d’Acis et Galatée,

sur un livret de Jean de La Fontaine (1621 – 1695)

_ cf mon livret au CD Un Portrait musical de Jean de La Fontaine, de La Simphonie du Marais dirigée par Hugo Reyne

(CD EMI 7243 S  45229 2 5),

un programme de concert et de disque conçu à l’occasion du tricentenaire de la mort du poète en 1995,

et qui comporte pas mal de bien belle musique de Charpentier…

Cf aussi les précisions que j’en donne

en mon article  du 18 avril 2009…

Cf aussi la note de Catherine Cessac à propos de cette découverte

à la page 138 de son « Marc-Antoine Charpentier » en l’édition de 2004, chez Fayard…

Aussi m’est-il hors de question

de laisser passer le CD Orphée aux Enfers

des Ensembles Vox Luminis et A Nocte Temporis,

de Lionel Meunier et Reinoud van Mechelen,

soit le CD Alpha 566 qui paraît présentement ;

et comporte Orphée descendant aux Enfers (H.471)

et La Descente d’Orphée aux Enfers (H.488)

_ ce dernier petit opéra nous étant hélas parvenu incomplet,

privé d’un possible Acte 3 des retrouvailles aux Enfers d’Orphée et Eurydice ;

dont on ignore même si un tel Acte 3 a été composé, puis perdu, ou bien si l’œuvre a été laissée en cet état inachevé par Charpentier lui-même :

le manuscrit ne comportant aucune indication qui permettrait de trancher quelle a été l’intention du compositeur…

Une excellente occasion de comparer quelques interprétations de ces œuvres,

présentes parmi les CDs de ma discothèque.

Je retrouve ainsi

le bouleversant CD Ricercar RIC 037011 intitulé Orphée descendant aux Enfers,

enregistré en 1987

par l’unique _ et hélas irremplacé _ Henri Ledroit (1946 – 1988),

un an à peine avant son décès prématuré.

Ainsi que le CD Erato 063011913-2 de La Descente d’Orphée aux Enfers,

enregistré en 1995 par Les Arts Florissants,

avec Paul Agnew en Orphée…

Autant la version (d’Orphée descendant aux Enfers) du Ricercar Consort est émouvante,

avec les tempi qui conviennent,

et bouleversent :

à fendre l’âme !

autant la version (de La Descente d’Orphée aux Enfers) des Arts Flo déçoit,

avec des tempi trop rapides, inadéquats au sujet…

_ que l’on compare ainsi, pour commencer, l’ouverture primesautière de l’œuvre par les Arts Flo en 1995

avec l’ouverture, infiniment plus juste, en gravité, par Vox Luminis aujourd’hui… 

Le présent CD

des Ensembles Vox Luminis et A Nocte Temporis,

est, lui, une parfaite réussite !!!

qui rend parfaitement la tension inhumaine du drame des Enfers,

et toute la tendresse d’Orphée…


Bravo !!!

Les livrets de ces deux œuvres (de 1683 et 1686 ; toutes deux pour Mademoiselle de Guise) de Marc-Antoine Charpentier

n’indiquent pas le nom du librettiste ;

mais s’inspirent précisément, les deux, des Métamorphoses d’Ovide :

au livre X et aux vers 1 à 63,

avec le choix d’Ixion, Tantale et Tityos _ et non pas Orion, ni Sisyphe _

comme ombres infernales suppliciées à l’infini, sans terme à venir jamais,

avec lesquelles dialogue tendrement Orphée, en sa catabase.

 

À comparer avec la Nekuia du chant XI de l’Odyssée d’Homère ;

et les Catabases du chant VI de l’Éneïde de Virgile

et de l’Enfer de la Divine Comédie de Dante.

« Effroyables enfers« , ne sont-elles pas les premières paroles d’Orphée

dans l’Orphée descendant aux Enfers (de 1683) ?

et « Affreux tourments« , celles d’Ixion, Tantale et Titye

au début du second acte de La Descente d’Orphée aux Enfers (de 1686) ?..

Auxquelles répondent

et la « douce harmonie » qui « frappe l’oreille« 

de Tantale

dans l’œuvre de 1683 ;

et « la touchante voix » et « la douce harmonie » qui « suspend le rigoureux tourment« 

d’Ixion, Tantale et Titye

dans l’œuvre de 1686…

Car tel est bien l’extraordinaire efficace du chant d’Orphée

dont ces œuvres de Marc-Antoine Charpentier nous font, à leur tour, ressentir la magie

_ au moins pour un moment _

consolatrice…

Marc-Antoine Charpentier applique,

avec la merveilleuse tendresse qui caractérise son art,

ce qu’il a appris des Oratorios _ sacrés _ de Carissimi à Rome,

à l’esprit français des soirées intimes chez Mademoiselle de Guise.

Ce jeudi 23 janvier 2020, Titus Curiosus – Francis Lippa

Chanter Lully (et les lullystes) entre 1675 et 1699 : Dumesnil, par Reinoud van Mechelen

17nov

C’est un passionnant CD

_ le CD Dumesny haute-contre de Lully : le CD Alpha 554 _

sur ce qu’est l’art du chant français

d’un chanteur à la Cour de Louis XIV

que nous offre Reinoud van Mechelen

_ avec les musiciens de l’Ensemble A Nocte Temporis _

en une réalisation exemplaire.

Bien sûr

pas de virtuosité (à l’italienne) ici,

ni même de morceau de vedettariat (comme à l’époque _ à venir sous Louis XV, par exemple pour un Jelyotte, ou une Marie Fel _ de Rameau) ;

mais simplement les subtilités délicieuses de l’incomparable français de la tendresse.

Ce parcours _ entre 1677 et 1697 _ nous fait aborder des œuvres

(ni même des compositeurs)

qui ne courent _ hélas _ pas assez nos platines :

pour les compositeurs,

outre bien sûr Jean-Baptiste Lully (1632 – 1687) :

Pascal Collasse (1649 – 1709),

Henry Desmaret (1661 – 1741),

Marin Marais (1656 – 1728) & Louis de Lully (1664 – 1734),

Marc-Antoine Charpentier (1643 – 1704),

Elisabeth Jacquet de La Guerre (1665 – 1729),

André Cardinal Destouches (1672 – 1749),

et André Campra (1660 – 1744).

Ce dimanche 17 novembre 2019, Titus Curiosus – Francis Lippa

L’excellence toujours renouvelée de Sébastien Daucé et son Ensemble Correspondances : l’album « Histoires sacrées » de Marc-Antoine Charpentier

25août

Sébastien Daucé ne nous a jamais déçu

en sa très remarquable discographie.

Son récent album _ de deux CDs et un DVD : Histoires Sacrées de Marc-Antoine Charpentier : l’album Harmonia Mundi HMM 902280.81 _

comble lui aussi toutes nos espérances _ cf mon article du 15 avril dernier :


Avant-hier,

le site Res Musica a publié un article de Jean-Baptiste de La Taille consacré à ce très marquant album de cette année 2019 : 

HISTOIRES SACRÉES MAGNIFIÉES PAR L’ENSEMBLE CORRESPONDANCES

HISTOIRES SACRÉES MAGNIFIÉES PAR L’ENSEMBLE CORRESPONDANCES

Marc-Antoine Charpentier (1643-1704) :

Caecilia, virgo et martyr, H. 397 ; Motet pour les Trépassés H. 311 ; Dialogus inter Magdalenam et Jesum, H. 423 ; Judith sive Bethulia liberata H. 391 ; Mors Saülis et Jonathae H 403 ; Dialogus inter Christum et peccatores, H. 425 ; Dialogus inter Christum et homines H. 417 ; Élévation, H. 408 ; Pestis mediolanensis, H. 398.

Ensemble Correspondances, Sébastien Daucé, direction.

2 CDs et 1 DVD Harmonia Mundi HMM 902280.81.

Enregistré en octobre et décembre 2016. 2h40’51

charpentierL’Ensemble Correspondances de Sébastien Daucé poursuit avec cette parution son pèlerinage à travers l’œuvre du prolifique Marc-Antoine Charpentier en abordant un versant peu connu des histoires sacrées, genre musical venu d’Italie oscillant entre musique sacrée et opéra, en langue latine.




Il s’agit ici en effet de quelques œuvres de Charpentier relativement rares et peu enregistrées, témoignages de l’influence _ importante _ qu’exerça sur le compositeur son séjour à Rome dans les années 1665, au contact notamment de Giacomo Carissimi _ oui.

Ce programme faisait à l’origine l’objet d’un spectacle de l’Ensemble Correspondances en 2016 dont la mise en scène avait été confiée à Vincent Huguet, et que l’on peut d’ailleurs écouter et voir dans le DVD bonus de cet élégant coffret. Les disques diffèrent néanmoins quelque peu de la production filmée. Sébastien Daucé et ses musiciens rendent bien la puissance des affects et émotions de ces motets dramatiques qui s’apparentent à de brefs oratorios _ voilà _, avec son lot de lamentations, de moments festifs ou violents, d’oppositions entre solistes et chœur ou au sein même du chœur, partagé en deux (double chœur), comme dans Mors Saülis et Jonathae, évoquant la lutte entre Israélites et Philistins. Ces pièces s’articulent aussi parfois autour de figures féminines de l’Ancien Testament (Judith) ou du Nouveau Testament (Marie de Magdala, dans Dialogus inter Magdalenam et Jesum), ou de vie de sainte (Caecilia).

Une mention particulière à deux « stars » du disque, Caroline Weynants, dessus, et Lucile Richardot, bas-dessus, mais qui s’intègrent au travail collectif de l’ensemble, chanteurs, chanteuses et instrumentistes, pour rendre cette musique vivante, contrastée et émouvante. Rompus au style du répertoire sacré français du XVIIᵉ siècle, à sa théâtralité, les musiciens excellent une nouvelle fois _ oui _ et signent avec cette sortie un des grands disques _ assurément ! _ de musique baroque de l’année 2019.


Il fallait souligner tout cela.

Ce dimanche 25 août 2019, Titus Curiosus – Francis Lippa 

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