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Le beau chemin parcouru de Véronique Gens dans l’opéra baroque français : de Lully à Charpentier, en passant par Collasse et Desmarets…

09sept

Véronique Gens poursuit vaillamment sa passionnante exploration des beaux airs de l’opéra baroque français des XVIIéme et XVIIIéme siècles

_ ici le XVIIéme siècle, pour des airs créés de 1665 (pour le Ballet de la naissance de Vénus, de Lully) à 1694 (pour la Circé de Desmarets) _,

avec un nouveau CD Alpha,

le CD « Passion » Alpha Classics 747 ;

comme nous en informe l’article intitulé Dire de Jean-Charles Hoffelé sur son site Discophilia.

DIRE

L’Opéra du Grand Siècle est _ oui ! _ l’un des objets favoris de l’art de Véronique Gens, déjà illustré _ en effet _ par deux albums _ intitulés « Tragédiennes » en 2006 et 2009 ; et même un troisième, en 2011 _ pour Virgin. Elle change de cavalier, le geste vif et le son coupant de l’Ensemble les Surprises succédant aux magnificences des Talens Lyriques.

Sujet principal, le grand style _ oui ! _ des emplois à baguette (Magiciennes, Reines) comme Lully (1632 – 1687) les aura une fois pour toute imposées _ oui ! _ au genre _ magnifique _ de la tragédie lyrique. Il avait ses héroïnes _ interprètes _, Melle Saint-Christophe, Marie Le Rochois, qui auront posé les canons de la déclamation noble _ voilà ! _  alliée à une puissance dramatique _ en effet ! _ où le mot de Quinault (1635 _ 1688) disait autant _ en effet ! et on ne le soulignera jamais assez ! _ que les notes de Lully.

Dès le sombre air d’Arcabonne tiré d’Amadis (1684), le ton de l’album est donné, Véronique Gens restera une souveraine diseuse _ oui, et c’est bien là une nécessité absolue en ce magnifique répertoire _ pour tout ce qui, dans ce programme constituant un opéra imaginaire, ressort de Lully (la grande scène de Cérès tirée de Proserpine (1680)), mais les pures merveilles seront les découvertes, la Junon de l’Achille et Polyxène (1687) de Collasse merveilleux compositeur (1649 – 1709), bien incompréhensiblement méconnu et joué… _, le grand air de caractère de l’Eolie pris dans la Circé (1694) de Desmarets (maître absolu du genre décidément trop peu documenté _ lui aussi (1661 – 1741)… _ au disque)

_ que l’on écoute les 2 CDs de La Simphonie du Marais, que sont Un Portrait musical de Jean de La Fontaine (paru en 1995), avec l’air sublime du suicide d’Astrée, de L’Astrée (1691) de Pascal Collasse sur un livret de La Fontaine (cf mon article détaillé du 3 juillet 2020 : ) ; ainsi que La Diane de Fontainebleau (paru en 1998), de Henry Desmarets, sous la direction de Hugo Reyne…

La Simphonie du Marais, Hugo Reyne, Christian Asse Jean de La Fontaine - Un portrait musical

La Diane De Fontainebleau - Desmarest, Henry

Deux sommets : sa Cybèle d’Atys (1676) où entendre son grand dessus se saisir d’Espoir si cher et si doux fait songer à Jennifer Smith, et l’air et la scène de fureur de la Médée (1693) de Charpentier (1643 – 1704). Belle présence des Chantres (le sommeil de La Diane de Fontainebleau (1686)), direction sentie de Louis-Noël Bestion de Camboulas (les Canaries du Bourgeois gentilhomme (1670)), est-ce l’amorce d’une nouvelle série d’albums où Véronique Gens continuerait d’herboriser la tragédie lyrique, allant vers des ouvrages plus en aval ? Qui sait.

LE DISQUE DU JOUR

Passion

Airs et pièces d’orchestre de Jean-Baptiste Lully (Amadis, LWV 63 ; Proserpine, LWV 58 ; Ballet du temple de la paix, LWV 69 ; Atys, LWV 53 ; Ballet de la naissance de Vénus, LWV 27 ; Le Bourgeois gentilhomme, LWV 43 ; Armide, LWV 71 ; Persée, LWV 60 ; Le triomphe de l’amour, LWV 59 ; Alceste, LWV 50), Pascal Collasse (Achille et Polyxène, Thétis et Pélée), Henry Desmarets (Circée ; La Diane de Fontainebleau), Marc-Antoine Charpentier (Médée, H. 491)

Véronique Gens, soprano
Les Chantres du Centre de Musique Baroque de Versailles
Ensemble Les Surprises
Louis-Noël Bestion de Camboulas, direction

Un album du label Alpha Classics 747

Photo à la une : la soprano Véronique Gens – Photo : © DR

Ce jeudi 9 septembre 2021, Titus Curiosus – Francis Lippa

Le répertoire méconnu du Grand Siècle français : l’oeuvre de clavecin de Nicolas Lebègue (ca 1631 – 1702)

08juil

Ce jour,

Jean-Charles Hoffelé consacre son article de Discophilia,

intitulé Grand Siècle,

à un triple CD

des Pièces de clavessin (de 1677) et du Second Livre de Clavessin (1687) de Nicolas Lebègue (ca 1631 – 1702),

interprétées par AgustÍn Álvarez,

en un triple album Brilliant 95671

sur un clavecin d’Andrea Restelli (Milan, 2005), d’après Pascal Taskin (1769).

GRAND SIÈCLE

Étrange. Le deux Livres de Nicolas Lebègue _ Laon, 1631 – Paris, 6 juillet 1702 _ n’auront _ en effet _ guère reçu les faveurs des clavecinistes, Bibiane Lapointe se risquant en 1997 à une fugitive anthologie _ chez Pierre Verany ; et en voici le podcast…  _, puis plus rien _ sinon un autre CD, par Paola Erdas : le CD Stradivarius 33673, enregistré en 2002 ; cf l’article de Cédric Costantino, Nicolas-Antoine Lebègue par Paola Erdas, De la Gravité dans la musique française, sur le site de Res Musica, le 26 mai 2005. Les claviéristes auront décidément préféré son œuvre d’orgue, premier fruit de son art et de sa charge : sa vie durant, Lebègue fut l’organiste de Saint-Merri.

Agustín Álvarez grave donc en première mondiale l’intégrale de son œuvre de clavecin, je m’étonne de le retrouver devant le si sonore Restelli d’après Taskin, sorti des ateliers du facteur en 2005, je le savais surtout pianiste, élève d’Esteban Sánchez, j’avais oublié qu’il avait appris à toucher du clavecin auprès de Christophe Rousset.

Son Premier Livre ne manque pas d’aplomb, très Grand Siècle, marquant les rythmes des danses, préludant avec une éloquence dont Bach se souviendra, mais il va plus loin encore dans les Suites plus libres (adieux aux Préludes) du Second Livre, incarnant le ballet de cour que semble animer ces Sarabandes et ces Passacailles si nobles de traits, si majestueuses de gestes : chez Lebègue, même les Gigues sont aristocratiques.

Le coffret sera indispensable _ oui ! _ aux amoureux du premier clavecin français. Écoutant la Passacaille de la Suite en sol du Second Livre et sa déclamation lullyste, je me dis que cette musique aurait trouvé une interprète idéale en Blandine Verlet ; que le clavecin hardi d’Agustín Álvarez m’y fasse songer est le plus beau compliment que je puisse adresser à son admirable travail.

LE DISQUE DU JOUR

Nicolas Lebègue (1630-1702)


Pièces de clavecin, Livres I & II (1677, 1687)

Agustín Álvarez, clavecin
(clavecin A. Rastelli, 2005, d’après P. Taskin, 1769)

Un coffret de 3 CD du label Brilliant Classics 95671

Photo à la une : la page de garde du manuscrit du Premier Livre, de 1677 – Photo : © DR

Ce mercredi 8 juillet 2020, Titus Curiosus – Francis Lippa

Musiques de joie : A deux ou à cinq voix, le jubilatoire Tout l’univers obéit à l’amour de Jean de La Fontaine et Michel Lambert, ou le sublime raffinement des Airs de cour à la française

29mai

En poursuivant dans le registre de la sublime délicatesse française du Grand Siècle,

je pense bien sûr au très grand raffinement _ tout de simplicité, aussi : d’où l’assez grande difficulté pour une interprétation la plus juste possible, sans maniérisme…des merveilleux Airs de cour de Michel Lambert

(Champigny-sur-Veude, ca 1610 – Paris, 29 juin 1696),

le maître à chanter, ainsi que le beau-père, par sa fille Madeleine (1642 – 1720) _ le mariage eut lieu à Paris, à l’église Saint-Eustache, le 24 juillet 1662… _de Jean-Baptiste Lully (Florence, 28 novembre 1632 – Paris, 22 mars 1687).

Michel Lambert,

un compositeur tout simplement essentiel dans le devenir de l’art du chant français au Grand siècle

_ et hélas pas assez interprété en ce XXIe siècle : ni au concert, ni au disque ; et donc très injustement méconnu du public d’aujourd’hui !

Je me souviens, pour y avoir très activement participé

_ en tant qu’auteur à 90% du programme de ce CD ; Hugo Reyne y étant pour 10 %.. : j’avais passé toute une année à rechercher-recenser tout ce qui comprenait le moindre élément concernant la musique (sous toutes ses formes) dans l’œuvre de ce mélomane passionné et très connaisseur, vraiment, en profondeur, qu’était La Fontaine… (probablement le premier auteur à établir une esquisse sérieuse et un peu élaborée d’une esthétique de la musique, dès le XVIIe siècle) ;

avec, surtout, au sein de mes recherches méthodiques, l’inestimable découverte, par recoupement de données demeurées jusqu’alors éparses, du petit opéra Les Amours d’Acis et de Galatée (donné à Paris, en 1678, en l’Hôtel de Monsieur de Rians) de Marc-Antoine Charpentier, sur un livret de Jean de La Fontaine ; ainsi que le narre très précisément le livret (dont je suis l’auteur, même si Hugo Reyne, après diverses relectures et corrections du texte que je lui proposais, l’a co-signé) de ce CD _,

je me souviens, donc,

du CD Un Portrait musical de Jean de La Fontaine 

_ soit le CD Virgin Veritas 7243 5 45229 2 5, paru au mois de mars 1996 _,

conçu, élaboré  _ de début juillet 1994 à fin août 1995 _ et réalisé _ du 25 au 28 août 1995 en l’abbaye de Saint-Michel-en Thiérache _

à l’occasion des célébrations du tricentenaire de la mort de La Fontaine (Château-Thierry, 8 juillet 1621 – Paris, 13 avril 1695) _ sur une commande de Jean-Michel Verneiges et du Conseil général de l’Aisne (département de naissance de La Fontaine.

Et ce CD comporte deux sublimes Airs de cour de Michel Lambert :

J’ai beau changer de lieu

_ dont on ignore l’auteur du poème ; mais en une thématique étonnamment lafontainienne : ce qui a justifié le choix de cet Air-là, si magnifique déjà… ;

et Tout l’univers obéit à l’amour

sur un poème de La Fontaine, composé vers 1659, pour le cercle galant du Surintendant des finances de Mazarin, le fastueux Nicolas Fouquet. Lequel Fouquet avait engagé pour son fastueux divertissement du château de Vaux une pléïade des meilleurs artistes de son temps _ outre l’architecte Louis Le Vau, le jardinier André Le Nôtre et le peintre-décorateur Charles Le Brun (pour le château et les jardins de Vaux-le-Vicomte), Molière, Corneille, Madame de Sévigné, Mademoiselle de Scudéry, etc. _,

parmi lesquels le poète Jean de La Fontaine et le musicien-compositeur Michel Lambert

qui s’y sont rencontrés et fréquentés.

Et il se trouve qu’une lettre de Jean Perrault au grand Condé, en date du 13 septembre 1674, témoigne précisément de cette collaboration de La Fontaine et Lambert, vers 1659, à Vaux, pour cet Air à deux voix, que publiera Lambert, au sein d’un recueil d’Airs de cour, un peu plus tard, en 1666 ;

et il se trouve encore que, trente ans plus tard, en 1689 _ soient deux ans après la mort du gendre de Lambert, Lully, le 22 mars 1687 _, paraîtra, remaniée par le compositeur une nouvelle version, mais à cinq voix, cette fois, de ce Tout l’univers obéit à l’amour, en un nouveau recueil d’Airs de cour. 

En surfant sur le web, au moment de rédiger cet article,

je viens de découvrir, datée du 23 avril 2017, cette très brève appréciation-ci d’un mélomane (anonyme) à propos de ce CD Un Portrait musical de Jean de La Fontaine, paru 21 ans plus tôt, en mars 1996,

que je livre ici telle quelle :

« Très bien. 

Somptueux et sublime, au bout de la 7ème écoute.

Jean de La Fontaine était vraiment un mec cool et frais.« 

Voilà qui touche et fait vraiment plaisir.

J’ai découvert aussi que ce CD Virgin Veritas Un Portrait musical de Jean de la Fontaine

est présent dans 7 bibliothèques-médiathèques d’universités aux États-Unis et Canada :

les universités de Princeton (à Princeton, New Jersey), Virginia (à Charlottesville, Virginie), North Texas (à Denton, Texas), Reed College (à Portland, Oregon) et de New-Mexico (à Albuquerque, Nouveau-Mexique) ; 

ainsi que les universités McGill (à Montreal, Québec) et Western (à London, Ontario).

J’ai découvert encore, toujours sur le web, cette appréciation-ci, détaillée et argumentée, et sous la signature du critique musical Stephen Pettitt (né en 1945),

sur le site de Classical-music.com, The official website of BBC Music Magazine :

This is a beautiful, thoughtfully compiled disc. It chronologically charts the life of Jean de La Fontaine, that 17th-century master of the fable, through his own words and through music that sets his text, or that he simply admired. There’s one particular coup : the inclusion of identifiable extracts from the opera _ Les Amours d’Acis et de Galatée _ by Charpentier that sets a text by La Fontaine. Alas, the whole work did not survive, probably for reasons to do with Lully’s royally granted privilege _ mais aussi le vol, au XIXe siècle, à la Bibliothèque Nationale, de plusieurs volumes de partitions originales (et uniques !) de Marc-Antoine Charpentier (dont celui de ses compositions de 1678, qui comportait ce petit opéra complet _, but the booklet notes make an excellent case for the association with the opera of the few pieces recorded here.   La Fontaine’s bon goût – often more than implicitly anti-Lully – is attested to by his admiration of composers like the lutenist Ennemond Gaultier, the harpsichordist Chambonnières, and Pierre de Nyert, master of the air de cour, of whose work there is tragically but one surviving example, ‘Si vous voulez que je cache ma flamme’. All are represented here, as, for the sake of fairness and balance – La Fontaine did write the dedicatory preface to Lully’s opera Amadis, after all – is Lully himself, though the extracts from Amadis and Isis (the famous ‘Air de Trembleurs’) are to texts by his usual librettist Quinault.   Performances of these and other riches – not least Couperin’s Sonata L’Astrée at the end – by La Simphonie du Marais under Hugo Reyne and with soloists Isabelle Desrochers and Bernard Deletré, are excellent. Christian Asse strikes exactly the right atmosphere in his readings, among which is La Fontaine’s furious satire of Lully, Le Florentin. But brush up your French : no translations of the texts are provided.

Stephen Pettitt

Et je rappelle aussi, et surtout, la très précise et fouillée _ lucidissime ! _ recension de ce Portrait musical de La Fontaine par Boris Donné _ et non Patrick Dandrey, comme j’avais jusqu’ici trop rapidement cru ; c’est Patrick Dandrey lui-même qui vient de corriger, par échange de courriels, mon inattention au signataire effectif de cette recension du Fablier, en 1996 : Boris Donné _, dans le numéro 8 de la Revue Le Fablier, Revue des Amis de Jean de La Fontaine, Année 1996 ;

recension que voici in extenso :

Le second disque dont nous voudrions rendre compte est intitulé Jean de La Fontaine, un portrait musical : il mêle textes, lus par le comédien Christian Asse, et musiques, interprétées par La Simphonie du Marais que dirige Hugo Reyne avec notamment Isabelle Desrochers, soprano, et Bernard Deletré, basse.

Le programme, marqueterie délicatement agencée, a été conçu par Hugo Reyne lui-même, avec la collaboration de Francis Lippa ; ils signent ensemble l’excellent texte _ merci ! _ de présentation du livret.

Disons tout de suite que les parties récitées du disque nous ont paru les plus faibles : le montage mêlant extraits de poèmes, de lettres et quelques pièces plus longues (la délicieuse satire contre Lully, Le Florentin, et l’Epître à M. de Nyert, sur l’opéra), quoique très ingénieux, prend quelques libertés avec les textes, tronqués _ nécessités de la durée du CD obligeaient… _ assemblés sans parfois trop de respect ; la diction de Christian Asse, un peu fade et distanciée à notre goût, ne leur rend pas pleinement justice… Mais c’est encore affaire de jugement, et sûrement la sobriété, les intonations graves et méditatives de ce comédien trouveront-elles des défenseurs.

Nous nous concentrerons ici sur le programme musical, interprété par l’ensemble de Hugo Reyne, sur instruments anciens : on y appréciera les sonorités fruitées des vents et les impeccables interprètes du continuo (Jérôme Hantaï à la viole, Vincent Dumestre au théorbe, Elizabeth Joyé au clavecin) ; les cordes ont paru plus indifférentes.

Le programme de ce disque peut sembler composite dans la mesure où il mêle différents types de compositions : mais, dans un esprit proche de celui du poète, c’est la diversité et la variété qui ont guidé _ en effet _ son élaboration.

On pourrait isoler un premier ensemble d’œuvres, celles qui replacent La Fontaine dans le contexte musical de son temps et des cercles qu’il fréquentait : des airs de Lambert _ Tout l’univers obéit à l’amour, et J’ai beau changer de lieu _ ou de Nyert _ l’Air Si vous voulez que je cache ma flamme est un hapax ! _, des extraits d’opéras de Lully _ Amadis et Isis _, l’ouverture des Fâcheux de Beauchamps, quelques pièces de clavecin ou de théorbe (en l’occurrence, deux petits joyaux : une sombre pavane pour clavecin de Chambonnières, très bien interprétée par Elizabeth Joyé, et une courante pour luth d’Ennemond Gaultier par Vincent Dumestre. On se serait plutôt attendu à trouver ici une pièce de son cousin de Paris, Denis Gaultier…) ;  musique souvent très belle, et très délicate, interprétée ici avec style et sensibilité.

Un second ensemble serait constitué de musiques postérieures à La Fontaine, mais entretenant certains rapports avec son œuvre ou son esthétique : on y trouve le meilleur (le délicieux «air à boire» composé par François Couperin _ peu après le décès de La Fontaine, le 13 avril 1695… _ sur L’Epitaphe d’un paresseux, et, du même, la sonate L’Astrée, qui clôt le disque sur une note mélancolique) comme le pire (les paraphrases de fables sur des airs populaires, dans le goût du XVIIIe siècle : Le Loup et l’Agneau, La Fourmi et la Sauterelle).

Le dernier groupe d’œuvres, enfin, est le plus intéressant : ce sont celles auxquelles La Fontaine a directement collaboré _ oui ! Et cela ne se sait pas assez… On y trouve quelques chansons sur des airs à la mode (inépuisables «folies d’Espagne»), un Air mis en musique par Lambert, «Tout l’univers obéit à l’Amour» (Les paroles de cet Air de 1659 furent reprises _ par La Fontaine _ en 1669 dans Les Amours de Psyché (avec une substitution de prénoms que la notice du disque omet _ en effet _ de signaler : la «belle Psyché» était à l’origine une «belle Philis») ; détail intéressant, qu’aucune édition de Psyché _ de La Fontaine _ ne signale à notre connaissance. Un critique _ en fait Boris Donné lui-même, l’auteur de cette recension, comme il l’affirme indirectement, avec élégance, en citant l’ouvrage (sien !) dans lequel sont présentes ces « imprudentes » affirmations : son propre La Fontaine et la poétique du songe, paru en 1995 _, dans un ouvrage récent (Boris Donné, La Fontaine et la poétique du songe, 1995) a même observé, bien imprudemment, que cet «air purement imaginaire [sic], destiné sans doute à figurer seulement sur la page imprimée, […] se prêterait parfaitement à la mise en musique propre à un air de cour bipartite» — «dans la manière de Lambert», ajoute-t-il innocemment _ en élégante contrition rétrospective _ en note (p. 106)… Et pour cause ! Ignorance impardonnable, puisque cet air avait déjà été enregistré par William Christie en 1984 _ ce que le mélomane passionné qu’est aussi Boris Donné ne se pardonnait pas, ici, d’avoir ignoré… _, un bref extrait de la tragédie lyrique Astrée (musique de Colasse)…

Tout cela est intéressant : mais pas tant que ce qui constitue à nos yeux l’intérêt principal du disque, à savoir quelques fragments de Galatée _ un livret de La Fontaine _ mis en musique par Marc-Antoine Charpentier en 1678, ce que l’on ignorait jusqu’ici ! Quand La Fontaine en publie le livret inachevé _ deux actes sur trois ! _, en 1682, son avertissement laisse _ assez étrangement _ entendre que sa composition fut indépendante de tout souci de mise en musique et de représentation _ une cachotterie d’importance, de la part du fabuliste, qui a égaré jusqu’ici tous les lafontainiens… Un compte rendu du Mercure galant, en 1678, faisait par ailleurs l’éloge d’un «petit opéra» de Charpentier intitulé Les Amours d’Acis et de Galatée, dont ne furent données que quelques représentations semi-privées _ chez Monsieur de Rians, à Paris _ ; mais l’auteur du livret _ La Fontaine ! _ n’était pas cité. Par recoupement, Hugo Reyne _ ou plutôt Francis Lippa, auteur de ces découvertes ! Cf la note à ce sujet de Catherine Cessac, en la seconde édition (en 2004) de son Marc-Antoine Charpentier, chez Fayard, à la page 138 ; Hugo Reyne, alors en tournée en Australie, au Japon et aux États-Unis, avait, par échanges de fax, rectifié à la marge quelques passages et expressions du livret que Francis Lippa avait rédigé et lui avait proposé et soumis, à travers l’Atlantique et le Pacifique… _ montre que ce «petit opéra» était, de façon indiscutable _ merci ! _, la Galatée de La Fontaine : l’un des Airs _ Brillantes fleurs, naissez (H.449) _ en fut même publié dans le Mercure en 1689, avec leurs deux signatures ! Il est par ailleurs possible de retrouver, dans les partitions _ conservées, celles-là _ de Charpentier, des extraits de cet opéra qui furent réemployés dans d’autres compositions _ lors de reprises, par Charpentier, de son petit opéra L’Inconnu _ (principalement les pages instrumentales, hélas). Ainsi ce disque propose un charmant montage _ de ce qui demeure de ce petit opéra de 1678 : Les Amours d’Acis et de Galatée _, d’une vingtaine de minutes, où alternent airs, pièces instrumentales et scènes récitées quand la musique n’en a pas été retrouvée : découverte extraordinaire, et fort émouvante _ merci ! _, qui en laisse peut-être présager d’autres… «Il [nous] faut du nouveau, n’en fût-il point au monde» !

En ce CD Un Portrait musical de Jean de La Fontaine de La Simphonie du Marais sous la direction d’Hugo Reyne, enregistré au mois d’août 1995 et paru chez Virgin Veritas au mois de mars 1996,

le merveilleux Air de Lambert J’ai beau changer de lieu

J’ai beau changer de lieu, mon soin est inutile,
Je porte partout mon amour
Et je n’en suis pas plus tranquille,
Dans ce paisible séjour :
Sentirai-je toujours cette cruelle flamme ?
Quoi ? serai-je agité d’un éternel souci ?
Et le calme qui règne ici
Ne peut-il passer dans mon âme ?

Je viens chercher la paix dans cette solitude,
Je veux l’attirer dans mon cœur,
Et je vais bannir l’inquiétude
Qui s’oppose à mon bonheur ;
Mais je ressens toujours cette cruelle flamme,
Je me vois agité d’un éternel souci
Et le calme qui règne ici
Ne saurait passer dans mon âme

se trouve à la plage 7 ;

et le jubilatoire Air à deux voix (de 1659, publié en 1666) de Jean de La Fontaine et Michel Lambert Tout l’univers obéit à l’amour

Tout l'Univers obéit à l'Amour ; 
Belle Philis, soumettez-lui votre âme. 
Les autres dieux à ce dieu font la cour, 
Et leur pouvoir est moins doux que sa flamme. 
Des jeunes cœurs c'est le suprême bien, 
Aimez, aimez ; tout le reste n'est rien.

Sans cet Amour, tant d'objets ravissants, 
Lambris dorés, bois, jardins, et fontaines, 
N'ont point d'appâts qui ne soient languissants, 
Et leurs plaisirs sont moins doux que ses peines. 
Des jeunes cœurs c'est le suprême bien 
Aimez, aimez ; tout le reste n'est rien.
...

se trouve à la plage 5

_ Boris Donné, à l’érudition duquel bien peu de choses échappent, a très opportunément remarqué que dans la version originale de cet Air, publiée par le compositeur Lambert, en 1666, c’est à Philis, et non à Psyché, que s’adresse le poète (ou/et le chanteur interprète), à la différence de ce qui sera le cas, en 1669, dans le poème publié, indépendamment de toute musique cette fois, par La Fontaine en ses Amours de Psyché et Cupidon, trois ans plus tard ; ainsi qu’en 1689, dans la version à cinq voix de ce même Air, publié par Lambert.

Boris Donné a donc raison d’affirmer, en cette recension, en 1996, de notre CD Un Portrait musical de Jean de La Fontaine, que c’est à tort que notre CD a choisi de proposer à l’écoute de cet Air à deux voix composé en 1659, le texte de la version définitive de l’Air, celle à 5 voix, publiée par Lambert en 1689 ; ainsi que celle du poème de La Fontaine en ses Amours de Psyché et Cupidon, publiés en 1669 ; tout en situant bien cet Air, en sa version à deux voix, en la période de sa composition, la période fouquetienne (vers 1659) de la vie de Jean de La Fontaine (et de Michel Lambert). J’ignorais, pour ma part (ne m’étant pas moi-même occupé des partitions de Lambert dans la préparation du programme de ce CD), cette différence d’adresse, dans le texte de l’Air, entre Philis, en 1659 et 1666, et Psyché, en 1669 et 1689 (mais, pour ce qu’il en est de l’adresse de la version à cinq voix de 1689, je ne l’ai pas vérifié).

De la version à cinq voix publiée en 1689 de ce Tout l’univers obéit à l’amour

_ l’adresse chantée est faite à Philis, et non à Psyché, dans les deux CDs des Arts Florissants, les deux fois, en 1984, comme en 2013,  pour la version de 1689 de l’Air à cinq voix voix _,

voici à écouter le podcast d’une interprétation récente (enregistrée en décembre 2013) des Arts Florissants, en la plage finale de leur CD Bien que l’amour… Airs sérieux et à boire ; soit le CD Harmonia Mundi HAF 8905276, sorti le 1er avril 2016 ;

et, toujours, par les Arts Florissants, mais trente-deux ans plus tôt,

le podcast d’une interprétation de 1984 de 14 Airs de cour de Michel Lambert,

en le CD Harmonia Mundi 1901123, re-publié en 1992 ;

le Tout l’univers obéit à l’amour à 5 voix ouvrant alors le bal de ce récital…

Je n’ai hélas pas trouvé sur le web de podcast de la spendide interprétation de la version première, à deux voix, de ce Tout l’univers obéit à l’amour de La Fontaine et Lambert, superbement interprété par Isabelle Desrochers, soprano, et Bernard Deletré, basse, dans le CD Un Portrait musical de Jean de La Fontaine, en 1995, de La Simphonie du Marais.

Ce vendredi 29 mai 2020, Titus Curiosus – Francis Lippa

Musiques de joie : la splendeur rayonnante de tendresse du Grand Motet lorrain « Lauda Jerusalem » de Henry Desmarest

25avr

La musique française du Grand siècle

est splendide

mais son goût certain de la tendresse fait que l’expression de la joie peut paraître modérée

par rapport à d’autres cultures musicales,

plus extraverties…

J’ai choisi ici un des Grands Motets lorrains de Henry Desmarest

(Paris, février 1661 – Lunéville, 7 septembre 1741),

un compositeur promis _ par sa formation _ aux plus brillants postes à la Cour

de Versailles ;

mais que de malheureux concours de circonstances

_ matrimoniales : il fut condamné à mort sur l’accusation d’avoir enlevé sa seconde épouse… _

conduisirent à l’exil de France :

à Bruxelles, en 1700, auprès du Gouverneur Général des Pays-Bas, l’électeur Maximilien-Emmanuel de Bavière ;

puis à Madrid, auprès du roi Philippe V, jusqu’en 1706 ;

puis à Nancy, à partir de 1707, à la Cour du Grand-Duc de Lorraine Léopold Ier…

Et j’ai choisi plus spécialement

le splendide Motet Lauda Jerusalem

dans l’interprétation des Arts Florissants, en 2000,

sous la baguette de William Christie,

dans le très beau CD Desmarest Grands Motets Lorrains ;

soit le CD Erato 8573 80223-2.

Une façon d’accéder à l’éclat de la jubilation française du Grand Siècle,

par un de ses plus brillants représentants…

Ce samedi 25 avril 2005, Titus Curiosus – Francis Lippa

La sublime douceur de France, par Sébastien de Brossard et Pierre Bouteiller : un CD indispensable des Arts Florissants dirigés par Paul Agnew

29sept

Le tout récent CD Les Maîtres du Motet : Sébastien de Brossard, Pierre Bouteiller

des Arts Florissants dirigés ici par Paul Agnew _ le CD Harmonia Mundi HAF 8905300 _

est proprement sublime

dans la perfection du rendu

de la merveilleuse douceur de France

qui s’y exprime à ressentir.

Le programme intelligemment conçu de ce CD

tourne autour des compositions de Sébastien de Brossard (1655 – 1730) lui-même, d’une part,

représenté par trois de ses œuvres propres :

un Miserere mei Deus (SdB 53),

un Stabat Mater (SdB 8),

et un Ave verum corpus (SdB 10),

et, d’autre part,

une pièce majeure des copieuses et indispensables collections rassemblées par Sébastien de Brossard :

la Missa pro Defunctis cum quinque voc. de Pierre Bouteiller (c. 1655 – c. 1717).

Ainsi que deux brefs Kyrie de l’organiste André Raison (c. 1650 – 1719).

Les dix-neuf chanteurs _ admirables ! tant dans le chœur qu’en solistes… _

soutenus par le continuo de Florian Carré à l’orgue

et Juliette Guignard à la viole de gambe,

sont de parfaits serviteurs de cette musique

d’une tendresse vibrante

sans pirouettes de virtuosité exacerbée :

du très grand art,

dans la direction que leur donne idéalement Paul Agnew,

pour le meilleur de la musique française

du Grand Siècle

_ à la suite de Henry Du Mont (1610 – 1684).

Un CD indispensable.

Le livret comporte un superbe texte de Jean Duron.


Ce samedi 29 septembre 2018, Titus Curiosus – Francis Lippa

 

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