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Un émouvantissime hommage à l’humanité si vraie de l’admirable « plus que vivant » Lars Vogt par les musiciens de l’Orchestre de Chambre de Paris…

07juil

Et en magnifique hommage _ par l’Orchestre de Chambre de Paris _  au « plus que vivant« , et à jamais, Lars Vogt (1970 – 2022),

lire ceci _ qui me tire des larmes des yeux ! _ :

Lars Vogt

1970 – 2022

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Une étoile brille au firmament

La disparition de Lars Vogt, notre directeur musical, le 5 septembre dernier _ 2022 _ nous a tous plongés, membres du Conseil d’administration, artistes musiciens, personnels administratifs et techniques de l’orchestre, dans une profonde tristesse, tant la relation que Lars avait su construire avec chacun et chacune était empreinte d’une profonde humanité _ et c’est bien là le fond, si rare, des choses !.. Si les mots continuent à nous manquer, nous voudrions lui rendre hommage par ces quelques lignes.

Lars était, chacun le sait _ et le mélomane passionné que je suis, aussi, dès ma première écoute ; je renvoie ici à mon article du 14 novembre 2009 : « «  _, un artiste d’exception _ oui ! _ : soliste international, chambriste recherché, chef d’orchestre…
Il y a bien sûr le pianiste qu’on ne présente plus depuis 1990 et sa révélation lors du concours de piano de Leeds. Déjà à cette époque, Sir Simon Rattle lui prédisait un futur vers la direction d’orchestre. Ce n’est pourtant que bien des années plus tard, en 2014, qu’il devient directeur musical
du Royal Northern Symphonia Newcastle. Et c’est en 2018 qu’il fait sa première rencontre avec les musiciens de l’Orchestre de chambre de Paris, au cours de laquelle il joue le Concerto pour piano de Schumann et dirige la Quatrième symphonie de ce même compositeur lors d’un concert mémorable.

Nommé à la direction musicale de l’Orchestre de chambre de Paris en juillet 2020, il a pu y développer encore ses talents artistiques indéniables, son appétence pour le joué-dirigé et pour la direction d’orchestre. Bien au-delà de ses qualités de directeur musical, nous avons découvert un véritable leader. Fidèle à l’homme qu’il était dans la vie, sa direction était remplie de bienveillance et d’humanité _ oui, oui, oui. Il savait établir avec chaque musicienne et musicien une relation particulière et individuelle pour faire en sorte que leur communauté d’artistes s’épanouisse dans une excellence partagée _ voilà. En à peine quelques mois, il était parvenu à gagner non seulement la confiance mais l’adhésion totale de ses musiciens.

Son mandat à la direction musicale de l’orchestre, malgré la pandémie, aura été un condensé de temps forts artistiques. Dès l’été 2020, il marque son arrivée avec un formidable concert capté du Concerto dit « Jeunehomme » de Mozart tourné dans les jardins de l’hôtel de Sully, Centre des monuments nationaux à Paris, et diffusé sur France télévisions. Plus tard encore, il illuminera de son talent une retransmission du Concerto pour piano en la mineur de Schumann dirigé depuis le piano à la Philharmonie de Paris. En janvier 2021, il retrouve les ténors Christoph et Julian Prégardien dans un concert « Père et Fils » chorégraphié par Thierry Thieû Niang. Lars Vogt avait conquis en très peu de temps les publics du théâtre des Champs-Élysées et de la Philharmonie de Paris, les deux principaux lieux de résidence de l’orchestre.

Son activité d’enregistrement fut elle aussi intense. Un premier enregistrement Mendelssohn est paru chez Ondine en mars 2022 avec un accueil unanime. Un enregistrement autour des concertos nos 9 et 24 de Mozart reste à paraitre. Cette même énergie _ si manifiquement contagieuse _ se retrouve dans le plaisir _ formidable _ qu’il prenait à jouer en formation chambriste avec les musiciens de son orchestre comme avec ses amis tels que Christian Tetzlaff ou Antje Weithaas.

Comme il aimait à le dire « En musique, beaucoup de choses sont une question d’alchimie ». Lui qui « voulait aller encore plus loin dans l’intensité de l’orchestre et décrocher la lune » nous manque cruellement. Il est aujourd’hui pour nous tous une étoile qui brille au firmament de l’orchestre, dont la lumière continuera à nous éclairer pour toujours.

À son épouse Anna _ Anna Reszniak _ qui l’a tant soutenu, à ses filles et à sa famille, nous adressons toutes nos pensées, toute notre affection et nos sincères condoléances.

Brigitte Lefèvre, présidente du Conseil d’administration

Nicolas Droin, directeur général

« Il voulait aller encore plus loin dans l’intensité de l’orchestre et décrocher la lune. »

Lars Vogt par Christian Merlin

Lars Vogt est né à Düren, dans la Ruhr, à côté de Cologne, le 8 septembre 1970. C’est sa première professeure de piano, à Aix-la-Chapelle, qui instille en lui l’idée que non seulement il est fait pour la musique, mais que celle-ci pourrait devenir son métier. Une pédagogue très artiste, qui développe énormément son imagination, mais pas assez sa solidité technique. Solidité technique qui lui sera donnée par son second maître, puisqu’il n’en aura jamais eu que deux : Karl-Heinz Kämmerling, légende de l’enseignement du piano en Allemagne. Professeur d’Igor Levit et d’Alice Sara Ott, pour n’en citer que deux parmi l’incroyable cohorte d’élèves à qui il a permis de se réaliser _ voilà _, il enseigne alors à Hanovre. Ayant école un samedi sur deux, le petit Lars prend, chaque samedi libre, le train pour Hanovre : quatre heures de trajet. Il reçoit ses deux heures de leçon et rentre en Rhénanie : à nouveau quatre heures de train. Kämmerling lui apprend qu’un pianiste doit creuser par deux côtés en même temps : le côté technique et le côté artistique, la technique n’étant qu’un moyen pour exprimer l’artistique. Plus tard, Kämmerling apprendra à l’une des filles de Lars, encore toute petite, que chaque note a sa vie propre. Patient, il ne le tance même pas lorsqu’il se met à imiter Horowitz : « C’est une phase, ça te passera. » Vogt lui succédera naturellement comme professeur à la Hochschule de Hanovre en 2012, année de la mort de Kämmerling.

Le jeune Vogt est un jeune soliste nerveux et traqueur. Cela se sent encore à son début de carrière au sommet. On a pu, à l’époque (on s’en veut rétrospectivement !), trouver son jeu abrupt par son aspect minéral, tout d’une pièce. Déjà un souci de sérieux et de rigueur, comme pour échapper à toute superficialité. Allemand ? Cela n’a pas empêché le jury du Concours de Leeds de lui attribuer en 1990 un deuxième prix, ni Simon Rattle de le prendre sous son aile dans l’écurie EMI en lui faisant enregistrer Beethoven, Schumann et Grieg avec lui et le City of Birmingham Symphony Orchestra.
Il avait perçu, derrière ce jeu encore brut, tout le potentiel d’un artiste qui se remet constamment en question et interroge les textes avec un sens de la profondeur et du tragique _ voilà _ qui explique son affinité élective avec Brahms _ et Schumann _ et son clair-obscur mélancolique. En se détendant (sans se relâcher !), son jeu gagne alors de plus en plus en souplesse et en arrière-plans, ajoutant à sa sonorité puissante et sans concession une science particulière des contrastes, quand un pianissimo d’une grande douceur succède soudain à la tempête.

Il ne va pas plus vite que la musique. À rebours de la mode des intégrales, il préfère laisser mûrir les œuvres et ne les jouer que quand il se sent prêt.
Il aura attendu la cinquantaine pour aborder la sonate Hammerklavier de Beethoven, dans laquelle beaucoup se lancent avec l’intrépidité de leurs vingt ans. Assez vite se dessine une constante dans son approche de la musique : le partage _ voilà. Chambriste naturel _ oui, oui, oui ! _, il semble n’aimer rien tant que jouer avec d’autres. C’est dans cet esprit qu’il fonde dès 1998 son propre _ admirable !!! _ festival _ Spannungen _ dans l’ancienne centrale hydroélectrique de Heimbach, dans l’Eifel, à quelques kilomètres de sa ville natale. Là, il invite ses meilleurs amis à faire de la musique de chambre : les violonistes Christian Tetzlaff et Isabelle Faust, le violoncelliste Boris Pergamenchtchikov en font partie. Un critique allemand a écrit qu’il n’était « jamais aussi bon que quand il vacillait » : autrement dit quand il oubliait l’assurance robuste de son jeu pour le faire vivre et réagir dans l’instant. L’interaction de la musique de chambre est pour cela le lieu idéal _ oui _, mais pas seulement : la direction d’orchestre aussi, où tant de choses se décident dans l’instant _ voilà.

« Lorsque je joue du piano, j’ai l’impression de diriger un orchestre, en quelque sorte », disait-il au micro de France Musique. « Je joue avec mes doigts, mais dans ma tête il y a un chef d’orchestre. J’aspire à obtenir le son d’un violon, d’une flûte, d’un hautbois, d’un basson, des couleurs qui ne sont pas uniquement les couleurs d’un piano », répondait-il à Jean-Baptiste Urbain sur la même antenne. Ce jeu orchestral allait le conduire à diriger les concertos du piano, tout en continuant à être l’un des solistes préférés de l’Orchestre Philharmonique de Berlin (dont il est artiste en résidence en 2003-2004), mais aussi de Mariss Jansons, Herbert Blomstedt, Christian Thielemann ou Paavo Järvi. Fort de cette nouvelle expérience, il est nommé en 2014 directeur musical du Royal Northern Sinfonia, un orchestre de formation Mozart basé au bord du fleuve Tyne, dans le nord de l’Angleterre. Et voici qu’il s’attaque à forte partie, enregistrant les deux concertos de Brahms qui, avec leur réputation de symphonies avec piano obligé, semblent exiger la double présence d’un soliste et d’un maestro. Non seulement ça marche, mais on y découvre des allégements et des couleurs insoupçonnées, sans perdre en substance. Il emmène l’orchestre en Asie et aux « Proms » de Londres.

Pendant ce temps, l’Orchestre de chambre de Paris est à la recherche d’un successeur à Douglas Boyd comme directeur musical. Pour une formation de cet effectif se pose la question du profil : un maestro symphonique risquerait d’y être disproportionné, un soliste sans expérience suffisante de la direction d’y être contre-productif. Vogt apparaît alors comme une solution possible. Le courant passe si bien avec les musiciens que l’option envisageable devient une évidence. Dans les concertos de Mozart, Beethoven ou Schumann, bien sûr, qu’il dirige du piano comme si cela allait de soi. Mais aussi, et ce n’était pas gagné d’avance, seul face à l’orchestre dans des symphonies. On se souvient en particulier de la Deuxième symphonie de Brahms qui couronnait son concert inaugural en septembre 2020 : si sa gestuelle n’avait pas le délié de maestros aguerris, le flux musical coulait de source _ oui _, avec une parfaite logique des enchaînements et maîtrise des équilibres, jouant le jeu chambriste sans édulcorer l’éloquence de l’orchestre brahmsien. Testamentaire _ oui _, leur enregistrement des concertos de Mendelssohn (Ondine) reste pour témoigner de cette trop brève _ hélas _ alchimie _ merveilleuse : la grâce même… On se souvient aussi de son engagement bienveillant dans ses fonctions, par exemple pour superviser le concours Play-Direct pour jeunes pianistes dirigeant du clavier, organisé par l’Orchestre de chambre de Paris.

En mars 2021 est diagnostiqué un cancer de l’œsophage ayant déjà métastasé au foie. Lorsque les médecins lui expliquent que le traitement auquel il sera soumis risque de lui faire perdre la sensibilité dans les doigts, il répond : « Je préfère être en vie plutôt que jouer du piano. » Quand certains préfèrent se terrer dans leur tanière, lui n’hésite pas à parler de la maladie, en interview et sur les réseaux sociaux. Le partage _ toujours formidablement généreux _  de la musique et de l’amitié _ les deux allant très évidemment de pair… _ semble décupler son énergie vitale _ puissante _, sans parler de l’apport de sa seconde femme, la violoniste d’origine polonaise Anna Reszniak, premier violon de l’Orchestre symphonique de Nuremberg où ils vivent, et de ses filles, dont la petite dernière a quatre ans et demi et à qui il voudrait encore laisser des souvenirs de père. Chacun de ses concerts semble gagné contre la maladie, il y fait passer des émotions décuplées _ oui, et sans jamais rien forcer… _, tantôt rageuses (Beethoven), tantôt tendres (Brahms), tantôt les deux à la fois (Mozart) : humaines, tout simplement _ voilà ! Lars Vogt, ou l’humanité la plus vraie… Il joue à son festival le 24 juin 2022, donnant en bis cet Intermezzo op. 117  n°1 de Brahms _ en regarder ici la vidéo (d’une durée de 5′ 42), titrée « Letzter Soloauftritt von Lars Vogt bei SPANNUNGEN«  _ qui est une invitation _ selon ses mots… _ à s’endormir paisiblement, et dirige encore du piano l’Orchestre de chambre de Paris à l’hôtel de Sully les 9 et 10 juillet. Son visage s’est creusé, mais reste ce menton volontaire qui pourrait être intimidant s’il n’était adouci par un regard lumineux et intense _ oui _ et un sourire désarmant _ voilà. Dans les premiers jours de septembre il envoie un message d’au revoir à ses amis, pour leur dire combien ils ont compté pour lui, et s’éteint le 5 septembre 2022 à la clinique d’Erlangen, trois jours avant son 52e anniversaire, laissant le monde musical désemparé mais nourri du souvenir de son rayonnement.

« Lorsque je joue du piano, j’ai l’impression de diriger un orchestre, en quelque sorte. »

Lars Vogt et l’Orchestre de chambre de Paris en 2021 à la Philharmonie de Paris

À Lars

Ta lumière, ta bienveillance, ton talent, ta capacité à mettre tous les sentiments humains _ oui _ dans ta musique, ton authenticité, ta générosité _ sans compter _, ton humour, ta liberté, ta souplesse, ton ouverture _ tout cela allant très simplement de pair _, ta tolérance, ton courage, ton désir d’amener tout le monde sur un terrain d’entente, ton talent pour réunir _ oui _, ton sourire chaleureux et communicatif, tes expressions tendres et uniques font de toi une des personnes, si rares _ oui ! _, capables en si peu de temps – en trop peu de temps ! – de nous guider et de changer nos vies.

La musique, entre tes mains, était comme la matière du sculpteur, chez toi, une matière infinie. À propos d’une phrase sublime d’un concerto, tu nous disais un jour que Mozart ouvrait une fenêtre sur le monde du divin : en fait, c’est toi qui ouvrais cette fenêtre, avec simplicité _ oui _, sur un monde immense. Toujours dans la joie _ voilà ! la plus rayonnante et pure joie… _, tu as partagé avec nous ton amour absolu pour la musique.

Tu laisses, en chacun de nos cœurs, une empreinte magnifique, et nous sommes tous conscients de la chance inouïe _ en effet _ d’avoir pu cheminer avec toi, d’apprendre de toi en musique comme dans la vie. Nous allons continuer de t’honorer et de grandir comme groupe, unis par la force tellurique _ oui _ que tu nous as transmise _ voilà _, sachant que tu aurais sans doute voulu que l’on te chante plutôt que l’on te pleure.

Que ton extraordinaire lumière nous inonde éternellement, cher Lars !

Les musiciens de l’Orchestre de chambre de Paris

Lars Vogt et l’Orchestre de chambre de Paris en quelques dates…

20 DÉCEMBRE 2018

Théâtre des Champs-Élysées

Premier concert de Lars Vogt avec l’orchestre autour d’une œuvre de Schumann qu’il affectionne particulièrement, le Concerto pour piano. Le chef et pianiste est rapidement séduit par le travail en profondeur de l’orchestre et ce premier contact avec les musiciens.

26 SEPTEMBRE 2019

Théâtre des Champs-Élysées

De nouveau invité par l’orchestre, Lars Vogt donne le Concerto pour piano no 1 de Mendelssohn, œuvre qui le suit dans les moments importants de sa vie musicale. Il indique à plusieurs reprises s’être toujours senti très proche de l’esprit du compositeur _ et c’est absolument évident.

 

24 JUIN 2020

Extrait du Concerto « Jeunehomme », Mozart

Confinés et isolés lors de la crise sanitaire, Lars Vogt et les musiciens et musiciennes de l’orchestre interprètent à distance un extrait du Concerto pour piano no 9 en mi bémol majeur de Mozart. Cette prouesse musicale et technique aboutit à une vidéo mise en ligne et contribue à rassembler virtuellement les artistes et le public.

11 ET 12 JUILLET 2020

Hôtel de Sully

Dans le cadre exceptionnel des jardins de l’hôtel de Sully – Centre des monuments nationaux à Paris, Lars Vogt donne en joué-dirigé le Concerto pour piano n° 9 en mi bémol majeur, dit « Jeunehomme », de Mozart. Ce concert est capté et diffusé par ARTE Concert.

 

30 SEPTEMBRE 2020

Théâtre des Champs-Élysées

Lars Vogt donne son premier concert en tant que directeur musical de l’Orchestre de chambre de Paris, avec son ami violoniste Christian Tetzlaff.

« Ma relation avec Lars est intense, c’est ma plus profonde amitié musicale. Il est mon « artiste-héros » et aussi mon meilleur ami dans la vie. »
Christian Tetzlaff

 

5 OCTOBRE 2020

Philharmonie de Paris

Premier concert de Lars Vogt dans la Grande salle de la Philharmonie en tant que chef d’orchestre. Aux côtés d’un chef-d’œuvre de la musique classique, le Requiem de Mozart, il était heureux de présenter la création d’une jeune compositrice française, Clara Olivares.

6 JANVIER 2021

Philharmonie de Paris

A travers la production « Père et fils » mêlant danse, théâtre et musique avec les ténors Christoph et Julian Prégardien et le chorégraphe Thierry Thieu Niang sur de la musique de Beethoven et Schubert, Lars Vogt témoigne de son approche intimiste et personnelle de la musique. En raison de la situation sanitaire, ce concert fait l’objet d’une captation et d’une diffusion sur les sites ARTE Concert et Philharmonie Live.

1ER FÉVRIER 2021

Philharmonie de Paris

Lars Vogt se sentait proche de Schumann et exprimait son bonheur de transmettre cette musique au public, ce jour-là sous forme
de captation diffusée sur Philharmonie Live. Une musique pleine de joie, d’amour et de poésie mais aussi de tristesse, qu’il aimait particulièrement.

AVRIL 2021

Philharmonie de Paris

Lars Vogt et l’orchestre enregistrent le Concerto pour clarinette de Mozart avec le clarinettiste Raphaël Sévère, pour le label Mirare.

« J’ai beaucoup d’admiration pour Lars Vogt car il déborde d’une énergie foisonnante qui toujours se conjugue avec naturel vers les bonnes choses. Dans tout ce qu’il fait il est profondément sincère et il a cette flamme qui fait vivre la musique. Jouer avec lui est un bonheur. »

Raphaël Sévère

5 – 9 SEPTEMBRE 2021

Philharmonie de Paris / Paris Play-Direct Academy

Profondément investi dans les actions de transmission, Lars Vogt parraine cette 10ème édition de l’académie de joué-dirigé de l’orchestre consacrée au piano. Au cours de masterclasses, il accompagne et conseille les jeunes instrumentistes dans cette pratique.

16 OCTOBRE 2021

Théâtre des Champs-Élysées

Lors de ce concert, Lars Vogt réunit une nouvelle fois l’entente personnelle et artistique en invitant un ami de longue date, le violoncelliste Alban Gerhardt. Ce lien que Lars Vogt entretient avec les musiciens sur scène, toujours sincère et fort, offre au public des instants musicaux de grâce.

« Mon vieil ami, colocataire et partenaire de musique de chambre Lars Vogt est l’un des musiciens avec lesquels je préfère travailler. »
Alban Gerhardt

2-5 NOVEMBRE 2021

Philharmonie de Paris

Lars Vogt enregistre avec l’Orchestre de chambre de Paris un premier disque qui aurait dû marquer le début du cycle Mendelssohn, paru au printemps 2022 chez Ondine.

17 DÉCEMBRE 2021

Philharmonie de Paris

Kurtàg était pour Lars Vogt le plus grand compositeur vivant de notre époque. Lors de cette soirée consacrée à Bach, le directeur musical met en relation ses courtes pièces avec celles du « dieu de la musique » comme il appelait alors Bach.

13 JANVIER 2022

Théâtre des Champs-Élysées

Invité par l’orchestre pour ce concert consacré à Mahler, Strauss, Fauré et Britten, le ténor Ian Bostridge est frappé par la merveilleuse atmosphère de collaboration et d’amitié que Lars Vogt a réussi à créer avec les musiciens.

 

10 MARS 2022

Théâtre des Champs-Élysées

Lars Vogt retrouve son complice Alban Gerhardt, violoncelliste, dans le Premier concerto pour violoncelle de Chostakovitch. Avec l’orchestre, il interprète la Symphonie classique de Prokofiev et la Sérénade pour cordes de Tchaïkovski.

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12 MARS 2022

Salle Cortot

Lors de ce concert de retrouvailles avec les solistes de l’orchestre, Lars Vogt et les musiciens interprètent un mémorable quintette de Schumann et le premier quatuor avec piano de Mozart.

21 MARS 2022

Philharmonie de Paris

Intégralement dédié à Mendelssohn, ce concert accompagne la sortie du disque Mendelssohn consacré aux œuvres concertantes et annonce de futurs projets d’enregistrement du répertoire symphonique.

« Les mouvements lents des œuvres de Mendelssohn m’émeuvent aux larmes. »
Lars Vogt

21 AVRIL 2022

Théâtre des Champs-Élysées

Antje Weithaas, artiste associée de la saison 2021/2022, joue sous la direction de Lars Vogt, le Concerto pour violon de Beethoven.

Antje Weithaas dit de Lars Vogt qu’il est probablement le meilleur musicien qu’elle connaisse pour interpréter la musique de Schumann.

« Les musiciens de l’Orchestre de chambre de Paris et moi sommes déjà parvenus à développer une authentique et forte relation musicale et humaine. » Lars Vogt

22 AVRIL 2022

Philharmonie de Paris / Académie de jeunes compositrices

Lors de la première lecture publique de l’Académie de jeunes compositrices de l’Orchestre de chambre de Paris, Lars Vogt dirige quatre œuvres nouvelles pour ensemble instrumental. Désireux de « trouver l’expression et la voix de la jeunesse de notre temps », il incite les jeunes compositrices à présenter leurs œuvres – voire à les diriger.

9-10 JUILLET 2022

Hôtel de Sully

Empreints d’une émotion palpable, ces concerts sont les derniers de Lars Vogt avec l’Orchestre de chambre de Paris. Il y dirige du piano l’ultime concerto pour piano de Mozart et a choisi pour bis l’Andante du deuxième concerto pour piano de Chostakovitch.

Sensible à la démarche citoyenne de l’orchestre à l’adresse des plus fragilisés, engagé dans le programme de transmission et fervent chambriste, Lars Vogt a entamé avec l’orchestre une riche aventure à la fois humaine et musicale.

Retrouvez les concerts de Lars Vogt en vidéo

ARTE rend hommage au pianiste et chef d’orchestre Lars Vogt et rediffuse trois concerts sur ARTE Concert.

Lars Vogt dans le Concerto « Jeunehomme » de Mozart.
Lors de ce concert enregistré en juillet 2020 dans les jardins de l’Hôtel de Sully, Lars Vogt, à la direction de l’Orchestre de chambre de Paris et au piano,
a également donné le Concerto pour piano n° 21 de Mozart.

Lars Vogt dirige Beethoven et Schubert

Les ténors Christoph et Julian Prégardien ont interprété avec l’Orchestre
de chambre de Paris des lieder de Beethoven et de Schubert en janvier 2021 à la Philharmonie de Paris.
Diffusé également sur Philharmonie Live.

Concerto pour piano n° 3 de Beethoven
Invité du HR-Sinfonieorchester en avril dernier à Francfort, Lars Vogt a interprété le Concerto pour piano n° 3 de Beethoven sous la direction de Karina Canellakis.

Retrouvez ces concerts pendant plusieurs mois sur ARTE Concert : arte.tv/larsvogt

Également disponible :

Lars Vogt dans Schumann

Une histoire particulière liait Lars Vogt au Concerto pour piano de Schumann, « l’une des œuvres les plus splendides du répertoire pour piano ». Lors de ce concert Lars Vogt a également dirigé l’Orchestre de chambre de Paris dans la Deuxième Symphonie.

Enregistré en avril 2021 à la Philharmonie de Paris par France Musique et diffusé sur Philharmonie Live : philharmoniedeparis.fr/fr/live

LARS VOGT VU PAR LA PRESSE

« Gestuelle élégante et souple, corps mobile et visage ouvert, capacité à être à la fois un soliste habité et un chef très présent. »
Sophie Bourdais, Télérama

« Un artiste authentique, simple et chaleureux. »
Emmanuelle Giuliani, La Croix

« Son jeu vigoureux et naturel ignore la tentation virtuose, déployant au contraire un sens raffiné des couleurs et des nuances. Que ce soit dans Bach, Mozart, Brahms ou Mendelssohn, le musicien déploie un toucher ductile, capable de passer de l’ombre à la lumière, de la poésie à l’humour, du tragique à la joie. » Marie-Aude Roux, Le Monde

« Si sa gestuelle de chef n’était pas la plus académique, le résultat sonore était passionnant, obtenant dans Mendelssohn, Schumann ou Brahms une richesse sonore, un sens de l’architecture et une pulsation naturelle qui promettaient énormément. Sans parler de son énergie communicative et de son attention aux autres. »
Christian Merlin, Le Figaro

orchestredechambredeparis.com

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L’Orchestre de chambre de Paris utilise pour ses supports de communication des papiers recyclés (Papier FSC : gestion responsable des forêts) et de l’encre végétale.

De bien merveilleux témoignages  sur un musicien à jamais plus que vivant

en sa naturelle humanité généreuse vraie !

Ce vendredi 7 juillet 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Décès hier 6 mai 2023 de Menahem Pressler, pianiste, et membre du Beaux-Arts Trio…

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J’apprends à l’instant, en consultant le site de ResMusica, le décès à Londres, hier 6 mai 2023, de Menahem Pressler, né à Magdebourg le 16 décembre 1923.

Décès de Menahem Pressler

Le pianiste légendaire du Beaux Arts Trio, , est décédé à Londres le 6 mai 2023 à l’âge vénérable de 99 ans.

Né à Magdebourg le 16 décembre 1923 au sein d’une famille juive, quitte l’Allemagne nazie en 1938 pour se réfugier dans ce qui deviendra l’État d’Israël, où il reçoit sa formation musicale (Eliahu Rudiakov et Leo Kestenberg). De là, il émigre aux États-Unis et remporte le Concours Debussy de San Francisco en 1946. Il est alors engagé par Eugène Ormandy pour faire ses débuts américains avec l’Orchestre de Philadelphie, ce qui lancera sa carrière soliste. C’est à cette époque qu’il enregistre de nombreux disques pour MGM notamment dans des répertoires plutôt originaux : la Sonate, la Ballade et les Pièces lyriques de Grieg, La Boîte à joujoux de Debussy et les Histoires d’Ibert, Pour les enfants de Bartók, les 24 préludes op. 34 de Chostakovitch, la Sonate piano n°9 et 10 pièces tirées de Cendrillon de Prokofiev. En 1955, Pressler fait la connaissance par l’intermédiaire de Robert Casadesus (un fidèle soutien) du violoniste Daniel Guilet qui lui-même le met en relation avec Bernard Greenhouse (violoncelle). Ils formeront dès lors la première mouture du légendaire Beaux Arts Trio et malgré le renouvellement des membres au fil des décennies, il restera le pianiste du trio jusqu’à sa dissolution en 2008. Outre ses activités de chambriste, Menahem Pressler enseigna également à partir de 1955 à la Jacobs School of Music de l’Université de l’Indiana à Bloomington.

Pressler reprit une activité de soliste après le Beaux Arts Trio _ en 2008, donc _ et fit même ses débuts avec l’Orchestre Philharmonique de Berlin en 2014 !

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Outre sa discographie de soliste antérieure au trio, il enregistra pour le microsillon dans les années 1960 à Vienne divers concertos publiés par la Guilde internationale du disque. Cette partie de la discographie a été partiellement rééditée par Doron, Doremi et Forgotten Records. Le Beaux Arts Trio a de son côté enregistré et même réenregistré une bonne part du répertoire de trio avec piano (Mozart, Haydn, Beethoven, Schubert, Schumann, Brahms…), chez Philips. Tous ces enregistrements ont été réédités dans un gros coffret en 2015. Menahem Pressler s’est aussi produit et a enregistré avec d’autres ensemble, notamment le Quatuor Emerson. Enfin en soliste, il a gravé quelques disques pour La Dolce Volta et plus récemment encore (2018) pour Deutsche Grammophon. (JBdLT)

 

En forme d’hommage,

voici la vidéo _ d’une durée de 113 ‘ _ du concert _ Haendel, Mozart, Debussy, Chopin _ que Menahem Pressler a donné, en soliste, à Tokyo, le 16 octobre 2017…

Ce dimanche 7 mai 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

En post-scriptum,

voici aussi, en précieux et très éclairant complément, un magnifique témoignage _ quelle splendide très simple humanité ! _ extrait de divers entretiens (à Waterloo, Tampere, Verbier, entre 2010 et 2012) de Bernadette Beyne avec Menahem Pressler, publié le jeudi 11 mai sur le site de Crescendo :

Hommage à Menahem Pressler : « la profondeur de la musique est plus que tout au monde ! »

LE 10 MAI 2023 par Bernadette Beyne

Décédé l’âge de 99 ans, le doyen des pianistes avait accordé une interview à Bernadette Beyne, co-fondatrice de notre média Crescendo.

Depuis la dissolution du Beaux-Arts Trio -il donnait son concert d’adieu au Festival Mendelssohn de Leipzig le 23 août 2009, Menahem Pressler multiplie les concerts, tantôt en récital, tantôt en concertos, tantôt en musique de chambre avec de jeunes interprètes.

Je me souviens l’avoir rencontré  à la Chapelle Musicale Reine Elisabeth peu après la fin du Trio et et lui avais demandé comment il envisageait son avenir. D’emblée, il m’avait répondu : « Je continue… Pressler and Friends ! ». Lorsqu’il était venu recevoir son « ICMA Lifetime Achievement Award » à Tampere (Finlande) en mai 2011, il arrivait de Bloomington (USA) où il avait enseigné après avoir joué en concert la veille à Paris. Il était arrivé à l’aéroport d’Helsinki où l’attendait une voiture pour l’emmener à Tampere où il déposa sa valise à la réception de l’hôtel pour rejoindre aussitôt la répétition en salle avec l’orchestre. Le soir, il jouait le Concerto Jeunehomme de Mozart lors de la soirée de gala, une beauté indiscible. Depuis, l’artiste accumule les prix, les concerts, les masterclasses. Récemment sont parus un DVD consacré à sa vie et un CD de Sonates de Schubert. Le 16 décembre dernier, il fêtait ses 90 ans. Tout récemment, on le rencontrait en récital à Liège… (lire la critique de François Mardirossian)…

– Que signifie pour vous la musique ?


La musique n’est pas seulement importante, elle est simplement tout pour moi : mon amour, ma vie, mon existence, ma profession. Rétrospectivement, cela signifie encore plus du fait de mon exil. Lorsque je me suis enfui d’Allemagne en 1938, tout mon environnement a changé d’un jour à l’autre. La plupart des gens n’ont aucune idée de ce que cela signifie d’avoir à quitter l’endroit où vous êtes né, où vous avez grandi, où tout est familier, pour arriver dans un pays où prévalent d’autres coutumes et une langue que vous ne connaissez pas. La seule chose qui n’avait pas changé, c’était la musique. Je me souviens très bien que lors de mon arrivé en Israël, j’ai eu des problèmes de nutrition et je perdais de plus en plus de poids. La seule chose qui m’a gardé en vie était la musique, ma compagne dans les bons et les mauvais moments… Elle était l’air que je respirais, les pensées, les émotions que je vivais… Et les émotions sont importantes parce que la musique est le langage de l’émotion. Personne mieux que Bach, Beethoven, Mozart, Schumann, Brahms,… ne comprennent ces émotions qui enrichissent tellement nos vies et, finalement, les rendent vivables.

– Quels événements ont été les plus mémorables dans votre long parcours ?


Inoubliables, les rencontres avec mes différents professeurs. Très important, le prix que j’ai gagné en 1946, au Concours Debussy de San Francisco. Mon professeur ne m’y avait pas envoyé pour gagner, mais juste pour voir si j’étais assez bon pour envisager une carrière de concertiste. Le jury présidé par Darius Milhaud m’a donné le premier prix. C’était pour moi une responsabilité écrasante !


Très importante aussi, ma rencontre avec Arthur Judson, le fondateur de la « Columbia Broadcasting System » (CBS ), qui m’a fait signer un contrat à long terme. Il m’a fait jouer avec Eugene Ormandy et l’Orchestre de Philadelphie. C’était mon premier concert aux États-Unis. J’ai joué le Concerto de Schumann et j’ai aussitôt obtenu un contrat pour quatre concerts dans les quatre saisons suivantes. C’était la deuxième fois seulement qu’un soliste signait un tel contrat dans l’histoire de l’orchestre.


Une troisième événement important, c’est la création du Beaux Arts Trio qui a été presque le fruit d’un accident. Je faisais alors beaucoup d’enregistrements en soliste pour MGM -Schumann, Prokofiev, Chostakovitch, Ernst Bloch, Milhaud,…- et je voulais enregistrer de la musique de chambre, je pensais aux Trios de Mozart. Le directeur de MGM était d’accord, mais je devais trouver les partenaires pour former un ensemble. A l’époque, il n’y avait pas réellement de Trios constitués, des solistes se réunissaient pour jouer ensemble, et il y en a eu de fantastiques ! Après la guerre, j’avais passé un été à travailler avec Robert Casadesus à Fontainebleau. Il m’avait fait rencontrer Daniel Guilet (1899-1990) un violoniste russe dont le nom de baptême était Gullevitch et qui avait travaillé au Conservatoire de Paris sous la direction d’Enesco ; il avait fait ses débuts avec le très réputé Quatuor Joseph Calvet. Sous l’occupation, il avait rejoint les Etats-Unis grâce à l’aide de Casadesus, ce qui lui a sauvé la vie. Guilet était très proche du violoncelliste américain, Bernard Greenhouse qui avait étudié à la Juilliard School et plus tard avec Emanuel Feuermann et Diran Alexanian puis, finalement, avec Pablo Casals dont il fut un des rares étudiants officiels avant de devenir son assistant à l’Ecole Normale Alfred Cortot. Guilet me l’a présenté, « juste pour jouer Mozart »… et, plus de trente ans plus tard, il était toujours là… C’est ainsi qu’a commencé l’histoire du Trio. Nous étions sensés réaliser seulement quelques enregistrements et dissoudre le Trio dès la fin du contrat. Pour nous préparer, nous avons donné une série de concerts pendant un mois, puis nous avons été invités, en remplacement, au Festival de Berkshire à Tanglewood, la résidence d’été de l’Orchestre Philharmonique de Boston. Nous avons joué Beethoven (op.1 n°3, op.70 n°1, l’ Esprit, et l’Archiduc op.97). Un vrai succès ! C’était le 13 Juillet 1955. A la fin de la saison, nous avons réalisé que nous avions donné 70 concerts de musique de chambre ! Et nous avons abandonné l’idée de dissoudre l’ensemble… Robert Casadesus nous a introduits en Europe et notre carrière s’est envolée… Casadesus disait qu’il n’avait plus entendu un tel Trio depuis Cortot-Thibaud-Casals… Il exagérait, bien sûr, mais son enthousiasme était authentique. Nous lui devons notre carrière. Robert a également composé un trio pour nous, nous étions très proches.


Un autre moment mémorable, c’ est le jour où on m’a offert d’être « Artiste en résidence » avec des tâches d’enseignement à l’ « Indiana University ». Tout d’abord, j’ai refusé ; puis j’ai accepté à condition de considérer mon engagement pour un semestre. J’ai donc essayé d’y enseigner… Aujourd’hui, 55 ans plus tard, j’y suis toujours. J’aime enseigner _ voilà! _ ; mes étudiants viennent de partout dans le monde ; ils sont comme mes enfants et la fierté de ma vie.
Ce sont les points forts, mais il y a aussi d’autres moments très importants comme par exemple mon mariage. Je suis marié depuis 65 ans et j’aime ma femme comme au premier jour. Il y a aussi eu la naissance de mes enfants…

"Transmettre à la jeune génération" - Ici, à Tampere, lors d'une soirée conviviale à l'occasion de la remise des ICMA, le "Jeune Artiste de l'Année", David Kadouch, aux côtés du "Lifetime Achievement"
« Transmettre à la jeune génération » – Ici, à Tampere, lors d’une soirée conviviale à l’occasion de la remise des ICMA, le « Jeune Artiste de l’Année », David Kadouch, aux côtés du « Lifetime Achievement »

– J’ai lu le livre de William Brown consacré à votre enseignement. Vous y dites notamment que la partition est très importante…


Oui, bien sûr, c’est là que tout se trouve, c’est là qu’il faut chercher le sens profond de la musique. L’enseignement a été est est toujours très important dans ma vie parce qu’il est la façon de transmettre la musique à la jeune génération et de l’aider à éviter les erreurs que l’on a faites soi-même. Tout le monde fait des erreurs ; mais si pouvez aider les jeunes à trouver en eux-mêmes combien la musique est importante à côté de la technique et de la compréhension des styles, si vous pouvez les aider à trouver le profond « feeling », la profondeur de la musique, c’est très important et ce n’est pas facile : comment pouvez-vous dire à quelqu’un quelque chose pour laquelle vous n’avez aucune explication concrète. C’est un véritable défi. A Bloomington, je peux choisir mes élèves et ne prendre un étudiant qu’après lui avoir parlé : savoir comment il se voit, comment il voit la vie. Et je trouve toujours exactement les valeurs qui étaient les miennes : travailler longtemps et longtemps pour pratiquer l’amour pour la musique, faire le sacrifice de soi, mettre sa volonté à l’épreuve et trouver la satisfaction en dépit de l’effort et de la solitude dans laquelle on se trouve. Ces personnes, j’ai confiance en elles. Il y a des enseignants qui sont satisfaits lorsque les élèves sont techniquement au point. Cela ne me satisfait pas. Si vous avez appris le piano techniquement, vous devez aussi apprendre mentalement, vivre la musique au plus profond de vous-même. Il y a bien sûr le « know how », l’habileté à jouer de l’instrument. Mais le musicien professionnel doit offrir à son audience ce qu’est réellement, profondément la musique, celle de Mozart, Beethoven, Ravel, Debussy, Schubert,… Là est la différence avec le musicien amateur qui peut s’adonner pleinement à ses émotions ; il est libre. Le musicien professionnel doit veiller à ce que les émotions soient sculptées comme un arbre, garder leur contrôle et les exprimer de manière à ce que tout le monde puisse les comprendre.

– Vous parlez de vos « erreurs ». Est-il indiscret de vous demander d’en parler ?


(sourire…) Dans la vie, nous procédons souvent par essais et erreurs. Si vous sentez que ce que vous essayez de penser et de faire n’est pas vous, il faut avoir le courage de dire : « Non, ce n’est pas moi ». Il faut continuer en prenant un chemin qui est parfois opposé ; mais il faut le faire. Cela ne veut pas dire « vouloir faire plus beau » ; c’est autre chose ; c’est être totalement en accord avec soi-même.

Dans le livre qui vous est consacré, vous parlez des pianistes « qui en rajoutent »…


Oui, mais je parle là de fantastiques pianistes… Horowitz… J’ai connu Horowitz. Quand je l’écoutais, ce n’était pas sa fantastique technique qui me séduisait mais la beauté de ce qu’il faisait quand il jouait Chopin. Pour Argerich, rien n’est difficile, elle fait tout ce qu’elle veut, c’est fantastique « of course »,… qui n’aimerait pas cela ? Mais la musique est plus que Horowitz, plus qu’ Argerich. Prenez une simple sonate de Mozart, de Haydn, il y a encore plus que la beauté, il y a toute la profondeur du sentiment humain. Nous avons été les premiers à jouer l’intégrale des Trios de Haydn et c’est une chose dont je suis fier et surtout heureux : d’avoir vécu l’expérience, de les avoir fait connaître et aimer. Pour cet enregistrement, notre Trio a obtenu un grand prix à Londres, un prix qui avait été attribué aux plus grands artistes du moment : Gilels, Horowitz, Rubinstein, Heifetz. Pour nous, c’était vraiment un grand honneur et une grande joie.

Au cours de votre longue carrière, le monde de la musique a beaucoup changé, parfois pour le meilleur, parfois pour le pire. qu’est-ce qui vous a le plus impressionné à cet égard ? Comment vivez-vous ces changements ?


Aujourd’hui, nous avons maintenant un public beaucoup plus large qu’au début de ma carrière, et c’est très important. La radio et la télévision nous permettent d’atteindre des millions de personnes. Il y a aussi beaucoup de nouvelles salles de concert, nous « conquérons » aussi de nouveaux territoires, je pense à la Chine, à l’Inde… Je regrette par contre que l’on ne pratique plus la musique comme avant dans les familles. Je regrette également que le travail de relations publiques joue un rôle dominant _ hélas. De moins bons musiciens ont parfois plus de succès que de grands musiciens, tout simplement parce que le public n’a plus les mêmes exigences qu’avant, parce que l’apparence est plus importante que le contenu, que l’émotion contenue dans la musique .

Vous jouez Mozart, un compositeur souvent associé à une grande « simplicité »…


Ce que vous appelez « simplicité » est ce qui donne tant de joie. Il fut un temps où les concertos de Mozart étaient rejetés par de nombreux pianistes. Le grand Arthur Schnabel disait que c’était dû au fait que de nombreux étudiants en musique trouvaient que Mozart était trop facile pour eux… Les musiciens expérimentés savent qu’il est très difficile _ en effet… _ de jouer un concerto de Mozart. Et croyez-moi, même les plus grands musiciens sont et ont été confrontés à de tels défis. Heifetz, le musicien le plus parfait, a dû se battre ; Horowitz a dû se battre… Il y a quelques exceptions, Rubinstein par exemple, merveilleusement doué par nature ; il avait une relation très naturelle avec la musique. La simplicité est en fait essentiellement la pureté _ voilà. Jouer un concerto de Mozart est toujours un défi. Mais si vous y arrivez, c’est un grand bonheur, comme un grimpeur qui atteint le sommet de l’Everest.

Tampere, le 5 avril 2011, Menahem Pressler a donné à son public le "Jeunehomme" de Mozart en compagnie de l'Orchestre Philharmonique de Tampere dirigé par Hannu Lintu
Tampere, le 5 avril 2011, Menahem Pressler a donné à son public le « Jeunehomme » de Mozart en compagnie de l’Orchestre Philharmonique de Tampere dirigé par Hannu Lintu

Comment un jeune pianiste peut-il arriver à une telle pureté ?


Pour les jeunes pianistes ce n’est pas facile, parce qu’ils veulent mettre un peu d’eux-mêmes dans la musique. Le jeune pianiste se demande ce qu’il peut apporter de lui-même dans une œuvre. Je lui conseille par contre de se demander : « Qu’est-ce que je peux faire de la musique qui est devant moi ? Comment puis-je au mieux la servir ? » _ voilà.

Quelle a été votre recette secrète de longévité du « Beaux Arts Trio »… 55 ans…


Le secret est sans doute dans la force de la première rencontre _ oui. J’ai tellement appris des personnes que j’ai rencontrées, et aucune ne m’a autant touché que Guilet. Un grand musicien mais il n’était pas la personne la plus facile pour répéter et pour travailler. Travailler avec lui, c’était le sang, la sueur et les larmes. Le secret réside aussi dans les relations interpersonnelles _ oui. Si vous voulez vraiment faire de la musique de chambre, vous faites appel aux sentiments de vos partenaires. Un faux accent peut être considéré comme une insulte. Le cours des choses sera discuté, bien sûr, les arguments seront échangés, mais le partenaire aura l’impression qu’il y a un manque de respect mutuel. Et croyez-moi, de toute petites choses peuvent conduire à la discorde. Il faut donc être très prudent tout en sachant ce que l’on veut vraiment _ voilà : tact et exigence partagée.

– Vous donnez ce soir le Winterreise de Schubert avec Christophe Prégardien. Comment cela se passe-t-il ?**
C’est la première fois que j’accompagne un chanteur : c’est pour moi une expérience passionnante ; j’apprends _ voilà _ énormément, je suis à l’affût de son chant, de sa respiration… _ oui.

– Etes-vous confiant dans le futur ?


Pas dans le futur du monde, son écologie, ses armes. Mais une chose dont je suis sûr, c’est que la musique est ce qui restera dans le futur.

Propos recueillis par Bernadette Beyne
Waterloo, Tampere, Verbier 2010 – 2012

* Indiana University Press – Bloomington and Indianapolis, 2009
** c’était à Verbier en juillet 2012

Crédits photographiques : Martin Hoffmeister / ICMA

C’est magnifique d’humanité la plus vraie.

Pour préciser et approfondir un peu l’écoute du très intéressant CD « François Couperin _ the Sphere of Intimacy » de Christophe Rousset et ses Talens lyriques, avec le ténor Cyrille Dubois…

25avr

Afin d’approfondir un tantinet davantage l’écoute du très intéressant CD « François Couperin _ the Sphere of Intimacy » de Christophe Rousset et ses Talens lyriques, avec le ténor Cyrille Dubois _ soit le CD Aparté AP 281 _,

telle que commencée à aborder le 14 janvier dernier en un article mien un peu trop rapide :

« « ,

je désire y revenir davantage,

avec cet article-ci, en date du 20 avril dernier, lui,

et intitulé « Couperin chez lui« ,

de Jean-Charles Hoffelé sur son site Discophilia :

COUPERIN CHEZ LUI

« Couperin intime » ? Pléonasme _ bien sûr ! Quasi tout chez Couperin ressort du soi _ le plus intime et délicat _, d’un univers intérieur qui entrouvre _ légèrement, sans la moindre pesanteur aucune, jamais… _ sa porte, clavecin, orgue, il faudra y ajouter les Airs, si rarement _ en effet _ enregistrés, non pas coulés dans l’abondante source des airs de cour, mais bien dans un autre registre _ plus personnel _, même si les airs sérieux en reprennent parfois les canons, Couperin jouant la carte du simple _ oui _ contre les raffinements qui les avaient envahis.

Rien de plus naturel, de plus évident, que les six Airs sérieux mâtinés de références antiques, on s’imagine bien devant le ton intime que leur donne Cyrille Dubois, Couperin les chantant, s’accompagnant lui-même au clavecin. C’est_ très _  heureux de les chanter ainsi, sans maniérisme jusque dans les ornements qui décorent la délicate Brunette (« Zéphire, modère en ces lieux »), couchant les notes dans les jolies poésies des textes, de les faire sans façon.

Les pièces de clavecin tirées du cahier que Ballard publia en 1707 leur font écho, portraits _ eux aussi délicats _ avant tout de silhouettes féminines brossés avec poésie et tendresse _ voilà _ par Christophe Rousset, comme pour faire écho aux poésies galantes des Airs, les trois Sonates fatalement moins ; tout écrites pour la chambre qu’elles soient, elles élargissent _ davantage _ l’horizon, le petit clairon de hautbois et de violon de La Steinkerque surtout, mais elles sont si finement _ oui _ réalisées et s’ajoutent avec bonheur à une discographie plutôt mince, mettant un émouvant nuancier à ce disque soudain versicolore _ voilà.

LE DISQUE DU JOUR

The Sphere of
Intimacy

François Couperin
(1668-1733)


Les Pèlerines. Air sérieux, 1712
« Qu’on ne me dise plus ». Air sérieux, 1697
La Sultane. Sonate en quatuor, ca. 1695
« Doux liens de mon cœur ». Air sérieux, 1701
La Pastorelle. Air sérieux, 1711
« Doux liens de mon cœur ». Air sérieux, 1701
La Superbe. Sonate en trio, ca. 1695
Les Solitaires. Air sérieux, 1711
Brunette. Air sérieux, 1711
La Steinkerque. Sonate en trio, ca. 1692
« Souvent dans le plus doux sort ». Air à boire
etc.

Cyrille Dubois, ténor
Les Talens Lyriques
Christophe Rousset, direction

Un album du label Aparté AP281

Photo à la une : le claveciniste et chef Christophe Rousset –
Photo : © Eric Larrayadieu

Une très réussie réalisation discographique, donc…

 

Ce mardi 25 avril 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

En forme de codicille à mon récent article sur le « Galerie des Glaces » de Karol Beffa, ce courriel à lui adressé…

18fév

 

ce courriel à lui adressé :
Cher Karol,
je reviendrai forcément sur ton splendide « Galerie des Glaces »,
en dehors ce ce qui à mon oreille, trop circonstanciellement, a pu l’apparenter d’abord pour moi à la « Musica callada » de Mompou interprétée par Stephen Hough, qui venait en effet de m’impressionner…
 
Car, bien plus fondamentalement, tout est succulent jeu de diffractions et rappels merveilleusement irisés d’amples souvenirs
dans cet assez idiosyncrasique « Galerie des Glaces » aux mille reflets de vie,
en ce simple moment du milieu (en septembre 2020) de ta profuse riche vie…
 
Francis
Soit une splendide musique magnifiquement diffractée,
et qui, comme directement, vient converser en toute simplicité avec nous tous…
Ce samedi 18 février 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

 

Benjamin Alard « dans la lumière de Bach », ou l’art tout à fait humble de la très simple et pure spontanéité : un passionnant entretien d’un merveilleux interprète ouvert, intelligent et honnête…

29jan

En quelque sorte en complément à mon article enthousiaste du 21 janvier dernier «  » à propos de la réalisation enchanteresse en concert à Madrid (et à l’enregistrement live qui en a été fait en CD _ le CD Marchvivo MV 007 _),

le site ResMusica vient de publier, le 25 janvier dernier, un passionnant entretien de Cécile Glaenzer avec Benjamin Alard, très simplement intitulé « Rencontre avec Benjamin Alard : dans la lumière de Bach« , à propos, surtout, de son extraordinairement belle entreprise discographique en cours d’interprétation _ magistrale et hyper-vivante !!! _ de tout l’œuvre pour claviers _ au pluriel : clavecins, orgues, clavicordes, etc.  _ de Johann-Sebastian Bach…

Voici donc ce très bel entretien _ avec quelques farcissures miennes, en vert _ :

Rencontre avec Benjamin Alard, dans la lumière de Bach

Depuis 2019, l’organiste et claveciniste Benjamin Alard s’est lancé dans ce qui représente un véritable Graal pour beaucoup de musiciens : l’enregistrement de l’intégrale de l’œuvre pour clavier _ au pluriel, donc ! _ de Johann Sebastian Bach. Sept volumes _ chacun de plusieurs CDs ! _ d’une collection qui devrait en comprendre dix-sept sont déjà parus. La grande originalité de cette entreprise est qu’elle fait alterner les trois instruments à clavier pour lesquels Bach a écrit : l’orgue, le clavecin et le clavicorde.

ResMusica : Comment se construit un tel projet? Aviez-vous une idée de l’ensemble au départ, ou empruntez-vous des chemins de traverse ?

Benjamin Alard : Il y a d’abord eu un projet en 2010 avec le label Alpha, _ et Jean-Paul Combet _ qui a commencé avec l’enregistrement de la Clavier-Übung I et II, et qui devait être _ voilà ! _ une intégrale des œuvres pour clavier de Bach éditées à son époque. Mais ce projet n’est pas allé au-delà de ces deux premiers volumes. Après une période d’interruption, je me suis alors tourné vers un programme qui suivrait une trame chronologique autour des dates-clefs de la vie de Bach. Ce projet a peu à peu évolué, passant de quatorze volumes prévus à dix-sept volumes de trois ou quatre CD _ chacun, voilà. Ce qui a guidé mes choix, c’est à la fois la chronologie de la vie de Bach et les références _ aussi _ aux compositeurs antérieurs qui ont pu l’influencer. Il me semblait important de me laisser guider par les évènements marquants de sa biographie : perte des êtres chers, rencontres, naissances, éducation de son fils aîné … C’est ainsi que dans les premiers volumes, on entend des musiques de Buxtehude, Pachelbel, Grigny, Frescobaldi et beaucoup d’autres, pour comprendre ce qui fait le lit musical de ses jeunes années _ et c’est assurément important. Et plus il avance dans sa vie, plus il va développer un style qui lui est propre.

« Cela prend du temps de réussir à s’affirmer complétement et d’être suffisamment libre pour oser des choses »

RM : La question du choix des instruments est particulièrement passionnante _ évidemment _ pour ce répertoire. Les chemins de traverse, cela peut être la rencontre avec un instrument auquel vous n’aviez pas pensé a priori. 

BA : Oui, c’est très juste. Par exemple, je n’avais pas imaginé enregistrer le clavierorganum (instrument qui réunit un orgue et un clavecin sur le même clavier). C’est une rencontre avec cet instrument si particulier à l’occasion d’un concert à la Cité de la Musique qui m’a fait découvrir la richesse de ce mélange de timbres pour la polyphonie, puisqu’on peut à la fois tenir les sons (orgue) et les rendre très clairs (clavecin). On ne sait pas si Bach a joué ce type d’instrument, mais ça m’est apparu très intéressant. Bien sûr, c’est un risque d’emprunter des chemins aussi inhabituels, mais c’est aussi ce qui fait la force d’une rencontre avec un instrument _ oui ! Et j’ai la chance que le label Harmonia Mundi me suive dans ces expérimentations. Il y a eu aussi le clavecin à pédalier et, dans le prochain volume, le clavicorde à pédalier, une autre véritable rencontre. Je voulais surtout éviter de faire une intégrale « encyclopédique » ; ce qui m’importe est d’apporter une écoute différente, et aussi de contextualiser les œuvres _ voilà. Il faut se rappeler qu’à l’époque de Bach, l’orgue n’était pas utilisé aussi souvent, il fallait la présence d’un souffleur, c’était un luxe exceptionnel. Donc, la fréquentation des instruments domestiques _ oui ! _ comme le clavecin ou le clavicorde munis de pédalier était primordiale. Rappelons nous aussi que ces œuvres n’étaient pas faites pour être entendues en concert _ oui. Le concert, c’est comme la fréquentation d’un musée, les œuvres y sont décontextualisées.

RM : Avez-vous une totale liberté dans le choix des instruments?

BA : Oui, je me sens très libre dans cette aventure. Le dialogue avec la maison de disques est très important pour la question des instruments. Harmonia Mundi me fait confiance _ c’est bien. Par exemple, pour l’enregistrement du Clavier bien tempéré, la rencontre avec l’extraordinaire clavecin Haas, qui est un peu comme un véritable orchestre, avec des possibilités de registrations si nombreuses, cela permet une nouvelle approche des Préludes et Fugues. Je dois beaucoup à la rencontre avec les instruments, les facteurs et aussi les lieux _ oui. C’est un gros risque, parce que parfois je n’avais pas prévu d’enregistrer une pièce de cette façon, et il me faut changer des choses en fonction de l’instrument.

RM : Vous aviez déjà enregistré plusieurs disques consacrés à JS Bach il y a plus de dix ans, en particulier les sonates en trio et la Clavier-Übung dont on a parlé. Avez-vous évolué dans votre approche ?

BA : Oui, bien sûr. En ce qui concerne les sonates en trio que j’avais enregistrées à l’orgue, je les ai jouées ici sur le clavecin à pédalier ou le clavicorde à pédalier, ça donne forcément autre chose. En ce qui concerne les registrations à l’orgue, on ne sait pas vraiment comment on registrait à l’époque _ voilà. Tout est basé sur le « bon goût » et le choix de l’interprète. Pour les Partitas et le Concerto italien, j’avais enregistré un clavecin d’Anthony Sidey dont je n’avais pas utilisé toutes les possibilités à l’époque, en particulier un jeu de nasal dont je n’avais pas osé me servir. Cela prend du temps _ certes ! _ de réussir à s’affirmer complétement et d’être suffisamment libre pour oser des choses _ et pareille simplicité de franchise fait très plaisir à constater... Je pense qu’avec ce projet j’avance dans les découvertes, je mûris _ bien sûr ! Et c’est très bien !


RM : On vous imagine volontiers comme un musicien nomade, allant à la découverte d’instruments rares. Comment cette familiarité avec Bach oriente-t-elle le choix de vos programmes de concerts?

BA : Souvent, on me demande de ne faire que ça. J’essaie toujours d’associer Bach à autre chose _ bravo ! _, de susciter des rapprochements. Bach fascine, mais il peut être complexe à écouter pour le public, et il peut être intéressant de faire entendre autre chose avant pour aider l’écoute _ oui _ et permettre de contextualiser _ voilà, voilà ! _ les œuvres de Bach et les rendre plus faciles à entendre. A ce propos, je voudrais évoquer la question de l’enregistrement. Aujourd’hui, beaucoup de concerts sont enregistrés, soit pour être archivés, soit pour se retrouver en ligne. C’est parfois difficile d’accepter ça. Il y a deux ans _ le 1er février 2020, à Madrid _, j’ai joué en concert un programme consacré à la famille Couperin, concert enregistré ; on m’a demandé par la suite d’éditer un disque avec cet enregistrement et, après l’avoir réécouté, j’ai accepté _ merci ! et l’enregistrement est mafnifique _ et ce disque va sortir prochainement _ il est sorti ; cf mon article du 21 janvier, cité plus haut. Le rapport à l’enregistrement a énormément changé aujourd’hui où tout le monde peut s’enregistrer facilement. Qu’on soit d’accord ou non, il y a un changement qui est maintenant bien établi. Ce projet m’a permis de complètement changer mon rapport à l’enregistrement.

« Ce n’est pas un problème de laisser certaines imperfections, c’est la vie, ça laisse une plus grande sincérité musicale »

RM : De quelle façon?

BA : Avant, à l’époque de mes premiers disques, il y avait le directeur artistique qui avait une empreinte forte sur l’enregistrement. Pour un disque, on disposait en gros d’une semaine d’enregistrement, c’était très confortable, il suffisait de faire confiance au directeur artistique. Peu à peu, pour des raisons principalement économiques _ de plus en plus pesantes et pressantes _, le directeur artistique et l’ingénieur du son sont devenus une seule et même personne, et la démarche est devenue plus analytique : on faisait une première prise, on écoutait, on discutait, on recommençait, on détaillait beaucoup. Aujourd’hui, lorsque je réentends mes disques d’il y a dix ans, comme la Clavier-Übung, je leur trouve ce côté analytique, moins spontané. J’ai laissé reposer tout ça, je n’ai plus enregistré que des disques en live _ voilà. Et quand il a été question de reprendre le projet d’intégrale, les conditions avaient beaucoup changé, je me suis retrouvé avec une semaine d’enregistrement pour trois ou quatre disques ! On a dû travailler vite, et j’ai expérimenté de nouvelles méthodes, comme d’enregistrer avec un casque sur les oreilles, ce qui m’a permis de me diviser en deux, d’avoir une oreille extérieure en même temps que le musicien s’exprime. On gagne beaucoup de temps. Cette manière de m’approprier ainsi le travail d’enregistrement _ voilà _, en parfait accord avec Alban Moraud (le preneur de son), permet de bien avancer. Cela demande un travail préparatoire colossal, mais on enregistre six disques en deux semaines _ mazette ! Et le résultat qui en ressort est plus vivant, plus spontané _ c’est très bien ! _, moins aseptisé. On corrige moins de détails, et l’ensemble gagne en patine. Plus on corrige, plus on risque de déstabiliser l’ensemble. Ce n’est pas un problème de laisser certaines imperfections, c’est la vie _ exactement ! _, ça laisse une plus grande sincérité musicale _ oui. C’est comme une photographie argentique où un petit défaut donne une âme à la photo alors que le numérique, avec sa définition trop parfaite, risque d’enlaidir parce qu’on découvre ce que l’œil ne voit pas _ excellente comparaison.

RM : Le dernier volume paru remet les chorals de l’Orgelbüchlein en situation : des préludes de choral qui introduisent la version chantée des textes luthériens. Comment avez-vous conçu ce programme original ?

BA: Ce travail a été initié avec Marine Fribourg il y a quelques années à Arques-la-Bataille, avec les chorals du Catéchisme. Pour l’Orgelbüchlein, il s’agit pour le compositeur de montrer ce qu’on peut faire à partir d’un choral, mais ça reste des préludes de chorals _ voilà _ destinés _ tout simplement, et très fonctionnellement… _ à introduire le chant d’assemblée. Il me paraissait donc important de connecter _ mais oui ! _ ces chorals avec la version chantée. Le chant du choral est au cœur _ mais oui _ de la foi luthérienne. J’ai choisi d’improviser l’accompagnement pour garder la spontanéité _ excellent ! _, et d’enchaîner le prélude et sa version chantée, comme au culte _ voilà. Après une première session avec l’ensemble Bergamasque, je me suis dit qu’il était indispensable de faire aussi appel à des voix d’enfants, comme c’était le cas à l’époque, et nous avons fait ce travail avec les enfants de la maîtrise de Notre-Dame. C’est très intéressant, parce que c’est l’orgue _ voilà _ qui donne l’impulsion _ c’est-à-dire l’élan de l’enthousiasme. Il y a eu un beau travail d’Alban Moraud pour reconstituer le son d’une assemblée, et c’est très réussi.

RM : Vous êtes pratiquement à la moitié du projet. Comment imaginez-vous la suite ?

BA : Avec le même appétit musical  _bravo ! _ que depuis le début ! Et en me laissant surprendre _ mais oui : accueillir ce qui vient et survient. Par exemple, je ne m’attendais pas à ce que le clavicorde apparaisse aussi tôt dans le déroulement de l’intégrale, c’est un peu la faute des mois de confinement _ forçant à la pratique la plus intime de la musique… Pour la suite, il y aura peut-être _ qui sait ? _ des instruments inattendus, utilisés de manière inattendue. Dans les prochains volumes, il y aura un chanteur pour une cantate en italien. Et puis la première version _ Wow ! _  du cinquième concerto brandebourgeois. J’espère pouvoir associer au projet des œuvres de musique de chambre _ mais oui _ et de petites cantates _ comme cela se pratiquait quasi au quotidien dans le cercle familial des Bach... _, pour montrer l’influence _ qui en résultait _ sur la musique de clavier. Avant tout, c’est l’écoute qui me guide. Je ne veux pas tout décider à l’avance _ bravissimo !!!

Crédit photographique : © Bernard Martinez

 

Un superbe entretien

avec un musicien magnifique, merveilleux, parfaitement honnête, ainsi que très intelligent…

Déjà accompli. Et c’est loin d’être fini…

Immense merci !

Ce dimanche 29 janvier 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

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