Posts Tagged ‘Suites

Musique et peinture en vrac _ partager enthousiasmes et passions, dans la nécessité et l’urgence d’une inspiration

21mar

Beaucoup d’articles en suspens, à l’écriture réservée, mise en quelque sorte sous le coude, dans l’attente de davantage de disponibilité à l’écoute d’une authentique inspiration-respiration (pour l’écriture d’un article : on n’écrit ni n’importe comment ; ni n’importe quand ! il faut que la rencontre de l’énergie et de l’inspiration, face à l’objet, face à l’œuvre, soit bien là !!! et puisse « se donner » au partage, par l’écriture…).

Par exemple, demeurent ainsi « en attente » (de rédaction) un article sur le superbe album « Hammershøi« , par Felix Krämer, Naoki Sato, et Anna-Birgitte Fonsmark, aux Éditions Hazan (paru au mois de septembre 2008 ; et à l’occasion d’une exposition rétrospective de l’œuvre de Vilhelm Hammershøi (1864-1916) à la Royal Academy of Arts, à Londres et au National Museum of Western Art, à Tokyo, de juin à septembre, puis septembre à décembre 2008) ;

ou un autre sur le passionnant (!) travail de peinture _ en cours, lui : une très grande découverte, pour moi ! allez très vite y regarder !!! _  de « Didier Lapène« , aux Éditions Le Festin, à l’occasion d’une exposition panoramique très complète de l’œuvre réalisé à ce jour par ce jeune artiste, du 18 décembre 2008 au 31 mars 2009  _ il est encore temps de s’y rendre et de la découvrir sur les cimaises !_ au Musée des Beaux-Arts de Pau, par Guillaume Ambroise, Vincent Ducourau, Dominique Vasquez, Jacques Battesti, Olivier Ribeton et Dominique Dussol, aux Éditions Le Festin (paru au mois de décembre 2008).

Deux albums de peinture tout à fait « essentiels », si je puis dire ; et qui nous « parlent » de ce que « peindre » continue, pour un artiste-plasticien, de « vouloir dire »…

Vilhelm Hammershøi, artiste danois, né le 15 mai 1864 et mort le 13 février 1916 à Copenhague ; et Didier Lapène, artiste français (et gascon), né le 20 mai 1964 _ exactement un siècle plus tard que Vilhelm Hammershøi _, à Aureilhan, Hautes-Pyrénées, et demeurant dans les Pyrénées-Atlantiques ; à Biarritz tout particulièrement…


De même pour pas mal d’articles de musique

« s’impatientant »…

Ainsi me suis-je promis _ peut-on, dixit l’ami Charles Ramon, ou ne peut-on pas, se faire une promesse à soi-même, seul, ou devant témoins ? peut-on, dixit l’ami Jean-Philippe Narboux, se faire un cadeau à soi-même ? : ce furent des questions, l’autre soir, au dîner convivial qui a suivi la conférence de l’amie Sophie Guérard de Latour (« De la citoyenneté multiculturelle à la république des différences« , à la Bibliothèque municipale de Bordeaux, le mardi 17 mars) _ ;

ainsi me suis-je promis de consacrer quelques articles à quelques grands CDs de musique :

d’abord, le très beau CD Alpha Rameau « Que les mortels servent de modèles aux dieux…« , une « suite » composée d’extraits des opéras « Zoroastre«  (« Opéra en cinq actes Représenté pour la première fois par l’Académie Royale de Musique, le 5 décembre 1749 et remis au Théâtre le mardi 4 Janvier 1756 » sur un livret de Louis de Cahusac), et « Zaïs«  (« Pastorale héroïque » de Jean-Philippe Rameau, composée, elle aussi, sur un livret de Louis de Cahusac : « la pièce comporte un prologue et quatre actes ; et a été créée à l’Académie Royale de Musique le jeudi 29 février 1748« ) ; qu’interpète, cette riche « suite » _ tout en contraste de « couleurs » : côté « ombres », pour « Zoroastre » ; côtés lumières, pour « Zaïs« … _, l’Ensemble Ausonia, que dirige l’excellent Frédérick Haas (avec Mira Glodeanu, comme premier violon et « maître de concert« ) ; et Eugénie Warnier, soprano, et Arnaud Richard, basse _ tout à fait convaincants ! :

un choix très intelligent et fort judicieux de pièces orchestrées et chantées (et dansées !!!)

_ de la part de Frédérick Haas : cf ses choix, déjà remarquablement « intelligents », pour nous faire entrer avec délicatesse et clarté dans le massif si richement diapré et infiniment subtil et simple, tout à la fois, des « pièces de clavecin » (et les « Ordres« ) de François Couperin (CD Alpha 136 « Pièces de clavecin des Livres I & II » de François Couperin) _

qui nous donne enfin à ré-entendre un peu (!) de la musique de scène, sublime _ avec orchestres, solistes (aux deux créations, chantaient les très grands Jélyotte et Marie Fel : lui de Lasseube, en Béarn _ entre Oloron et Pau _ ; elle, bordelaise…) ; n’y manque (un tout petit peu) qu’un (petit) aperçu des chœurs, très heureusement présents, aussi, dans ces œuvres scéniques si festives… _ de Jean-Philippe Rameau :

quelle peine, voire quel scandale, de le (= l’œuvre de Rameau) donner _ sur la scène, à l’opéra, au concert et au disque _ si peu !.. Au moins, ce CD répare-t-il un brin pareille injustice !…

J’annonce aussi, ici, de futurs « aperçus » sur des CDs mettant merveilleusement en valeur deux très grands musiciens de « style français », venus, tous les deux, et chacun, du cœur de l’Europe centrale et orientale _ quand la France rayonnait de ses Arts… _ :

Georges Enesco et Bohuslav Martinů !

un magnifique CD de la musique du très grand Georges Enesco (Liveni, en Roumanie, 19 août 1881 – Paris, 4 mai 1955) : le CD « String Octet & Violin Sonata N°3 » de George Enescu _ en une magnifiquement inspirée version pour orchestre de Lawrence Foster, pour ce qui concerne ce chef d’œuvre qu’est l’Octuor (opus 7 _ il fut achevé de composer le 5 décembre 1900), par l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo, que dirige Lawrence Foster, et Valeriy Sokolov, violon, et Svetlana Kosenko, piano : un CD Virgin Classics 50999 519312 2 2 _ quel immense chef d’œuvre que cet « Octuor » !!! ;

ainsi qu’un tout aussi magnifique double CD (+ un DVD) Bohuslav Martinů (né le 8 décembre 1890 à Polička, en Bohême, mort le 28 août 1959 à Liestal, en Suisse) : le CD Alpha 143 « H.36«  _ c’est son titre _, par l’Ensemble Calioppée, avec Karine Lethiec à la direction artistique,

et comportant l’inédit _ et pour cause ! _ « Trio à cordes n°1 _ H. 136« , ainsi numéroté au catalogue des œuvres de Martinů par Harry Halbreich (honorant, aussi, de sa présence le très beau DVD d’Olivier Segard présentant la découverte de cet opus disparu, de 1924, en l’occurrence le manuscrit original de Martinů, perdu (détruit ? ou volé ? lors de l’occupation de la Tchécoslovaquie par les nazis…), ayant été tout récemment retrouvé par hasard à la bibliothèque de Copenhague par la musicologue tchèque Eva Velicka) _ ; le sextuor « Musique de chambre n°1 (Fêtes nocturnes) _ H. 376« , de 1959 ; le « Quatuor avec piano _ H. 287« , de 1942 ; et le « Quintette à cordes _ H. 164« , de 1927 :

soit une « coupe » merveilleusement parlante (et chantante) de l’œuvre de musique de chambre de Martinů, au fil de ses années, de 1924 à 1959 ; et supérieurement représentative de son « goût français » : goût pour lequel Martinů était tout spécialement venu à Paris, se présentant « le 15 octobre 1923 chez Albert Roussel«  :

« Prévu pour trois mois, son séjour s’étendit à dix-sept ans _ précise le livret, page 13, sous la plume de Harry Halbreich _, jusqu’à ce que l’invasion de la France par les nazis le chassât vers l’exil américain. Plus tard, il devait expliquer : « Je ne suis pas allé en France pour y chercher mon salut, mais pour y vérifier _ on lit bien ! _ mes opinions. Je n’y ai cherché ni Debussy _ disparu le 25 mars 1918 _, ni l’impressionnisme _ musical _, mais les vrais fondements de la culture occidentale _ rien moins !!! _, qui à mon avis correspondent bien à notre propre caractère national _ tchèque _ qu’un labyrinthe de suppositions et de problèmes. » « Il voulait désigner par là la conception expressionniste et métaphysique d’essence germanique« , commente Harry Halbreich… Ce qui nous éclaire parfaitement sur le rayonnement alors du « style français »…

Enfin,

une toute récente découverte _ de pur plaisir _ et à quel degré ! _ :


le CD « Concerti & Ouvertüren«  _ rien que le mélange des langues (italien, français, allemand) dans ce terme d' »Ouvertüren » (!) est significatif de l’élégance d’une grande époque (de notre Europe) et de l’auteur remarquable que fut le compositeur Johann-Friedrisch Fasch (né à Buttelstädt, près de Weimar, le 15 avril 1688 et décédé à Zerbst le 5 décembre 1758) _ de Johann-Friedrich Fasch,

par le Kammererorchester Basel, que dirige exquisément, de son violon, Julia Schröder _ et avec le trompettiste Giuliano Sommerhalder, pour un concerto de trompette délicieusement virtuose… :

un CD Deutsche Harmonia Mundi 88697446412.

C’est là une musique festive pour la très brillante _ et délicate ; et délicieuse… _ cour des Princes d’Anhalt-Zerbst, en leur résidence de Zerbst _ dont le château a, malheureusement, été complètement détruit en 1945 : Fasch y avait été « maître de chapelle« , de 1722 à sa mort, en 1758 ; et le catalogue des œuvres de Fasch comporte à ce jour 96 « Ouvertures » et 68 « Concerti« … _ ; ou pour la plus brillante cour, encore _ royale !!! (deux princes-électeurs de Saxe ayant été successivement élus rois de Pologne aussi, alors : et ce fut l’apogée de la Saxe !) _, de Dresde _ ville dont on sait la terrible destruction lors du bombardement qui eut lieu du 13 au 15 février 1945 : « la ville fut pratiquement entièrement détruite par la Royal Air Force britannique et l’United States Army Air Forces » : cf le témoignage de Victor Klemperer en son (indispensable !!!) « Journal« ...


Cette musique de joie de Fasch est magnifiquement servie ici par une interprétation qui sait en rendre toute la vie _ les rythmes, les couleurs : dans les « suites » que sont les « Ouvertüren« , tout particulièrement : « à la française » ! _, et toutes les grâces. Quant au « Concerto » pour violon de ce CD _ en ré majeur, FWV L:D4a _, il fut écrit tout exprès pour Johann-Georg Pisendel (1687 – 1755), l' »élève » en Saxe de Vivaldi : à partir de janvier 1712 et jusqu’à sa mort, Pisendel travailla à la Chapelle de la Cour de Saxe à Dresde, d’abord comme violoniste, puis _ à compter de 1728 _ comme Kappelmeister ; le plus important des voyages qu’il fit pour se perfectionner, fut celui qui le mena en Italie en 1716 et 1717 : il put passer une année à Venise aux frais de son prince, et s’y lia d’une profonde amitié avec Antonio Vivaldi… Telemann, Bach, Vivaldi et le goût français _ soient « les Goûts réunis » de François Couperin… et Georg-Philipp Telemann _, étaient alors en verve, tant à la cour royale de Dresde qu’à celle, princière, de Zerbst-Anhalt… Des musiques qui, ainsi interprétées, n’ont certes pas pris une ride…

Je recommande donc très vivement, et en cette interprétation-là, cette « musique » toute de joie…


Titus Curiosus, ce 21 mars 2009

Douceur (de la musique) française _ ou pas

30jan

En partie, on va le découvrir, « à contrechamp » de ma série d’articles sur la musique française _ ou de goût (ou style) français _,

voici deux passionnantes et magnifiques productions (de CDs) :

un double CD Sanctus (marque américaine) : « Six Sonatas for violoncello and continuo, opus 3 » de Carlo Graziani _ né (à une date inconnue) à Asti, et mort en 1787 à Postdam _, interprétées par l’excellentissime violoncelliste Antonio Meneses _ cello _& les continuistes Rosana Lanzelote _ harpsichord _ et Gustavo Tavares _ cello, too, but at continuo _ ;

en un (double, pour 91 minutes) CD Sanctus SCS 002/003, enregistré au « Studio 3 of the Swedish Broadcastin Corporation« , à Stockholm du 26 au 29 octobre 1994 : un bijou…


Et un CD Oehms Classics (de marque allemande) : « The ENIGMATIC ART of Antonio and Francesco Maria Veracini« , une série de « Sonatas« , des « plus importants représentants de l’Ecole florentine de violon » _ tant au niveau du jeu interprétatif, que de la composition _, l’oncle, Antonio, et le neveu, Francesco Maria : Veracini, tous deux (1659-1733, pour l’oncle ; 1690-1768, pour le neveu) ; interprétées par, au tout premier chef, en violon _ Barockvioline _ soliste, Rüdiger Lotter ; et l’ensemble Lyriarte, constitué ici de Dorothée Oberlinger, à la flûte à bec _ Blockflöte _ ; Axel Wolf, au luth _ Laute _ ; Kristin von der Goltz, au violoncelle _ Barockcello _ ; et Olga Watts, au clavecin _ cembalo _ : un non moins très remarquable CD Oehms Classics OC 720 , enregistré les 14, 17, 18 & 19 décembre 2007 à la Himmelfahrtkirche de München-Sendling : une petite merveille de finesse…

Les données biographiques sur Carlo Graziani demeurent à ce jour très lacunaires : sa naissance à Asti, nous l’induisons de sa signature « Astignano » : « d’Asti  » ;

et « on ignore« , donc, « toujours où il demeura jusqu’au moment où _ comme bien d’autres musiciens de la péninsule italienne franchissant les Alpes pour faire carrière ailleurs que chez eux, alors _ on le retrouve à Paris, où en 1747 il joua au « Concert Spirituel«  _ fondé en 1725 : sur cette institution cruciale pour l’Histoire même de la musique (en Europe), cf le riche et passionnant travail de Constant Pierre : « Histoire du Concert Spirituel (1725-1790)« , aux Éditions Heugel en 1975, réédité en 2000.

Lequel « Concert Spirituel », « en instaurant le concerto solo« , « contribua beaucoup à attirer des musiciens étrangers en France, où ni l’église ni l’opéra ne donnaient une chance au virtuose _ instrumentiste _, comme c’était le cas _ aussi ! _ en Italie » : « l’artiste soliste _ de talent _ n’avait _ guère _ d’autre choix _ tant économique qu’artistique : de « carrière » _ que celui de s’adresser à la salle de concerts publique.« 

De plus :

« en outre, comme le concerto solo avait aussi peu de possibilités d’évoluer en dehors du cadre _ et des genres : principalement les « suites » (genre français par excellence) _ ;


en dehors du cadre français d’origine, il fallait _ à l’interprète _ se tourner vers l’étranger _ surtout l’Italie _ pour des modèles _ de composition… De cette façon, la nouvelle organisation attirait des virtuose de toute l’Europe, (…) encourageant ainsi l’essor du concerto solo en France.« 


C’est ainsi que Graziani, après son succès au « Concert spirituel » en 1747, « fut engagé pour jouer dans l’orchestre du marquis de la Pouplinière, où il était premier violoncelliste avec un cachet annuel de 1 200 livres« .

Et « le 14 décembre 1758, Graziani obtint une bourse de dix ans pour « la musique instrumentale. Cette année coïncid(ant) avec la composition de son premier recueil de « Sonates pour violoncelle avec contrebasse » (opus 1).«  Ainsi « Graziani contribua (-t-il) à développer le style français de musique « galante ». Il introduisit _ aussi _ en France les rythmes iambiques, les motifs de « chasse » et les trilles que l’on retrouve dans les « Sonates » parisiennes opus 1 et opus 2 pour violoncelle et basso continuo (1758), dix ans avant que les compositeurs français ne commencent à les utiliser _ à leur tour (et à sa suite) _ dans leurs œuvres. A cette époque, un style musical européen plus vif et plus varié _ « galant » _ apparut qui reflétait le goût du jour pour le plaisir et les festivités.

Ce nouveau style remplaça lentement mais surement la pompe et la solennité des années précédentes par une musique pleine de gaîté et de frivolité. De courtes compositions basées _ encore _ sur des pas de danse _ mais nouvelles : la France est aussi le pays par excellence de la danse ! _ ne cesssaient de gagner en popularité ; et les « allemandes » et « sarabandes » _ des « suites » du passé (depuis plus d’un siècle : vers 1640… ; à peu près vers l’arrivée de Froberger à Paris…) _ se libéraient de la gravité intellectuelle qui les avaient caractérisé lors du siècle précédent. » Ainsi « un style plus « galant » limita (-t-il) la basse à un rôle plus modeste _ au sein, ou en dehors, du continuo. C’était l’âge d’or du menuet qui, par sa grâce délicate, résume ce style nouveau _ présent aussi, alors, chez Jean-Chrétien Bach et Wolfgang Amadeus Mozart…


Mais en décembre 1762, suite à la mort de soin mécène _ La Pouplinière _, l’orchestre fut dissous ; et Graziani, sans travail, dut quitter Paris

_ non sans avoir été marqué par ces influences françaises : en profondeur, et durablement ; ainsi que cela s’entend si bien en l’opus berlinois…


Graziani commence alors une nouvelle vie, comme violoncelliste virtuose itinérant, jouant dans de nombreuses capitales européennes. Le 17 mai 1764, il se trouve à Londres (…) il rencontra le jeune Wolfgang Amadeus Mozart. (…) En 1770, on le retrouve à Francfort.


A la mort _ le 15 septembre 1772 _ du gambiste Ludwig Christian Hesse, Graziani déménagea à Berlin _ pour servir « le prince héritier de Prusse (le futur Frédéric-Guillaume II)« .

Et c’est ainsi que,

« bien que non datées,

les partitions existantes de l’opus 3 portent l’en-tête suivant » :

« SIX SONATES / A / VIOLONCELLE & BASSO /Dediés / A SON ALTESSE ROYAL / Monseigneur Le / PRINCE de PRUSSE, / Par / CHARLES GRAZIANI, / d’ASTI / Musicien de la Chambre de S.A.R. / Monseigneur le Prince de Prusse / Œuvre Troisième. / Chés JEAN JULIEN HUMMEL, à Berlin avec Privilège du Roi, à Amsterdam au Grand / Magazin de Musique / et / aux Adresses ordinaires ».

Quant aux œuvres des deux florentins Antonio & Francesco Maria Veracini,

il s’agit _ purement ! _ de (spendide) musique italienne ;

et tout aussi splendidement interprétées : avec feu et très grande délicatesse… :

le (grand) mérite de ce CD Oehms Classics : « The ENIGMATIC ART of Antonio and Francesco Maria Veracini« , à l’initiative de Rüdiger Lotter,

étant de nous faire approcher au plus près de l' »énigme » des sources idiosyncrasiques du génie _ poïétique… _ qui présida,

sur un espace de temps tout à fait intéressant et significatif,

à leur création (et filiation « florentine »)  :

1691, pour l’opus 1 ;

1694, pour l’opus 2,

d’Antonio Veracini ;

1716, pour la « Sonata Nona a violino o flauto solo e basso«  (in « 12 Sonates a Flauto solo, e Basso », dédiées au prince Frédéric-Auguste, à Venise, le 26 juillet 1716 ; et présentes à la Stadtbibliothek de Dresde) ;

1721, pour l’opus 1 des « Sonates pour violon avec basse continue », publiées à Dresde en 1721, et dédiées au roi de Pologne et Saxe Auguste le Fort [réédité à Amsterdam, chez Jeanne Roger, et Roger et Le Cène en 1730 ; et à Paris, chez Leclerc le cadet ; ainsi qu’à Londres, chez I. Walsh, en 1733] ;

1744, pour l’opus 2 des « Sonate accademiche a violino solo e basso« , dédiées au roi Frédéric-Auguste III (devenu à son tour, après son père, par élection, roi de Pologne en 1733) ; et publiées aussi à Londres,

de Francesco Maria Veracini

Bref : ces deux productions discographiques (Sanctus & Oehms Classics)

sont toutes les deux

magnifiques !

Et permettent de clairement distinguer, au passage,

ce qui caractérise un style italien (florentin !) assez préservé

_ en Angleterre (Londres, à plusieurs reprises, à partir de 1714 : c’est une des capitales européennes de la musique : Francesco Maria Veracini y réside de 1733 à 1738 ; il y est encore en 1744) ;

en Allemagne (Francfort _ en 1711, pour les fêtes du couronnement de l’empereur Charles VI _, Düsseldorf, en 1715, Dresde, surtout : de 1717 à 1722, dans l’orchestre _ brillantissime ! _ d’Auguste II le Fort, avec Johann Georg Pisendel

_ avec cette nuance (intéressante) que

l’orchestre de la cour royale de Dresde est alors _ depuis 1709 _ dirigé par la kappelmeister, violoniste, maître de ballet et compositeur Jean-Baptiste Volumier (1670-1728), de naissance flamande, mais formé à la cour de Versailles, qui sert, et avec enthousiasme, le « goût français » d’Auguste le Fort ; la nuance est à remarquer _ ;

fin, ici, des références allemandes)

et Autriche (plus spécifiquement Bohème : Chlumec, en 1722, Prague : pour le couronnement _ fastueux ! _ de l’empereur Charles VI comme roi de Bohème, cette fois, en 1723) ;

en Italie aussi (Rome _ où il rencontre Arcangelo Corelli, en 1699 _, Venise _ en 1717, il fréquente Giuseppe Tartini (qui avait été très impressionné par lui lors d’un concert dès 1712) et où il rencontre le prince héritier Frédéric-Auguste, qui va le faire venir pour l’orchestre royal à Dresde) _, Pise, de 1745 à 1750, Turin, en 1750, en plus de sa ville de Florence, qui demeure sa cité ; où il revient régulièrement ; réside à partir de 1750 ; est maître de chapelle de plusieurs églises à partir de 1755 ; et finira par se retirer, après 1760) ;

et jamais _ de fait ! _ en France ;

dans le cas de Francesco Maria Veracini (Florence, 1er février 1690 – Florence, 31 octobre 1768) ;

et exclusivement à Florence,

où il se consacre beaucoup à son importante école de violon, Via di Palazzuolo,

dans le cas d’Antonio Veracini (Florence, 17 janvier 1659 – Florence, 24 octobre 1745),

oncle et professeur de son brillant neveu _ ;

Bref

_ je reprends l’élan de ma phrase _,

ces deux productions discographiques permettent de clairement distinguer

ce qui caractérise un style italien (et florentin !) assez préservé, donc, du goût français ;

et le raffinement des « Goûts réunis« ,

sous (délicieuse !) influence française, lui...


Même si le plaisir (des sens, à l’audition de ces musiques) déborde _ et très largement _ la pure satisfaction de la seule curiosité historienne…

Le jeune _ il est né en 1969 _ Rüdiger Lotter, violoniste,

comme le chevronné _ et grand ! , né en 1957 à Recife, au Brésil _ Antonio Meneses, violoncelliste,

sont, tous deux, d’assez extraordinaires interprètes

de ces répertoires :

le plaisir que nous en éprouvons

est intense :

vivement recommandé !..


Titus Curiosus, ce 30 janvier 2009


Post-scriptum
(le 31) :

à propos du CD « Veracini« , ceci, tout frais,

dans les magazines musicaux de ce mois de février-ci :

d’abord, sous la plume de Frank Langlois, dans « Le Monde de la Musique« , page 84 :

« Au sein de la production violonistique italienne au XVIIIème siècle, ce disque nous incite à réévaluer _ sans doute _ l’art de Veracini l’oncle (florentin) et surtout de Veracini le neveu, véritable européen _ oui ! _, de Florence à Londres, Dresde ou Prague. Ce dernier compte au nombre de ces inlassables voyageurs dont les itinérances, loin de les éparpiller, ont concentré la sève créatrice«  _ oui ! l’expression, pour désigner le génie (« poïétique« ), est on ne peut mieux parlante !

A propos des deux « Sonate accademiche » que Frank Langlois apprécie tout particulièrement  en ce disque, cette précision-ci : « Sans doute par « académique » faut-il entendre la familiarité avec une conception platonicienne du Beau _ empruntée peut-être (en 1699) au modèle corellien ; et si marquante à Florence, la ville de Marcile Ficin, l’importateur, via la réception de ceux qui fuirent la Constantinople (prise en 1453) des traditions « académiques » platoniciennes… Le Beau est en effet le premier sentiment qui s’impose ici à l’auditeur _ nous l’avons constaté ; et célébré ! On dirait du Corelli moins abstrait, mais d’une aussi haute tenue, et nourri d’une impérieuse vie sensible et mentale.« 

Veracini avait déjà été servi, avec excellence _ oui ! _ par Enrico Gatti (CD Arcana A 27, en 1996). Rüdiger Lotter est de la même trempe. Certes moins olympien, mais doté d’une identique maîtrise technique, il offre une sonorité charnue, une intuition plus présente et une égale tenue d’archet. Offrant un continuo vif-argent _ oui ! _ (Kristin von der Golz y tient un rôle moteur), « Lyriarte » contribue heureusement à de disque essentiel _ je bats des mains pour applaudir à cette « écoute » du beau travail réalisé en ce disque !


Et Roger-Claude Travers dans « Diapason« , page 98 :

« Si l’on en croit Charles Burney _ en son « Voyage musical dans l’Europe des Lumières«  : à consulter toujours, quand on le peut, sur l’époque (paru aux Éditions Flammarion en avril 2003) _ qui entendit jouer Francesco Maria Veracini, sa sonorité était puissante et claire, la tenue de l’archet ferme, au service d’une ornementation riche et expressive.

Parmi les interprètes d’aujourd’hui, Enrico Gatti (CD Arcana) s’en approcherait peut-être un peu, s’il savait ajouter ce soupçon _ mais pas plus ! _ qui offre son parfum subtil à cette musique magnifique. Sa diction épurée oublie le grain de folie, qui fait aussi défaut à un Holloway (CD ECM). (…) C’est dire combien Rüdiger Lotter était attendu. » Mais, tempère son enthousiasme Claude-Roger Travers, « l’imagination ornementale est _ certes _ un peu fantasque _ ce qu’il faut ! _, mais pas assez aboutie ; le coup d’archet lisse, agréable, mais sans _ assez de _ mordant ; le vibrato, un peu tendre. Un anti-Gatti _ en quelque sorte _, dont la réflexion manque _ à son goût, un peu trop _ d’ancrage...


En revanche, « le travail d’équipe de « Lyriarte » est _ lui, proprement _ enthousiasmant : cohésion, mise en place, saveur des conceptions du continuo, avec de délectables tenues d’orgue. La flûte à bec de Dorothée Oberlingen, très juste d’intonation, est particulièrement ravissante.

Bienvenue au catalogue, enfin, à Antonio, vieux sage florentin, oncle de Francesco Maria, pas si éloigné par la langue d’un Corelli, oncontournable référence… _ en effet !

Voilà qui conflue assez bien avec mon enthousiasme…

Le charme intense de la musique de style français (suite) : avec des oeuvres de Marc-Antoine Charpentier et Georg-Philip Telemann

28jan

Après les CDs François Couperin

(« Pièces de clavecin des livres I & II » de François Couperin, par Frédérick Haas : CD Alpha 136)

& Rameau

(« Pièces de clavecin » de Rameau, par Céline Frisch : CD Alpha 134)

_ cf mon article du 7 novembre 2008 « Retour aux fondamentaux en musique : percevoir l’oeuvre du temps aussi dans l’oeuvrer de l’artiste« ;

les CDs Ravel

( » Ravel : Trio _ Sonate pour violon & violoncelle _ Sonate pour violon & piano » par le Trio Dali / CD Fuga Libera FUG 547)

& Dall’Abaco

(« Concerti à piu Istrumenti _ Opera Sesta » d’Evaristo Felice Dall’Abaco, par « Il Tempio Armonico« , Orchestra Barocca di Verona, dirigé par Alberto Rasi : double CD Stradivarius STR 33791)

_ cf mon article du 26 décembre 2008 « Un bouquet festif de musiques : de Ravel, Dall’Abaco, etc… » ;

le CD Rameau

(« Rameau _ La Pantomime » : œuvres de Jean-Philippe Rameau, par Skip Sempé (et avec Olivier Fortin pour les pièces interprétées à deux clavecins) : CD Paradizo PA005

_ cf mon article du 2 janvier 2009 « Interpréter _ magnifiquement _ la musique : Rameau (par Skip Sempé), Bach (par Bernard Foccroule) » ;

le CD Leclair

(« Sonatas » : extraites du « Troisième Livre » de Jean-Marie Leclair, par John Holloway, Jaap ter Linden et Lars Ulrik Mortensen) : CD ECM 2009 n° 476 6280

_ cf mon article du 12 janvier 2009 « une merveilleuse “entrée” à la musique de goût français : un CD de “Sonates” de Jean-Marie Leclair, avec le violon de John Holloway » ;

et le CD Debussy

(« Debussy/Nelson Freire« , par Nelson Freire) : CD Decca 478 1111

_ cf mon article du 16 janvier « de la dimension de profondeur _ et avec intensité ! _ dans la musique française ; et son interprétation : le magnifique exemple Claude Debussy / Nelson Freire » ;

voici deux nouvelles merveilles d’interprétation de musique française

_ pour le cas du CD consacré à des « Motets » de Marc-Antoine Charpentier _ ;

et de « style français »

_ pour le cas du CD consacré à des « Ouvertures » et des « Concerti » de Georg-Philip Telemann _ :

les CDs

« Motets pour le Grand Dauphin » de Marc-Antoine Charpentier, par l’Ensemble Pierre-Robert et Frédéric Desenclos : CD Alpha 138 ;


et « Les Trésors cachés » de Georg-Philip Telemann, par l’Ensemble Arion, orchestre baroque, placé sous la direction du chef invité Jaap ter Linden : CD EMCCD-7766…

Le programme de (six) « Motets pour le Grand Dauphin« 

_ le fils unique (seul légitime : Fontainebleau, 1er novembre 1661 – Meudon, 14 avril 1711) du roi Louis XIV (Saint-Germain-en-Laye, 5 septembre 1638 – Versailles, 1er septembre 1715) et de la reine Marie-Thérèse (Madrid, 10 septembre 1638 – Versailles, 30 juillet 1683) _

de Marc-Antoine Charpentier (Paris, 1643 – Paris, 24 février 1704) : « Precation pro filio Regis » _ Hitchcock 166 _ ; « Solo vivebat in antris » _ H. 373 _ ; « Supplication pro defunctis » _ H. 328 _ ; « Quemadmodum desiderat cervus » _ H. 174 _ ; « O Salutaris hostia » _ H. 248 _ ; et « Gratiarum actiones pro restitua delphini salute » _ H. 326 _ ;

entrecoupés de quatre pièces d’orgue : « Fugue sur les anches » ; « Fond d’orgue » ; « Tierce en taille » ; et « Fugue » de Louis Marchand (Lyon, 2 février 1669 – Paris 17 février 1732), interprétées sur l’orgue Le Picard / Thomas de la basilique de Tongres par Frédéric Desenclos ;

et, pour les « Motets » : Thomas Leconte & Ruth Unger, flûtes ; Michelle Tellier, basse de flûte ; Stephan Dudermel & Yannis Roger, violons ; Florence Bolton, basse de viole ; Alexandre Salles, basson ; Benjamin Perrot, théorbe ; et Frédéric Désenclos, à l’orgue Le Picard / Thomas de la basilique de Tongres (Belgique) ; & à la direction de l’Ensemble Pierre-Robert…

est,

ainsi que son interprétation d’une extrême délicatesse,

d’une tendresse à fondre…

Le ton de Marc-Antoine Charpentier est reconnaissable entre tous…

Pour s’en faire une (petite) idée,

je recommande aussi l’écoute d’un précédent _ proprement sublime ! _ CD de l’Ensemble Pierre-Robert et Frédéric Désenclos : le CD « Méditations pour le carême » (CD Alpha 091) :

on comparera notamment les voix des chanteurs : Marcel Beekman, haute contre , Robert Getchell, taille & Robbert Muuse, basse taille, pour les « Méditations » (CD 091) ; et Anne Magouët, dessus, Sarah Breton, bas-dessus & Edwin Crossley-Mercer, basse, pour les « Motets » (CD 138) ; dont je n’ai pas encore parlé…

Ainsi que, dans un tout autre genre (non religieux, cette fois), la réédition de divers airs, d’une grande variété de registres,

_ « Airs sérieux » :

« Rendez-moi mes plaisirs » _ H. 463 _ ; les trois premières « Stances du Cid » _ H. 457, 458 & 459 _ ; « Tristes déserts » _ H. 469 _ ; « Ah qu’on est malheureux » _ H. 443 _ ; « Amour, vous avez beau redoubler mes alarmes » _ H. 445 _ ; « Auprès du feu on fait l’amour » _ H. 446 _ et « Le bavolet » _ H. 499a _ ;

ainsi que la « cantate française »  » Orphée descendant aux enfers«  _ H. 471 _ ; enregistrés en 1987

par l’unique Henri Ledroit (1946 – 1988) :

en un irremplaçable (!!) CD « Marc-Antoine Charpentier Rendez-moi mes plaisirs » (CD Ricercar 278)

comportant aussi des pièces chantées de Franz Tunder ( 1614-1667), Leopold I (1640-1705), Claudio Monteverdi (1567-1643) & Alessandro Grandi (?-1630) ; enregistrées, elles, en 1981 et 1985…

Sur la vie et l’œuvre de Marc-Antoine Charpentier,

on lira avec grand profit, le très beau (et passionnant) travail _ en une seconde édition (révisée, d’août 2004 ; la première était en 1988) _ de Catherine Cessac : « Marc-Antoine Charpentier« , aux Éditions Fayard…

En un autre siècle,

et en un autre volet témoignant du rayonnement du style français (louis-quatorzien) par toute l’Europe des Lumières _ quand « L’Europe parlait français » (cf le merveilleux livre de Marc Fumaroli, aux Éditions de Fallois, en octobre 2001 ; et Le Livre de Poche, en 2003)… _,

la rare réussite, formidablement jubilatoire (!),

d' »Ouvertures«  _ TWV 55 : D4 (dont, outre la diversité des danses coutumières de telles « suites » françaises : « menuets, passepieds, loure, canaries, chacconne, bourrée« , on peut relever, pour les pièces « à titre » : un « Furies. très viste« ) ; TWV 55 : e8 (dont une « Pastorelle. Modéré » ; « Les Jeux. Vite » ; « Les Magiciens. Gravement-Fort vite » ) ; & TWV 55 : Es 1 (dont un « La Douceur » ; « Les Coureurs » ; « Les Gladiateurs » ; « Les Querelleurs » : ces indications nous révélant le génie télemannien de la singularité dans le détail raffiné de son extrême variété… _

& « Concerti«  _ TWV 53 : C1 (« alla francese » ! « cette œuvre hybride a un fort accent français : son recours aux solos pour bois est redevable à Lully et à ses disciples, tandis qu’on perçoit nettement l’influence de la musique de danse française ; témoignent également de cette influence les indications de mode. Les parties provenant de Darmstadt (copiées vers 1726-1730, un peu après la date de leur composition) ont pour titre « Concerto alla francese » ; elles appartiennent au sous-genre de ces concertos « au parfum français », commez l’affirme fièrement Telemann dans son autobiographie de 1718« ) ; & TWV 53 : G2 (avec « la partie solo de Telemann originellement pour hautbois » _ instrument éminemment français !..)  _ ;

comme on les entend rarement sonner ainsi, de Georg-Philip Telemann (Magdebourg, 14 mars 1681 – Hambourg, 25 juin 1767) ;

dans la diversité, chatoyante et subtile, de la palette raffinée et « simple », tout à la fois, du goût français…

du CD « Telemann Les trésors cachés » d’Arion _ sous la direction de Jaap ter Linden _ : CD EMCCD-7766…


Bref, un régal rare ; et d’une joie jubilatoire, je ne saurais mieux dire !


Un grand disque ; dont il serait bien dommage (et tristounet) qu’il passe inaperçu ;

quand il peut rendre le si grand service d’illuminer _ comme royalement… _ vos journées…

Sur la vie et l’œuvre de ce musicien généreux qu’est Georg-Philip Telemann,

lire « Georg Philipp Telemann ou le célèbre inconnu » de Gilles Cantagrel (paru aux Éditions Papillon, en mars 2003)…

Titus Curiosus, ce 27 janvier 2009

Chercher sur mollat

parmi plus de 300 000 titres.

Actualité
Podcasts
Rendez-vous
Coup de cœur