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Le courage d’intervenir d’un grand architecte, Henri Gaudin : le devenir de l’Hôtel Lambert dans une société veule

26déc

Henri Gaudin vient intervenir publiquement dans le dossier _ en balance, sur la sellette _ du devenir urbanistique (l’île Saint-Louis dans le cœur de Paris) et architectural (l’Hôtel Lambert, un chef d’œuvre de Le Vau) de l’Hôtel Lambert, cette sublime « étrave » au-dessus de la Seine :

dans le numéro du 25 décembre du Monde, « Ne défigurons pas l’hôtel Lambert !, par Henri Gaudin« …

Le courage et l’autorité vraie (d’un artiste réel _ non faisandé, lui !) sont assez rares dans une société de plus en plus veule _ et décomplexée dans sa propension au cynisme (du pouvoir de fait de l’argent) ; et à la corruption (eu égard au Droit) _ pour s’y arrêter un moment, le remarquer, le signaler, lui donner un tant soit peu d’écho au milieu des paillettes de la trêve joliment dite « des confiseurs« …

Ou à propos de la sauvegarde du patrimoine des pierres ; et du sens même de l' »habiter » humain (et inhumain)… Cf ici la parole décisive de Hölderlin…

Voici ce bel article _ et courageux _ de celui, l’auteur des importantes « Considérations sur l’espace« ,

dont Paul Virilio disait, en préface au livre (précédent de l’architecte) « Seuil et d’ailleurs« , en 1992 :

« Henri Gaudin n’est pas un architecte qui écrit, mais plutôt un écrivain, un homme de lettres qui bâtit avec le béton, la pierre ou les mots _ les uns ou/et les autres. Peu importe finalement le matériau, puisque seul compte pour lui le passage, le transfert _ voilà ! _ d’un récit à un autre récit, d’un lieu à un autre lieu. Comment dès lors s’empêcher de le suivre avec curiosité _ oui : vertu précieuse ! _ au travers des méandres d’une pensée qui souvent vous égare _ par ses détours ô combien nécessaires ! à mille lieux du strictement immédiatement utile, c’est-à-dire rentable pour le (seul) profit financier (le plus rapide possible _ Paul Virilio est bien un penseur de la vitesse…), auquel certains veulent réduire l’« économique » (revenir ici à Aristote : « Les Économiques » !!!)… _ pour mieux donner à percevoir _ c’est si précieux, en régime d’anesthésie générale ! On nous endort !... _ le seuil _ crucial ! C’est un terme très présent aussi chez Michel Deguy ; cf mon article d’avant-hier… La ligne de partage des eaux entre le vrai et le faux ? Journal intime tout autant que traité théorique, l’ouvrage d’Henri Gaudin débouche sur l’espérance d’une complexité grandissante _ l’exact opposé de la complication ! ou de la complaisance au vertige maniériste _ qui favoriserait enfin l’ouverture d’esprit, la complicité entre l’architecture et la littérature« , écrivait Paul Virilio…


Voici donc cette splendide « intervention » de Henri Gaudin, architecte, et un peu plus, donc, que de ce seul métier-là, dans Le Monde d’hier (édition datée du 25 décembre, ce jour) ; elle est intitulée, dans le journal, « Ne défigurons pas l’hôtel Lambert !, par Henri Gaudin«  :

« C’est une indignation _ voilà ! _ à la mesure du forfait _ voilà d’abord ! _ qu’on se prépare à commettre à son encontre _ il s’agit de ce joyau d’architecture et d’urbanisme, les deux, qu’est l’Hôtel Lambert (1642), de Louis Le Vau (Paris, 1612 – Paris, 1670), en étrave sur la Seine, de l’Île Saint-Louis, au cœur même de Paris _ : le projet de restauration de l’hôtel Lambert. Cet édifice majeur de l’architecte Le Vau, se dresse sur l’étrave de l’île Saint-Louis, en épousant la courbe de la Seine. Il est rare qu’un tel dynamisme s’allie avec la rigueur d’un ordonnancement au rythme souverain _ qu’on viendrait donc casser…

C’est le quai d’Anjou en son entier qui vient se terminer _ par lui _ sur un jardin suspendu. L’île ménage une proue que domine le corps principal du prestigieux édifice, à la façon dont une passerelle se dresse sur un vaisseau _ Henri Gaudin est aussi un amoureux fou de l’eau, des rives, des ports ; et des bateaux… Le mouvement est si juste, l’assise du jardin suspendu si assurée, le rythme des fenestrages si délicat, l’architecture si dynamique _ adjectifs qualificatifs éminemment sensibles ! _ qu’on croirait voir le bâtiment glisser _ oui : voler même, sans tout à fait désirer s’envoler : il se contente de frémir ! _ le long de la Seine en exposant _ délicatement _ son étrave au courant _ que finit par rejoindre, par un plouf, lui, un Guillaume Apollinaire, un peu plus en aval, au pont Mirabeau… _, sans autre âge que celui de la jeunesse et du futur _ rien moins ! Voilà où existe la vraie modernité !

En abîmer les traits _ comme le ferait, irrémédiablement, le passage à la réalisation de ce « projet de restauration« -là… _, c’est meurtrir la ville _ gravement, grièvement même… _ avec laquelle le magnifique hôtel Lambert fait corps _ physico-biologiquement… Au point qu’on peut parfaitement l’entendre respirer et chanter, pour peu qu’on prête oreille à son souffle chantant : à sa mélodie, comme à ses harmoniques…

Si comme le dit Victor Hugo, « l’usage appartient _ usufruitièrement… ; pour un temps ; car c’est nous (davantage mortels que nous sommes, physico-biologiquement) qui, d’abord, passons (un peu) plus vite : que la beauté des œuvres… _ à quelques-uns et la Beauté appartient _ un peu plus durablement, grâce aux œuvres qui passent, certaines d’entre elles, du moins, un peu plus lentement, tout de même, que nous _ à tous », c’est nous tous _ dotés de nos sens, et pas seulement le regard : encore faut-il apprendre à les « éduquer« , tous ces sens-là… _ qui en sommes les destinataires _ capables de la « recevoir« , l’« éprouver«  : en une « expérience«  ; peut-être en train de se perdre, s’effondrer, celle-là (l’« expérience«  toute personnelle de la « Beauté« ), comme s’en inquiétait, un des tout premiers, un Walter Benjamin (à la suite, sans doute, de Baudelaire)… Qui n’a pas ressenti _ quelques uns, malgré tout : Béotiens, gougnafiers, goujats, barbares (jusqu’à, eux, même « sortir leur revolver« …) _ qu’on ne saurait _ hélas : de droit ! _ séparer la singularité prestigieuse _ architecturale _ de cet édifice _ de pierres _ du tout _ urbanistique _ qu’est la ville ? La manifestation _ éclatante de grâce ! _ de sa beauté dépasse _ en la sidérant _  notre propre personne _ certes : sublimement, même… _ et intéresse la communauté _ non seulement citoyenne démocratique, mais « humaine« , pas moins !.. _ en son entier. Témoignant d’une époque _ d’un classicisme encore baroquisant : 1640, ou 42 ; c’est encore le règne de Louis XIII (et de Richelieu, qui va mourir cette année-là : le 4 décembre 1642, à l’âge de cinquante-sept ans ; Louis XIII le suivra de près dans la tombe, mourant, lui, à Saint- Germain-en-Laye le 14 mai 1643 ; il était né le 27 septembre 1601 à Fontainebleau) _ d’intense activité esthétique et éthique _ les mœurs se raffinaient ; débutait, encore au milieu, certes, de la manie passablement meurtrière , encore, des duels, et à l’Hôtel de Rambouillet, « l’âge de la conversation«  _, l’excellence de son architecture _ française ! Que fait donc le ministre Besson !!! Quid, ici, de l’« identité nationale«  ?!! _, comme toute œuvre d’aujourd’hui, offre sa puissance créatrice à travers le temps _ à nous de la laisser rayonner, au lieu de, stupidement, l’interrompre : en la massacrant (pour une multiplication de salles de bains, d’ascenseurs et d’emplacements de parking)…

Le Vau, son architecte, n’est pas seulement contemporain _ 1612-1670 _ de son siècle, il s’adresse _ oui !

et à dimension d’éternité ; cf John Keats (Finsbury Pavement, près de Londres, 31 octobre 1795 – Rome, 24 février 1821) : « A thing of beauty is a joy for ever« … :

« A thing of beauty is a joy for ever :
Its loveliness increases; it will never
Pass into nothingness; but still will keep
A bower quiet for us, and a sleep
Full of sweet dreams, and health, and quiet breathing
« … (dans « Endymion« , qui paraît à Londres en 1818…) _


à des générations futures, à tous ceux _ en voie de raréfaction ? devenant électoralement minoritaires ? _ qui pensent que la modernité est de tous les âges _ voilà ! le mauvais goût, certes, lui aussi : et incomparablement plus amplement ! vivent nos démocraties populistes ! _, à ceux qui stigmatisent la bassesse par l’exigence _ la plus noble _ de l’esprit _ bassesse et exigence : voilà ! A ne pas trop intervertir ! cependant… Ne défigurons pas une beauté _ telle est bien en effet la menace présente ! _ sous la séduction de laquelle nous tombons tous _ pour peu que nous y soyons, chacun, réellement et activement attentifs ! Soyons à son écoute _ proprement musicale ! 1640-42, c’est l’heure des musiques de Moulinié, Guédron, Boesset, qu’a (et ont) su si magnifiquement (nous) rendre Vincent Dumestre et son « Poème Harmonique«  ; cf le sublime coffret de 3 CDs Alpha « Si tu veux apprendre les pas à danser _ Airs et ballets en France avant Lully« , CDs Alpha 905 : une merveille de vie (et de tout un « monde«  d’extrême beauté !) restituée ! _, respectons l’intransigeance _ parfaitement noble et gracieuse, tout à la fois ! pas « m’as-tu vue«  _ de son architecture, admirons la richesse des prestigieuses peintures de Le Sueur et de Le Brun. Écoutons-en, encore, tout le concert merveilleux des voix… Sur ces conditions-là d’« accueil« , par chacun (= personnellement), de la beauté, relire inlassablement le lumineux « L’Acte esthétique » de Baldine Saint-Girons ; tout particulièrement le récit de la « rencontre-découverte«  avec la ville de Syracuse, en compagnie de deux amis, au chapitre premier, si je puis me permettre ce conseil un peu précis …

Hélas ! le projet de « réhabilitation » manifeste l’intention de construire un parking sans se soucier _ bien effectivement, pourtant ; on ne peut plus élémentairement pragmatiquement ! _ des bouleversements des sols et du dommage causé _ ainsi, si ce projet venait à se réaliser _ aux substructions intouchées depuis 1640.

Lord Byron, Ruskin, Wagner, Proust, tous amoureux de Venise, ont-ils jamais exigé _ mais étaient-ils, eux, il est vrai, somme  toute, assez fortunés, pour l’obtenir ?!.. ils n’y étaient, aussi, que de passage ; et ne prétendaient pas, par l’achat, à un droit de « propriété«  _ que leur carrosse et plus tard leur voiture pût accéder à l’intérieur des palais dans lesquels ils résidaient ? Quelle aberration d’exiger _ pour s’y « installer » et y « demeurer » un peu, en ce « cœur« , vibrant de vie, de Paris… _  l’intrusion d’un parking à l’intérieur de l’édifice, de construire trois ascenseurs, de soustraire des pièces _ les casser, les détruire ; les remplacer par autre chose de mieux adapté à leur présente « commodité« , ou « confort » de « résidents«  à demeure… _ d’une délicate harmonie au profit de salles de bains multiples, d’altérer la proportion de certains salons, de supprimer des manteaux de cheminées et des escaliers élégamment balancés _ la beauté, qui avait résisté au passage du temps : délicate « harmonie« , « proportion« , « élégance«  balancée, faisant brutalement les frais de pareilles « soustraction« , « altération« , « suppression« 

Ignore-t-on _ conseils d’experts aidant… _ que par la surenchère _ hyper-luxueuse _ d’aménagements superflus de salles de bains et par la transformation du chef-d’œuvre en hôtel de luxe, on expose dès lors l’édifice aux impératifs d’une technique qui impose _ technologiquement, bien sûr _ des passages de gaines de ventilation en tous sens, altérant _ gravement, grièvement même _ l’ensemble de la construction et menaçant, par l’ampleur de locaux sous le jardin suspendu, l’intégrité _ de viabilité « technique » élémentaire ! Et patatras !!! _ des fondations _ mêmes.

C’est ne pas entendre _ en tous ses sens ! _ les harmoniques _ au-delà de la strate première des mélodies _ de proportions savantes, c’est être aveugle au rayonnement _ en effet ! l’Art irradie et impulse ! _ qu’émettent _ oui ! toujours ! et encore ! _ les prestigieuses œuvres des peintres Le Sueur et Le Brun, auquel on doit la Galerie des glaces de Versailles ; c’est ne pas écouter ce dont les murs ont _ musicalement _ perçu les échos _ dont ils ont reçu, et perpétuent, jusqu’ici, une subtile imprégnation… Oui ! ces murs ont une âme _ voilà ! _, ces espaces sont investis _ poétiquement ! _ de ce dont ils ont été témoins _ et cela au profit de (plus prosaïques) glou-glous d’évacuation de bondes et tuyauteries de plusieurs salles de bains… Les Nymphes et Dryades (de la Seine) qui fréquentent encore le lieu vont déserter à jamais ce merveilleux rivage parisien…

Il est paradoxal de maltraiter ce qui est _ artisanalement _ authentique et de se soustraire au respect _ admiratif, avec combien d’émotion ! _ d’une œuvre prestigieuse dans le même temps qu’on s’affaire _ contrevenant à l’esprit même d’une époque _ à placer sur les façades des colifichets (pots à feu et autres pots à fleurs) dérisoires _ à l’ère, il est vrai, de la duplication effrénément dé-complexée (cf les parcs d’attraction touristiques de La Vegas, Macao, etc.., aux portillons desquels se bousculent, en foules, des chalands : sources de devises…)…

Qui peut être dupe de cette manière de nous donner _ sur le dossier, du moins _ le change en s’affairant maladroitement _ comme maniéristement (en kitch, seulement !) : à contresens même des fusées et bouillonnements délicats du classicisme naissant _ à l’inessentiel ? Mutiler salons et escaliers, rehausser le soubassement par un parapet qui alourdit sa proportion est une faute _ d’Art. Peindre des menuiseries en trompe-l’œil sur la façade, une mascarade _ ridicule : mais qui en rit à l’heure des révérences kitch ?.. Cf les « installations » _ « festives«  (ainsi que les énoncerait un Philippe Muray) _ à Versailles de Jeff Koons ; cf mon article du 12 septembre 2008 : « Decorum bluffant à Versailles : le miroir aux alouettes du bling-bling«  Et comment peut-on faire disparaître _ à jamais _ de vieux appareillages de pierre dont les assises disjointes témoignent de l’empirisme _ si savant _ des savoir-faire et du travail _ si délicat, alors… _ des maçons ?

Laissons _ donc _ à leur simplicité _ belle, pure _ de vieilles cheminées qui font bon ménage avec l’esprit _ oui _ du Grand Siècle et sont des marques touchantes _ pour les non insensibles, du moins _ de la vie quotidienne _ qui survit un peu ainsi ; cf le témoignage des « scènes de genre » d’alors… Comble de cynisme _ le mot est lâché ! _ : sous couvert de respect _ affiché seulement (et mensongèrement, davantage qu’illusoirement, probablement…), à l’heure de la débauche dévergondée et décomplexée (au pouvoir !) des faux-semblants en tous genres ! affichés ! _ du passé, on se propose de détruire d’authentiques lucarnes et leurs balcons en fer forgé pour leur substituer des succédanés dont la proportion maladroite brise le mouvement ascendant du motif d’entrée _ et voilà ! Ah, les belles âmes que sont les sectateurs d’une authenticité _ de façade seulement !!! _ au service de laquelle on sacrifie le vrai _ irremplaçable, lui _ à la mythologie _ idiote _ de la symétrie et de l’équilibre.

Niaiseries des « nigauds aux goûts appris » _ seulement ; et non, hélas, « compris«  _, persiflait Stendhal, désignant les contempteurs de la dissymétrie et de l’irrégularité de l’admirable place du Quirinal, à Rome _ en ses belles « Promenades dans Rome«  ; cf aussi, hélas, a contrario, le triste contresens (angevin seulement, de Saint-Florent-sur-Loire) de l’« Autour des sept collines«  de Julien Gracq, si insensible à l’idiosyncrasie de la beauté romaine : lui a « tourné autour«  sans jamais savoir y pénétrer si peu que ce soit (le texte original est à la librairie José Corti)…

Peut-on briser _ incisivement ! _ la carapace d’indifférence dont se revêt _ face aux manigances de certains puissants, aidés de la propagande bulldozer de la plupart des medias (au nom de « l’air du temps«  paré des plumes (de paon) de la « modernité«  : la « mode« ... cf le petit livre récent de Marie-José Mondzain : « La Mode«  _ la société ? A travers les mouvements d’indignation contre la mutilation de l’hôtel Lambert, on a l’espoir que oui. Nombreux sont _ encore _ ceux qui saisissent _ et ressentent _ qu’une œuvre est un maillon _ en effet ; et une pierre de touche… _ de la longue chaîne _ à la fois forte et fragile _ de la modernité qui parcourt les siècles, et qui ont foi _ plutôt qu’en le pouvoir (actuel) de leur argent _ en la vie _ tout aussi uniment fragile et forte ! _ de l’esprit _ et en la « civilisation«  Ils savent que, dans une époque d’intense activité éthique et esthétique _ mais où se situe sur ce terrain-là, la nôtre, d’« époque » ?.. _, les créateurs refusent de n’être que les hommes du présent _ à courte vue _, et s’adressent à ceux qui vivront le futur _ il est vrai qu’à d’autres époques on s’est mis à bâtir à beaucoup plus « courte vue« , donc ; pour le « rapport«  (financier) le plus rapide, voire immédiat, possible ; sans souci du « durable » ; ni, a fortiori, de l’« éternel » : l’« inhumanité« , à commencer par architecturale (en dur, mais promise, forcément, à rapide, aussi, obsolescence !), débutant-là son expansion… Et maintenant prolifèrent les investissements « spéculatifs«  (« après nous, le déluge !« ) des fonds de pension…

Si ce bâtiment _ l’Hôtel Lambert, de Louis Le Vau, donc _ est grand _ oui _, c’est parce qu’il est le point d’orgue _ un concept musical, encore, qui implique un souci de l’« ensemble«  ; et de l’altérité : à « intégrer » avec souplesse et délicatesse ; tout un art, en effet !.. _ d’un ensemble _ urbain et urbanistique _ qui s’appelle l’île Saint-Louis. Comme être singulier _ certes ; et même qui « impressionne » !.. _, il _ le bâtiment, la bâtisse _ n’en fait pas moins partie d’un tout _ en effet : à l’heure de l’individualisme débridé ! _, tant il a d’affinités avec des proximités _ l’ïle Saint-Louis tout entière ! _ qu’il emporte _ oui ! _ dans son élan _ splendide ! en effet : voilà ce qu’apporte(nt), à la lecture, le regard et l’écriture, en relais, superbes, d’un Henri Gaudin !.. Avec quelle grâce il se greffe _ à « se fondre« , préciserait Henri Bergson, en son « Essai sur les données immédiates de la conscience«  _ au quai d’Anjou ! Cet édifice met en branle _ il « inspire » l’« Homo spectator«  (et son « Acte esthétique » !..) par sa superbe « respiration » même… _ l’imagination, et nous porte _ nous, « promeneurs«  ou « visiteurs«  « flâneurs«  (un peu mieux que « touristes«  : « consommant« , surtout, ou de plus en plus, à la va-vite, des « clichés » ; et du « simili« -vrai, proposé à très rapide « identification«  : à la louche ; selon la politique à grande échelle mondialisée des « tour-operators« …) ; d’une cité telle que Paris _ à l’essentiel _ voilà : la beauté, la vérité, la justice _ par sa qualité de trait, sa qualité de tension _ oui : c’est un rythme ! _, sa façon d’avoir créé un avenir _ de goût sublime. Ne nous leurrons pas ! Et donc ne laissons pas détruire cela… Qui est sans prix ! S’en rend-on assez compte en hauts-lieux (« de pouvoirs« ) ?.. Ou quand toutes les villes du monde finissent par se ressembler…

Sur le devenir des villes du monde, je renvoie au passionnant « Mégapolis _ les derniers pas du flâneur » de Régine Robin ; et à mon article du 16 février 2009 sur ce très riche travail : « Aimer les villes-monstres (New-York, Los Angeles, Tokyo, Buenos Aires, Londres); ou vers la fin de la flânerie, selon Régine Robin« 

Musil _ hyper-lucide lui aussi ; cf le beau livre de Jacques Bouveresse (sur son œuvre) : « La Voix de l’âme et les chemins de l’esprit : dix études sur Robert Musil«  : Musil (1888-1942), un contemporain capital, décidément… _ nous invite _ en un essai (majeur !) de 1922 intitulé « L’Europe désemparée, ou petit voyage du coq à l’âne« … _ à voir clair : « Jamais plus _ redoute-t-il _ une idéologie unitaire, une « culture » _ vraie ; pas de l’ordre de ce que Michel Deguy qualifie de « le culturel«  ; cf mon article précédent : « la situation de l’artiste vrai en colère devant le marchandising du “culturel” : la poétique de Michel Deguy portée à la pleine lumière par Martin Rueff«  _ ne viendront d’elles-mêmes dans notre société blanche… » C’est pour cette raison qu’on peut être _ à très juste titre ! _ fasciné par l’intensité créatrice _ admirable concept ; et percept ! _ de l’admirable édifice de Le Vau, et que ce n’est pas _ en droit ! _ à lui _ l’édifice de Louis Le Vau _ de se conformer à nos usages, mais à nous _ et qui que nous soyons ! _ de savoir vivre selon _ »vivre selon«  : ou la question de l‘ »ordre » des valeurs ; doublée de celle de ce qui vient les « fonder«  « vraiment«  ! loin du bling-bling ou des commodités _ de fait, lui et elles _ du tout-venant : salles-de-bains, parking, etc… On peut certes se loger (et « parquer«  !..) ailleurs à Paris que Quai d’Anjou… _ ce qu’il émet _ toujours : « a thing of beauty«  ! « a joy for ever« , disait Keats… _ d’échos harmonieux _ musaïques ; Michel Deguy, tout comme Martin Rueff, ont cette musaïque (et musicale ; poétique) oreille _ cf mon précédent article du 24 décembre… Cela doit-il ne concerner que quelques happy few, seuls « demeurés« , et pour combien de temps, vraiment « humains«  ? Cf ici le « Humain, inhumain, trop humain«  de l’ami Yves Michaud…

Former l’aisthesis est, par là, un « enjeu » (éducatif « civilisationnel«  !) à la fois général et singulier

_ cf aussi, du très attentif Jacques Bouveresse, et encore sur l’hyper-sensible Musil, le plus que très judicieux « Robert Musil _ l’homme probable, le hasard, la moyenne et l’escargot de l’Histoire«  : à propos de l’importance et limites (!) des comptes statistiques !.. Et eu égard à ce que Walter Benjamin nomme « la destruction _ générale et singulière, donc ! _ de l’expérience«  ;

et que reprend, en (tout) son œuvre, Giorgio Agamben ; et ce, dès son tout premier livre, au sous-titre parlant ! : « Enfance et Histoire _ Destruction de l’expérience et origine de l’Histoire«  ;

ainsi que le fait remarquer Georges Didi-Huberman à la page 61 de son tout récent « Survivance des lucioles« , paru le 8 octobre dernier : pour en contester le diagnostic, il est vrai ; et y répliquer… :

« les lucioles n’ont disparu qu’à la vue de ceux qui ne sont plus à la bonne place pour les voir émettre leurs signes lumineux«  ; et il poursuit, présentant l’objectif même de son livre : « on tente de suivre la leçon de Walter Benjamin, pour qui déclin n’est pas disparition. Il faut « organiser le pessimisme », disait Benjamin«  ; « et les images _ pour peu qu’elles soient rigoureusement et modestement pensées _ ouvrent l’espace pour une telle résistance« , propose donc en son ouvrage Georges Didi-Huberman…

Cf aussi mon article du 14 avril 2009 à propos du livre précédent de Georges Didi-Huberman « Quand les images prennent position«  : « L’apprendre à lire les images de Bertolt Brecht, selon Georges Didi-Huberman : un art du décalage (dé-montage-et-re-montage) avec les appoints forts et de la mémoire activée, et de la puissance d’imaginer« .

Fin de l’incise à propos de Musil et de Benjamin : on mesure les enjeux de ce débat de « civilisation«  !.. _

former l’aisthesis est, par là, un « enjeu » (éducatif « civilisationnel«  !) à la fois général et singulier

on ne peut plus « prioritaire«  (cf aussi le très important « Le Partage du sensible«  de Jacques Rancière) « de civilisation« , à cette heure de croisée des chemins ; face aux nouveaux barbares (du bling-bling et du fric : qui se croient tout permis ; faute de moins en moins de contre-pouvoirs ; ou d« autorités«  qui aient le courage de leur « faire face«  ; à commencer « leur signifier leur fait«  !!!) ; sur le terrain même de la hiérarchie des valeurs !..

Cf aussi là-dessus, encore, l’urgentissime « Prendre soin _ De la jeunesse et des générations« , du lucidissime, également, Bernard Stiegler…

J’ai entendu, dans la consternation, que les défenseurs de l’intégrité d’un fleuron de notre culture étaient des xénophobes _ eu égard à la nationalité (quatarie…) des propriétaires du lieu. Je m’insurge ! Le sont _ « xénophobes » !.. _ ceux qui menacent l’intégrité d’un patrimoine _ et son « identité« ‘, cher sourcilleux Éric Besson (expulseur d’Afghans pauvres et hyper-démunis, eux, en avion direct pour Kaboul…) ! _ ; ceux qui ruinent les inventions de vivre _ encore une superbe expression ! en ce splendide article ! _ des Asiatiques, des Amérindiens, de l’islam, et participent à la destruction des cultures qui font monde _ « faire monde » : un enjeu essentiel face à la dés-humanisation ! galopante ; et l’« im-monde« 

Où l’on reconnaîtra que les premiers destructeurs c’est nous : à Pékin, à Shanghaï, en Europe et ailleurs. »


Architecte…

 

 Henri Gaudin

Une intervention décisive salutaire d’un artiste qui fait autorité ; là où prétendent dominer les postures _ vaines ! _ des imposteurs (friqués) !

Un blog peut (ou doit) se faire l’écho de tels émois (esthétiques et artistiques, les deux indissolublement conjoints !)

qui ne se résignent pas à ce qu’on est en train de défaire, pierre à pierre, de ce qui « faisait notre monde« 

en sa plus belle « humanité« …

En amoureux du classicisme baroquisant, j’y fais donc, modestement, de ma place toute provinciale, « écho« …

Titus Curiosus, ce 26 décembre 2009

Continuer d’apprendre à marcher

07août

Sur « Éloge de la marche » de David Le Breton (aux Editions Métailié, paru en mai 2000)

J’achève à l’instant « Éloge de la marche » de David Le Breton
avec une très vive satisfaction.

D’abord, déjà, d’un titre aussi juste : remercier (par l' »éloge » !) pareille activité _ qu’est « marcher » _

comme une des grâces du bien vivre

Mais qui doit cependant _ ce « marcher » _ « se cultiver« ,
dans une civilisation qui incline fortement à la paresse, à la passivité
(et à la lâcheté).

Nous retrouvons ici
et Kant (« Qu’est-ce que les Lumières ? » en 1784)
et Bernard Stiegler (« Prendre soin _ de la jeunesse et des générations« ) :
toujours autour de la question de la hiérarchie (contre la confusion _ et l’inversion) des moyens et des fins
pour ce qui concerne le devenir
et de l’individu humain
(ou « non in-humain« ,
ainsi que le précise justement Bernard Stiegler)
et de l’humanité,
en son devenir historique et civilisationnel
(face à la tentation
_ cf Nietzsche, le discours du sur-humain, et du « dernier homme« , au Prologue d' »Ainsi parlait Zarathoustra » _
du nihilisme :
ah ! la jouissance sauvagement « inculte »
et « barbare » (cf Michel Henry : « La Barbarie« , en 1987)
du détruire, du ruiner,
et de se détruire _ et de se suicider…)…

« Le corps,
dit David Le Breton page 13,
est un reste contre quoi se heurte la modernité _ technicienne, mécanique, motorique : par les prodiges d’ automatisation de l’ingénierie technologique, procurant au corps mille prothèses qui finissent par nous le rendre inutile, encombrant, obsolète dans le moindre de ses anciens gestes et efforts : à quoi bon se fatiguer quand la machine (voiture, ascenseur, escalator : on vient s’y figer…) vous porte, transporte, jusqu’à vous remplacer vous-même en tant que simple moyen (pour d’autres _ voire, et c’est là le comble du raffinement ! _ pour soi) ? Ainsi en 1999, David Le Breton a-t-il pu écrire un « Adieu au corps« …

(…) Cet effacement (du corps) limite son champ d’action sur le réel,
diminue le sentiment de consistance du moi,
affaiblit sa connaissance des choses.

(…) Les pieds servent davantage à conduire des voitures
ou à soutenir le piéton quand il se fige sur l’escalator

_ ce qui me peine considérablement chaque fois, mais oui !
par tout ce que cela implique du rapport de soi au vivre _
ou le trottoir,
transformant la majorité de leurs usagers

_ de ces pieds _
en infirmes
_ rien moins ! _
dont le corps ne sert plus à rien, sinon à leur gâcher la vie » (page 13, donc) !


Avec ce versant positif-ci, page 14 :
« Les marcheurs
_ eux, dans le monde contemporain, rappelle David Le Breton _
sont des individus singuliers
qui acceptent des heures
et des jours
de sortir de leur voiture pour s’aventurer corporellement dans la nudité du monde.

La marche est le triomphe du corps _ et de la « sensorialité« , ré-activée alors _ selon le degré de liberté _ d’initiative et de fantaisie re-trouvée (des jeux de l’enfance) _ du marcheur. »

Et page 15 :
« Jouissance du temps, des lieux,
la marche est une dérobade, un pied de nez à la modernité
(motorisée et stipendiée).
Elle est un chemin de traverse dans le rythme effréné de nos vies,
une manière propice de prendre de la distance.
« 

Avec ce mode d’emploi-ci, page 16 :
« Mon intention _ d’auteur, précise-t-il, liminairement à son propos _ est de parler de la marche consentie plaisir au ventre,
celle qui sollicite la rencontre,
la conversation,
la jouissance du temps,
la liberté
_ ou fantaisie re-gagnée, j’y insiste _ de s’arrêter ou de continuer le chemin.

Invitation au plaisir _ gratuit _,
et non guide
_ à suivre, copier, imiter _ pour bien faire.
Jubilation tranquille de penser et de marcher
 »
_ les deux allant l’amble…

« Il s’agit seulement
_ en ce petit livre, donc _
de marcher ensemble
_ auteur et lecteur _
et d’échanger
_ en le dialogue actif et amical de l’écriture et de la lecture _
des impressions
_ ouvertes _
comme si nous étions autour d’une bonne table dans une auberge du bord de route,
quand la fatigue et le vin délient les langues
 » :
ainsi, me souviens-je d’un périple
_ à vélo, il est vrai, l’été 1969, sur le chemin de Saint-Jacques (l’année de « La Voie lactée« , de Luis Buñuel) _,
où nous avons dîné deux fois, dans une semblable auberge « du bord de route« , à Deva, en Guipuzcoa,
rien que pour le plaisir de partager notre bonne humeur avec la bonne humeur de convives venant de s’attabler
alors que nous achevions, bien malencontreusement (d’abord _ mais qu’à cela ne tienne ! cela fut vite « réparé » !), notre dessert…

J’admire l’écriture de David Le Breton,
tant pour ce qu’il dit du « fond » des choses
_ et c’est bien du « fondamental » (ou « élémentaire » : c’est le titre du chapitre page 74) qu’il s’agit ici : par le corps, et l’usage ouvert et lucide des sens
(ou « sensorialité » : le mot se trouve dès la seconde phrase, page 11 ;

et encore à la dernière page, au pluriel, cette fois : à propos « d’autres provisions d’images et de sensorialités« , quand « heureusement nous repartirons en balades dans les villes du monde, les montagnes, les déserts« , page 168) ;

et c’est bien du « fondamental » qu’il s’agit, en effet, ici : se repérer _ un minimum _
afin de vivre,
survivre
et d’abord bien vivre (ou vivre au mieux, vivre plus pleinement) ;
que par la méthode : tissant _ magnifiquement _ sa réflexion à celles d’auteurs
dont il se réjouit de citer les belles et justes paroles
, en leur « jus »,
dans le rythme de leur écriture originale (= leurs phrases, leur phraser ;
c’est-à-dire le souffle syncopé de leur respiration.
Ou le génie poétique,
qui se déploie lui-même en une marche,
en quelque sorte, pas après pas posé (ou dansé) sur le sol ;
les pas frappant ce sol,
selon la tonalité diversifiée et le grain du terrain…).

Ce qui donne, pages 16 et 17 : « Balade en toute simplicité
et en bonne compagnie
où il importe aussi
à l’auteur de dire son plaisir non seulement de la marche
mais aussi de maintes lectures
et le sentiment constant
_ la phrase le marque bien _ que toute écriture
est nourrie de celle des autres
et qu’il est légitime
dans un texte de rappeler
cette dette de jubilation

_ ô la belle et juste expression ! _
qui alimente souvent la plume _ et le penser juste et inspiré _ de l’écrivain« .

Avec cette dernière phrase pour conclure (page 17) cette « ouverture », intitulée « Seuil du chemin«  :
« Pour le reste,
ce sont des souvenirs qui défilent,
des impressions,
des rencontres
_ oui ! _,
des conversations à la fois essentielles et dérisoires
_ comme c’est la loi, cela se découvre, pour le « fondamental » _,
en un mot
_ et ce sera le titre d’un livre ultérieur
(en février 2006 _ et sous-titré « Une anthropologie des sens » : j’y adhère pleinement !)
de David Le Breton _
la saveur du monde« .

A propos de « l‘élémentaire » re-trouvé
_ comme le temps chez Proust (dans « Le Temps retrouvé« , au final de « la Recherche« ) _
par l’exercice effectif
_ et on s’en rend on ne peut plus physiquement et physiologiquement compte _
de la marche,
ces quelques remarques-ci, page 74 :
« La relation au paysage est toujours une affectivité à l’œuvre
_ mais oui : elle travaille, et elle crée _
avant d’être _ rien que _ un regard _ détaché du contexte
(just a glimpse).
Chaque espace
_ et son génie
(de lieu : genius loci)
ainsi manifesté,
consentant à nous adresser un petit signe, discret, de connivence véridique _
contient en puissance des révélations
_ rien moins _
multiples
_ polyformes _,
c’est pourquoi aucune exploration n’épuise jamais
un paysage ou une ville

_ et ses ressources (ou trésor) de sens, à l’infini.
On ne se lasse que de vivre » _ tiens donc !
Et voici bientôt le crucial :
« La marche est confrontation
_ de visages qui se regardent, aussi, et enfin, presque de face : en confiance _
à l’élémentaire,
elle est tellurique
et si elle mobilise un ordre social marqué dans la nature
(routes, sentiers, auberges, signes d’orientation, etc.),
elle est aussi immersion
_ ou bain _ dans l’espace,
non seulement sociologie,
mais aussi géographie
_ corps de la terre-mère _
météorologie,
écologie,
physiologie,
gastronomie,
etc.
 » _ tout ce qui tient au lieu.

Avec cette conclusion provisoire :
« En le soumettant à la nudité du monde

Sans titre © Bernard Plossu

_ cf le merveilleux « L’Usage du monde » de Nicolas Bouvier, sur son voyage initial de juin 1953 (au départ de Belgrade) à décembre 1954 (à l’arrivée au Pakistan) _,
elle sollicite en l’homme le sentiment du sacré.« 
David Le Breton le précise ainsi :
« Emerveillement _ au sens propre _ de sentir l’odeur des pins chauffés par le soleil,
de voir
_ simplement voir (= rece-voir, ici, accueillir) _ un ruisseau couler à travers champ,
une gravière abandonnée avec son eau limpide au milieu de la forêt,
un cerf s’arrêter dans la futaie pour regarder passer les intrus.
La tradition orientale parle du
darshana d’un homme ou d’un lieu
pour désigner
un don de présence,
une
aura
qui transforme
_ en se donnant (cela devient rare en un monde marchandisé) _

ceux qui en sont les témoins
_ soit une éducation ; et un soin _,
pages 74 et 75.

Quatre grandes parties pour cet « Éloge de la marche » : la première (et principale)
intitulée « le Goût de la marche« 
(de la page 18 _ « Marcher » _ à la page 99 _ « La réduction du monde où marcher« )
concerne la randonnée pédestre par les bois, par les champs, par les plaines, par les montagnes,
sac au dos.
J’énumère pour le plaisir ses têtes de chapitre :
« Marcher ; le premier pas ; la royauté du temps ; le corps ; bagages ; seul ou à plusieurs ; blessures ; dormir ; silence ; chanter ; de longues marches immobiles ; ouverture au monde ; les noms ; la comédie du monde ; l’élémentaire ; animaux ; l’obliquité sociale ; promenades ; écrire le voyage ; la réduction du monde où marcher« .

La seconde,
tel un intermède
_ peut-être un peu « expédié » : mais ce sont là des cas-limites (ou « héroïques ») _,
de la page 100 à la page 120,
intitulée « Marcheurs d’horizon« ,
concerne des « marches extrêmes« , pour la vie (sauver sa peau),
ou pour l’exploit _ quand il y avait encore des « explorateurs » :
autour de 4 exemples :
Cabeza de Vaca (« des côtes de Floride à celles du Pacifique« , page 101),
René Caillé (« vers Tombouctou« , page 102),
Richard Burton (et John Speke : « en quête des sources du Nil » blanc, page 109)
et Michel Vieuchange (vers Smara : « une ville mythique, abandonnée, au coeur du désert et du danger« , en Mauritanie, page 117) ;
Soit, pour les dates _ et les époques :
_ 1527-1537 ;
_ 19 avril 1827 – 20 avril 1828 – et à Tanger le 7 septembre ;
_ 1857 – 1863 ;
_ septembre 1929 – 2 novembre 1930 – et (bref) retour.

David Le Breton aurait pu citer aussi,
dans le genre
(de celle de Cabeza de Vaca)
les « marches de la mort » _ hors « les camps » _ de 1945 :
celle de Robert Antelme, par exemple (dans « L’Espèce humaine« )
ou celle _ via la Russie _ que racontera Primo Levi dans « La trêve« …

La troisième, très belle et très juste, à nouveau,
bien qu’un peu « rapide » _ elle aurait mérité plus ample « développement » _
de la page 121 à la page 146,
s’intitule « Marche urbaine« 
_ et c’est celle qui, personnellement, me passionne.
Ses têtes de chapitre :
« Le corps de la ville » (de la page 121 à la page 132);
« Rythmes de marche » (de la page 132 à la page 135) ;
« Entendre » ; « Voir » ; « Sentir » ; « Humer » (de la page 135 à la page 146)

appellent bien des commentaires…


Une dernière partie, comme en appendice « spirituel »,
s’intitule « Spiritualités de la marche«  (de la page 147 à la page 166) ;
avec comme têtes de chapitre : « Itinérances spirituelles » ; « Marcher avec les dieux » ; « La marche comme renaissance » : car « dans la trame du chemin » peut « se retrouver le fil de l’existence« … (page 166)


Et une rapide conclusion de 2 pages (167 et 168) : « La Fin du voyage«  :
« Le voyage nous fait et nous défait ; il nous invente« .
Et « nous repartirons en balades dans les villes du monde,
les forêts, les montagnes, les déserts

_ wilderness, dit, après d’autres, Catherine Larère (c’était le vendredi 28 mars dans la salle des Actes de l’Université Bordeaux3-Michel-de-Montaigne, je l’ai écouté le développer, autour d’Emerson, et Thoreau, et John Muir, et Aldo Leopold : « Almanach d’un comté des sables« , etc… : c’était en un colloque sur le « sauvage » organisé par Bruce Bégout et Barbara Stiegler) _,
pour d’autres provisions d’images et de sensorialités _ oui ! _,
découvrir d’autres lieux et d’autres visages _ ne sont-ils pas étonnamment liés ? _,
chercher prétexte à écrire, renouveler notre regard, sans jamais oublier que la terre est faite pour les pieds plutôt que pour les pneus
et que tant que nous avons un corps
il convient de s’en servir
« .
Et, passé une phrase : « dans la jubilation d’être venu là.
Les sentiers, la terre, le sable,
les bords de mer,
même la boue ou les rochers,
sont à la mesure du corps
et du frémissement d’exister
« .

Merci à David Le Breton de ce généreux et salubre (r-)appel…

Titus Curiosus, le 5 août 2008

Sans Titre - © Bernard Plossu

Photographies : Sans Titre, © Bernard Plossu

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