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Revenir jouir de Francis Poulenc (1899 – 1963) admirablement servi par le chef Georges Prêtre (1924 – 2017) : un beau coffret anthologique d’Erato…

20nov

C’est un article louangeur « Hommages à Georges Prêtre chez Warner » de Pierre-Jean Tribot, avant-hier 18 novembre sur le site de l’excelent magazine belge Crescendo,

qui a attiré mon regard sur la parution très opportune d’un coffret Erato 5054197 993787 de 7 CDs, consacré à l’œuvre d’un compositeur que j’apprécie beaucoup :

Francis Poulenc (Paris, 7 janvier 1899 – Paris, 30 janvier 1963)…


Hommages à Georges Prêtre chez Warner

LE 18 NOVEMBRE 2024 par Pierre Jean Tribot

Georges Prêtre dirige Poulenc. Francis Poulenc (1899-1963) : œuvres diverses. Solistes, chœurs et orchestres, direction : Georges Prêtre. 1959-1988. Livret en français, anglais et allemand. 7 CD Warner. 5054197 993787.

Warner rend hommage au grand Georges Prêtre avec un petit coffret _ de 7 CDs _ qui reprend ses enregistrements Poulenc et quelques rééditions numériques de ses gravures iconiques pour la firme française de EMI France, désormais propriété de Warner Classics.

Avec sa collaboration avec Callas, celle avec Françis Poulenc est l’autre association artistique légendaire _ voilà _ de la carrière du chef nordiste (Waziers, 14 août 1924 – Castres, 4 janvier 2017 _ qui aurait célébré ses 100 ans cette année.

Le jeune chef avait amorcé cette collaboration à l’occasion de la création de la Voix humaine dans la fosse de la Salle Favart avec Denise Duval. Le compositeur était tellement heureux qu’il déclara “tous deux vous êtes tellement moi que c’est comme si je me dédoublais”. L’enregistrement qui en suivit, repris dans ce coffret _ merci !!! _ , est un pilier de l’art de l’interprétation de ce chef d’œuvre unique _ absolument.

Georges Prêtre fut la cheville ouvrière pour EMI d’enregistrements sous la houlette bienveillante du compositeur _ oui _, mais le coffret pour éviter de doublonner avec une précédente parution Warner “Poulenc, oeuvres complètes” propose un équilibre entre les gravures historiques et les remake du chef tout au long de sa carrière.

On retrouve ainsi les Concertos pour piano (pour piano et pour deux pianos) avec Gabriel Tacchino et Bernard Ringeissen, en 1983, avec l’Orchestre philharmonique de Monte Carlo, un album orchestral  avec le jeune Orchestre de Paris en 1968  (Sinfonietta, Suite françaiseMariés de la Tour Eiffel) et le diptyque sacré Stabat Mater et Gloria avec l’Orchestre national de France et le Choeur de Radio France enregistré en 1988. L’ensemble n’est en rien une intégrale, plutôt une très large sélection _ voilà _ car si on est ravis de retrouver les Biches en version complète avec chœur, on regrette de ne pouvoir entendre que la Suite des Animaux modèles car le maestro n’a hélas pas enregistré l’intégrale du ballet.

Prêtre est évidemment à son affaire par un style énergique et tranchant _ voilà _ qui vivifie ces œuvres. On se régale des sonorités très typées des orchestres parisiens d’alors, avec des timbres assez crus et verts, qui renforcent l’ironie et l’humour de ces partitions _ c’est très juste. Les prises de son EMI France n’ont jamais été des modèles hifistes, il faut passer sur une plastique sonore, elle aussi abrupte. Mais ces gravures sont de belles références malgré quelques déception comme une Barbara Hendricks hors style dans le Stabat Mater et le Gloria.

En numérique et seulement en numérique, Warner remet en ligne l’intégrale des Symphonies de Saint-Saëns et le poème symphonique La jeunesse d’Hercule avec les Wiener symphoniker, un album Marcel Landowski (Symphonies n°1, n°3, n°4et Concerto pour violon)  avec Patrice Fontanarosa et l’Orchestre n national de France mais surtout un magistral album d’Indy avec l’Orchestre philharmonique de Monte-Carlo dans le Poème des rivages et le Diptyque méditérnnéen, un album fauviste, gorgé de lumières méridionales qui fait briller l’art de d‘Indy comme jamais. On aurait aimé que Warner nous rende deux autres gravures : la Symphonie du Nouveau monde avec l’Orchestre de Paris (avec Jean-Claude Malgoire au cor anglais) et laDamnation de Faust avec ce même orchestre de Paris avec Janet Baker, Nicolaï Gedda et Gabriel Bacquier. Du Georges Prêtre, on n’en a jamais assez !

Note globale 9-10

Ce mercredi 20 novembre 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

Honneur aux « Rendez-vous with Martha Argerich » (Suite), ou à nouveau l’immense joie de partager, aussi au disque, en toute simplicité et les plus hautes exigences de l’art, le plaisir de donner heureuse vie à la musique avec des amis : maintenant à Hambourg…

21oct

Comme en continuation magnifiquement bienvenue à mon article d’hier « « , qui se permettait de citer les excellentes remarques de Jean-Pierre Rousseau en son article « Ubu, Martha, Melle Liu etc. » à propos du Volume 2 des « Rendez-vous with Martha Argerich » de l’année 2019 à Hambourg, en juin,

voici que je découvre sur le site du magazine belge Crescendo l’article paru ce jour de Jean Lacroix intitulé lui « Hambourg, juin 2021 : Martha Argerich et ses amis en concerts publics« , consacré, cette fois, au Volume 3 de ces « Rendez-vous with Martha Argerich » de juin à Hambourg, l’année 2021, cette fois…

Le voici donc, lui aussi :

Hambourg, juin 2021 : Martha Argerich et ses amis en concerts publics

Le 21 octobre 2024 par Jean Lacroix

Rendez-vous avec Martha Argerich, volume 3 : Œuvres de Arno Babadjanian (1921-1983), Béla Bartók (1881-1945), Ludwig van Beethoven (1770-1827), Leonard Bernstein (1918-1990), Johannes Brahms (1833-1897), Pablo Casals (1876-1973), Dimitri Chostakovitch (1906-1975), Manuel de Falla (1876-1946), César Franck (1822-1890), Felix Mendelssohn (1809-1847), Modeste Moussorgsky (1839-1881), Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791), Astor Piazzolla (1921-1992), Serge Prokofiev (1891-1953), Franz Schubert (1797-1828) et Mieczyslaw Weinberg (1919-1996).

Martha Argerich, Nicholas Angelich, Nelson Goerner, Alexander Gurning, Maria João Pires, Lilya Zilberstein, piano ; Renaud Capuçon, Gidon Kremer, Anne-Sophie Mutter, Tedi Papavrami, violon ; Gérard Caussé, alto ; Mischa Maisky, violoncelle ; Michael Volle, baryton, et une vingtaine d’autres solistes ; Symphoniker Hamburg, direction Sylvain Cambreling. 2021.

Notice (uniquement de courtes biographies) en anglais, en allemand et en français.

458’ 35’’.

Un coffret de sept CD Avanti 5014706 10702.

Après Lugano, où un Festival Martha Argerich, regroupant un grand nombre d’amis et d’interprètes proches de la virtuose, a été organisé chaque été entre 2002 et 2016 _ voilà ! _, c’est la cité hanséatique de Hambourg, en sa splendide Laeiszhalle, sur la Johannes-Brahms-Platz, qui a pris le relais à partir de 2018. Un premier volume de ce « Rendez-vous avec Martha Argerich » a été publié dès l’année suivante _ 2019, donc _ chez Avanti. Une nouvelle édition a eu lieu en 2019 et elle est également documentée par un coffret.Voici le troisième témoignage de ces jours de complicité et d’échanges musicaux : il s’agit de l’édition 2021, celle de l’année précédente ayant été perturbée par le Covid.

Martha Argerich a fêté ses 80 ans le 5 juin 2021, peu avant cette édition. Toujours motivée et dynamique, elle est la « vedette » de la moitié des œuvres ici incluses, dix-neuf au total. Un seul concerto pour piano au programme : le n° 2 de Beethoven, qu’elle a joué à maintes reprises, et dont elle connaît les moindres recoins de la partition. Elle en livre une lecture enthousiaste, pleine de vivacité dans l’Allegro con brio initial, de lyrisme intense dans l’Adagio, et de virtuosité maîtrisée dans le Rondo final. Une belle version, que le Symphonique de Hambourg, placé sous la direction de Sylvain Cambreling, déjà requis pour l’édition précédente, anime avec le même enjouement _ voilà. Sur le même disque, on s’attardera au Trio n° 1 op. 49 de Mendelssohn, qu’elle joue avec son complice de toujours Mischa Maisky, mais aussi avec Anne-Sophie Mutter, scellant ainsi, dans ce contexte, une première collaboration avec la soliste allemande. Cette partition, créée en 1840 et que Schumann appréciait tant, dévoile, grâce à ce dialogue de haut niveau, ses secrets lyriques, fantastiques (superbe Scherzo) et brillants.

Mutter n’est pas la seule à être invitée pour la première fois, c’est le cas aussi de Maria João Pires, qui est la partenaire d’Argerich dans une Sonate pour piano à quatre mains K 521 de Mozart, jouée avec retenue et verve à la fois _ absolument… Pires propose en solo les Impromptus2 et 3 D 935 de Schubert et sa Sonate D 664. Le toucher a quelque chose de magique, tout paraît d’une évidence esthétique _ comme il le faudrait toujours ; comme s’il s’agissait d’une improvisation naturelle _, en particulier la sonate de 1819, qui distille une poésie de tendresse cristalline. Martha Argerich est encore présente dans des pages variées : avec Mischa Maisky, bien sûr, dans de séduisantes Variations sur un air de La Flûte enchantée WoO46 de Beethoven, ou dans la Sonate op. 40 de Chostakovitch, méditative mais aussi sarcastique _ à la Chostakovitch ! Avec Renaud Capuçon, pour la Sonate op. 30 n° 3 du maître de Bonn, avec Lilya Zilberstein pour un autre Chostakovitch, le pétillant Concertino pour deux pianos op. 94 de 1953, ou encore avec la flûtiste solo du Symphonique de Hambourg, Susanne Barner, dans la Sonate op. 94 de Prokofiev, avec ses traits d’exubérance spirituelle. Mention spéciale pour une explosive _ comme il se doit ! _  Sonate pour deux pianos et percussion de Bartók, qui brille de mille feux, avec _ l’excellentissime et compatriote argentin _ Nelson Goerner et les percussionnistes Alexej Gerassimez et Lukas Böhm, bien en forme.

Pour le reste du programme, celui dans lequel Martha Argerich n’est pas impliquée, nous sortons du lot la Sonate pour alto et piano op. 120 n° 2 de Brahms. Il s’agit de la toute dernière apparition scénique de Nicholas Angelich, qui décédera _ moins d’une année plus tard _  à 51 ans, le 8 avril 2022, des suites d’une grave infection pulmonaire. Gérard Caussé est son partenaire dans l’adaptation de cette page d’abord destinée à la clarinette. Le caractère mélancolique et apaisant _ si poétique _ de l’Andante molto conclusif, avant sa fin lumineuse, prend, dans ces circonstances, une émouvante dimension. Le présent coffret a d’ailleurs été placé sous le signe d’un hommage à la mémoire de ce regretté virtuose.

Un disque plaira aux passionnés d’Astor Piazzolla, d’autant plus que _ le merveilleux complice _ Gidon Kremer officie pour le langoureux et jouissif Great Tango, dans l’arrangement qu’en a fait Sofia Gubaidulina pour violon et piano (Georgijs Osokins est au clavier). Pour Les quatre saisons de Buenos Aires, tranches de vie d’un habitant de la cité, partition prévue pour un quintette, dont un bandonéon, qui a connu plusieurs arrangements, Tedi Papavrami est au violon, Eugene Lischitz au violoncelle, et Alexander Gurning au piano, pour rivaliser d’une séduction que l’on qualifiera _ bien sûr _ d’« argentine ». En complément, on trouve les _ jubilatoiresDanses symphoniques de « West Side Story » de Bernstein, dans une version pour deux pianos, souple et rythmée, par le duo Gerzenberg, Anton et Daniel, les fils de Lilya Zilberstein.

Une voix est à mettre en évidence, celle du baryton allemand, Michael Volle qui propose de façon poignante les douloureux Chants et danses de la mort de Moussorgski, avec Daniel Gerzenberg pour partenaire. On saluera encore l’introduction dans ces soirées des brèves Douze miniatures pour flûte et piano op. 29 de Weinberg _ qui me touche personnellement tellement... Susanne Barner, qui avait Martha Argerich pour partenaire dans Prokofiev, est ici en duo avec la Japonaise Akane Sakai.

Les mélomanes qui ont acquis les deux premiers volumes da la série ne manqueront pas ce troisième « Rendez-vous avec Martha Argerich », non seulement pour ses prestations, mais aussi pour celles de tous ces artistes réunis pour célébrer la musique _ voilà, voilà ! Les prises de son en public sont de qualité et apportent un vrai confort d’écoute.

Note globale : 10

Jean Lacroix

Quel régal que cette musique si jubilatoiremet partagée !!!

 

Ce lundi 21 octobre 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

La reconnaissance confirmée du talent singulier de Jonathan Fournel, brillant et affuté pianiste, ici dans Chopin et Szymanowski…

25sept

Le 3 septembre dernier, je consacrais un article de curiosité admirative «  » envers le talent brillant et affuté du pianiste Jonathan Fournel, à l’occasion de la parution de son superbe album Alpha 1064 « Chopin – Szymanowski« … 

Et voici que trois semaines plus tard cette admiration mienne évoquée en mon article se voit rejointe et développée plus amplement par deux articles bien détaillés consacrés à ce même CD Alpha 1064 « Chopin -Szymanowski » de Jonathan Fournel au piano :

le premier avant-hier 23 septembre, par Jean Lacroix sur le site du magazine Crescendo, sous le titre de « Après Brahms et Mozart, Jonathan Fournel se tourne vers la Pologne » ;

et le second hier 24 septembre, par Jean-Charles Hoffelé, sur son blog Discophilia, sous le titre de « Les deux Pologne« …

Les voici donc, l’un et l’autre :

Après Brahms et Mozart, Jonathan Fournel se tourne vers la Pologne

Le 23 septembre 2024 par Jean Lacroix

Frédéric Chopin (1810-1849) : Sonate pour piano n° 3 en si mineur op. 58. Karol Szymanowski (1882-1937) : Variations pour piano en si bémol mineur op. 3 ; Variations sur un thème folklorique polonais op. 10. Jonathan Fournel, piano. 2023. Notice en français, en anglais et en allemand. 60’ 51‘’. Alpha 1064.

Vainqueur du Concours Reine Elisabeth de 2021, placé sous le signe de la pandémie, le pianiste français Jonathan Fournel (°1993), originaire de Sarrebourg, dans l’est de la France, avait alors démontré ses affinités particulières avec Brahms en jouant en demi-finale les Variations et Fugue sur un thème de Haendel op. 24, avant un brillant Concerto n° 2 en finale. Entré dès 2009 au CNSM de Paris où il étudia avec Bruno Rigutto, Brigitte Engerer, Claire Désert et Michel Dalberto, Fournel a poursuivi sa formation, à partir de 2016, à la Chapelle musicale de Waterloo, avec Louis Lortie et Avo Kouyoumdjian. Dans la foulée de ce Premier Prix, il a gravé pour Alpha son premier disque _ Alpha 851 _, consacré lui aussi à Brahms _ « Brahms – Piano Sonata N°3 – Handel Variations«  On y retrouvait l’opus 24 _ « Variations and Fugue on a Thème by Handel«  _, couplé à la Sonate n° 3 _ Op. 5. Nous avions souligné, le 23 novembre 2021, l’excellence du style, riche en nuances, ainsi que la plénitude, la capacité expressive, l’énergie et l’intensité émotionnelle que ces pages dévoilaient chez ce jeune interprète. Nous appelions aussi de nos vœux des gravures de Fournel dans d’autres répertoires. Ce fut chose faite, début 2024, pour le même label, avec les Concertos n° 18 et 21 de Mozart _ le CD Alpha 1039 _, l’Orchestre du Mozarteum de Salzbourg étant placé sous la direction de Howard Griffiths ; Fournel en soulignait toute la vivifiante élégance.

Pour son troisième album chez Alpha _ le CD Alpha 1064 _, le pianiste propose un album où se côtoient Chopin et Szymanowski. Un judicieux programme polonais, qui rappelle que le second nommé, dans ses partitions _ Op. 3 et Op. 10 _ de Variations, composées en pleine jeunesse, au tout début du XXe siècle, s’inscrit dans la descendance de Chopin, mais aussi du premier Scriabine, et sous influence brahmsienne et schumanienne. Dans l’opus 3 _ « Variations in B Flat Minor«  _, dédié à Arthur Rubinstein lorsqu’il est publié en 1910 (sauf erreur, le virtuose n’en a pas laissé de témoignage sur disque) _ l’œuvre a été composée en 1903 _, douze variations s’enchaînent, en moins de douze minutes, Szymanowski manie l’art de la concision et de la liberté expressive, avec des suraigus et des graves, une certaine joie, et un rappel de la marche funèbre de Chopin. Le compositeur est en recherche d’un style propre, qu’il va développer au sein de l’opus 10 _ « Variations on a Polish Folk Theme«  _ de manière plus large (une vingtaine de minutes), dans une polyphonie plus travaillée, qui fait défiler les variations d’un thème emprunté à un recueil de chants de la région de Zakopane, située au pied de la chaîne montagneuse des Tatras. La musique traditionnelle fait ainsi son entrée dans le catalogue de Szymanowski. L’écriture pianistique, qui n’est pas sans évoquer des atmosphères lisztiennes, s’exprime encore de façon académique (la dédicace est pour son professeur Zygmunt Noskowski), mais avec des humeurs variées : sombre, rêveuse, rythmée, funèbre, ou triomphale dans une conclusion en apogée. Jonathan Fournel sert ces deux séries de variations avec un vrai sens de l’équilibre instrumental, leur accordant cette part de jeunesse qui les caractérise, sans effets ni contrastes malvenus. Il met en évidence les influences, tout en animant le tout avec finesse et sûreté.

Placée entre les deux opus szymanowskiens, la Sonate n° 3 _ Op. 58 _ de Chopin (1844) fait vibrer la lumière et la joie, tout à fait à l’opposé de la Sonate Funèbre _ N°2. De style large et jaillissant, cette composition de Nohant, à la virtuosité maîtrisée, déploie un superbe chant d’une esthétique entre Beethoven et Bellini dans le vaste l’Allegro maestoso initial, avant un bref Scherzo « plus léger que l’air », selon la jolie formule de maints commentateurs. Le Largo se mue en caresses élégiaques qui s’épanouissent de façon rêveuse, en plein émerveillement, presque irréel. Chopin laisse la puissance et les scintillements se propager dans un final en forme de rondo, aux effets flamboyants. Jonathan Fournel est ici aussi à l’aise que dans Brahms ; il traduit tous les paysages intérieurs de Chopin avec un enthousiasme communicatif, un sens du partage, une flamme ardente et un engagement qui séduisent tout au long du parcours. Il sait aussi ne pas se laisser emporter par une fougue trop débridée et ne pas être débordé par une émotion excessive (le Largo est superbement énoncé), dans le respect de ce moment de bonheur que reflète l’écriture du compositeur. On aurait aimé que _ dans le livret du CD _ Fournel fasse l’un ou l’autre commentaire sur la manière dont il conçoit son approche de Chopin. Mais la notice n’en dit rien.

Ce troisième album confirme la maturité pianistique d’un artiste qui aura sans doute bien des richesses musicales à proposer dans le futur.

Son : 9  Notice : 8  Répertoire : 10  Interprétation : 10

Jean Lacroix

LES DEUX POLOGNE

Admirable la Sonate en si _ de Chopin _ selon Jonathan Fournel, l’élégance et le feu, la main gauche impérieuse, le chant dit haut, la lumière même du Steinway font son Chopin d’une intense autorité sans pourtant oublier la ligne classique qu’y entendait jadis Dinu Lipatti. Le modèle certes était posé, mais le jeune homme y ajoute son propre clavier, où les polyphonies dansent, s’exaltent, s’envolent.

Pourtant, aussi fabuleuse que soit sa Sonate de Chopin, ce sont d’abord les deux cahiers de Variations _ Op. 3 et Op. 10 _ de Szymanowski qui me feront ranger le disque à l’auteur du Roi Roger _ ce chef d’œuvre majeur…

D’un Polonais l’autre croirait-on, mais non, le jeune Szymanowski ne regarde guère vers Chopin, Fauré s’évoque quasi sous les doigts du Français dans le thème de l’Opus 3, les verreries colorées de Scriabine, si souvent jouées pour Szymanowski par Heinrich Neuhaus, sont reconnaissables dans maintes variations, tout cela divulgué avec des attentions de poète qui trouveront l’ampleur commandée, une année plus tard _ en 1904 _, par les Variations sur un thème polonais, son glas fulgurant, ses esquisses de danses des Tatras, ses spectaculaires oiseaux de la coda, tout cela si vif, si prégnant, preuves nouvelles d’un art inspiré qui s’amplifie à chaque nouvel album.

LE DISQUE DU JOUR

Karol Szymanowski
(1882-1937)


Variations en si bémol mineur, Op. 3
Variations sur thème populaire polonais, Op. 10


Frédéric Chopin (1810-1849)


Sonate pour piano No. 3
en si mineur, Op. 58

Jonathan Fournel, piano

Un album du label Alpha Classics 1064

Photo à la une : le pianiste Jonathan Fournel – Photo : © Marco Borggreve

Deux belles reconnaissances de la critique : un talent d’interprète assurément à suivre…

Ce mercredi 25 septembre 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

Et à nouveau à propos de l’excellent et encore bien trop méconnu Alexandre Tansman (1897 – 1986) et l’emballant CD « Tansman cosmopolite » du Novi Piano Duo, pour le label Dux…

13août

Et à nouveau à propos de l’excellent et encore bien trop méconnu Aleksander Tansman (Lodz, 11 juin 1897 – Paris, 15 novembre 1986),

et comme en confirmation de mon article du 17 mai 2024 « « 

_ dans lequel je citais le parfait article très justement enthousiaste « L’enfant terrible » de Jean-Charles Hoffelé, en date du 13 mai précédent : c’est lui qui m’avait appris l’existence de cet emballant et épatantissime CD Dux 1969 « Tansman cosmopolite«  _,

voici ce mardi 13 août 2024, ce bon article-ci de Jean Lacroix « Deux pianos pour le cosmopolitisme d’Alexandtre Tansman » sur le site de Crescendo Magazine :

Deux pianos pour le cosmopolitisme d’Alexandre Tansman

LE 13 AOÛT 2024 par Jean Lacroix

Alexandre Tansman (1897-1986) :

Le Train de nuit ; La Grande Ville ; Fantaisie sur les valses de Johann Strauss ; Trois Fugues ; Introduction et Fugue. Duo Novi. 2023.

Notice en polonais et en anglais.

54.20.

Dux 1969.

Le label Dux avait déjà proposé un programme consacré à des pages pour deux pianos d’Alexandre Tansman en 2021. Centré sur de grandes cités pianistiques, témoignages de la carrière internationale de ce compositeur polonais qui a vécu en France où il est devenu, dans les années 1920, un ami du Groupe des Six, et s’est produit, en sa qualité d’excellent pianiste, en Europe, aux Etats-Unis, en Asie et au Moyen-Orient, Il était confié au Duo Baayon. Nous renvoyons le lecteur à notre article du 13 juillet 2022 pour de plus amples détails biographiques. Rappelons que né dans une famille juive à Łodz, où il a étudié ainsi qu’à Varsovie, Tansman a été un inlassable voyageur et a laissé un catalogue de plus de trois cents œuvres. Il s’exila à Hollywood pour échapper au régime nazi et revint en France en 1946 pour s’y fixer définitivement. C’est à l’intention de son épouse Colette, fille du compositeur et contre-amiral Jean Cras, trop tôt disparue (en 1953, âgée de 44 ans), qu’il a écrit la plupart de ses partitions pour duo de pianos.

Le présent programme débute par une page très imagée de 1951, intitulée Le Train de nuit, dont le contenu s’inspire sans doute de souvenirs ferroviaires que Tansman a engrangés au cours de ses nombreux déplacements _ de par le monde entier. Destiné à un ballet du danseur et chorégraphe allemand Kurt Jooss (1901-1979), ce parcours léger _ mais absolument emballant ! _, d’un peu moins de dix-huit minutes, se compose de plusieurs micro-sections diversifiées et animées, dont on apprécie l’originalité ; elles évoquent notamment les rythmes du voyage, modérés ou pleins de vitalité. Celle-ci se retrouve, agrémentée d’effets de jazz _ oui _, après la découverte de Gershwin _ oui, oui _, dans La Grande Ville, qui date de 1935, et est à l’origine un ballet en trois tableaux, destiné lui aussi à Kurt Jooss. Tansman en a transcrit trois courts moments pour deux pianos ; il y rappelle les dangers que représente pour la jeunesse une cité comme New York, dans une atmosphère emballante _ voilà le qualificatif décisif ! _, typique du jazz américain, charleston y compris.

Tansman était épris de Vienne et de son atmosphère particulière. En 1961, après le décès de son épouse, il écrit une Fantaisie sur les valses de Strauss, haute en couleurs et en sensations dansantes. On y reconnaît, entre autres thèmes, celui de la Valse de l’empereur, le tout dans une atmosphère narrative élégante et de bon goût, sans négliger _ en effet _ un humour simple et léger. Les Trois Fugues de 1942 sont de brefs morceaux où apparaissent quelques dissonances, entre expressivité, discours lyrique et virtuosité. L’Introduction et Fugue de 1938 complètent l’affiche, la première pièce, assez grandiose, s’inspire du monumentalisme de Busoni, la seconde se développe à partir d’un thème doux pour progresser jusqu’à l’apogée.

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Le Duo Novi, fondé en 2018, s’est formé à partir de l’Académie de musique de Cracovie, où Anna Wielgus-Nowak et Grzegorz Nowak ont tous deux étudié. Ces partenaires ont signé en 2022 un premier album consacré au compositeur polonais Roman Maciejewski (1910-1998), déjà pour le label Dux. Le présent album recoupe une partie du programme de 2021 du Duo Baayon : on y retrouve La Grande Ville et la Fantaisie sur des Valses de Strauss. Tout autant que ses compatriotes, le Duo Novi défend ces pages alertes et divertissantes avec entrain, les passages imprégnés de jazz étant particulièrement bienvenus _ oui ! Le choix de l’une ou l’autre version se fera, à qualité égale, en fonction du reste du programme.

Comme c’était déjà le cas pour le Duo Baayon, le label Dux ne propose ici qu’un minutage qui dépasse à peine les cinquante minutes. C’est vraiment peu. D’autres pages pour deux pianos de Tansman auraient été _ certes… _  les bienvenues.

Son : 8,5  Notice : 8  Répertoire : 9  Interprétation : 9

Jean Lacroix

Alexandre Tasman,

un compositeur qui assurément vaut le voyage de notre écoute !

Ce mardi 13 août 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

A partir d’un travail sien de révision des partitions (jusqu’ici truffées d’erreurs), le chef John Wilson vient nous offrir une magistrale interprétation de ce chef d’oeuvre de Ravel qu’est le Ballet complet de « Daphnis et Chloé »…

04avr

Avec le CD « Ravel – Daphnis et Chloé – Complete Ballet« , soit le CD Chandos 5327 _ enregistré à Londres du 7 au 9 décembre 2022 _,

à la tête du Sinfonia of London Chorus et du Sinfonia of London, le décidément excellent John Wilson vient nous offrir une superbe _ magistrale _ interprétation de ce chef d’œuvre sublime de Maurice Ravel qu’est le Ballet de « Daphnis et Chloé« , à partir d’un travail extrêmement minutieux de révision _ effectué par lui-même, John Wilson, au moment des confinements du Covid _ des partitions, truffées d’erreurs accumulées jusque là…

Voici le bel article intitulé « John Wilson, un nouveau regard sur Daphnis et Chloé de Ravel » que ce jeudi 4 avril 2024, sur le site de l’excellent magazine Crescendo, Pierre-Jean Tribot vient consacrer à cette prouesse musicale et discographique ravélienne, pour le label Chandos :

John Wilson, un nouveau regard sur Daphnis et Chloé de Ravel 

LE 4 AVRIL 2024 par Pierre Jean Tribot

Maurice Ravel (1875-1917) : Daphnis et Chloé, M.57.

Sinfonia of London Chorus, Sinfonia of London, direction : John Wilson.

2022. Livret en anglais, allemand et français. 54’00.

Chandos CHSA 5327.

En matière de Daphnis et Chloé de Maurice Ravel, il y bien une problématique centrale : celle des centaines de fautes qui n’avaient jamais été corrigées _ hélas _ depuis la première édition de la partition. Tous les chefs d’orchestre qui se confrontent à ce chef d’œuvre se repassent des listes de corrections à appliquer, et certaines de ces listes, comme celle établie par Pierre Boulez, sont presque “légendaires”.

En 2020, pendant le confinement pandémique _ voilà ! _, le chef d’orchestre John Wilson a amorcé un travail de fond pour proposer une édition révisée expurgée de ces erreurs. Sur base des sources, dont le manuscrit original ou la partition de la réduction piano/chœur, il a pu proposer le travail “qui reflétait le mieux les décisions finales du compositeur” _ voilà quel était l’objectif ! _ comme il l’indique dans la notice de présentation _ aux pages 34-35. En effet, différentes modifications avaient également été apportées par Ravel _ sur le vif _ au moment des répétitions. Ces dernières avaient été reportées sur les parties séparées, mais pas reprises dans la partition de chef. John Wilson livre donc en première son travail au pupitre de ses musiciens londoniens.

La réussite de ce nouvel enregistrement est indéniable _ en effet. En premier lieu, il faut saluer la performance de l’incroyable Sinfonia of London dont l’engagement est sans faille : puissance et éclat dans les tuttis, richesse de couleurs et finesse et élégance dans les solistes _ voilà qui est dit, et bien dit. Le Sinfonia of London Chorus est quant à lui d’une idéale homogénéité avec ce qu’il faut de flexibilité à la fois dans la transparence des timbres que dans la puissance de la projection _ oui.

La baguette de John Wilson travaille le texte, et on redécouvre _ ainsi _ cette œuvre _ d’une extraordinaire fraïcheur, en la plus parfaite cohérence, d’ailleurs, avec son sujet… La texture instrumentale sonne allégée _ oui _ avec une plus grande mobilité de la masse orchestrale. La lisibilité des pupitres est exceptionnelle _ c’est magnifique, et sublimement ravélien ! _ et rend encore plus impactants les contrastes et les césures narratives de ce ballet. Le geste compositionnel de Ravel, sa force et son génie sont ici magnifiés _ voilà. Bien évidemment, la prise de son Chandos, techniquement superlative, nous place au cœur de cette interprétation magistrale qui fait date _ oui.

Alors bien évidemment, la discographie de Daphnis et Chloé est bardée de références d’Ansermet (Decca) _ et Monteux (Decca)… _ à François-Xavier Roth (HM) _ cf par exemple, et à côté de plusieurs autres, mon article «  » en date du 23 juin 2023, mais aussi, et plus particulièrement à propos de « Daphnis et Chloé« , celui-ci, même bien trop bref, « «  en date du 15 septembre 2019… _en passant par Pierre Boulez (DGG), mais cette version, unique par le regard _ quasi originaire _ qu’elle nous permet de retrouver _ enfin ? _ sur ce chef d’œuvre, est _ sans nul doute _ une pierre angulaire.

Pierre-Jean Tribot

Pour ce qui personnellement concerne l’aficionado ravélien que je suis,

je dois signaler ici que j’avais beaucoup apprécié, à sa sortie, le précédent CD Ravel « Ma Mère L’Oye – Boléro (premières recordong of original ballets«  de John Wilson (le CD Chandos CHSA 5280),

ainsi qu’en témoigne mon article en date du 1er septembre 2022 : « « .

Mais il me faut relever aussi que ni le site Discophilia de Jean-Charles Hoffelé, ni le site ResMusica _ que je consulte quotidiennement _ n’ont jusqu’ici consacré d’article aux (belles) réalisations discographiques ravéliennes de John Wilson ;

et cela à la différence du site (belge) du magazine Crescendo, dont je relève maints articles (au nombre de 13) antérieurs _ à celui de ce 14e, ce jeudi 4 avril 2024 _ consacrés à ce chef britannique, dont, en l’occurrence, ces 3 remarquables-ci à propos de Maurice Ravel :

_ « John Wilson et Ravel« , un entretien entre Bertrand Balmitgère et John Wilson, en date 26 janvier 2022 :


_ « Les œuvres orchestrales de Ravel chez Chandos : le choc John Wilson« , un article de Pierre-Jean Tribot, en date du 20 février 2022 :


_ et « Ravel en miroirs anglais, entre mentors et disciples« , un article de Pierre-Jean Tribot, en date du 19 mars 2024…

Je ne sais trop  qu’en conclure : serait-on plus attentif, ou plus curieux, en Belgique qu’en France ?..

En tout cas, John Wilson est un chef ravélien _ Ravel, a-t-il aussi confié, est son « compositeur préféré«  _ à coup sûr bigrement intéressant… 

Écoutez-ici la sublime Pantomime de la troisième Partie de ce « Daphnis » (6′ 40), sous la baguette de John Wilson..

Ce jeudi 4 avril 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

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