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Energie, joie, reconnaissance _ et amitiés aussi : la grâce des oeuvres et de l’Art : François Noudelmann, Gilles Tiberghien, Bruce Bégout

05avr

Où puiser son énergie _ à part la chair de la viande, veux-je dire !.. _, où ?..

Dans la joie, principalement ; quand la joie, elle-même, déjà, est l’expression du « passage à une puissance supérieure« , pour reprendre la si juste formulation de Spinoza en son « Ethique » : un must (de la voie du bonheur : « béatitude« , dit-il, quant à lui) ! Et se manifeste en une œuvre.

Sans doute existe-t-il aussi des satisfactions « mauvaises », méchantes, lubriques, sadiques, etc… ; de même que des « œuvres » du Malin… Pour ma part, j’y goûte peu, à de telles « malices », sauf en situation de survivre (par l’ironie) face aux désespoirs qui menacent (intransitivement !) de tant de bêtise, de paresse, de lâcheté, de mauvaise volonté… Quant au cynisme du mal : directement le combattre, lui !.. Fin de l’incise.

La voie de la joie, donc ; celle de l’expression des potentialités, des talents en germe (et en jachère) qui aspirent à se réaliser, à passer à (davantage de) l’effectivité : « wirklichkeit« , dit Hegel _ en sa « Phénomélogie de l’Esprit » _, un excellent lecteur de Spinoza, il faut dire… Quand les Lumières, qui viennent tant de lui _ Spinoza _, ont commencé a déjà bien (ou un peu ?) mûrir…

D’où ma satisfaction à avoir écouté vendredi dernier, avant hier (le 3 avril, de 10h à 11h, sur France-Culture), l’excellente émission de François Noudelmann, « Les Vendredis de la philosophie« , consacrée à « Adorno et la musique« , avec Anne Boissière, Marc Jimenez et Jean-Paul Olive…

Adorno est le philosophe de l’effort pour surmonter la « vie mutilée » ;

tout de lui est à lire ; en commençant peut-être par les admirables « Minima moralia«  _ dont le sous-titre est très clairement (trop ?) « Réflexions sur la vie mutilée » : une expression éditorialement un peu trop dissuasive, par les temps qui courent ?.. Un must !!!


Je comprends que François Noudelmann, auteur du passionnant et si fin « Le Toucher des philosophes _ Sartre, Nietzsche, Barthes au piano« ,
s’intéresse
, au point de s’y focaliser en une telle émission, à l’articulation entre philosophie et musique ;
comme un point particulièrement élevé
(en degrés : la lave est en fusion !..) de rencontre _ et qu’il faut de toute urgence véritablement explorer ! _ entre les voies du penser (et du concept), les voies du parler _ cf la générativité du discours par la parole dans la langue, selon Chomsky : dès l’enfance : quand l’in-fans sort, en apprenant la langue (et la culture), de sa mutité ! De Noam Chomky, cf, par exemple, tout récemment, « Le langage et la pensée » ! _ et de l’écrire (distinct du simple parler ; cf Bernard Stiegler, passim) ;

…:

et les voies de l’œuvrer artistique _ tout spécialement musical.

Car la musique va ailleurs : et que l’écriture (avec ses métaphores) ; et que les arts plastiques (avec leur mobilisation de l' »imageance » _ j’ai jadis écrit là-dessus, en prolongement à l' »Homo spectator » de Marie-José Mondzain ; et je dois aussi rédiger urgemment un article en prolongement au passionnant « Quand les images prennent position _ l’oeil de l’Histoire 1« , de Georges Didi-Huberman…

Or, Theodor Adorno médite sur cette rencontre entre philosopher et musiquer
dans une perspective, pour les deux (et philosopher, et musiquer), du plus haut (= sacré, si l’on voulait…) « service » de la vérité. Voilà l’exigence très haute d’Adorno.

Je dois donc ré-écouter cette émission, une fois podcastée ; et re-lire Adorno lui-même : les « Minima moralia » ; mais aussi les très « vivants » recueils d’article « Modèles critiques » et « Prismes _ critique de la culture et société« …

En tout cas,
le petit mot amical de François Noudelmann
à mon envoi d’articles de mon blog « En cherchant bien« 
m’a fait très plaisir.
Et c’est de lui que je retiens ce mot même d' »énergie » :


De :      Titus Curiosus
Objet :     Écriture et musique
Date :     28 mars 2009 07:48:48 HNEC
À :       François Noudelmann

Au delà du plaisir de découvrir que votre « Toucher des philosophes  » vient de se voir récompensé
du « Grand Prix des Muses« 
_ déjà un bien beau nom ! _,
je me permets de vous adresser cet article « Rebander les ressorts de l’esprit (= ressourcer l’@-tention) à l’heure d’une avancée de la mélancolie : Jean Clair »
à propos du dernier volume du « Journal » de Jean Clair
« La Tourterelle et le chat-huant« ,


car une remarque de Jean Clair fait état de l’importance pour lui
de la musique
pour s’aider à « écrire plus juste« …
J’ai conclu mon article sur cette note (et le rappel de votre livre).


Bien à vous,
Titus Curiosus

Et la réponse de François Noudelmann :

De :       François Noudelmann
Objet :     Rép :Écriture et musique
Date :     30 mars 2009 08:41:55 HAEC
À :      Titus Curiosus

Merci beaucoup pour ces informations et vos textes. Quelle énergie vous avez, c’est impressionnant ! J’aimerais avoir le secret de ces “ressorts”…
Amicalement, François

Voilà qui fait bien plaisir… Les « bouteilles » (à la mer) atteignent parfois les rivages ;
et même les courriels leurs destinataires…
C’est (presque) à ne pas en revenir !..

De même,
avec un autre correspondant (et philosophe) de très grande qualité : Gilles Tiberghien

(cf mon article du 30 juillet 2008 sur son superbe « Amitier » :

« L’acte d' »amitier » : pour une anthropologie fondamentale (du sujet actant)« ).

Jeudi dernier, 2 avril,
deux conférences en même temps (!!!) auxquelles je tenais beaucoup à assister :

d’abord _ dans l’ordre de ma prise de connaissance _ celle de Gilles Tiberghien, à 18h 30 à la Bibliothèque Municipale de Bordeaux, sur le sujet « Land Art : la nature comme hors-champ de l’Art«  ; je l’avais informé par courriel, le 28 mars, que je viendrais…
Et il en avait aimablement accusé réception le jour même…


Or,
voilà que l’ami Bruce Bégout m’adresse trois jours plus tard
_ le 31 _ le message suivant :

Chers collègues et amis

Je présente mon prochain livre « Sphex » au café-librairie « Les Mots Bleus« , rue de Ruat à Bordeaux, jeudi prochain à 18h. Je serai ravi de vous y retrouver autour d’une lecture et d’un verre de vin.
Pour les impatients, cf. sur le site de « l’Arbre vengeur« , l’éditeur, une fiction en téléchargement gratuit.
Bien à vous tous
Bruce

Je lui fais part immédiatement _ par coup de fil téléphonique _ de mon intention
de passer un moment l’écouter ce jeudi soir (à 18h)
avant de rejoindre _ illico presto ! _ la Bibliothèque municipale écouter (à 18h 30) Gilles Tiberghien ;
auquel il me demande, alors, de bien vouloir adresser ses plus amicales salutations : il était tout à fait avisé de ce malencontreux concours de circonstances ;
et le regrettait vivement
. Mais la présentation de son livre « Sphex » faisait partie des « Escales du livre » de ce week-end _ en constituant, même, comme une « ouverture »…
Il me priait donc de transmettre à Gilles Tiberghien ses plus amicales salutations, et son très vif regret de ne pas pouvoir assister à sa conférence bordelaise.

De mon passage (d’une demi-heure) aux « Mots bleus« ,
je retiens la très agréable vivacité de la conversation entre l’éditeur
(David Vincent, toujours au plus vif de son acuité !) et l’auteur (Bruce Bégout, qui ne lui cède certes rien sur ce terrain _ commun _ là de l’acuité ! : d’où le projet même de ce livre (de « nouvelles »), « Sphex » _ d’après une espèce de guêpe particulièrement ingénieuse et habile à tuer à fin de nourrir ses larves _, sur le modèle des « Contes cruels » de Villiers de l’Isle-Adam, de Barbey d’Aurevilly _ « Les Diaboliques » _, ou de Jean Lorrain _ par exemple, « Histoire de masques« …

Je remarque tout particulièrement, bien sûr, l’articulation qu’opère Bruce Bégout, entre la démarche argumentative philosophique _ « marchant sur une (seule) jambe« , dit-il… _
et la démarche littéraire _ procédant métaphoriquement, davantage que conceptuellement : « marchant sur ses deux jambes, elle« … J’apprends aussi que le projet artistique de Bruce
est très ancien et profond : ce qui ne me surprend pas, à la lecture que j’ai pu faire de ses livres
: tels « Lieu commun : le motel américain » ; « L’Éblouissement du bord des routes » ; ou « De la décence ordinaire _ court essai sur une idée fondamentale de la pensée politique de George Orwell« …

La lecture d’une des quatre nouvelles qu’a choisies _ en totale liberté _ le comédien est elle-même très réjouissante, d’autant que cette lecture est « parfaite », de la part de ce remarquable lecteur qu’est Alexandre Cardin… La nouvelle (dont le titre est « Hasard et tragédie« ) porte sur, dirais-je, le « principe de précaution » ; et ses limites : niaises… Bruce Bégout s’en donne à cœur joie dans une écriture d’une remarquable efficacité (de sobriété et justesse). Comme « c »‘est remarquablement observé (et dit) ; tout tombe implacablement droit _ pas que la chute…

Hélas, je ne peux continuer d’écouter la suite de cette « présentation » de « Sphex » ; et profite de l’entrée dans la salle de nouveaux assistants pour quitter le lieu ; et gagner dare-dare la Bibliothèque Municipale, Cours du Maréchal Juin.

Je n’aurais manqué que les dix premières minutes. La salle (vaste : l’amphithéâtre du rez-de-chaussée) est, ici encore, comble ; pas un siège de libre.
L’assistance, extrêmement attentive, regarde les nombreuses diapositives (préparées par le conférencier ; et projetées à son rythme) au milieu de l’obscurité ;
et boit les paroles du conférencier,
qui les commente
, tranquillement (en pesant ses mots ; comme en confidence ; et non sans rêverie, en sa « réflexion » sur ce qu’il est en train de « montrer »), de son ordinateur, à la tribune,
éclairé seulement d’une minuscule lampe ad hoc.
On se croirait pour un peu admis à l' »expérience » (« réservée », sinon absolument secrète) de penser en quelque studiolo de palazzo italien à la Renaissance : à Mantoue (des Gonzague), Ferrare (des Este), ou Florence (des Medicis)…

Le commentaire des œuvres (situées presque toute dans l’immense nature ; pour ne pas dire pour la plupart en plein déserts) est passionnant : non seulement le panorama, parfaitement maîtrisé sur le sujet (du « Land Art », et ses complexes nuances et variantes, avec lisières et frontières… : cf. déjà « Nature, Art, Paysage« , paru aux Éditions Actes-Sud le 30 mai 2001…), est d’une exceptionnelle précision et richesse,
mais la pensée ultra-vivante du conférencier est toujours en acte, et continue (toujours) d’avancer sa réflexion.
Une heure et demi durant ; et encore, nous aurions pu en écouter bien davantage !

Suivra une (relativement courte ; et encore…) séance de questions-réponses avec la participation d’un public qui a été sensible à la (très grande) dimension de la réflexion de Gilles Tiberghien, à dimension de la Terre (« Earth« ), bien davantage encore que du Pays ou du territoire (« Land« ) ou du simple paysage _ nous ne sommes plus à la dimension des espaces européens… Un penser philosophique très ample, à hauteur d’un certain « sublime », même, sans nul doute ; auquel nous hisse le conférencier. Le mot, même avec précaution, de « sublime » _ je l’avais sur les lèvres, lecteur féru que je suis de la formidablement généreuse philosophe qu’est Baldine Saint-Girons ; cf, entre autres, son « Sublime, de l’Antiquité à nos jours« … _ a été prononcé, avancé, essayé… Gilles Tiberghien n’est pas un simple communiquant, mais un vrai philosophe…

Voici _ sans rien, ici non plus, de « personnel » _ notre échange de courriels :

De :       Titus Curiosus
Objet :     En novembre à Bordeaux
Date :     4 avril 2009 08:01:44 HAEC
À :       Gilles Tiberghien

Bravo encore pour le style de votre conférence,
pour les nuances très fines de votre commentaire
d’un dossier que vous maîtrisez excellemment
mais qui vous donne toujours à penser.


D’avoir (un peu, si peu que ce soit) partagé ce « penser » se cherchant encore et toujours
fut un très beau cadeau que vous avez fait à ceux qui vous ont écouté…


J’ai bien noté votre venue (en projet) à Bordeaux pour le mois de novembre.
Et j’en ai (déjà) (re-)parlé (hier) à qui s’occupe des conférences à la librairie Mollat,
rencontrée (par hasard) parmi les rayons si riches de la libraire Mollat..

En remerciement au plaisir de vous avoir écouté vous confronter
à la question
(qui vous tient tant à cœur !) de l’espace _ à grandes dimensions ; cf votre « Finis terrae _ imaginaire et imaginations cartographiques« … _,
je me permets de vous adresser un autre article (pas trop chronophage j’aimerais croire)
susceptible d’intéresser votre penser sur ce « sujet »…
Il s’agit de ma lecture
de « Mégapolis
 » de Régine Robin _ qui cite, d’ailleurs, l’ami Bruce Bégout.

Ayant eu ce dernier au téléphone,
afin de m’enquérir de son regard sur sa séance de présentation de son livre (« Sphex« )
_ avec lectures de 4 des 37 « nouvelles » (de ce recueil) par un excellent comédien, sans hystérie ! _,
j’ai eu l’occasion de lui dire
que je je vous avais effectivement bien salué de sa part ;
et il s’en est réjoui…

Voici cet article à propos de « Mégapolis » : « Aimer les villes-monstres (New-York, Los Angeles, Tokyo, Buenos Aires, Londres); ou vers la fin de la flânerie, selon Régine Robin« …

Bien à vous,
et ravi de vous avoir (un peu) rencontré et (bien) écouté,

Titus Curiosus

Voici sa réponse _ sans rien de personnel, donc :

De :       Gilles Tiberghien
Objet :     Rép : En novembre à Bordeaux
Date :     4 avril 2009 19:25:19 HAEC
À :       Titus Curiosus

Merci pour ces compliments. J’étais content de vous rencontrer. J’ai lu votre article et du coup j’y ai trouvé des suggestions de lectures. Merci pour cela aussi.
A bientôt
Gilles T.


Ne pas adresser rien que des « bouteilles à la mer » qui mettent des années à atteindre _ si c’est jamais le cas ! _ quelque destinataire
donne ainsi un peu de joie ; et d’énergie, aussi, par conséquent.
Sans qu’on le recherche : il suffirait de le vouloir trop rigidement

pour tout briser ; ces choses-là sont fragiles, en leur force….

Bruce Bégout avait aussi, à sa conférence aux « Mots Bleus« , répondu à une question de David Vincent sur le degré de son « intérêt » pour la réception (par le public) de son écriture ;
indiquant qu’en son écrire, en tant que tel, il n’écrivait que pour lui, ou plutôt que pour l’œuvre à venir et découvrir
(par lui-même, le tout premier, seulement, en quelque sorte, en sa « primeur »…) : en se faisant, cette œuvre advenant, sous ses doigts, tous « sens » ouverts, quant à lui, seulement son « huissier » (= « ouvreur »), si j’ose le dire ainsi (ce n’est pas Bruce qui le dit) ; il insistait _ fort justement _ là-dessus : les « sens » grand ouverts… _ du moins pour un écrit non spécifiquement philosophique ; bien campé sur ses deux jambes…) ;
et non pour complaire (mécaniquement) à quelque lecteur que ce soit _ comme tant aujourd’hui d' »écrivants », surtout ceux qui se produisent à la télévision ; et je ne parle même pas de ceux qui n' »écrivent » que par « nègres » (invisibles, cachés, forcément !) interposés (dans notre monde de l’imposture satisfaite de soi) !.. A la commande du « consommateur » de « loisirs » (et d’un éditeur un peu moins soucieux d’Art …que David Vincent et les Éditions de l’Arbre vengeur)…

Etant entendu
que certains lecteurs auront une lecture mieux que pertinente : adorablement impertinente, même,
à découvrir l’insu, l’impensé, l’invoulu du texte ; sa grâce miraculeuse, non « commandée » : en surplus…


Dans une amicale acuité d’attention de lecture et de réception (active ! cultivée !) de la part du récepteur ainsi « activé » ! ;

de celle _ aussi ! d’acuité… _ qui faisait dire (écrire, en fait : le 7 décembre 1831, en un article enthousiaste de la revue « Allgemeine Musikalische Zeitung » de Leipzig) à un « jeune allemand de Cassel » (= Robert Schumann, âgé en effet d’à peine 21 ans
découvrant l’œuvre d’un (autre jeune) musicien absolument inconnu de lui jusqu’ici (= sans marque d’identification ! de réputation un peu « établie » : un dénommé « Fryderyk Franciszek Chopin« …) : « Chapeau bas, Messieurs, voici un génie !« …

Il s’agissait de ce qui est numéroté comme opus 2 : les « Variations sur (un thème de « Don Giovanni » de Mozart) : « Là ci darem la mano«  »
d’un inconnu (encore alors) au bataillon : un musicien polonais lui-même âgé aussi, à cette date de décembre 1831, de 21 ans… Frédéric François Chopin est en effet né le 22 février 1810 ; et Robert Schumann, le 8 juin, trois mois et demi plus tard exactement.

Bref,
un peu de reconnaissance témoignée
_ sans être quémandée, bien sûr _
donne une joie
énergétique à proportion du surplus de sa parfaite gratuité…


Titus Curiosus, ce 5 avril 2009


Post-Scriptum :


Dans le parfait prolongement du sujet (et questionnement) de cet article ,

Mardi 7 avril prochain, à 18h 30, au CAPC

_ Musée d’Art Contemporain de Bordeaux, Entrepôt Laîné, 7 rue Ferrère à Bordeaux _ ;

dans la salle de conférence,

la Société de Philosophie de Bordeaux

recevra pour la dernière conférence de sa saison 2008-2009

Elie During,

sur le sujet de « A quoi pense l’art contemporain ?« …

En voici l’argumentaire :

 Que l’art, cosa mentale, ait quelque chose à voir avec la pensée, et même la philosophie ; qu’il dispose des éléments sensibles en vue de faire « penser plus », comme disait Kant, nous le savons depuis longtemps. S’il y a à cet égard une spécificité du régime « contemporain » de l’art, c’est dans la manière dont il réarticule les termes du problème en faisant de la pensée son objet. C’est à tort qu’on s’imagine que la théorie est convoquée par les artistes contemporains comme un discours de surplomb censé apporter un « supplément d’âme » à des productions sans consistance : même chez les mauvais artistes, c’est d’une tout autre relation qu’il s’agit _ une relation latérale, mais effective, beaucoup plus intéressante que celle que prescrit le commentaire ou l’illustration. La théorie y est d’emblée envisagée comme partie prenante de la machine artistique et de sa puissance d’invention formelle. Il y aurait ainsi une plastique du concept, qui ne relèverait ni de l’exemplification ni de l’allégorie, ni du schème ni du symbole. Les concepts s’exposent : il faut l’entendre littéralement. La pensée a une forme, mais la forme elle-même doit se comprendre dans toute son extension, de façon à y inclure formats et dispositifs, gestes et procédés. Deux exemples historiques, Marcel Duchamp et l’art conceptuel, permettront de préciser la portée de ces remarques, avant d’en examiner les prolongements sur quelques cas plus récents.

Elie During est Maître de conférences à Paris X – Nanterre et chargé de séminaire à l’Ecole des Beaux-Arts de Paris. Ses recherches sur les formes de l’espace-temps le conduisent à l’intersection de la philosophie des sciences, de la métaphysique et de l’esthétique. Il a consacré plusieurs articles et textes de catalogues à des artistes contemporains, mais aussi au cinéma et à la musique. Son édition critique du livre de Bergson sur la relativité, « Durée et simultanéité« , paraîtra en 2009 aux Presses Universitaires de France.

Sur la part des désirs (d' »amateurs » d’oeuvres) dans la vie (et l’Histoire) des Arts

10jan

Tout spécialement pour Michèle Cohen

Un très intéressant _ par la précision de ses détails, comme par la vigueur et la pertinence de ses focalisations _ travail d' »Histoire de l’Art » : « Les Amateurs d’Art à Paris au XVIIIe siècle« , par Charlotte Guichard, dans la collection « Époques » aux Éditions Champ Vallon

_ l’ouvrage paru en septembre 2008 est assez tardivement « apparu » dans la chronique de livres des journaux : dans le cas de ma « découverte », c’est grâce à l’article « Profession : amateur«  (avec pour sous-titre « le rôle de l’Académie royale au XVIIIe siècle« ) de Jean-Yves Grenier, en page du cahier « Livres » de Libération, jeudi 8 janvier dernier…

L’article étant accompagné de cette phrase le « signalant » au lecteur (peut-être parfois un peu trop pressé) : « Parlementaire, financier, mais aussi membre de l’élite politique » (…) « l’amateur doit faire preuve d’un goût sûr et éclairé, à la différence d’un simple curieux« …

Le distinguo « amateur« / »curieux » m’ayant particulièrement « accroché »…

D’autant que l’article de Jean-Yves Grenier, en ce cahier « Livres » de Libération, en « suivait » un autre consacré, lui aussi, à la « réception » des Arts (et à la « constitution » des « publics« ) :

un article de Dominique Kalifa « L’Europe en scènes«  (sous-titré « La Somme de Christophe Charle sur l’essor du spectacle« ), consacré au livre « Théâtres en capitales _ Naissance de la société du spectacle à Paris, Berlin, Londres et Vienne« , aux Éditions Albin Michel..


Or ces questions de la « réception » des œuvres, ainsi que de l’existence même d’une « vie _ et d’abord d’une « réalité » même « artistique » ! _ artistique« , donc, sont à la source même (et « inspiration », ou « souffle ») de ce blog

_ qui ne s’appelle pas pour rien « Carnets d’un curieux«  ; et encore « En cherchant bien » ; et de la part de qui se nomme et signe Titus Curiosus !!!

Ainsi l’Art « existe »-t-il bel et bien, en dehors (et en aval) de l’acte (de la création) même _ au jour le jour, en quelques moments (plus) intenses (que d’autres) _ de l’artiste ; ainsi qu’en des œuvres qui vont (un peu ; et plus ou moins… ; d’une certaine façon, en tout cas, et qui leur est propre) demeurer (et durer un peu) ; s’offrant, un moment (plus ou moins bref, ou prolongé…), à quelque « rencontre » et « contemplation » (plus ou moins jubilatoire, voire extatique ! mais oui !!!) d’un autre (= autrui) qui s’y livre, s’y donne, s’y adonne peut-être, si peu que ce soit… ;

ainsi, donc

(en conséquence de cette « chaîne » d’activités _ créatrices et æsthétiques _ là…)

l’Art « existe »-t-il aussi sous le regard

_ et les (divers) sens (= complémentaires les uns des autres), tous plus ou moins convoqués _ d’un « amateur« , et d’un « public« , qui s’en enchante ; et le valorise _ y applaudit ; au point de parfois même (voire souvent, voire toujours) payer un prix fou (!) pour en jouir ; et, dans certains cas, « acquérir » lœuvre _ si et quand « œuvre » il y a bien… _, en devenir le « possesseur », qui s’en assure une permanence _ et/ou exclusivité _ de « jouissance » (et peut devenir, aussi, alors _ « en suite »… _, un « collectionneur » d’œuvres d’Art…)…


Bref, un « sujet » qui m' »intéresse » passionnément ;

car l’Art même est menacé en sa « vie » même

_ et en sa plus élémentaire matérialité ; et économique ! _

de n’être pas ;

et, à sa suite, encore plus menacé, lui, le « goût » _ qui serait alors rien que « mort-né » !.. _ de l’Art ;

menacé de, tout bonnement, n’être pas

_ quel terrible paradoxe ! pour tant de générosité de joie prodiguée !!! _

un peu largement partagé : au-delà de ce que l’on, en son corps, ressent soi ;

et sur cette question

éminemment cruciale _ à mes yeux _,

on se reportera toujours avec le plus grand profit de compréhension

_ et parmi quelques autres,

tel l’essentiel, lui aussi, « Homo spectator » de Marie-José Mondzain ;

ainsi que le si merveilleux « L’acte esthétique » de Baldine Saint-Girons ; j’y reviens toujours !!! _,

au livre très remarquable de Jacques Rancière « Le Partage du sensible« , paru en avril 2000, aux Éditions La Fabrique…


Fin de l’incise.

Je reviens dare-dare aux enjeux des distinctions entre curiosité (à propos des « curieux« ), amour (à propos des « amateurs« ), et connaissance (à propos des « connaisseurs«  _ et bientôt « experts«  : au siècle suivant, plus « lourd » ; et dominé, lui, par les « marchands », à un moment d’expansion, bientôt « irrésistible » (?) de la « marchandisation »…) ès Arts…

La première phrase de « conclusion » _ page 339 du livre de Charlotte Guichard, « Les Amateurs d’Art à Paris au XVIIIe siècle » _ le dégage on ne peut plus clairement,

et plus largement encore

et que « à Paris »

et que « au XVIIIe siècle » :

« Le XVIIIe siècle est l’âge d’or de l’amateur, entre l’apogée du mécène au XVIIe siècle et celui du collectionneur au XIXe siècle.« 

Mais Charlotte Guichard précise tout aussitôt : « Loin d’être une figure universelle de l’amour de l’art _ une expression capitale ! _, l’amateur au siècle des Lumières _ et surtout à Paris ; à la différence de Londres, de Berlin ou de Dresde, ou de Rome (exemples choisis par cet auteur) !.. _ est un acteur important du système monarchique _ en France : à Versailles et à Paris, pour l’essentiel… _ des arts. Son essor est lié _ voilà le principal acquis de ce travail-livre _ à la réforme académique qui se met en place dans les années 1740 _ le roi Louis XV, né le 15 février 1710, abordant tout juste alors sa trentaine _ : le modèle de l’amateur, théorisé par le comte de Caylus en 1748, est une réponse de l’Académie royale de peinture à l’ouverture de l’espace artistique _ un concept assez intéressant ; et à creuser-explorer… _ à l’espace public de la critique et du marché«  _ deux facteurs qui deviennent ici et alors décisifs !

Charlotte Guichard synthétise les acquis de sa recherche : « Associé à l’institution académique à travers le statut d' »honoraire », l’amateur est défini par l’exercice du goût, que la connaissance visuelle _ dans le cas, bien évidemment, des arts plastiques, et au premier chef desquels se trouve la peinture ; mais l’analyse peut s’appliquer à d’autres Arts, à commencer par la musique ! _ des œuvres, la pratique artistique en amateur _ et c’est un des apports très concrets de son travail ici que de l’avoir révélé et très bien mis en valeur _, et les relations de sociabilité avec les artistes _ qui, de fait, se développent alors (par exemple en la fréquentation de « salons », à la Ville…) _ doivent perfectionner.

Face à la publicité nouvelle du jugement de goût _ à la Ville (= Paris), par rapport à la Cour (de Versailles) ; dans les salons (parisiens, donc) ; mais aussi dans la presse qui va très vite se développer et prendre de l’ampleur _, l’Académie royale propose donc une alliance _ « politico-culturelle », pourrait-on dire, si l’on ne craignait le pléonasme ; en un « milieu » plus ouvert et plus large que le milieu de cour ; auquel Louis XIV, fort habilement cornaqué par son parrain romain, le plus que judicieux Jules Mazarin (né à Pescina dans les Abruzzes le 14 juillet 1602, formé auprès du pape Urbain VIII Barberini, à Rome, et décédé au Château de Vincennes le 9 mars 1661…), avait consacré son effort _ ;

une alliance entre les artistes et les amateurs, dont le rôle de conseil est rendu légitime par leur position de médiateurs _ le terme est bien intéressant ! _ entre l’espace de l’atelier et l’espace des sociabilités, où se recrutent les commanditaires.

Les amateurs sont donc au cœur d’une conception académique _ la chose est directement issue de Rome (et des « académies » romaines !!! ; après Florence ; et, en amont, via Venise, la Constantinople byzantine d’avant 1453…) _ du public, qui promeut des communautés de goût _ un concept diablement intéressant ! lui aussi !.. _ associées au système monarchique des arts,

comme le montrent les écrits du comte de Caylus

_ Anne-Claude-Philippe de Tubières-Grimoard de Pestels Levieux de Lévis, comte de Caylus, marquis d’Esternay, baron de Bransac, né à Paris le 31 octobre 1692 et mort le 5 septembre 1765 ;

et fils de Madame de Caylus (1673-1729 _ lire ses très intéressants « Souvenirs« , dans l’édition du Mercure de France), nièce (chérie et tout spécialement « élevée » par elle) de Madame de Maintenon… ;

sur Caylus, lire : « Le Comte de Caylus : les Arts et les Lettres« , études réunies et présentées par Nicholas Cronk & Kris Peeters, aux Éditions Rodopi, en 2004 ; et « Caylus, mécène du roi : collectionner les antiquités au XVIIIème siècle« , sous la direction d’Irène Aghion & Mathilde Avisseau-Broustet, à l’Institut National de l’Histoire de l’Art, en décembre 2002 _

et, avant lui, ceux de l’abbé Du Bos

né en décembre 1670 à Beauvais et mort le 23 mars 1742 à Paris : existe une édition récente, à l’Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts, en 1993 (mais hélas non disponible : épuisée !), de ses « Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture » (dont la toute première édition est de 1719 _ par Pierre-Jean Mariette) ;

on pourrait y joindre utilement aussi les écrits  _ « Abecedario de P.-J. Mariette, et autres notes inédites de cet amateur sur les arts et les artistes, ouvrage publié par MM. Ph. de Chennevières et A. de Montaiglon » _ de Pierre-Jean Mariette lui-même (né à Paris en 1694 et mort à Paris en 1774)…

Juste le temps, encore, de quelques brèves précisions qu’apporte Charlotte Guichard, pages 15 à 17, aux distinctions quant à quelques uns des « médiateurs« 

qui _ écrit-elle, page 15 _ « ne sont pas dans une relation secondaire par rapport à l’œuvre : ils participent activement _ oui ! _ à sa création _ rien moins ! en effet… _, à sa reconnaissance et à sa réception, grâce aux relations d’interdépendance qui structurent _ aujourd’hui comme alors ! comme cela est (tragiquement ; cruellement ; suicidairement !) méconnu ; et pis encore, négligé, hélas !!! _ les « mondes de l’art » ! :

une expression dont il faut mesurer avec soin toute la portée (et les « exclusions ») !!!


Je lis, page 15 : « Mentionné pour la première fois dans le dictionnaire de l’Académie française _ dont c’était la toute première édition _ en 1694, le terme d' »amateur » est alors rapporté au domaine des objets, en particulier des productions savantes, littéraires ou artistiques :

« Qui aime. Il ne se dit que pour marquer l’affection qu’on a pour les choses, & non celle qu’on a pour les personnes. Amateur de la vertu, de la gloire, des lettres, des arts, amateur des bons livres, des tableaux. »

Un peu plus bas, pages 15 et 16 :

« En France, la littérature artistique spécialisée confirme la stabilisation du lien entre le terme d' »amateur » et la peinture au milieu du XVIIIe siècle »

_ en 1746, 57 & 59 ;

attestant « la spécialisation picturale du terme »

et résumant « la définition autour du « goût », devenu l’attribut essentiel de l' »amateur ». »

Charlotte Guichard synthétise :

« l' »amateur » est défini dans un rapport de prédilection, mais aussi de discernement et de compétence :

l’opposition avec la figure du professionnel apparaît pour la première fois

_ en 1759, dans le « Dictionnaire portatif des Beaux-Arts« , de Lacombe de Prézel…

L’amateur s’inscrit donc dans la sphère de l’otium et des loisirs cultivés.


Surtout, Charlotte Guichard note, et marque, que « dans « L’Encyclopédie », la figure de l' »amateur » est construite au sein d’un champ sémantique plus large : un intense souci taxinomique travaille les définitions, qui spécifient les figures du « curieux », de l' »amateur » et du « connaisseur » ; et  les inscrivent dans des hiérarchies de valeur.

Soit la définition du « curieux » par Paul Landois :

« CURIEUX. Un « curieux en peinture« , est un homme qui amasse des dessins, des tableaux, des estampes, des marbres, des bronzes, des médailles, des vases, &c. ce goût s’appelle « curiosité« . Tous ceux qui s’en occupent ne sont pas connaisseurs ; et c’est ce qui les rend souvent ridicules, comme le seront toujours ceux qui parlent de ce qu’ils n’entendent pas. Cependant la curiosité, cette envie de posséder qui n’a presque jamais de bornes, dérange presque toujours la fortune ; & c’est en cela qu’elle est dangereuse. Voyez AMATEUR. »


L’auteur _ Paul Landois, commente Charlotte Guichard, page 15 _ définit le « curieux » par la pratique de l’accumulation (il « amasse »), et non par l’exercice du goût. Il le distingue du « connaisseur », mais le renvoie à l' »amateur », confortant l’hypothèse d’un champ sémantique large.


La définition du « connoisseur » dans l’« Encyclopédie » confirme cet effort taxinomique :

« CONNOISSEUR. N’est pas la même chose qu’amateur. Exemple. Connaisseur, en fait d’ouvrages de Peinture, ou autres qui ont le dessin pour base, renferme moins l’idée d’un goût décidé pour cet art, qu’un discernement certain pour en juger. L’on n’est jamais parfait connaisseur en peinture, sans être peintre ; il s’en faut même beaucoup que tous les Peintres soient bons connoisseurs. »

Le « connaisseur » _ commente Charlotte Guichard, page 16 _ est défini par son savoir (« discernement ») et sa compétence à juger les œuvres. Il se distingue de l' »amateur », qui, lui, est défini par son « goût » : « Il se dit de tous ceux qui aiment cet art, & qui ont un goût décidé pour les tableaux. »

Le souci de spécifier ces différentes figures en établissant un jeu de renvois et d’oppositions révèle la volonté d’organiser un ordre légitime des pratiques du goût. Cette opération de définition _ en déduit Charlotte Guichard, page 17 _ fait donc surgir une hiérarchie de valeurs associées à ces expériences _ ainsi distinguées  _ de l’objet.

La critique du « curieux » est définitive : ainsi, l’effacement du terme au XVIIIe siècle renvoie à la condamnation de l’accumulation, parallèlement au déclin de la culture de la curiosité.

Krzysztof Pomian _ en son « Collectionneurs, amateurs et curieux » (en 1987) _ a bien montré que les définitions du « curieux » sont construites autour du « désir de totalité ». Dans l’organisation du champ sémantique, ce type de disposition laisse place au goût _ associé à l' »amateur » _ et aux compétences artistiques _ associées au « connaisseur », caractérisé par son « discernement », ses « connaisances » et ses « lumières ».


Ceci annonce _ propose, dès cette page 17 de l’« Introduction » à son travail, Charlotte Guichard _ le triomphe d’un régime d’expertise dans les mondes _ divers ; y compris ce qui se situe à son extérieur ! _ de l’art.


Le marchand d’art Gersaint _ et cette référence est passionnante ! _ inscrit ainsi _ en 1744, en son « Catalogue de Quentin de Lorengère » : note 2, page 17 _ ces figures dans une hiérarchie stable de valeurs : il distingue « les Curieux de Tableaux & les Amateurs de la Peinture ». Seuls ces derniers sont susceptibles d’acquérir les compétences techniques en « admir(ant) le mérite et les talents de chaque _ en sa singularitéMaître » : « par gradation, on acquiert la qualité de connoisseur« .

En 1792, le « Dictionnaire des arts de la peinture » résume cette hiérarchie des valeurs associées aux pratiques de la prédilection : « On est connoisseur par étude, amateur par goût, & curieux par vanité. »

Il est vrai que la pente du second XVIIIe siècle, celle qui a mené au régime de la guillottine sous la Terreur, a été le commandement de « toujours plus de vertu  » !..


Pendant ce temps, les « affaires » _ exclusivement marchandes ?!.. _ n’en « tournent » que mieux…

Et bientôt, dès le XVIIIème siècle, la « place » de Londres concurrence, sinon supplante déjà, « celle » (commerciale) de Paris…

Mais, à trop effacer, et la « curiosité » (des « curieux ») et l’amour (des « amateurs ») au seul profit de l’expertise _ mais de qui ? et de quels « connaisseurs » ? Est-elle technique ? est-elle artistique ? est-elle marchande (et exclusivement marchande)  ?.. cette dite « connaissance »-« expertise »-là ?.. _, ne jette-t-on pas Bébé (« Art ») avec l’eau de son bain (les « mondes des Arts ») ?..

En Art, Désir et Amour _ et chance des rencontres ! _ sont indispensables ;

et n’obéissent _ certes pas ! _ au doigt et à l’œil, non plus qu’à la commande _ de quelque ordre qu’ils ou qu’elle(s) soi(en)t…

Il y faut aussi pas mal d’empathie

_ et peut-être encore, au delà des œuvres elles-mêmes, stricto sensu, avec les artistes, en personne (et en chair et en os) !.. _ ;

et _ loin du calcul, exclusivement « spéculatif » _ de la générosité…


Titus Curiosus, le 10 janvier 2009

musiques d’intimité (suite) : du noté à la réalisation _ « retrouver les couleurs sonores » d’un « pays » quitté

05oct

A propos du CD : « Manuscrit Susanne Van Soldt _ Danses, chansons & psaumes des Flandres, 1599« , par Les Witches (CD Alpha 526).

En complément à l’additif à mon article récent à propos des musiques « terminales »,

concernant les musiques « de l’intimité »,

le CD « Manuscrit Susanne Van Soldt _ Danses, chansons & psaumes des Flandres, 1599« , par Les Witches (CD Alpha 526) vient apporter un fort intéressant éclairage historique, en plus _ et d’abord ! _ d’une interprétation magnifiquement pleine de vie…

Car si le manuscrit portant le nom de la jeune fille (d’origine anversoise : Susanne Van Soldt) qui avait noté « à l’encre et à la plume » ces « psaumes« , ces « chansons » et ces « danses » des pays de Flandres _ que sa famille (anversoise) et peut-être elle-même (si elle était alors née) avai(en)t dû quitter pour causes d’effoyables guerres et persécutions religieuses _,

car si ce manuscrit, donc,

était bien connu du cercle _ assez restreint _ des musicologues

ainsi que des musiciens

familiers (à l’étude et/ou au concert) des musiques de cette période (de fin de la Renaissance) ou de ces territoires des confins (méridionaux) néerlandais ;

la plupart

_ à commencer, déjà, par les interprètes musiciens eux-mêmes :

quelque chose devant s’en entendre

(ou plutôt devant « manquer » d’être effectivement entendu _ perçu et compris ;

et sans qu’on en ait, le plus souvent, conscience, la plupart du temps

pour la plupart de ceux des auditeurs, en aval, qui n’ont pas une oreille assez avertie pour ressentir et repérer,

en aval, donc,

un tel « manque »… _

faute d’avoir été, « cela »,

en amont,

effectivement « repéré », « compris » et assimilé et « incorporé », dans l’interprétation physique de ce qui était écrit ; puis lu :

par les interprètes, qui nous restituent, à nous, auditeurs, en aval donc, les couleurs des sonorités physiques de cette musique

telle qu’elle dût jaillir du « génie » de ses auteurs _ compositeurs : divers, et populaires, à foison, ici _ ;

et qui, quelque jour, un jour, fut « notée »…)_ ;

la plupart, donc, des « connaisseurs » de ce manuscrit

et interprètes

_ y compris au disque : ainsi le récent CD interprété sur virginal par Guy Penson (« The Susanne van Soldt Virginal Book (1599)«  CD Ricercar 264) _

de la musique qui y était « notée », écrite (« à l’encre et à la plume« )

n’y « entendaient »

_ et donc n’en donnaient à « entendre » (au double sens d’écouter et de comprendre, aussi) _

que des « transcriptions » pour clavier

à la portée d’un _ ou d’une _ interprète, par exemple « amateur »

_ apprenant à jouer, par exemple… _,

plus ou moins néophyte _ telle que pouvait être la jeune Susanne Van Soldt elle-même,

âgée, semble-t-il, de treize ans (s’il s’avère bien qu’elle est née en 1586, comme des recherches en justifient l’hypothèse) ;

et des « transcriptions »

d’intérêt guère plus qu' »ethno-musicologique », en quelque sorte (voire « folklorique »),

ou que « technique »

_ tant pour « se faire les doigts »,

que pour s’initier à _ ou « assimiler », « s’incorporer » _ un style

(le style disons, ici, « de la Renaissance tardive »,

juste avant l’éclosion

_ italienne : à Mantoue, et puis bientôt Venise, avec Claudio Monteverdi

_ dont la discographie d’excellence est très heureusement riche _ ;

à Florence, avec Giulio Caccini

_ cf le très bel enregistrement de son « Euridice« , par « Scherzi Musicali », sous la direction de Nicolas Achten, au théorbe (CD Ricercar 269) _

et Jacopo Peri, autour de la Camerata Bardi ; ainsi qu’à Rome, avec Emilio De’ Cavalieri

_ cf l’interprétation merveilleuse des « Lamentations » (« Lamentationes Hieremiae Prophetae« ) du « Poème Harmonique » dirigé par Vincent Dumestre : CD Alpha 011)  :

qu’on se précipite sur les enregistrements disponibles de ces « génies » si poétiques !… _;

juste avant l’éclosion, donc, de

ce qu’on va _ bien a posteriori, toujours !.. _, nommer

le style « baroque » musical) ;

des « transcriptions » d’intérêt « ethno-musicologique » ou « technique », donc,

bien davantage _  hélas, alors _ que d’un « intérêt » _ ou d’un « goût, sinon même  ! _ véritablement musical…

Même si le pire n’est _ heureusement _ pas toujours le plus sûr…

Or, l’éditeur (discographique : créateur et directeur _ = « âme » _ d’Alpha Productions) Jean-Paul Combet, qui lui-même avait « pratiqué » ce « cahier de musique » en des temps d’exercices « personnels » de divers claviers _ dont celui de l’orgue _,

l’avait « entendu », de sous ses doigts mêmes, « d’une tout autre oreille » ;

et, qui plus est, sans jamais l’oublier _ perdre de vue (en l’occurrence, d' »oreille ») _,

comme tout ce qui peut « marquer » précisément une « âme » ;

et lui imprimer, pour jamais, un pli…

_ sur le pli, lire Deleuze : « Le pli : Leibniz et le baroque« …

Ainsi ces musiques « notées » en son cahier personnel, ou familial, par la jeune Susanne Van Soldt,

continuaient-elles de lui trotter « dans » quelques recoins un peu reculés, enfouis, perdus des (riches, à proportion d’une « culture » incorporée) labyrinthes de « la tête »,

l’amenant à « penser » qu’il ne s’agissait pas là

de musiquettes « réduites »

pour des pièces (de clavier) un peu simples, voire « simplettes », pour jeune fille claviériste _ de treize ans ? _ « se faisant les doigts », à l’épinette (ou « virginal« ), à ses « heures perdues »,

en quelque intérieur

_ à la Vermeer : comme, en leur radieuse « présence », ces « intérieurs« -là, de Vermeer, se « voient » ! _

« bien tenu » :

à Londres, désormais, pour la jeune Susanne

(la Londres d’Elizabeth Ière, en 1599 :

dont le fier règne s’est étendu du 17 novembre 1558,

_ à la mort de sa sœur Marie Tudor, dite la sanglante _ « Bloody Mary » _,

au 24 mars 1603, quand la « reine-vierge » meurt à son tour, au palais de Richmond ) ;

à défaut de l’Anvers que venait de « prendre » _ le 17 août 1585, après un terrible siège d’un an _ et « ré-occuper » les troupes espagnoles d’Alexandre Farnèse, au service de Philippe II _ puis, sous d’autres généraux (Farnèse, lui, meurt le 2 décembre 1592), du roi son successeur, Philippe III, sur le trône d’Espagne,

puisque Philippe II vient de mourir à l’Escorial, le 13 septembre 1598 ;

en fait, Philippe II a choisi de laisser le trône des Pays-Bas à sa fille aînée (adorée) l’archiduchesse Isabelle (1566-1633) qui épouse

_ la cérémonie se déroulera à la cathédrale de Valence le 18 avril 1599,

conjointement avec la célébration « royale » du mariage de son frère cadet, le tout nouveau roi Philippe III, avec sa cousine l’archiduchesse Marguerite d’Autriche _ ;

Philippe II a choisi, en son testament, de laisser le « trône » des Pays-Bas (à Bruxelles) à sa fille aînée (adorée) l’archiduchesse Isabelle, donc, qui épouse

ce 18 avril 1599 son cousin Albert de Habsbourg, fils de l’Empereur Maximilien II _ et gouverneur des Pays-Bas depuis le 11 février 1596 : leur règne sera _ du moins est-ce ainsi que les historiens le « reconnaissent »… _ paisible et de prospérité…

A la capitulation d’Anvers, l’automne 1585, la ville se vide de presque la moitié de la population, qui quitte  _ et s’expatrie, pour toujours, de _ la ville (et du pays) occupé(s), et cela pour des raisons de pratiques confessionnelles absolument proscrites.

La famille de Susanne Van Soldt fit partie _ à quelle date ? dès 1585 ? l’année suivante ? un peu plus tard ?.. _ de ces « 40 % » d’émigrants-là, de Flandres,

« fuyant » son « pays »

« pour échapper aux folies d’une époque en proie aux pires persécutions religieuses« , écrit Jean-Paul Combet en sa courte présentation du CD, page 3…

Les « Pays-Bas » du Sud vont demeurer _ et pour longtemps : jusqu’aujourd’hui !_, « séparés » des « Provinces-Unies » du Nord _ nées de l' »Union d’Utrecht« , le 5 janvier 1579 ;

et dans le giron, eux, de l’église catholique et romaine

qui fait triompher, par toute la « culture » et dans les Arts (de ce qui deviendra en 1830 « la Belgique »), le style dit « baroque »

(de la Contre-Réforme, reconquérante, désormais :

ce n’est qu’en 1648 que le Traité de Westphalie viendra _ à peu près _ mettre un terme (grâce à un accord sur le principe simple : « cujus regio, cujus religio« ) aux pires exactions de ces si longues et si destructrices « guerres de religion« , qui,

d’avoir mis l’Europe « à feu et à sang »,

l’ont « saignée à blanc »…) :

ainsi la ville d’Anvers est-elle peut-être d’abord pour nous

la cité de Pierre-Paul Rubens (1577 -1640), le « magnifique »…

_ soit un exact contemporain, anversois à Anvers (et de par toute l’Europe, diplomatiquement)

de Susanne Van Soldt, anversoise de Londres, elle…

« Vers 1599« , la date approximative d’attribution par les musicologues

de la rédaction « à l’encre et à la plume » par Susanne Van Soldt de son cahier manuscrit de musique,

cela faisait quatorze ans que le pays natal (Anvers) avait été quitté,

peut-il se calculer…

Et Susanne a treize ans.

Lui _ Jean-Paul Combet, donc _ « y » (= la musique « notée ») « entendait » un peu plus qu’une « réduction pour clavier »… ;

ou plutôt, il assignait à cette « réduction pour clavier » une fonction tout autre _ et de plus d’ampleur _ qu’une interprétation « solitaire » : rêveuse et mélancolique ; sur un virginal, ou épinette ;

je le cite, toujours à la page 3 du livret du CD :

« Le matériau musical semble a priori _ c’est-à-dire « apparaît » ; et antérieurement à (la pratique de) l’expérience _ modeste ; des pièces dans l’ensemble faciles à jouer au clavier pour une très jeune exécutante« …

Rien moins, cependant, en fait, que tout un « matériel » (de base) pour (pratiquer _ à plusieurs ! _ des) « musiques d’ensemble d’intimité » festives ;

c’est-à-dire des musiques pratiquées festivement en famille

_ et avec un cercle élargi d’amis (flamands) _,

par un ensemble _ ou consort (en anglais) _ de « voix », tant instrumentales que vocales _ selon les pratiques dominantes du temps ;

loin de « pièces pour concert » de cour (et solistes virtuoses)

que privilégient aujourd’hui _ et pratiquent _ les interprètes _ au concert comme au disque _ récitalistes ;

et que,

en « aval »

de cet « amont » (des concertistes),

« connaissent » seulement ceux qui n’ont _ indirectement _ accès, par ricochets en quelque sorte, qu’au disque ou au concert,

sans pratiquer eux-mêmes, et avec d’autres (des amis musiciens, pour le seul plaisir de « jouer » ensemble ; et pas de « se produire en concert » devant d’autres), cette musique (de « consort ») « à jouer »…

Un répertoire idéal pour « Les Witches » : auxquels (l’éditeur _ des CDs Alpha) Jean-Paul Combet les a « proposées » :

« Il fallait la touche de magie des Witches pour rendre _ restituer le dû ! _ à ces réductions

_ car voilà bel et bien ce qu' »étaient » ces pièces (et leur « fonction » éminemment pratique ! A re-déployer dans toute leur ampleur !!!) _

leur dimension

_ collective festive (dans le cadre familial, restreint ou élargi : à d’autres anversois et flamands immigrés, eux aussi, à Londres !!! et qui n’oubliaient pas d’où ils venaient…) _

première,

spirituelle pour les psaumes à jouer « ès maisons »,

ou quasi obsessionnelle pour les branles & rondes à danser

« sans rien dire », cela va de soi »

_ Jean-Paul Combet a commencé cette préface en citant, en exergue, la chanson inoubliée de Jacques Brel

(dont on célèbre le 9 octobre, dans quatre jours, le trentième anniversaire de la disparition :

de nombreux Cds _ de commémoration… _  sont déjà disponibles sur ce marché _ « vendeur » et légitime, pour une fois… : pour ceux qui voudraient se faire une cure revigorante de « Brel » _ et sa formidable « présence » !…) :

« Les Flamandes dansent sans rien dire…« …

Musique sacrée, musique profane ; les deux volets de la musique d’alors _ en son intimité ;

et pas une musique de concert, pas une musique de cour…


Et les Witches, ce sont

l’orgue positif _ d’inspiration germanique _ Quentin Blumenroeder, le cistre _ d’après un modèle italien du XVIe siècle _, le virginal double (muselaar et muselardon _ ou « child virginal« ) d’après Rückers, de Freddy Eichelberger ;

le violon _ italien (école de Brescia, XVIIe siècle) _, d’Odile Edouard ;

les flûtes à bec soprano _ d’après un instrument du château de Rosenborg (Danemark) _, alto _ d’après Ganassi _, ténor _ le premier, d’après Rafi, le second, d’après un anonyme du musée de la musique à Paris _, les flûtets à trois trous, de Claire Michon ;

la base de viole _ « le roi David« , d’après un modèle anglais _, de Sylvie Moquet ;

ainsi que le luth Renaissance, la guiterne, de Pascale Boquet ;

auxquels ont été joints , amis invités,

pour cette fête de musique,

la cornemuse du Poitou, de Mickaël Cozien ;

le rommelpot (ou tambour à friction flamand), le tambour catalan, le tambour à cordes, les tambours sur cadre (Daf de Syrie, Daf de Turquie), les grelots (d’Inde), de Françoise Rivalland ;

et l’orgue Brabantsche Rond et le muselaar (ou « mother virginal« ), de Sébastien Wonner :

soit une bien belle réunion d’instruments

et d’instrumentistes-musiciens « sorciers » (tous « witches« …)

pour cette « fête » flamande londonienne, de 1599…

Jean-Paul Combet remarque aussi combien, dans les « peintures flamandes du XVIIème siècle » _ en commençant, peut-être par celles des Breughel, père et fils _,  « la fête est presque toujours empreinte de sérieux sinon de gravité« …

Aussi « imagine« -t-il « ainsi _ au présent de l’indicatif, désormais _ Susanne, cette petite fille flamande _ expatriée (= immigrée) à Londres _

dont nous ne saurions rien si elle n’avait copié dans son _ intime _ cahier de musique les danses & chansons qu’elle aimait,

joyeuse et grave,

retrouvant en Angleterre sur le pupitre de son virginal _ ou épinette _

les couleurs sonores de son pays natal« …

L’affaire

(de la « réalisation » physique sonore _ pardon de ces pléonasmes ! _

ainsi que musicale _ quant à l’interprétation _

à l’enregistrement du CD ainsi qu’aux concerts !)

prit son temps ;

mais fit, peu à peu, son chemin _ en les interprètes invités, soient les Witches, à s' »y » pencher quelque peu dessus _ ;

et vient d’aboutir à ce disque si riche de vie,

si magnifiquement (et justement) coloré

(ce CD Alpha 526 « Manuscrit Susanne Van Soldt _ Danses, chansons & psaumes des Flandres, 1599« ) ;

ainsi qu’à des concerts _ festifs, comme cela se doit tout particulièrement pour ce répertoire ! _,

notamment à celui de l’Académie Bach d’Arques-la-Bataille, ce mois d’août 2008 :

interprétations-réalisations sonores et musicales assez éblouissantes en leurs pulsations

afin de ressusciter des phrases _ tant musicales, que celles des psaumes eux-mêmes ; mais aussi des chansons _ qui n’attendaient _ depuis un peu longtemps, peut-être _ que cela, pour se dés-engourdir ;

et danser ;

chanter ;

retentir de nouveau…

Ce quon peut attendre d’une interprétation musicale : faire résonner, retentir, mais aussi faire ressentir les moindres nuances d’accentuation, de ce qui une fois fut « noté » sur papier ; fut écrit…

On sait bien que tout n’est pas écrit, en musique ;

surtout en ces temps-là…

En tout cas, le Cd nous les donne (= les « rend« , les « restitue »),

ces phrases qui parlent, qui chantent, qui dansent bien haut,

en leur rythme syncopé _ ce qu’il faut, « sur le vif » !.. _

et fraîcheur native ;

comme il se doit pour toute musique interprétée (= « jouée »), bien sûr !!!

Pour finir, je dois encore témoigner du formidable succès des Witches au concert,

de la jubilation des publics,

et de la joie personnelle de l’initiateur de ce CD Alpha 526…

Titus Curiosus, ce 5 octobre

Le pouvoir de merveilleux du Baroque _ le « Cadmus » de Lully en DVD

02oct

Sur le DVD de « Cadmus et Hermione« , (toute première) tragédie lyrique (en avril 1672) de Jean-Baptiste Lully & Philippe Quinault, par le Poème Harmonique, direction artistique & musicale Vincent Dumestre, une mise en scène de Benjamin Lazar, une chorégraphie de Gudrun Skamletz, et filmé par Martin Fraudreau _ DVD Alpha 701.

Le DVD de « Cadmus » est _ à tous les (riches) égards _ d’une beauté renversante.

Sa « conformité » à l’évènement de sa création

_ la « tragédie » fut « représentée par l’Académie Royale de Musique, pour la première fois sur le Théâtre de Bel-Air, & ensuite sur celui du Palais Royal, au mois d’avril 1672«  _

est, ici, assez extraordinaire,
retrouvant l' »émerveillement » visé par le « dispositif » baroque même
(Bernin ; Urbain VIII ; Mazarin ; Louis XIV ; Molière-Lully ; etc… ) :
changements à vue (grâce aux « machines », « poulies », etc… _ le travail des Vigarani, etc…),
couleurs et grains des décors et des costumes _ et des maquillages,
en plus de la gestique, notamment, outre la danse, l’expressivité des mains : le Baroque est toujours mouvement
,
et mouvement visible (clairement perceptible = rhétoriquement) par le spectateur.

Pour écrire mon article,
il va me falloir relire les textes de La Fontaine _ et de Corneille _ là-dessus…

Si je ne t’en ai encore rien dit, alors que j’ai regardé aussitôt et deux fois le DVD dès que je l’ai reçu,
ni à S. F. _ il me faut la remercier

j’aime beaucoup aussi, et c’est peu dire, la finesse très grande du CD « Euridice » de Caccini _ par Scherzi Musicali, dirigé par Nicolas Achten : CD Ricercar RIC 269 : quel merveilleux répertoire aussi,
quelle fraîcheur
_ que l’interprétation doit prioritairement rendre ! comme elle le fait ici !..


c’est que je suis un peu débordé par un agenda bien copieux :

articles du blog à rédiger _ mais cela va sans dire _ de manière soignée  :

une journée entière, tout le dimanche, de 5 heures du matin jusque quelque chose comme 7 heures du soir, par exemple, pour mon article « Emerger enfin du choix d’Achille »
sur l’admirable (roman de 517 pages : lues avec « attention intensive« , surligneur et crayon à la main) « Zone » de Mathias Énard : je te le recommande (chez Actes-Sud) en priorité (et même urgente : « toutes affaires cessantes« , ai-je ainsi conclu mon article ! :
soit un Céline et Proust de 2008, que ce « Zone » ! Mazette ! ;

lire les livres ;
écouter les CDs ;
regarder _ bien attentivement, comme il se doit, afin d’en jouir, tout simplement ! _ les albums de photos et de peintures (ou autres) ;
etc…

(aller à des vernissages, aussi) ;
en plus de mon travail quotidien

_ en général de 8 heures à 16 heures, plus 45 minutes de trajet en voiture (j’écoute France-Culture)…

Sans oublier mes fréquentes visites dans les rayons Mollat ;

et discussions avec les vendeurs,

compétents…

Hier après-midi, j’ai « fait » _ en vain… _ les librairies et bouquinistes bordelais

_ et bavardé (sur la situation de crise , et « géopolitique ») avec Patrick Laurencier _
à la recherche d’ouvrages _ dont « Les Javanais » _ de Jean Malaquais (1908-1998)
dont un article de David Vincent _ « Malaquais à bon port« , du 30 septembre _ m’avait donné l’envie titillante d’aller y goûter,
en un article du blog des libraires Mollat…

Une autre fois,

j’étais parti, tout aussi vainement, à la recherche d’un livre ancien,

au Mercure de France en 1920, d’Emerson _ « Les forces éternelles » : déjà tout un poème que le titre

(autres temps, autres mœurs)
cité par Gilles Tiberghien dans son excellent « Amitier »

_ cf mon article de fin juillet sur le blog Mollat http://blogamis.mollat.com/encherchantbien/2008/07/30/lacte-damitier-pour-une-anthropologie-fondamentale-du-sujet-actant/

Bref, je ne m’ennuie pas,

Voilà, pour ce merveilleux

_ comme il convient pour cette première tragédie lyrique (ou le Baroque « à la française »), en avril 1672 _

« Cadmus et Hermione » du Poème Harmonique :

je n’ai pas encore félicité Vincent Dumestre, ni Benjamin Lazar, ni Arnaud Marzorati…

Help !

Pour compléter le spectacle « total » de ce DVD « Cadmus et Hermione«  Alpha 701,

revoir le DVD du « Bourgeois-Gentilhomme« 

(de Molière & Lully _ version originale et intégrale de 1670 _, par le Poème Harmonique dirigé par Vincent Dumestre, une mise en scène de Benjamin Lazar, une chorégraphie de Cécile Roussat, et filmé par Martin Fraudreau),

DVD Alpha 700 ;

et sur Lully, lire le « Louis XIV artiste » de Philippe Beaussant (aux Éditions Payot) ;

le « Lully » de Jérome de La Gorce (aux Éditions Fayard) ;

et le « Jean-Baptiste Lully » de Manuel Couvreur (aux Éditions Vokar, en 1992)…


Titus Curiosus, ce 2 octobre 2008

Articles « en souffrance » : un inventaire « à la Prévert »…

07août

 En une sorte d’inventaire « à la Prévert« , voici un premier _ très provisoire et bien incomplet, déjà _
catalogue d’articles « en souffrance », que je me promets de rédiger, rapidement, mais dans des conditions minimales (= « élémentaires« ) de « soin »…

Car je me suis promis, en effet, de rédiger bien des articles
sans m’être trouvé en situation de le « réaliser » dans des conditions satisfaisantes
de concentration (pour l’inspiration de leur « écriture ») : en voici un premier « inventaire » provisoire
(et déjà très incomplet).

A savoir :

_ d’abord, et à tout seigneur, tout honneur,
ce qui aurait dû être le tout premier vrai article
_ à part celui de « présentation » du blog (« le carnet d’un curieux« ) :
l’article sur ce monument (de vérité et de grandeur) que sont  « Les Années d’extermination« ,
le tome second de « L’Allemagne nazie et les Juifs »
de Saul Friedländer (aux Editions du Seuil, en février 2008) :
un chef d’œuvre _ et quel Chef d’Œuvre ! _ pour comprendre « vraiment » (avec la gamme prodigieusement restituée et commentée des « témoignages » _ des victimes qui ont pu « s’exprimer » _, tout particulièrement : par là, cet ouvrage est tout simplement irremplaçable !) ; pour comprendre « vraiment » le sens de la modernité

_ quelques articles de musique :

_ le CD Alpha 128 « Trios pour Nicolaus Esterhazy » de Joseph Haydn, par l’ensemble Rincontro (les excellents Pablo Valetti, Patricia Gagnon et Petr Skalka) :

big.JPG

une merveille de « musique domestique« ,
c’est-à-dire d’intimité,
restituée et offerte (comme un cadeau tout simple mais rare, en son incroyable « finesse »)
telle qu’elle se pratiqua à la fin du XVIIIème siècle, en l’occurrence,
loin des salles et scènes de concert (et des publics bruyants)…
Soit tout un pan de musique révélé
_ rendu : restitué et offert, donc _,
et combien merveilleusement (expression oxymorique).
Une très grande chose, qui ne se découvre pas à la première audition :
à la seconde seulement ! Il faut lui prêter un minimum son écoute : en retour,

c’est tout un monde qui nous est ici, par ce CD, « donné » à écouter partager :
comme si nous nous tenions sur le seuil de cette petite pièce où le prince et ses amis (ou musiciens) « jouent » entre eux et pour eux…

_ un article « Alexandre Nikolaïevitch Scriabine »,
à partir du coffret _ quel trésor ! _ Vladimir Sofronitzky :
« Historical Russian Archives Vladimir Sofronitzky Edition :
Scriabin, Chopin, Rachmaninoff, Schumann, Schubert, Liszt, a. o.
« 

de 9 CDs , chez Brilliant Classics ;
ainsi que de l’album époustouflant « Scriabine »
par le jeune enflammé et enflammant Andrei Korobeinikov, chez Mirare
:

scriabine-mir061-couv-rvb-vignette.jpg

constitué des « Sonates » n°4, 5, 8 et 9,
et des « Deux Poèmes » opus 32, 69 et 71,
ainsi que du « Poème Vers la flamme » opus 72 :
de la braise !..
La confrontation de cet album enthousiasmant (de feu !)
avec la grâce soyeuse, veloutée, et infinie, du jeu de Vladimir Sofronitsky
est un cadeau du ciel.


_ le coffret « Zoltán Kocsis plays Bartók » (chez Philips),
que j’attendais depuis un bon moment
_ après l’écoute l’années dernière des « Debussy » de Kocsis (toujours chez Philips) _,
et qui est une merveilleuse d’interprétation
(de probité et parfaite musicalité
:
comme si il n’y avait rien à ajouter, ni à retrancher : la grâce !)
d’un des compositeurs, lui-même, les plus grands (bouleversant !) du XXème siècle :
et c’est un euphémisme…

Qu’on écoute, par exemple, « For Children » !

A thésauriser, pour le ré-écouter très souvent…

_ et, pour clôturer très provisoirement cet inventaire « musical »
« L’Entretien des Dieux _ Jacques Champion de Chambonnières, Jean Henry d’Anglebert, François Couperin« , par le jeune et très talentueux Aurélien Delage,

sur un clavecin d’Emile Jobin d’après Tibaut de Toulouse (1691),

CD distribué
(au compte-gouttes : chaque exemplaire est numéroté ; le mien porte le numéro 027)
par « Les Chants de la Dore » :
une réussite épatante de ce qui est parmi le plus difficile à réussir du si fragile et si « parfait » répertoire français
baroque (ou classique ?)
,
si allègrement massacré
(expédié sans assez de « soin » la plupart du temps
_ comme, un peu plus tard, après François Couperin, l’interprétation du théâtre de Marivaux, lequel en donne une sorte d’équivalent « dramatique » pour la profondeur en finesse et la légèreté en gravité)
par la plupart des interprètes clavecinistes
_ à l’exception, toutefois, et du merveilleux Pierre Hantaï, tout récemment (Mirare 027 : « Pièces de clavecin« )

hantai-mir027-couperin-72.jpg

la-sultannebig.JPG

et de la « toute bonne » Elisabeth Joyé (« La Sultanne » _ CD Alpha 062),

telle une petite cousine (en esprit) de cette famille Couperin,
dont la dernière représentante a (peut-être) utilisé les lettres (jusqu’alors conservées) de Jean-Sébastien Bach à son aïeul François Couperin
pour recouvrir des pots de confiture,
comme une tradition le perpétue « joliment »…

Salut Pierre, salut Elisabeth…


Puis, trois articles sur des albums de photos :
le sublimement déchirant « Invasion Prague 68 » de Joseph Koudelka (chez Tana Editions) : un must (s’y précipiter ! et qu’au moins la manie française des anniversaires serve à cela…) ;
et le très grand « The Americans » de Robert Frank (dans sa réédition _ très précieuse _ par Steidl) ;
et aussi, bien sûr, un article de présentation de l’album (inédit en France) prodigieux de beauté plossuïenne « Attraverso Milano »
(édité, avec textes en italien et en anglais, par Electa)
,
dont je n’ai commenté jusqu’ici sur ce blog que la photo (extraordinaire) du carton d’invitation…

Et des articles sur divers textes philosophiques,
dont, d’abord, celui sur le très important « L’Acte esthétique » de Baldine Saint-Girons (publié par Klincksieck) : pour mieux analyser _ avec quelle finesse et quelle profondeur ! _ notre rapport (d’humains un peu plus et mieux « humains » _ ou moins in-humains) et aux œuvres, et aux paysages… Que la formidablement généreuse vitalité _ et justesse _ d’écriture de son auteur fasse des émules…

Titus Curiosus, ce 7 août

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