Posts Tagged ‘Pierre Carrive

Ce qui attend Saint-Jean-de-Luz le 21 août prochain pour l’ouverture du Festival Ravel 2024, avec le concert « L’Espagne de Ravel » par les Siècles…

28mai

L’article détaillé, hier 27 mai, de l’excellent Pierre Carrive « Ravel et l’Espagne » par Les Siècles : des couleurs et du théâtre sur le très intéressant site de Crescendo, commentant le concert « Ravel et l’Espagne » donné par Les Siècles au Théâtre des Champs-Élysées, à Paris, le 22 mai dernier _ Adrien Perruchon remplaçant in extremis, au pied levé, François-Xavier Roth à la direction de l’orchestre… _,

permet de se faire une idée un peu précise de ce que sera le concert inaugural, le 21 août prochain, du Festival Ravel 2024 de Saint-Jean-de-Luz et ses alentours, tel qu’il a été annoncé par Bertrand Chamayou le 21 mai dernier _ juste avant qu’éclate, le lendemain 22 mai (!), le scandale ayant conduit le soir même de ce 22 mai François-Xavier Roth a laisser sa baguette de chef à Adrien Perruchon pour ce concert « Ravel et l’Espagne » au théâtre des Champs-Élysées… _

ce concert à venir à Saint-Jean-de-Luz le 21 août prochain, dont m’avait avisé Thomas Dolié (le Ramiro de cette splendide « Heure espagnole » _ revoir encore et encore, jusqu’à plus soif !,  la merveilleuse vidéo de son final en apothéose (« Un financier et un poète« , d’une durée de 3′ 20) saisie lors de l’enregistrement, les 23 et 24 mars 2021, du CD Harmonia Mundi HMM 905361 « L’heure espagnole – Bolero«  !!! _ à Bordeaux le samedi 11 mai, à la fin de son passionnant « Labo du chanteur » consacré aux deux premières des trois « Chansons madécasses » de Maurice Ravel,

que j’ai chroniqué en mon article «  » du 12 mai dernier… 

Sur cette dérangeante _ à bien des égards, à commencer par l’avenir désormais en suspens de ces magnifiques « Siècles«  de François-Xavier Roth _ et très désolante « affaire« , je renvoie aussi à l’article mesuré « Confidences et confidentialité » _ avec ses divers très riches liens, à consulter, eux aussi… _ de Jean Pierre Rousseau sur son très riche blog

Voici donc le détail de cet article d’hier de Pierre Carrive, sur Crescendo, bien intéressant aussi par ce qu’il permet d’anticiper sur le concert « Ravel et l’Espagne » du 21 août, à 20h, en l’église Saint-Jean-Baptiste de Saint-Jean-de-Luz, par Les Siècles _ à nouveau sans François-Xavier Roth, désormais en retrait… _ :

« Ravel et l’Espagne » par Les Siècles : des couleurs et du théâtre

LE 27 MAI 2024 par Pierre Carrive

Ce concert risque malheureusement de rester dans les mémoires davantage comme étant le premier que François-Xavier Roth aura été contraint de renoncer à diriger _ voilà _, par suite de l’article « Un chef d’orchestre qui mène son monde à la braguette » paru le matin même dans Le Canard Enchaîné, que pour son contenu musical propre, pourtant réel _ certes !..

Qui n’aurait pas su tout cela ne l’aurait sans doute pas soupçonné lors de ce concert. Les Siècles ont été fondés _ par François-Xavier Roth _ en 2003. Les musiciens, inévitablement bouleversés (ne serait-ce que parce que cela fragilise grandement _ oui, forcément… _ leur avenir professionnel), étaient souriants, particulièrement avenants vis-à-vis d’Adrien Perruchon (qui malgré une brillante carrière ne fait pourtant pas toujours l’unanimité auprès des instrumentistes qu’il dirige). Sans doute lui étaient-ils reconnaissants d’avoir pu assurer ainsi, au pied levé _ voilà _, la direction de ce concert, sans en changer le programme, et surtout en donnant une impression d’aisance remarquable _ oui, en convenance avec l’esprit preste et leste de ce bijou enchanteur d’esprit français… _ étant donné le contexte. Et, en effet, il faut saluer cette performance _ dont acte.

Ravel et L’Espagne, donc. L’idée est on ne peut plus pertinente _ oui _, quand on sait à quel point ce pays a influencé le compositeur _ à partir de sa propre histoire familiale, d’abord, avec ses légendes fantasmées par Maurice Ravel : je pense ici au récit de ses parents se rencontrant par hasard et faisant connaissance dans les jardins enchanteurs du Palais d’Aranjuez ; et je renvoie ici à la série de mes articles de recherche concernant la généalogie de la branche basquaise (Delouart – Del Huarte…) de Maurice Ravel... À vrai dire, il faudrait plutôt parler de l’idée qu’il s’en faisait _ oui, en effet _, à travers, notamment, les très nombreux musiciens espagnols _ et pas seulement Ricardo Viñes _ qui venaient en France à cette époque. Car Ravel n’est _ semble-t-il _ allé _ de fait _ en Espagne qu’à l’approche de la cinquantaine _ il arrive à Madrid le 29 avril 1924 pour une tournée de concerts… _, bien après avoir écrit presque toutes les œuvres de ce concert (à l’exception du Bolero).

La première partie, purement instrumentale, commençait par Alborada del Gracioso. Les cordes, très présentes, donnent une sonorité un peu massive à la pièce. Malgré la plus extrême liberté laissé au basson dans ses solos, cette « Aubade du bouffon » a un peu de mal à décoller.

Adrien Perruchon et Les Siècles trouvent des couleurs nettement plus personnelles dans les quatre parties de la Rapsodie espagnole. Après un Prélude à la nuit subtilement mystérieux, les contrastes de Malagueña ne manquent pas de caractère. Le statisme relatif de la Habanera apporte un suspens qui se résout avec une Feria dans laquelle les musiciens s’amusent sans retenue, et qui nous prépare aux outrances _ délicieusement débridées de « L’Heure espagnole«  _ de la deuxième partie du concert.

Mais avant cela, et pour terminer la première partie, le célébrissime Bolero… mais dans une instrumentation inhabituelle, dont la différence la plus frappante est qu’à la place de la seule caisse claire qui joue 169 fois le même rythme, il y a deux tambours qui se passent théâtralement la parole. Adrien Perruchon prend un tempo assez rapide. Les solos mettent en avant les particularités instrumentales (ce qui ne pouvait être autrement, avec cette recherche _ passionnante _ de retrouver les timbres que voulait Ravel – et il s’y connaissait !) _ car tel est bien le projet musical de fond, dès leur fondation en 2003 par François-Xavier Roth, des Siècles… Les cordes en boyau sont soyeuses, mais de moins en moins au fur et à mesure que la tension monte, ce qui la rend fort spectaculaire. D’autant que l’accompagnement reste, jusqu’à la fin, toujours aussi percutant. La modulation libératrice de la fin n’est pas spécialement mise en valeur : l’effet en est réservé pour les toutes dernières mesures.

En deuxième partie, L’Heure espagnole, avec là aussi des innovations – ou plutôt des retours aux sources – instrumentales (le sarrussophone à la place du contrebasson, par exemple). Cette « comédie musicale en un acte » _ sur un texte de Franc-Nohain _ est une sorte de farce abracadabrantesque _ mais oui ! _ digne du théâtre de boulevard le moins complexé ! Tout se passe dans le magasin d’un horloger, dans lequel, en son absence, sa femme reçoit ses amants, qui se voient contraints de se cacher dans des horloges, lesquelles vont être déplacées, par un muletier imprévu, d’un étage à l’autre au gré des caprices de la belle dont le but est de se retrouver seule avec l’un de ses amants.

Sans mise en scène, il n’était pas facile de faire comprendre tout cela. Pari cependant plutôt réussi. Les chanteurs ne rentrent que lors de leur première intervention, et disparaissent de la scène quand ils sont censés être dans la chambre à l’étage ou dans les horloges. La distribution reprend en partie celle de l’enregistrement réalisé pour Harmonia Mundi en 2021. Seuls les deux amants _ de cette fois : Benoît Rameau, en Gonzalve, et Nicolas Cavallier, en Don Iñigo Gomez _ n’en faisaient pas partie _ ils remplacent donc Julien Behr et Jean Teitgen du CD.

Isabelle Druet, qui l’avait déjà enregistrée en 2016 sous la direction de Leonard Stalkin _ en effet _, incarne une Concepción assez complexe, loin de toute exagération. Ses registres théâtraux sont variés, et elle est capable de passer de la fierté d’une danseuse de flamenco à la douleur d’une femme inapaisée. Et puis, la voix est superbe ! _ oui !!! Thomas Dolié, dans le rôle du muletier Ramiro, n’a pas vraiment le physique du rôle _ il est mince _, puisque c’est lui qui est censé déménager les horloges habitées. Mais sa carrure artistique est largement à la hauteur _ oui ! C’est donc lui qui finit par gagner les faveurs de Concepción _ « C’est la morale de Bocacce :  entre tous les amants, il arrive un moment, dans les déduits d’amour, Ah!, où le muletier a son tour !«  _ ; si, dans le texte, il le doit à ses muscles, ce soir-là c’est plutôt sa voix puissante et juvénile _ oui ! _ qui a séduit la belle.

Loïc Félix est un très subtil _ oui _ horloger Torquemada, tout autant comme comédien _ en effet ! _ que comme chanteur _ oui. Benoît Rameau, en Gonzalve, poète obsédé de création littéraire, a une belle voix, se montre naïf et émerveillé… au grand dam de sa maîtresse, qui aimerait des preuves plus concrètes de son attachement. Elle ne sera pas davantage comblée avec le riche Don Iñigo Gomez, chanté avec une certaine auto-dérision par Nicolas Cavallier.

Tout cela est rondement mené _ comme cela se doit en cette « comédie musicale en un acte«  : tout doit y être preste, enlevé avec le plus vif esprit, et vire-voltant… Les chanteurs interagissent avec les musiciens, et le chef (dont on sent l’expérience de l’opéra) avec les chanteurs _ bien, bien. Le public réagit aux multiples allusions sexuelles (en son temps, on avait parlé de « vaudeville pornographique » _ mais oui ! _). Et l’on se dit que Ravel ne devait pas être, au moins intérieurement, aussi chaste que ce qu’il a donné à voir dans sa vie de célibataire quasi monacale _ et je me suis fait exactement la même réflexion à propos de l’érotisme brûlant des pas assez courrues et pourtant si merveilleuses « Chansons madécasses«  : Ravel savait être discret et même remarqueblement secret sur sa vie personnelle.

Paris, Théâtre des Champs-Élysées, 22 mai 2024

Pierre Carrive

Crédits photographiques :  OH JOONG SEOK

Voilà de quoi préciser plus en détails ce concert intitulé lui aussi « Ravel et l’Espagne » du mercredi 21 août, à 20h, à l’église Saint-Jean-Baptiste de Saint-Jean-de-Luz, dont m’avait informé _ de l’existence programmée _ le 11 mai dernier, à Bordeaux, Thomas Dolié, l’excellent Ramiro de cette désopilante et profondément ravelienne _ d’esprit si français ! _, magnifique et parfaitement inspirée, « Heure espagnole » des Siècles…

Ce mardi 28 mai 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

Et la merveille des merveilles que sont les Concertos pour piano de Mozart par Ronald Brautigam, et la Kölner Akademie sous la direction de Michael Alexander Willens…

04juin

Et parmi les interprétations musicales absolument géniales,

il faut absolument relever et retenir celles de Ronald Brautigam dans les Concertos pour piano de Mozart,

avec la Kölner Akademie, sous la direction de Michael Alexander Willens,

_ enregistrés entre 2006 et 2015 _,

dont le label Bis vient de réunir, en un très commode magnifique coffret de 12 CDs, l’intégrale

_ le coffret Bis 2544 SACD…

Sur ce magistral coffret Mozart/Ronald Brautigam,

cf ce très judicieux article de Pierre Carrive,

paru le 8 juin 2021, sur le site de Crescendo Magazine,

« Une très enthousiasmante intégrale des concertos pour piano de Mozart sur instruments d’époque » :

Une très enthousiasmante intégrale des concertos pour piano de Mozart sur instruments d’époque

LE 8 JUIN 2021 par Pierre Carrive

Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : les 27 Concertos pour piano (dont Concerto pour deux – deux versions – et trois pianos) ; 3 Concertos d’après J. C. Bach ; les 2 Rondos pour piano et orchestre ; Air « Ch’io mi schordi di te ? ».

Ronald Brautigam, pianoforte ; Die Kölner Akademie dirigée par Michael Alexander Willens (sauf Concertos pour deux et trois pianos) ;  Carolyn Sampson, soprano, Alexis Lubimov, pianoforte ; Haydn Sinfonietta ; Manfred Huss, pianoforte et direction ; Carolyn Sampson, soprano.

2006-2015. 11h 48m 03s.

Livrets séparés en anglais, en allemand et en français.

12 SACD BIS-2544.

Cette intégrale des Concertos pour piano de Mozart est en fait une réédition de 12 albums, qui ont été enregistrés et sont sortis séparément entre 2006 et 2015. Le coffret reprend l’ensemble, avec pour chaque volume son livret d’origine.

Ronald Brautigam a à son actif une discographie impressionnante, avec notamment trois monumentales intégrales pour piano seul de Haydn, Mozart et Beethoven. Mais son répertoire ne se cantonne pas à cette période, ni à jouer seul, puisque l’on peut trouver aussi, par exemple, de nombreuses œuvres du XXe siècle, en musique de chambre (notamment avec la violoniste Isabelle van Keulen), et aussi avec Riccardo Chailly et l’Orchestre Royal du Concertgebouw d’Amsterdam.

Die Kölner Akademie et son directeur musical Michael Alexander Willens ont également une discographie très étoffée, dans laquelle Mozart, en-dehors bien entendu de cette intégrale de Concertos pour piano, est représenté par trois albums récents. En 2017 et 2020, ils ont enregistré quatre Sérénades de Mozart, remarquables de vivacité, de sens du drame, d’humour, de tendresse ; elles ne tombent jamais dans l’excès ni la caricature. L’orchestre est incisif, sans brutalité ; il trouve d’étonnantes couleurs, et la mise en valeur des voix intermédiaires lui donne une plénitude grisante. Deux albums absolument savoureux (comme s’était enthousiasmé Jean Lacroix), entre lesquels il y en eut un autre consacré à des œuvres d’inspiration maçonnique, à l’interprétation un peu plus attendue.

Ensemble, ils ont enregistré les intégrale des Concertos de Beethoven, de Mendelssohn, et de Weber. Voici donc celle de Mozart, qui a fait l’objet d’un entretien avec Crescendo-Magazine.

Mozart a écrit ses Concertos pour piano tout au long de sa vie, et plusieurs, notamment dans les plus tardifs, peuvent être considérés comme ses plus grands chefs-d’œuvre _ oui ! _, au même titre que ses plus grands opéras _ oui. Il les écrivait pour les jouer lui-même, et c’est probablement dans ce genre qu’il s’est dévoilé le plus. Aucun autre compositeur de quelque envergure n’y est revenu aussi souvent. Ils constituent une somme absolument unique à tous points de vue, d’une richesse et d’un niveau de perfection stupéfiants _ absolument 

Ils sont au nombre de vingt-sept. Mais, en réalité, les quatre premiers sont des « pastiches », réalisés d’après des Sonates accompagnées pour clavier et violon de Johann Schobert, Leontzi Honauer, Johann Gottfried Eckard, Hermann Friedrich Raupach et Carl Philipp Emanuel Bach. Le tout jeune Mozart s’était enthousiasmé pour leurs œuvres lors d’une très longue tournée, et à l’âge de onze ans, probablement aidé de son père, s’est lancé dans l’écriture de ces Concertos Nᵒˢ̊ 1 à 4, K. 37, 39, 40 et 41. Destinés à faire briller le pianiste tout en faisant connaître le compositeur, ce n’est qu’au début du XXe siècle que l’on prendra conscience de leurs origines. S’ils constituent le premier volume de cette intégrale, ils ont en réalité été enregistrés en dernier. À leur écoute, l’on ne peut s’empêcher de penser à la « cerise sur le gâteau », tant on perçoit le plaisir jubilatoire _ oui _  qu’ont pris Ronald Brautigam, Michael Alexander Willens et la Kölner Akademie avec ces œuvres pleines de fraîcheur, après s’est plongés pendant plusieurs années dans tous les « vrais » et immenses Concertos pour piano de Mozart.

Deux autres sont à mettre à part, car écrits pour plusieurs instruments : le Concerto N° 7, pour trois claviers, K. 242, qui malgré son indéniable attrait tient du divertissement, et le Concerto N° 10, pour deux claviers, K. 365, sans doute le plus abouti de tous ceux composés jusque-là, et véritablement annonciateur des grands chefs-d’œuvre à venir _ oui. S’ils font l’objet du troisième volume de cette intégrale, ils avaient en fait été enregistrés quelques années auparavant, sans qu’il soit question de la suite, et par d’autres interprètes, parmi lesquels, déjà, Ronald Brautigam. Il y rivalise de virtuosité, de volubilité et de piquant avec Alexei Lubimov, lequel se montre sans doute encore plus inventif, mais au détriment d’une simplicité du discours que le héros de notre intégrale ne perd jamais de vue. Ils sont accompagnés par une Haydn Sinfonietta brillante et énergique, mais un peu rude, dirigée par Manfred Huss, qui joue la partie de troisième piano (dont le rôle est plus modeste que les deux autres) dans le tellement spirituel K. 242. Une deuxième version du K. 365 est proposée, qui avait été jouée pour un concert dans une grande salle, avec des parties supplémentaires de clarinettes, de trompettes et de timbales. Il n’est pas absolument certain que Mozart en soit l’auteur ; il est permis de trouver que ce que l’on gagne en puissance sonore et en éclat nuit à la pureté de l’expression.

Il faut ajouter à ces vingt-sept ouvrages les trois courts Concertos K. 107, qui sont également des « pastiches », puisque venant tous des Sonates pour clavier de Jean-Chrétien Bach. De forme sommaire, sans mouvement lent pour deux d’entre eux, avec un accompagnement réduit à deux violons et un violoncelle, leur attrait est indéniable, même si c’est le fils du grand Bach qui doit en être principalement crédité. Ronald Brautigam, avec les solistes de la Kölner Akademie, en offrent une interprétation pleine de soleil et de vigueur. On la trouve à la fin du deuxième volume, lequel commence par le Concerto N° 5, K. 175, le premier que l’on puisse véritablement qualifier comme tel, donc _ voilà. Mozart a alors dix-sept ans, et ce coup d’essai est assurément digne d’un maître. Du reste il a toujours été très attaché à ce concerto, au point de proposer un autre finale, neuf ans plus tard : le Rondo K. 382 (que l’on trouve dans le septième volume). Ronald Brautigam et la Kölner Akademie en rendent la conquérante exubérance avec un étincelant brio. Suit le Concerto N° 6, K. 238, composé trois ans plus tard, dont la légèreté et l’insouciance sont admirablement mises en valeur par les interprètes : nervosité maîtrisée des motifs d’accompagnement des cordes, délicatesse des lignes mélodiques des vents, et bien sûr raffinement distingué de la partie soliste.

Les deux volumes suivants, dans lesquels on trouve également le Rondo K. 386 (considéré par certains comme le finale initial du Concerto N° 14, K. 414), nous permettent de cheminer jusqu’au Concerto Nᵒ 13, K. 415, et à son finale qu’Olivier Messiaen, dans une analyse haute en couleurs, n’hésite pas à placer « parmi les sommets de l’œuvre de Mozart ». Mozart a alors vingt-sept ans. Son propos est encore de plaire au public, et malgré le sens du drame qui s’épanouit dans ces œuvres, et même si dès le mouvement lent du Concerto N° 9, K. 271, qui est pour la première fois en mineur, on entend l’idée de la mort qui ne cessera de préoccuper le compositeur, ce n’est pas encore l’époque où Mozart choisit le concerto pour se livrer le plus intimement. On sent Ronald Brautigam et la Kölner Akademie s’y amuser, s’émerveiller des trouvailles de Mozart, se délecter de jouer tous les personnages de théâtre toujours en embuscade _ oui _ avec ce facétieux compositeur plein d’imagination…

Nous entrons maintenant dans le miracle du concerto pour piano chez Mozart. Il n’écrira en effet plus que des chefs-d’œuvre, et par quatorze fois dans les sept années qui lui restent à vivre (dont douze en moins de trois ans).

Avec le sixième volume, outre la poursuite de la chronologie avec le Concerto N° 14, K. 449, nous abordons l’un des grands chefs-d’œuvre de la série, avec le Concerto N° 21, K. 467. Ronald Brautigam et Michael Alexander Willens n’y recherchent pas la grâce et la légèreté que l’on trouve souvent dans ce concerto, mais se projettent résolument dans une lecture qui va de l’avant, pleine d’énergie. Cela n’empêche pas les violons d’être d’une douceur soyeuse dans le célébrissime Andante, le soliste d’une probe délicatesse, et l’ensemble du mouvement de conserver de bout en bout une atmosphère de rêve ineffable. Cet album a l’excellente idée de proposer également l’air de concert, avec piano obligé, Ch’io mi schordi di te ?, K. 505, qui fait le lien idéal _ oui _ entre les deux univers tellement personnels de Mozart, celui des concertos pour piano et celui des opéras. La soprano Carolyne Sampson y est merveilleuse en amoureuse ardente, irrésistible dans le registre medium et aigu.

Suite de l’ordre de composition avec le volume suivant (Concertos Nᵒˢ̊ 15 et 16, K. 450 et 451 donc). Lors de sa sortie, Bernard Postiau avait affiché de sérieuses réserves, qu’il précise bien être surtout subjectives. Il est intéressant de lire cette chronique, car en effet, elle peut mettre en garde contre un parti pris qui peut gêner, voire heurter, certaines auditeurs. À cet égard, la comparaison entre cette interprétation du Rondo, K. 382 qui termine ce CD, avec l’enregistrement de 1960 d’Annie Fischer avec Ferenc Fricsay est éloquente. Si l’on comprend très aisément que l’interprétation de ce Rondo, que notre chroniqueur « a toujours adoré depuis ses plus jeunes années », par ces musiciens hongrois, « en état de grâce », aient pu en effet « pétiller à ses oreilles comme du champagne », nous pouvons avec lui espérer que, plus d’un demi-siècle plus tard, il y aura « un petit garçon ou une petite fille pour qui ce nouvel album ouvrira les portes du rêve et qui y reviendra encore et toujours tout au long de son existence ».

À partir du huitième volume, nous avons cinq CD qui nous emmènent dans les hautes sphères du génie de Mozart _ oui. Les trois premiers associent un grand chef-d’œuvre (respectivement les Concertos Nᵒˢ̊ 17, 18 et 19) à un chef-d’œuvre absolu _ voilà ! _  (respectivement les Concertos Nᵒˢ̊ 26, 22 et 23). Et les deux derniers nous maintiennent au sommet, avec les Concertos Nᵒˢ̊ 20 et 27, puis les Concertos Nᵒˢ̊ 24 et 25. En effet, nous pouvons considérer que les huit derniers sont comparables, sur le plan de l’intensité dramatique, à ses plus grands opéras _ oui. Ce sont probablement ses œuvres instrumentales les plus abouties _ voilà _, de celles qui justifient que l’on parle du « divin Mozart » ou que l’on emploie les termes les plus élevés.

Une des caractéristiques des concertos pour piano de Mozart, qui arrive ici à un niveau suprême, est l’utilisation des instruments à vent _ oui : Mozart en est aussi un maître… Ils dialoguent avec le piano tels de véritables personnages d’opéra _ oui. Les instrumentistes de la Kölner Akademie nous régalent de leur musicalité et de leur inventivité exemplaires. L’orchestre, bien que relativement peu fourni (huit violons ; altos, violoncelles et contrebasses par deux), sonne de façon ample et généreuse. Les mouvements lents sont le plus souvent pris à un tempo assez allant, ce qui peut bousculer nos habitudes. Pour autant, l’expression est toujours prenante, et les intentions musicales soignées au plus haut point.

Son : 10 – Livret : 10 – Répertoire : 10 – Interprétation : 10

Pierre Carrive

Un magistral régal

que ces interprétations discographiques-ci.

Et un fastueux coffret de CDs-SACD, à thésauriser donc.

Ce samedi 4 juin 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

Chercher sur mollat

parmi plus de 300 000 titres.

Actualité
Podcasts
Rendez-vous
Coup de cœur