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Le charme vraiment prenant de la tendresse Porpora : le merveilleux CD « Salve Regina » des Muffatti, et le contreténor Clint van der Linde, chez Ramée

06juin

Dans la continuité _ et la frustation _ de mon article «  » du 3 juin dernier à propos de ce qui manque maintenant dans la discographie accessible de Nicola Porpora (1686 – 1768),

je suis tombé sur un admirable CD Ramée RAM 2102, paru le 24 mars 2022, par l’excellent contre-ténor sud-africain Clint van der Linde et l’Ensemble Les Muffati, intitulé « Salve Regina – Motets by Hasse and Porpora« ,

comportant, entre autres, un sublime « Salve Regina » de Nicola Porpora _ quelle merveilleuse tendresse ! _ composé en 1630, et dédié par Porpora à la cantatrice Zabetta, Elizabetta Mantovani, mezzo-soprano, pensionnaire à l’Ospedale degli Incurabili, à Venise :

un admirable motet au charme fou d’une tendresse, oui, sublime.

Lire aussi cette récente recensiondécouverte après l’audition du CD, et assez neutre poour une fois… _ de Christophe Steyne, sur le site de Crescendo, en date du 11 mars 2023, intitulée (sic) « Le Salve Regina et l’italianisme à l’heure baroque : deux nouvelles parutions » :

Le Salve Regina et l’italianisme à l’heure baroque, deux nouvelles parutions

LE 11 MARS 2023 par Christophe Steyne

Salve Regina, motets by Hasse & Porpora.

Johann Adolph Hasse (1699-1783) : Hostes Averni ; Alma redemptoris Mater.

Nicola Porpora(1686-1768) : Salve Regina ; Nisi Dominus.

Antonio Vivaldi (1678-1741) : Concertos pour cordes en sol mineur et en fa majeur RV 154 et 136.

Clint van der Linde, contreténor.

Les Muffatti.

Livret en anglais, allemand, français (paroles en latin et traduction en anglais).

Mars 2021.

TT 68’54.

Ramée RAM 2102

Salve Regina.

George Frideric Haendel (1685-1759) : Adagio-Allegro [The Lord is my Light HWV 255], Presto [Acis & Galatea HWV 49]. Salve Regina HWV 241. Praise the Lord with cheerful voice [Esther HWV 50]. Gloria HWV deest. Silete Venti HWV 242. Tu del Ciel ministro electo [Il Trionfo del tempo HWV 46a].

Julie Roset, soprano.

Leonardo García Alarcón,

Millenium Orchestra.

Livret en anglais, français, allemand (paroles en anglais, latin et italien, traduction en anglais et français).

Septembre 2021.

TT 73’49.

Ricercar RIC 442

Le Grand Tour du jeune Anversois Corneille-Jean-Marie van den Branden (1690-1761) stimule ce disque qui nous propose des inédits, dont un en lien avec les archives de l’archevêché de Malines, dépositaire de manuscrits légués par ce Seigneur de Reeth. Parmi ces découvertes, le Nisi Dominus écrit dans les années 1710 par Nicola Porpora, dont le CD invite aussi le Salve Regina en fa majeur dédié à Zabetta, célèbre contralto pensionnaire de l’Ospedale degli Incurabili à Venise. L’autre figure de ce récital est un élève et rival du compositeur napolitain, qui comme lui connut une carrière nomade, et qui lui succéda d’ailleurs comme maître de chapelle dans cet Ospedale : Johann Adolph Hasse, émané de la Cour de Brunswick-Lunebourg. Au sein de son important catalogue lyrique, voici Alma redemptoris Mater qui se rattache à la célébration mariale, et Hostes Averni dans sa version conservée au Conservatoire de Bruxelles, une des douze sources identifiées pour ce motet et qui reçoit ici son tout premier enregistrement.

Dans sa notice, Clint van der Linde nous explique avoir choisi de présenter ces quatre œuvres sacrées en commençant par les plus graves pour terminer avec les plus aiguës, les plus dramatiques. La voix mixte est garante de la variété des couleurs sur l’ambitus. La manière italianisante, aux portes du style galant, se voit traitée en respectant la veine tantôt opératique (le Hostes Averni ornementé dans le da capo), tantôt introvertie. En privilégiant « les grands arcs d’expression plutôt que se limiter au détail », le contreténor s’offre une vocalisation ample et un souffle contrôlé, que ce soit dans le trait ciselé ou les phrases étirées. Pour faire bonne mesure, le CD est complété par deux brefs concertos de Vivaldi, que Van den Branden rencontra en toute modestie dans les ruelles de la cité sérénissime : les archets de l’ensemble Muffatti abordent ces intermèdes avec une palette moelleuse, tout à l’image d’une prestation vocale très léchée.

Le Salve Regina, mais pas que. Cette anthologie toute vouée au Care Sassone s’entend comme un tribut à la période italienne de Haendel (1706-1710) mais aussi plus largement comme « une transposition musicale des mille et une facettes de la psychologie humaine » et une valorisation d’un art sans pareil « de la mélodie dédiée à la voix », nous dit la notice signée de Marc Maréchal. Introduite par un concert instrumental emprunté à la Bibliothèque d’Uppsala (un assemblage tiré d’un anthem et d’un Masque), et guidé par l’inspiration au long cours du Millenium Orchestra qui semblerait prêt à avaler un opéra, le récital aligne l’antienne mariale, un extrait de l’oratorio Il Trionfo del tempo, et ce Gloria de paternité douteuse avant son authentification par le professeur Joachim Marx. On y apprécie les vocalises agiles de Julie Roset (Quoniam tu solus sanctus, où Leonardo García Alarcón ronge le frein), tandis que le Salve Regina montre une voix studieuse, blême et sans couleur, au galbe tendu et pour tout dire peu flatteur, rétif à la tendresse du sujet.

Ce timbre monochrome s’assouplit et s’enrichit néanmoins dans le chant de louange Praise the Lord with cheerful voice agrémenté de l’éloquente harpe de Marie Bournisien. Quand Esther fut représenté au King’s Theatre en 1732, le compositeur était déjà retourné en Italie : c’est certainement là, parti recruter des solistes pour la scène londonienne, qu’il rédigea son Silete Venti, pièce principale de ce CD (une petite demi-heure). Après la Symphonia enfiévrée par l’orchestre, on peut apprécier la saine ventilation et le registre lumineux de la soprano, qui exploite sa voix comme un ductile instrument, presque indifférent au texte. Au-delà du brio, l’italianisme ne s’accommoderait-il d’une expression moins droite, qui ne semble là que pour poser des notes, si maitrisées soient-elles jusque dans les cimes (la conclusion du Dulcis amor Jesu) ? Dommage que l’ensemble de ce motet ne soit à l’image du « Surgent venti », où Julie Roset semble enfin prête à fendre l’armure pour ces vents qui se lèvent.

Ramée = Son : 8,5 – Livret : 8,5 – Répertoire : 9 – Interprétation : 9

Ricercar = Son : 8,5 – Livret : 8,5 – Répertoire : 9 – Interprétation : 7

Christophe Steyne

 

Une merveille de CD…

 Ce mardi 6 juin 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

En commençant à picorer dans le trésor des 18 h 36′ du coffret Supraphon « Karel Ančerl Live Recordings » : une merveille de naturel…

02août

Sur les conseils de l’article « Karel Ančerl en perspective » de Pierre-Jean Tribot dans le numéro  de Crescendo du 2 février dernier

(cf mon article d’hier « « ),

 

ainsi que le très détaillé article « Le Survivant » de Christophe Huss dans le numéro 712 du Diapason du mois de juin dernier,

voici qu’à la rescousse est venu aussi l’article « Le Moderne » de Jean-Charles Hoffelé sur son site Discophilia le 29 juillet dernier…

Il n’en fallait guère plus pour me faire me procurer illico presto l’admirable coffret Supraphon de 15 CDs « Karel Ančerl Live Recordings Czech Philharmonic Orchestra«  _ SU 4308-2.

Et pour commencer à y picorer, avec gourmandise,

vue l’affection musicale que je porte à ce chef si juste, clair, net, élégant ;

tel qu’il est si magnifiquement saisi ici en concert à la direction de la Philharmonie de Prague, où il a été en poste de 1945 à 1968… 

En cette salle du Rudolfinum,

dont j’ai pu apprécier l’acoustique splendide en concert, le 12 février 1994… 

Quelle extraordinaire naturelle présence,

en cette merveilleuse direction, si souple, si claire, si nette, si lumineuse,

de Karel Ančerl !

LE MODERNE

Revenu des camps de la mort, Karel Ančerl vécut sa résurrection en retrouvant l’Opéra de Prague et l’Orchestre de la Radio quasi dès sa libération en 1945. En 1950, dix huit années prodigieuses allaient s’ouvrir pour recueillir l’acmé de son art. Il réforme l’Orchestre Philharmonique Tchèque sous l’œil bienveillant de Václav Talich.

À l’art vif et coupant, absolument objectif de Karel Ančerl, Talich allait ajouter une densité expressive qui s’entendra dans Asrael, le chef-d’œuvre de Josef Suk. Le flambeau était passé.

Le disque microsillon naissant illustra d’abondance cette collaboration exigeante entre Karel Ančerl et la Philharmonie Tchèque, Supraphon réglant une prise de son admirable de réalisme et éditant un grand nombre de disques devenus depuis des références intangibles, de la 9e de Mahler à Alexandre Nevsky de Prokofiev en passant par Le Sacre du printemps de Stravinski.

Parallèlement la Radio de Prague engrangea les concerts, et les conserva pieusement, les archivistes ayant conscience de l’importance historique d’un tel trésor, recopiant régulièrement les bandes afin qu’elles ne subissent pas les outrages du temps. C’est dans cette malle aux trésors que Supraphon est allé puiser _ voilà _ pour éditer ce généreux coffret tombé littéralement du ciel _ mais oui !

Deux buts, y révéler des œuvres que Supraphon n’avait pas gravées avec Karel Ančerl – par exemple une prodigieuse Symphonie « Italienne » d’une exactitude, d’une finesse rythmique inouïes _ oui ! C’est là du plus pur et parfait Mendelssohn… _, Supraphon l’avait confiée à Pedrotti (toute belle version d’ailleurs) – et donner un autre visage à des œuvres déjà gravées auxquelles le concert apporte une dimension supplémentaire : écoutez seulement _ voilà !Ma patrie.

Une part congrue de cette manne a pu circuler sous certaines étiquettes (Praga Digitals, Multisonic, Panton), mais jamais dans des reports d’une telle qualité _ en effet !

Quelques perles : un Don Juan prodigieux d’élan, une Shéhérazade ravélienne qui envole Suzanne Danco, plus sublime encore qu’avec Ernest Ansermet, une 8e de Beethoven acérée et volcanique, des Chants et Danses de la mort avec Leonard Mróz dans l’orchestration expressionniste d’Otakar Jeremiáš, Asraël et Maturation de Josef Suk, une Suite scythe de Prokofiev, de stupéfiants Nocturnes de Debussy (Sirènes !!!!).

Découvertes majeures, deux œuvres rares de Vitezslav Novák, la bachique Symphonie automnale et le mystérieux Pan. Un regret : que Supraphon n’ait pas repris le Deuxième Concerto de Chopin avec Wilhelm Kempff ; d’ailleurs les archives conservent largement de quoi composer un second volume tout aussi opulent et essentiel _ voilà !

LE DISQUE DU JOUR

Karel Ančerl
Live Recordings

Œuvres de Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791), Ludwig van Beethoven (1770-1827), Felix Mendelssohn-Bartholdy (1809-1847), Modeste Moussorgski (1839-1881), Bedřich Smetana (1824-1884), Antonín Dvořák (1841-1904), Josef Bohuslav Förster (1859-1951), Vitezslav Novák (1870-1949), Josef Suk (1874-1935), Claude Debussy (1862-1918), Maurice Ravel (1875-1937), Richard Strauss (1864-1949), Sir Edward Elgar (1857-1934), Ralph Vaughan Williams (1872-1958), Walter Piston (1894-1976), Igor Stravinski (1882-1971), Sergei Prokofiev (1891-1953), Paul Hindemith (1895-1963), Witold Lutoslawski (1913-1994), Bohuslav Martinů (1890-1959), Erwin Schulhoff (1894-1942), Miloslav Kabeláč (1908-1979), Iša Krejčí (1904-1968), Jaroslav Ježek (1906-1942), Jan Novák (1921-1984), Jiří Pauer (1919-2007), Jindřich Feld (1925-2007), Jan Klusák (né en 1934)

Orchestre Philharmonique Tchèque
Orchestre Symphonique de la Radio de Prague
Karel Ančerl, direction

Un coffret de 15 CD du label Supraphon SU4308-2

Photo à la une : le chef d’orchestre Karel Ančerl – Photo : © Reg Innell/Toronto Star

 


Un coffret tout simplement indispensable, donc !

Ce mardi 2 août 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

S’enthousiasmer pour les « 6 Danses populaires roumaines » de Bela Bartok en ses trois versions : pour orchestre, pour piano seul et pour violon et piano…

08juil

Les « 6 Danses populaires roumaines » de Béla Bartók, SZ 56, BB 68 _ ou SZ 68, BB 76 dans le catalogue de Szőllősy _ ont la vertu formidable de m’enchanter…

En piochant dans ma discothèque,

je choisis

la version pour orchestre extraite du coffret de 3 CDS « Béla Bartók Orchestral Music » Philips 475 7684 d’Ivan Fischer dirigeant le Budapest Festival Orchestra _ enregistrée à Budapest en février 1996 _ ;

la version pour piano seul de Zoltan Kocsis, extraite du coffret de 8 CDS  « Zoltan Kocsis plays Bartok » Philips 475 6720 _ enregistrée à Hambourg en septembre 1991 _ ;

et la version pour violon et piano de Laurent Korcia, violon, et Georges Pludermacher, piano, extraite du CD « Tzigane _ Le violon d’Europe Centrale » RCA 74321 690862 _ enregistrée à Compiègne en juin 1999.

Je veux aussi citer la vidéo d’une interprétation à la flûte de Pan et à l’orgue, par Dorian Gheorgilas et Laurent Jochum, à la tribune de l’orgue de l’église de Courtenay (Loiret) _ enregistrée le 28 juin 2015.

Et l’interprétation de Zoltan Kocsis est tout simplement sublimissime !

Bartok est merveilleux !

Ce vendredi 8 juillet 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

Et la merveille des merveilles que sont les Concertos pour piano de Mozart par Ronald Brautigam, et la Kölner Akademie sous la direction de Michael Alexander Willens…

04juin

Et parmi les interprétations musicales absolument géniales,

il faut absolument relever et retenir celles de Ronald Brautigam dans les Concertos pour piano de Mozart,

avec la Kölner Akademie, sous la direction de Michael Alexander Willens,

_ enregistrés entre 2006 et 2015 _,

dont le label Bis vient de réunir, en un très commode magnifique coffret de 12 CDs, l’intégrale

_ le coffret Bis 2544 SACD…

Sur ce magistral coffret Mozart/Ronald Brautigam,

cf ce très judicieux article de Pierre Carrive,

paru le 8 juin 2021, sur le site de Crescendo Magazine,

« Une très enthousiasmante intégrale des concertos pour piano de Mozart sur instruments d’époque » :

Une très enthousiasmante intégrale des concertos pour piano de Mozart sur instruments d’époque

LE 8 JUIN 2021 par Pierre Carrive

Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : les 27 Concertos pour piano (dont Concerto pour deux – deux versions – et trois pianos) ; 3 Concertos d’après J. C. Bach ; les 2 Rondos pour piano et orchestre ; Air « Ch’io mi schordi di te ? ».

Ronald Brautigam, pianoforte ; Die Kölner Akademie dirigée par Michael Alexander Willens (sauf Concertos pour deux et trois pianos) ;  Carolyn Sampson, soprano, Alexis Lubimov, pianoforte ; Haydn Sinfonietta ; Manfred Huss, pianoforte et direction ; Carolyn Sampson, soprano.

2006-2015. 11h 48m 03s.

Livrets séparés en anglais, en allemand et en français.

12 SACD BIS-2544.

Cette intégrale des Concertos pour piano de Mozart est en fait une réédition de 12 albums, qui ont été enregistrés et sont sortis séparément entre 2006 et 2015. Le coffret reprend l’ensemble, avec pour chaque volume son livret d’origine.

Ronald Brautigam a à son actif une discographie impressionnante, avec notamment trois monumentales intégrales pour piano seul de Haydn, Mozart et Beethoven. Mais son répertoire ne se cantonne pas à cette période, ni à jouer seul, puisque l’on peut trouver aussi, par exemple, de nombreuses œuvres du XXe siècle, en musique de chambre (notamment avec la violoniste Isabelle van Keulen), et aussi avec Riccardo Chailly et l’Orchestre Royal du Concertgebouw d’Amsterdam.

Die Kölner Akademie et son directeur musical Michael Alexander Willens ont également une discographie très étoffée, dans laquelle Mozart, en-dehors bien entendu de cette intégrale de Concertos pour piano, est représenté par trois albums récents. En 2017 et 2020, ils ont enregistré quatre Sérénades de Mozart, remarquables de vivacité, de sens du drame, d’humour, de tendresse ; elles ne tombent jamais dans l’excès ni la caricature. L’orchestre est incisif, sans brutalité ; il trouve d’étonnantes couleurs, et la mise en valeur des voix intermédiaires lui donne une plénitude grisante. Deux albums absolument savoureux (comme s’était enthousiasmé Jean Lacroix), entre lesquels il y en eut un autre consacré à des œuvres d’inspiration maçonnique, à l’interprétation un peu plus attendue.

Ensemble, ils ont enregistré les intégrale des Concertos de Beethoven, de Mendelssohn, et de Weber. Voici donc celle de Mozart, qui a fait l’objet d’un entretien avec Crescendo-Magazine.

Mozart a écrit ses Concertos pour piano tout au long de sa vie, et plusieurs, notamment dans les plus tardifs, peuvent être considérés comme ses plus grands chefs-d’œuvre _ oui ! _, au même titre que ses plus grands opéras _ oui. Il les écrivait pour les jouer lui-même, et c’est probablement dans ce genre qu’il s’est dévoilé le plus. Aucun autre compositeur de quelque envergure n’y est revenu aussi souvent. Ils constituent une somme absolument unique à tous points de vue, d’une richesse et d’un niveau de perfection stupéfiants _ absolument 

Ils sont au nombre de vingt-sept. Mais, en réalité, les quatre premiers sont des « pastiches », réalisés d’après des Sonates accompagnées pour clavier et violon de Johann Schobert, Leontzi Honauer, Johann Gottfried Eckard, Hermann Friedrich Raupach et Carl Philipp Emanuel Bach. Le tout jeune Mozart s’était enthousiasmé pour leurs œuvres lors d’une très longue tournée, et à l’âge de onze ans, probablement aidé de son père, s’est lancé dans l’écriture de ces Concertos Nᵒˢ̊ 1 à 4, K. 37, 39, 40 et 41. Destinés à faire briller le pianiste tout en faisant connaître le compositeur, ce n’est qu’au début du XXe siècle que l’on prendra conscience de leurs origines. S’ils constituent le premier volume de cette intégrale, ils ont en réalité été enregistrés en dernier. À leur écoute, l’on ne peut s’empêcher de penser à la « cerise sur le gâteau », tant on perçoit le plaisir jubilatoire _ oui _  qu’ont pris Ronald Brautigam, Michael Alexander Willens et la Kölner Akademie avec ces œuvres pleines de fraîcheur, après s’est plongés pendant plusieurs années dans tous les « vrais » et immenses Concertos pour piano de Mozart.

Deux autres sont à mettre à part, car écrits pour plusieurs instruments : le Concerto N° 7, pour trois claviers, K. 242, qui malgré son indéniable attrait tient du divertissement, et le Concerto N° 10, pour deux claviers, K. 365, sans doute le plus abouti de tous ceux composés jusque-là, et véritablement annonciateur des grands chefs-d’œuvre à venir _ oui. S’ils font l’objet du troisième volume de cette intégrale, ils avaient en fait été enregistrés quelques années auparavant, sans qu’il soit question de la suite, et par d’autres interprètes, parmi lesquels, déjà, Ronald Brautigam. Il y rivalise de virtuosité, de volubilité et de piquant avec Alexei Lubimov, lequel se montre sans doute encore plus inventif, mais au détriment d’une simplicité du discours que le héros de notre intégrale ne perd jamais de vue. Ils sont accompagnés par une Haydn Sinfonietta brillante et énergique, mais un peu rude, dirigée par Manfred Huss, qui joue la partie de troisième piano (dont le rôle est plus modeste que les deux autres) dans le tellement spirituel K. 242. Une deuxième version du K. 365 est proposée, qui avait été jouée pour un concert dans une grande salle, avec des parties supplémentaires de clarinettes, de trompettes et de timbales. Il n’est pas absolument certain que Mozart en soit l’auteur ; il est permis de trouver que ce que l’on gagne en puissance sonore et en éclat nuit à la pureté de l’expression.

Il faut ajouter à ces vingt-sept ouvrages les trois courts Concertos K. 107, qui sont également des « pastiches », puisque venant tous des Sonates pour clavier de Jean-Chrétien Bach. De forme sommaire, sans mouvement lent pour deux d’entre eux, avec un accompagnement réduit à deux violons et un violoncelle, leur attrait est indéniable, même si c’est le fils du grand Bach qui doit en être principalement crédité. Ronald Brautigam, avec les solistes de la Kölner Akademie, en offrent une interprétation pleine de soleil et de vigueur. On la trouve à la fin du deuxième volume, lequel commence par le Concerto N° 5, K. 175, le premier que l’on puisse véritablement qualifier comme tel, donc _ voilà. Mozart a alors dix-sept ans, et ce coup d’essai est assurément digne d’un maître. Du reste il a toujours été très attaché à ce concerto, au point de proposer un autre finale, neuf ans plus tard : le Rondo K. 382 (que l’on trouve dans le septième volume). Ronald Brautigam et la Kölner Akademie en rendent la conquérante exubérance avec un étincelant brio. Suit le Concerto N° 6, K. 238, composé trois ans plus tard, dont la légèreté et l’insouciance sont admirablement mises en valeur par les interprètes : nervosité maîtrisée des motifs d’accompagnement des cordes, délicatesse des lignes mélodiques des vents, et bien sûr raffinement distingué de la partie soliste.

Les deux volumes suivants, dans lesquels on trouve également le Rondo K. 386 (considéré par certains comme le finale initial du Concerto N° 14, K. 414), nous permettent de cheminer jusqu’au Concerto Nᵒ 13, K. 415, et à son finale qu’Olivier Messiaen, dans une analyse haute en couleurs, n’hésite pas à placer « parmi les sommets de l’œuvre de Mozart ». Mozart a alors vingt-sept ans. Son propos est encore de plaire au public, et malgré le sens du drame qui s’épanouit dans ces œuvres, et même si dès le mouvement lent du Concerto N° 9, K. 271, qui est pour la première fois en mineur, on entend l’idée de la mort qui ne cessera de préoccuper le compositeur, ce n’est pas encore l’époque où Mozart choisit le concerto pour se livrer le plus intimement. On sent Ronald Brautigam et la Kölner Akademie s’y amuser, s’émerveiller des trouvailles de Mozart, se délecter de jouer tous les personnages de théâtre toujours en embuscade _ oui _ avec ce facétieux compositeur plein d’imagination…

Nous entrons maintenant dans le miracle du concerto pour piano chez Mozart. Il n’écrira en effet plus que des chefs-d’œuvre, et par quatorze fois dans les sept années qui lui restent à vivre (dont douze en moins de trois ans).

Avec le sixième volume, outre la poursuite de la chronologie avec le Concerto N° 14, K. 449, nous abordons l’un des grands chefs-d’œuvre de la série, avec le Concerto N° 21, K. 467. Ronald Brautigam et Michael Alexander Willens n’y recherchent pas la grâce et la légèreté que l’on trouve souvent dans ce concerto, mais se projettent résolument dans une lecture qui va de l’avant, pleine d’énergie. Cela n’empêche pas les violons d’être d’une douceur soyeuse dans le célébrissime Andante, le soliste d’une probe délicatesse, et l’ensemble du mouvement de conserver de bout en bout une atmosphère de rêve ineffable. Cet album a l’excellente idée de proposer également l’air de concert, avec piano obligé, Ch’io mi schordi di te ?, K. 505, qui fait le lien idéal _ oui _ entre les deux univers tellement personnels de Mozart, celui des concertos pour piano et celui des opéras. La soprano Carolyne Sampson y est merveilleuse en amoureuse ardente, irrésistible dans le registre medium et aigu.

Suite de l’ordre de composition avec le volume suivant (Concertos Nᵒˢ̊ 15 et 16, K. 450 et 451 donc). Lors de sa sortie, Bernard Postiau avait affiché de sérieuses réserves, qu’il précise bien être surtout subjectives. Il est intéressant de lire cette chronique, car en effet, elle peut mettre en garde contre un parti pris qui peut gêner, voire heurter, certaines auditeurs. À cet égard, la comparaison entre cette interprétation du Rondo, K. 382 qui termine ce CD, avec l’enregistrement de 1960 d’Annie Fischer avec Ferenc Fricsay est éloquente. Si l’on comprend très aisément que l’interprétation de ce Rondo, que notre chroniqueur « a toujours adoré depuis ses plus jeunes années », par ces musiciens hongrois, « en état de grâce », aient pu en effet « pétiller à ses oreilles comme du champagne », nous pouvons avec lui espérer que, plus d’un demi-siècle plus tard, il y aura « un petit garçon ou une petite fille pour qui ce nouvel album ouvrira les portes du rêve et qui y reviendra encore et toujours tout au long de son existence ».

À partir du huitième volume, nous avons cinq CD qui nous emmènent dans les hautes sphères du génie de Mozart _ oui. Les trois premiers associent un grand chef-d’œuvre (respectivement les Concertos Nᵒˢ̊ 17, 18 et 19) à un chef-d’œuvre absolu _ voilà ! _  (respectivement les Concertos Nᵒˢ̊ 26, 22 et 23). Et les deux derniers nous maintiennent au sommet, avec les Concertos Nᵒˢ̊ 20 et 27, puis les Concertos Nᵒˢ̊ 24 et 25. En effet, nous pouvons considérer que les huit derniers sont comparables, sur le plan de l’intensité dramatique, à ses plus grands opéras _ oui. Ce sont probablement ses œuvres instrumentales les plus abouties _ voilà _, de celles qui justifient que l’on parle du « divin Mozart » ou que l’on emploie les termes les plus élevés.

Une des caractéristiques des concertos pour piano de Mozart, qui arrive ici à un niveau suprême, est l’utilisation des instruments à vent _ oui : Mozart en est aussi un maître… Ils dialoguent avec le piano tels de véritables personnages d’opéra _ oui. Les instrumentistes de la Kölner Akademie nous régalent de leur musicalité et de leur inventivité exemplaires. L’orchestre, bien que relativement peu fourni (huit violons ; altos, violoncelles et contrebasses par deux), sonne de façon ample et généreuse. Les mouvements lents sont le plus souvent pris à un tempo assez allant, ce qui peut bousculer nos habitudes. Pour autant, l’expression est toujours prenante, et les intentions musicales soignées au plus haut point.

Son : 10 – Livret : 10 – Répertoire : 10 – Interprétation : 10

Pierre Carrive

Un magistral régal

que ces interprétations discographiques-ci.

Et un fastueux coffret de CDs-SACD, à thésauriser donc.

Ce samedi 4 juin 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

A nouveau, le double CD « Le Manuscrit de Madame Théobon _ Lully et d’autres », de Christophe Rousset

09mar

Le 22 février dernier, j’ai chroniqué ici même, en mon article « « , la dernière superbe pépite discographique de Christophe Rousset, toujours excellent claveciniste ;

soit le CD Aparté AP 256.

Et voici que ce jour, sur son site Discophilia, Jean-Charles Hoffelé consacre un article, intitulé « L’esprit de Lully« , à ce même magnifique double album Aparté.

L’ESPRIT DE LULLY

Heureux Christophe Rousset. Un grand cahier de musique pour clavier traînait sur eBay, vendu pour être du XVIIIe siècle _ alors qu’il est de la fin du XVIIe siècle. L’œil affûté du claveciniste ne s’y trompa pas ; l’ouvrage acquis, il tenait entre ses mains un manuscrit de la plume de deux copistes _ oui ; le second complétant les portées et les pages laissées blanches par le premier _ assemblant quatre-vingt pièces. Plus d’une trentaine étaient dévolues à des transcriptions d’airs et de danses tirés d’opéras de Lully _ voilà _, tout cela datait assurément du XVIIe siècle, certitude vite confirmée par l’identité de sa propriétaire initiale, Lydie de Théobon, demoiselle d’honneur de la Princesse Palatine _ après l’avoir été, d’abord, dès avant 1670, et jusqu’en 1673, de la reine Marie-Thérèse ;  et en 1673, c’est Mme de Montespan qui la chassa de ce poste de trop grande proximité du roi : « On dit que le roi se divertit quelquefois avec Melle Théobon« , avait-il été alors murmuré…

Merveille de l’ensemble (Christophe Rousset grave 71 pièces sur les quatre-vingt), tous les Lully qui montrent à quel point l’opéra, le divertissement lyrique, le ballet, se transmuent avec brio et aisance dans le splendide clavecin, roide comme il sied _ certes _ à un instrument du Grand Siècle, signé par Nicolas Dumont en 1704.

Concordance parfaite entre l’univers sonore de cette belle caisse tout juste renaisssante après la longue restauration que lui aura consentie _ ouiDavid Ley (dix ans, de 2006 à 2016), et l’esprit de ce manuscrit qui trace le portrait vivant de l’art musical de son temps, avec force pièces de caractère (jusqu’aux époustouflantes Folies d’Espagne de D’Anglebert), du brio à revendre, et sept préludes inédits _ un apport essentiel _ qui rappellent le foisonnement de pièces coulées de la plume de compositeurs restés anonymes _ en effet.

Le Manuscrit de Madame Théobon n’est pas le seul qui en dévoile _ de ces pièces demeurées anonymes pour nous _, les archives en regorgent, ne serait-il pas temps d’arpenter plus régulièrement _ mais oui ! en dépit de l’absence de noms un peu célèbres auxquels se raccrocher… _ ces musiques sans auteur souvent surprenantes ? Ce merveilleux _ absolument ! _  double album, dont l’écoute ne lasse jamais _ en effet ! _, où Christophe Rousset a regroupé les pièces par tonalité en treize suites (lisez son remarquable texte _ j’en ai donné un significatif extrait en mon article pré-cité du 22 février _), plaide aussi _ mais oui _ pour la découverte _ au concert comme au disque _ d’autres manuscrits perdus _ ou négligés par les interprètes d’aujourd’hui. Mais en attendant, laissez-vous entraîner par ce guide éclairé, qui anime de son clavier tout un théâtre _ oui. Simplement fascinant _ c’est très juste.

LE DISQUE DU JOUR

Le Manuscrit de Madame Théobon

Pièces pour clavecin de Jacques Champion de Chambonnières, Jean-Henri d’Anglebert, Jean-Baptiste Lully, Jean Rousseau, Gaspard Le Roux?, Jacques Hardel, Louis Couperin, Pierre Gautier et divers Anonymes

Christophe Rousset, clavecin

Un album de 2 CD du label Aparté AP256

Photo à la une : le claveciniste Christophe Rousset – Photo : © DR


Ce mercredi 9 février 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

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