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Les merveilleuses pièces pour clarinette (ou alto, ou violoncelle) et piano de Robert Schumann : un fabuleux CD « Es war final… » de Jörg Widmann, Tabea Zimmermann et Dénes Varjon, en 2017

26août

Ce mercredi 26 août 2020,

Jean-Charles Hoffelé, sur son excellent blog Discophilia,

à l’occasion d’un CD « Mit Myrten und Rosen« ,

le CD Berlin Classics 0300430BC,

consacré par le violoncelliste Isang Enders (avec le pianiste Andreas Hering) à toutes les pièces pour violoncelle et piano de Robert Schumann,

chronique aussi un merveilleux CD paru en 2017,

intitulé « Es war eimal… » de Jörg Widmann, clarinette, Tabea Zimmermann, alto, et Dénes Varjon, piano,

le CD myrios classics MYR020,

consacré, lui, aux Märchenerzählingen Op. 132 für Klarinette, Viola und Klavier,

Fantäsiestücke für Klavier und Klarinette Op. 73

et Märchenbilder fûr Klavier und Viola Op. 113

de Robert Schumann ;

avec aussi une composition originale de Jörg Widmann

_ compositeur aussi bien que clarinettiste _,

Es war einmal… Fünf Stücke in Märchenton für Klarinette, Viola und Klavier

Un CD qui m’avait énormément plu et marqué, lors de sa parution, en 2017.

De même que j’apprécie énormément

et Tabea Zimmermann,

et Jörg Widmann…

Voici donc cet article de Jean-Charles Hoffelé,

intitulé Myrthes, roses et cendres :

MYRTHES, ROSES, ET CENDRES

Le plus secret de Schumann n’est pas dans ses Chants de l’aube, opus ultimes _ en effet _ où j’ai le sentiment que Caspar David Friedrich est venu écrire les notes avec son pinceau ; non, il est dans les recueils à instruments variables des Märchen, Stücke in Volkston, Fantasiestücke et autres Andante. Des “lieder” avec instruments, de forme libre, de propos plus libres encore, musique pour la chambre, la nuit, pour le jardin, la nuit, musique avec grillons et lune. C’est le plus clair de l’âme si sombre de Schumann qui écrit ici les notes.

J’ai longtemps _ depuis la parution du CD, en 2017… _ retenu ma plume avant d’écrire sur le disque de Tabea Zimmermann et de Jörg Widmann, où ils marient leurs instruments dans les Märchenerzählungen, les parant de phrasés magiques _ oui ! _, les jouant secrets et fantasques _ oui : ainsi qu’il se doit… _, déployant leurs récits et leurs pas de danse sur le piano paysage de Dénes Várjon, au toucher d’ondiste _ oui. Quelle merveille de poésie, d’invention _ oui, oui _, qui se retrouve dans les pièces très Weber _ c’est juste aussi _ des FantasiestückeJörg Widmann met une fantaisie rêveuse _ oui _ alors que l’alto de Tabea Zimmermann brosse avec un grand caractère _ en effet _ les Märchenbilder.

Le disque se referme par les étonnantes cinq pièces d’Es war einmal… où la plume de Jörg Widmann fait divaguer l’esprit des contes schumanniens dans un cadre très Sécession Viennoise, coda nocturne d’une inquiétante poésie _ oui : d’un siècle différent _ pour un album irréel.

C’est toutes les pièces pour violoncelle et piano, y compris les Fantasiestücke, Op. 73, qu’Isang Enders réunit, les contrepointant avec deux pages d’Isang Yun belles comme des questions sans réponse.

Son archet dit avec une pointe d’humour les petites histoires des Fünf Stücke in Volkston que je n’avais pas entendues aussi caractérisées depuis le beau microsillon Erato de Frédéric Lodéon, le piano svelte d’Andreas Hering mettant des ailes à ces pages savoureuses où Schumann s’invente un folklore imaginaire.

L’Adagio und Allegro perd son caractère concertant pour devenir une confidence suivi d’un envoi alerte, fusant, qui rappelle quel virtuose sait être ce poète d’Isang Enders (et pour l’intimité du chant, le quasi murmure, écoutez la berceuse du Langsam de l’Opus 102, impondérable)… On ne sait pas qui a transcrit pour le violoncelle l’Andante cantabile du Quatuor avec piano en mi bémol majeur publié à Leipzig en 1866, mais quelle merveille !

Lorsque paraissent les ténèbres lyriques du Zart des Fantasisestücke, Op. 73, l’archet du jeune homme se fait barde, rappelant que le timbre de voix humaine du violoncelle va plus loin encore dans le ton de lieder des trois pièces que ne le peut la clarinette.

Disque beau, énigmatique, crépusculaire, inespéré de poésie venant d’un si jeune instrumentiste : ses perfections l’ont placé au sommet des violoncellistes de sa génération, tout aux côtés de Nicolas Altstaedt magnifique, en effet.

LE DISQUE DU JOUR

« Es war einmal … »

Robert Schumann
(1810-1856)


Märchenerzählungen, Op. 132
Fantasiestücke, Op. 73
Märchenbilder, Op. 113


Jörg Widmann (né en 1973)


Es war einmal… –
5 Stücke im Märchenton (2015)

Tabea Zimmermann, alto
Jörg Widmann, clarinette
Dénes Várjon, piano


Un album du label Myrios Classics MYR020


« Mit Myrten und
Rosen »

Robert Schumann


Adagio and Allegro, Op. 70
5 Stücke im Volkston, Op. 102
Märchenbilder, Op. 113
Fantasiestücke, Op. 73


Isang Yun (1917-1995)


Espace 1
Nore

Isang Enders, violoncelle
Andreas Hering, piano


Un album du label Berlin Classics 0300430BC


Photo à la une : l’altiste Tabea Zimmermann – Photo : © Marco Borggreve

Ce mercredi 26 août 2020, Titus Curiosus – Francis Lippa

Maria Tecla Andreotti (Turin, 1956 – Paris, 2020), interprète, avec Christophe Coin, d’Evaristo Felice Dall’Abaco

08mar

Au moment même où j’achevais de rédiger mon article d’hier

,

j’apprenais brutalement hier soir

sur le site de Res Musica _ Décès de la flûtiste Maria-Tecla Andreotti _

le décès de Maria-Tecla Andreotti

(Turin, 1956 – Paris, 1er mars 2020),

l’épouse du violoncelliste Christophe Coin,

par  lesquels  j’avais pu découvrir pour les premières fois,

d’abord à Barbaste _ dans la petite église de Lausseignan _, à un concert de fin de stage auprès de Philippe Humeau, auquel je m’étais rendu

(participait aussi à ce concert mon ami flûtiste Philippe Allain-Dupré

_ qui m’a donné les dates de ces deux concerts : le 25 avril 1992 à Barbaste, et le 29 avril 1992 à Saint-André-de-Cubzac _),

puis, à un autre concert donné peu après à Saint-André-de-Cubzac,

des œuvres d’Evaristo Felice Dall’Abaco,

qui m’avaient ébloui

_ je n’ai jamais oublié le nom de ce compositeur véronais !

de même que je n’ai jamais été déçu par les œuvres de lui auxquelles j’ai pu accéder ensuite, essentiellement par des CDs…

La curiosité très aigüe et inextinguible des musiciens-interprètes

et leur très vif plaisir à faire partager et diffuser l’enthousiasme de leurs découvertes,

que ce soit au concert ou au disque,

est un maillon décisif de l’accès à la musique des mélomanes

qui ne sont pas eux-mêmes musiciens-interprètes

lecteurs des partitions…

Bien sûr, le fait que Maria-Tecla Andreotti Coin

soit la compagne du violoncelliste et chef d’orchestre qu’est Christophe Coin,

n’est pas pour rien

dans le fait que ce soit un violoncelliste tel que Christophe Coin

_ ou un autre merveilleux violoncelliste tel que Bruno Cocset,

qui a enregistré des œuvres des Dall’Abaco père et fils _

qui ait interprété

et fait connaître

la musique merveilleuse d’Evaristo Felice Dall’Abaco !

Puis, Christophe Coin et Maria-Tecla Andreotti

_ ainsi que le Quatuor Mosaïques _

sont venus à de nombreuses reprises donner des concerts à Bordeaux, au Grand-Théâtre…

En relisant le post-scriptum, du 27 décembre 2008, à mon article du 26 décembre ,

j’y découvre de décisives précisions données par mon ami Philippe Allain-Dupré,

que j’avais consulté alors pour affiner mon témoignage ;

et notamment le fait que c’est l’immense Enrico Gatti

_ la crème du violon baroque !!! on ne le répètera jamais assez !

Enrico Gatti est né à Pérouse le 4 juin 1955  _

qui avait apporté à Barbaste les partitions de la Sonate II de l’Opus 3 d’Evaristo Felice Dall’Abaco.

Le voici donc tel quel, ce post-scriptum :

Philippe-Allain Dupré, à la mémoire duquel j’ai fait appel hier

à propos de ma découverte

_ éblouie ! et je comprends d’autant mieux maintenant pour quelles raisons (d’interprétation, aussi !!!) _

d’une œuvre _ mémorable ! _ de Dall’Abaco

à l’occasion du concert final du stage de perfectionnement d’interprétation baroque à Barbaste,

comble mes desiderata en me rappelant, documents à l’appui, que ce concert (de fin de stage, auprès de Philippe Humeau, en son fief de Barbaste)

avait été donné deux fois :

le samedi 25 avril 1992, en l’église de Lausseignan _ tout à côté de Barbaste _ ;

puis le mercredi 29 avril, en l’église de Saint-André-de-Cubzac ;

au programme,

outre la Sonata II de l’opus 3 de Dall’Abaco (pour 2 flûtes à bec, flûte traversière, hautbois, 2 violons, basson, violoncelle et 2 clavecins) _ qui m’avait tant impressionné _,

une Canzone à 6 de Giovanni Picchi,

la Cantate « Ô Maria« , de Johann-Hermann Schein,

une Chanson ornée sur le thème de « Vestiva i colli », de Giovanni Battista da Palestrina/Francesco Rognoni,

« La Romanesca«  et la Canzone quarta, à 2 clavecins, d’Antonio Valente et Giovanni Priuli,

des Scherzi, d’Agostino Steffani,

un Quarteto (pour flûte traversière, hautbois, violon et basse continue), de F. Riedel

et un Air de la Cantate 127 de Jean-Sébastien Bach


La soprano _ des pièces chantées _ était _ la merveilleuse _ Maria-Christina Kiehr ;

et,

notamment pour la Sonate II de l’opus 3 de Dall’Abaco

choisie par Enrico Gatti, me précise Philippe : et c’est bien sûr très important !!!

les parties de flûtes à bec étaient tenues par Claire Michon et Jean-Marc Andrieu,

celle de flûte traversière, par Philippe Allain-Dupré,

le hautbois,  par Alfredo Bernardini,

les 2 violons, par Odile Edouard et Enrico Gatti,

le basson, par Nicolas Pouyanne,

le violoncelle, par Hendricke Ter Brugge

et les 2 clavecins, par Elisabeth Joyé et Pierre Hantaï _ excusez du peu !..

C’est donc à deux reprises, que j’avais eu le bonheur, ce printemps-là, de la découverte somptueuse ! de cette pièce si belle,

de ce compositeur de si grande qualité !!! ;

et qui ne m’a jamais déçu, au disque ;

quant au concert,

nous ne disposons pas tous les jours d’un Enrico Gatti, toujours si juste, si chantant, si probe,

pour en être l’inspiré maître d’œuvre..

Bref,

j’ai toujours à l’oreille,

de ce concert (de 1992, donc : il y a seize ans),

le charme puissant d’Evaristo-Felice Dall’Abaco…

Je me souviens donc avec émotion et gratitude

de Maria-Tecla Andreotti…

Ce dimanche 8 mars 2020, Titus Curiosus – Francis Lippa

Le charme très prenant du violoncelle de Giuseppe Clemente Dall’Abaco (Bruxelles, 1710 – Vérone, 1805)

07mar

Le très beau CD de 5 Cello Sonatas de Giuseppe Clemente Dall’Abaco

(Bruxelles, 27 mars 1710 – Vérone, 31 août 1805)

_ le CD Passacaille 1069 _

par Elinor Frey, violoncelle,

assistée de Mauro Valli, violoncelle,

Federica Bianchi, clavecin

et Giangiacomo Pinardi, archiluth,

vient très opportunément me rafraîchir la mémoire

de l’excellent CD « Padre e figlio« 

_ le CD agOgique AGO011, paru en 2013 _,

consacré à des œuvres

d’Evaristo Felice Dall’Abaco, le père (Vérone, 12 juillet 1675 – Munich, 12 juillet 1742),

et Joseph Marie Clément Dall’Abaco, le fils (Bruxelles, 27 mars 1710 – Vérone, 31 août 1805),

réalisé par Bruno Cocset, violoncelle, alto et ténor de violon

et son ensemble Les Basses Réunies

(Emmanuel Jacques, ténor de violon ; Esmé de Vries, violoncelle ; et Bertrand Cuillier, clavecin).

Et à propos d’Evaristo Felice Dall’Abaco,

le père,

j’ai plaisir à renvoyer à un passage de mon article du 26 décembre 2008

dans lequel je me penchais sur ce superbe musicien italien

dont m’avaient enchanté _ d’abord en concert : à Barbaste, puis à Saint-André-de-Cubzac les 25 et 29 avril 1992 : c’est Philippe Allain-Dupré qui m’a donné les dates de ces deux concerts auxquels il participait ! _ les œuvres.

Voici ce que j’en disais en cet article de décembre 2008  :


D’abord _ et c’est sur ce CD-ci que je vais m’attarder _, les « Concerti à píù Istrumenti _Opera Sesta«  d’Evaristo Felíce Dall’Abaco, par « Il Tempio Armonico« , Orchestra Barocca di Verona, dirigé par Alberto Rasi (et avec Davide Monti comme premier violon).

Evaristo Felice Dall’Abaco _ (1675-1742) véronais de naissance, le 12 juillet 1675 : dix ans avant Jean-Sébastien Bach et George-Frédéric Haendel _, fait partie de ces musiciens italiens qui quittèrent l’Italie pour faire carrière au-delà des Alpes, souvent dans des cours allemandes (ou/et à Paris _ la capitale culturelle de l’Europe d’alors ! _ ; ou/et, aussi, à Londres _ la métropole économique, elle !..).


Ainsi Evaristo-Felice devint-il, en 1704, musicien _ violoncelliste _ de la chambre ;

puis Konzertmeister, en 1715,

de l’Électeur de Bavière, en l’occurrence le prince Maximilien-Emmanuel (1662-1726), trente-six ans durant, de 1704 jusqu’à sa retraite de la cour, en 1740, avant sa propre mort, à Munich, en 1742…

Deux recueils de concertos précèdent l’ »Opera Sesta«  (édité en 1735 à Amsterdam par Michel-Charles Lecène) : les douze « Concerti a quattro, da chiesa« , opus 2 (1708-1712), pour le quatuor à cordes traditionnel avec basse continue, avec deux Concertos de soliste pour violon ; ainsi que les six « Concerti a più istrumenti » opus 5(ca. 1719) _ « en fait des concertos grossi pour cordes, avec intervention de deux flûtes et d’un hautbois en autant de concertos« , indique le livrettiste Francesco Passadore, à la page 12 du livret de ce CD Stradivarius 33791.

Non seulement Evaristo-Felice Dall’Abaco est un compositeur de très grande qualité _ connu jusqu’ici davantage des instrumentistes que des mélomanes (du fait de la bien étonnante rareté de ses œuvres tant au disque qu’au concert !..) _, mais sa carrière de musicien est, aussi, tout à fait représentative du devenir de bien des musiciens italiens de talent au XVIIIème siècle.

Natif de Vérone,

de même que son prédécesseur illustre parmi les compositeurs baroques italiens pour le violon, Giuseppe Torelli (Vérone, 1658 – Bologne, 1709),

il eut à souffrir de « la part minime occupée par la musique à Vérone« , du fait« avant tout » de « l’absence d’une vie de cour qui aurait pu promouvoir ce type d’activité : Vérone dépendait territorialement de Venise ; et toute sa vie politique et culturelle était soumise à l’autorité de la République lagunaire« , explique bien Salvatore Carchiolo dans le livret du CD des « Sonate op. I et op. III » _ par l’Insieme Strumentale di Roma, sous la direction de Giorgio Sasso, enregistré en avril 2005 ; CD Stradivarius 33740 _ :

« pour les musiciens véronais, l’émigration devenait la seule voie possible« .

Aussi Dall’Abaco va-t-il s’installer en 1696 _ il a vingt-et-un ans _ à Modène. « La vie musicale y jouissait d’une vitalité certaine, en particulier l’école de violon de la cour, qui bénéficiait des largesses et de la protection du duc Francesco II » (un Este)… Cette « école de violon de Modène _ non sans importance dans l’histoire du violon en Italie aux XVIème et XVIIème siècles _ avait eu comme chef de file Marco Uccellini, présent à la cour entre 1642 et 1645. Elle comportait des noms aussi prestigieux que ceux de Giuseppe Colombi, Giovanni Maria Bononcini, Giovanni Batista Vitali, et son fils, Giovanni Antonio Vitali. »

Or « pendant ces années _ 1696-1704 _ passées  _ par Evaristo Felice Dall’Abaco _à Modène, se trouvait aussi dans cette ville _ et à cette cour _ Jean-Baptiste d’Ambreville, compositeur et violoniste français d’origine, qui avait été attiré à la cour de Francesco II, féru de culture française. » C’est ce compositeur français qui« fut le trait d’union à l’approche par Dall’Abaco du style musical d’outre-Alpes », dégage alors excellemment Salvatore Carchiolo. Mais quoique « à Modène, Dall’Abaco trouva à s’employer lors des grandes manifestations de la cour« , « toutefois » le jeune musicien ne parvint pas à s’y « assurer un emploi stable. C’est sans doute pourquoi il partit en 1704 à Munich à la cour de l’Électeur de Bavière, Maximilien-Emmanuel II, où il obtint _ pour commencer _ un emploi de joueur de violoncelle « da camera« . Il est vraisemblable _ poursuit Salvatore Carchiolo _ que l’introduction de Dall’Abaco au sein de la cour fut facilitée par l’entregent du marquis Scipion Maffei, aristocrate influent, amateur passionné de musique, et librettiste à ses heures (il composa le livret de « La Sfida ninfa » de Vivaldi). » Surtout « Dall’Abaco trouva dans la capitale bavaroise un climat raffiné et musicalement stimulant. La chapelle musicale de la cour de Bavière, issue d’une ancienne tradition, devait sa _ très _ grande réputation à Roland de Lassus. Et c’est le courant italien qui prévaut à la cour à l’arrivée de Dall’Abaco en 1704, d’autant que c’est au compositeur vénitien Pietro Torri qu’est confiée la direction de la musique de chambre. »


« Toutefois les aléas de la politique _ et de la guerre ! _ viennent très bientôt bouleverser la vie _ et la carrière : munichoises _ de Dall’Abaco. Au moment de la guerre de succession d’Espagne, Maximilien-Emmanuel II est allié à la France _ et à Louis XIV.

Après la défaite d’Höchstädt

(ou Blenheim _ le 13 août 1704 : victoire des troupes conjointes du prince Eugène de Savoie et du duc de Malborough sur celles, franco-bavaroises, du maréchal-comte de Tallard et du duc Maximilien-Emmanuel II de Bavière _),

l’Electeur est contraint de s’exiler _ d’abord _ à Bruxelles… Une partie de la cour le suit _ dont sa musique _ et Dall’Abaco. C’est le premier d’une longue série d’exils ; cette vie itinérante ne prenant fin qu’à la paix d’Utrecht, signée en 1714.

Pendant son séjour à Bruxelles

_ où naîtra son fils Joseph-Marie-Clément (Bruxelles, 1710- Vérone, 1805), lui aussi compositeur _

en 1705, Dall’Abaco publia son premier recueil instrumental _ de « Sonate da camera » _ chez l’éditeur Roger d’Amsterdam.

En mai 1706, les revers subis par l’armée française contraignirent la cour _ de Maximilien-Emmanuel II _ à s’installer à Mons, dans le Hainaut.


Après la défaite de Malplaquet
_ le 11 septembre 1709 _, Mons doit être évacuée, et Maximilien-Emmanuel II trouve refuge à la cour de France sous la protection _ directe _ de Louis XIV. La cour _ du duc-électeur de Bavière _ se déplacera ensuite à Rambouillet, Paris, Versailles, Meudon, Saint-Cloud et Compiègne.


Le séjour français offrit l’occasion à Dall’Abaco de se familiariser avec les raffinements de la musique française.

La loyauté du musicien à l’égard de l’Électeur sera récompensée à la réinstallation de la cour de Bavière à Munich, en avril 1715. A la réorganisation de l’orchestre de la cour, Dall’Abaco sera _ en effet _ nommé « Maître de concert » ; puis « Conseiller électoral ». (…)

« L’activité de Dall’Abaco  au sein de cette cour électorale se poursuivit au-delà de 1726, l’année de la mort de Maximilien-Emmanuel II » _ sous le règne de son successeur, Karl-Albrecht (1726-1745), jusqu’à sa retraite de la cour, en 1740 ; peu avant de mourir, à Munich, le 12 juillet 1742…


« L’attention réservée par la musicologie à l’œuvre de Dall’Abaco est ancienne« , relève fort justement Salvatore Carchiolo (page 22 de ce même livret du CD Stradivarius 33740) ; ajoutant, un peu naïvement : « cela peut paraître surprenant à première vue _ et seulement « à première vue » ! pourrait-on espérer : qu’on lise donc avec un peu plus de curiosité les partitions ! et qu’on écoute enfin ! la musique elle-même : au concert ! et au disque ! rêvons donc un peu !… _ étant donné qu’il s’agit d’un musicien que l’on joue rarement _ chercher l’erreur !!! _ dans les salles de concert ; et qui n’est pas _ ou guère… _ repris dans l’édition discographique.

Déjà au début du XXème siècle, les musicologues allemands Adolf Sandberger et Hugo Riemann consacraient diverses études et analyses à la musique du compositeur véronais. Riemann, en particulier, le porte au pinacle : selon lui, les œuvres de Dall’Abaco représentent sans doute le type le plus pur et le plus noble de la musique de chambre italienne, arrivé à l’apogée de son développement _ rien moins ! Le musicologue allemand la considère même supérieure en puissance expressive à celle d’Archangelo Corelli _ ce qui n’est tout de même pas peu, dans l’évaluation historiographique de la musique !!! Riemann voit en Dall’Abaco, sinon le créateur, du moins un précurseur de la sonate bi-thématique.

(…)

De fait, « un examen _ un peu attentif _ de l’œuvre de Dall’Abaco révèle _ bien _, encore _ ou enfin ! _ aujourd’hui, d’admirables qualités, soutenues par _ davantage que _ un _ « grand » _ métier ; qualités que Riemann avaient _ si _ justement su déceler dans l’art de la construction de Dall’Abaco. La propension de celui-ci à une disposition structurelle compacte et efficace, s’exprime par une sobre éloquence _ à la française ?.. _ guidée par des critères d’économie _ sobriété _ rhétorique _ du discours musical baroque _ ; et porte en soi des signes évidents d’une fondation encore fortement ancrée _ comme dans le cas d’un Jean-Sébastien Bach, dirais-je… _  dans l’enseignement traditionnel d’une musique poétique » _ = d’authentique poiesis ! Ce point est esthétiquement aussi _ et pas seulement musicologiquement !.. _ très important !

Techniquement,

« la recherche de la cohésion formelle s’exprime dans l’attention particulière portée à l’unité thématique de la composition. » Et cela, « dans le cadre même d’une solide discipline de contrepoint : Dall’Abaco regarde en quelque sorte « en avant » ! Sa musique comporte des traits s’inscrivant dans les développements les plus modernes de la musique instrumentale du dernier baroque. La technique qu’il met au point mérite la plus grande attention : le matériau qu’il utilise dans le développement des mouvements est très souvent fourni par les éléments du thème initial du morceau. Après une première exposition fuguée, il vient « décomposer » le thème initial en ses éléments, fournissant des progressions et des imitations venant guider le développement du thème dans la poursuite du morceau. »


Un autre élément important que note Salvatore Carchiolo, est « le recours, même limité, à des éléments du style français« , notamment « l’adoption occasionnelle de la forme rondeau, et de certains mouvements de danse français (tel le passepied), absents de la sonate « da camera » italienne » ; ou « la tendance à juxtaposer tonalités majeures et mineures à partir de la même tonique (d’après Talbot).

Déjà à Modène, et par le biais des contacts établis grâce à d’Ambreville, Dall’Abaco s’était familiarisé avec un style si différent du style italien que Corelli s’était déclaré bien incapable d’interpréter correctement son exécution. L’empathie de Dall’Abaco avec le style français se renforça, bien sûr, les années que passa en France la cour de Maximilien-Emmanuel (notamment entre 1709 et 1711), durant lesquelles il put connaître au plus près les tendances musicales au jour le jour du goût français. De fait, à partir de son opus 3 _ paru vers 1712-1715 _, l’apport de l’idiome musical français se fait de plus en plus évident et renforcé. La transparence et l’élégance formelle de la musique de Dall’Abaco repoussent un trop grand recours à la pure virtuosité instrumentale. Le violonisme indéniable dont fait preuve le véronais doit beaucoup à la leçon de Corelli, mais il est loin de tendre, comme cela s’avère chez un Vivaldi, vers un dépassement des limites techniques de l’instrument, et d’une amplification de ses ressources de timbres et de couleurs. (…) L’équilibre structurel de la musique de Dall’Abaco _ ainsi que l’a justement noté William S. Newman _ la montre très représentative de la sonate baroque au point d’équilibre de ce que l’on peut qualifier de son classicisme, par sa clarté et la maîtrise du dessin de ses lignes. »

Tout ce long développement historico-musicologique

rien que pour mettre un peu et enfin le projecteur

sur une musique absolument délicieuse !

Que j’ai découverte, dans la plus parfaite naïveté (et ignorance de tout ce contexte ! alors…), lors d’un concert de fin de stage, auquel j’avais couru assister, par désir d’écouter des amis musiciens, à Barbaste, il y a plus d’une dizaine d’années _ c’était au mois d’avril 1992… _ :

il y avait là, me souviens-je, mon ami flûtiste Philippe Allain-Dupré

(qui, avec Laurence Pottier, flûtiste, elle aussi, m’avaient accompagné à Prague, avec mon « atelier baroque », en 1993 ou 94) ;

Enrico Gatti, si remarquable violoniste (et « chef »), toujours si, à la fois, vivant et probe, en chacune de ses interprétations d’une impeccable justesse de poésie ;

Alfredo Bernardini, parfait, lui aussi ;

peut-être, et même plus que probablement, aussi Pierre Hantaï, le claveciniste prodigieux que tout le monde reconnaît ;

pour le talent desquels, tous, j’ai une immense profonde admiration…

Ce jour-là, à ce concert-de-fin-de-stage-là, dans la petite église tout à côté de Barbaste, à Lausseignan, j’ai bien imprimé en ma mémoire ce nom de Dell’Abaco ;

et depuis j’ai toujours vivement recherché les moindres témoignages discographiques des œuvres de cet immense compositeur-là ! ; et non sans quelque satisfaction, la plupart des fois…

Je pense ainsi à un _ très bon _ CD de « Concerti«  enregistré en janvier 1998 par l’ensemble Concerto Köln, comportant 4 concerti « a quattro da chiesa » de l’opus 2 ;

3 concerti _ un pour 2 flûtes ; un pour hautbois ; un pour cordes _ de l’opus 5 ;

et 2 concerti pour cordes de l’opus 6 :

il s’agit d’un CD Teldec (dans la collection « Das Alte Werk« ) n° 0639842216623 ;

ainsi qu’aux 2 CDs Stradivarius que j’ai mentionnés plus haut :

celui d’un choix de « Sonate« , des « op. I & III » (STR 33740) ;

et des 6 « Concerti à più Istrumenti _ Opera Quinta » (STR 33746)…

Fin de citation.

Bref,

le fils Dall’Abaco

est tout autant que son père

un magnifique compositeur !!!

Ce samedi 7 mars 2020, Titus Curiosus – Francis Lippa

De Zoltan Kodaly (1882-1967), ce chef d’oeuvre foudroyant qu’est sa Sonate pour violoncelle seul, opus 8 (de 1915)

23déc

Dans un récent article

_ du 3 septembre dernier :  _,

je disais le plus grand bien de l’interprétation de Julian Steckel 

dans 3 chefs d’œuvre pour violoncelle de Zoltan Kodaly,

ses opus 4 (Sonatine pour Violoncelle et Piano),

7 (Duo pour Violoncelle et Violon)

et 8 (Sonate pour Violoncelle seul),

et tout particulièrement ce chef d’œuvre absolu

qu’est la Sonate pour Violoncelle seul, opus 8,

du très très grand Zoltan Kodaly (1882 – 1967).

Je parlais aussi _ et bien sûr pour m’en réjouir ! _ de la pléthore présente

_ et tout spécialement en Allemagne _

d’excellents jeunes violoncellistes.

Et voici que paraît un somptueux récital

_ intitulé #CelloUnlimited _

d’œuvres pour violoncelle seul du XXè siècle,

dont la Sonate pour violoncelle seul, opus 8, de Kodaly (en 1915),

par l’excellent Daniel Müller-Schott,

à côté de la Sonate pour violoncelle seul, opus 134 de Prokofiev (de 1953),

de la Sonate pour violoncelle seul, opus 25 n° 3 d’Hindemith (de 1922),

de la Serenade de Hans Werner Henze (de 1949),

d’une Cadenza du violoncelliste lui -même (de 2018),

d’une Sonate pour violoncelle seul de George Crumb (de 1955)

ainsi que du Chant des Oiseaux de Pau Casals (de 1939).

Et les confrontations de ces œuvres sont, déjà,

par le fait même de leur mise en réseau,

passionnantes !

Voici le commentaire que donne de cette interprétation superlative-ci

de la Sonate de Kodaly

par Daniel Müller-Schott

Jean-Charles Hoffelé en l’article de ce jour de son blog Discophilia,

sous le titre d’Ivresse  :


IVRESSE



Qui pourrait contester ce fait établi : János Starker s’était, croyais-je pour toujours, approprié la Sonate pour violoncelle seul de Zoltán Kodály. Beaucoup, et les plus grands violoncellistes d’abord à commencer par Paul Tortelier y auront tenté d’y faire entendre d’autres voix, mais enfin Daniel Müller-Schott de son archet aigu, me replonge dans le grand geste épique _ voilà _ que seul jusqu’ici Starker osa incarner _ incarner une oeuvre est essentiel.


Ce violoncelle doit brûler : dès l’Intrada, il prend feu dans des sonorités admirables et ose le cri, la stupeur, et dans le Finale inhumain, dansera, ivre. Quelle version à couper le souffle où ce si beau violoncelliste, toujours soucieux d’une certaine perfection sonore, s’affranchit de cette attention. Il le peut ; même en forçant son instrument, la noblesse de sa sonorité _ voilà _ résiste, cette touche si sûre, ce son si pur ne peuvent s’abdiquer _ la grandeur est nécessairement oxymorique.

Le programme de l’album est passionnant, panorama éloquent _ mais oui _ du violoncelle solo au XXe siècle, de l’esquisse _ inachevée, Prokofiev étant mort avant d’avoir pu l’achever _ de la Sonate que Prokofiev voulait écrire pour Rostropovitch au Chant des oiseaux de Pau Casals en passant par la Sérénade déconcertante de Henze ou la Sonate de Crumb dont les pizzicatos disent d’emblée l’étrangeté, en passant par les gestes modernistes de la Sonate d’Hindemith. Mais c’est à l’œuvre de Zoltán Kodály _ un chef d’oeuvre qui vous foudroie _ que vous reviendrez d’abord.


LE DISQUE DU JOUR


Zoltán Kodály (1882-1967)
Sonate pour violoncelle, Op. 8
Sergei Prokofiev (1891-1953)
Sonate pour violoncelle en
ut dièse mineur, Op. 134

Paul Hindemith (1895-1963)
Sonate pour violoncelle,
Op. 25 No. 3

Hans Werner Henze
(1926-2012)
Sérénade pour violoncelle
Daniel Müller-Schott (né en 1976)
Cadenza
George Crumb (né en 1929)
Sonate pour violoncelle
Pablo Casals (1876-1973)
El cant dels ocells

Daniel Müller-Schott, violoncelle

Un album du label Orfeo C984191

Photo à la une : le violoncelliste Daniel Müller-Schott – Photo : © Uwe Arens

Une admirable interprétation-incarnation

de ce chef d’œuvre émouvantissime

de Zoltan Kodaly !

Ce lundi 23 décembre 2019, Titus Curiosus – Francis Lippa

Antonio Vivaldi dans ses mouvements lents

20oct

Antonio Vivaldi  (1678 – 1741)

est célèbre pour le sublime de ses mouvements vifs ;

ainsi que _ peut-être d’abord _ ses concertos pour violon(s).

Il est tout aussi sublime

dans l’intensité poignante de ses mouvements lents ;

ainsi que ses œuvres pour violoncelle.

À preuve

l’admirable CD Naïve OP 374 de la Vivaldi Edition :

les Concerti per violoncello III

de l’ensemble L’Onda Armonica,

sous la direction du violoncelle de Christophe Coin.

Par exemple, le concerto RV 400, qui ouvre le CD.

Ce dimanche 20 octobre 2019, Titus Curiosus – Francis Lippa

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