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Et l’ultime chapitre, « Le chat et le château », autour de la question que se disait et écrivait Derrida : « N’est-il pas temps de vivre à la fin ? », mais « Qu’est-ce que ça veut dire à la fin ? » ; ou la question reprise et complétée, enrichie, comme chez Montaigne, du vivre et démourir à la fin en sa vie. Un exercice d’attention aux signes…

19nov

L’intitulé du tout dernier chapitre, le onzième, aux pages 113 à 137 de ce passionnant richissime recueil un peu composite _ mais c’est parfaitement assumé, et même totalement voulu par l’autrice _, qu’est ce très profond, en même temps que jubilatoire-hilarant et intensément méditatif « Et la mère pond vite un dernier œuf« , et qui s’intitule de façon un peu provocante « Le chat et le château » _ surtout mais pas seulement ceux, chat et château, de Montaigne, bien sûr ; aussi ceux, chats et château, d’Hélène, ses chats successifs (elle les nomme, page 119 : Thessalonique, Philip, Aletheia, mais aussi, depuis, Haya et Isha : elle les a nommées dans la dédicace manuscrite de l’exemplaire qu’elle a pris soin de m’adresser au 15 rue Vital Carles de la librairie Mollat, s’il vous plaît !..), depuis 1994 peut-être, ainsi que son propre château : sa tour d’écriture où elle se claquemure chaque été (juillet-août) aux Abatilles, pour être seule à seule en son échange hyper-animé-inspiré, sous la caresse à l’occasion furibarde des vents-zéphirs du tout proche Océan Atlantique, toute exclusivement dédiée au seul dialogue endiablé de voix et d’écriture, comme cela se remarque en chacun de ses livres depuis pas mal de temps, avec ses chers spectres revenant là reprendre-poursuivre-continuer presque sereinement le plus naturellement du monde leur ultra-vivante conversation stimulante, un jour idiot de mort du corps de l’interlocuteur stupidement interrompue, mais qui peut ici avoir la grâce de reprendre avec ce qui demeure de la voix qui continue elle de prendre la parole, répondre, et se répandre, comme si aujourd’hui c’était tout simplement l’hier, et en toute évidence repris et poursuivi- continué, dès les six heures du matin (de ses conversations téléphoniques avec l’ami Jacques Derrida, par exemple, interlocteur ici privilégié), comme si rien du tout n’était si bêtement venu l’interrompre, ce dialogue, de son blanc vide, ligne téléfaunique en momentané seulement provisoire dérangement, en son très effectivement magique fécond à profusion « rêvoir » de l’écriture des Abatilles l’été ; à la façon de Montaigne en dialogue enchanté permanent, déjà, avec les Muses de ses poutres peintes ou gravées de maximes pense-bêtes, des très chers livres de sa précieuse librairie soigneusement rangés à portée de main sur les étagères en rond dos au mur circulaire de la tour, lui faisant face, dont son si précieux exemplaire de Bordeaux à revenir, « tant qu’il y aura de l’encre et du papier« , et face au ciel de son admirable fenêtre, continuer d’annoter d’ajouts de diverses couleurs ; de même qu’Hélène s’amuse ici à reprendre-relire et peut-être elle aussi à son tour, en sa tour, annoter ses anciens Cahiers (dont celui, un peu planétairement, mortellement tragique, de 1995 : à la date du 5 novembre, notation des séismes planétaires simultanés des morts, par assassinat et suicide, d’Isaac Rabin et Gilles Deleuze, la veille, tous les deux, le 4 novembre 1995) ; sans oublier les danses caressantes furtives, à leur entière guise, de leurs respectives chattes, inspiratrices magnifiques d’initiatives superbes d’échanges de signes totalement imprévues, par leurs mouvements subtils, à entreprendre, par Hélène, de décrypter : les animaux, et sans mentir, viennent eux aussi nous parler : je vais y revenir… _, porte sur la question du vivre et démourir en sa vie, à la fin _ « mais qu’est-ce que ça veut dire : à la fin« , page 113 _,

posée par Jacques Derrida _ dont Hélène se souvient avec délices de leurs réguliers richissimes échanges téléphoniques de l’aube, à 6 heures du matin _, Maurice Blanchot, Gilles Deleuze, Franz Kafka ou Michel de Montaigne….

Je prends donc le chapitre à son tout début, sa superbe ouverture _ idéalement derridienne _, page 113 :

« La vie quotidienne de la Déconstruction ?

J’étais bien embêtée

Montaigne ayant déjà tout dit _  tiens donc !

La déconstruction _ c’est la vie quotidienne, son souffle _ au fil de la durée qui nous est infiniment généreusement provisoirement accordée.

L’ordinaire extraordinaire. Et vice-versa _ c’est-à-dire l’extraordinaire qui vient faire parfois, ou même un peu souvent, le presque ordinaire des créateurs.

Chaque jour, dit Kafka, il s’agit de vivre et de ne pas mourir, cela peut s’entendre activement ou passivement _ en effet ; et pour beaucoup, la plupart probablement, c’est plutôt passivement qu’ils l’entendent, et ce sont alors en effet la lassitude et l’ennui qui gagnent peu à peu, insidieusement en général, sans trop de signaux perceptibles d’avertissement, du terrain, et finissent par l’emporter et emporter à la tombe celui qui n’en peut plus de sa déconstruction-débandade-débacle personnelle, naufrage : « Ich habe genug« , chant plus positivement Bach en forme, lui, de divin remerciement ; et Deleuze, emboîtant le pas à la fêlure de Francis Scott Fitzgerald : « toute vie est, bien entendu, un processus de démolition« , qui nous a jadis marqué, dans « Logique du sens« .

Lorsque Jacques Derrida a écrit, écrit enfin : quand mourir enfin ? c’est que, en ayant assez _ lui au moins _ de mourir chaque jour, il se disait : n’est-il pas temps de vivre à la fin, mais qu’est-ce que ça veut dire : à la fin

Le matin, il disait _ intensément curieux et jamais rassasié _ : quoi de neuf ? Sur ces mots la déconstruction avait commencé _ sa sape de taupe. Le neuf est-il neuf ? En quoi l’est-il ? Combien de temps ? Tout est toujours plus ou moins neuf que la dernière fois, le temps de vieillir _ la neuveté peut parfois, et finit par, s’épuiser, avec l’usure forcée du corps ; même pour ceux qui ont choisi de « vivre et ne pas mourir » « activement » : la dépression l’emportant, peut alors et pour de bon emporter, l’emporter, avoir le dernier mot de conclusion, et privation physiologique au moins de sa parole…

Que va-t-il nous arriver ? Tout n’arrête pas d’arriver _ en effet, dans la survivance continuée du vivre de la machine biologique : les accidents (et imprévus) ne manquent jamais de se succéder et surprendre _, tout ce à quoi on ne s’attendait pas, à quoi on n’aurait jamais pensé, à quoi on n’avait encore jamais _ jusqu’alors, cet incident, cet accident _ pensé

Quoi ? Par exemple un chat _ et ce choix d’exemple d’un chat comme vecteur de signes n’a rien d’innocent ! _, ou une phrase, une énigme quoi _ qui réclame impérativement, à l’hyper-attentif non étourdi, son décryptage, une méditation un peu creusée…

Pour garder ce qui se passait, de passer _ telle est donc la fonction préciosissime : retenir, maintenir, conserver au moins une trace et si possible écrite : l’écrit faisant bien foi… _, je tendais le filet d’un cahier _ voilà : annuel, semble-t-il, pour Hélène.

Quand le chat, amour et douleur infinis, est-elle arrivée ?

C’était en 1994 _ se souvient ici Hélène. Et depuis je n’imagine pas _ plus _ vivre sans chat. Suivons le chat. Elle _en l’occurrence la chatte _ nous mène d’un bond _ de chat _ en 1995 _ et son cahier, donc. Que faisions-nous en ces mois«  _ et Hélène d’entreprendre ici, page 114, le dialogue actif et ré-inventif de sa relecture, ce mois de février (puis juillet, semble-t-il) 2021 d’écriture, de son cahier de 1995 ainsi repris, relu et ré-interrogé.

« Tous les jours nous pensions _ Derrida et elle, Hélène. Tous les jours nous pensions à _ surtout ne pas oublier de _ penser et dès la première heure nous nous y mettions _ s’y mettre est en effet nécessaire : il faut activer le reçu qui sinon demeurerait passif, inaperçu, terne et bien morne, quasi mort-né, stérile… Au téléphone, cela  _ penser _ se joue à deux _ et ce ping-pong jouissif de relance-réponse, en effet, aide bien à jouer à penser… _, chacun (de nous deux) se demande, donc demande à l’autre, comme le rappelle Jacques Derrida, à quoi penser _ d’un peu neuf _ tant qu’il fait jour, nous avons des devoirs de penser en attente, en instance _ incitatifs, dynamisants et fécondants _, et là-dessus la journée apporte _ d’elle-même aussi, incidemment et accidentellement _ plus d’un sujet inattendu à penser _ de totales surprises. J’ai dit « jouer », c’est là le travail _ de ce que, d’après mon amie Marie-José Mondzain, je me suis mis à baptiser-néologiser « imageance« … _ le plus sérieusement humain qui nous attend. Jouer c’est travailler _ en se livrant à cette jouissive imageance giboyeuse-joyeuse _, avec le plaisir _ puissant _ de satisfaire un appétit _ fondamentalement _ vital, un besoin inquiet _ qui fait avancer. C’est que tous les jours il nous faut nous mettre à penser le monde et (le) moi, tous les deux, l’un par et à cause de l’autre _ en un vigoureux dynamisme de l’échange doublement respiré-inspiré. (…) Je ne crois pas qu’il y ait eu beaucoup de jours sans communication _ entre eux deux, Hélène et Jacques. Jouer à penser, c’est-à-dire penser vers l’autre pensée, penser à la pensée de l’autre, s’exercer à penser à penser _ et ne pas l’oublier _, s’aiguiser, s’affûter, se polir _ oui, oui : quels cadeaux de la vie qu’une telle si féconde (en œufs pondus, dirait Eve la mère et sage-femme, c’est-à-dire œuvres…) amitié-coopération _, s’apaiser, c’est la vie quotidienne de l’amitié _ archi-vivante et fécondante. La lame _ aiguisée-affûtée, donc _ et l’âme de l’amitié, le fil, le lien qui n’attache pas _ ni ne pèse _, qui continue, porte _ et emporte, exalte, enthousiasme, enflamme _ la parole

En tant que puissance de la communication d’âme à âme l’amitié est l’appareil téléphonique _ de transport du penser _ par excellence

Avant le téléphone on pouvait _ déjà, oui _ téléphoner _ par delà la distance physico-géographique qui sépare les corps physiques ainsi disjoints _ sans téléphone. L’amitié appareille _ tel un vaisseau, trans-atlantique, trans-pacifique, etc. Apparie _ fait la paire. S’exprime entre pareils _ l’amitié égalise instantanément et à jamais, pour le toujours forever de l’éternité (sans plus de considération de temps) ; cf l’extra-lucidement décisif  « Nous sentons et expérimentons que nous sommes éternels » du cher Spinoza ! A six heures du matin _ aux alentours de l’aurore ouvrante aux délicieux doigts de rose  _ on se disait : « J’allais t’appeler. » On appelle avant d’appeler. On téléphone avant de prendre l’appareil. La vie marche au téléphone _ aux dialogues instaurés, tenus, entretenus, vivifiants, exaltants ainsi instantanés.

Avant l’appareil magique _ de Graham Bell, en 1876 _, on communiquait par téléphone lent _ c’est ça : seulement un peu lent, mais qui pouvait aussi attiser, sur-aviver, le désir de se toucher bientôt par la correspondance… _, par courrier, lettre, correspondance, on s’écrivait l’un l’autre _ telles Madame de Sévigné et très chère sa fille Madame de Grignan, au rythme des courriers institués des malles-postes : deux, puis trois fois par semaine alors entre Paris et Grignan… On ensemençait la distance avec des graines _ magiciennes _ de proximité _ affective, voire passionnée _, de nouvelles espèces de mots _ même néologisant… _ germaient.

Tous les jours ou presque, on se sera écrit _ Jacques et Hélène _ par téléphone« 

Telles sont les trois premières enthousiasmantes pages, 113-114-115, de ce lucidissime chapitre « Le chat et le château« , qui vient clore en beauté le recueil des onze chapitres constituant ce beau livre méditatif et varié ; et dont Derrida et Montaigne sont les deux principaux très amicaux interlocuteurs, de génie.

Avec aussi ce passage, aux pages 118-119, introduisant précisément le chat et le château (de Montaigne, et puis d’Hélène) qui vont fournir le titre du chapitre terminal conclusif de ce livre-ci :

« Et ce jour-là _ le 4 novembre 1995, date gardée par le cahier de cette année-là _, des mots _ c’est-à-dire aussi bien sûr des maux _ sont arrivés. Comme des chatons _ mis bas dans les buissons du jardin des Abatilles par la chatte. Ils sont là. on ne peut pas les chasser. Petites créatures qui ne passent pas, qui se mêlent peu à peu, puis désormais, à tous les sangs de l’âme _ nous comprendrons plus loin pourquoi ces « sangs de l’âme » : les disparitions (par assassinat et suicide) de Yitzhak Rabin et Gilles Deleuze, ce même 4 novembre 1995. C’est qu’il y avait destin _ funeste, fatal, maudit. Le destin est là bien longtemps avant de se faire connaître _ car en existaient, bien sûr, de sournois peu visibles prémisses.

Ce jour-là, il était arrivé un mot et un chat. Le mot avait son ombre _ mortelle. Le chat était aussi une chatte. Le jour dont je parle aujourd’hui de fin juillet _ en la maison d’écriture d’été des Abatilles.

C’était l’été. On le reconnaîtra. C’était l’été du chat et du château _ visité, comme souvent, à Montaigne, après sublime halte à la sérénissime majesté de la Dordogne, au quai archi-tranquille du village de Cabara : je l’ai ailleurs noté ; cf ce qu’en dit, furtivement au passage, mon article du 28 mai 2022 : «  » ; en revoici donc tout le passage : « Et pour rejoindre, depuis Bordeaux, la belle cité médiévale de Saint-Émilion, par une splendide journée ensoleillée d’une fin mai qui ressemble tellement à l’été, je m’étais aussi offert, en prélude enchanté !, le petit détour, depuis Branne, par le sublime panorama très verdoyant du fantastique méandre de la large et paisible Dordogne à Cabara _ un des plus beaux spectacles que peut offrir la douceur épanouie et sereine de la France !,  en pensant bien entendu à ce petit détour-rituel que ne manque pas d’accomplir, chaque année, en son été, mon amie Hélène Cixous _ cf la miraculeuse vidéo de notre entretien du 23 mai 2019 à propos de son « 1938, nuits« , paru aux Éditions Galilée le 24 janvier 2019 _  en rendant visite, depuis son domicile d’écriture des Abatilles, à Arcachon, à la magique tour de notre tendrement vénéré Montaigne »…

En réalité. Prenez un chat et un château, combinez, agitez les dés, jetez : le résultat _ des mots ainsi que des maux, en cascade _ est innombrable. Le Chat et le château venaient d’arriver dans nos existences et par suite dans les textes _ qui les gardent. Ou inversement, on ne sait jamais qui cause quoi.

C’est un lundi. L’un dit : Je travaille sur le chat et le château. Dant tout ce que j’ai réécrit sur Blanchot (car sur Blanchot on n’écrit pas, on récrit) le château et le mot demeure ont pris une place extraordinaire. L’autre dit : et le château ? Est-ce là un mot ou un chat ? Un chat-mot. Il est six heures _ du matin _ c’est l’heure des mots. Le château dit : moi le château, d’abord castel, castle, depuis le latin je châtre, je coupe, sépare, tranche. _ Tu savais que le château châtre ? L’un dit : comment va-t-on traduire ça en allemand ? Moi, je ne le savais pas, mais ma langue qui-sait-tout y avait pensé.

Et ici commença une conversation autour du château adoré, le mien _ le mien aussi : j’y suis allé plusieurs fois à pied depuis chez moi, à Castillon, à quelques kilomètres, en passant la Lidoire _, celui de Montaigne _ sur son tertre venté. Un château, dis-je, est une forme de déconstruction non théorisée, impossible de décider à quelle intention il répond, doit-il s’ouvrir à l’autre ou le repousser, qui sépare qui de quoi ou qui, la tour sépare-t-elle l’âme de Montaigne du monde, ou donne-t-elle sur le monde _ par sa fenêtre grande ouverte sur le bleu infini du ciel… _, le monde n’est-il pas la tour ? Selon Pierre Eyquem _ le père de Michel Montaigne _, le château est une armée, une forteresse, un bâtiment de guerre, il est construit _ avec remparts, toujours sur pieds _ sur l’idée de l’attaque et de l’exclusion. Selon Michel _ le fils de Pierre Eyquem _ le même château se défend d’être armé, il s’offre, sa force _ en effet extra-ordinaire, magique… _ est dans son ouverture _ pacifique, en plein cœur des guerres de religion qui font rage et auraient pu et dû décourager, mais pas Montaigne… _ à l’autre. Selon Kafka, le Château _ déjà celui de la ville haute de Prague, au Hradchin… _ est décidé à être Schloss, fermé, dehors l’étranger ! Neutre. Ou Burg, féminin.

Le cheval de Montaigne s’appelle Job. La chatte a un nom de jeune femme romaine. Ma chatte de ce lundi s’appelle Thessalonique. Plus tard elle s’appellera Philia. Aussi Aletheia. Une chatte ne meurt qu’un moment, sitôt partie elle revient et se transmet _ de mère en fille, les chattes se succèdent. La dernière fois que j’ai vu la chatte de Montaigne elle s’appelait Balzac _ Beauty est le nom de la chatte de ses « Peines de cœur d’une chatte anglaise« … Du temps avait passé. Cet été-là, elle était chat. On le sait, tout chat est indécidable _ il en fait à sa tête ; on ne le dompte pas _, la plupart du temps », pages 118-119.

(…)

« Plus tard le Château s’éloigne, à sa place demeure le mot Demeure » _ chez Derrida, après Blanchot ; pas chez Montaigne, ni Kafka… _ : voilà au moins pour le chat du château de Montaigne…

Et sur ces animaux infiniments subtils que sont les chats, voici aussi ces passages ô combien significatifs, aux pages 121 à 123 :

« J’écoutais la Voix, attentivement, comme on observe intensément un chat parler la langue des signes _ l’intensité de l’attention est bien évidemment cruciale : la plupart manquant d’intensité d’attention, et nous, bien sûr, les premiers, trop souvent ; même s’il faut aussi un peu dormir….

A d’autres moments, dit-elle (la Voix _ celle de Jacques Derrida _), j’ai l’impression qu’elle est un support de tes projections.

_ Elle, qui ? « Elle », c’est, ici la chatte _ nous y voilà donc _ qui est aussi un chat, qui est une personne, c’est le personnage principal de cette journée naturellement philosophique : elle donne à penser _ voilà ! Et entre les deux, il y a un mystère, elle devient ce que tu veux, supportes, penses d’elle. Comme si elle se cultivait à ton psychisme _ en quelque extraordinaire transubstantation d’espèce à espèce.

_ça ne peut se passer comme ça que parce que ça s’était déjà passé comme ça, dans cette saison du temps humain, l’enfance, où germent toutes les graines d’avenir. Elle a fait son Apparition. Un synonyme de Déconstruction : ce qui arrive comme impossible. Je n’en voulais pas, je ne l’ai pas cherchée, je ne l’attendais pas, elle m’est tombée dessus, comme le dieu, comme l’amour, comme la nuit. J’ai dit non.

_ Or, elle était arrivée, déjàrrivée _ rivée _, comme un facteur de désordre dans mon système d’hospitalité, comme une langue étrangère venue déranger ma langue, et mon non a dit oui.

Si je l’ai acceptée, c’st qu’elle est le mystère du Retour caché sous l’air de l’Apparition. C’est une revenante d’amour.  Jadis, quand je l’aimai, elle était chien _ le chien Flip. Elle m’a remis la mort dans la vie, la joie qui tremble _ l' »admirable tremblement du temps » des « Mémoires d’Outre-tombe » de Chateaubriand. 

_ La mort ? dit-il.

_ La possibilité de l’impossible. Elle me menace. Elle va la frôler, se frotter contre elle, lui échappe.

_ Il est sûr, pense sa Voix, qu’entre un chat qui vit avec toi et toi, il ne peut pas ne pas y avoir une sorte de lien mystérieux, c’est le bon sens même

_ La vie (dis-je). La vie-même. D’amourabsolu je l’aime. Je me vis d’elle

_ A partir de là, qu’il y ait coexistence, cohabitation, partage comme tu le fais, il y a une richesse affective dont je n’ai jamais fait l’expérience. Chaquespeare à la faire. Tous les animaux, chats, chiens, chat chiens, motion, elle lui

_ Ce jour-là l’article du Monde dit que nous descendons de l’écureuil, dis-je

_ Je le savais. En tant que singe, j’ai toujours eu le culte de l’écureuil

_ Je cheche nos ancêtres dans les arbres. Je cherche les signes. Les signes sont des singes volants dans les rameaux des phrases. Je vois ta pensée avancer par bonds, haute sur pattes, passant d’un trait de génie de terre à air et s’aller plantant par imaginationon au bord de la lune, comme celle de Kepler. Comme Montaigne dans sa librerie ramenant le ciel sous ses pieds. A l’aide des amis animaux.

_ Je n’ai jamais autant l’impression de penser que devant l’animal jamais je n’ai autant l’impression de danser la pensée

_ Nos ancêtres dans lesarbres et dans le lit

_ Les lièvres de notre bibliothèque

_ C’est là que ça se passe, dit Montaigne, devant un animal c’est là qu’il faut penser _ faire preuve d’ « imageance »… _, multianimalement. C’est entre ma chatte et moi que jaillit l’étincelle. Nous nous entretenons de singeries réciproques. Si j’ai mon heure de commencer ou de refuser aussi elle a la sienne

Lorsque nous nous téléphonons entre la nuit et le jour, c’est l’heure d’or, celle où parlent Platon avec Montaigne, l’heure où s’appellent et se répondent avec la mort la vie, avec l’humaine intelligence et sagesse, l’intelligence et sagesse animale

Leçons de chat : De la Liberté. Elle s’estsauvée qund on a marché sur elle. Où est la chatte en ce moment ? Dans son nid. On ne peut pas la prendre : elle vient. Comme toi. Comme moi. Comme Albertine. Elle ne peut que venir. Venir de partir. Pour l’aimer, lui laisser une liberté infinie. Mais j’y mets une limite infime pour entretenir sa vie. Exercice infini de l’aspiration à l’infini. Il faut « avoir » ce qu’on n’a pas : la légèreté. Être tout le temps là et jamais. Veiller à ne pas surveiller. Veiller à veiller » _ c’est admirable de subtilité, poésie et infinie justesse.

 

Ce mardi 19 novembre 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

Et encore un somptueux fondamental chapitre sur le lait-legs nourricier de la littérature : le chapitre « Le legs empoisonné _ Laisser ses livres », un fécondissime pharmakon, entre la perte, en 1948, du père Georges Cixous (et l’aubaine de sa bibliothèque), et l’interruption à venir, en 2004, du formidable dialogue entretenu avec l’ami Jacques Derrida : quand reste et tant que demeure une conversation nourrie avec les auteurs de vraie littérature (et philosophie), via les livres que ceux-ci nous ont laissés-destinés ad libitum…

17nov

Et voici maintenant, de la page 77 à la page 93 de ce recueil décidément absolument indispensable qu’est ce tout récent « Et la mère pond vite un dernier œuf« 

_ il nous faudra bien sûr revenir sur le choix de ce titre plutôt comique donné à ce recueil, dont la source se rencontrera un peu plus loin, au chapitre suivant, « Max und Moritz, et ma mère« , aux pages 98-99 :

« J’ai commencé à réfléchir sur les mystères du texte et les secrets de la littérature, rue Philippe à Oran pendant la guerre, en suivant ma mère en visite chez ces vauriens de Max et Moritz. Moi qui hurlait quand on me donnait l’ordre de manger un peu de poulet, une rareté précieuse sur une table famélique, je dégustais avec ravissement les vers suivants :

Hahn und Hühner… Coq et poules avalent l’hameçon

Les voilà pendus à la dure branche de l’arbre

(…)

Le cou des quatre pendus s’étire démesurément, leur chant s’angoisse également. Et ce qui me fait mal à crier me séduit par la musique des mots _ voilà ! Les poules meurent en chœur, rime rime avec crime, les vers tapent du pied. J’avais beau hurler d’angoisse jusqu’au ciel avec les poules _ c’était en novembre 1942, à Oran, 54 rue Philippe, qu’Hélène écoutait ainsi sa mère jouer en marionnettes confectionnées de sa main les contes tragi-archi-comiques de « Max und Moritz » de Wilhelm Busch…  _, en tant qu’œuf j’étais contente que ma mère ponde vite une dernière fois » : des bombes pleuvant alors, ce mois de novembre 1942, sur Oran.

Et à la page 104, encore ceci qui éclaire ce titre du recueil :

« Dans sa chambre ma mère centenaire _ elle mourra le 1er juillet 2013, âgée de 103 ans  _ ne lit plus que Max und Moritz. Elle se prend pour une poule prête à trépasser. Mais il y a dans ces images insupportables _ de Wilhelm Busch _ de quoi la faire pondre de rire.

Ce que m’apporte _ me révèle _ Wilhelm Busch : le rire dans l’horreur », commente Hélène ; j’y reviendrai en l’article suivant… _

un autre somptueux fondamental chapitre sur le lait-legs nourricier _ pour le non tari (« tant qu’il y aura de l’encre et du papier« , et bien sûr de la force de vie…) si fécond « rêvoir » à l’œuvre d’Hélène : formidable pharmakon à son inénarrable façon à elle, à son tour… _  de la littérature pour Hélène Cixous : le chapitre « Le legs empoisonné _ Laisser ses livres« , un fécondissime pharmakon d’intarissables conversations poursuivies, vaille que vaille, à la guerre comme à la guerre, et à-la-va-comme-je-te-pousse et m’inspire-respire-expire-souffle _ entre lire les livres de la Bibliothèque, puis penser-panser, rêver en son « rêvoir », et soi-même allant se livrer corps et âme à la jubilation terrible et hilarante de son écrire… _, entre la blessure à panser de la perte sans legs écrit, ni même dit _ seulement la collection de volumes Nelson de sa bibliothèque ainsi laissée sans mot dire de sa part… _, du père Georges Cixous, le 2 décembre 1948, à son décès, et l’interruption à venir le 9 octobre 2004, au décès à lui aussi, l’ami Jacques, du formidable dialogue-conversation _ aussi par téléfaune, puis au « rêvoir« , via les livres laissés de l’ami parti, qui lui-même songeait fort à son propre posthume… ; cela, nous le verrons au chapitre terminal, et lui aussi évidemment capital, de ce livre-ci, aux pages 113 à 137, intitulé « Le chat et le château » : tout, en cet admirable indispensable recueil de textes d’Hélène Cixous qu’est ce jubilatoire « Et la mère pond vite un dernier oeuf« , venant parfaitement « se rejoindre » et s’imbriquer… _ ô combien nourricier, à son tour, avec l’irremplaçable, forcément _ qui donc est substituable ?.. Personne ! Et encore moins ni ami ni aimé ; la consolation-pansement-pharmakon, si elle est désirée-envisagée-recherchée-poursuivie, semble tellement difficile et peut-être même quasi impossible à obtenir et tenir-maintenir longtemps et jusqu’au bout de sa propre mortelle vie, en ce duel à la vie-à la mort des pulsions de vie et la pulsion de mort, si puissantes et tellement compliquées à apprendre à dévier-manœuvrer afin d’essayer-tenter de parvenir à surmonter-survivre à la douleur-poignard du deuil subi de ces si cruelles pertes… _ ami Jacques Derrida…

Ici,

et de la phrase, page 78, à propos de Jacques Derrida :

« il laissait ses livres à la place de sa personne. Et parmi son œuvre immense, ses innombrables méditations sur les mystères tragiques et philosophiques de l’héritage« ,

presque directement à la suite des mots mêmes, impératifs, de l’ouverture de ce chapitre, page 77 :

« Un jour des derniers temps, mon ami Jacques Derrida me dit : « Si je ne suis plus là, tu pourras continuer à lire mes livres. » Je grimaçai d’horreur. C’était un dit de vérité à venir, un verdict, une annonce amère. Une phrase à deux coups. Mise à mort et promesse. Ablation et substitution. La mort pour moi, la survie pour mes livres » ;

et des sublimissimes pages 79-80 à propos de ce qu’Hélène, en forme de « viatique » qui lui était nécessaire, raconte de ce qu’elle a pu bientôt trouver de son père « homme de parole et de mots, c’étaient des mots extraordinaires qu’il me donnait tous les jours« , une fois celui-ci brutalement disparu et enlevé à elle, le 2 décembre 1948 :

« J’ai hérité de Georges mon père le besoin géorgique de déterrer les mots, de descendre sous le taire, de nettoyer, d’arroser, et d’écouter ce qui erre le long du silence _ c’est admirable ! J’ai toujours aimé Virgile et par conséquent Dante. Outre ce lien indécis et ouvert comme tout, mon père a laissé _ très matériellement _ une bibliothèque. Il ne l’a ni donnée, ni léguée, il l’a laissée avec cet abandon, ce suspens de la volonté dernière, qui fait le don idéal, celui que l’on n’a pas fait exprès. Alors ce legs laissé sans le su, je l’ai pris, je m’en suis constitué l’héritage par excellence, le bien attribué par le sort, béni pour avoir été lu par mon père, et ramassé, lui mort, sur ses étagères. Je n’en finissais pas de composer le lai de la Bibliothèque : j’ai lu, depuis mon père et sans son injonction, il m’a laissée lisant le tout de la littérature, le bon et le mauvais, le sublime et le détritus, son compost, sa litièrature. Sans maître, sans conseil, sans loi. J’ai tout dévoré. De gauche à droite, j’ai sucé un à un tous les volumes de la collection Nelson, tout était bon également. J’ai rien oublié. Je crois que j’ai mangé mon père jusqu’aux moelles. Hériter pour la vie, si c’était possible, je crois que ce serait cette opération : absorber, consommer, transsubstantier le Laissé, en forces vitales pour soi _ voilà.  Sans dette. Et entre tous les legs nourriciers, recevoir et faire son miel d’une Bibliothèque » _ une opération merveilleusement accomplie par Hélène.

je me rends immédiatement aux deux puissantes pages finales de ce crucial et fondamental chapitre, aux pages 92 et 93, consacré à l’héritage des livres, et pas seulement ceux laissés sur les étagères de son père, Georges Cixous, le 2 décembre 1948 :

« Peut-on échapper à l’héritage ?

Moi-même j’ai bien fini par me rendre à Jérusalem, où je ne voulais surtout pas aller _ sur le récit de ce voyage en son « Gare d’Osnabrück à Jerusalem » (paru le 14 janvier 2016), cf par exemple mon article « « , en date du 16 juin 2018…

Pour payer une infime part de ma dette à l’égard de ma généalogie multimillénaire _ tant sépharade qu’ashkénaze… _, minimissime, pour répondre : oui, à la question êtes-vous coupable ? A la question : êtes-vous juive, je mets : oui, je décide et consens à répondre sur le formulaire _ demandé à remplir pour l’obtention du visa d’entrée en Israël _, oui, alors que mon amour de la Vérité compliquée, mon besoin vital _ oui _ de pousser la pointe de la pensée au cœur du combat des paradoxes, mon alliance avec l’inconnu c’est-à-dire le pays de l’écriture _ ce territoire-trésor lui aussi… _, le courageusement infidèle, toutes mes obsessions vitales, veulent que je dise non pas oui mais : juive je le suis par vent de nord-nord-ouest, ou par mauvais temps, mais par beau temps clair sans rafales de vent, ou quand je suis en mes libertés dans les rêves, je ne réponds que : rien ni plus ni moins.

En tant que chat, ou écureuil _ du jardin aux arbousiers et pins de la maison d’écriture des Abatilles _, ou ancien chien _ tel son chien Flip _ je ne suis pas plus juive que le cheval ni moins, j’aime les vaches, comme ma mère, pour la fatalité de la vie je m’identifie aux poules, je n’ai guère de difficultés à reconnaître mon âme dans celle d’une poule, j’ai les mêmes battements de cœur,

mais à tous les juifs qui sont juifs se sentent juifs, juifs des avant et juifs des après, je reconnais que je dois un trésor inestimable _ voilà… _ d’angoisses et de tourments, l’usage illimité _ et persistant _ de la tragédie et ce qui va avec l’exercice de la douleur : l’esprit de révolte, la jubilation _ oui, magnifique ! _, l’eau du rire qui jaillit au milieu du brasier et jusqu’à l’avant-dernière minute dans les camps d’extermination _ ici je pense au grand Imre Kertész du « Chercheur de traces« … _, la nostalgie perplexe du désert, la fréquentation des zones d’exclusion et le don nomadique, la façon d’allonger perpétuellement le cou au maximum pour scruter l’horizon, comme si le présent était là-bas dans le lointain futur ou au contraire la façon de creuser des puits sous son lit à la recherche de pensées ou êtres perdus et peut-être conservés dans les souterrains du temps, toutes ces herbes amères tous ces sucs et ces miels spirituels dont l’écriture se régale« 

Un chapitre magistral !

Consacré aux ressources, fabuleux trésor où puiser encore et toujours de conversations essentielles que peut offrir le dialogue ouvert et infini du lire-écrire-penser, pour Hélène en son « rêvoir », avec les auteurs vrais de la littérature et de la philosophie _ pas ses pullulantes-purulentes contre-façons de « litièrature« – compost, à destination des oisifs-qui-lisent pour se distraire-désennuyer-divertir : en fait ne plus penser du tout à l’essentiel… Revenir lire et méditer ici le merveilleux chapitre « Lire et écrire » du Zarathoustra de Nietzsche, joliment sous-titré « un livre pour tous et pour personne« … Ou encore le très juste récent « Un Sens à la vie _ enquête philosophique sur l’essentiel » de mon ami bruxellois Pascal Chabot… Des livres nécessaires et vrais, en ces temps de faussaires et fausseté…

Bien évidemment à suivre…

Ce dimanche 17 novembre 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

Et un passionnant entretien de Jacques Rancière, à propos de son « Au loin la liberté : essai sur Tchekhov », avec Stéphanie Péraud-Puigségur, à la Station Ausone, le 6 novembre dernier

15nov

Et maintenant,

voici la très riche « vidéo » (d’une durée de 54′ 22) d’un superbe entretien de Jacques Rancière à propos de son lumineux « Au loin la liberté : essai sur Tchekhov » _ paru aux Editions La fabrique au mois de juin 2024 _, répondant aux questions de Stéphanie Péraud-Puigségur, qui a  eu lieu à la Station Ausone de la librairie Mollat, à Bordeaux, le mercredi 6 novembre dernier…

Jacques Rancière, lecteur éminemment subtil, est toujours d’excellents éclairants conseils en sa pratique de liseur-regardeur-écouteur lumineux des oeuvres d’art aussi :

ici lex extraordinaires, assez courtes, bouleversantes nouvelles de Tchekhov…

« Les nouvelles de Tchekhov présentent les multiples versions d’un simple scénario : quelque chose pourrait arriver. Un jour, au hasard, n’importe où, l’ordinaire du temps de la servitude a été troué par une apparition : la liberté est là, au loin, qui fait signe et indique qu’une autre vie est possible, où l’on sache pourquoi l’on vit. La plupart _ de ses personnages croqués ici un moment sur le vif _ pourtant se dérobent à l’appel. Ils préfèrent que rien n’arrive. Mais Tchekhov, lui, ne renonce pas _ à les décrire en leurs hésitations, et le plus souvent, renoncements à la liberté…. Il s’entête à accompagner ses personnages sur ces bords où leur vie pourrait basculer. De récit en récit, il tisse ce temps mû par la machine implacable de la reproduction, mais qui, de pause en pause et d’accroc en accroc, se déchire et se dédouble en temps d’une liberté pressentie qui se refuse au point final mais reste une possibilité en suspens _ voilà. On peut appeler cela une politique de la littérature ».

Des nouvelles tout aussi absolument admirables que l’admirable et admiré théâtre de Tchekhov…

Avec une admirable lecture de celles-ci par cet hyper-attentif aux micro-inflexions et nuances du sensible qu’est Jacques Rancière…

Ce vendredi 15 novembre 2024, Titus -Curiosus – Francis Lippa

Très brillante ouverture de la session 2024-2025 de notre Société de Philosophie de Bordeaux, à la Station Ausone, avec la présentation lumineuse par Celine Spector de son « Servitude et empire : Montesquieu, des Lettres persanes à L’esprit des lois », en un superbe entretien avec Pierre Crétois…

14nov

C’est une très brillante Céline Spector, très claire et très pédagogique _ pour le plus large public, venu très nombreux mardi dernier 12 novembre dans la vaste Station Ausone de la librairie Mollat, à Bordeaux _, qui, aux très pertinentes questions posées par Pierre Crétois, le président de notre Société de Philosophie de Bordeaux _ Céline présida avec une remarquable efficacité et beaucoup de brio, notre Société 7 années durant _ nous a présenté en une heure d’entretien extrêmement agréable à suivre, les points forts _ et qui parfois continuent de faire question aux meilleurs chercheurs-spécialistes _, de l’oeuvre du maître bordelais des Lumières du XVIIIe siècle, Montesquieu,

à partir de son ouvrage paru ce mois d’août aux Editions Vrin « Servitude et empire : Montesquieu, des Lettres persanes à L’Esprit des lois« …

Une lumineuse leçon de philosophie aussi, en présence de Jean Terrel, auquel Céline n’a pas manqué de très chaleureusement rendre hommage…

De ce passionnant entretien, d’une durée de 60′ 18,

voici la remarquable vidéo

Bravo !

et très grand merci, chère Céline…

Ce jeudi 14 novembre 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

Qu’attendre de la surprise de la fiction que vient nous proposer Philippe Desan avec son « Montaigne – La Boétie – Une ténébreuse affaire » ?..

11sept

Qu’attendre de la surprise de la fiction que vient nous proposer _ aux Éditions Odile Jacob _ le très érudit et perspicace Philippe Desan avec son « Montaigne – La Boétie, une ténébreuse affaire » ?..

Je me le suis demandé en l’achetant tout de même _ sur le nom de Philippe Desan, d’abord ; mais aussi sur la mention de repérage de dates et de lieux très précis en tête de chacun des chapitres de ce livre : un gage de confiance indispensable pour le passionné de repérages spatiaux et temporels d’orientation que je suis ! _, après avoir bien hésité devant pareil scandaleux mélange des genres, entre recherche historique et roman (page 5), voire polar (4ème de couverture)…

Ce soir, j’en suis _ pour le moment un peu perplexe, pris à total contrepied que je suis de ce que je me représente jusqu’ici de Montaigne à travers la fréquentation de ce que lui-même présente et détaille de sa personne en ses très consubstantiels « Essais«  _, à la page 79 de ma première lecture, peu après le récit du décès _ voire meurtre : indirectement suggéré par une délicate et très habile succession de menus détails-indices suggestifs, mais jamais massivement affirmé comme tel, un tel meurtre de La Boétie de la main même, insistante à diverses reprises, de son ami (« parce que c’était lui, parce que c’était moi…« ) Montaigne _, le 18 août 1583, d’Étienne de La Boétie, à la page 73…

Mais attendons bien sûr la lecture exhaustive des 376 pages de cette fiction de Philippe Desan avant de prononcer _ très fervent montaignien que je suis ; cf ce qu’y disait de ma vénération pour mon très admiré voisin Montaigne (j’ai vécu toute mon enfance à Castillon-la-Bataille, et me suis rendu maintes fois à pied à la sublime tour de Montaigne : une promenade d’un peu plus de 16 kilomètres aller-retour…) l’article liminaire de présentation de ce blog même, le 3 juillet 2008 : « «  _ mon tout personnel avis…

Voici, au passage, ce que j’écrivais de mon affection pour Montaigne en l’article de présentation de mon blog « En cherchant bien » du 3 juillet 2008 :

J’évoquerai l’ombre tutélaire et protectrice (depuis un 13 septembre 1592) _ l’ombre “amie”... _ de Montaigne, et l’humour infini _ tant qu’il y aura(it) de l’encre et du papier ; ainsi qu’”à sauts et à gambades”…de ce merveilleux (et humble) essayeur gascon ;

Montaigne _ le maître (sans disciple), dans les couloirs limpides du labyrinthe duquel (à qui consent de jouer, en « diligent lecteur » tout de même ! à l’y suivre, ou plutôt ac-compagner, et converser avec !..) introduit lumineusement le récent livre, indispensable, de Bernard Sève,Montaigne. des règles pour l’esprit (aux PUF en octobre 2007) _ ;

Montaigne “fondant” _ au participe bien présent du verbe “fonder” _, et sans le moins du monde le chercher, par la seule grâce (et autorité _ non didactique, loin de la chaire et du moindretitre _) de son espiègle _ non didactique, j’insiste, mais très ludique et malicieux _ exemple _ cf le défi àl’indiligent lecteur:Quitte mon livre ! _ ;

Montaigne « fondant » donc _ sans rien chercher du tout à « fonder » en fondateurce qui va tout aussitôt, et en Angleterre d’abord (où “il” est très vite traduit), devenir quasi immédiatement un genre, et littéraire, et philosophique _ lui ne les disjoint certes pas ! ; ou plutôt “il” n’est pas, lui, Montaigne, dans (dedans, enfermé jamais dans) des “genres”, tant son génie mutin et facétieux, en même temps qu’il n’y a, et vraiment pas !, plus sérieux ni grave ; tant son génie mutin et facétieux  est,à sauts et à gambades, absolument trans-genres… _ ;

Montaigne “fondant”, donc, pour dorénavant en quelque sorte, si j’ose dire _ et lui n’en sait fichtre rien ! et combien s’en rirait ! _“fondant”, si l’on y tient, l’”essai _ lui ne disant (et c’est la chose même !) qu’“essais, au pluriel et sans article… _,

tel, ou plutôt tels, par exemple, ceux, très vite (dès 1597), de Francis Bacon _ Francis Bacon, celui (1561-1626) du tournant du XVIIème siècle élisabéthain, pas le génie tourmenté, pictural, et sublime, du siècle qui vient de passer (1909-1992, pour cet autre) _ ; un des « fondateurs », ce Bacon de Verulam-là, philosophe et politique (« chancelier d’Angleterre« ), par l’”essay“, donc, de la “méthode expérimentale” du connaître (qui est forcément un peser et supposer, sous diverses coutures, un juger)…

Et juste au moment précis où je m’apprête à mettre en ligne cet article-ci, voici que tombe le courriel hebdomadaire de la Librairie Mollat annonçant la séance de présentation par l’auteur, Philippe Desan, à la Station Ausone, vendredi 20 septembre prochain, à 18 h, de son tout récent livre ;

présentation que voilà :

« Philippe Desan est l’un des plus grands spécialistes de Montaigne, c’est avec bonheur _ nous allons bien voir…qu’il s’essaye _ voilà ! _ aujourd’hui au roman.

Dans Montaigne – La Boétie, une ténébreuse affaire, il rend compte de la complexité _ tiens donc… _ de cette amitié légendaire« …

Ce qui ne fait que renforcer ma curiosité

_ et je dois encore ajouter que j’ai déjà rencontré Philippe Desan à divers colloques tenus à Bordeaux à l’université à propos de notre très cher Montaigne ; ainsi que lors de présentations de quelques uns de ses travaux montaigniens à la librairie Mollat…

Ce mercredi 11 septembre 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

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