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Comment bien jouer la musique : sur le « Duphly » d’Elisabeth Joyé…

20juil

Pour prolonger un peu la réflexion sur le « jeu » d’interprétation « réussi » de la musique (d’un « compositeur« -auteur d’une œuvre…),

ce petit échange amical _ « sur le vif » ; et sans rien de « personnel«  _ de correspondance avec Elisabeth Joyé,

dont le _ merveilleux ! _ CD « Pièces de clavecin » de Jacques Duphly (CD Alpha 150) vient de paraître le 3 juillet, en début de « vacances d’été » :

à titre de (modestes) « témoignages » (vivants) sur ce que peut être « interpréter«  pour l’artiste-interprète musicien

et « écouter«  pour l’« amateur« – mélomane…

D’abord, un petit simple message d’envoi de l’article « L’enchantement du CD “Duphly” d’Elisabeth Joyé : une entrée “de rêve” dans le classicisisme musical français du XVIIIème siècle ! » :

De :   Titus Curiosus

Objet : Bravo !
Date : 15 juillet 2009 17:34:19 HAEC
À :   Elisabeth Joyé

Voici mon article sur ton « bijou » :
l’entrée parfaite (!) pour « découvrir » la musique française du XVIIIème…

« L’enchantement du CD “Duphly” d’Elisabeth Joyé : une entrée “de rêve” dans le classicisisme musical français du XVIIIème siècle ! »

Titus
qui en redemande des comme celui-là !!!

La réponse de l’artiste :

De :   Elisabeth Joyé

Date : 19 juillet 2009 11:49:58 HAEC
À :   Titus Curiosus

cher Titus,

Je suis vraiment touchée que tu aies aimé mon Duphly. Moi, je n’arrive plus à
l’écouter !..


Je joue Duphly le 5 Septembre à Paris pour créer un peu un événement autour de
cette sortie. Ça me ferait plaisir si tu pouvais être là.

A bientôt, je t’embrasse Elisabeth

Ma réponse,

sur le « mécontentement » (voire les « doutes« …)  a posteriori de l’artiste envers ce que « conserve » le CD :

De :   Titus Curiosus

Objet : Ne plus arriver à l’écouter !
Date : 19 juillet 2009 12:37:52 HAEC
À :   Elisabeth Joyé

Bien sûr : tu es la mieux placée pour en juger…

Cependant, comme déjà tout cela,

dans la délicatesse de ses infinies inflexions,
coule de source, je veux dire sans à-coups autres que ceux que semble suggérer la musique même (en son jaillissement « de source » !..) de Duphly !..

Mais nous savons tous qu’un enregistrement n’est qu’une « saisie«  (= une « prise« ) à un instant « T« 
de ce qui jaillit de l’écriture notée (pour toujours : sauf quand l’écriture, elle-même, est « reprise » : ce qui advient aussi !) du créateur ; d’autant
que l’interprétation (à donner ; à « créer« , elle aussi…) déborde aussi très largement la notation elle-même,
à une époque où celle-ci se précise de plus en plus
_ la musique tant, alors, diffusée pour se vendre (de plus en plus) en partitions : pour des « amateurs » qui vont l’interpréter « à la maison »  _ ou aux concerts publics : qui débutent ; le « Concert Spirituel« , aux Tuileries, est créé en 1725, il me semble me souvenir _,
même si en France je suppose
qu’on (le compositeur) fait davantage qu’ailleurs confiance au goût (de l’interprète _ pas un vulgaire exécutant mécanique, ni simplement un « déchiffreur » !.. cf cependant les « inquiétudes » à ce sujet, déjà, d’un François Couperin, à propos des « ornements«  (nécessaires !) laissés (un peu trop ?) au goût de l’interprète… _)

Duphly doit être, il faudrait le vérifier, le contemporain de Carl-Philipp-Emanuel Bach :
1715-1789, pour Duphly ;
1714- 1788, pour CPE Bach : je n’ai pas fait exprès !
Je veux dire l’auteur de l' »Essai sur l’art de jouer les instruments à clavier« , en 1753  _ en français, aux Éditions Jean-Claude Lattès en 1979 _ : je viens de le rechercher en ma bibliothèque _ qui commence donc à traiter, sur le papier, des « inquiétudes«  de l’« interprétation«  (de « connaisseurs«  et d’« amateurs« ) !!!… : « probablement le plus important traité pratique sur la musique écrit au 18e siècle ». C’est, à un moment d’essor considérable de la diffusion (commerciale) de la musique auprès d’un « public«  d’« interprètes«  de plus en plus large, une sorte de « guide » un peu détaillé et affiné, concernant « le doigté, l’ornementation, l’æsthétique, l’accompagnement et l’improvisation« . Et déjà en 1780, ce « guide » sur « l’art _ et non une simple « technique«   _ de jouer«  avait atteint sa troisième édition…

D’où l’importance de la transmission (professorale…) de tout cela : c’est aussi l’œuvre d’une vie…
Et j’en sais aussi un peu quelque chose en mon propre enseignement,

même si ce n’est pas « de musique« …
Ce n’est jamais pareil ; et on s’améliore (même si c’est toujours périlleux) : du moins jusqu’ici !.. Il faut aussi transmettre, à la fois, et la palette des nuances, et l’élan _ en se jetant à l’eau : et c’est aussi comme ça qu’on apprend à nager et faire du vélo !..

Donc, ne pas trop s’inquiéter du caractère « figé« _ dans la cire, la gravure, le sillon du CD, le marbre _ de l’enregistrement en sa « prise« , en quelques heures d’avril 2008 (en ce beau lieu _ inspirant ! sans nul doute _ d’Assas)…
Cette « prise« -là (discographique) est déjà « pas mal » du tout !!!
Elle coule fort bien de source,
dans le feu d’artifice du jeu de toutes ses inflexions…


Le son du clavecin me paraît y être aussi pour un peu quelque chose :
même s’il revient à l’interprète de le faire « sonner » au mieux…


En tout cas, j’aime infiniment la « gravité » ludique sans lourdeur aucune (de la musique de ce CD « Duphly« ),
c’est du moins ainsi que je la ressens et qu’elle me touche…


Bravo…

Pour le 5 septembre, pourquoi pas ?
Cela peut se faire…

J’ai dit de vive voix (au téléphone) toute ma joie de ce CD à Jean-Paul _ Combet : le patron d’Alpha _ ;
puis je lui ai adressé mon article.
Mais je ne l’ai pas eu au bout du fil depuis…


Voilà.
Et je le réécoute beaucoup, ce CD : il me réjouit chaque fois sans m’en lasser du tout ! et même chaque fois davantage ! en découvrant encore des nuances moins repérées à l’oreille et l’esprit jusqu’alors…

Une très belle sérénité dans l’élan…

Voilà, voilà !

Je t’embrasse,

Titus

Et la réponse un peu rassérénée de l’interprète toujours inquiète (cf sa belle photo à un volet de porte du château d’Assas !) :

De :   Elisabeth Joyé

Date : 20 juillet 2009 16:49:43 HAEC
À :   Titus Curiosus

Merci encore cher Francis pour ta réponse si rapide.
Tout ce que tu dis correspond très bien à ce que je sens de cette musique et de
beaucoup d’autres musiques.

C’est vrai que je cherche toujours quelque chose qui
parle, qui soit clair et simple avec un bon rythme. Et je crois que ça s’entend.

A part le tien, je n’ai pour l’instant aucun autre article écrit _ en juillet, les journalistes sont « aux champs«  : il faudra vraisemblablement attendre la « rentrée« 

J’espère qu’ils
seront aussi gentils que toi !

Je t’embrasse Elisabeth

Voilà un des secrets de la musique française : de Louis Couperin (ca 1626-1661) à Jacques Duphly (1715-1789), Armand-Louis Couperin (1727-1789 : aussi…) et Claude-Bénigne Balbastre (1724-1799) ;

mais aussi pour Fauré et Debussy et Ravel et Poulenc…

Un CD « Pièces de clavecin » de Jacques Duphly (CD Alpha 150)

aux sources des jaillissants beaux secrets tranquilles, sans effets déclarés, de cette merveilleuse musique

_ qui fait aussi, en plus (et tout à fait comme son exact contemporain Chardin en peinture !), beaucoup de bien (à l’âme !)…

http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Sim%C3%A9on_Chardinhttp://www.musees.angers.fr/accueil/oeuvres-choisies/musee-des-beaux-arts/chardin-peches-et-prunes/http://himmelweg.blog.lemonde.fr/category/linvisible/

Titus Curiosus, ce 20 juillet 2009

la pulvérisation maintenant de l’intime : une menace envers la réalité de la démocratie

11nov

Sur « La Privation de l’intime_ mises en scène politiques des sentiments« 

(paru ce mois d’octobre 2008, aux Éditions du Seuil »),

par Michaël Foessel :

un passionnant _ et urgentissime ! _ essai indissolublement existentiel et politique _ quant au devenir de la « démocratie » _,

quand se répandent insidieusement par toute la société et le « sociétal »

les menées ravageuses d’un nihilisme « pipolisé » radical ;

même si ce « pipolisé »-là

_ je veux dire celui des « leaders », pas celui de ceux qui, hélas, et en foule, « se clonant », les imitent _,

n’est pas à prendre, tout de même, davantage que comme un indice,

anecdotique, si l’on préfère, voire un symptôme,

du niveau d' »abaissement », « corruption », « pourrissement », « décadence » vilaine _ « se généralisant » à toute allure, eux et elles _

de la « civilisation »…

Ce très bel essai de Michaël Foessel, je le lis, aussi, personnellement, comme une (bien) instructive mise en perspective de l’Histoire

_ à l’aune de rapports existentiels majeurs, c’est-à-dire ces « liens » d' »affection, d’amour, de désir » qui nous « attachent » fondamentalement, et pas seulement circonstanciellement et à l’occasion, selon une opportunité « intéressée », à d' »autres » _ sujets d’eux-mêmes _ qui ne nous sont ni de simples « moyens » (achetables et jetables) de plaisir d’un instant, ni de simples « instruments » d’un moment, d’une « étape » de quelque « plan » un peu finaud et « rationalisé » « de carrière »,

c’est-à-dire fondamentaux pour ce qu’il en est du caractère encore ou toujours « humain », ou pas, de « l’Homme » (« nul n’est une île » !) :

_ les Grecs (la flamme inintimidable de la vérité-justice de Socrate versus l’habileté rhétorique,  manigancière et marchande, des Sophistes _ cf « Gorgias » de Platon ; ainsi que l’institution-fondation de l’Académie par ce dernier),

_ la Renaissance (les succès galopants de la « technicisation » polymorphe, de Machiavel _ et l’analyse du « machiavélique » in « Le Prince » _ à Galilée ; et bientôt au « fort utile » de Descartes, enthousiaste à « trouver une (philosophie) pratique » nous permettant de « nous rendre comme maîtres et possesseurs de la Nature« , à l’arrivée du « Discours de la méthode pour bien conduire sa raison et trouver la vérité dans les sciences« …),

_ les Lumières (Kant, sur la dignité _ impayable ! _ de la personne ; et l’analyse de la hiérarchie des moyens et des fins…),

_ le moment hégélien (la belle analyse par Hegel des rapports de tension de la société civile et de l’Etat),

_ ainsi qu’aujourd’hui (par exemple, cette « expérience médiatique« , en ouverture, à la première phrase de l' »Introduction » du livre, page 7 : « la captation du débat politique par les communiquants

a atteint une sorte de paroxysme comique

le jour où le président de la République a choisi Disneyland

pour porter à la connaissance du public

sa nouvelle relation amoureuse » :

qu’on se rassure _ ou se désespère, c’est selon l’angle de perspective… _ cependant,

l’enjeu et l’analyse _ civilisationnels _ de « La Privation de l’intime » sont d’une tout autre amplitude de portée que ce simple ordre du « pipol » !..)…

Ce très bel essai de Michaël Foessel, donc,

je le lis, aussi, personnellement, comme une (bien) instructive mise en perspective de l’Histoire

de la « civilisation des mœurs »,

à partir _ c’est là le fil d’Ariane que j’y perçois _ de manipulations

_ technicistes et techniciennes (et notamment « politiciennes », par le fait)

_ « des mœurs », donc

_ on relira, ici, « La Civilisation des mœurs » de Norbert Elias ;

ainsi que, de ce même Elias : « La Dynamique de l’Occident« , « La Société des individus » et « La Société de cour » ; et même, pour préciser encore un peu plus ou mieux les enjeux on ne peut plus « politiques » de tout cela, sur l’œuvre même d’Elias : « Norbert Elias : la civilisation et l’Etat« , de Florence Delmotte, un essai paru aux Éditions de l’Université de Bruxelles, en août 2007 _,

aujourd’hui ;

à l’occasion d’attaques _ maintenant _ d’une violence (existentielle) inouïe (et radicale)

contre « l’intime »

_ lequel, « intime », renvoie, essentiellement et crucialement, « à des liens

affectifs, amoureux, désirants

où le sujet prend le risque de se perdre » _ de notre « exister »

de « sujets« , donc,

pas encore (tout à fait) « in-humains » (sur une pente bien savonneuse, ou/et pas mal savonnée, cependant : à quelles branches « se raccrocher », dans pareille chute vertigineuse ?..)

_ pour reprendre aussi encore le concept (de « non-inhumain« ) proposé par Bernard Stiegler dans son (important) « Prendre soin _ de la jeunesse et des générations » _ ;

à l’occasion d’attaques

qui vont jusqu’à « pulvériser »

_ réduire en miettes, en poudre, en poussière (= à rien !) ;

et avec notre propre blanc-seing, souvent, qui plus est !

extorqué par une anesthésie en voie impériale et marchandisée d’expansion… _ ;

jusqu’à pulvériser, donc _ avec pour résultat la « privation » !!! par suppression ! annihilation !.. _,

ce qui assurait le sens charnel

et esthétique de rien moins que, carrément, l' »exister » !

Par « esthétique« , je veux dire

tout ce qui sensiblement « vient _ encore _ donner sens », tant direction que forme et dynamique, souffle et ampleur, vie riche et élargie,

à notre « sensibilité » se métamorphosant :

« sensibilité » plus ou moins bien _ à divers degrés _ campée

sur ses jambes ;

plus ou moins bien entée _ à diverse profondeur de racines _

dans son corps ;

et plus ou moins bien ouverte _ à divers degrés, encore _

au réel physique (charnu et qualitativement opulant) de la corporéité et de l’âme,

dans le rapport fondamental (de tension intense : « affective, amoureuse, désirante« , dit Michaël Foessel : oui !)

de soi à « l’autre » et aux « autres », dans leur particularité et diversité, voire singularité, dans les meilleurs des cas _ sinon, « un clou chasse l’autre », tout, tel un clou, n’étant plus qu’interchangeable et équivalent (ou le nihilisme du « jetable ») ;

ainsi que dans le lien fondamental « avec »

_ et pas séparément (et encore moins « instrumentalement ») _ ;

« avec »

« l’autre » et « les autres » :

tant, du moins, que demeurent (encore !..), ici, en ces fragiles et inquiets habitacles corporels, des « personnes »,

avec un vrai corps, et une vraie âme

_ indissolublement mêlés et unis, il faut le relever _ ;

au contraire d’ectoplasmes fantômatiques

et de jouets pornographiques (sex toys, ou autres instrumentalisations…) !

Bref,

« dans quelle mesure l’amour est-il un sentiment politique?«  demande Michaël Foessel… « La démocratie doit-elle être sensible pour demeurer _ ou devenir mieux, ou « vraiment » : « demeurer » me paraissant trop seulement « défensif »… _ démocratique ?« 

Dans cette perspective là, « l’intime _ en tant que « liens n’existant que soustraits au regard social et à son jugement » _ peut-il figurer au rang d’idéal commun ?« …

Le danger que pointe Michaël Foessel est celui de « la confusion des liens à l’autre avec les propriétés _ au sens de ce qui appartient à un « propriétaire », qui peut l’acheter, ou le vendre, l’aliéner à un autre _ du Moi « 

_ soit le processus même du « devenir privé« ,

ou « privatisation« ,

de « l’intime« 

En effet, « l’intime n’est pas le privé« ,

car « il renvoie à des liens affectifs, amoureux, désirants,

où le sujet prend le risque de se perdre« 

_ au-delà de tout calcul (d’intérêt, rentabilité, profit) ; et avec « générosité » :

éperdument, dirais-je…

Et c’est en cela que « la démocratie elle-même se trouve fragilisée par (le) dévoiement » de l’intime _ indique Michaël Foessel en présentation-ouverture de son essai, page 8 de son « Introduction« .

La « mise en scène politique des sentiments » résulte de ce que « la légitimité

_ de fait, sinon de droit, si j’ose le dire ainsi, aussi paradoxalement ! _,

se joue aussi dans leur capacité à apparaître comme des représentations crédibles de ce que nous sommes

_ par exemple des « buveurs de bière« , dans le cas d’un George W. Bush, à ce que lui-même se fait (ou faisait !) fort d’afficher _

ou aimerions être«  (page 8 :

d’où l’aura pseudo glamoureuse des « peoples » ; à l’instar de ce que la « pauvre bergère » peut fantasmer à propos de l’image du « prince charmant »…) :

par un processus de projection ou introjection fantasmatique,

analogue à bien des processus de séduction (à l’achat) du marketing publicitaire…

Michaël Foessel note, page 10 : « L’idée de représentation _ démocratique _ perd beaucoup à être ainsi assimilée _ par le citoyen-électeur _ à celle de ressemblance« …


L’analyse de « l’intime«  que mène Michaël Foessel, est magnifique :

« En employant plus volontiers la forme adjectivale (« l’intime » et non « l’intimité »), nous désignons un lien, et non une chose, un  rapport _ dynamique : une tension vers, un élan , un envol (en direction d’un autre) _ plutôt qu’un espace clos _ de « propriété privée ».

La conviction qui anime ce choix est que l’on n’est jamais seul dans l’intime, mais que l’on s’y retrouve au sein d’une société d’élus« .

Avec cette définition-ci :

« L’intime désigne l’ensemble des liens qu’un individu décide de retrancher de l’espace social des échanges pour s’en préserver ; et élaborer son expérience à l’abri des regards _ de tiers.

Il résulte donc d’un acte par lequel le sujet décide _ plus ou moins sciemment, consciemment et délibérément _ de soustraire une part de lui-même du domaine de la visibilité commune » :

avec pudeur, et délicatesse (de liberté)

et selon toute une gamme de « dénudation » de soi, et/ou de l’autre, excluant, bien sûr, la moindre vulgarité.

Pour ma part, j’en trouve une très belle et forte analyse parente dans le très beau chapitre « De l’ami » de la première partie de l’« Ainsi parlait Zarathoustra _ un livre pour tous et pour personne » de Nietzsche…

ou, encore, dans le chapitre « De la chasteté » : sur la pureté de cœur et d’âme (et de corps, aussi)…

Mais _ je reprends la lecture de Michaël Foessel _

« 1) la possibilité de l’intime suppose _ et nécessite très concrètement _ que certaines conditions politiques

_ de droit, de légalité ; ou légalisation ; et sans avoir à rendre de comptes (publics) de ce vécu de « l’intime » ! _

soient remplies« , page 13 _ seulement dans « la modernité« , précise-t-il :

d’où une nécessaire et très juste mise en perspective historique, de sa part, ainsi que je l’ai annoncé plus haut

Et « 2) l’intime (…) apparait _ aussi _ comme une réserve _ avec « retenue » de soi, et sur soi, le premier _ ;

comme une réserve critique _ donc _  qui permet de remettre en cause les déficiences de l’ordre établi. (…) Il enveloppe une série d’expériences

_ distinctes des normes (établies ou pratiquées) communes, ou majoritaires : expériences « personnelles » particulières, voire absolument singulières ; ou minoritaires _

qui interdisent l’adhésion pure et simple _ a fortiori aveugle et fanatique _ au système de valeurs promu par la société en place« , page 14.

D’où la nécessité impérative de distinguer « entre l’intime et le privé« , page 14.

Et « s’il y a _ maintenant _ « privation » de l’intime,

elle procède de sa « privatisation », c’est-à-dire de sa réduction au statut d’une performance subjective » _ de la part de « la raison instrumentale«  :

« l’intime, qui devrait impliquer _ dans sa conception légitime _ un décentrement de soi,

est interprété abusivement comme une possession« , page 15 : l’analyse est d’une parfaite justesse !

« L’intime se perd _ pulvérisé ! _ d’être offert aux regards de tous« , page 16 : dans la pose et la fausseté de l’inauthenticité…

« Pour exister, l’intime

_ j’avais écrit « l’amour » ! l’intime en représente une forme privilégiée, mais non exclusive… _

doit échapper aux regards

_ de tiers ;

sur les regards de l’intimité, nous pouvons peut-être nous référer aux analyses d’Emmanuel Lévinas (dont Michaël Foessel cite, page 93, un passage d' »Entre nous – essais sur le penser-à-l’autre« …

: c’est une manière de signifier qu’il _ « l’intime«  _ est soustrait à la compétence sociale«  et exclut l’exhibitionnisme (la pose) autant que le voyeurisme (prédateur) ; et les transactions marchandes… A la place de l’ouverture du désir et de sa générosité (à l’autre), il n’y a plus que le cynisme du calcul d’intérêts de l’ego ; ou la perversité lubrique du sadisme _

Avec cette conséquence-ci :

« On peut précisément juger _ certes ! _ des « amours » _ les guillemets ici s’imposent ! _ que les politiques

et leurs communicants

imposent à notre attention, 

puisqu’elles sont exhibées

pour convaincre _ ou persuader, plutôt (= faire croire) _ l’opinion

de « l’humanité » _ « commune », d’un certain côté, seulement : celui des « buveurs de bière » envisagés plus haut _

de leurs protagonistes« 

_ storytellisés, en quelque sorte…

(…) « La « pipolisation » _ et pulvérisation, en fait !.. (dans le titre de mon article) _ de l’intime » fait que celui-ci « se trouve relégué au rang de valeur monnayable sur le marché de la concurrence sondagière.«  Voilà pour ce caractère anecdotique du « pipol » ; et le cancer de l’inauthentique généralisé…

Michaël Foessel précisant on ne plus justement, pages 16-17, à propos des analyses de son essai :

« Dans les pages qui suivent, les mises en scène de soi des politiciens serviront de fil conducteur ; mais il est clair qu’elles manifestent bien autre chose que l’idiosyncrasie narcissique de quelques hommes _ et femmes _  publics contemporains _ certes ! Elles expriment,

sinon une incapacité à aimer,

du moins une impuissance _ de beaucoup ; pas seulement du cercle des « peoples »… _ à représenter l’intime hors de toute colonisation par la marchandise« 

_ et le modèle (technicien :

« mécanicien », à la Descartes : « nous rendre comme maîtres et possesseurs de la Nature« )

de l’instrumentalisation : jusque de soi et des autres…

En conséquence de quoi, « cette impuissance n’est pas le seul fait des politiciens fascinés par le monde _ et « modèle » en terme de succès d’approbation (et d’identification fantasmatique) _ du show-biz,

elle est caractéristique de l’idéal _ obscène ! _ de transparence _ fausse _ qui règne aujourd’hui presque sans partage.« 

Avec la conséquence, encore, d’« ironiser » _ en « bouffonnant«  _ sur « l’intime« …

Et, à la clé, ce constat politique : « la fragilisation réciproque de l’intimité et du lien démocratique est le signe d’une vulnérabilité commune«  aggravée, page 18…

On admirera la précision de finesse et la pertinence des commentaires, par l’auteur, de plusieurs livres importants passionnants (sans ménager, non plus, ses « critiques ») :

sans ordre (sinon celui d’apparition dans le livre), je relève, notamment :

de Hannah Arendt, « La Condition de l’homme moderne » (paru en traduction française aux Éditions Calmann-Lévy en 1961) ;

de Richard Sennett, « Les Tyrannies de l’intimité » (paru en traduction française aux Éditions du Seuil en 1979) ;

d’Anthony Giddens

_ dont la lecture m’a été recommandée naguère par Bernard Stiegler, à propos de mon propre questionnement sur « la rencontre » _,

« La Transformation de l’intimité _ Sexualité, amour et érotisme dans les sociétés modernes » (paru en français aux Éditions Hachette Littératures en 2004) ;

de Roland Barthes, les toujours si lumineux « Fragments d’un discours amoureux » (aux Éditions du Seuil, en 1977) ;

de Hegel, l’ultime « Cours de philosophie du droit » de 1831, dans l’édition et traduction de Jean-François Kervégan, des « Principes de la philosophie du droit » (parus aux PUF en 2003) ;

d’Erwing Goffman, l’inusable « Mise en scène de la vie quotidienne » (parue en traduction française aux Éditions de Minuit en 1973) _ je m’y suis référé dans mon essai « Cinéma de la rencontre : à la ferraraise » _ ;

une magnifique (!!!) analyse _ en « Intermède », aux pages 99 à 106 _ de l' »Adolphe » de Benjamin Constant, en 1816 ;

de Wendy Brown, « Les habits neufs de la politique mondiale _ Néolibéralisme et néoconservatisme« , édités aux Prairies ordinaires en 2007 _ et d’une actualité brûlante ! au moins depuis ce 4 novembre aux États-Unis ainsi que, d’un coup, tout le reste du monde (en « crise ») !… _ ;

d’Axel Honneth, « La lutte pour la reconnaissance » (paru en traduction française aux Éditions du Cerf en 2000) et « La Société du mépris » (aux Éditions de La Découverte en 2007) ;

etc…

Bref,

« La Privation de l’intime_ mises en scène politiques des sentiments » de Michaël Foessel est un livre d’urgence

de salubrité publique démocratique :

la faillite de la dérégulation (« ultra-libérale ») des marchés,

et la désactivation écervelée de l’État,

rendent,

dans l’aval du tissu se déchirant de plus en plus violemment des relations sociales, aussi,

un correctif,

tant politique qu’existentiel,

urgemment nécessaire ;

pour ne rien dire de l’état _ pénible _ des « rapports-à-l’autre » « personnels »

et de la confiance (ou « crédit »), en crise quasi généralisée,

maintenant…

La paix,

la paix civile, comme la paix internationale,

et encore la paix entre les personnes particulières,

est une construction patiente et intelligente des cœurs

_ et sans relâchements _ ,

nous apprend le grand Spinoza,

en son « Traité politique« …

Elle n’a pas besoin, pour exister, d’un pouvoir _ de type « Big Brother » (de « 1984« ) _ de « tout surveiller » et encore moins « tout contrôler » : « totalitaire », même soft ;

elle repose d’abord sur de la confiance,

au quotidien des mœurs (ou de la « sittlichkeit« , selon l’analyse hégelienne) ;

ainsi qu’une part non négligeable de tolérance assumée,

et de discrétion (« retenue »)

à l’égard de l’intimité des personnes ;

depuis l’avènement de la modernité,

ainsi que de pacifications collectives successives, et si difficiles à forger, de la part des personnes :

dont un excellent exemple (de « modernité ») nous est confié par l’écriture « libre » de Montaigne, s’y livrant, en ses « Essais« …

Titus Curiosus, ce 11 novembre 2008

Photographie : Sans Titre, © Bernard Plossu

musiques d’intimité (suite) : du noté à la réalisation _ « retrouver les couleurs sonores » d’un « pays » quitté

05oct

A propos du CD : « Manuscrit Susanne Van Soldt _ Danses, chansons & psaumes des Flandres, 1599« , par Les Witches (CD Alpha 526).

En complément à l’additif à mon article récent à propos des musiques « terminales »,

concernant les musiques « de l’intimité »,

le CD « Manuscrit Susanne Van Soldt _ Danses, chansons & psaumes des Flandres, 1599« , par Les Witches (CD Alpha 526) vient apporter un fort intéressant éclairage historique, en plus _ et d’abord ! _ d’une interprétation magnifiquement pleine de vie…

Car si le manuscrit portant le nom de la jeune fille (d’origine anversoise : Susanne Van Soldt) qui avait noté « à l’encre et à la plume » ces « psaumes« , ces « chansons » et ces « danses » des pays de Flandres _ que sa famille (anversoise) et peut-être elle-même (si elle était alors née) avai(en)t dû quitter pour causes d’effoyables guerres et persécutions religieuses _,

car si ce manuscrit, donc,

était bien connu du cercle _ assez restreint _ des musicologues

ainsi que des musiciens

familiers (à l’étude et/ou au concert) des musiques de cette période (de fin de la Renaissance) ou de ces territoires des confins (méridionaux) néerlandais ;

la plupart

_ à commencer, déjà, par les interprètes musiciens eux-mêmes :

quelque chose devant s’en entendre

(ou plutôt devant « manquer » d’être effectivement entendu _ perçu et compris ;

et sans qu’on en ait, le plus souvent, conscience, la plupart du temps

pour la plupart de ceux des auditeurs, en aval, qui n’ont pas une oreille assez avertie pour ressentir et repérer,

en aval, donc,

un tel « manque »… _

faute d’avoir été, « cela »,

en amont,

effectivement « repéré », « compris » et assimilé et « incorporé », dans l’interprétation physique de ce qui était écrit ; puis lu :

par les interprètes, qui nous restituent, à nous, auditeurs, en aval donc, les couleurs des sonorités physiques de cette musique

telle qu’elle dût jaillir du « génie » de ses auteurs _ compositeurs : divers, et populaires, à foison, ici _ ;

et qui, quelque jour, un jour, fut « notée »…)_ ;

la plupart, donc, des « connaisseurs » de ce manuscrit

et interprètes

_ y compris au disque : ainsi le récent CD interprété sur virginal par Guy Penson (« The Susanne van Soldt Virginal Book (1599)«  CD Ricercar 264) _

de la musique qui y était « notée », écrite (« à l’encre et à la plume« )

n’y « entendaient »

_ et donc n’en donnaient à « entendre » (au double sens d’écouter et de comprendre, aussi) _

que des « transcriptions » pour clavier

à la portée d’un _ ou d’une _ interprète, par exemple « amateur »

_ apprenant à jouer, par exemple… _,

plus ou moins néophyte _ telle que pouvait être la jeune Susanne Van Soldt elle-même,

âgée, semble-t-il, de treize ans (s’il s’avère bien qu’elle est née en 1586, comme des recherches en justifient l’hypothèse) ;

et des « transcriptions »

d’intérêt guère plus qu' »ethno-musicologique », en quelque sorte (voire « folklorique »),

ou que « technique »

_ tant pour « se faire les doigts »,

que pour s’initier à _ ou « assimiler », « s’incorporer » _ un style

(le style disons, ici, « de la Renaissance tardive »,

juste avant l’éclosion

_ italienne : à Mantoue, et puis bientôt Venise, avec Claudio Monteverdi

_ dont la discographie d’excellence est très heureusement riche _ ;

à Florence, avec Giulio Caccini

_ cf le très bel enregistrement de son « Euridice« , par « Scherzi Musicali », sous la direction de Nicolas Achten, au théorbe (CD Ricercar 269) _

et Jacopo Peri, autour de la Camerata Bardi ; ainsi qu’à Rome, avec Emilio De’ Cavalieri

_ cf l’interprétation merveilleuse des « Lamentations » (« Lamentationes Hieremiae Prophetae« ) du « Poème Harmonique » dirigé par Vincent Dumestre : CD Alpha 011)  :

qu’on se précipite sur les enregistrements disponibles de ces « génies » si poétiques !… _;

juste avant l’éclosion, donc, de

ce qu’on va _ bien a posteriori, toujours !.. _, nommer

le style « baroque » musical) ;

des « transcriptions » d’intérêt « ethno-musicologique » ou « technique », donc,

bien davantage _  hélas, alors _ que d’un « intérêt » _ ou d’un « goût, sinon même  ! _ véritablement musical…

Même si le pire n’est _ heureusement _ pas toujours le plus sûr…

Or, l’éditeur (discographique : créateur et directeur _ = « âme » _ d’Alpha Productions) Jean-Paul Combet, qui lui-même avait « pratiqué » ce « cahier de musique » en des temps d’exercices « personnels » de divers claviers _ dont celui de l’orgue _,

l’avait « entendu », de sous ses doigts mêmes, « d’une tout autre oreille » ;

et, qui plus est, sans jamais l’oublier _ perdre de vue (en l’occurrence, d' »oreille ») _,

comme tout ce qui peut « marquer » précisément une « âme » ;

et lui imprimer, pour jamais, un pli…

_ sur le pli, lire Deleuze : « Le pli : Leibniz et le baroque« …

Ainsi ces musiques « notées » en son cahier personnel, ou familial, par la jeune Susanne Van Soldt,

continuaient-elles de lui trotter « dans » quelques recoins un peu reculés, enfouis, perdus des (riches, à proportion d’une « culture » incorporée) labyrinthes de « la tête »,

l’amenant à « penser » qu’il ne s’agissait pas là

de musiquettes « réduites »

pour des pièces (de clavier) un peu simples, voire « simplettes », pour jeune fille claviériste _ de treize ans ? _ « se faisant les doigts », à l’épinette (ou « virginal« ), à ses « heures perdues »,

en quelque intérieur

_ à la Vermeer : comme, en leur radieuse « présence », ces « intérieurs« -là, de Vermeer, se « voient » ! _

« bien tenu » :

à Londres, désormais, pour la jeune Susanne

(la Londres d’Elizabeth Ière, en 1599 :

dont le fier règne s’est étendu du 17 novembre 1558,

_ à la mort de sa sœur Marie Tudor, dite la sanglante _ « Bloody Mary » _,

au 24 mars 1603, quand la « reine-vierge » meurt à son tour, au palais de Richmond ) ;

à défaut de l’Anvers que venait de « prendre » _ le 17 août 1585, après un terrible siège d’un an _ et « ré-occuper » les troupes espagnoles d’Alexandre Farnèse, au service de Philippe II _ puis, sous d’autres généraux (Farnèse, lui, meurt le 2 décembre 1592), du roi son successeur, Philippe III, sur le trône d’Espagne,

puisque Philippe II vient de mourir à l’Escorial, le 13 septembre 1598 ;

en fait, Philippe II a choisi de laisser le trône des Pays-Bas à sa fille aînée (adorée) l’archiduchesse Isabelle (1566-1633) qui épouse

_ la cérémonie se déroulera à la cathédrale de Valence le 18 avril 1599,

conjointement avec la célébration « royale » du mariage de son frère cadet, le tout nouveau roi Philippe III, avec sa cousine l’archiduchesse Marguerite d’Autriche _ ;

Philippe II a choisi, en son testament, de laisser le « trône » des Pays-Bas (à Bruxelles) à sa fille aînée (adorée) l’archiduchesse Isabelle, donc, qui épouse

ce 18 avril 1599 son cousin Albert de Habsbourg, fils de l’Empereur Maximilien II _ et gouverneur des Pays-Bas depuis le 11 février 1596 : leur règne sera _ du moins est-ce ainsi que les historiens le « reconnaissent »… _ paisible et de prospérité…

A la capitulation d’Anvers, l’automne 1585, la ville se vide de presque la moitié de la population, qui quitte  _ et s’expatrie, pour toujours, de _ la ville (et du pays) occupé(s), et cela pour des raisons de pratiques confessionnelles absolument proscrites.

La famille de Susanne Van Soldt fit partie _ à quelle date ? dès 1585 ? l’année suivante ? un peu plus tard ?.. _ de ces « 40 % » d’émigrants-là, de Flandres,

« fuyant » son « pays »

« pour échapper aux folies d’une époque en proie aux pires persécutions religieuses« , écrit Jean-Paul Combet en sa courte présentation du CD, page 3…

Les « Pays-Bas » du Sud vont demeurer _ et pour longtemps : jusqu’aujourd’hui !_, « séparés » des « Provinces-Unies » du Nord _ nées de l' »Union d’Utrecht« , le 5 janvier 1579 ;

et dans le giron, eux, de l’église catholique et romaine

qui fait triompher, par toute la « culture » et dans les Arts (de ce qui deviendra en 1830 « la Belgique »), le style dit « baroque »

(de la Contre-Réforme, reconquérante, désormais :

ce n’est qu’en 1648 que le Traité de Westphalie viendra _ à peu près _ mettre un terme (grâce à un accord sur le principe simple : « cujus regio, cujus religio« ) aux pires exactions de ces si longues et si destructrices « guerres de religion« , qui,

d’avoir mis l’Europe « à feu et à sang »,

l’ont « saignée à blanc »…) :

ainsi la ville d’Anvers est-elle peut-être d’abord pour nous

la cité de Pierre-Paul Rubens (1577 -1640), le « magnifique »…

_ soit un exact contemporain, anversois à Anvers (et de par toute l’Europe, diplomatiquement)

de Susanne Van Soldt, anversoise de Londres, elle…

« Vers 1599« , la date approximative d’attribution par les musicologues

de la rédaction « à l’encre et à la plume » par Susanne Van Soldt de son cahier manuscrit de musique,

cela faisait quatorze ans que le pays natal (Anvers) avait été quitté,

peut-il se calculer…

Et Susanne a treize ans.

Lui _ Jean-Paul Combet, donc _ « y » (= la musique « notée ») « entendait » un peu plus qu’une « réduction pour clavier »… ;

ou plutôt, il assignait à cette « réduction pour clavier » une fonction tout autre _ et de plus d’ampleur _ qu’une interprétation « solitaire » : rêveuse et mélancolique ; sur un virginal, ou épinette ;

je le cite, toujours à la page 3 du livret du CD :

« Le matériau musical semble a priori _ c’est-à-dire « apparaît » ; et antérieurement à (la pratique de) l’expérience _ modeste ; des pièces dans l’ensemble faciles à jouer au clavier pour une très jeune exécutante« …

Rien moins, cependant, en fait, que tout un « matériel » (de base) pour (pratiquer _ à plusieurs ! _ des) « musiques d’ensemble d’intimité » festives ;

c’est-à-dire des musiques pratiquées festivement en famille

_ et avec un cercle élargi d’amis (flamands) _,

par un ensemble _ ou consort (en anglais) _ de « voix », tant instrumentales que vocales _ selon les pratiques dominantes du temps ;

loin de « pièces pour concert » de cour (et solistes virtuoses)

que privilégient aujourd’hui _ et pratiquent _ les interprètes _ au concert comme au disque _ récitalistes ;

et que,

en « aval »

de cet « amont » (des concertistes),

« connaissent » seulement ceux qui n’ont _ indirectement _ accès, par ricochets en quelque sorte, qu’au disque ou au concert,

sans pratiquer eux-mêmes, et avec d’autres (des amis musiciens, pour le seul plaisir de « jouer » ensemble ; et pas de « se produire en concert » devant d’autres), cette musique (de « consort ») « à jouer »…

Un répertoire idéal pour « Les Witches » : auxquels (l’éditeur _ des CDs Alpha) Jean-Paul Combet les a « proposées » :

« Il fallait la touche de magie des Witches pour rendre _ restituer le dû ! _ à ces réductions

_ car voilà bel et bien ce qu' »étaient » ces pièces (et leur « fonction » éminemment pratique ! A re-déployer dans toute leur ampleur !!!) _

leur dimension

_ collective festive (dans le cadre familial, restreint ou élargi : à d’autres anversois et flamands immigrés, eux aussi, à Londres !!! et qui n’oubliaient pas d’où ils venaient…) _

première,

spirituelle pour les psaumes à jouer « ès maisons »,

ou quasi obsessionnelle pour les branles & rondes à danser

« sans rien dire », cela va de soi »

_ Jean-Paul Combet a commencé cette préface en citant, en exergue, la chanson inoubliée de Jacques Brel

(dont on célèbre le 9 octobre, dans quatre jours, le trentième anniversaire de la disparition :

de nombreux Cds _ de commémoration… _  sont déjà disponibles sur ce marché _ « vendeur » et légitime, pour une fois… : pour ceux qui voudraient se faire une cure revigorante de « Brel » _ et sa formidable « présence » !…) :

« Les Flamandes dansent sans rien dire…« …

Musique sacrée, musique profane ; les deux volets de la musique d’alors _ en son intimité ;

et pas une musique de concert, pas une musique de cour…


Et les Witches, ce sont

l’orgue positif _ d’inspiration germanique _ Quentin Blumenroeder, le cistre _ d’après un modèle italien du XVIe siècle _, le virginal double (muselaar et muselardon _ ou « child virginal« ) d’après Rückers, de Freddy Eichelberger ;

le violon _ italien (école de Brescia, XVIIe siècle) _, d’Odile Edouard ;

les flûtes à bec soprano _ d’après un instrument du château de Rosenborg (Danemark) _, alto _ d’après Ganassi _, ténor _ le premier, d’après Rafi, le second, d’après un anonyme du musée de la musique à Paris _, les flûtets à trois trous, de Claire Michon ;

la base de viole _ « le roi David« , d’après un modèle anglais _, de Sylvie Moquet ;

ainsi que le luth Renaissance, la guiterne, de Pascale Boquet ;

auxquels ont été joints , amis invités,

pour cette fête de musique,

la cornemuse du Poitou, de Mickaël Cozien ;

le rommelpot (ou tambour à friction flamand), le tambour catalan, le tambour à cordes, les tambours sur cadre (Daf de Syrie, Daf de Turquie), les grelots (d’Inde), de Françoise Rivalland ;

et l’orgue Brabantsche Rond et le muselaar (ou « mother virginal« ), de Sébastien Wonner :

soit une bien belle réunion d’instruments

et d’instrumentistes-musiciens « sorciers » (tous « witches« …)

pour cette « fête » flamande londonienne, de 1599…

Jean-Paul Combet remarque aussi combien, dans les « peintures flamandes du XVIIème siècle » _ en commençant, peut-être par celles des Breughel, père et fils _,  « la fête est presque toujours empreinte de sérieux sinon de gravité« …

Aussi « imagine« -t-il « ainsi _ au présent de l’indicatif, désormais _ Susanne, cette petite fille flamande _ expatriée (= immigrée) à Londres _

dont nous ne saurions rien si elle n’avait copié dans son _ intime _ cahier de musique les danses & chansons qu’elle aimait,

joyeuse et grave,

retrouvant en Angleterre sur le pupitre de son virginal _ ou épinette _

les couleurs sonores de son pays natal« …

L’affaire

(de la « réalisation » physique sonore _ pardon de ces pléonasmes ! _

ainsi que musicale _ quant à l’interprétation _

à l’enregistrement du CD ainsi qu’aux concerts !)

prit son temps ;

mais fit, peu à peu, son chemin _ en les interprètes invités, soient les Witches, à s' »y » pencher quelque peu dessus _ ;

et vient d’aboutir à ce disque si riche de vie,

si magnifiquement (et justement) coloré

(ce CD Alpha 526 « Manuscrit Susanne Van Soldt _ Danses, chansons & psaumes des Flandres, 1599« ) ;

ainsi qu’à des concerts _ festifs, comme cela se doit tout particulièrement pour ce répertoire ! _,

notamment à celui de l’Académie Bach d’Arques-la-Bataille, ce mois d’août 2008 :

interprétations-réalisations sonores et musicales assez éblouissantes en leurs pulsations

afin de ressusciter des phrases _ tant musicales, que celles des psaumes eux-mêmes ; mais aussi des chansons _ qui n’attendaient _ depuis un peu longtemps, peut-être _ que cela, pour se dés-engourdir ;

et danser ;

chanter ;

retentir de nouveau…

Ce quon peut attendre d’une interprétation musicale : faire résonner, retentir, mais aussi faire ressentir les moindres nuances d’accentuation, de ce qui une fois fut « noté » sur papier ; fut écrit…

On sait bien que tout n’est pas écrit, en musique ;

surtout en ces temps-là…

En tout cas, le Cd nous les donne (= les « rend« , les « restitue »),

ces phrases qui parlent, qui chantent, qui dansent bien haut,

en leur rythme syncopé _ ce qu’il faut, « sur le vif » !.. _

et fraîcheur native ;

comme il se doit pour toute musique interprétée (= « jouée »), bien sûr !!!

Pour finir, je dois encore témoigner du formidable succès des Witches au concert,

de la jubilation des publics,

et de la joie personnelle de l’initiateur de ce CD Alpha 526…

Titus Curiosus, ce 5 octobre

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