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Cyrille Dubois, et le très notable renouveau des ténors français : poursuite d’une très précieuse tradition et riches singularités…

25nov

Le mardi 5 novembre dernier, j’ai relevé la réussite parfaite

du jeune ténor français Cyrille Dubois

dans un récital de Lieder et mélodies de Lisz, O Lieb ! (avec le pianiste Tristan Raës),

soit le CD Aparté AP 200 :

Et,

comme pour poursuivre mon article d’hier

consacré au magnifique ténor français Benjamin Bernheim

,

voici que je découvre ce matin

sur le blog Discophilia de Jean-Charles Hoffelé,

un bel article consacré à Cyrille Dubois et ce CD O Lieb !,

intitulé Sur les ailes du chant :

SUR LES AILES DU CHANT

Les ténors se sont peu risqués _ en effet _ aux lieder comme aux mélodies de Liszt au disque, Ernest Haefliger, Nicolaï Gedda s’y sont penchés, l’un et l’autre tardivement, mais avec encore tout leur art, exceptions heureuses _ bien sûr : deux très grands !

Territoire souvent par annexion des « voix moyennes », mezzos, barytons, le ténor est pourtant chez lui ici, bien sûr dans les redoutables mélodies sur les vers de Victor Hugo – pour le célèbre Oh quand je dors, Cyrille Dubois préfère la seconde version, plus contournée – mais aussi lorsque Liszt débusque avec génie le lyrisme de Goethe ou de Heine _ des poètes majeurs…


Cyrille Dubois les éclaire avec ce timbre si net _ oui _, ce vibrato de flûte, cette voix longue et si française _ absolument ! _ qu’on reconnaissait hier un peu chez Paul Derenne, beaucoup chez Eric Tappy (lequel aimait regarder les mélodies de Liszt, mais n’y touchât guère), affaire de ténor et de ténor avec aigu, qui peuvent se mesurer aux sopranos lesquelles auront peu parcouru ces opus éparses, sinon Hildegard Behrens pour un album fugitivement publié par Deutsche Grammophon, merveilleuse comète filante.


Et bien voilà, maintenant cette part charmeuse et aventureuse _ tiens, tiens… _ de Liszt et jusqu’au génial Freudvoll und Leidvoll aura trouvé cette voix venue d’ailleurs _ oui ! très marquante dans son infinie tendresse ; et sans jamais rien forcer ; tout est dans la douceur _, encorbellée par la piano harpe de Tristan Raës, mieux qu’un accompagnateur, un amoureux qui fait son clavier aussi chantant que la voix qu’il emporte.

LE DISQUE DU JOUR


Franz Liszt (1811-1886)


Hohe Liebe, S. 307
Jugendglück, S. 323
Liebestraum „O lieb“, S. 298
Morgens steh’ ich auf und frage (2e version), S. 290/2
Es rauschen die Winde (2e version), S294/2
Die Loreley (2e version), S. 273/2
Freudvoll und Leidvoll II, S. 280/2
Vergiftet sind meine Lieder, S. 289
Bist du, S. 277
Was Liebe sei (1re version), S. 288/1
Die Zelle in Nonnenwerth (4e version), S. 274/2
Nimm einen Strahl der Sonne, S. 310
Laßt mich ruhen, S. 314
Schwebe, schwebe blaues Augen (1re version, posthume), S. 305/1
Der Fischerknabe (1re version), S92/1
S’il est un charmant gazon (1re version), S. 284
Enfant, si j’étais roi (2e version), S. 283/2
Oh ! quand je dors (2e version), S. 282/2
Comment, disaient-ils (2e version), S. 276/2
Angiolin dal biondo crin (2e version), S. 269/2
3 Sonnets de Pétrarque (1re version), S. 270/1

Cyrille Dubois, ténor
Tristan Raës, direction

Un album du label Aparté AP200

Photo à la une : le ténor Cyrille Dubois – Photo : © DR

Ce merveilleux CD Liszt _ un CD majeur de l’année 2019 ! _ de Cyrille Dubois

a peu à voir avec le superbe CD carte de visite de Benjamin Bernheim ;

il n’empêche : voici deux superbes jeunes ténors _ tous deux ont 34 ans _

magnifiques dans la continuation de la tradition si précieuse pour nous du _ bien spécifique _ chant français !

Et chacun d’eux parfaitement reconnaissable et singulier…

Ce lundi 25 novembre 2019, Titus Curiosus – Francis Lippa

Au comble du mozartien : le CD « The Jupiter project _ Mozart in the nineteenth-century drawing room »…

08sept

Pour pénétrer au cœur le plus mozartien

du mozartien de Mozart (1756 – 1791),

plusieurs voies d’accès sont possibles :

parmi elles, certaines transpositions-réductions d’œuvres orchestrales

_ en une tradition spécialement londonienne, pour un ensemble de quatre instruments, dit Ensemble Jupiter, à partir de la transposition de la Symphonie Jupiter de Mozart ; transposition publiée à Londres en 1822… _,

par exemple ici, en ce CD Hyperion CDA 68234 intitulé The Jupiter project _ Mozart in the nineteenth-century drawing room,

par David Owen Norris au piano,

Katy Bircher à la flûte,

Caroline Baldwin au violon

et Andrew Skidmore au violoncelle,

les transpositions-réductions

des Ouvertures de La Flûte enchantée K. 620 et Les Noces de Figaro, K 492, par Johann Nepomuk Hummel (1778 – 1837), pour un quartetto constitué d’un piano-forte, une flûte, un violon et un violoncelle, dit, donc, Ensemble Jupiter ;

du Concerto pour piano N° 21 K. 467, par Johan Baptist Cramer (1771 – 1858), en 1827, pour ce même quartetto, dit Ensemble Jupiter ;

et de la Symphonie N° 41 Jupiter K. 551, par Muzio Clementi (1752 – 1832), en 1822, pour cet Ensemble Jupiter.


Le résultat est d’un charme _ mozartien !!! _ vif et troublant.

Et dénote le développement du goût pour Mozart dès le début du XIXe siècle en Europe.

Une très grande réussite discographique.



Ce dimanche 8 septembre 2019, Titus Curiosus – Francis Lippa

Ce que le philosopher aujourd’hui peut apprendre du philosopher des Stoïciens tardifs : Thomas Bénatouïl mardi prochain à la Librairie Mollat pour la seconde conférence de la saison 2009-2010 de la Société de Philosophie de Bordeaux

07nov

Mardi prochain, 10 novembre, les Salons Albert-Mollat de la rue Vital-Carles recevront Thomas Bénatouïl sur le sujet, passionnant, de « Peut-on encore être stoïcien ? A propos de la philosophie comme pratique« …

« Pourquoi s’intéresser aujourd’hui à Épictète et Marc Aurèle ? Après avoir présenté la spécificité des deux représentants les plus connus du stoïcisme par rapport aux autres philosophes de l’Antiquité, la conférence examinera dans quelle mesure leur conception pratique de la philosophie est toujours pertinente. Le retour actuel de la « philosophie comme manière de vivre » est-il fidèle au stoïcisme impérial ? et philosophiquement intéressant ? Thomas Bénatouïl donnera plusieurs raisons d’en douter _ ah ! ah ! _ et suggèrera une autre manière _ voilà… _ de faire usage du stoïcisme » _ passionnant !..

Nul doute que les travaux récents de Thomas Bénatouïl, « Les Stoïciens III _ Musonius, Épictète, Marc-Aurèle« , comme « Faire usage : la pratique du stoïcisme« , vont nous permettre, en cette occurrence et opportunité _ à ne pas laisser passer… _ de mieux nous _ chacun… _ confronter, grâce aux interrogations que cette conférence ne va pas manquer de susciter et provoquer, même _ on ne peut plus directement ! malicieusement même, peut-être… _, à ce que peut être (ou ne peut pas être : nous l’apprendrons surtout alors !..) l’activité de « philosopher » aujourd’hui, en regard (ou pas) à l’activité de « philosopher » des Stoïciens tardifs, et les plus célèbres (dont soient les écrits même nous ont été conservés et transmis _ c’est le cas du « Journal » personnel : « pour lui-même » ! de l’empereur Marc-Aurèle _ ; soient les pratiques, les conversations _ ou « entretiens« , voire « dialogues« … ; ou discours, ou simples paroles, sinon « leçons« _ nous ont été d’une quelconque façon, parfois tant bien que mal, « rapportés » par d’autres : disciples, élèves, admirateurs ou fidèles _ dans le cas d’Epictète ou de Musonius… La tradition philosophique faisant, à côté (et en plus) des chaos et violences de l’Histoire (peu avare à ces égards), ses « tris« …

Probablement Thomas Bénatouïl évoquera-t-il, au moins, les pistes tracées ces derniers temps, quant au sens même du « philosopher » lui-même dans les diverses Antiquités (gréco-latines, pour commencer…), par Pierre Hadot : auteur des « Exercices spirituels et philosophie antique » et d' »Apprendre à philosopher dans l’Antiquité » et « Introduction aux Pensées de Marc-Aurèle : la Citadelle intérieure » ; cf aussi ses entretiens « La Philosophie comme manière de vivre« , avec Jeannie Carlier et Arnold Ira Davidson…

Voici une appétissante et fort judicieuse présentation des travaux de Thomas Bénatouïl accessible sur le site des Agendas de Mollat.com :

Mardi 10 Novembre 2009 à 18h00 : Thomas Bénatouïl

Les derniers stoïciens…


Image manquante

Épictète (50-130) et Marc Aurèle (121-180) sont les derniers, mais les mieux connus, des Stoïciens de l’Antiquité _ avec Sénèque (vers 4 av. J.-C. – 65 apr. J.-C.)… Né vers 300 avant Jésus-Christ, le stoïcisme, fondé par Zénon de Kition à Chypre, a dominé la scène intellectuelle grecque puis romaine, influencé les idées sociales et politiques durant cinq siècles _ donnée factuelle à apprécier… Son enseignement repose sur une tripartition de la philosophie en physique, éthique et logique. Mais les ouvrages de la grande majorité des auteurs stoïciens ont été _ hélas _ perdus : on ne les connaît que par ce que d’autres auteurs rapportent _ voilà _ d’eux. Pour Épictète et Marc Aurèle, qui ont vécu aux Ier et IIe siècles après Jésus-Christ, leur pensée a été préservée _ jusqu’à nous _ grâce à des disciples _ oui _ qui ont mis par écrit leur enseignement (pour Épictète et Musonius) ou conservé (pour Marc Aurèle) le « journal philosophique » qu’il tenait et qui constitue l’une des œuvres littéraires et intellectuelles les plus singulières _ oui ! _ de l’histoire, non seulement parce que son auteur était l’empereur de Rome, mais aussi par son style _ admirable ! _ et son approche _ bousculante _ de la philosophie.

Le stoïcisme impérial est souvent réduit _ par la « tradition«  ou l’enseignement le plus courant _ soit à un résumé des premiers stoïciens _ seulement... _ ; soit à une philosophie purement éthique, qui aurait délaissé toute spéculation logique et cosmologique. En réalité, ces stoïciens-là se concentrent _ c’est une « focalisation » ! _ sur la dimension pratique et pédagogique de la philosophie _ voilà ! un besoin s’en faisant alors urgemment « sentir« Ils se demandent ce que signifie concrètement « être stoïcien » : s’agit-il seulement d’adhérer à certaines thèses ? S’agit-il aussi de les appliquer ? Comment les mettre en œuvre dans notre vie quotidienne ? Rares sont les philosophes, même dans l’Antiquité _ qu’en pense un Pierre Hadot ?.. _, qui traitent sérieusement des questions d’intendance intellectuelles !

Si Épictète et Marc Aurèle ne négligent pas les démonstrations des principes, ils montrent qu’elles ne suffisent pas. Et cela ne concerne pas seulement l’éthique. Comprendre la physique suppose de voir le monde à travers _ aussi _ ses principes. Maîtriser la logique exige d’appliquer ses règles, quel que soit le sujet _ cela menant forcément très loin… Ce dernier stoïcisme a influencé discrètement, mais de manière décisive, des auteurs aussi divers que Montaigne, Spinoza, Shaftesbury, Kant, Nietzsche, Deleuze ou Foucault _ voici des ouvertures passionnantes !..

Thomas Bénatouïl est maître de conférences à l’université de Nancy, spécialiste de philosophie antique, en particulier du stoïcisme. Il a publié « Le Scepticisme » (G-F, collection « Corpus« , 1997), « Matrix, machine philosophique » (2003, avec Alain Badiou, Élie During, Patrick Maniglier, David Rabouin et Jean-Pierre Zarader), « Faire usage : la pratique du stoïcisme » (2006) et « Les Stoïciens III _ Musonius, Epictète, Marc-Aurèle » (paru le 15 septembre 2009).

A mardi !

Ne manquez pas une « rencontre » passionnante : quand un (jeune) philosophe au travail vient jusqu’à vous

vous présenter l’état présent de sa recherche _ probe, exigeante, et on ne peut plus concrète par ses nécessaires « applications » pratiques !!!

Au fait,

quelle saveur a donc le « vivre » sans le « philosopher » ?..

Titus Curiosus, ce 7 novembre 2009

Trois nouvelles merveilles musicales, encore, de « style français », en CD : des oeuvres de Gottlieb Muffat, Jean-Philippe Rameau et Gabriel Fauré

09mai

Trois nouvelles merveilles de musique (ainsi que d’interprétations) d’œuvres de goût et style français, proposées ces derniers jours au disque (en 4 CDs) :

_ le double album des « Componimenti Musicali per il Cembalo«  (à Vienne, vers 1736) de Gottlieb Muffat (Passau, 1690 – Vienne, 1770), par la claveciniste Mitzi Meyerson :

soient les CDs Glossa GCD 921804 ;

_ les « Concerts mis en simphonie » qu’Hugo Reyne nous propose des « Concerts de Pièces de Clavecin, avec un Violon et une Viole, ou un 2e Violon ; par Mr. Rameau. 1741 » ;

ainsi que de la « Gavotte et ses doubles » (de la « Suite en la« ) qui concluent le « Troisième Livre » des « Pièces de clavecin » (en 1728) de ce même Jean-Philippe Rameau (Dijon, 1683 – Paris, 1764),

par La Simphonie du Marais, que dirige Hugo Reyne :

soit le CD Musiques à la Chabotterie 605006 ;

_ et le récital « Gabriel Fauré : violon, violoncelle, flûte, piano & orchestre« , soit un choix de 7 « œuvres concertantes : miscellanées«  (ainsi que le formule la livrettiste du CD, Hanna Krooz) de Gabriel Fauré (Pamiers, 1845 – Paris, 1924) :

en l’occurrence, la « Ballade » pour piano & orchestre opus 19 (de 1879-1881) ; la « Berceuse » pour violon & orchestre opus 16 (de 1878-1880) ; l' »Élégie » pour violoncelle & orchestre opus 24 (de 1883-1897) ; le « Concerto » pour violon & orchestre opus 14 (de 1878-1879) ; la « Romance » pour violoncelle & orchestre opus 69 (de 1894) ; la « Fantaisie » pour flûte & orchestre opus 79 (de 1898) ; et la « Fantaisie » pour piano & orchestre opus 111 (de 1918),

par Jean-Marc Phillips-Varjabédian, violon, Henri Demarquette, violoncelle, Juliette Hurel, flûte, Jérôme Ducros, piano, et l’Orchestre de Bretagne que dirige Moshe Atzmon :

soit le CD Timpani 1C1172.

« Merveilles », tant pour ce qu’il en est des œuvres que pour les interprétations, et à des titres divers, ainsi qu’on va le découvrir :

Pour Rameau, l’œuvre _ « Concerts de Pièces de Clavecin, avec un Violon et une Viole, ou un 2e Violon« , en 1741 _ est déjà bien connue ;

mais c’est ici une « mise en symphonie » de ces cinq « Concerts » que nous propose, avec une particulièrement magnifique intelligence du processus de ce qu’est la « concertation« , à partir d’un « Avis aux Concertans » (sic) du compositeur lui-même, sur la partition de 1741, Hugo Reyne,

prenant, le premier, recul sur l’habitude incrustée et fossilisée jusqu’ici, car pas assez réfléchie (re-visitée ; et donc « à re-penser » !) d’interprètes précédents (Daniel Cuillier, en 1992 ; Christophe Rousset, en 2000) ; qui se fiaient trop littéralement à la lettre d’un « arrangement« , postérieur (en 1768) de quatre ans à la mort du compositeur (survenue le 12 septembre 1764) de ces « Concerts de Pièces de Clavecin, avec un Violon et une Viole, ou un 2e Violon » ; et conservé à la Bibliothèque nationale de France :

cet « arrangement » de 1768 « est constitué _ je cite ici l’excellente présentation de son travail par Hugo Reyne à la page 4 du livret du CD _ de 5 parties séparées manuscrites pour 3 violons, alto et basses« . Mais, précise on ne peut plus justement Hugo Reyne, « les faiblesses de l’arrangeur sont de reprendre à l’identique certaines formules idiomatiques du clavier alors qu’il _ le transcripteur _ passe d’un instrument harmonique (le clavecin) à des instruments mélodiques (les violons).« 

Hugo Reyne précisant : « Par exemple, les arpèges de clavecin sont retranscrits _ paresseusement _ tels quels, passant maladroitement d’un instrument à un autre. Cette transcription attribue la main droite du clavecin au 1er violon, la main gauche aux basses, et le violon originel à un 2nd violon, ce qui est logique. Par contre, autre faiblesse, la viole (ou le 2nd violon) est distribuée à un 3ème violon qui se retrouve souvent à l’octave des basses ou à l’unisson de l’alto ; tandis que ce dernier se nourrit des notes du milieu du clavier et fonctionne _ oh le vilain processus en « musique baroque«  : rien ne devant jamais simplement « mécaniquement«  y « fonctionner«  !!! _ fréquemment à l’octave du 2nd violon. La partie des basses se divisant en 2 voix par moments ; et l’expression romantique « en sextuor » a été ajoutée par Saint-Saëns en 1896, lors de la publication des œuvres de Rameau sous sa direction » _ c’est en 1895 que Charles de Bordes, Vincent d’Indy et Camille Saint-Saëns avaient entrepris une édition des « Œuvres Complètes » de Jean-Philippe Rameau, à paraître aux Éditions Durand ; les publications s’échelonnèrent de 1895 à 1918, mais l’entreprise demeura inachevée : seulement 18 volumes ayant paru…

Hugo Reyne situe ainsi son travail ici par rapport à une tradition d’interprétation trop ankylosée depuis le revival de la fin du XIXème siècle, sous l’impulsion de l’équipe de la Schola Cantorum (inaugurée le 15 octobre 1896, autour des mêmes Charles de Bordes, Vincent d’Indy, etc.) :

« Cette édition des « Six Concerts en sextuor«  (le manuscrit _ de 1768 _ ajoutait effectivement un 6ème Concert, arrangé, lui, d’après des « Pièces de clavecin » _ de ce même Jean-Philippe Rameau) fit néanmoins les beaux jours de Rameau au 33 tours : les chefs Maurice Hewitt (dès 1952), puis Louis de Froment, Louis Auriacombe, Jean-François Paillard, Marcel Couraud, Jean-Pierre Dautel, etc. l’enregistreront avec leurs orchestres à cordes, perpétuant ainsi une tradition monochrome (cordes seules), oubliant malheureusement à quel point Rameau _ et cela, on ne le soulignera jamais assez !!! _ était un coloriste de l’orchestre. Les deux seules versions enregistrées à ce jour sur instruments anciens (Daniel Cuillier, en 1992, et Christophe Rousset, en 2000) proposent également cette version. »

Ce qui permet à Hugo Reyne de situer sa présente extrêmement bienvenue (et réussie !) « re-création » :

« Notre propos en enregistrant les « Concerts » est donc, un peu comme pour un tableau noirci, de retrouver _ en les ravivant _ ses couleurs d’origine (flûte, hautbois, basson). La comparaison va même plus loin, car les titres de chacune des pièces nous renvoient à l’univers pictural de ce milieu du XVIIIème siècle _ dont le livret offre de précieuses images (…) Nous avions à l’esprit l’image d’un petit orchestre de chambre entretenu par M. de La Pouplinière _ orchestre que dirigea Rameau lui-même vingt-deux ans durant ! de 1731 à 1753… _ ; et avons arrêté le nombre de musiciens-interprètes à treize : 3 violons I, 2 violons II, 1 alto, 2 violoncelles, 1 contrebasse, 1 flûte, 1 hautbois, 1 basson et un chef (nous-même, prenant la flûte pour « Les Tambourins« , « La Cupis » et « La Marais« ). »

« En ce qui concerne notre travail d’orchestration _ = de « mise en simphonie » ! ainsi que l’indique le titre même de ce CD : « Concerts mis en simphonie«  _, nous nous sommes référés à la phrase de l’« Avis aux concertans » de Rameau :

« le Quatuor y règne le plus souvent »

_ on appréciera la délicatesse du « jeu » ouvert par Rameau lui-même : en 1741, nous sommes encore dans l’ère (dite commodément par nous) « baroque » de l’interprétation…

Nous avons donc distribué notre partition en 4 parties : violon I (main droite du clavecin), violon II (violon originel), alto (viole ou 2nd violon) et basses (main gauche du clavecin et basses de la viole). La flûte et le hautbois venant _ très heureusement ! _ colorer les violons I ou II, le basson se mêler aux basses, et pour certaines pièces assurant des solos. (…)  Nous avons donc adapté les arpèges brisés du clavecin pour les approprier à la flûte. D’autres solos de bois sont confirmés _ et comment brillamment ! _ par Rameau dans ses opéras (les 2 flûtes de « La Cupis » _ dans un « Air tendre pour les Muses » du « Temple de la gloire« , en 1745 _, les petites flûtes du 1er « Tambourin » _ qui, provenant de l’ouverture de « Castor et Pollux« , en 1737, rejoindra le second « Tambourin » dans « Dardanus« , lors d’une reprise de ce dernier, en 1744 _, le hautbois et le basson du « 2nd menuet » _ dans « Les Fêtes de Polymnie« , en 1745 _, etc.) _ et c’est un point majeur, sinon crucial même, pour la compréhension de la musicalité propre de ces œuvres ! et donc leur plus juste interprétation ! Cependant, pour « La Livri« , nous avons préféré _ avis d’expert tout spécialement « musical«  _ renoncer à la version de « Zoroastre » _ la première de la « tragédie lyrique«  a lieu le 5 décembre 1749 à l’Académie royale de Musique _ afin de rester plus proche de l’écriture originelle de 1741, en donnant spécialement au basson la belle contrepartie de la viole ; et à l’alto l’arpègement syncopé de la main droite. Notre arrangement contient d’autres réjouissances encore, comme certains contrechants de flûte et hautbois dans « La Rameau » ou bien dans « La Marais » ; ou encore quelques ornements « à la Michel Legrand » _ why not ? si cette forme d’humour ou légèreté-là convient… _ dans « La Cupis« … »


« Enfin, nous devons signaler ici _ précise encore Hugo Reyne, à la page 5 du livret de ce CD _ l’existence d’un arrangement manuscrit contemporain de Rameau (conservé à la Bibliothèque nationale de Hongrie à Budapest) très mal réalisé, et qui n’a pas pu être joué tel quel à l’époque, qui a _ cependant _ l’avantage _ très significatif pour ce qu’il en était des interprétations de transcriptions ! _ de proposer, en plus des cordes, des parties de « flauto », « oboe » et « fagotto », ce qui nous a conforté _ si besoin en était encore !.. _ dans notre idée d’instrumentation. »

« Pour conclure cet enregistrement, nous avons, suivant l’exemple d’Otto Klemperer, qui, en 1968 revisitait _ voilà ce que doit être une « re-création » de musique ! _ la « Gavotte et ses doubles«  pour orchestre symphonique _ pas moins : et c’est sans doute trop !.. _ décidé de nous approprier aussi _ le résultat est une merveille ! _ ces sublimes _ en effet ! c’est un final somptueux !!! _ variations en les adaptant à notre façon _ comme toute interprétation vivante de cet art du « Baroque » : au sens le plus large _ Rameau en étant probablement le dernier grand (voire « sublime« …) représentant, jusqu’en ses sublimissimes « Boréades » de 1764, dont les représentations (sur la scène de l’Académie royale de Musique) furent hélas annulées par la disparition brutale du maître, le 12 septembre 1764…Vers ce moment, en effet, voilà que le siècle change d’« époque«  (et de « style« ) : on quitte le « Baroque«  pour, bientôt, le « Classicisme«  : approche l’heure qui vient de Haydn et Mozart, après le moment Gluck ; ainsi que le moment-charnière où les dernières (avant longtemps !) représentations des opéras de Rameau sont (ainsi, d’ailleurs que celles des indéboulonnables opéras de Lully), « adaptées«  au goût nouveau par un Pierre Montan-Berton…

Pour les deux autres CDs,

la « neuveté » des éclairages qu’apportent ces tout nouveaux enregistrements

est différente…

D’abord, nous découvrons enfin (si je puis me permettre cette expression), sous les doigts merveilleusement inspirés (et dansants) de Mitzi Meyerson, l’œuvre de Gottlieb Muffat

(Passau, 1690 – Vienne, 1770 : Gottlieb est le huitième des neuf enfants du magnifique Georg Muffat _ né, lui, le 1er juin 1653 à Megève, en Savoie, et mort le 23 février 1704 à Passau, en Bavière : un des plus somptueux musiciens de l’ère baroque ! et un de ceux (avec Johann-Sigismund Kusser et Johann-Kaspar-Ferdinand Fischer : dignes, eux aussi, de la plus haute délectation !) qui a diffusé _ combien brillamment ! _ et fait resplendir le « style » musical « français« , appris en sa jeunesse auprès de rien moins que Lully, à Paris, entre 1663 et 1669, en toute l’Europe baroque) :

Or, ce qui paraît vers 1736 à Vienne, et sous un titre de recueil en italien, « Componimenti Musicali per il Cembalo« , n’est rien moins que le « chant du cygne » (de toute beauté !) de la « Suite » de « goût français« , qui avait (possiblement) vu le jour sur les bords de la Seine autour de 1648 (au moment de la paix du « Traité de Westphalie« ), avec pour (peut-être, sinon probables) parrains les incomparables maîtres Johann-Jakob Froberger, Louis Couperin et autre Jacques Champion de Chambonnières ; ainsi que le luthiste Monsieur de Blanc Rocher, qui perdit la vie en chutant dans un escalier, un soir de fête…

Qu’on écoute les sept « Suites » de ce double album de Mitzi Meyerson ; de l' »Ouverture«  (à la française : lullyste !) de la « Suite V »  ouvrant le premier disque ; à la « Chaconne » de la « Suite VII«  qui conclut le second… La musique du fils, Gottlieb, à la cour impériale de Vienne, via la leçon, à la cour d’un prince-évêque bavarois, à Passau, du père Georg (disparu il y avait trente-deux ans en 1736), a toute la fraîcheur, la vivacité, l’élégance et la délicatesse qui font le charme d’éclat tout de discrétion, simplicité et beauté, de la « Suite » de « goût français« , en tout son parcours…

Et pour Gabriel Fauré,

pour terminer cette promenade musicale si délicieuse de charme,

nous prêtons (enfin ! un peu) mieux l’oreille à un aspect un peu négligé de son œuvre : son versant orchestral concertant, justement.

Si les deux sommets de ce CD « concertant » de Gabriel Fauré, sont, peut-être, la « Ballade » et la « Fantaisie » pour piano & orchestre (les deux !), le mérite de ces interprétations _ de pièces « libres » ! _ est d’abord celui des interprètes, magnifiques, tous et chacun, de charme, d’élégance, de fraîcheur, de vivacité : de beauté discrète et intense ; de vie.


Mais dans ces deux cas encore, après celui de l’occurrence-Rameau, c’est à la spécificité du style (musical) français que nous avons combien magnifiquement affaire :

au secret (issu de la danse) de sa légèreté libre et rayonnante de plénitude…

Titus Curiosus, ce 9 mai 2009,

se souvenant de Francine Lancelot

de sa personne, son sourire ;

et de son action en faveur de « La Belle dance« …

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