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La rectitude musicale Poltéra : d’admirables « Cello Sonatas » de Brahms, avec la complicite au piano du vif compère Brautigam…

26juil

Christian Poltéra _ né à Zurich en 1977 _ est un musicien dont je suis très attentivement, et avec une constante très grande satisfaction musicale, les successives prestations discographiques ;

cf par exemple mes récents articles des 23 décembre 2002 «  » et 6 février 2023 « « , et encore, tout récemment, celui du 18 juin dernier « « …

De même,

après son CD BIS – 2617 – SACD « Poltéra plays Prokofiev – Symphony- Concerto – Sonatas« , avec le Lahti Symphony Orchestra placé sous la direction d’Anja Bihlmaier, et avec le concours du pianiste Juho Pohjonen,

je me suis procuré son CD BIS – 2427 – SACD « Brahms – Cello Sonatas – Schumann – Fünf Stücke im Volkston« , dans lequel le piano vif et direct de Ronald Brautigam _ que j’apprécie énormément lui aussi ; il est né à Amsterdam le 1er octobre 1954… _ se joint au violoncelle tout de classicisme juste de Christian Poltéra…

Et voici ce qu’en un article d’avant-hier mercredi 24 juillet, assez justement intitulé « Philologique ?« , l’excellent Jean-Charles Hoffelé en dit :

PHILOLOGIQUE ?

Plus encore que la copie d’un Streicher viennois de 1868 signée Paul McNulty pour Ronald Brautigam, ou le Stradivarius Mara auquel Christian Poltéra reste fidèle sans aller jusqu’à le monter de cordes en boyau, c’est la lecture si précise _ voilà _, surtout révélatrice dans la complexe Sonate en fa majeur, avec ses jeux de timbres, l’exactitude _ probe _ de ses accents et de ses articulations sans oublier la palette de nuances, qui offre à cette nouvelle proposition un ton si philologique _ de si profonde justesse musicale.

L’automne de la sombre Sonate en ré mineur, son caractère de lied, s’en trouve amplifié, mais c’est confirmer le visage classique _ oui ! _, connu, d’une œuvre qu’aucun violoncelliste ne peut affaiblir. Il suffit de chanter, Christian Poltéra y ajoute des mots malgré le jeu un peu sec, trop droit _ vraiment ? _ de Ronald Brautigam.

Les deux amis se retrouveront plus unis dans l’appassionato, les divagations lyriques, les audaces de la Sonate en fa majeur, le pianoforte littéralement dans l’archet du violoncelle.

Cette fusion produit une lecture serrée, d’une puissance quasi beethovenienne _ oui. Admirable simplement _ tout simplement _, comme les pièces de Schumann placées entre les deux Sonates, contes savoureux où Ronald Brautigam laisse le primus au violoncelle : Christian Poltéra y dessine des personnages hofmanniens, faisant le cycle plus noir qu’à l’accoutumée.

LE DISQUE DU JOUR

Johannes Brahms
(1833-1897)


Sonate pour violoncelle et piano No. 1 en mi mineur,
Op. 38

Sonate pour violoncelle et piano No. 2 en fa majeur,
Op. 99


Robert Schumann (1810-1856)


Fünf Stücke im Volkston,
Op. 102

Christian Poltéra, violoncelle
Ronald Brautigam, piano (copie Streicher)

..;

Un album du label BIS Records 2427

Photo à la une : le violoncelliste Christian Poltéra –
Photo : © Irene Zandel

Bravo les artistes !

Et à suivre !

Ce vendredi 26 juillet 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

La joie de retrouver et ré-écouter l’oeuvre musical de Jan Antonin Losy (C. 1650 – 1721) et le sublime « Tombeau sur la mort de M. Comte de Logy arrivée 1721″ du génial Sylvius Leopold Weiss…

25juil

La parution et l’écoute du CD Supraphon SU 4343-2 « Losy – Jan Antonin Losy – Silvius Leopold Weiss – Lute Music in Prague & Vienna circa 1700« , par Jan Cizmar, luth, et le (oh!) Ensemble dirigé par Martyna Pastuszka _ enregistré à Mikolow (Pologne) de mai 2022 à mars 2024 _

nous offrent une belle opportunité de retrouver et ré-écouter en notre discothèque personnelle les merveilleux CDs Bis CD-1534 « Silvius Weiss – Lute Music II » _ enregistré à Länna (Suède) au mois de novembre 2007 _, un CD comportant le justement célèbre « Tombeau sur la mort de M. Comte de Logy arrivée 1721 » ; et Bis 2462 SACD « Jan Antonin Losy – note d’oro » _ enregistré à Länna (Suède) au mois de septembre 2018 _, entièrement consacré, lui, à des Suites pour luth de Jan Antonin Losy, Comte de Losinthal, les deux sous les doigts magiciens du luthiste Jakob Lindberg ;

ainsi que le sublime CD d’Eduardo Egüez publié en 2009 par le label MA Recordings, le CD M087A _ enregistré en juin 2005 en l’église San Bernardino da Siena, à Piano Audi (ommune de Corio, dans le Piémont) _, intitulé « L’Infidèle » _ Lute works by Sylvius Leopold Weiss «, qui comporte lui aussi ce « Tombeau sur la mort de M. Comte de Logy arrivée 1721 » de Sylvius Leopold Weiss ;

et, bien sûr, l’interprétation somptueuse, magistrale, de ce « Tombeau » par Hopkinson Smith en son CD Astrée 8718 « Sylvius Leopold Weiss – Pièces de luth » _ enregistré à Saint-Lambert des Bois au mois de juin 1989 …

Et au passage je renvoie ici à quatre de mes précédents articles à propos de ces merveilleuses musiques (et interprétations) :

_ du 3 février 2020 : «  » ;

_ du 14 avril 2020 : «  » ;

_ du 3 mai 2022 : «  » ;

_ et du 28 février 2024 : « « .

 

Une musique d’une intimité profonde vraiment extraordinaire !

Ce jeudi 25 juillet 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

Ré-écouter « un disque de référence absolu » : le CD « Britten – Serenade – Les Illuminations – Nocturne » par Peter Pears…

10juil

En découvrant hier soir 9 juillet l’article « Après Colmar » de Jean-Pierre Rousseau sur son impressionnant blog,

j’ai un peu trop rpidement interprété son allusion à un disque (comportant la « Sérénade » et « Les Illuminations » de Benjamin Britten) qu’il qualifiait de « disque de référence absolu » _ mazettte ! rien moins… _

comme se rapportant au CD London 436 395-2 « Britten – Serenade – Les Illuminations – Nocturne » par Peter Pears, Barry Tuckwell, le London Symphony Orchestra, l’English Chamber Orchestra, sous la direction de Benjamin Britten lui-même _ enregistré en septembre 1959 pour le « Nocturne » et décembre 1963 pour « Les Illuminations » et la « Sérénade«  _ que j’ai, pour mon ravissement au comble de l’admiration, immédiatement mis-remis sur ma platine…

Quelle merveilles, et d’œuvres ! et d’interprétation !

Alors que le CD auquel Jean-Pierre Rousseau, lui, renvoyait (et donnait aussi à écouter en podcasts sur son blog) était, me suis-je un peu plus tard aperçu, un tout autre CD, comportant bien, en effet, « Les Illuminations » Op. 18, de 1939, et la « Sérénade » Op. 31, de 1943, mais, en place du « Nocturne » Op. 60, de 1958, les « Quatre chansons françaises« , composées en 1928 _ Britten avait alors tout juste quatorze ans... _ :

le CD Chandos « Britten – Les Illuminations – Quatre Chansons Françaises, Serenade for Tenor, Horn & Strings » _ enregistré en 1989 ; écouter ici ! _, par Felicity Lott, Anthony Rolfe-Johnson, Michael Thomson, le Royal Scottish National Orchestra, sous la direction de Bryden ThompBryden son ;

soit un CD qui ne figure pas dans ma discothèque personnelle, mais aux podcasts duquel on peut heureusement accéder par youtube :

par exemple pour les « Quatre chansons françaises » : « Nuit de juin« , « Sagesse« , « L’Enfance« , et « Chanson d’automne« …

Cependant, en comparant les interprétations,

ce sont bien celles de Peter Pears, plutôt que celles de Felicity Lott, qui me paraissent constituer, ici du moins, pour ces œuvres de Britten, une « référence absolue » dans la discographie…

Sinon, j’apprécie aussi beaucoup dans ce même répertoire des « Songs » de Britten, l’art impeccable de Ian Bostrige :

_ dans le CD EMI Classics 56534 « Britten – Our Hunting Fathers – Quatre chansons françaises – Folksongs – Sinfonietta« , avec Daniel Harding dirigeant le Britten Sinfonia _ enregistré à Londres au mois d’août 1997 _ ;

_ et dans le CD EMI Classics 58049 « Britten – Serenade for Tenor, Horn and Strings – Les Illuminations – Nocturne« , avec Radek Baborák, cor, et le Berliner Philharmoniker sous la direction de Simon Rattle  _ enregistré à Berlin au mois d’avril 2005.

Ce mercredi 10 juillet 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

Et à propos de Magdalena Kozena chantant des mélodies d’Antonin Dvorak, en recherchant un peu en ma discothèque, voici aussi un CD de Mélodies de Dvorak, par Bernarda Fink et le piano de Roger Vignoles…

03juil

Et dans la continuité de mes articles d’hier 2 juillet «  » et surtout du 25 juin dernier « « ,

à propos du merveilleux CD Pentatone PTC 5187 077 « Czech Songs » de Magdalena Kozena chantant des mélodies tchèques de Bohuslav Martinu, Antonin Dvorak, Hans Krasa et Gideon Klein,

j’avais pensé un moment ne pas disposer en ma discothèque personnelle d’un seul CD de Mélodies d’Antonin Dvorak…

Mais en recherchant-fouillant un peu dans les classements divers de mes CDs,

j’ai fini par en retrouver un, un très joli CD, tout entier consacré à des Mélodies de Dvorak :

 

le CD Harmonia Mundi HMC 901824 « Antonin Dvorak – Lieder » de Bernarda Fink et Roger Vignoles au piano _ enregistré à Berlin au mois de mai 2003.

Lequel comporte une seule mélodie d’Antonin Dvorak commune avec celles du CD « Czech Songs » de Magdalena Kozena :

la mélodie n°2 de l’Opus 2 de Dvorak « Oh quel beau rêve doré !« …

 

Ce mercredi 3 juillet 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

L’intéressant rayonnement du creuset musical « Cleveland » au long du XXe siècle : la piste du « Cleveland Quartet »…

19juin

C’est l’enthousiasme qu’a suscité en moi la découverte du travail de Sergei Babayan à partir de mpon écoute enchantée du « fabuleux » CD « Rachmaninoff for two« , avec son disciple lui aussi phénoménal Daniil Trifonov _ cf mon article du 15 juin dernier « «  _, qui m’a incité à me pencher sur ce très riche creuset musical _ et de musiciens d’immense talent… _ qu’a été Cleveland (Ohio) _ cité industrielle des bords du Lac Erié _  au XXe siècle.

En commençant par m’inciter à me procurer, moi qui suis grand amateur de musique de chambre, le passionnant coffret de 23 CDs « Cleveland Quartet – The complete RCA Album Collection » RCA 19439998052, du Cleveland Quartet (1969 – 1995)…

Sur le site de ResMusica, le 17 avril dernier, Jean Claude Hulot avait consacré un article à ce coffret intitulé « La réédition du legs discographique du Cleveland Quartet« , qui avait attiréé mon attention ;

le voici :

La réédition du legs discographique du Cleveland Quartet

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Quatuor majeur de la fin du XXᵉ siècle, le a gravé pour RCA une série de disques de premier plan que Sony nous rend aujourd’hui dans un coffret exhaustif _ dont acte ! _ que dominent deux compositeurs : Beethoven dont l’intégrale des quatuors figure parmi les plus réussies de la discographie et surtout Brahms pour un ensemble (quatuors, quintettes et sextuors) qui témoigne d’une affinité exceptionnelle entre les quatre musiciens.

Fondé en 1969 à Marlboro par quatre musiciens américains réunis ensuite à Cleveland (hormis l’altiste, le quatuor est resté inchangé durant ses années d’activité), le quatuor éponyme fut immédiatement enrôlé dans l’écurie RCA et a laissé pour cette firme une série d’enregistrements regroupés par ordre chronologique _ c’est intéressant _ dans ce volumineux coffret _ de 23 CDs. Il s’ouvre par les trois quatuors de Brahms qui allaient établir la réputation de l’ensemble par leur énergie et leur conception très moderne anticipant sur celle des Berg. Suivirent deux disques Schubert, La jeune fille et la mort d’un dramatisme fiévreux et surtout un superbe Octuor avec l’apport de Jack Brymer (clarinette) et Bary Tuckwell (cor). De Mozart ne reste malheureusement que le bref Adagio et fugue et l’on regrettera toujours que les Cleveland n’aient pas gravé les grands quatuors. En revanche, deux quatuors de Haydn vifs et brillants témoignent de l’excellence de l’ensemble dans le répertoire classique viennois. Seule excursion dans le XXᵉ siècle, le CD suivant nous propose le peu significatif Quatuor n°1 de Barber (avec le célèbre adagio), et le difficile Quatuor n° 2 d’Ives. Une superbe version du _ superbe _  Quintette de Brahms avec clarinette (Richard Stolzman) égale la réussite des trois quatuors. Vient ensuite le début de l’association mémorable avec Emanuel Ax pour un Quintette de Dvořák gorgé de lyrisme et de tendresse _ oui. Les Cleveland se renforcent du Quatuor de Tokyo, autre ensemble poulain de l’écurie RCA pour un Octuor de Mendelssohn vif argent _ une magistrale interprétation, en effet, de ce chef d’œuvre quo personnellement me transporte….

L’intégrale des quatuors de Beethoven, en neuf CD, forme le cœur du coffret ; elle est exceptionnelle non tant par l’opus 18 presque trop opulent que par des Razumovsky proches de la perfection par leur galbe et leur imagination et surtout par l’ensemble des derniers quatuors _ un sommet de toute la musique de chambre, bien sûr ! _ , sommet d’héroïsme, d’émotion dans des mouvements lents bouleversants et de variété d’accents. Au milieu s’intercale un autre joyau de l’album avec les deux sextuors de Brahms renforcés par rien moins que Pinchas Zukerman à l’alto et Bernard Greenhouse (le violoncelliste du Beaux Arts Trio) au  violoncelle.

Après cela il restera au quatuor de Cleveland à graver trois autres disques majeurs pour RCA : le sublime _ sublimissime !Quintette _ à deux violoncelles _ de Schubert avec Yo-Yo Ma, d’une intensité sidérante _ oui !!! _, le Quintette avec piano de Brahms, décidément le compositeur fétiche des Cleveland, et celui de Schumann, tous trois avec Emanuel Ax pour refermer cette discographie d’un quatuor qui allait ensuite se dissoudre de lui-même en 1995 au sommet de son art.

Magistral et un peu frustrant tant on aurait aimé entendre les Cleveland dans un répertoire plus vaste et diversifié ; ne boudons pas notre plaisir néanmoins. Un coffret _ de trésors _ à thésauriser _ tout simplement, voilà.


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Ludwig van Beethoven (1770-1827) : les dix-sept quatuors à cordes. Johannes Brahms (1833-1897) : les trois quatuors à cordes ; Quintette avec piano ; Quintette avec clarinette ; les deux sextuors à cordes. Robert Schumann (1811-1854) : Quintette avec piano, Quatuor avec piano. Anton Dvorak (1841-1904) : Quintette avec piano. Franz Schubert (1797-1828) ; Quatuor à cordes « la jeune fille et la mort » ; Octuor ; Quintette à deux violoncelles ; Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : adagio et fugue K546. Joseph Haydn (1750-1810) : Quatuors à cordes « l’alouette », « les quintes ». Samuel Barber (1910-1981) : Quatuor à cordes n°1. Charles Ives (1874-1954) : Quatuor à cordes n°2 ; Scherzo. Felix Mendelssohn-Bartholdy (1809-1847) : Octuor à cordes, deux pièces pour quatuor.

Emmanuel Ax, piano ; Pinchas Zucherman, alto ; Bernard Greenhouse, Yo Yo Ma, violoncelles. Jack Brymer, clarinette. Martin Gatt, basson. Barry Tuckwell, cor. Thomas Martin, contrebasse. Quatuor de Tokyo, Quatuor de Cleveland.

23 CD, Sony. Enregistré entre 1972 et 1986 à New York City, Londres et Rochester.

Notice de présentation en anglais.

Durée : 19h.44:07

Je remarque aussi, et à nouveau sur ce site de ResMusica, mais sous la signature cette fois de Stéphane Friédérich, en date du 4 juin dernier, cet autre article consacré à un ensemble de la cité de Cleveland (Ohio), intitulé « Rodzinsky à Cleveland : une somme musicale de premier ordre » ;

le voici, lui aussi :

Rodzinski à Cleveland : une somme musicale de premier ordre

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Deuxième chef titulaire dans l’histoire de l’Orchestre de Cleveland après Nikolaï Sokoloff, Artur Rodzinski créa véritablement le son de la formation. Au début des années quarante, elle devint l’une des toutes premières phalanges internationales. Les gravures réunies par Sony Classical – archives de Columbia Records – sont d’autant plus précieuses qu’elles paraissent pour la première fois en disque-compact.

« Bâtisseur d’orchestres »… Rodzinski le fut assurément, même si l’on peut regretter que cette qualité estompe, à demi-mots, la réalité d’un musicien qui fut d’abord un remarquable styliste et un visionnaire en termes d’interprétation. En effet, la première caractéristique de sa direction et qui nous saute aux oreilles, c’est la brillance, la clarté _ un critère auquel je suis personnellement très sensible : je déteste la confusion... _ et la compacité des lectures. Mais à la différence d’un Toscanini qui fut son mentor lors de la mise sur pied de l’Orchestre symphonique de la NBC en 1937, Rodzinski construisit ses interprétations avec une liberté tout autre que celle du chef italien. Rodzinki possédait déjà un métier exceptionnel : à la tête de la formation américaine entre 1933 et 1943 (il céda la baguette à Erich Leinsdorf), il avait dirigé auparavant à Varsovie puis à Philadelphie (assistant de Stokowski) et, enfin, à Los Angeles. En peu d’années, la valeur artistique proprement sidérante de l’orchestre qui n’avait plus enregistré depuis la Grande Dépression est révélée. La virtuosité de l’ensemble des pupitres, la précision de la mise en place, la justesse des vents dans les différents solos, qu’il s’agisse de la musique française ou russe, n’ont rien à envier sur le plan technique, aux formations actuelles.

La variété du répertoire et l’intérêt de Rodzinski pour la musique de son temps – à la condition qu’elle se situe dans une veine tonale – ne sont qu’effleurés dans ce coffret. Il faut imaginer que le public de Cleveland entendit pour la première fois la musique de Stravinsky sous sa baguette et qu’il y assura la production de Lady Macbeth de Mtsensk de Chostakovitch en 1935 ! Il grava ainsi le troisième enregistrement de l’histoire de la Symphonie n° 5 du compositeur russe, après celles de Mravinsky avec Léningrad (1938) et Stokowski avec Philadelphie (1939). Cette œuvre et la Symphonie n° 1 captées en 1941 témoignent, sous sa direction, d’une inventivité et d’une énergie superbes : aucune baisse de tension, mais une conception narrative avec des prises de risques assumées comme ces cuivres poussés à la faute dans l’Allegretto de la Symphonie n° 5 (la version de 1954 avec le Royal Philharmonic Orchestra ne possède pas cette flamboyance). Les phrases sont tenues avec une minimum de vibrato et de rubato (à noter que le finale est amputé des mesures 119 à 121 pour qu’il tienne sur une surface d’un 78 tours). En pleine Seconde Guerre mondiale, Artur Rodzinski, chef d’orchestre polonais naturalisé américain en 1933, sait de quoi il parle lorsqu’il simule le combat des forces du bien contre celles du mal _ intéressant. Le répertoire slave qu’appréciait tant Rodzinski est magnifié dans Tchaïkovski et Rimski-Korsakov. La projection sonore est intense, sans aucune dureté et l’Ouverture 1812 qui nécessite, en principe, une restitution acoustique spectaculaire, n’est nullement caricaturée devant les micros de 1941. Le caractère anguleux, exalté et lyrique de Shéhérazade (quelle trompette solo!), de Roméo et Juliette, de la Symphonie n° 5 de Tchaïkovski marquent la discographie naissante des œuvres.

La musique française est tout aussi lumineuse _ comme bien sûr elle doit être ! _ avec une perception rythmique et un jeu sur les couleurs qui feraient croire aux timbres des orchestres français des années trente et quarante. Daphnis et Chloé de Ravel et La Mer de Debussy séduisent quand la Rhapsodie espagnole souffre de distorsions importantes, malgré un chic certain, celui de Malaguena, entre autres. La Symphonie fantastique de Berlioz est portée par un bouillonnement d’énergie et une puissance d’autant plus radicale que la prise de son favorise les suraigus comme les cymbales et les cuivres tonitruants du finale. On songe à Munch, Markevitch et Cluytens _ rien moins…

Cet engagement physique lié à un travail de répétition acharné offre d’autres pages tout aussi passionnantes comme Till Eulenspiegel ou bien une Vie de Héros de Strauss. Rodzinski profite des dissonances de l’écriture dont il accentue les effets et joue au mieux de la profondeur de l’orchestre. Cette efficacité se retrouve tout autant dans le postromantisme de la Symphonie n° 5 de Sibelius. Le chef en souligne les contrastes et même si les dynamiques sont canalisées et les distorsions inévitables dans le finale,  la perfection des cordes et un sens extraordinaire de l’articulation emportent l’adhésion. Voilà une grande version (oubliée) de l’œuvre ! Il en va de même du répertoire classique avec la Symphonie n° 1 de Beethoven dont l’élégance, l’élan et la luminosité sidèrent un demi-siècle avant l’apparition des lectures « historiquement informées » _ et c’est aussi à noter… A noter quelques raretés, du moins considérées comme telles aujourd’hui : un pot-pourri de la comédie Show Boat de Kern, puis les pièces intéressantes, mais guère davantage, de Järnefelt et Weinberger. Enfin, en un disque sont regroupés les concertos pour violon de Schoenberg, Berg et Mendelssohn. On s’interroge sur la présence dans une anthologie dédiées à Rodzinski, de celui de Schoenberg dirigé par Mitropoulos avec New York et Louis Krasner. Une présence d’autant plus étonnante que la pièce parut déjà dans l’intégrale Mitropoulos présentée par Sony Classical. Retenons la lecture enflammée et chantante du _ si beauConcerto de Mendelssohn sous l’archet génial _ oui _ de Milstein. Il s’agit d’une gravure inédite qui mérite d’être entendue ainsi que le _ sublime Concerto de Berg, dans la vision analytique et passionnante de Louis Krasner.

Les gravures de cette édition complètent deux précédents coffrets, l’un du même label consacré aux enregistrements new-yorkais du chef et l’autre, une compilation réalisée par Scribendum. Aucune des deux parutions n’a présenté les précieux témoignages captés à Cleveland. Un coffret qui mérite amplement le label “historique”.

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Artur Rodzinski, The Cleveland Orchestra, The Complete Columbia Album Collection.
Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Symphonie n° 1. Alban Berg (1885-1935) : Concerto pour violon “A la mémoire d’un ange”. Hector Berlioz (1803-1869) : Symphonie fantastique. Dimitri Chostakovitch (1906-1975) : Symphonies n° 1 et n° 5. Claude Debussy (1862-1918) : La Mer. Arno Järnefelt (1869-1958) : Praeludium pour petit orchestre. Jerome Kern (1885-1945) : Show Boat. Felix Mendelssohn (1809-1847) : Songe d’une nuit d’été, ouverture et musique de scène. Concerto pour violon en mi mineur. Modeste Moussorgski (1839-1881) : Prélude de la Khovanshchina. Maurice Ravel (1875-1937) : Daphnis et Chloé, suite n° 2. Rapsodie espagnole. Alborada del gracioso. Nikolaï Rimski-Korsakov (1844-1908) : Shéhérazade. Jean Sibelius (1865-1957) : Symphonie n° 5. Finlandia. Arnold Schoenberg (1874-1951) : Concerto pour violon. Richard Strauss (1864-1949) : Till Eulenspiegel. Danse des Sept voiles. Valses du Chevalier à la rose (arr. Rodzinski). Une Vie de héros. Piotr Iliytch Tchaïkovski (1840-1893) : Roméo et Juliette. Ouverture 1812. Marche slave. Symphonie n° 5. Carl Maria von Weber (1786-1826) : Ouverture du Freischütz. Jaromir Weinberger (1896-1967) : Variations et fugue sur un vieux thème anglais.
Louis Krasner, violon, Orchestre philharmonique-symphonique de New York, Dimitri Mitropoulos, direction (Schoenberg, Berg), Nathan Milstein, violon (Mendelssohn), Orchestre de Cleveland, Artur Rodzinki, direction.

1 coffret de 13 CD Sony Classical.

Enregistrements au Severance Hall de Cleveland entre décembre 1939 et février 1942 (décembre 1952 pour Mitropoulos).

Notice de présentation en anglais.

Durée totale : 9h10

Un bien intéressant focus discographique porté sur le rayonnement de ce creuset qu’a pu être, au XXe siècle, la vie musicale à Cleveland, grâce à certains interprètes, chefs comme instrumentistes, au talent un peu singulier… 

Ce mercredi 19 juin 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

P. s.  :

Et comme en confirmation de l’intuition qui vient de donner naissance à cet article-ci,

voici que ce jeudi matin 20 juin je découvre sur le site de Crescendo, sous la plume de Pierre-Jean Tribot, cet article « Béla Bartók d’orchestre à Cleveland« , que voici :

Béla Bartók d’orchestre à Cleveland 

LE 20 JUIN 2024 par Pierre Jean Tribot

Béla Bartók (1881-1945) :

Quatuor à cordes n°3 en do dièse mineur, Sz. 85, BB 93  (arrangement pour orchestre à cordes de  Stanley Konopka) ;

Suite du Mandarin Merveilleux, SZ 73 BB 83.

The Cleveland Orchestra, Franz Welser-Möst. 2024. 34’17’’.

Livret digital en anglais.

1 titre exclusivement digital du Cleveland Orchestra TC

Dans la longue et prestigieuse discographie, le légendaire _ voilà ! _ Cleveland Orchestra n’avait pas encore enregistré la Suite du Mandarin Merveilleux de Béla Bartók  alors que les œuvres du Hongrois sont l’ADN de son répertoire _ en effet _ avec les gravures du Concerto pour orchestre avec George Szell (Sony) et Christoph von Dohnányi (Decca). Du côté de son directeur musical Franz Welser-Möst, ce dernier avait déjà gravé une lecture assez oubliable de l’intégrale du ballet lors de ses années controversées avec le London Philharmonic Orchestra (EMI). Le chef autrichien impose ici une lecture creusée et plutôt lente qui base sa narration sur les dynamiques et la qualité vertigineuse des pupitres de son orchestre _ voilà. Le chef peut jouer de l’orchestre sans limites soignant les moindres nuances ou créant des déflagrations dans les tuttis. On peut préférer des lectures plus orchestralement radicales comme celles de Sir Georg Solti (Decca), mais on tient ici un modèle interprétatif avec un orchestre phénoménal _ sic.

Il y a une curieuse mode actuelle qui multiplie les arrangements de quatuor ou de quintette pour des orchestres… Dans le cas présent  Stanley Konopka, l’un des altistes chefs de pupitres du Cleveland Orchestra qui a arrangé le Quatuor n°3 pour orchestre à cordes. Le communiqué de presse nous apprend qu’il mûrissait ce projet depuis près de 20 ans avant d’être encouragé par Franz Welser-Möst. Il faut un petit temps pour s’habituer à la masse des cordes au lieu des quatre instruments classiques, mais cette version rend justice à ‘inventivité harmonique et rythmique _ voilà _ de Béla Bartók. Mais le plus fascinant est la qualité magistrale des cordes dont la plasticité et l’homogénéité sont vertigineuses.  Franz Welser-Möst dirige avec attention, respectant l’esprit chambriste et les mouvements de dialogues entre les pupitres, c’est une leçon d’orchestre _ CQFD.

Dès lors, un titre exclusivement digital _ hélas _ qui nous rappelle _ oui, oui… _ le niveau technique stratosphérique _ voilà _ de cet immense orchestre, dirigé avec soin par Franz Welser-Möst.

Son : 10 – Livret : 9 – Répertoire : 9 / 10 – Interprétation : 9

Pierre-Jean Tribot

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