C’est un très inopiné concours de circonstances _ une panne de voiture et une réparation qui a pris 12 jours… _ qui m’a contraint à d’un peu forcées vacances luziennes, mais qui m’a permis, entre autres plaisirs de ce séjour automnal en ce si beau pays basque, d’assister _ en compagnie de mon ami d’enfance (et très mélomane) Bernard Brevet, qui réside à Bidart, après un délicieux repas en une ferme-auberge, Auzkia, située aux Aldudes, un peu plus loin que Saint-Étienne-de-Baïgorry, là où à l’invitation de l’organiste titulaire de l’orgue Rémi Mahler (inauguré en 1999), Jean-Claude Zehnder (1941 – 2021), Benjamin Alard a enregistré son beau CD Hortus 045 « Andreas Bach Buch« , du 27 au 31 octobre 2005 ; ce CD comportait aussi des œuvres pour clavecin ; tout cela en présence aussi des organistes Jesus et Françoise Martin-Moro et de mon amie claveciniste Élisabeth Joyé, je le remarque… _ à un enchanteur concert de Benjamin Alard à l’orgue Dominique Thomas _ construit en 2014 _ de l’église Saint-Vincent de Ciboure _ et à la très excellente initiative de l’Association Les Orgues d’Urrugne, et Françoise Martin-Moro présentant lumineusement le concert… _ consacré à un superbe programme excellemment constitué de 4 œuvres passionnantes de Johann-Sebastian Bach :
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_ le Concerto (d’après Antonio Vivaldi) en la mineur BWV 593, qui ouvre en ivresse jubilatoire le concert ;
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_ la Sonate en trio n°4 en mi mineur BWV 528, d’une difficulté phénoménale destinée à la formation, par son père, du fils aîné Wilhelm-Friedemann Bach ;
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_ la Sonate en trio n°6 en sol Majeur BWV 530_ remarque similaire_ ;
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_ la Toccata, Adagio et Fugue en ut majeur BWV 564 _ probablement l’acmé sublime de beauté, et très originale, avec cet Adagio glissé entre la Toccata et la Fugue, de ce concert de Benjamin Alard ce soir-ci à Ciboure…
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Le public, nombreux et très attentif dans la nef faisant face à l’autel baroque de l’église, et tournant donc le dos à l’orgue situé au fond de l’église, à l’étage, bénéficie, face à lui, un peu en avant de l’autel, d’un grand écran sur lequel il suit, absolument fasciné, en plus de la splendeur magistrale de la musique ainsi que de l’instrument idoinement adéquat de Dominique Thomas _ construit en 2014 _, par la gestuelle ultra-virtuose des mains et des pieds virevoltants de l’organiste au seul service _ et c’est sur cela qu’il faut bien sûr absolument insister ! _ du naturel le plus immédiatement évident et enthousiasmant, jubilatoire, de ces profondément belles œuvres de Bach _ que Benjamin Alard a très gentiment pris soin aussi de très simplement présenter, l’une après l’autre, au préalable, en leur détail… _ :
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admiration éperdue !!!
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Un concert inoubliable !!!
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En conclusion duquel Benjamin Alard a dédié le choral de Bach « Aus Tiefer Not » BWV 686, sur le thème du « De Profundis« , à Jean-Claude Zehnder (Winterthur, 31 décembre 1941 – 7 juillet 2021)…
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Ce mercredi 16 octobre 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa
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En post-scriptum à cet article,
ce courriel-ci adressé cet après-midi même de mon retour à Bordeaux en remerciement à Benjamin Alard :
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Cher Benjamin,
c’est seulement ce mercredi 16 octobre que, de retour à Bordeaux, ma voiture enfin réparée,
je retrouve mon ordinateur et vous écris,
avant de rédiger un compte-rendu plus précis de ce fabuleux concert d’orgue Bach à l’église Saint-Vincent de Ciboure, du dimanche 6 octobre dernier…
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Je recopie le courriel que je viens d’adresser à une amie qui m’a demandé de l’aider à la relecture d’un roman autobiographique présentement en chantier.
Simplement parce que je lui parle de vous _ elle est aussi mélomane _ et de ce magique concert de Ciboure !
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Voici donc ce passage qui vous concerne :
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« Et puis merveilleuse surprise d’un fabuleux concert d’orgue Jean-Sébastien Bach à l’église Saint-Vincent de Ciboure dimanche 6 octobre par le fabuleux Benjamin Alard…
En allant prendre mon café au Bar de la Marine, Place Louis XIV à Saint-Jean-de-Luz, vers 8h le dimanche matin, mon regard croise une affiche annonçant ce concert d’orgue pour 18h à Ciboure ce dimanche-là !!!
À ce concert, plusieurs caméras filmaient les mains et les pieds de cet extraordinaire claviériste, ajoutant l’image à son jeu musical fabuleux.
Un des plus beaux concerts auquel il m’a été donné d’assister : grâce à cette miraculeuse panne de voiture qui m’a inopinément immobilisé à Saint-Jean-de-Luz…
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J’avais manqué Benjamin Alard qui tenait l’orgue de Sainte-Croix de Bordeaux aux obsèques de Jacques Merlet, le jeudi 7 août 2014.
« J’ai aperçu Benjamin Alard au moment où il allait monter à la tribune, mais, si je ne lui ai pas parlé _ il filait vers l’escalier… _,
je dois dire que j’ai beaucoup aimé son hommage musical, splendide sur cet orgue Dom Bedos, pour la renaissance duquel Jacques a pas mal œuvré _ et c’est là un euphémisme…
… J’en dirai un mot à l’amie Elisabeth Joyé »…
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Je suis donc allé saluer Benjamin Alard à la fin de ce merveilleux concert de Ciboure ce 6 octobre dernier,
je me présente à lui, lui parle de son premier producteur de CDs (Alpha), notre ami Jean-Paul Combet _ j’ai été de l’aventure d’Alpha créé par Jean-Paul, dès 1997-98… _,
et de sa professeur de clavecin, notre amie Élisabeth Joyé
_ je tournais les pages des partitions d’Élisabeth à Saint-Michel-en-Thiérache au mois d’août 1995, pour le CD Virgin Veritas « Jean de La Fontaine – Un Portrait musical » de La Simphonie du Marais et Hugo Reyne.
Pendant que Pierre Hantaï, sur un clavicorde, berçait leur fils dans un couloir de l’abbaye qui nous accueillait… Que de somptueux souvenirs !
J’étais à 90 % l’auteur du programme de ce CD La Fontaine, et à 100% l’auteur du texte du livret…
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Et quelle est ma surprise quand Benjamin me répond qu’il se souvient bien qu’Élisabeth lui a parlé plusieurs fois de moi
et qu’Élisabeth se trouve présentement au Japon, et rentre à Paris le jeudi 10 octobre…
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Benjamin est aussi sympathique et simple dans la vie qu’il est splendide de naturel et d’évidence au concert comme au disque
_ il en est au 9e coffret de son intégrale des claviers (clavecin, orgue, clavicorde) de J-S Bach… »
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Voici aussi un lien au podcast de mon entretien avec Marcel Pérès au salon Albert Mollat le 12 décembre 2015 « Les Muses en dialogue _ hommage à Jacques Merlet », d’une durée de 64′ :
vient délicieusement rappeler à mon souvenir le passionnant travail de recherche que j’avais réalisé en 1994-1995 pour le CD « Jean de La Fontaine – Un Portrait musical » de La Simphonie du Marais et Hugo Reyne _ l’enregistrement avait eu lieu en l’abbaye de Saint-Michel-en-Thiérache pour EMI – Virgin au mois d’août 1995 ; et le CD était sorti en mars 1996 _,
dans lequel j’avais pour la première fois croisé ce nom de Melle Certain (1662 – 1711), dans un vers de la très précieuse « Épître à M. de Nyert » (en 1677) de Jean de La Fontaine :
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« Certain, par mille endroits également charmante,
Et dans mille beaux art également savante,
Dont le rare génie et les brillantes mains
Surpassent Chambonnières, Hardel, les Couperins. »
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Le programme de ce délicieux disque de Mathilde Mugot nous invite dans l’intimité musicale d’une femme d’exception, qui côtoya La Fontaine et Lully, et sut rester libre en vivant de son art _ ce qui n’est pas rien…
Sur cette Melle Certain, lire ceci de Bertrand Porot, en 2005…
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Mathilde Mugot fait ici entendre la musique que Marie-Françoise Certain et les plus grands musiciens de l’époque interprétaient dans le salon de celle-ci, rue du Hasard à Paris, improvisant et rejouant au clavecin en particulier les airs à succès des derniers opéras.
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Œuvres et transcriptions pour clavecin seul de Jean-Henri d’Anglebert, Jacques Hardel, François Couperin, Élisabeth Jacquet de La Guerre, Mlle de Ménetou, Jean-Baptiste Lully.
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Tout un beau monde _ parisien, du Grand Siècle _ revit ainsi, délicatement, en délicieuse musique…
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Ce jeudi 23 mai 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa
au travail de mise en place, en vue d’un concert et plus encore d’un enregistrement discographique,
est absolument passionnant :
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nous pénétrons alors au plus vif et sensible, frémissant (et fragile) de la chair la plus intime des œuvres qu’il s’agit d’interpréter, porter, et servir au mieux…
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Or c’est exactement à cela que hier à 17 heures, à la Machine à Musique – Lignerolles, Thomas Dolié _ cf ici la merveilleuse vidéo (de 3′ 21) du final délicieusement somptueux autant que malicieux de « L’Heure espagnole« sous la direction de François-Xavier Roth, dans lequel (« Un financier et un poète« …) est ô combien manifeste le génie éclaboussant de Ravel ! : Thomas Dolié y est Ramiro, le brave muletier qui « dans les déduits d’amour a(lui aussi, mais oui)son tour« … _ a généreusement et très simplement, et même très humblement, convié à assister le public pour son « Atelier du chanteur » _ cf cette vidéo de présentation (de 1′ 58), enregistrée le 24 février 2020 _, avec le pianiste Stéphane Trébuchet, en son exigeante préparation, en cours, d’un enregistrement des 3 « Chansons madécasses » (avril 1925 – avril 1926) de Maurice Ravel, dans le cadre d’une très prochaine Intégrale discographique de la musique avec piano de Ravel par François-Xavier Poizat (Grenoble, 18 août 1989), à paraître cette année-ci, 2024, pour l’excellent label Aparté, que dirige l’excellent Nicolas Bartholomée…
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« Les Chansons madécasses » ne sont certes ni le plus couru, ni le plus aisé non plus, des recueils de mélodies de Maurice Ravel :
commandé par l’américaine Elisabeth Sprague Coolidge (Chicago, 30 octobre 1864 – Cambridge, 4 novembre 1953), cette œuvre singulière et audacieuse de Maurice Ravel _ réalisée d’avril 1925 à avril 1926 : la troisième pièce a même dû être rajoutée afin d’adoucir l’effroi de l’impression produite par les deux premières ; et selon les termes de la commande passée, pour Elisabeth Sprague Coolidge par le violoncelliste Hans Kindler, l’effectif assez singulier de la pièce (d’une durée d’environ 10′), devait comporter, en plus de la voix, un violoncelle, une flûte et un piano : ce fut donc là la base même de ce travail très original de composition de Ravel qui a aboutira aux 3 « Chansons madécasses« , ce chef d’œuvre tout à fait singulier, j’y insiste, de Maurice Ravel, selon ses propres dires… _, a été composée sur un choix bien précis par Ravel lui-même de 3 poèmes en prose _ mais oui ! parmi les tous premiers… _ d’Évariste de Parny (Saint-Paul, La Réunion, 6 février 1753 – Paris, 5 décembre 1814), de 1787 : pour répondre à l’effectif même, très original donc, de la commande …
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Cf déjà, ici, la très précieuse note, à la page 1009 de l’indispensable « Intégrale de la Correspondance de Maurice Ravel » publiée par Manuel Cornejo, se référant ici au très précieux « Maurice Ravel » de Roland Manuel _ à la page 118 de l’édition de 1948 dont je dispose ; dans l’édition originale de 1938, c’était à la page 166.
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Et c’est Roland-Manuel lui-même que je lis donc ici, en son récit de 1938 :
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« Amateur décidé des bibelots façonnés sous la Révolution, le Directoire, l’Empire et la Restauration, Ravel avait acquis, lors de son installation à Montfort, entre une pendule gothique de 1820 et une théière étrusque, les œuvres complètes d’Évariste Parny en édition princeps. Comme il feuilletait le poème des Fleurs :
L’Ognon préfère un sol épais et gras,
Un sol léger suffit à la semence.
Confiez-lui votre douce espérance
Et de vos fleurs les germes délicats…
il reçut d’Amérique un câblogramme du violoncelliste Kindler qui lui demandait de composer, à l’intention de Mme Elisabeth S. Coolidge, un cycle de mélodies avec accompagnement, « si possible » de flûte, de violoncelle et de piano« .
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Et Roland-Manuel alors de poursuivre :
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« Toujours heureux, en bon mozartien, de se plier à un jeu dont une volonté étrangère avait fixé les règles, le musicien poursuivit bravement sa lecture de Parny, bien décidé à imposer aux chants du « Tibulle français » la compagnie d’un piano, d’une flûte et d’un violoncelle. Séduit par un exotisme très particulier et de tout point conforme à ses goûts, puisque la couleur locale en est quasiment absente, son choix s’arrêta sur les cinquième, huitième et douzième chansons madécasses.
De cette gageure est née la meilleure musique de chambre qui soit sortie de ses mains depuis la guerre : « Les trois Chansons madécasses me semblent apporter un élément nouveau, dramatique _ voire érotique _, qu’y a introduit le sujet même des chansons de Parny. C’est une sorte de quatuor où la voix joue le rôle d’instrument principal. La simplicité y domine. L’indépendance des parties [s’y affirme] que l’on trouvera plus marquée dans la sonate [pour violon et piano] » _ très précieux extrait de l’Esquisse biographiquedictée par Ravel à ce même Roland-Manuel, à Monfort-l’Amaury, le 10 octobre 1928 (note de Manuel Cornejo à la page 1437 de son indispensable édition del’Intégrale de la Correspondance de Maurice Ravel).
Réduite ici à ses éléments essentiels, primitifs, mélodie, rythme et timbre, la musique échappe complètement à la tyrannie des accords. Et pendant que Ravel s’amuse à faire à rebours le chemin parcouru par les compositeurs de jazz ; pendant qu’il y découvre la musique nègre en partant du rythme syncopé et de la juxtaposition des médiantes majeure et mineure ; pendant que son violoncelle se divertit à contrefaire la calebasse en sons harmoniques pizzicato, son lyrisme, amoureux de la belle Nahandove, quitte un instant pour cette Vénus exotique les enchantements de la féérie, les tréteaux de la comédie et chante pour une fois l’ardeur des voluptés terrestres« …
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Cf aussi le très détaillé chapitre intitulé « Désaveux » que, aux pages 576 à 590, en son admirable et inégalé « Maurice Ravel » _ paru aux Éditions Fayard en octobre 1986 _ consacre à ces « Chansons madécasses » Marcel Marnat (Lyon, 6 juillet 1933 _ Marcel Marnat a maintenant 90 ans)…
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Sur les péripéties à rebondissements de la composition et création de ces 3 « Chansons madécasses » de Maurice Ravel, on peut aussi s’attacher au très intéressant détail résumé en cette notice :
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Les Chansons madécassessont un cycle de trois mélodies (Nahandove – Aoua – Il est doux) composées par Maurice Ravel entre 1925 et 1926 pour voix moyenne (mezzo ou baryton), flûte, violoncelle et piano, sur des poèmes en prose éponymes, les Chansons madécasses d’Évariste de Parny.
Elles sont dédiées à Elizabeth Sprague Coolidge, mécène américaine du musicien. Le compositeur, à la fin de sa vie créatrice, répéta à plusieurs reprises que de toutes les œuvres qu’il avait composées, c’est de ces Chansons qu’il était le plus fier. L’œuvre porte la référence M.78, dans le catalogue des œuvres du compositeur établi par le musicologue Marcel Marnat. La durée d’exécution de l’œuvre oscille entre treize et quatorze minutes.
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Histoire de l’œuvre
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La création s’est faite en plusieurs étapes : tout d’abord, la seule seconde des Chansons madécasses, Aoua, a été donnée lors de deux auditions privéesorganisées par la commanditaire et dédicataire Elisabeth Sprague Coolidge, le 24 mai 1925 à l’Hôtel Majestic de Paris, puis le 28 mai 1925 à Londres, les deux fois avec pour interprètes Jane Bathori au chant, Maurice Ravel en personne au piano, Louis Fleury à la flûte et Hans Kindler au violoncelle _ Hans Kindler,l’intermédiaire d’Elisabeth Sprague Coolidge pour cette commande à Maurice Ravel. Lors de l’audition parisienne, le compositeur Léon Moreau a protesté à haute voix contre les paroles _ violemment anticolonialistes (nous ne sommes pourtant qu’en 1787 !) du poème en prose du réunionnais Parny : celui-ci donnant ici la parole à des indigènes vivant « libres« , mais prévenant leurs frères « habitants du rivage« de la menace d’« esclavage« que feront peser sur eux de prochains colonisateurs blancs : « Méfiez-vous des blancs, habitants du rivage« … _ de la mélodie, pourtant bissée par les interprètes.
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L’année suivante, une fois achevées les 1ère et 3èmeChansons madécasses _ « Nahandove« et « Il est doux« ... _, le cycle entier a été donné lors d’auditions privées pour les invités de la mécène Elizabeth Sprague Coolidge, le 8 mai 1926 à l’Académie américaine de Rome, puis le 21 mai 1926 au Palais d’Egmont de Bruxelles, les deux fois avec pour interprètes Jane Bathori au chant, Alfredo Casella au piano, Louis Fleury à la flûte et Hans Kindler au violoncelle ; et aussi le 13 juin 1926 à la Salle Érard de Paris, avec les mêmes interprètes à une exception près, le flûtiste, Urbain Baudouin qui remplaça Louis Fleury, initialement prévu mais décédé entre-temps prématurément _ le 10 juin 1926.
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La première audition publique des troisChansons madécasses date du 15 octobre 1926 à la Salle Érard à Paris, lors d’un « Festival Maurice Ravel » organisé par la Société musicale indépendante (SMI), avec pour interprètes Joy Mac Arden au chant, Vlado Perlemuter au piano, Gaston Blanquart à la flûte et Tony Close au violoncelle.
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La première édition chez Durand est accompagnée de gravures de Luc-Albert Moreau.
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Le premier enregistrement connu est celui _ pour le label Polydor _ de Madeleine Grey, cantatrice très estimée du compositeur, en 1932 :
« Depuis la création parfaite de Jane Bathori, il y a déjà bien des années _ 1925 et 1926 _, cette œuvre fort difficile _ sic _ a été reprise par beaucoup d’artistes, et non des moindres : aucune, sinon M. G. [Madeleine Grey], n’en a rendu aussi fidèlement le caractère _ voilà ! C’est elle que j’ai choisie récemment lorsque la Société Polydor m’a demandé d’enregistrer ces 3 pièces en me laissant le choix des interprètes« , a écrit Ravel le 5 janvier 1933 (in l' »Intégrale de la Correspondance de Maurice Ravel » publiée par Manuel Cornejo, page 1301.
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Musique
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Ravel _ bibliophile éminent et passionné ! _ s’enthousiasma pour les poèmes _ publiés d’abord en 1787 _ de Parny dont le contenu était conforme à ses propres convictions _ anticolonialistes, sinon érotiques… Le style extrêmement dépouillé _ oui _ qu’il adopta pour cette musique s’inscrit dans la suite de sa Sonate pour violon et violoncelle _ créée le 6 avril 1922. Dans cet esprit, cette œuvre n’est pas sans rappeler la Sonate pour flûte, alto et harpe de Claude Debussy, composée quelque dix ans plus tôt.
« Les Chansons madécasses me semblent apporter un élément nouveau – dramatique voire érotique – qu’y a introduit le sujet même de Parny. C’est une sorte de quatuor _ voilà ! _ où la voix joue le rôle d’instrument principal_ c’est très clairement affirmé là. La simplicité y domine. L’indépendance des parties _ et c’est bien là un point en effet capital ! Et qu’ont fort bien souligné Thomas Dolié et Stéphane Trébuchet dans leur travail de mise en place des deux premières mélodies… _ s’y affirme. » (Maurice Ravel, Esquisse biographique, 1928 _ disponible en entier aux pages 1437 à 1441 de l’indispensable « Intégrale de la Correspondance de Maurice Ravel » publiée par Manuel Cornejo _)
La chaleur et l’érotisme _ insidieusement torride _ deNahandove et deIl est douxet la virulente dénonciation _ on ne peut plus claire et directe _ du colonialisme deAoua font desChansons madécasses une œuvre engagée _ assurément ! _ de Maurice Ravel, en même temps que sa meilleure réussite dans le genre.
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Fin de citation de cette commode notice de Wikipédia.
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À mes modestes oreilles et goût personnel,
l’interprétation la plus juste et séduisante _ jusqu’ici du moins ; et j’ai ré-écouté pas mal d’interprétations présentes en ma discothèque personnelle : de Gérard Souzay à Jessye Norman et Christa Ludwig ; et je mets à part ici la vraiment excellente, d’intelligence de ces mélodies, Janet Baker, avec le Melos Ensemble conduit par Bernard Keeffe, en 1966 : écoutez ce podcast… _ de cet assez malaisant, intriguant et déroutant recueil de 3 mélodies (« Nahandove« , « Aoua« , de 1925, et « Il est doux« , de 1926) des « Chansons madécasses« , est celle, superbe de netteté et expression directe _ très justement dénuée d’affèteries : ouf ! _, du baryton Stéphane Degout _ une fois encore parfait d’intelligence et de la musique et des paroles du texte qu’il chante ! Quel mélodiste ! _, dans le très beau CD « Histoires naturelles » B-Records LBM 009, avec le piano de Cédric Tiberghien, le violoncelle d’Alexis Descharmes et la flûte de Matteo Cesari _ enregistré live à Paris, au Théâtre de l’Athénée, le 23 janvier 2017.
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On trouve aussi et surtout sur le Net une magnifique vidéo (de 15′ 23) de ces interprètes dans ces, toujours très surprenantes, « Chansons madécasses« _ sauf que, lors de ce concert, superbe lui aussi !, donné au Théâtre de la Bastille, à Paris, le 27 mai 2015, le piano était cette fois tenu, non par Cédric Tiberghien, mais par Michaël Guido.Qu’on en juge ici même…
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Au terme du travail de cette soirée, hier, de mise en place de « Nahandove » et « Aoua« ,
la performance de Thomas Dolié (et Stéphane Trébuchet assumant au piano les trois parties de flûte, violoncelle et piano) était impressionnante de finesse-subtilité, fluidité dans la tenue de souffle de la courbe mélodique, puissance de projection, parfaite intelligibilité, bien sûr, et, au final, majestueuse et intense intime expressivité et beauté : assez singulière en sa redoutable exigence pour parvenir à vraiment bien l’attraper et porter…
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En somme,
un très fructueux travail dont nous avons été les très humbles spectateurs-témoins admiratifs…
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Ce dimanche 12 mai 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa
Avec Julie Roset, soprano, Lucile Richardot, mezzo-soprano _ magnifiques !! _, et ses Musiciens de Saint-Julien,
le superbe François Lazarevitch _ à la flûte traversière, à la flûte à bec, aunsi qu’aux musettes… _ à nouveau nous enchante, en un répertoire merveilleusement raffiné, avec son très heureux CD Alpha 1035 _ enregistré en septembre 2022, en l’abbaye de Saint-Michel-en-Thiérache _, « Doux silence – Airs de cour et danses de la 2e moitié du XVIIe siècle » :
…
avec des airs de cour enchanteurs _ et pas forcément des plus courrus… _, d’Honoré d’Ambruis (1660 – 1702), Bertrand de Bacilly (1621 – 1690), Michel Lambert (1610 – 1696) _ « D’un feu secret Je me sens consumer » estici interprété à la flûte _, Antoine Boesset (1587 – 1643) et Christophe Ballard (1641 -1715) ;
…
ainsi que de bien belles danses de _ l’admirable ! _ Joseph Chabanceau de La Barre (1633 – 1678), Jean-Baptiste Lully (1632 – 1687), Robert de Visée (1650 – 1725), Nicolas Le Bègue (1631 – 1702), Charles Couperin (1638 – 1679 _ le père de François II le Grand _), Mademoiselle de La Chataignerie (1612 – 1670), Anne Danican Philidor (1681 – 1728), Ennemond Gaultier (1575 – 1651), Gaultier de Marseille (1642 – 1696), François Couperin (1631 – vers 1708 _ oncle et parrain de François II le grand _)…
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…
Un répertoire que j’ai appris à découvrir, fréquenter et aimer _ énormément ! _ quand j’étais conseiller artistique d’Hugo Reyne et La Simphonie du Marais,
au long de la décennie 90 _ au cours de laquelle j’ai été récitant lors d’un concert en cette même magnifique abbaye de Saint-Michel-en-Thiérache ; puis conseiller lors de l’enregistrement en ce lieu magique, l’année suivante, du si beau CD « Un Portrait musical de Jean de La Fontaine« , dont je suis l’auteur, pour 90 %, du livret…
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Un répertoire de merveilleuse musique française à déguster beaucoup, beaucoup, plus souvent…
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Et quelle superbe interprétation !
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Un CD tout simplement enchanteur !!!
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Ce jeudi 2 mai 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa
voici que je m’intéresse ce jour aux CDs qui ont été consacrés, en 1993 et en 2023, aux musiques _ instrumentales _ qui ont accompagné, à Versailles, le 16 novembre 1773, le Festin Royal donné pour les célébrations du mariage de Monseigneur le Comte d’Artois _ le futur Charles X _ et la princesse Marie-Thérèse de Savoie,
soient
_ le CD « François Francœur – Symphonies pour le Festin royal du Comte d’Artois » de Hugo Reyne et La Simphonie du Marais _ le CD Fnac-Music 592287 _, qui donne les 16 pièces musicales de la main de François Francœur (Paris, 21 septembre 1698 – Paris, 5 août 1787) données pour ces festivités royales _ ainsi que 3 autres, toujours de la main de ce compositeur : c’était l’œuvre de celui-ci qu’il s’agissait en effet de donner à entendre…_ ;
_ et le double CD « Simphonie du Festin Royal de Monseigneur le Comte d’Artois – Versailles 1773 » d’Alexis Kossenko dirigeant Les Ambassadeurs et La Grande Écurie _ le double CD Château de Versailles Spectacles CVS101 _, qui, lui, donne l’intégralité des 43 pièces musicales de ces festivités, soient ces 16 pièces de François Francœur même, mais aussi 27 autres de 10 autres compositeurs : Jean-Philippe Rameau (9 pièces) ; Antoine Dauvergne (3 pièces) ; Pancrace Royer (3 pièces) ; Bernard de Bury (3 pièces) ; Jean-Joseph Cassanéa de Mondonville (3 pièces) ; Pierre-Montan Berton (2 pièces) ; et le marquis de Brassac, Jacques-Hyacinthe Ferrand, Jean-Claude Trial et Louis Grenier (1 pièce chacun) ; choisies _ et parfois modifiées, adaptées par Francœur _ pour l’espèce par celui qui était alors _ de 1744 à 1776… _ Surintendant de la Musique du Roy, en un notable brillant panorama de l’art du Grand siècle musical qui s’achevait, au moment où triomphait à Paris un tout autre style, avec Gluck, Grétry, Gossec ou Piccinni…
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Bien sûr, l’orchestre des 20 instrumentistes réunis par Hugo Reyne en 1993, paraît un peu léger par rapport à celui des 70 instrumentistes d’Alexis Kossenko en ce double CD de 2023…
Mais l’esprit vif et follement heureux de cette musique était déjà bien là !!!
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Avec aussi cette révélation de Benoît Dratwicki, aux pages 12-13 du livret (consultableici) de ce CD CVS101 :
…
« On pensait ne rien savoir des conditions d’exécution de ces musiques, sinon ce que nous en disait la presse de l’époque : « on exécuta, pendant le Festin royal, différents morceaux de symphonie, sous la conduite du sieur Rebel, Chevalier de l’Ordre du roi, et Surintendant de sa Musique ». Aussi avait-on imaginé de rassembler l’effectif orchestral mentionné dans un document réalisé, la même année 1773, par Jean-Baptiste Métoyen, bassoniste de la Musique du roi, indiquant précisément le nombre de musiciens réunis dans la fosse de l’Opéra royal pour les spectacles donnés à l’occasion du mariage du comte d’Artois : 70 musiciens, dont pas moins de 26 violons, 6 altos, 14 violoncelles, 4 contrebasses, 2 flûtes, 4 hautbois, 2 clarinettes, 6 bassons, 4 cors, 1 trompette et 1 timbale. Un autre plan de la fosse de l’Opéra royal, daté de 1770, confirme à peu de choses près le même effectif et la disposition des musiciens.
Quelle surprise toutefois lorsqu’au premier jour de répétition du projet, Michael Greenberg, contrebassiste et musicologue, nous révèle avoir retrouvé dans les archives de la Musique du roi l’effectif précis de l’orchestre pour cet événement : il s’agissait de 78 musiciens, répartis en 34 violons et altos (sans détail), 15 violoncelles, 3 contrebasses, 10 flûtes et hautbois (sans détail), 2 clarinettes, 6 bassons, 3 cors, 1 trompette, 1 timbale et 3 tambourins. Il était trop tard pour changer l’effectif, mais, de fait, celui choisi était quasiment le même que celui retrouvé.
Au passage, dans le même article, Michael Greenberg donnait l’effectif de l’orchestre réuni pour le Festin royal du mariage du Dauphin _ le futur Louis XVI _, en 1770 : 79 musiciens (25 violons, 8 altos, 17 violoncelles, 4 contrebasses, 9 flûtes et hautbois, 2 clarinettes, 8 bassons, 3 cors, 2 trompettes, 1 timbale), confirmant l’usage – à la Cour – d’orchestres aux vastes dimensions dans le cadre d’événements extraordinaires« …
…
…
Il n’empêche qu’il, importe de rendre pleine justice au travail pionnier de recherche ainsi que d’interprétation, pleine de verve _ avec les moyens dont il pouvait disposer alors… _, de Hugo Reyne, dès 1993 ;
ce que ne font ni Alexis Kossenko, ni Benoît Dratwicki, ni pas vraiment non plus, le critique Loïc Chahine dans le bel article louangeur « Folle ivresse » qu’il donne aux pages 70-71 du magazine Diapason de ce mois de septembre 2023, de ce double CD d’Alexis Kossenko :
« Hugo Reyne n’avait gravé qu’une sélection (Fnac, 1993)« ,
en ne mentionnant pas que le choix d’Hugo Reyne s’était délibérément porté alors sur les seules pièces de François Francœur…
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Oui, François Francœur en novembre 1773, ou le splendide été indien de l’âge baroque de la musique française
_ en quelque sorte récapitulée par François Francœur en cette sélection de morceaux de choix d’une durée d’un peu plus de 2 heures… _