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Un très remarquable entretien d’un très remarquable chanteur : Thomas Hampson…

21avr

Le 11 avril dernier,

Resmusica a publié un très remarquable entretien de Vincent Guillemin avec le très remarquable chanteur américain Thomas Hampson _ né à Elkhart, Indiana, le 28 juin 1955 : il a donc aujourd’hui 67 ans _, intitulé « Thomas Hampson, un Nixon passionné par la musique américaine« …

Thomas Hampson, un Nixon passionné par la musique américaine

Actuellement Nixon dans Nixon in China à l’Opéra Bastille, nous donne son approche du rôle et plus globalement de la musique moderne et américaine, en plus de rappeler l’importance de sa relation avec la musique.

ResMusica : Vous tenez le rôle de Nixon à Paris. Comment avez-vous découvert la musique de John Adams ?

Thomas Hampson : Je connais John Adams depuis des années, car il y a bien longtemps, j’avais eu pour projet d’enregistrer un album d’airs de musiques américaines – malheureusement annulé par ma maison de production – et John m’avait envoyé les partitions de six différents arias. Auparavant, j’avais été captivé par la partie II d’Harmonielehre, nommée Amfortas Wound (d’après Parsifal) et par cette nouvelle voix musicale. Mais finalement, la seule œuvre de lui que j’ai chanté avant Nixon in China est le monologue The Wound Dresser _ de John Adams _ sur un poème de Walt Whitman, repris souvent depuis et que je considère parmi les pièces les plus remarquables du siècle dernier.

Lorsque j’ai travaillé sur l’opéra _ Nixon in China, donc _, j’ai été frappé par l’évidence de la partition à porter les mots, ce qui m’a tout de suite passionné même si en comprendre la structure rythmique a été un grand challenge. Car bien qu’elle reste majoritairement tonale, cette musique n’est pas harmonique au sens habituel, sans pour autant être illogique, en plus de toujours rester profondément dédiée au message essentiel du texte. Lorsqu’on rentre totalement dedans, on comprend son fonctionnement et son efficacité. Pour moi, il n’y a aucune discussion sur le fait que John Adams est l’un des compositeurs les plus importants des cinquante dernières années, non seulement pour l’orchestre, mais aussi pour la voix.

RM : Nixon in China prend en effet en compte l’importance de la voix pour porter le texte de la poète Alice Goodman. Musicalement et scéniquement, comment êtes-vous entré dans le personnage de Nixon ?

TH : C’est une très bonne question, car lorsqu’on débute avec un rôle comme celui-ci, on veut pouvoir se glisser directement dans le personnage, mais d’un premier abord, on se retrouve avec la musique de John comme dans une sorte d’opera machina qui fait « tagadagadagadagatac » puis part sur un autre rythme. Il faut donc du temps pour que l’écriture semble évidente, puis pour rentrer dans l’œuvre par ce qu’elle possède et avec ce qu’elle procure, c’est-à-dire un texte extrêmement bien écrit, sur des personnages relativement contemporains qui ont réellement existé. Scéniquement, cela implique de portraiturer un homme que les gens connaissent a minima par les photos et reconnaissent immédiatement. Donc en dehors de la partition, il faut comprendre le contexte historique ainsi que le contexte d’écriture du livret une décennie plus tard.

Je me souviens très bien de Richard Nixon président _ élu le 5 novembre 1968 pour son premier mandat ; réélu le 7 novembre 1972 ; et acculé à la démission le 9 août 1974… _ ; j’entrais alors à l’Université et étudiais les Sciences Politiques, donc nous suivions tout ce qu’il faisait, et au début des années 1970, il était très populaire. Mais pour le public, Henry Kissinger était encore plus populaire. Dans les Académies, il était considéré comme un gourou, voire comme un demi-dieu tant son influence était importante. Au fur et à mesure du mandat de Nixon, il devenait de plus en plus clair que ses actions à l’international provenaient de la philosophie et de la real-politique de Kissinger. Tout cela n’a pas un grand impact dans l’opéra d’Adams et je pourrais vous parler d’histoire américaine pendant des heures tant j’adore ça, mais ces notions doivent être comprises pour parfaitement créer les rapports de forces des protagonistes sur scène. Dans la même optique, il faut avoir en tête que la période allant de 1972 à la mort de Nixon est phénoménale quant aux changements du monde, mais aussi très controversée et très compliquée.


RM : C’est une histoire contemporaine qui vous concerne directement, mais pouvez-vous la comparer à d’autres ouvrages politiques du passé ?

TH : L’histoire de Nixon in China _ composé par John Adams entre 1985 et 1987, créé à l’Opéra de Houston le 22 octobre 1987 _ s’attache à une courte période _ en 1972 _ de sa présidence, qu’il a réellement réussie et qu’il a effectuée avec une véritable honnêteté, pour parvenir à des compromis avec un régime qui s’était quelques décennies plus tôt totalement refermé sur lui-même. Je crois que c’est cette approche qui a captivé d’abord Peter Sellars, puis John Adams lui-même. Ils ont été passionnés par cette tentative de détente politique dans un monde en pleine guerre froide, et par la compréhension de ce que pouvait devenir la Chine, avec une approche visionnaire en regard de ce qu’elle est effectivement devenue depuis. Vous n’avez pas à être amis, mais vous n’avez aucune raison d’être ennemis non plus.

Dans Nixon in China, comme dans Simon Boccanegra ou Don Carlos (Verdi), on approche une histoire politique pour opposer des cultures et des vues d’intérêts différentes, et des auto-déterminations qui peuvent parfois conduire à des affrontements. Le rapport entre Nixon et Mao est en quelque sorte aussi puissant que celui des rôles de Don Carlo ou Mathis der Maler (Hindemith), et ce qui m’intéresse le plus là-dedans au moment d’aborder l’opéra _ en tant qu’interprète sur la scène du rôle de Nixon _ est l’histoire personnelle de mon protagoniste. Lorsque Nixon a rencontré Mao, il était très intéressé par son image, il était dans une véritable démonstration face au monde occidental, mais c’est notre vision, car dans le même temps, il est allé là-bas avec une vraie perspective d’échange, et c’est à la suite de cette rencontre que les États-Unis ont partagé certaines technologies, dont celle des satellites par exemple. Quand je lis ce livret et quand je regarde cette partition, je ressens donc que c’est écrit pour moi, et je prends cela très au sérieux, avec l’envie et aussi avec ma responsabilité d’interprète de faire ressortir au mieux toutes les facette du personnage, comme lorsque j’ai pu chanter Les Noces de Figaro ou Don Giovanni (Mozart).

RM : Plus globalement, est-ce important pour vous de promouvoir la musique américaine, notamment à l’étranger ?

TH : Pendant longtemps, nous avons voulu trouver aux États-Unis notre Schubert, notre Mahler, notre Debussy voire notre Mozart, mais je crois que c’était une mauvaise approche. Dans une culture, il faut rechercher quel est le reflet de l’histoire du pays et de cette communauté, quel est son histoire intime. Si vous voulez comprendre ce qu’est la culture sumérienne ou le XVIIIᵉ allemand, vous devez l’apprendre et vous y intéresser en mettant de côté votre propre point de vue et vos a priori. Ma passion pour la musique américaine part de la même approche, d’une culture et d’une histoire très controversée et contradictoire, sur un territoire très étendu appelé les États-Unis d’Amérique.

« La magie de l’opéra est d’être un laboratoire des comportements humains. »

Si vous parlez de musique française, vous pouvez répondre sur la grandeur de Rameau, mais il faudra aussi rappeler qu’il y a eu des siècles plus tard Ravel ou Debussy. Donc la notion de pure musique française est trop globale _ voilà _ et risque finalement de conduire à une mauvaise analyse si elle est étudiée d’un bloc. C’est la même chose avec la musique américaine, et s’il n’y a aucune discussion sur le génie d’un Charles Ives par exemple, il faut tout autant considérer Gershwin à la même période. Il y a donc beaucoup de travail à faire pour faire comprendre comment nos compositeurs sont importants dans chaque contexte historique _ bien particulier. C’est un processus fascinant qui ne peut exclure la musique populaire.

Cela explique pourquoi dès la deuxième moitié du XXᵉ siècle, le retour à la mélodie a été aussi marquant aux États-Unis, même de la part des compositeurs classiques et académiques, qui, en Allemagne par exemple, sont dans leur grande majorité restés dans le style atonal. Dans le même temps, l’« avant-garde » américaine a été et est restée bien réelle avec des musiques plus complexes et moins faciles d’accès pour le grand public, sans pour autant faire passer les compositeurs de musique moderne tonal ou polytonal pour des artistes du passé, car leurs partitions ont réussi à rester elles-aussi extraordinairement innovantes.


RM : Vous avez chanté énormément de rôles à l’opéra depuis bientôt cinquante ans _ voilà. Vers quoi souhaitez-vous aller dans les années à venir ?

TH : J’ai eu une chance énorme pendant ma carrière, d’avoir la possibilité de faire beaucoup de choses et beaucoup de choses très différentes, avec les plus grands et dans les meilleures conditions. Globalement, j’ai toujours fait ce que je comprenais et ce en quoi je croyais. J’ai toujours recherché à appréhender au mieux les comportements et à les retranscrire par l’art que je défends plus que tout : la musique. La magie de l’opéra est cela, d’être un laboratoire des comportements humains, avec une importance très particulière autour des contextes et des périodes d’écriture et de création.

Aujourd’hui, je prends entre une et deux productions d’opéra par an, le reste de mon temps étant divisé entre des concerts et des cours. Je suis de plus en plus concerné et attiré par l’apprentissage et la recherche de nouveaux chanteurs talentueux. J’aime les aider non seulement à chanter, mais aussi à bénéficier de plus d’opportunités pour se produire, car je crois que le monde dans lequel j’ai débuté était plus favorable que celui d’aujourd’hui. Je pense qu’on doit concentrer l’apprentissage sur le rapport aux rôles et aux personnages, car si vous chantez de manière athlétique, que vous rendez un son fort, même si le résultat est parfait techniquement, il ne suffit pas à communiquer exactement les sentiments et les émotions.

Concernant ma carrière, j’aimerais encore reprendre Simon Boccanegra, que je considère comme le plus shakespearien des opéras de Verdi, même s’il n’est pas tiré de l’une des pièces du dramaturge. Ensuite, je suis très impatient de participer au nouveau projet annoncé à La Monnaie de Bruxelles pour 2024, Fanny & Alexandre de Mikael Karlsson, d’après le film de Bergman, où je serai Isak, un personnage passionnant bien que répugnant, amant de l’héroïne chantée par Anne-Sophie van Otter. Nous serons pour cela aux côtés de Sasha Cooke et Doris Soffel. À l’occasion de Nixon, nous avons échangé aussi avec Alexander Neef pour certains projets à l’Opéra de Paris, mais comme je l’avais dit il y a neuf ans, si je prends un jour Golaud, je promets de retourner en école de langue et que toutes mes interviews sur le rôle pourront être en français. Si je n’ai pas ce niveau avec la langue française, alors je ne pense pas pouvoir chanter ce chef-d’œuvre qu’est Pelléas et Mélisande !

Crédits photographiques : Portrait © Jiyang Chen ; Répétition Nixon in China © Opéra de Paris / Elisa Haberer ; Simon Boccanegra © Dan Rest

 

Un chanteur intelligent,

que j’ai eu la chance d’entendre et apprécier sur scène, en récital, au Grand-Théâtre de Bordeaux ;

et qui m’avait très fort impressionné.

Et dont ma discothèque personnelle compte pas mal de beaux CDs…

Ce vendredi 21 avril 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Un fascinant concert Ravel, hier, à l’église Saint-Jean-Baptiste de Saint-Jean-de-Luz, en clôture du Festival Ravel…

11sept

Dès l’ouverture de la billetterie,

mon ami Bernard, qui habite Bidart, avait réservé ses places _ au premier rang _ pour le superbe concert Ravel,

que devait diriger Riccardo Chailly, à la tête de l’orchestre de Paris, hier vendredi 10 septembre, en l’église Saint-Jean-de-Luz,

en clôture du Festival Ravel…

Et voilà que juste avant d’appeler Bernard pour lui demander leurs impressions de ce beau concert de clôture du Festival Ravel de cette année 2021,

je tombe sur un article de ResMusica intitulé « Adieux de Roland Daugareil avec l’Orchestre de Paris et Ravel« .

Voici donc le courriel que j’adresse alors à Bernard,

qui me joindra peu après au téléphone pour me faire part de leurs impressions effectives _ bien plus favorables…

Le concert que vous avez écouté hier soir a été donné la veille _ le 9 septembre _

à Paris ;
cf cet article _ plutôt mitigé… _ de ResMusica aujourd’hui 11 septembre :

Adieux de Roland Daugareil avec l’Orchestre de Paris et Ravel

Dans un programme Ravel et avec Gustavo Gimeno pour remplacer Riccardo Chailly, le premier violon de l’Orchestre de Paris Roland Daugareil tire sa révérence de la plus sobre des manières.


Riccardo Chailly avait prévu pour ce premier programme de saison de l’Orchestre de Paris un concert totalement composé de pièces de Ravel, dont le très célèbre Boléro. Mais le chef a dû annuler plusieurs contrats cette rentrée, et c’est Gustavo Gimeno, actuel directeur musical de l’Orchestre Philharmonique du Luxembourg, qui tient la baguette à sa place pour deux soirs à la Philharmonie. Sans avoir rien modifié du programme annoncé, il débute avec d’opulentes Valses nobles et sentimentales, qui trouvent une belle fluidité en même temps que des couleurs bien prononcées, à l’image de celles des bois, tout particulièrement la flûte dans la deuxième danse, puis les hautbois et cor anglais à la fin de la suivante. L’Épilogue remet en avant ce dernier instrument et la clarinette, vite épaulés par les premiers violons, guidés pour son ultime soirée en tant que violon solo de la formation par Roland Daugareil.

Écrite huit ans plus tard par Ravel, en 1919, La Valse donnée ensuite assombrit l’atmosphère avec une œuvre touchée au plus profond par les désastres des années passées. Elle nécessite alors une profondeur et une concentration qui ressortent ici moins de la direction du chef. Loin de l’intellectualisme libéré d’un Nagano qui la donnait en bis dans cette même salle il y a deux années, Gimeno y entre trop au premier degré, d’une danse désincarnée dont il perd lui-même la maîtrise, non par sa battue intègre et très bien comprise par les musiciens, mais par la difficulté à en développer la puissance du propos. La coda très verticale se voit alors surtout marquée par des percussions détachées et un tambourin déséquilibré, tandis que les ultimes instants s’achèvent sur un accord gras du tutti, là où plus de netteté semblait mieux adaptée.

Au retour d’entracte, Alborada del Gracioso trouve les mêmes qualités et limites, ne permettant pas de s’arracher totalement à une lecture là encore trop simpliste. Bien introduite par les pizzicati des cordes secondés par le hautbois, puis dynamisée par les percussions, la partition ne parvient pas tout à fait à s’exalter, notamment par son long solo de basson. Puis un léger quiproquo fait entrer à la dernière seconde le second basson et la flûte piccolo, tandis que le chef va débuter La Rapsodie espagnole. Plus fougueuse et d’une matière mieux animée que l’œuvre précédente, elle aussi inspirée de l’Espagne et orchestrée après avoir été écrite pour le piano, la rapsodie met encore en avant les bois français, libérant la clarinette basse avant de donner la primeur aux cuivres, avec de magnifiques glissandi des trombones à la Feria.

Le Boléro clôt le concert sans jamais tomber dans la caricature d’une pièce syncopée, sans excès de rythmique trop appuyée, malgré la mesure toujours parfaitement pointée par la caisse claire. Il bénéficie de la superbe entrée de la flûte solo, puis de la clarinette, moins biens secondées par le basson, tandis que se remarquent ensuite quelques problèmes d’équilibres, notamment dans la cinquième reprise du Thème A, où piccolos et célesta sont bien trop éclairés, tandis que le crescendo trop préparé amène très fort l’orchestre juste avant la coda. Sous des applaudissements nourris, les saluts remettent en avant Roland Daugareil, jamais vraiment sollicité dans aucune des œuvres du programme et attendu par exemple dans l’évidente Tzigane qu’on pouvait a minima espérer en bis. À l’inverse, nul hommage, nul discours et pas même un bouquet ne seront offerts à celui qui est entré à l’Orchestre de Paris il y a maintenant vingt-trois ans, tout juste remercié par une douzaine de témoignages amicaux de ses collègues dans le livret de soirée.

Crédit photographique: © Marco Borggreve


Paris. Philharmonie, Grande Salle Pierre Boulez. 9-IX-2021. Maurice Ravel (1875-1937) : Valses nobles et sentimentales. La Valse, poème chorégraphique. Alborada del Gracioso, pour orchestre. Rapsodie espagnole, pour orchestre. Boléro, pour orchestre. Orchestre de Paris, direction : Gustavo Gimeno.

J’espère que les deux concerts déjà donnés à Paris auront permis aux interprètes, orchestre et chef, de rectifier, à Saint-Jean, les approximations remarquées ici par le critique…

Francis


Ce samedi 11 septembre 2021, Titus Curiosus – Francis Lippa

Stéphane Degout : élégantissime Comte Almaviva des Noces de Figaro de Mozart ; et chanteur merveilleux d’intelligence…

25août

Hier soir, retransmission à la télévision des Noces de Figaro de Mozart dans la mise en scène de James Gray et sous la direction musicale de Jérémie Rohrer, au Théâtre des Champs Elysées, en novembre 2019.

Mon impression d’ensemble est hélas très mitigée,

alors que les représentations sur la scène de ces Noces de Mozart m’ont _ et à la différence des deux autres chefs d’oeuvre de Mozart et Da Ponte : à la merci de faiblesses d’interprétation, tant musicales que dramaturgiques… _ très rarement déçues, tant l’œuvre est splendidement enlevée…

A part les incarnations du Comte et de la Comtesse

_ par Vanessa Vannoni et Stéphane Degout _,

je trouve la plupart des autres incarnations des personnages bien trop lourdes et dénuées, ici, de l’indispensable charme mozartien (et da pontien)…

Je suis aussi déçu de la mise en scène bien trop lourdaude du cinéaste _ que j’apprécie pourtant beaucoup au cinéma ; cf les articles que j’ai consacrés à ses films : The Yards, Two Lovers, etc…. _ James Gray.

Je ne partage donc pas du tout le point de vue d’un spectateur, Bruno Serrou,

exprimé sur le Net : Les Noces de Figaro fébriles de Jérémy Rohrer dans une mise en scène élégante et fébrile du cinéaste James Gray

VENDREDI 29 NOVEMBRE 2019

Les Noces de Figaro fébriles de Jérémy Rohrer dans une mise en scène élégante et classique du cinéaste James Gray

Paris. Théâtre des Champs-Elysées. Mardi 26 novembre 2019

Après Cosi fan tutte en 2012 et Don Giovanni en 2016, le Théâtre des Champs-Elysées confie à Jérémie Rohrer le premier volet de la trilogie Mozart/Da Ponte, Les Noces deFigaro, animé par un troisième metteur en scène, le célèbre réalisateur américain James Gray.

En effet, après les metteurs en scène de théâtre français Eric Genovèse (Cosi fan tutte) et Stéphane Braunschweig (Don Giovanni), c’est au cinéaste new-yorkais James Gray, auteur notamment de Two Lovers (2008), The Immigrant (2013), The Lost City of Z (2016) et Ad Astra (2019), qu’a été confié Les Noces de Figaro. C’est avec cet ouvrage que le réalisateur américain fait ses débuts à l’opéra. C’est donc l’esprit vierge qu’il propose une mise en scène traditionnelle, un peu trop littérale mais sobre et fidèle au texte. La scénographie évocatrice de Santo Loquasto et les beaux costumes du couturier Christian Lacroix situent l’action dans la Séville du début du XVIIIe siècle de la pièce de Beaumarchais dont s’est inspiré Da Ponte et qui répond aux attentes du public du théâtre de l’avenue Montaigne, qui, pourtant, a été témoin de quelques huées peu audibles il est vrai qui manifestaient le dépit d’inconditionnels du cinéaste qu’ils ont jugés moins moderne que dans ses films.

Abondant dans le sens de la mise en scène, la direction nerveuse et vive de Jérémie Rohrer à la tête de son Cercle de l’Harmonie, ne laisse aucun répit, et l’on ne s’ennuie pas une seconde à l’écoute du chef-d’œuvre de Mozart. L’effectif des cordes donne ici une chair sonore onctueuse, qui instille sensualité et fluidité (le pianofortiste est en costume XVIIIe et emperruqué). La fébrilité instaurée par le chef dès les premières mesures de l’ouverture ne réprime pas pour auant un nuancier particulièrement large au sein de l’orchestre.


Mue par la direction d’acteur au cordeau de James Gray, qui fait de chacun des personnages des êtres de chair et de sang aux sentiments authentiques et spontanés, cette production est servie par une distribution homogène qui se fond sans restriction au sein de la dramaturgie. La soprano corse Vannina Santoni campe une Comtesse mélancolique et solitaire singulièrement humaine et complexe, s’appuyant sur une voix lumineuse et brûlante. Face à elle, un Comte de grande classe, à la fois noble, fragile et impulsif du baryton lyonnais Stéphane Dégout, suprêmement chantant, doué d’un timbre rutilant et noir. Le baryton-basse canadien Robert Gleadow, voix sombre et pleine, est un Figaro jaillissant et impulsif, et la soprano russe Anna Aglatova, Suzanne à la voix large et charnue, s’échauffe peu à peu pour atteindre sa plénitude vocale dans Deh veni. Eléonore Pancrazi est un Chérubin un peu éteint, mais elle finit par s’imposer dans l’acte final. La production est également marquée par la Marceline joviale de Jennifer Larmore, et par la pimpante Barberine de Florie Valiquette.

Mais plutôt celui de Steeve Boscardin, en un article de ResMusica : Des Noces de Figaro déjà routinières au Théâtre des Champs-Élysées

Des Noces de Figaro déjà routinières au Théâtre des Champs-Élysées

En faisant appel à James Gray pour mettre en scène les Noces de Figaro de Mozart, le Théâtre des Champs-Élysées a sans conteste fait une belle prise tant les talents du cinéaste américain sont incontestables. De fait, le spectacle constitue le point d’orgue de la programmation mais les attentes n’étaient-elles pas trop grandes ?


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À la sortie de la salle, le public semble ravi de sa soirée et l’accueil est enthousiaste. Pourtant, qu’il nous soit permis d’émettre ici des réserves importantes sur ce qui nous est proposé. Des réserves qui concernent tous les éléments du spectacle : une mise en scène professionnelle, « jolie » mais qui aurait pu être faite à moindre frais par n’importe quel metteur en scène un tant soit peu professionnel, une fosse très contestable et une distribution intéressante mais d’où émergent surtout les protagonistes masculins.

James Gray signe donc sa première mise en scène d’opéra. Contrairement à ce que l’on pouvait attendre ou craindre (c’est selon) il a décidé d’éloigner toute actualisation et de rester dans une forme de réalisme historique. Cette approche pourrait être révolutionnaire dans un monde lyrique dominé par les néons, structure métalliques et autres robes en lamé, mais les choix opérés par James Gray ne cessent d’illustrer une évidence : si la laideur coutumière du Regietheater ne garantit pas une relecture intelligente, la joliesse ne peut quant à elle suffire à faire le théâtre, à livrer une vision, à donner de la chair à des personnages _ voilà.

Beaucoup de choses interpellent ici. D’abord les moyens considérables pour les décors et les costumes aboutissent à un joli livre d’images mais à y regarder de plus près, tout est finalement plus hétéroclite qu’historique. Les décors évoluent entre des atmosphères hispanique, française, vénitienne (etc…) – au milieu de charpentes et de poulies théâtrales pour signifier que nous sommes dans une œuvre du déguisement et du travestissement – et les costumes chatoyants de Christian Lacroix offrent des robes à panier Louis XV à la comtesse, un ensemble Directoire façon « Incroyable » à Chérubin et des livrées très XVIIᵉ pour Bartolo et Basilio. Tout cela semble sans ligne directrice, sans époque, sans puissance évocatrice, sans vision ou éclairage marquant sur un livret pourtant historiquement chargé, mais c’est « joli ».

L’historicisme, on le trouvera davantage du côté d’une direction d’acteur dont on peine à croire qu’elle est l’œuvre d’un Américain du XXIᵉ siècle. Tout _ ou presque tout… _ semble artificiel, des pauses et mimiques convenues et dix mille fois vues aux gags les plus éculés, des mouvements du chœur (par ailleurs excellent) bien symétriques aux entrées et sorties latérales des protagonistes. On ne peut nier qu’un charme aimable et suranné émane de cette production « à l’ancienne » qui a par ailleurs le mérite de rendre lisible le fait que les Noces illustrent tout autant l’alliance des femmes contre le patriarcat que celui des serviteurs contre leurs maîtres, mais l’ennui serait souvent en embuscade sans le talent et la présence scénique des chanteurs. Bref tout cela est neuf et sent pourtant déjà terriblement la routine.

L’autre mauvaise surprise vient de la fosse. Après avoir tant fréquenté Mozart ces dernières années, comment le Cercle de l’Harmonie peut-il sonner aussi aigre, aussi raide, aussi sec avec des vents aussi discordants et faux ? Pourtant, au milieu, émerge comme une pépite le pianoforte d’une délicatesse inouïe de Paolo Zanzu _ certes _, mais cela saurait-il suffire ? Jérémie Rhorer sait nuancer, donner des coups de fouets mais les tempi sont souvent trop rapides et occasionnent des décalages récurrents et une absence très préjudiciable de respiration, essentielle chez Mozart _ en effet : c’est tout à fait fondamental… Si la deuxième partie est apparue plus en place, on a cherché en vain l’émotion, la profondeur, totalement absentes d’une lecture terrorisée par le sentiment.

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Heureusement, la distribution a des choses à proposer. Le Figaro de Robert Gleadow est étourdissant de naturel et d’aisance physique _ bof… Après quelques minutes de chauffe, la voix trouve ses couleurs et la ligne de chant s’affermit. Les grands tubes qu’offre le rôle, sont ici assumés avec autorité et panache et le jeu de scène bondissant est impeccable. Anna Aglatova défend le rôle de Susanna avec beaucoup de charme _ ce n’est pas mon avis… Si le medium est parfois couvert par l’orchestre, la voix est pulpeuse, bien conduite et suffisamment veloutée pour donner du relief à un personnage qui s’avère finalement assez ingrat et difficile à défendre _ en cette maladroite incarnation-ci, du moins…. Vannina Santoni remporte un beau succès public en proposant une comtesse jeune, aux aigus rayonnant. Assurément marquante dans les scènes de confrontations avec le comte où la soprano apparaît à son aise dans la puissance, les deux airs plus intimistes (« Porgi amor » et « Dove sono ») déçoivent un peu en exposant un legato assez limité et une voix trop blanche et neutre pour donner de la chair, de l’épaisseur et de l’émotion au personnage.

Éléonore Pancrazi est doté d’un délicieux vibratello qui confère beaucoup de juvénilité et de charme _ non… _ à ce chérubin maladroit et outrancier, et les courtes apparitions de Florie Valiquette en Barberine _ pas assez juvénile, ni fragile _ font regretter que la soprano n’ait pas été plus avantageusement distribuée.

Le Bartolo de Carlo Lepore impressionne par un bronze d’une grande beauté, magnifiquement projeté, et un tempérament comique naturel. Il en va de même pour la Marcelina de Jennifer Larmore dont on retrouve avec plaisir le timbre noir et corsé dans un rôle où elle prend manifestement beaucoup de plaisir _ oui : elle, au moins, s’amuse… Que dire également du Basilio de Mathias Vidal, belle surprise de la soirée dans un rôle bouffe où la veulerie côtoie la sournoiserie pathétique par un jeu de voix assez inédit et franchement réussi. Les belles interventions de Matthieu Lécroart et Rodolphe Briand complètent avantageusement le plateau.

Mais c’est surtout la prestation de Stéphane Degout que l’on retiendra _ oui ! _, passionnante de bout en bout _ absolument ! De plus en plus à l’aise scéniquement avec les années, il impose une belle voix cuivrée avec une autorité confondante _ oui. Maniant avec raffinement l’art du récitatif et de la coloration, il dessine un personnage aussi aristocratique que pathétique, aussi noble que tragique. Chacune de ses interventions est captivante _ oui _ par le mordant d’un chant naturel qui coule simplement avec un sens des mots et des intentions qui le rattache définitivement à ce que l’école du chant français fait de mieux _ absolument. Beaucoup du plaisir ressenti en cette soirée lui revient _ tout à fait.

Crédits photographiques : © Vincent Pontet

 

Cet article de Steeve Boscardin est suivi, sur le site de ResMusica, d’une excellente interview du magnifique Stéphane Degout _ auquel j’ai déjà consacré plusieurs articles ; j’apprécie énormément ce chanteur :  ;  ;  ;  ;  ;  ;  ;  ;  ;  ;  ;  ; …  _ par Vincent Guillemin, intitulée « Stéphane Degout, baryton lyrique mature« …

Stéphane Degout, baryton lyrique mature

Comte Almaviva sur scène pour la septième fois de sa carrière, Stéphane Degout participe à la nouvelle production de James Gray des Noces de Figaro. L’occasion de revenir avec lui sur ses grands rôles et d’évoquer ses projets pour l’avenir.

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ResMusica : Vous reprenez dans une nouvelle production de James Gray le Comte Almaviva des Noces de Figaro au Théâtre des Champs-Élysées, que recherchez vous avec ce personnage ?

Stéphane Degout : Le Comte est l’un des rares personnages de Mozart qui n’a pas d’âge. Dans la pièce de Beaumarchais, il est plus jeune que Figaro et on peut lui donner vingt-trois ou vingt-cinq ans, mais pour moi, cela n’a pas beaucoup de sens de jouer le jeune homme avec lui. Je l’ai abordé pour la première fois en 2003, à 28 ans, pour le chanter régulièrement depuis, et maintenant à Paris alors que j’ai 44 ans. A chaque fois, j’y ai trouvé des résonances avec ce que j’étais sur le moment. Aujourd’hui, il est plus mûr et porte un regard différent sur la vie que celui qu’il avait il y a seize ans. C’est un rôle dans lequel on peut projeter énormément d’idées, en cela, il peut devenir un miroir de soi-même. C’est aussi le seul dont je me sente véritablement proche chez Mozart, car comme tous les jeunes barytons, j’ai chanté Guglielmo, Papageno et une fois Don Giovanni, en 2002, mais pour moi, ce dernier souffre trop d’une image d’Epinal à laquelle je ne corresponds pas du tout.

RM : Par rapport à la dernière production amstellodamoise de David Bösch, que donnez-vous, en plus ou en moins, à ce Comte par votre maturité et la proposition de James Gray ?

SD : David Bösch avait transposé l’histoire à aujourd’hui. Il n’y avait donc plus d’aristocratie, mais toujours une notion de richesse et de classes, des gens très riches entourés de leurs serviteurs. La différence aujourd’hui est que l’on revient au temps de la pièce avec des costumes et décors très classiques sans rechercher pour autant à penser comme des personnages du XVIIIe siècle. Nous gardons nos réflexes contemporains, avec des sentiments et des questionnements actuels. James Gray va très loin là-dedans. Il essaie toujours de savoir comment cela résonne en nous et ce que l’on ferait dans une situation similaire.

Contrairement aux metteurs en scène habitués à l’opéra, James Gray est confronté pour la première fois à cette problématique, et contrairement au cinéma, il ne peut monter les scènes comme il veut et doit respecter toutes les parties. Lors des répétitions, on sentait son incertitude dans le traitement des moments moins dramatiques, à l’exemple du final, qui est une pure convention d’opéra et avec lequel on ne peut pas raconter beaucoup.

RM : Est-ce que cela change votre rapport au metteur en scène de travailler avec quelqu’un comme Gray, à la fois très respecté pour son œuvre cinématographique, et en même temps nouveau dans le monde de l’opéra ?

SD : Pour ces raisons, il y a justement eu un besoin d’échange très fort. Très souvent, un metteur en scène a une vision de la scène et nous essayons d’y rentrer. Mais depuis trois semaines, nous travaillons avant tout sur les personnages, et la géographie de la scène vient après, en fonction de ce que l’on donne. Pour un chanteur, c’est assez perturbant car c’est d’une certaine façon l’opposé des répétitions habituelles : comme au cinéma, on fait plusieurs prises sans essayer de fixer les choses, on essaie de voir ce qui est bon, ce qui l’était dans la précédente, et ensuite on tente de refaire ce qui a le mieux fonctionné. C’est un processus de travail plus lent, mais que j’apprécie beaucoup.

Il ne faut pas oublier que dans Les Noces, déroger à ce qui est écrit est très compliqué. C’est d’ailleurs pour cela que beaucoup de metteurs en scène ont toujours refusé de s’y atteler, Chéreau par exemple, ou Haneke, qui s’est arrêté aux deux autres volets de la trilogie Da Ponte. A Vienne au Theater an der Wien, il y a quatre ans, le metteur en scène Felix Breisach, qui vient de la télévision, a voulu prendre le contre-pied du sujet, et la production a été très compliquée.

Pour revenir à James Gray, il lui arrive en plein milieu d’une répétition de nous prendre à part et de nous donner des indications que les autres n’ont pas besoin de savoir, afin d’affiner le personnage et de lui développer des traits de caractère. Car souvent, lorsqu’on connaît le cheminement psychologique des autres personnages, sans le vouloir, on anticipe leurs réactions. Alors qu’avec cette méthode, on a cette fraction de seconde d’incertitude qui donne un vrai naturel à la scène _ oui. La complexité sera de reproduire ce naturel tous les soirs lors des représentations _ certes.

RM : Concernant vos autres rôles, vous avez quitté Pelléas mais gardez des personnages forts, Hamlet par exemple, ou encore Golaud vers lequel vous semblez vouloir aller?

SD : Pelléas est peut-être le seul rôle de mon répertoire que j’ai abordé avant tout sur le plan musical et vocal. De mon point de vue, Golaud est le personnage dramatique de l’opéra, le seul qui a un cheminement psychologique profond et déterminant. Mais globalement, j’aime les personnages torturés, avec quelque chose de cassé à l’intérieur, avec lesquels la tragédie appelle une grande part de « vécu ». Je suis toujours particulièrement intéressé à exploiter la fébrilité ou la fragilité d’un rôle _ voilà. Pelléas n’a pas la même épaisseur que Golaud, Hamlet ne bénéficie malheureusement pas d’une partition aussi géniale, même si la musique est belle. Mais dans les deux cas, il y a une véritable puissance théâtrale, le sentiment d’être chez Maeterlinck ou chez Shakespeare. Les rôles détiennent une texture, une épaisseur _ oui _, avant même qu’on y ajoute sa propre part d’interprétation _ en effet.

Je ne reviendrai plus à Pelléas car j’ai senti un tournant autour de mes quarante ans, lorsque ma voix s’est installée plus dans le corps _ voilà. D’un coup, j’ai dû faire l’effort pour aller dans sa vocalité qui était pourtant naturelle pour moi. Cependant, je n’ai abordé Golaud qu’en concert avec piano l’an passé à l’Opéra Comique, concert pendant lequel j’étais tellement malade que l’on ne peut en tirer aucune conclusion sur l’avenir. J’ai finalement décidé de repousser ma prise de rôle pour me laisser le temps d’y penser, car me frotter à Golaud tout de suite risquerait d’être un trop grand écart avec les rôles lyriques et plus légers que je porte dans les trois prochaines années.

Et puis j’ai beaucoup échangé sur le sujet avec plusieurs personnes, dont Laurent Naouri qui a été souvent mon Golaud, et c’est José van Dam qui m’a dit la chose la plus pertinente et la plus directe : « Si les bons Pelléas faisaient des bons Golaud, ça se saurait ». Je crois qu’il n’a pas tort, donc rien ne presse pour que je prenne ce rôle, d’autant que j’ai toujours aimé avoir des barytons-basses à mes côtés, ce qui n’est pas ma couleur. Si je le chantais, je ressemblerais plus à un Dietrich Henschel, qui était mon premier Golaud, en 2008, et qui est sur une tessiture assez proche de la mienne. Mais dans ce cas, il faudrait un Pelléas plus clair, pourquoi pas même en version ténor _ tout cela est bien sûr passionnant.

RM : Votre répertoire va du baroque au contemporain, comment sélectionnez-vous les rôles ?

SD : Certains viennent naturellement, par exemple Yeletski de la Dame de Pique, que je chanterai en mai à Bruxelles, suivi d’Oneguine et Ford (Falstaff) la saison prochaine. Ce sont des rôles sur la route d’un baryton lyrique et le moment est venu pour moi de les aborder. Mais encore une fois, même si l’aspect vocal est primordial, je suis vraiment guidé et attiré par la puissance théâtrale des rôles _ et c’est fondamental !

Wozzeck en est un exemple évident : j’ai toujours aimé la pièce de Büchner et quand j’ai découvert l’opéra de Berg, je pensais que je ne chanterai jamais le rôle. J’y entendais toujours des barytons-basses sombres et puissants. Mais quand j’ai entendu Simon Keenlyside le chanter à Bastille en 2006, j’ai compris que ce rôle pouvait être porté par une voix plus claire, plus aigüe, comme celle par exemple de Christian Gerharer qui l’a chanté dernièrement et dont la voix est assez proche de la mienne, alors j’ai gardé l’espoir de le chanter un jour et je devrais aborder le rôle dans deux ans.

RM : En plus de Wozzeck, vers quoi souhaitez-vous faire évoluer votre carrière dans les prochaines années?

SD : J’ai compris que ma voix changeait et que je pouvais maintenant m’orienter vers des rôles plus bas _ voilà _, comme Rodrigue, pris récemment dans le Don Carlos de Lyon. Je me suis rendu compte que cela nécessitait un fort engagement physique _ oui _, que je pouvais assumer, notamment dans une salle convenant bien à mes moyens _ et c’est aussi crucial, bien sûr. En revanche, je ne voudrais pas descendre sur des rôles trop lourds, comme chez Wagner par exemple, où à part Wolfram, que j’aimerais vraiment rechanter dans les prochaines années, je vois assez peu de rôles pour moi _ probablement…

Lannion. Voce Degout-Planès 4 (2)

J’aimerais aussi faire plus de récitals _ oui _, car je trouve que c’est vital pour ma propre santé vocale et artistique _ oui. Mais c’est toujours difficile à vendre _ hélas ! _, surtout en France _ pas assez mélomane… Je pensais que c’était une question d’époque, mais lorsque j’ai évoqué le sujet avec François Le Roux, il m’a surpris en me disant que dans ses grandes années de récitaliste, il en donnait relativement peu, parce que l’opéra prend toute la place. José van Dam est aussi célèbre pour ses récitals, mais il y est venu assez tard dans sa carrière, ce qu’il a regretté _ Stéphane Degout sait aussi excellemment écouter ses confrères…

Je fais aussi très peu de concerts avec orchestre, alors que le répertoire est très riche et m’intéresse beaucoup, par exemple les Scènes de Faust de Schumann, les cycles de Mahler, etc. Mais dans ce domaine comme partout, on pense à vous pour ce que vous avez au répertoire, pour ce que vous savez faire. Vous faites partie d’un réseau, opéra ou concert, rarement les deux ! _ hélas… Et tout particulièrement dans le cloisonnement d’esprit de beaucoup de Français… Les chanteurs d’opéra sont rarement invités par les orchestres, et les chanteurs qui ne chantent qu’en concert se produisent rarement à l’opéra, ce qui est dommage _ vraiment ! Il y a peut-être un manque de curiosité _ oui !!! _ou de prise de risque _ aussi… _ de ce côté de la part de certains directeurs de casting. Mais c’est aussi à nous _ oui ! _ d’oser proposer _ oui _ et de faire part de nos envies, et par exemple c’est moi qui ai suggéré à l’Orchestre de Paris les Lieder eines fahrenden Gesellen de Mahler que je chanterai en mars à la Philharmonie. Il faut donc aussi, en tant qu’artiste, proposer les ouvrages que l’on souhaite chanter _ voilà.

Crédits Photographiques : Portrait © Jean-Baptiste Millot ; Hamlet Mulhouse © Alain Kaiser ; Récital avec Alain Planès © Alain Le Bourdonnec

Cette interview est vraiment passionnante _ je l’avais déjà donnée le 26 novembre 2019 :

Et elle nous permet d’apprécier une nouvelle fois la très remarquable qualité d’intelligence humaine de Stéphane Degout, au-delà de ses qualités de chanteur et d’acteur…

Ce mercredi 25 août 2021, Titus Curiosus – Francis Lippa

Une très intéressante interview de Stéphane Degout, « baryton lyrique mature » : son parcours, son présent, ses perspectives…

26nov

Ce jour, sur le site de Res Musica,

et sous la plume de Vincent Guillemin,

cette interview du baryton _ excellent ; cf mes articles antérieurs des 15 mai, 5 avril, 9 mars, 22 février et 19 janvier 2019 ; et 3 octobre, 22 août, 27 mars et 3 janvier 2018… _ Stéphane Degout :

Stéphane Degout, baryton lyrique mature.

Stéphane Degout, baryton lyrique mature

 

Ce mardi 26 novembre 2019, Titus Curiosus – Francis Lippa

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