Archives du mois de novembre 2008

La Société de philosophie de Bordeaux reçoit : Bernard Sève ; puis Fabienne Brugère…

10nov

La Société de philosophie de Bordeaux aura le plaisir d’accueillir,
ce jeudi 13 novembre à 18h à La Machine à Lire (salle annexe, rue du Parlement-Saint-Pierre),
et mardi 25 novembre dans les salons Albert-Mollat, de la librairie Mollat, 15 rue Vital-Carles,

les philosophes,
Bernard Sève
et Fabienne Brugère,

à l’occasion de deux conférences de philosophie,
auxquelles le public le plus large
est chaleureusement convié
non seulement à assister
_ par son écoute attentive _ ;

mais aussi à participer : par les questions au conférencier,
enrichissant ainsi, par le dialogue,
le questionnement
_ philosophique _ du philosophe-conférencier (de départ :
questionnement qu’il vient _ tout spécialement _ nous faire partager,
en venant nous livrer quelques une de ses pistes un peu « personnelles » de recherche…) ;

questionnement dont celui-ci vient nous donner, en quelque sorte, la continuation du cours, du flux, plus ou moins bouillonnant (de ce questionnement « in progress« ) :

« la bêtise serait _ Flaubert nous l’a appris _ de conclure« …

Ouvrant par là un débat dans les (= nos) esprits, dont la démocratie a aussi (bien) besoin : pour redevenir plus vivante…

Voici ces deux annonces de conférences :


pour le jeudi 13 novembre, à La Machine à Lire : Bernard Sève ;

et le mardi 25 novembre prochain, à la Librairie Mollat : Fabienne Brugère.

Bernard Sève, sur « Montaigne. Des règles pour l’esprit »

Montaigne est-il seulement un philosophe sceptique ? Il critique certes la raison, sa présomption, son impuissance. C’est le fameux « Que sais-je ? ». Mais la raison n’est pas la seule faculté intellectuelle, ni même la plus importante.

Les « Essais » sont d’abord une extraordinaire enquête sur la puissance de l’esprit, que Montaigne distingue soigneusement de la raison. Livré à lui-même, l’esprit invente, croit, divague… En somme, il imagine,

pour le meilleur (l’invention poétique) et pour le pire (le fanatisme religieux).

Comment « régler » cette puissance fantasque ?

Bernard Sève est professeur d’esthétique et de philosophie de l’art à l’Université Lille 3. Il est notamment l’auteur de « La Question philosophique de l’existence de Dieu« , P.U.F. 1994 et 2000) et de « L’Altération musicale, ou Ce que la musique apprend au philosophe » (Seuil, 2002) ; ainsi que de « Montaigne. Des règles pour l’esprit » (paru aux PUF, le 27 novembre 2007).

Ensuite,

la Société de philosophie de Bordeaux aura le plaisir d’accueillir, le mardi 25 novembre à 18 h, dans les salons Albert Mollat, 15 rue Vital-Carles,

Fabienne Brugère, sur « Le sexe de la sollicitude » :


Pourquoi les femmes restent-elles majoritairement des pourvoyeuses de soin et des mères dans presque toutes les sociétés, même dans celles où les mouvements féministes ont eu un impact certain dans la promotion d’une égalisation des devenirs des femmes et des hommes ? On répond ordinairement : parce que c’est une affaire de nature féminine.

Alors, la sollicitude, cette relation aux autres sur le mode de la protection, a-t-elle vraiment un sexe
, le « deuxième sexe » pour reprendre l’expression de Simone de Beauvoir ? Si tout ce qui porte les femmes aux tâches d’amour et de soin est largement culturel, comment déconstruire cette assignation sexuée injuste ; et sauver la sollicitude qui n’est ni la compassion, ni la charité ?

Pour y répondre, Fabienne Brugère défendra une conception de l’individu qui n’est pas celle de l’individu autonome, performant _ masculin généralement _, prônée par l’ultra-libéralisme économique. La sollicitude doit valoir comme une reconnaissance de l’individu dépendant et, plus généralement, de la vulnérabilité (des humains, des institutions, de la nature).

Fabienne Brugère est professeure de philosophie à l’Université Michel de Montaigne Bordeaux3. Elle est actuellement Présidente du Conseil de Développement de la Communauté urbaine de Bordeaux. Elle dirige (en collaboration avec Anne Sauvagnargues) la collection « Lignes d’art » aux PUF. Ses centres d’intérêt sont la réflexion sur l’art, la question des sentiments et du partage entre usage privé et public, le féminisme.

Ouvrages déjà publiés : « Théorie de l’art et philosophie de la sociabilité selon Shaftesbury« , Champion, 1999 ; « Le goût. Art, passions et société« , PUF, 2000 ; « L’Expérience de la beauté« , Vrin, 2006 ; « C’est trop beau« , Gallimard, Jeunesse giboulées, 2008 ; « Le sexe de la sollicitude« , Paris, Le Seuil, « non conforme », paru ce mois d’octobre 2008.


Je reprends ma parole :
j’ai personnellement présenté Bernard Sève, le 20 mai 2003, dans les salons Albert-Mollat, pour son _passionnant _ livre sur la musique, « L’Altération musicale, ou Ce que la musique apprend au philosophe » : c’est un ami…

Quant à Fabienne Brugère,
je n’ai pas besoin de la présenter aux bordelais
: elle enseigne à l’Université Michel-de-Montaigne-Bordeaux-3 depuis l’année 2001, en qualité de maître de conférences, et de professeur depuis septembre 2004… Elle aussi a focalisé sa réflexion, et une partie importante de son enseignement, sur l’Esthétique :
ce que je me permettrai d’interpréter comme un certain souci de l’altérité (du réel, comme de la personne _ ou « l’autre » ; « souci » quelque peu en crise ces derniers temps-ci _ d’ultra-libéralisme exacerbé, notamment, mais pas seulement…)…

Je reviendrai  très prochainement sur cette question, à propos du _ passionnant ! et urgent !_ livre de Michaël Foessel, dont je me permets de recommander d’ores et déjà très vivement la lecture : « La Privation de l’intime_ mises en scène politiques des sentiments« , paru ce mois d’octobre 2008, lui aussi, aux Éditions du Seuil…


Titus Curiosus, ce 10 novembre 2008

Le suicide d’une philosophe : de la valeur de vérité (et de justice) dans le marigot des (petits) accommodements d’intérêts (2 _ ou élargissement)

09nov

A propos de l' »affaire » comportant « le suicide d’une philosophe« ,

et ayant, à mon tour, envisagé l' »affaire«  soulevée,

au-delà des prudents « voiles de fumée », ou « jets d’encre de seiche », que peut conseiller à ses clients quelque, un tant soit peu, madré juriste, en espérant lasser ainsi la patience des quelques uns qui oseraient vouloir s’essayer à y regarder d’un peu plus près, voire, officiellement et « dans les règles », demander quelque compte _ comme s’il n’y avait, en France, ou ailleurs, « que des fous pour faire avancer la Jurisprudence » _,

ayant envisagé l' »affaire » soulevée

par les amis de la philosophe Marie-Claude Lorne,

qui s’est donnée la mort en se jetant dans la Seine du pont Simone-de-Beauvoir à Paris _ le 22 septembre dernier : son corps a été retrouvé dans le fleuve, le 3 octobre _, possiblement à la suite de ses difficultés de titularisation universitaire,

c’est non sans _ un mélancolique, ainsi _ plaisir

_ au vu de cette très pénible tragique circonstance _

que je constate que Yves Michaud,

ayant « repris »

_ après une interruption de tout un été et un demi-automne _

la rédaction de son blog « Traverses » sur le site de Libération,

consacre l’énergie de toute son alacrité _ retrouvée _ et perspicacité _ coutumière _ à cette misérable « affaire » (professionnelle) :

de « jeu » tragique

broyant une personne

entre les rouages pas assez bien « huilés » d’une institution (de modalités de « titularisation ») trop tardivement « révisée » ;

« affaire » que,

naïvement, à la seule lecture de l’article du blog de François Noudelmann et Eric Aeschimann « Une philosophe broyée par l’université de Brest« , sur le même site de Libération, en date du 3 novembre _ et concomitamment avec mes propres (petites) réflexions (« dans mon coin »), depuis la mi-octobre, sur la « crise » _ ;

« affaire » que

je m’étais permis d’un peu extérieurement intituler « Le suicide d’une philosophe : de la valeur de vérité (et de justice) dans le marigot des (petits) accommodements d’intérêts«  ;

et que je constate, donc, aussi, qu’il en dégage, avec la clarté d’analyse qui le caractérise,

une « leçon » _ éminemment « pratique » _ « de « déontologie » (républicaine)

immédiatement _ ou quasi _  appliquable : pour constituer une « règle »(de droit) un peu plus fiable…

Je renvoie donc à la séquence _ non achevée à ce jour _ des articles d’Yves Michaud (sur son blog « Traverses« )

_ au nombre, jusqu’ici, de 3 : intitulés

(1) « Un suicide dans les règles« , en date du 28 octobre ;

(2) « Un suicide dans les règles (2) : où l’on apprend, entre autres, la différence entre Brest et Morlaix« , en date du 30 octobre ;

et (3) « Un suicide dans les règles (3): de l’irresponsabilité réglementaire« , en date du 4 novembre _

éloquents par leur argumentaire,

ainsi que par l’appoint de commentaires _ modérés (par Yves Michaud), désormais _ d’intervenants relativement assez bien informés et compétents, du moins m’a-t-il semblé,

et faisant « avancer » l’analyse même de la question ;

et dans la perspective on ne peut plus pratique, voire pragmatique, d’un « règlement » faisant « vraiment » progresser les solutions de pareilles « difficultés« …

Quoique naïves et bien trop « générales »

_ sur les symptômes d’une « crise » endémique (depuis plus de trente ans : 1976, pour s’arrêter au simili « prix Nobel d’Économie » décerné à Milton Freedman…) _,

les (petites) « réflexions » de mon propre article précédent, me semblent

ne pas n’être qu’impertinentes…

Titus Curiosus, ce 9 novembre 2008

Le suicide d’une philosophe : de la valeur de vérité (et de justice) dans le marigot des (petits) accommodements d’intérêts

08nov

Un article _ hélas _ significatif (du présent : de la « société »…) sur l’excellent blog de philosophie de François Noudelmann : « 24 heures Philo » _ sur le site de Libération ; en date du 3 novembre 2008…

03/11/2008

« Une philosophe broyée par l’université de Brest »

(sic)

Par Jacques Dubucs, Jean Gayon, Joëlle Proust, Anouk Barberousse, Philippe Huneman•

«  Marie-Claude Lorne, philosophe, s’est donné la mort à 39 ans. En 2004, agrégée de l’Université, elle avait soutenu une thèse de philosophie des sciences et bénéficié, durant sa rédaction, de plusieurs subventions internationales. Par la suite, elle a effectué deux séjours postdoctoraux, à Montréal et à l’Institut d’Histoire et de Philosophie des Sciences et des Techniques de Paris (IHPST). Elle a enfin été élue en mai 2007 à un poste de Maître de Conférences à l’Université de Bretagne Occidentale (Brest).

Engagée dans une recherche de longue haleine sur les notions de fonction, d’information et d’intentionnalité en psychologie et en biologie, ainsi que sur la biologie contemporaine du développement, Marie-Claude Lorne devenait clairement une autorité en philosophie de la biologie, une interlocutrice privilégiée de ceux qui, Français comme étrangers, sont au premier plan de cette discipline. Tous ceux qui l’ont croisée ont été impressionnés par l’exigence et la clarté de sa pensée. Sur le terrain des idées, Marie-Claude ne transigeait jamais. Beaucoup se souviendront de ses interventions passionnées lors des colloques de philosophie. Pour cela, ses amis l’admiraient et enviaient son intransigeance : jamais elle ne cédait devant un argument qu’elle n’estimait pas intégralement clair ou satisfaisant.

Le 22 septembre, elle laissait à son domicile une lettre annonçant son suicide ; le 3 octobre, son corps a été retrouvé dans la Seine. Sa disparition est une grande perte pour la philosophie, française comme internationale ; elle laisse une œuvre interrompue que ses collègues auront à cœur de rendre publique.

Pourquoi cette jeune musicienne et mélomane raffinée, se comptant beaucoup d’amis, cette femme enthousiaste aimant les bons vins, les dîners et les soirées d’après conférences, a-t-elle ainsi abrégé sa vie ? Sa longue lettre d’adieu fait état de sa «non titularisation» comme maître de conférences à l’Université de Bretagne Occidentale. Il faut savoir qu’en général, cette titularisation va de soi ; son refus nécessite des carences majeures publiquement attestées (non effectuation du service, incompétence pédagogique majeure, violence _ et encore, celles-ci n’ont que très rarement entraîné un rejet du corps universitaire, comme beaucoup peuvent en témoigner).

Chercheuse hors pair, Marie-Claude Lorne était aussi une enseignante irréprochable : de multiples témoignages d’étudiants et de collègues viennent maintenant nous le confirmer. Ainsi, cette sentence, prise par une commission de spécialistes ayant siégé et œuvré dans des conditions peut-être légales mais déontologiquement invraisemblables et inacceptables au regard des us et coutumes universitaires, s’avère indubitablement une «décision injuste» (deux membres présents sur dix titulaires et dix suppléants ont siégé ; contre tous les usages de l’Université, la décision n’a été communiquée à l’intéressée qu’après trois mois, à la veille de la rentrée). Marie-Claude a elle-même souligné l’injustice foncière de cette décision dans sa lettre d’adieu. Après le drame, huit des membres de la commission de spécialistes ont véhémentement protesté par lettre auprès de l’Université, du recteur, du ministre et du Conseil National des Universités.

De fait, une telle décision n’avait rien d’irréversible, tant les amis que Marie-Claude avait alertés, étaient déterminés à faire valoir son droit à l’encontre d’une sanction qu’ils estimaient, sur la forme comme sur le fond, inique. Néanmoins, quelle que soit l’issue des recours, elle disait se voir condamnée à exercer à l’avenir son métier dans un «environnement professionnel hostile», perspective qu’elle refusait à juste titre de supporter. Même si nous ne comprendrons jamais vraiment pourquoi Marie-Claude a vécu cette décision comme injuste au point de se donner la mort, il est clair qu’elle l’a entendue comme un arrêté ultime, irrévocable à l’encontre de sa légitimité comme philosophe, c’est-à-dire comme une violence symbolique extrême.

Marie-Claude aimait vraiment la vérité, fidèle en cela à l’exigence originelle de la philosophie. Le semblant, quelque nom qu’on veuille bien lui donner _ « diplomatie » les bons jours, « hypocrisie » les mauvais _ elle n’en voulait pas. Elle n’a jamais cédé là-dessus, refusant de feindre de se ranger aux avis de plus puissants pour tirer les bénéfices de son allégeance. D’où, bien sûr, des difficultés prévisibles ; elle les connaissait et les acceptait.

La tragique disparition de Marie-Claude Lorne nous interpelle sur un monde du travail capable d’ainsi broyer les individus, et demande une réaction énergique. Toutes les enquêtes le montrent : le taux des suicides déclenchés par des motifs professionnels est en hausse inquiétante. Lorsqu’une telle dérive en vient à toucher des institutions républicaines, elle est particulièrement insupportable.

A Brest, Marie-Claude en a payé le prix. Un prix démesuré. »

Jacques Dubucs (Directeur de recherche, Directeur de l’IHPST (CNRS/Paris I Sorbonne/ENS) ; Jean Gayon (Professeur à l’Université Paris I Sorbonne) ; Joëlle Proust (Directeur de recherche, Institut Jean Nicod (CNRS/EHESS/ENS)) ; Anouk Barberousse, Philippe Huneman (Chargés de recherche à l’IHPST).

Rédigé le 03/11/2008 à 15:05

TrackBack

URL TrackBack de cette note:
http://www.typepad.com/t/trackback/2951204/35006243

Voici les sites qui parlent de Une philosophe broyée par l’université de Brest :

Commentaires

Avec pressions à la clé.
Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés… même à l’Université.

Avec tristesse et révolte, je pense à cette femme brillante bien sûr, mais surtout intègre et bien trop jeune pour un tel destin tragique.

http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=46451

Rédigé par: candide | le 03/11/2008 à 17:09

Ce genre de geste, malheureusement, se renouvellera … Ce ne sera que la conséquence logique de l’autonomie des Universités qui permettra toutes les magouilles locales de petit groupes de baron(ne)s locaux sans aucun contrôle … Aujourd’hui, ces contrôles sont déjà rares … la preuve !

Rédigé par: B.D. | le 03/11/2008 à 17:14

L’université compte autant de cuistres que de savants ; et parmi les raisons de son effacement, les batailles pour trois ronds de frites, les rivalités de personnes, de territoires… D’où la nécessité d’apprendre les hommes, avant d’étudier les livres… Quelle triste affaire qui sent le provincialisme à plein nez… Sans compter qu’un poste de maître de conférences n’est déjà pas la panacée pour un savant de haut niveau : faut-il un dessin des obligations de service ? Refuser la titularisation dans ce cas, c’est effectivement renvoyer la personne sur les bords de Seine, lui courbant l’échine et l’injuriant en bas-breton

Rédigé par: Vieux Taxi | le 03/11/2008 à 17:40

Bien entendu, je ne connais ni cette collègue, ni les « dessous » de l’affaire. Mais je sais que le monde universitaire peut être, au moins autant que le monde des affaires, impitoyable ; et qu’en outre on n’y a pas droit à l’oubli ! J’assure les collègues de ma profonde sympathie.

Rédigé par: quercus | le 03/11/2008 à 17:56

La lente mais irrésistible putréfaction de l’Université démontre l’achèvement de la phase terminale du nihilisme européen : le milieu philosophique lui-même est profondément gangréné par le cynisme, le ressentiment et la volonté de vengeance. Aucune générosité intellectuelle ni aucune recherche désintéressée de la vérité ; seulement des conflits d’ego et des haines recuites. Alors effectivement, ceux qui _ parce qu’ils existent _ tentent vraiment de « penser » dans ce cloaque doivent avoir le cœur bien accroché. Mme Lorne était probablement trop délicate pour l’Université. Qu’elle repose en paix.

Rédigé par: Crocodile | le 03/11/2008 à 18:08

Cette affaire très regrettable a déjà fait l’objet d’articles sur le net beaucoup moins clairs et objectifs que celui-ci. Néanmoins, il me semble qu’un suicide est chose trop personnelle pour qu’on puisse s’en saisir pour faire le procès de l’Université comme d’aucuns l’ont essayé ailleurs.
Il est en effet très rare qu’une titularisation soit refusée. Maintenant, je suis scandalisé par les conditions dans lesquelles la décision a été prise : deux membres présents seulement. Que faisait donc le collègue chargé de présider la section de spécialistes en question ? Cela fait partie de ses attributions de téléphoner aux uns et aux autres pour avoir du monde.

Rédigé par: Pomponius | le 03/11/2008 à 18:46

L’émotion m’étreint à lire ces lignes. Universitaire scientifique, bien que beaucoup plus modeste que Mme Lorne, j’ai également ressenti cette violence sans nom à l’issue de ma thèse au moment où j’envisageais de me tourner vers la recherche.
Cet absolu respect de la vérité que j’ose estimer partager avec elle ne permet pas de s’accomoder du « système ». « Psychorigide« , ai-je souvent entendu.
Mme Lorne par son geste désespéré (?) ou héroïque attire notre attention sur ce qui ne va pas en Philosophe _ qui guide vers la Vérité. Puisse-t-elle trouver le repos de l’esprit dans le grand sommeil de la mort.

Rédigé par: michel | le 03/11/2008 à 18:52

Encore sous le choc pour quelqu’un que je ne connaissais pas, mais pour une situation qui concerne la pseudo collégialité à l’université. Cet événement en rappelle d’autres…

Ce drame nous touche tous et nous oblige à réfléchir au « fonctionnement » de nos belles institutions.

Mes condoléances sincères et mes pensées à ses proches
Avrel

Rédigé par: Avrel | le 03/11/2008 à 18:56

Triste Université qui est une véritable « machine à formater du tiède » : recherches audacieuses et recherches critiques étouffées ; recrutements de complaisance ; rabougrissement de la pensée au profit de de pathétiques batailles entre ego mal placés…

Rédigé par: Isabelle | le 03/11/2008 à 18:57

Actuellement, c’est toute la philosophie académique, du secondaire à l’Université, qui se laisse broyer sans piper mot et consent à son propre marasme et avilissement. On n’entend que Badiou sauver un peu l’honneur, alors que tous les professeurs de philosophie sans exception devraient aller dans les rues expliquer le « Discours de la servitude volontaire » ou « Le Capital« .
Et en interne, que dire, sinon que ça pue intensément ? Inégalités monstrueuses des charges de travail, incapacité à se mettre d’accord sur des progressions d’apprentissage raisonnées, incapacité à motiver et harmoniser des évaluations, querelle des chapelles (continentale ou analytique, appepienne ou acirephienne), rareté malthusienne des postes et guerres intestines subséquentes (qui font à présent des morts), isolement ; et impossibilité de poursuivre un travail de recherche dès lors qu’on enseigne dans le secondaire tant l’avalanche de classes et de copies rend impossible même le loisir nécessaire à la lecture et à la simple pensée, etc., etc.
Non, décidément, la philosophie n’est pas faite pour tout le monde. Il faut pour pouvoir en vivre tolérer un degré de turpitude, de violence et de miasme qui ferait vomir n’importe qui possédant quelque bon sens réellement partagé.
Evidemment, les pages du magazine « Philosophie », ou les joliesses et belles phrases médiatico-lénifiantes de Raphaël E. ne donnent aucune idée de tout cela, ni d’ailleurs non plus des sacrifices qu’il faut faire pour pouvoir réaliser son rêve de penser et enseigner en compagnie de maîtres en humanité si l’on n’est pas issu d’un milieu d’héritiers. Car le fond de l’affaire est là. La philosophie académique est la chasse gardée de l’Ecole réactionnaire et de la réaction tout court. On y tire à vue sur tout ce qui n’a pas l’apparence de respecter, relativement à ces turpitudes, un silence de bon aloi, bourgeois et cossu comme l’essentiel du recrutement philosophique académique lui-même, comme si ce silence-là était en soi une garantie de justesse et de justice.

Hélas, à quelques exceptions près, les « philosophes », dans leur silencieuse grégarité, auront consenti à la disparition de l’Ecole publique, si elle disparaît ( ce qui, au train où vont les choses, ne va pas manquer d’arriver). Sans doute même beaucoup auront-ils souhaité cette disparition, n’y voyant aucun inconvénient, pour pouvoir eux aussi, comme untel et untel dont le nom ne mérite pas d’être cité, vivre « philosophiquement » en vendant de la conférence culturelle à des gogos tout aussi héritiers qu’eux, à raison de 6000 euros la demi-journée.
Non, la montagne de dégoût qui a anéanti Mme Lorne n’est pas du tout inconcevable : il est très facile de l’éprouver et il est très difficile de ne pas y céder. On aimerait souvent, comme Nietzsche, pouvoir trouver un prétexte honnête, une maladie, pour quitter cet affligeant milieu et aller respirer enfin l’air des cimes afin de retrouver le meilleur de l’humanité en discutant contre, tout contre, Platon.

Rédigé par: pamyr | le 03/11/2008 à 19:26

J’étais loin d’être aussi brillant que Mme Lorne, mais je comprend sa souffrance, de six années de sacrifices impossibles à courir après la CNU et une qualification.
L’université française tue la qualité et la compétence, on le sait depuis longtemps. On découvre qu’elle le fait au sens propre.

Rédigé par: Jo | le 03/11/2008 à 19:32

Voilà pour cet article et ses commentaires de lecteurs sur le blog 24 heures Philo.

N’étant pas moi-même universitaire ; et, éprouvant, a contrario _ positivement donc _, pas mal d’estime ; et c’est un euphémisme : beaucoup ! _ personnelle _ pour la plupart des collègues philosophes qu’il m’arrive de fréquenter, notamment au sein de la « Société de philosophie de Bordeaux » ;

je n’en ai que davantage d’aisance à citer ces différents témoignages ci-dessus, sur le blog 24 heures Philo, donc, comme l’expression symptômatique du malaise de toute notre société _ rien moins ! envisagée comme un tout solidaire… _ ; ainsi, ce malaise, que celui des institutions _ l’université, mais plus largement, l’Ecole,

qui ont en chargent d’aider à « se former », « se développer », « s’épanouir », les esprits (et les personnes)…

Malaise face aux valeurs de vérité et de justice…

Montaigne intitulait le premier « essai’ de son troisième et dernier livre d' »Essais » : « De l’utile et de l’honnête« …

J’ai la chance de ne pas disposer de _ ni subir _ un « tempérament » pessimiste ;

il n’empêche ;

je suis, ou/et demeure, « de plus en plus » inquiet

de ce qu’un des commentateurs de l’article publié sur ce blog de François Noudelmann et Eric Aeschimann nomme « le nihilisme européen » _ ou plutôt « occidental » ? voire « mondialisé » ?.. _,

et qui sape les fondements de la confiance de chacun

tant en ses propres forces _ jusqu’à des suicides, tel que celui de cette philosophe de trente neuf ans !… _,

qu’en les autres,

en « le monde »…

Très personnellement, donc,

je me permets ici d’exprimer mon accord avec la « réception », par Laurent Joffrin, dans son (bel) éditorial _ « Yes, he can » _ de Libération le jeudi 6 novembre, de l’élection de Barack Obama à la fonction de présidence des Etats-Unis d’Amérique ;

et l’accès, de fait, de ce dernier _ « beau, jeune et bronzé« , s’est autorisé à proférer l’inénarrable bouffon Berlusconi (un des « toutous » de Busch encore en poste…)  _ à un certain leadership mondial ; et cela, qu’on s’en satisfasse, ou accommode, ou pas ; ou plus ou moins… ;

quand il _ Laurent Joffrin _ débute ainsi son article :

« L’avenir a changé de camp.

Pendant plus de vingt ans, les conservateurs l’avaient annexé.

Ils viennent de le perdre.« 

Car c’est aussi ainsi que j’ai interprété, en un article précédent _ « Sur le réel et le sérieux : le « point » de Paul Krugman sur l’enjeu de l’élection américaine du 4 novembre aux Etats-Unis » _, l’attribution, ce mois d’octobre-ci, du “prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel” à Paul Krugman ;

par comparaison avec l’attribution de ce même “prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel”, en octobre 1976, il y a exactement trente-deux ans, à  Milton Freedman…


J’ose interpréter ces divers événements

comme davantage que seulement un signe,

comme un bien réel sursaut

_ celui que Nietzsche, l' »anti-nihiliste » en chef, appelait si fort de ses voeux, par exemple dans « Ainsi parlait Zarathoustra _ un livre pour tous et pour personne » _,

comme un bien réel sursaut, donc, pour s’extirper de ce « nihilisme« ,

de la « pulsion de mort » mortifère

_ selon Freud (dans ses si essentiels « Essais de psychanalyse« ) ;

qui,

tant sadiquement que masochistement,

sape _ durablement et terriblement : en l’effondrant, à force de l’effriter… _ le sol même sur lequel s’efforcent de marcher, et essaient de se tenir (debout), et d’avancer, les personnes « humaines »…

Bref, à rebours de ce que ce suicide de la philosophe semble montrer

_ plutôt que « démontrer »… _,

je veux voir, en l’élan

_ interprétant le sien, personnel, d' »élan », comme celui d’un peuple entier (le peuple de Walt Whitman, en ses « Feuilles d’herbe« ) qui « se réveille » de ses mauvais rêves (d’alcoolique) _ ;

je veux voir, en l’élan qui porte Barack Obama

_ comme en l’élan qui avait porté, le mardi 8 novembre 1932, Franklin Delano Roosevelt _,

un « espoir » d’inversion _ enfin, depuis trente deux ans !!! (1976) _ de nos valeurs « sociales » :

politiques (à propos du rôle et de la valeur de l’Etat _ et du service public !!! _,

économiques,

culturelles ;

existentielles, in fine

Modestement,

Titus Curiosus, ce 8 novembre 2008

Retour aux fondamentaux en musique : percevoir l’oeuvre du temps aussi dans l’oeuvrer de l’artiste

07nov

A propos des CDs

« Pièces de clavecin » de Rameau, par Céline Frisch (CD Alpha 134)

& « Pièces de clavecin des Livres I & II » de François Couperin, par Frédérick Haas (CD Alpha 136)

Parmi une brassée (huit items, dix CDs) de merveilleux disques,

d’une part,

je retiendrai,

ce qui m’apparaît comme une (excellente) politique de production (et conception) de la part d’un éditeur de disques, en l’occurrence les disques Alpha  :

le choix d’un « retour aux fondamentaux de la musique » ;

et d’autre part,

je me pencherai

au sein même de ce « retour aux fondamentaux » ;

ainsi qu’au sein même de l’excellence de la nouvelle cuvée Alpha, tout au long de cette année 2008 ;

je me pencherai, donc,

sur l’intelligence de la justesse du choix des artistes-interprètes

_ en l’occurrence les magnifiques Céline Frisch et Frédérick Haas _,

dans la décision de donner à « écouter »

aux « écouteurs » amoureux de la musique,

la dimension temporelle même de la création, au fil des ans _ ainsi que mêlée aux années qui défilent _,  des artistes-compositeurs :

car je relève et retiens, en effet, que les CDs

« Pièces de clavecin » de Rameau, par Céline Frisch (CD Alpha 134)

& (le double album) « Pièces de clavecin des Livres I & II » de François Couperin, par Frédérick Haas (CD Alpha 136),

présentent, tous deux, des « pièces » ou des « Livres » (de clavecin),

non sous la forme

_ « classique » : facile, commode, habituelle ; en fait seulement routinière (et paresseuse) ! _

d’une « intégrale »

(c’est-à-dire à la pure et simple queue-leu-leu de l’ensemble des « pièces » produites par le compositeur) ;

mais, en procédant à une sélection

_ non arbitraire ! il ne s’agit certes pas, non plus, de simples « récitals » au gré de la pure « fantaisie », plus ou moins « inspirée » (ou « heureuse »), de l’interprète _ ;

en procédant, donc, à une sélection

de séquences,

c’est-à-dire, ici

_ pour les œuvres (de clavecin) entiers (!..) de Jean-Philippe Rameau et François Couperin _,

de « suites » ; sinon « Ordre(s) », voire « Livre(s) » entiers ;

en veillant à privilégier (la « quête » de) la perception

_ par l’auditeur : à la suite de l’interprète lui-même ;

j’en donnerai pour exemple

la (très belle et instructive) « présentation » qu’en donne (très judicieusement) Frédéric Haas lui-même,

dans la « présentation », par ses propres soins, de sa propre « quête » du sens du « mystère » couperinien _ ;

en veillant à privilégier (la « quête » de) la perception, donc,

de ce que je nomme « l’œuvre du temps dans l’œuvrer _ et ce qui en résulte dans l’œuvre achevée, coite, immobile : et mise à notre disposition… _ d’un artiste« …

Cela demande un « défilé » de temps,

et l’exercice d’une (élémentaire) « comparaison » _ des « pièces » _ (de la part de l’æsthesis) ;

« comparaison » dont le « ressentir » de (l’avènement de) cette perception _ par l’auditeur _

sera facilité (« éclairé ») par l’art de choisir (en pratiquant des « coupes claires », ou « élagage ») ces « séquences », de la part du concepteur du programme.


Art analogue à celui du bouquet, si l’on veut bien

_ sauf que la durée de vie d’un bouquet est, elle, très éphèmère ;

heureusement, la vie de « création » d’un artiste peut être, elle, un peu plus longue,

et permettre, à la faveur du « temps qui passe », en donnant lieu à l’expérience (personnelle et artistique) d’un « temps passé », voire d’un « temps perdu » ;

peut permettre, donc,

à l’artiste créateur

de « retrouver », provenant de l’œuvrer même de l’artiste _ en sa poïétique de « création » à partir de son propre « exister » en artiste _,

et à travers l’épaisseur même du temps _ vécu, oublié, mémorisé par traces effilées et filantes _,

et à travers, aussi, les « voiles » déposés de ses « strates », peu à peu posées ;

de « retrouver », donc _ proustiennement : mais l’expérience est celle de tout artiste authentiquement créateur _ ;

de « retrouver »

l’ombre féconde d’un « temps » gagné ;

mais cela,

loin, à mille lieues,

de tout calcul _ ou ratio _ de profit économique (et financier !!!)…

En s’y lançant seulement _ et solitairement

ainsi accompagné de touts ces « strates »

(les Muses sont bien les filles de Mnémosyne) _

à corps perdu, en cet œuvrer…

En cela

_ et même si cette considération est assez extérieure (ou anecdotique) _,

ces deux albums, Alpha 134 et Alpha 136, constituent, déjà un chef d’œuvre d’intelligence de « conception-production » artistique ;

pour notre joie de « réception » de la musique,

et de « retrouvailles »,

via le medium du disque CD,

avec ce que je me permets de qualifier de « retour aux fondamentaux » de la « musique »…

Je placerai ces deux CDs

parmi _ ou à côté de _ un bouquet d’autres,

participant, tous, à un tel « retour aux fondamentaux de la musique » :

signes, peut-être, d’une « époque », qui, plus que d’autres

_ avec toutes ses « impostures », ces « vessies » que certains voudraient tant nous faire « prendre pour » des « lanternes » _,

semble en avoir « bien besoin » ?..

Ce » bouquet » (de musique _ de « retour aux fondamentaux ») de huit CDs, ce sont :

1) _ les « Pièces de clavecin » de Rameau, par Céline Frisch (CD Alpha 134) ;

2) _ le double album « Pièces de clavecin des Livres I & II » de François Couperin, par Frédérick Haas (CD Alpha 136) ;

3) _ le (petit) « opera » « Dido & Aeneas » de Henry Purcell, par The New Siberian Singers (the chamber choir of the Novosibirsk State Academic Opera ans Ballet Theatre) & MusicAeterna, sous la direction de Teodor Currentzis, avec Simone Kermes, Deborah York et Dimitris Tiliakos (CD Alpha 140) ;

4) _ le (double) volume VI des « Klavierwerke & Kammermusik » de Robert Schumann, de l’intégrale qu’interprète et anime Éric Le Sage, au piano : « Kreisleriana, Op. 16 ; « Vier Fugen » Op. 72 ; « Fantasiestücke » Op. 12 ; « Andante & Variations pour 2 pianos, 2 violoncelles & cor » Op. 46 ; « 6 Etudes en forme de canon pour piano-pédalier » Op. 56, dans un arrangement pour 2 pianos de Claude Debussy ; « Bilder aus Osten _ 6 Impromptus » Op. 66 ; et « Waldscenen » Op. 82 ; avec François Salque & Victor Julien-Lafferrière, violoncelles ; Bruno Schneider, cor ; Eric Le Sage, Frank Braley, pianos (CD Alpha 135) ;

5) _ le CD « Manuscrit Bauyn _ Louis Couperin, Luigi Rossi, Johann-Jakob Froberger et Girolamo Frescobaldi« , par Benjamin Alard (CD Hortus 065) ;

6) _  le CD « Pièces de guitarre de Mr. Rémy Médard (1676)« , par David Jacques (CD XXI-CD 2 1586) ;

7) _ le CD « Les Caractères de la danse _ Purcell / Corelli / Rebel / Albinoni / Telemann« , par l’Ensemble « Harmony of Nations » & Alfredo Bernardini (CD Raum Klang RK 2704) ;

8) _ et le CD « String Quartets » de « Ravel, Debussy & Fauré« , par le quatuor Ebène (CD Virgin Classics 50999 519045 2 4)…

A commencer, ce superbe « bouquet », donc,

de « retour aux fondamentaux »,

par une très remarquable série d’enregistrements, notamment « baroques », parus cet automne aux Éditions Alpha :

_ après un excellemment « dynamique » CD de deux des « Missæ breves » de Jean-Sébastien Bach, les Bwv 234 & 235, par l’Ensemble Pygmalion, dirigé avec une belle vitalité (et justesse) par le jeune et plus que très prometteur, déjà, Raphaël Pichon (CD Alpha 130) _,

voici, d’abord _ et je les associe !.. _, les CDs
_ « Pièces de clavecin » de Rameau, par Céline Frisch,

sur le clavecin Jean-Henry Hemsch (de 1751) de la collection de Frédérick Haas :

CD Alpha 134 ;

_ & le double album « Pièces de clavecin des Livres I & II » de François Couperin, par Frédérick Haas,

sur ce même clavecin Jean-Henry Hemsch (de 1751) :

CD Alpha 136 ;

comme nous « restituant »

_ en leur « intégrité » ; le concept, ainsi que sa « réalisation », ayant beaucoup d’importance (artistique) _,

ces deux enregistrements, tout à la fois,
la vérité historique des œuvres des deux compositeurs

_ la publication des œuvres de Rameau (en 1706 ; en 1724-1731 ; en 1728)
encadrant la publication de celles de François Couperin interprétées ici (en 1713, pour les « Ordres Premier & Cinquième » du « Premier Livre » ; 1716, pour des « préludes » de « L’Art de toucher le clavecin » ; et en 1717 pour le « Deuxième Livre« , donné ici en entier, avec les « Ordres Sixième, Septième & Huitième« ) ;

et, tout à la fois, donc,
et bien mieux encore,
la poésie _ et c’est le « principal » ! en Art !… _
spécifique à chacun des groupes d’œuvres


intitulés « Livres _ de Pièces de clavecin« 

_ (au nombre de IV : en 1713, en 1716-17, en 1722 et en 1730),

et eux-mêmes divisés en « Ordres«  (au nombre de 28) ;
ainsi que _ « à part » _ « L’Art de toucher le clavecin« , en 1716 ;
(plus, encore, 6 « Pièces » séparées publiées, dès 1707 _ François Couperin, né en 1668, a déjà trente-neuf ans alors _, en un recueil collectif : « Pièces choisies pour le clavecin de différents auteurs« ),
pour ce qui concerne François Couperin, donc ;

et intitulés : « Livre«  (pour le « Premier livre de pièces de clavecin« ), en 1706 _ Jean-Philippe Rameau a, lui, vingt-trois ans : qu’on tire les conclusions qu’on voudra de ce constat chronologique… _ ;

« Pièces de clavecin, avec une méthode sur la mécanique des doigts« , en 1724 ;

& « Nouvelles suites de pièces de clavecin, avec des remarques sur les différents genres de musique« , en 1727 ;
(plus quelques « pièces séparées » :

un « Menuet en rondeau » (en 1724), « La Dauphine » (en 1747) ; « Les Petits marteaux » (non publié par Rameau lui-même, mais par Claude Balbastre, in « Recueil d’airs choisis de plusieurs opéras accommodés pour le clavecin par Mr. Balbastre« ) ;
pour Jean-Philippe Rameau _

« restituant », donc, tant la vérité (historique)
que la poésie _ spécifique, donc _
de ces deux compositeurs français majeurs ;

_ et,
en un tout autre genre, cette fois,

un (très impressionnant, par son énergie et sa vérité _ ou profonde justesse _ dramatique) « Dido & Aeneas » de Henry Purcell, sur un livret de Nahum Tate (« représenté en 1689, au pensionnat de M. Josias Priest, à Chelsea » _ mais peut-être « chanté d’abord à la cour de Charles II, vers 1683/84« …),

par The New Siberian Singers (the chamber choir of the Novosibirsk State Academic Opera ans Ballet Theatre),

MusicAeterna,

sous la direction _ tous _ de Teodor Currentzis,

avec, pour les trois principaux solistes (interprétant « Dido« , « Belinda » et « Aeneas« ), Simone Kermes, Deborah York et Dimitris Tiliakos :

CD Alpha 140 ;

auxquels j’ajouterai (encore chez Alpha Productions)
_ le (double) volume VI des « Klavierwerke & Kammermusik » de Robert Schumann, de l’intégrale qu’interprète et anime _ sinon dirige _ Éric Le Sage, au piano :

« Kreisleriana, Op. 16 ; « Vier Fugen » Op. 72 ; « Fantasiestücke » Op. 12 ; « Andante & Variations pour 2 pianos, 2 violoncelles & cor » Op. 46 ; « 6 Etudes en forme de canon pour piano-pédalier » Op. 56, dans un arrangement pour 2 pianos de Claude Debussy ; « Bilder aus Osten _ 6 Impromptus » Op. 66 ; et « Waldscenen » Op. 82 ;

avec François Salque & Victor Julien-Lafferrière, violoncelles ; Bruno Schneider, cor ; Eric Le Sage, Frank Braley, pianos :

CD Alpha 135

Ainsi que, cette fois chez d’autre éditeurs de CDs (qu’Alpha) :
Hortus,
XXI-21 Productions _ une marque québécoise, distribuée par Universal _,
Raum Klang,
et, enfin, ici, Virgin Classics)
les très remarquablement beaux CDs suivants :

_ d’abord,
le CD « Manuscrit Bauyn _ Louis Couperin, Luigi Rossi, Johann-Jakob Froberger et Girolamo Frescobaldi« , par Benjamin Alard
,
sur un clavecin construit par Philippe Humeau (à Barbaste) en deux temps :
d’abord, la copie d’un modèle « transpositeur » (de 1615) d’Andreas Rückert, d’Anvers, instrument flamand à deux registres : un huit pieds et un quatre pieds ;
puis Philippe Humeau a lui-même « ravalé » son instrument à la manière des anciens,
c’est-à-dire en remplaçant « les deux claviers transpositeurs par deux claviers accouplables, accordés à l’unisson,
dont le second fait parler l’ancien 8′,
et le premier, l’ancien 4′ ainsi qu’un 8′ supplémentaire
 » ;
et « les cordes de grosse taille » étant « remplacées par des tailles plus fines qui produisent un son plus rond et plus détendu« ,

spécifie Benjamin Alard lui-même à la page 7 du livret de présentation de ce CD « Manuscrit Bauyn » ;

lequel « présente » un double « concert », en décembre 1652
(postérieurement à la disparition, ce mois de décembre-là, du luthiste M. de Blancrocher,

dont nous écoutons ici le _ tout frais… _ « Tombeau » par Louis Couperin),
lors d’une rencontre « de musique », à Paris,
celle de Louis Couperin
(ca 1626-1661 : il a alors vingt-six ans) ;
et de Johann-Jakob Froberger (1616-1667 : il a alors trente-six ans ; et se déplace en Europe ; venant de Stuttgart, après plusieurs longs séjours à la cour impériale de Vienne _ de l’empereur mélomane Ferdinand III _ ; et un passage par Bruxelles ; après son séjour à Paris, il fera le voyage de Londres, et celui de Dresde ; avant de « s’installer » à Montbéliard et Héricourt, auprès de la princesse wurtembourgeoise, et connue en son enfance, la princesse Sybilla…) :

il s’agit du CD « Manuscrit Bauyn » Hortus 065

_ puis,
le CD « Pièces de guitarre de Mr. Rémy Médard (1676)« , par David Jacques,

sur une guitarre 5 choeurs Claude Guibord de 1999, réplique d’une Stradivarius de 1700,

enregistré à Sainte-Adèle, au Québec :
il s’agit du CD XXI-CD 2 1586

_ ensuite,
le CD « Les Caractères de la danse _ Purcell / Corelli / Rebel / Albinoni / Telemann« 
,

avec une Suite from « The Fairy Queen » Z629, de Henry Purcell (1659-1695) ;

le Concerto grosso op. 6 Nr. 4 d’Arcangelo Corelli (1653-1713) ;

« Les Caractères de la danse » de Jean-Féry Rebel (1666-1747) ;

le Concerto a cinque op.9 Nr. 2 de Tomaso Albinoni (1671-1751- ;

et l’Ouverture à 7 TWV55: C6 de Georg Philipp Telemann (1681-1767),

par l’Ensemble « Harmony of Nations » & Alfredo Bernardini

_ direction et solo oboe _ :
il s’agit du CD Raum Klang RK 2704

_ auquel j’ajouterai, enfin,
comme pour clore ce formidable bouquet d’excellents musiques au meilleur des interprétations (et enregistrements) un programme indiqué « The essential modern French quartet in the three essential string quartets of the French repertoire » :
les Quatuors à cordes (« String Quartets« ) de « Ravel, Debussy & Fauré« 
,

par le quatuor Ebène

(Pierre Colombet & Gabriel Le Magadure, violons, Mathieu Herzog, alto, Raphaël Merlin, violoncelle) :
il s’agit du CD Virgin Classics 50999 519045 2 4

Que de splendides interprétations, de magnifiques programmes de musique, que voilà,

pour le ravissement _ à « fondre » de plaisir ! pourquoi s’en priver ? _ des mélomanes ;

en commençant par un retour vivifiant

aux « fondamentaux » du répertoire

_ et notamment (mais pas seulement) du « Baroque » musical,

de « style » (ou autour du « style ») « français »,

en cette occurrence-ci :

« Style français »,

en effet,

pour ce qui concerne Henry Purcell _ 1659 – 1695 _,
ayant été sous l’influence de Matthew Locke (1630 – 1677),
et élève assidu des bien formés au « style français »,

d’abord, de 1672 à 74 (soit entre treize et quinze ans), Pelham Humfrey (1647 – 1674) ;

et _ encore _ John Blow (1649 – 1708), son principal maître (et ami) ;

mais, aussi, ayant côtoyé, lors de sa formation musicale sous la Restauration (des Stuart), des maîtres musiciens français _ tels  Robert Cambert (ca 1627 – 1677 ; le fondateur de l' »opéra à la française« , avec « Pomone« , en mars 1671) et Louis Grabu (fl 1665 – 1694), et Jacques Paisible (ca 1650 – 1721, et bien d’autres _ particulièrement nombreux alors à Londres, et d’abord à la cour du roi mélomane (et francophile) Charles II :

lui-même, Henry Purcel, « œuvrant », toute sa carrière, au service de cette dynastie des rois Stuart :
_ d’abord, le roi Charles II  (1630 – 1685) ;
_ puis, son frère le roi Jacques II (1633 – 1701), avant la « Glorieuse Révolution » de 1688 qui allait le « déposer »,

_ au profit de sa fille aînée (protestante anglicane, non catholique),

qui devint
la reine Mary II

(et à laquelle Henry Purcell ne survivra guère : Henry Purcell meurt le 21 novembre 1695 ; et la _ grandiose _ cérémonie des funérailles de la reine Marie  _ 30 avril 1662 – 28 décembre 1694 _ avait eu lieu, à la cathédrale de Westminster, le 5 mars de cette même année 1695 ; avec la participation de Henry Purcell, pour ces « musiques de funérailles » royales, célèbres…)

au profit de sa fille Mary, donc,

et de son mari, Guillaume III (d’Orange _ 1650 – 1702)…

Les rois Charles II et Jacques II (Stuart) avaient « pris » ce « goût français » _ élégant _ à la cour de Louis XIV (1638 – 1715),

lors de la (tragique) parenthèse du régime d’Oliver Cromwell

(officiellement au pouvoir du 17 mai 1649 à sa mort, le 3 septembre 1658) ;

leur mère, l’épouse du malheureux roi décapité _ le 30 janvier 1649, à Whitehall _ Charles Ier _ 1600 – 1649 _,

la reine Henriette-Marie (dite « de France« )_ 1609 – 1669 _,

étant fille de Henry IV et de Marie de Médicis ;

et leur sœur, Henriette-Anne (dite « d’Angleterre« ) _ 1644 – 1670 _, la « Madame » se mourant (de l’oraison funèbre de Bossuet…),

étant l’épouse de Philippe, duc d’Orléans (1640 – 1701), le frère cadet de Louis XIV ;

Et « style français », aussi _ en encore, au siècle suivant _,

pour ce qui concerne Georg-Philipp Telemann (1681 – 1767),
notamment, pour lui, dans ses « Ouvertures » orchestrales

_ a 7 dans l' »Ouverture » TWV55:C6

interprétée ici par the « Harmony of Nations » sous la direction de l’excellentissime Alfredo Bernardini,
promouvant par toute l’Europe musicale les « ouvertures » à la Lully… ;

pour ne rien dire ici du hautbois,

instrument français, s’il en est…


Ce bouquet de musiques de « style français », donc,

en sorte de « complément », ici, au bouquet de mon précédent article

« un bouquet de glamour musical _ et autres _ pour temps de crise »
composé, lui aussi, autour de pièces françaises
:

de Debussy & Poulenc, des pièces pour violoncelle et piano,
de César Franck & Fauré, les Quatuors à cordes,
des mélodies françaises de Bizet et Gounod à Reynaldo Hahn et Poulenc, en passant par Chausson, Duparc, Debussy, Fauré et Ravel ;

ainsi que des sonates du premier baroque français, de Jean-Baptiste Senaillé (1687, ou 90 – 1730)…

J’évoquerai ainsi le double enregistrement de « pièces de clavecin » de François Couperin et de Jean-Philippe Rameau, que les interprètes de ces CDs Alpha

_ respectivement Frédérick Haas, pour le double album Couperin Alpha 136 ;

et Céline Frisch, pour le CD Rameau Alpha 134 _

ont tous deux choisis de présenter ici,

non en une « intégrale »

des (quatre) « Livres » _ et/ou (28) « Ordres« , pour ce qui concerne l’œuvre (entier) de François Couperin ;

et/ou du « Livre« , « Pièces » et « Suites de pièces« , pour celui de Jean-Philippe Rameau ;

mais seulement en une sélection :

_ ainsi, ici, les seuls « premier » et « cinquième » « Ordres » du « Premier Livre » (de 1713) ;

et le « Deuxième Livre« , en entier, lui (avec ses _ seuls _ trois « Ordres » au complet : les « sixième« , « septième » et « huitième« ,

choisis par Frédérick Haas ;

_ et,

si le « Premier Livre » de Jean-Philippe Rameau est présenté ici en entier, en une « suite en la« , par Céline Frisch en ce Cd « Pièces de clavecin » Alpha 134,

c’est à une sélection de « suites »

_ « en mi« , pour les « Pièces de clavecin » de 1724-1731 ;

et « en sol« , pour les « Nouvelles suites de pièces de clavecin » de 1728 _,

que l’interprète, Céline Frisch, donc, procède,

elle aussi

_ tout comme Frédérik Haas pour son « François Couperin« -I _

en ce programme « Jean-Philippe Rameau« -I…

En une logique toute musicale (ou/et æsthétique, si l’on veut…) ;

et non d’archivage, ou de « rangement » (de discothèque personnelle ; ou publique)

_ comme cela est devenu depuis quelques années « de mode »

chez certains éditeurs de disques _ tel que Brilliant Classics, parmi d’autres…

Jean-Paul Combet, l’éditeur-concepteur d’Alpha, a fait appel à l’autorité aimable et particulièrement compétente (en matière de finesse d' »oreille » et de « goût »), de l’excellent Philippe Beaussant

(l’auteur de « Vous avez dit « Baroque » ? » ; et surtout, pour ce qui nous concerne ici, des passionnants et fort utiles : « François Couperin » et « Rameau de A à Z » (aux Éditions Fayard, en 1980 et 1982) ;

et désormais « immortel », par son élection, le 15 novembre 2007, à l’Académie française _ il a été reçu « sous la Coupole », par Pierre Rosenberg, le 23 octobre dernier)

pour « présenter » magnifiquement, avec toute la délicatesse et l’enjouement requis, les pièces du programme « Rameau » qu’a choisies d’interpréter ici Céline Frisch :

l' »écoute » du maître ès « Baroque français » de chacune des « suites » de « pièces » présentées ici

est, en effet, d’une remarquable finesse _ on en lira avec « succulence » le détail, pièce par pièce, aux pages 8 à 12 du livret.

Surtout, et au delà de la délicatesse de son écoute

de chacune de ces « pièces » _ idéalement « détaillée » _,

Philippe Beaussant présente _ avec une simplicité et une clarté magistrales _ l’œuvre de Rameau dans toute l’amplitude de sa chronologie :

non seulement,

« à sa naissance _ Jean-Philippe Rameau naît, à Dijon, en 1683 _,

Lully _ Jean-Baptiste Lully : Florence, 1632 – Paris, 1687 _ vivait encore« 

_ et Lully demeure pour une bonne moitié du siècle suivant la référence du goût musical français,

ainsi qu’en témoigne la « Querelle des Bouffons »

(et la « tension » du « coin du roi » et du « coin de la reine« ),

au cours de la décennie 50 (du « siècle des Lumières« ) ;

Rameau ne cessant d’être toujours actif (et triomphant !) : jusqu’à ses « Boréades« , laissées posthumes, en 1764 _,

mais « avant de mourir _ Rameau meurt à Paris, le 12 septembre 1764 _,

il avait pu croiser le petit Mozart _ celui-ci, né en 1756 (et qui mourra en 1791), séjourne une première fois à Paris l’automne 1763 _ l’hiver et le printemps 1764, lors de sa première grande tournée européenne, menée par son père _ il  y est arrivé le 18 novembre ; et ne gagnera Londres que le 27 avril 1764 _ à Paris ou à Versailles.« 

Mais encore :

« Mais le plus étonnant, au long de ces quatre-vingts ans

_ Rameau, né le 25 septembre 1683, mourra le 12 septembre 1764 _,

c’est la chronologie de son œuvre » _ en effet !

Il précède

(on l’oublie trop _ prend soin de préciser,

du moins quant aux dates, sinon de composition, du moins de publication, des « pièces » de clavecin,

Philippe Beaussant, à la page 8 de ce précieux livret du CD _)

François Couperin en publiant en 1706, à vingt-trois ans, son « Premier Livre de clavecin »… »

Ajoutant :

« Mais s’il était mort à cinquante ans, âge raisonnable pour l’époque _ ce qui donne « en 1733″ _, on n’aurait pas de lui une seule note d’opéra : pas d’« Indes galantes« , pas de « Castor« , pas de « Pollux »

_ données sur la scène de l’Académie royale de musique, respectivement le 28 août 1735 et le 24 octobre 1737 ; « Hippolyte et Aricie » avait paru sur cette même scène de l’Académie royale de musique, le 1er octobre 1733…

Seulement des « Sauvages » pour clavecin,

parce qu’il les a publiés en 1728, après avoir vu deux Indiens de la Louisiane au théâtre de la foire _ où Rameau produit moult « parodies » ;

de ces « Sauvages » de clavecin-là,

Rameau fera tout un acte de ses « Indes galantes« , sept ans après l’œuvre pour clavecin…

Et ce pourrait même être, là,

l’air comme « emblématique »

de tout l’art musical

de Rameau…


« Le second paradoxe

_ chronologique, préciserai-je

l’analyse si judicieuse de Philippe Beaussant _

particulier à Rameau

n’étire pas son œuvre dans le temps, mais dans sa structure.

Ses contemporains l’avaient classé : « c’est un savant ». Son « Traité de l’Harmonie réduite à ses principes naturels » inaugure _ en 1722 _ la carrière d’un homme qui n’a cessé de réfléchir sur son art, et de le théoriser. Ce titre _ de « traité » _ est d’ailleurs significatif : c’est une pensée qui ne pouvait naître que dans l’esprit d’un homme du XVIIIéme siècle, rationnel et « philosophique », comme on disait _ explicite le livrettiste ;

sur ce point, on pourra élargir et approfondir sa connaissance et sa réflexion,

en consultant l’ouvrage de ma collègue philosophe Catherine Kintzler : « Jean-Philippe Rameau, splendeur et naufrage de l’esthétique du plaisir à l’âge classique« , dont la deuxième édition est parue chez Minerve, en 1988.

Quant au livrettiste du CD,

Philippe Beaussant,

il ajoute alors, on ne peut plus judicieusement :

« Mais Rameau est encore de son temps par une sensualité épanouie et raffinée _ quels justes qualificatifs ! _ :

s’il est le contemporain de d’Alembert,

il est aussi celui de Boucher _ 1703 – 1770 _, de Fragonard _ 1732 – 1806 _ et de l’abbé Prévost » _ (1697 – 1763), l’auteur de la délicieusement coquette « Manon Lescaut » (en 1731).


Concluant ce bel aperçu transversal par :

« On va retrouver tous ces paradoxes, de diverses façons, dans toutes ces pièces de clavecin« 

On ne saurait mieux cerner _ et éclairer ainsi _ l’idiosyncrasie du « génie » de Rameau.

Pour ma _ petite _ part _ ici _, je n’ajouterai qu’un mot rapide, pour rendre grâce, aussi, à tout le talent

_ ou tout le « génie », aurait-on peut-être préféré prononcer, au XVIIIème siècle _

de l’interprète, Céline Frisch,

pour « restituer » si délicatement cette double palette _ si prodigieusement variée (du côté, du moins, de la « sensualité« ) _  du « génie » de composition de Jean-Philippe Rameau :

car c’est sa poésie,

tour à tour

grave,

et presque _ non, jamais tout à fait jusque là ! _

sinon austère, du moins « de musique pure » (qu’on écoute « L’Enharmonique« )

_ avance, quant à lui, Philippe Beaussant, ici _ ;

et,

ailleurs

_ c’est le principe même des « suites » : que cette « variété » élégante, tendre, grave et amusée, « à la française » _,

enjouée,

jusqu’à, même, une frénésie rythmique, échevelée » ou « déboutonnée »,

voire malicieusement « endiablée », carrément.

Mais rien ne vaut ici l’écoute !!!

Ce qui est capté sur ce CD est tout simplement une merveille de poésie !

« Poésie » ! Voilà la clé de ce si beau disque…

Quant à la « part du temps »

(de ce qui, de l' »œuvrer », demeure _ à l’état d' »ombre endormie », ou « Belle-au-bois dormant » _ dans les œuvres),

entre des pièces publiées en 1706

_ en un moment d’alanguissement d’un long, très long règne,

celui d’un Louis XIV né le 5 septembre 1638, roi depuis le 14 mai 1643, à la mort de son père ; et en charge de la plénitude du pouvoir, y compris sur les Arts (cf Philippe Beaussant : « Louis XIV artiste« ), depuis le 9 mars 1661, à la mort de son parrain, Jules Mazarin :

en même temps que de mouvements, contenus, d’impatience de certains _,

et d’autres

_ après une régence (ouverte à toutes les dissipations) de huit ans, de Philippe d’Orléans, du 1er septembre 1715 au 2 décembre 1723,

le jeune Louis XV (15 février 1710 – 10 mai 1774), vient de prendre les rennes du pouvoir,

cornaqué alors par le duc de Bourbon, et sa maîtresse, la comtesse de Prie

(lesquels seront « renvoyés », sur les terres des Condé, à Chantilly, au printemps 1726) _

en 1724, puis 1728 : l’esprit du temps ayant pas mal « varié »…

la présentation de Philippe Beaussant, en ce livret de ce CD Alpha 134, dégage excellemment

ce que le jeu particulièrement fin de Céline Frisch donne à parfaitement « percevoir »,

entendre :

ainsi, quant au « Prélude«  du « Premier Livre de clavecin« , en 1706,

nous pouvons lire, page 9 du livret :

« Le « Prélude », comme le veut la tradition, est une pièce libre, non mesurée, qui vient de l’art des luthistes »

_ du premier dix-septième siècle, celui du temps de Louis XIII : les Ennemond Gaultier, et autres Lenclos…

« Mais d’entrée de jeu, Rameau, sans modifier l’héritage, lui donne une complexité harmonique qui lui apporte un caractère d’urgence inhabituel ; et il va croissant jusqu’à l’explosion inattendue _ en effet ! _ d’un second mouvement _ bref _ en forme _ merveilleusement gaie _ de gigue. Rien n’est changé dans la structure, tout est neuf dans le ton. »

Et Philippe Beaussant d’annoncer :

« Tel est Rameau. Déjà, à vingt-tois ans, il révolutionne,

mais toujours de l’intérieur.« 

Et encore ceci :

« On va retrouver cela _ en effet _ dans chaque pièce« 

_ superbement analysée, en peu de mots, en cette « présentation »-ci, du livrettiste ;

comme l’interprétation _ magique _ de Céline Frisch nous le donne à percevoir et ressentir…

« Dix-huit ans séparent le « Second Livre de Pièces de clavecin » (1724) du premier. Rameau a mûri :

mais cela s’entend _ sous les doigts de Céline Frisch, ici _ dès les premiers moments de l’« Allemande ».

C’est bien toujours l’arrière-descendante de cette ancienne danse,

mais elle transfigure la vieille solennité en une admirable invention mélodique, d’une grande unité thématique. Tout s’est, une de fois de plus, intériorisé. » L’analyse est magnifique !

Elle nous montre exactement ce que je me suis permis de nommer « l’œuvre du temps aussi dans l’œuvrer de l’artiste« …


« Il en est de même pour la « Courante », avec plus d’allant _ comme il convient ; poursuit Philippe Beaussant. Les « Gigues en rondeau » allient la manière italienne (mouvement régulier de croches, phrasé violonistique) et française (qui affectionne le rondeau). »


Avec cette remarque-ci _ qui justifie (encore !) mon article  :

« Couperin est passé par là :

voici que Rameau, pour la première fois, se détache de la vieille structure de la « suite » pour une pièce évocatrice, sinon descriptive, en tout cas « de genre ». Petite sonnerie de quarte battant le rappel de la gent ailée _ il s’agit du « Rappel des Oiseaux« .

Et l’on découvre un Rameau dont le génie imitatif « suggère » ce qu’il veut par un infime thème de quelques notes, avant d’en faire la matière d’un développement aussi savant que rigoureux.

S’ensuivent des danses non plus voulues par la vieille tradition, mais que l’on pratique du temps de Rameau : on les retrouvera _ follement gaies _ dans ses Opéras ;

et le « Rigaudon » autant que le « Tambourin » _ emblématiques de la joie (!) de Rameau _ témoignent ensemble du goût du XVIIIème siècle pour les danses méridionales

_ mais oui !

de même que beaucoup des chanteurs des « Opéras« , tels Pierre Jelyotte (1713 -1797) et Marie Fel (1713 – 1794), provenaient du Midi (en l’occurrence de Lasseube, sur les côteaux entre Oloron et Jurançon-Pau, pour la haute-contre ; et Bordeaux, pour la soprane !…) _

comme « La Villageoise »

de celui de la campagne pré-rousseauiste« …


Nous percevons ainsi,

en cette interprétation de Céline Frisch,

tout comme _ j’anticipe _ dans celle de Frédéric Haas,

rendant,

toutes deux (« interprétations », en la « justesse » et « délicatesse » de la « variété de nuances » de leur palette),

si bien compte de l’apport des strates (se déposant) du temps à la diversité (et singularité) des œuvres

_ quand trop d’interprètes,

sinon semblent se contenter de découvrir (et déchiffrer) les partitions lors des séances d’enregistrement au studio,

du moins « jouent » quasiment tout « pareil »…

Ici,

avec ces CDs Alpha 134 (« Rameau« , par Céline Frisch) et Alpha 136 (« François Couperin » par Frédérick Haas),

nous entendons comment le temps _ lui-même !… _ joue

dans l’histoire chaque fois (et toujours) singulière _ ou la succession historique _ du « génie » des compositeurs, mêlé, aussi, à l' »air du temps »,

en la diversité de ces « pièces » (ici « de clavecin« ) :

des joyaux, si fins, si riches, si « humains », d’une sorte de quintessence de l’art _ et du « génie » _ français.

Rien moins :

il ne faut qu’y prêter _ tendre _ l’oreille ;

et affiner le goût…

Et que de délices, alors !!!

Quant à l' »énigme » Couperin,

tant le jeu sur le clavecin (Hemsch de 1751 de sa collection personnelle)

que l' »essai » d’écriture de la « présentation » du livret _ aux pages 11 à 18 _,

s’y confrontent

et sont d’une exquise sagacité,

pour nous en donner entendre quelques  « secrets »,

de la part de Frédérick Haas :

voici comment Frédérick Haas le présente _ superbement _ lui-même aux pages 11 à 13 du livret :

« Dans une œuvre aussi soigneusement publiée que celle de Couperin, et aussi tardivement _ le premier Livre, en 1713, à un âge d’évidente maturité : Couperin était né en 1668 _, il n’y a aucun résidu. Il convient à toute force de se persuader de cette idée-là.

Alors que faire lorsqu’on rencontre, à la suite de pièces évidemment grandioses, des miniatures d’une simplicité embarrassante, répétitive, populaire : passer, en s’avouant à peine une espèce de déception gênée ? Ou bien chercher autre chose ? Un tempo, un caractère, un son, un éclat de plus, un contraste scintillant ; et non pas se permettre, jamais, de décrochement. Cette simplicité-là pourrait alors nous apparaître d’une innocence tellement savante, et nous interpeller toujours : que cherche-t-il donc ?

Depuis longtemps il m’a semblé percevoir, en parcourant les livres de clavecin, une évidence de couleur, de climat, particulière à chacun d’entre eux _ ce point est décisif : surtout ne pas tout confondre !!! Au point que, pour ces quatre livres, il serait tentant de parler de quatre éléments, de quatre directions, ou de quatre saisons d’une vie ; et plus exactement peut-être, de quatre saisons de la maturité d’une vie _ Frédérick Haas, ici, s’approche des solutions de l’énigme (du compositeur même)… Un grand créateur ne se répète jamais, ne s’arrête jamais à une manière. Et comme au fil d’une vie une personne meurt et renaît à elle-même, et change autour d’un centre profond qui seul signifie sa vraie essence _ « le style, c’est l’homme même » _ dira bientôt Buffon _, de même une œuvre change, s’altère, évolue, se détruit et se reconstruit au fil d’une recherche, d’une quête consciente ou inconsciente, mais impérieuse et dirigée, peut-être vers un centre _ l’essence même du créateur François Couperin, en quelque sorte ; dans la pluralité, aussi, de ces facettes et « métamorphoses » : voilà ce qu’il faut découvrir, ce dont il faut s’approcher…

Il m’a donc paru exaltant d’entreprendre un projet _ d’interprétation, notamment discographique _ qui tenterait de serrer au plus près la marche de cette « évolution » : quatre programmes qui tenteraient de montrer chaque livre dans sa couleur et son identité _ voilà le sens de ce projet discographique-ci _ ; et trouver au centre, s’il se peut, Couperin : ce qu’il est, ou ce qu’il cherche _ et cela revient au même _ soit l’énigme de l’idiosyncrasie du créateur lui-même (se cherchant)... Or il apparaît qu’au fil de ses inventions proprement inouïes de formes, de couleurs, de sonorités (Couperin est certainement l’un des plus extraordinaires inventeurs de couleurs sonores de toute l’histoire de notre musique), qui vont, au passage, poser les bases de ce qui deviendra un nouveau style de clavecin _ toujours de clavecin, puisque toute la démarche est profondément liée à la nature de l’instrument _, sans pourtant quitter l’esprit qui innervait cette ancienne manière où il plonge ses racines, Couperin s’élève peu à peu, prend de l’altitude. Comme un paysage toujours semblable qu’on verrait toujours de plus haut, au fil des lacets d’une route de montagne, la matière, les contours du discours, les détails de la rhétorique se dissolvent pendant que les climats _ qui seraient l’objectif recherché par l’artiste, donc, si l’on en croit les propositions de résolution de l’énigme Couperin, ici, de la part de l’interprète Frédérick Haas _ se précisent, et, dans cette atmosphère raréfiée, notre sensibilité se trouve à vif, prête à réagir de plus en plus intensément _ oui ! à rebours de la monotonie plate et grise à laquelle l’auditeur à affaire, hélas, si souvent… _ sous une sollicitation de plus en plus concentrée, purifiée et continue _ ce qui n’est pas très fréquent, pas plus au concert qu’au disque, dans le cas de l’œuvre de François Couperin : pas assez envisagée, comme ici, sous l’éclairage des strates temporelles…

Couperin est un maître absolu de la grandeur sans grandiloquence, de la tendresse jamais mièvre, de la légèreté sans affèterie _ Frédérick Haas s’approche ainsi du cœur même (battant, changeant, se métamorphosant) de l’énigme couperinienne. La poésie de Couperin _ et c’est bien de cela que fondamentalement il s’agit ! _ n’est pas molle. Il y a chez Couperin une nervosité, une vivacité, une vigueur de la plus haute tenue. Sa musique est rutilante et fière, chargée d’émotions âpres et puissantes. Couperin est un homme du XVIIe siècle, égaré peut-être au XVIIIe _ quelle parfaite justesse d’intuition de Frédérick Haas ! Il est l’un des plus stupéfiants inventeurs de textures et de techniques que tous après lui vont imiter _ sa manière va être celle dont tant de prosélytes vont copier la forme sans en atteindre l’esprit, qui est certainement à chercher ailleurs.

La préface tellement inhabituelle, tellement inattendue, tellement personnelle du quatrième Livre, cette espèce d’ »adieu désabusé » qui n’explique rien, mais, d’une façon si puissante,  donne le ton ; et ce ton est bien, sans erreur possible, celui des plus grandes vanités du XVIIe siècle _ mais oui : « still alive« , disent si bien, de ces « natures mortes » tremblotantes (fumées, bulles de savon, reflets sur des verres), les Anglais _ ; ce texte énigmatique nous livre sans doute la clé dont nous avons le plus besoin :

“Il y a environ trois ans que ces pièces sont achevées ; Mais comme ma santé diminuë de jour en jour, mes amis m’ont conseillé de cesser de travailler, et je n’ay pas fait de grands ouvrages depuis. Je remercie le Public de l’aplaudissement qu’il a bien voulu leur donner jusqu’icy ; et je crois en mériter vne partie par le Zèle que j’ai eu à lui plaire. Comme personne n’a gueres plus composé que moy, dans plusieurs genres, J’espere que ma Famille trouvera dans mes Portefeüilles de quoy me faire regretter, Si les regrets nous servent à quelque chose après la Vie, Mais il faut du moins avoir cette idée pour tacher de mériter vne jmmortalité chimérique où presque tous les Hommes aspirent” » _ voilà l’aune à laquelle il nous faut « mesurer » l’ambition esthétique artistique du créateur de cette musique…

Fin de la citation de la préface de François Couperin à son quatrième et ultime « livre de clavecin ».

Pour abréger mon trop long commentaire de ce « travail du temps » même au sein de l’œuvrer de l’artiste et de ses (souterraines) métamorphoses, je me contenterai de citer la « présentation » que fait Frédéick Haas des différences entre les « pièces » du livre I (publié en 1713 _ Louis XIV vivant encore…) et celles du livre II (publié en 1717, sous la régence…).

« 1717 _ peut-être même 1716. Savons-nous bien à quel point cette date _ celle de la parution du second Livre de pièces de clavecin de François Couperin _ est bouleversante ? _ déclare ensuite Frédéick Haas… Les nouveautés dont Couperin nous submerge _ alors, en nouveauté « radicale »… _, les ouvertures, les possibles dont tout à coup il nous abreuve, sont étourdissants : mais beaucoup des pièces elles-mêmes, et plus encore sans doute leurs innombrables prolongements, nous sont trop familiers désormais pour que nous puissions sans réflexion apprécier vraiment tout ce que ce livre essentiel comporte de révolutionnaire et troublant. Pourtant l’œuvre la plus célèbre du recueil _ « les Baricades Mistérieuses » _ pourrait seule, à bien y regarder, nous mettre sur la voie _ tant recherchée de la « résolution » du « mystère Couperin », rien moins ! _ : voici en effet un objet musical dont la beauté fascinante vient déranger fortement tout ce que nous aurions pu connaître jusque là _ dans la musique louis-quatorzième des D’Anglebert et autre Marchandde rhétorique musicale baroque.

En France durant tout le dix-septième siècle, l’équation « 1 note = 1 syllabe » a permis à une sensibilité vraiment unique aux subtilités du discours poétique de s’exprimer à travers un sens caractéristique des couleurs et des climats sonores, dans des compositions du plus grand raffinement. A cet égard, le premier livre de Couperin, et dans ce livre, presque tout du premier Ordre en particulier, nous apparaît hériter directement de l’art qui a culminé sous la plume du grand d’Anglebert, dont, n’étaient un certain sens de l’ondoiement et une certaine douceur de trait vraiment chaleureuse, si propres à Couperin, on pourrait presque croire reconnaître ici la voix. Les techniques de composition, en tout cas, et les formes aussi, sont bien les mêmes.

    Mais dans le second Livre, l’architecture musicale d’une pièce comme « les Baricades Mistérieuses », dont l’équilibre parfait est bien établi selon les principes de rhétorique alors usuels, relève d’un matériau tout différent, puisque le mot, la syllabe, y sont désormais des groupes de notes. Ce qui pourrait simplement révéler l’influence caractéristique des nouvelles techniques de composition venues d’Italie _ celles du développement séquentiel architecturé à partir de figures mélodiques et rythmiques _ qui ont fasciné toute l’Europe au tournant du dix-septième et du dix-huitième siècles par les possibilités tellement étendues qu’elles offraient. Mais la matière de Couperin n’est pas utilisée directement comme élément structurel, elle est d’abord entièrement transformée en couleur sonore : la série des notes, l’accord arpégé, la série d’ornements provoquent dans l’instrument, connu et senti par lui mieux que par tout autre _ s’autorise à poser Frédérick Haas _, une résonance, une tension, une plénitude, un écho ; et servent à construire un discours dont la texture formelle entièrement transmutée en matière sonore, plus lâche en apparence, est riche d’une densité émotionnelle, ou pour mieux dire, puisque ce n’est peut-être pas seulement d’émotion qu’il s’agit, mais au-delà même de l’émotion, d’une tension magnétique, d’un champs de forces _ voilà ! comme si nous étions passés, soudain, de la (déjà) vieille mécanique cartésienne à la dynamique leibnizienne, ou newtonienne ! _ dont l’intensité est unique. Presque chaque pièce du second Livre pourrait s’analyser sous cet angle, porteuse d’un caractère, d’un climat _ voilà le résultat poétique : tout un tremblement discret, à peine perceptible, sinon en un étonnement a posteriori,  de l’ordre du « je ne sais quoi »… _, très nets et spécifiquement sonores.

La première pièce de ce livre _ de 1717 _, dans la tonalité alors plutôt rare de si bémol majeur, est assez inattendue : « les Moissonneurs« , exactement aux antipodes de l’Allemande « l’Auguste » qui avait commencé le premier recueil _ « louis-quatorzien », lui, de 1713 _, osent utiliser une matière première ouvertement rurale, dont les mutations saisissantes culminent dans une électrisation des aigus de l’instrument où s’accumulent les successions de trilles : matière sonore vraiment enthousiasmante dont Couperin développera plus encore les ressources dans son quatrième Livre (au cours du vingt-deuxième Ordre en particulier) _ Rameau _ le voici ! _ s’en souviendra aussi lorsqu’il écrira pour le clavecin le troisième couplet de sa Musette en Rondeau en mi majeur _ en 1724 : Louis XY régnant. Dans le premier Livre existaient déjà quelques pièces d’inspiration populaire. Elles sont toutes très directement fondées sur des formes de danse apparentées au rigaudon ou au tambourin, dont elles conservent de bout en bout la découpe chorégraphique, l’allure carrée et vive (voir « la Nanète » ou « les Vendangeuses« ). Mais la nouvelle pièce, qui s’apparente certes à une gavotte, est construite à partir d’un contour mélodique beaucoup plus souple : bien plus chant que danse paysanne, retour des champs que l’on sifflerait, tableau, chatoyant d’une variété d’éclairages spécialement intéressante.

« Les Langueurs Tendres » proposent un récit accompagné dont la texture, qui est quasiment celle d’un air pour voix et luth, entièrement construit autour d’une ligne mélodique particulièrement lâche, très indépendamment de toute idée de structure rythmique d’origine chorégraphique _ qui était alors pourtant l’un des fondements de la musique de clavecin _ défie directement les lieux communs de ce qu’il est réputé possible d’écrire pour cet instrument. On pourra chercher longtemps une pièce comparable, écrite dans cette tessiture, dans des publications plus anciennes _ « louis-quatorzièmes »…

(…)
Et caetera.

Remarquons que Couperin ouvre son second Livre par une suite de pièces complètement nouvelles : pas une seule danse à l’ancienne mode dans le sixième Ordre, mais une variété de couleurs, de techniques d’écriture, d’images toutes prétextes à l’invention de sonorités neuves. L’instrument clavecin s’est trouvé soudainement démultiplié _ J. S. Bach ne s’y trompera pas, qui copiera « Les Bergeries » pour son épouse Anna-Magdalena, en réalisant au passage quelques simplifications d’orthographe très riches d’enseignements pour nous, qui tentons deux cents ans plus tard de jouer des musiques écrites plus rapidement que ne faisait Couperin toujours désireux _ la notation est intéressante _ de laisser la trace d’un geste et d’un son.

Le premier Livre commence par la plus archaïque des « suites » que Couperin ait écrites _ voilà le principal à retenir _, toute imprégnée de dix-septième siècle, parfois même d’esprit louis-quatorzien (Allemande « l’Auguste ») _ je ne le fais pas dire à l’interprète… Peut-être la mort du vieux roi aura-t-elle, entre les deux livres _ c’est aussi là mon hypothèse, on l’aura assez compris… _, suscité ce changement d’attitude _ puisqu’il est clair qu’ensuite _ sous le Régent _ la nouveauté deviendrait de bon ton _, peut-être Couperin tenait-il à montrer un autre aspect de lui-même et de son art. Sans doute les premières pièces du premier Livre appartiennent-elles à une autre époque de sa vie, à une autre période ; et étaient-elles écrites depuis longtemps à leur publication en 1713, date qui correspond plus probablement au moment de la composition des pièces du second volume, et des merveilleux préludes de « L’Art de toucher le clavecin« . Dans la préface du premier Livre, Couperin nous indique : “J’aurois voulu pouvoir m’appliquer il y a longtemps à l’impression de mes pièces… Je compte en donner un second volume à la fin de l’année”.

Mais il est certain que Couperin dès le début a été un inventeur : la fin narcotique des « Silvains » préfigure _ il faut le comparer _ bien l’invention des « Baricades Mistérieuses« . Une pièce comme « La Villiers » nous prépare _ même chose _ aux « Amusemens« , où une mélodie au lyrisme quasi schumannien se trouve accompagnée par un réseau continu de notes plus rapides, sans qu’il soit besoin de l’avènement d’un instrument nouveau : tout ce qu’un stéréotype agaçant et tenace du clavecin réputé sans couleur et sans nuance, et donc sans expression, interdirait purement et simplement. Mais Couperin, dans « L’Art de toucher le clavecin » disait déjà : “il a paru presqu’insoutenable, jusqu’à présent, qu’on put donner de L’âme à cet instrument : cependant, par les recherches dont j’ay appuyé le peu de naturel que le ciel m’a donné, je vais tâcher de faire comprendre par quelles raisons j’ay sçu acquerir Le bonheur de toucher Les personnes de goût qui m’ont fait L’honneur de m’entendre”. Peut-être Couperin a-t-il choisi d’être d’abord prudent, de ne pas publier d’emblée de musiques trop complètement provocantes : on savait déjà à quel point la critique tend à être violente lorsqu’elle est heurtée au-delà de ses habitudes.

La fin du premier Livre semble plus récente que son début : il est intéressant de comparer _ voilà le processus à accomplir _  par exemple « L’Enchanteresse » et « Les Ondes », de structures assez semblables. La première pourrait être écrite par d’Anglebert. Pas la seconde.

Le second Livre contient _ mais en troisième position seulement _ un Ordre qui est l’apogée de la grande suite de clavecin du dix-septième siècle : après Marchand (1702) et Rameau (1706), voici la dernière grande ordonnance de danses françaises écrites à l‘ancienne manière de Chambonnières, Louis Couperin ou D’Anglebert. Des proportions imposantes sont atteintes ici, chaque pièce est riche d’audaces rares, développée jusqu’à un point de complexité unique et dans des dimensions inhabituelles, dans la grave et cassante tonalité de si mineur. Sans les détruire, Couperin élargit ici les limites d’un style qu’il a su pratiquer à la perfection, dont il parachève définitivement les possibles développements. Ce vaste huitième Ordre suffirait à nous démontrer que Couperin est, comme tous les plus grands musiciens, un grand architecte des sons. Et un grand tragédien, capable de suspendre notre souffle, même le temps d’une délicieuse « Gavotte » d’un goût tout marésien, ou d’un « Rondeau » gracieux, perchés entre deux abîmes _ capable ensuite de nous consoler par la seule pièce en nouveau style _ « La Morinète » _ de cette suite tellement monumentale et fière. »

Tout cela qui s’entend si bien, et à mille lieues du plus petit soupçon de didactisme (et de la moindre lourdeur), dans le jeu magnifique de souplesse et de vigueur de Frédérick Haas, en ce CD Alpha 136…

Pour le reste du programme annoncé,

j’en demeurerai là,

n’ayant déjà que bien trop « parlé »…

Je soulignerai seulement l’énergie _ formidable_ au service de la plus étonnante « justesse » qui soit, du CD « Dido & Aeneas » (CD Alpha 140), de Teodor Currentzis, à Novosibirsk, avec Simone Kermes, Deborah York, ainsi que Dimitris Tiliakos : s’inspirant, par un renouvellement de « génération » de l’impulsion « Alpha » d’un Vincent Dumestre…

Un enregistrement véritablement enthousiasmant ! et justifiant mon annonce d’un « retour aux fondamentaux » de la musique _ ainsi, ici, que du Baroque musical !

Ainsi que la merveille, dans Louis Couperin (l’oncle, mort, lui en 1661 _ juste au moment de la « prise du pouvoir » (personnel) de Louis XIV, à la mort de son parrain Mazarin) ; ainsi que dans Johann-Jakob Froberger,

du tout jeune et déjà tellement accompli Benjamin Alard (« Manuscrit Bauyn _ Louis Couperin, Luigi Rossi, Johann-Jakob Froberger et Girolamo Frescobaldi » CD Hortus 065)…

Titus Curiosus, ce 7 novembre 2008

Sur le réel et le sérieux : le « point » de Paul Krugman sur l’enjeu de l’élection du 4 novembre aux Etats-Unis

02nov

Sur l’article de Paul Krugman « Desperately Seeking Seriousness » dans l’édition du New-York Times du 26 octobre dernier…

Pour poursuivre la réflexion sur ce qu’il en est du « réel »,

ainsi que du « sérieux » _ quant à la recherche (élémentaire !) de la vérité sur ce « réel », face aux « marchands » d’illusions (et croyances) en tous genres (et ça se bouscule au portillon !), et autres camelots et bateleurs d’estrades (politiques) _

et/ou,

en conséquence de quoi,

de l’élémentaire honnêteté intellectuelle

(des chercheurs, conseilleurs, discoureurs, etc… jusqu’à tout un chacun : vous et moi…),

en une société (civile) dominée _ depuis voilà plus de trente ans, maintenant : cela commence à faire un peu long

(cf mon précédent article : « de la crise et du naufrage intellectuel à l’ère de la rapacité _ suite : les palais de l' »âge d’or » à Long Island« , d’après un très bel article, déjà, de Paul Krugman, dans le New-York Times, le 20 octobre 2002) _,

par les « marchands »

et autres « camelots politiques » (style Thatcher et Reagan),

appuyés sur l’idéologie pseudo compétente d’idéologues _ stipendiés _ du genre d’un Milton Freedman (« prix Nobel d’Economie » en 1976 :

né le 31 juillet 1912 à New York et décédé le 16 novembre 2006 à San Francisco, Milton Freedman est « généralement » considéré comme l’un des économistes les plus « influents » de ce XXe siècle _ qui est peut-être en train de s’achever ces mois d’octobre et novembre 2008 (et pas le 11 septembre 2001 !)…

Titulaire du « prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel » _ voilà, en fait, l’expression juste ! _ de l’année 1976, Milton Freedman a été un ardent défenseur du « libéralisme », à moins que ce ne soit, plutôt, et en fait, de l' »ultralibéralisme » :

sur cette dernière nuance-ci (« libéralisme« / »ultralibéralisme« ),

on peut se reporter à l’excellente contribution _ elle aussi _ d’hier, dans le numéro du Monde daté du 2 novembre, de Michel Rocard, interrogé par Françoise Fressoz et Laetitia Van Eeckhout, sur la « crise financière » : « la crise sonne le glas de l’ultra-libéralisme« ),

voici,

ici et maintenant,

un magnifique article

_ d' »actualité politique », d’abord, simplement, et modestement : l’élection aura lieu le 4 novembre ! _,

intitulé « Desperately Seeking Seriousness«  dans l’édition du New-York Times du 26 octobre,

par le tout récent

_ le vent venant de tourner ; et les girouettes de suivre : pardon de permettre l’impression de qualifier l’honorable jury suédois de « girouette : on pourrait dire, plus noblement (à la Hegel, et selon son souci « réaliste » de la « wirklichkeit« ), « zeitgeist » : « esprit (ou « air« ) du temps » : mais est-ce bien différent ?  _

par le tout récent « prix Nobel d’Économie »

(ou plutôt « prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel« ),

Paul Krugman ;

pour ceux qui lisent l’espagnol,

l’édition d’El Pais d’aujourd’hui, 2 novembre, en propose une traduction en castillan _ « En busca desesperada de la seriedad » _, par María Luisa Rodríguez Tapia.

Je n’en ai pas (encore : hélas !) trouvé une édition en « traduction en français »

_ ce que je me permettrai d’interpréter, et sans trop de « mauvais esprit » (j’espère…), comme un certain « retard »(hélas), de la France (ou des Français), dans le défi (et urgence !) de mieux comprendre (et mieux agir dans _ ou sur) le monde d’aujourd’hui… ;

un « retard » qui donne « à penser », lui aussi…

Voici cet excellent article de Paul Krugman « Desperately Seeking Seriousness« 

en version originale,

puis en traduction en castillan ;

et je me permettrai de « mettre en gras » ce qui me paraît le plus significatif

_ ainsi que de truffer (un peu) l’article original de quelques commentaires (parfois un peu « philosophiques » : avec des références aux œuvres de Platon, Machiavel, ou Freud…), en vert _,

comme modeste contribution d’un « simple » _ dans tous les sens du terme _ « curieux »,

à la recherche un peu « désespérée » _ à son modeste niveau _ d’un peu mieux comprendre « sérieusement » le « réel« ,

ou le monde,

afin d’un peu mieux, très simplement, « s’y orienter »

(comme en complément bien « empirique » à la préoccupation d’un Emmanuel Kant, en 1786, de préciser quelque réponse à la question « Qu’est-ce que s’orienter dans la pensée ?« …

D’abord, dans la version originale, sous la _ vraiment excellente ! _ plume de Paul Krugman :

October 26, 2008
Paul Krugman : Desperately Seeking Seriousness _ quel beau (car juste !) titre !

« Maybe the polls and the conventional wisdom are all wrong… But right now the election looks like a … solid victory, maybe even a landslide, for Barack Obama…

Yet just six weeks ago the presidential race seemed close, with Mr. McCain if anything a bit ahead. The turning point was the middle of September, coinciding precisely with the sudden intensification of the financial crisis… But why has the growing financial and economic crisis worked so overwhelmingly to the Democrats’ advantage? …

I’d like to believe _ car c’est un peu trop beau pour être « vraiment vrai » : d’où ce conditionnel (« j’aimerais croire »  : « croire » au sens, ici, de « supposer »…) lucide ! _ that the bad news convinced _ et c’est bien de cela en effet qu’il s’agit : « convaincre » ; et non pas « persuader«  (= faire « passionnellement croire ») : là-dessus, relire inlassablement « Gorgias » de Platon ; ou/et les si justes pédagogiquement « Propos » (sur l’éducation, les pouvoirs, le bonheur, etc…) d’Alain _ many Americans, once and for all, that the right’s economic ideas are wrong and progressive ideas are right. And there’s certainly something to that…

But I suspect that the main reason for the dramatic swing in the polls is something less concrete… As the economic scene has darkened, I’d argue, Americans have rediscovered the virtue of seriousness _ « the virtue of seriousness » : voilà l’expression décisive ! Celle qui m’a incité à rédiger cet article… And this has worked to Mr. Obama’s advantage, because his opponent has run a deeply unserious campaign.

Think about the themes of the McCain campaign… Mr. McCain reminds us, again and again, that he’s a maverick _ but what does that mean ? His maverickness _ en français : « être un franc-tireur » _ seems to be defined as a free-floating personality trait, rather than being tied to any specific objections… to the way the country has been run for the last eight years.

Conversely, he has attacked Mr. Obama as a “celebrity”, but without any specific explanation of what’s wrong with that…

And the selection of Sarah Palin… clearly had nothing to do with what she knew, or the positions she’d taken _ it was about who she was, or seemed to be _ et le modèle n’a été que trop exportable outre-Atlantique, hélas !!! Americans were supposed to identify with a « hockey mom » who was just like them _ comme si l’identification était un argument de choix pertinent d’un dirigeant politique ! C’est baigner là dans la pensée magique (cf Lucien Lévy-Bruhl : « Primitifs » ; « Esquisse d’une théorie générale de la magie » de Marcel Mauss ; et Claude Lévi-Strauss : « La Pensée sauvage« )…

In a way, you can’t blame Mr. McCain for campaigning on trivia _ after all, it’s worked in the past. Most notably, President Bush got within hanging-chads-and-butterfly-ballot range of the White House only because much of the news media, rather than focusing on the candidates’ policy proposals, focused on their personas : Mr. Bush was an amiable guy you’d like to have a beer with, Al Gore was a stiff know-it-all, and never mind all that hard stuff about taxes and Social Security. And let’s face it: six weeks ago Mr. McCain’s focus on trivia seemed to be paying off handsomely.

But that was before the prospect of a second Great Depression concentrated the public’s mind.

The Obama campaign has hardly been fluff-free _ in its early stages it was full of vague uplift. But the Barack Obama voters see now is cool, calm, intellectual and knowledgeable, able to talk coherently about the financial crisis in a way Mr. McCain can’t _ ou l’épreuve du réel… And when the world seems to be falling apart, you don’t turn to a guy you’d like to have a beer with, you turn to someone who might actually know how to fix the situation _ soit Socrate (et Platon) versus Gorgias, Polos et Calliclès, in « Gorgias » ! et encore Socrate (et Platon) versus Thrasymaque et le point de vue rapporté par Glaucon, dans « la République« , toujours de Platon…

The McCain campaign’s response to its falling chances of victory has been telling : rather than trying to make the case that Mr. McCain really is better qualified to deal with the economic crisis, the campaign has been doing all it can to trivialize things again. « Mr. Obama consorts with ’60s radicals ! He’s a socialist ! He doesn’t love America ! » Judging from the polls, it doesn’t seem to be working.

Will the nation’s new demand for seriousness last ? Maybe not _ remember how 9/11 (2002) was supposed to end the focus on trivialities ? For now, however, voters seem to be focused on real issues. And that’s bad for Mr. McCain and conservatives… : right now, to paraphrase Rob Corddry, reality has a clear liberal bias

_ c’est le « réel », en ses « apparitions », qui change ;

les « réalistes » (= « pragmatiques ») sont bien forcés

(par l’avantage, provisoire _ sur la scène sociale, économique et politique ; ainsi qu’idéologique ! _, du « principe de réalité » sur le « principe de plaisir« 

_ cf Freud dans « Au-delà du principe de plaisir« , en 1920, publié in « Essais de psychanalyse«  : un très grand livre ! _

de s’y « adapter » (machiavéliennement, si j’ose dire ;

à moins que ce ne soit « machiavéliquement », seulement ; en revenir au « Prince« )

si peu que ce soit,

du moins pour un moment, le temps que le temps tourne à nouveau, et soit, de nouveau, plus propice à leurs manœuvres peu, honnêtes (ou intègres)…

Et dans sa traduction en castillan, par Maria Luisa Rodríguez Tapia, dans el Pais de ce 2 novembre :

« En busca desesperada de la seriedad »

Paul Krugman 02/11/2008

Es posible que todos los sondeos y opiniones generalizadas se equivoquen, y que John McCain, inesperadamente, gane. Ahora bien, en estos momentos da la impresión de que el triunfo demócrata es inevitable : una victoria sólida, tal vez incluso aplastante, de Barack Obama ; gran aumento del número de escaños demócratas en el Senado, tal vez incluso suficientes para darles una mayoría a prueba de bloqueos parlamentarios, y también un amplio avance demócrata en la Cámara de Representantes.

Hace sólo seis semanas los resultados parecían ajustados e incluso levemente favorables a McCain. El momento decisivo de la campaña se vivió a mediados de septiembre, coincidiendo con la repentina intensificación de la crisis financiera tras la bancarrota de Lehman Brothers. Pero ¿ por qué la crisis económica y financiera ha beneficiado de una forma tan abrumadora a los demócratas ?

Con todo el tiempo que he dedicado a presentar argumentos contra el dogma económico conservador, me gustaría creer que la mala situación convenció a muchos estadounidenses, por fin, de que las ideas económicas de la derecha son erróneas y las ideas progresistas son las acertadas. Y no cabe duda de que hay algo de eso. Hoy, cuando incluso el propio Alan Greenspan reconoce que se equivocó al creer que el sector financiero podía autorregularse, la retórica reaganesca sobre la magia del mercado y los males de la intervención del Gobierno resulta ridícula.

Además, McCain parece asombrosamente incapaz de hablar sobre economía como si fuera un asunto serio. Ha tratado de responsabilizar de la crisis a su culpable favorito, las asignaciones presupuestarias especiales del Congreso, una afirmación que deja atónitos a los economistas. Inmediatamente después de la quiebra de Lehman, McCain declaró: « Los cimientos de nuestra economía son sólidos« , por lo visto sin saber que estaba repitiendo casi al pie de la letra lo que dijo Herbert Hoover después de la crisis de 1929.

No obstante, sospecho que la razón fundamental del espectacular giro en las encuestas es algo menos concreto y más etéreo que el hecho de que los acontecimientos hayan desacreditado al fundamentalismo del libre mercado. En mi opinión, a medida que la situación económica ha ido oscureciéndose, los estadounidenses han redescubierto la virtud de la seriedad. Y eso ha beneficiado a Obama, porque su rival ha llevado a cabo una campaña tremendamente poco seria.

Piensen en los temas que han centrado la campaña de McCain hasta ahora. McCain nos recuerda, una y otra vez, que es un heterodoxo, pero ¿qué significa eso? Su heterodoxia parece definirse como un rasgo independiente de su personalidad, no vinculado a ninguna objeción concreta contra la manera de gobernar el país durante los últimos ocho años.

Por otro lado, ha criticado a Obama diciendo que es un « famoso », pero sin explicar en concreto qué tiene eso de malo; se da por supuesto que las estrellas de Hollywood tienen que caernos mal.

Y es evidente que la elección de Sarah Palin como candidata republicana a la vicepresidencia no tuvo nada que ver con sus conocimientos ni sus posturas; fue por lo que era, o lo que parecía ser. Se suponía que los estadounidenses debían identificarse con una hockey mom parecida a ellos.

En cierto sentido, es comprensible que McCain haga campaña apoyándose en nimiedades; al fin y al cabo, en otras ocasiones ha funcionado. El caso más notable fue el del presidente Bush, que si logró colocarse a un paso de la Casa Blanca y que todo dependiera de una cuestión de papeletas mariposa y perforaciones mal hechas fue sólo porque gran parte de los medios, en vez de prestar atención a las propuestas políticas de los candidatos, se centraron en sus personalidades: Bush era un tipo simpático con el que uno podía tomarse una cerveza, mientras que Al Gore era un tieso sabelotodo; y eso era lo importante, no ese lío de los impuestos y la Seguridad Social. Y seamos francos: hace seis semanas parecía que la atención de McCain a las nimiedades estaba dándole buenos resultados.

Pero eso era antes de que la perspectiva de una segunda Gran Depresión captara la atención de la gente.

La campaña de Obama no ha estado tampoco libre de tonterías; en sus primeras fases estaba llena de un vago optimismo. Pero el Barack Obama que ven los votantes hoy es un hombre sereno, tranquilo, intelectual y enterado, capaz de hablar sobre la crisis financiera con una coherencia que McCain no tiene. Y, cuando parece que el mundo se viene abajo, uno no recurre a un tipo con el que le gustaría tomarse una cerveza, sino a alguien que quizá sepa realmente cómo arreglar la situación.

La reacción de la campaña de McCain al ver que disminuyen sus posibilidades de victoria ha sido significativa: en vez de argumentar que McCain está más preparado para hacer frente a la crisis económica ha hecho todo lo posible para volver a frivolizar las cosas. ¡Obama se junta con radicales de los años sesenta! ¡Es un socialista! ¡No ama a Estados Unidos! A juzgar por las encuestas, no parece que esté sirviendo de nada.

¿Persistirá la nueva exigencia de seriedad del país? Quizá no; ¿se acuerdan de que se suponía que con el 11-S iban a acabarse las frivolidades? Pero, de momento, parece que los votantes sí están interesados por los temas que de verdad son importantes. Y eso es malo para McCain y para los conservadores en general: en estos momentos, para parafrasear al cómico Rob Corddry, la realidad es claramente progresista. –

© 2008 New York Times News Service. Traducción de María Luisa Rodríguez Tapia.

De quoi réfléchir un minimum, sur le « sérieux » des compétences réelles,

face à la légéreté des « convictions », des « croyances », du poids de la « crédulité » aussi…

Même si,

tant Paul Krugman, dans son article du New-York Times du 26 octobre,

que Michel Rocard, dans son entretien avec Françoise Fressoz et Laetitia Van Eeckhout du Monde de ce 2 novembre,

sont loin d’être naïfs sur l’efficacité immédiate ou directe, à court terme

_ le « contexte » (du « présent » historique) jouant, aussi, beaucoup pour donner du poids et de l' »autorité » à leur « parole » et à leur « intervention » (et « focalisation » pertinente)

auprès de ceux qui

_ en masse, grégairement, le plus souvent (ils préfèrent « copier-coller » des opinions qu’ils croient majoritaires) _

veulent si peu (ou si mal) entendre, et comprendre _ ;

même si tant Paul Krugman que Michel Rocard, donc,

sont loin d’être naïfs sur l’efficacité

de leur « action » _ de sagacité _ de « désembrouillage » de la complexité du « réel », déjà, même

(et des « faits » à « établir » : avec validité objective) ;

et de « désembrouillage » des idéologies « intéressées » et bien peu objectives, elles,

qui ajoutent leur « confusion » (subjective et passionnelle ; quand ce n’est pas, même, de parfaite « mauvaise foi ») aux brouillages

(et brouillards, déjà) de ce « réel » lui-même ;

et si il appartient à chacun, _ comme « honnête homme«  _ à son niveau, à sa place, et hic et nunc, « en situation« , dirait un Sartre (cf ses « Situations« ),

de sempiternellement inlassablement,

avec « vaillance » _ c’est un « travail » de l’esprit à l’œuvre ! _ et avec « courage« 

_ les deux « vertus » que Kant met en avant dans son indispensable et toujours d’extrême actualité et urgence, « Qu’est-ce-que les Lumières ? » _ pour lui, c’était en Prusse, à Koenigsberg, et en 1784, déjà… _

et si il appartient à chacun

de faire effort si peu que ce soit,

en commençant par (bien) écouter, (bien) s’informer

(à bonnes, et plurielles, sources : en « débats » ouverts, « libres » : c’est-à-dire exigeants quant à l’effort de « vérité », au-delà des « intérêts », économiques, surtout, qui s’affrontent ;

qu’il en ait, ce « chacun », claire conscience, ou pas,

c’est-à-dire une conscience embrumée, ou brouillée)

pour _ toujours essayer, chacun, de mieux _ « comprendre »...

Même si,

tant Paul Krugman

que Michel Rocard, donc,
demeurent, forcément, circonspects

sur les capacités d’un (isolé) article,

et, plus généralement, de leur action

_ chacun des deux à son niveau, et dans sa sphère (d’influence) _ ;

sur les capacités

de « convaincre » les décideurs, les pouvoirs,

ainsi que les individus, et, au-delà de leur individualité séparée, les peuples

_ ou du moins leurs « majorités » politiques (en démocratie !),

à la veille des élections présidentielles américaines de ce mardi 4 novembre : après-demain ! _ ;

soit de « convaincre »,

en raison (et pas « en affects » populistes),

tout un chacun,

de changer d’attitude

tant de l’entendement que de la volonté, en action,

au profit d’un « réalisme de la vérité

et de la justice »…

Où commence la naïveté ? où commence l' »utopie » ?

Où se trouve le vrai « réalisme » ?

Sur ce point, afin d’un peu mieux le « penser », je me permettrai de « renvoyer » à ce grand livre

qu’est « L’Institution imaginaire de la société« , en 1975,

de Cornelius Castoriadis (1922, Constantinople, ou Istamboul _ comme on voudra _ – 1997, Paris)…

Bref,

de quoi réfléchir ;

et agir,

quant à notre « crise »…


Titus Curiosus, ce 2 novembre 2008

Chercher sur mollat

parmi plus de 300 000 titres.

Actualité
Podcasts
Rendez-vous
Coup de cœur