Archives du mois de février 2023

En forme de codicille à mon récent article sur le « Galerie des Glaces » de Karol Beffa, ce courriel à lui adressé…

18fév

 

ce courriel à lui adressé :
Cher Karol,
je reviendrai forcément sur ton splendide « Galerie des Glaces »,
en dehors ce ce qui à mon oreille, trop circonstanciellement, a pu l’apparenter d’abord pour moi à la « Musica callada » de Mompou interprétée par Stephen Hough, qui venait en effet de m’impressionner…
 
Car, bien plus fondamentalement, tout est succulent jeu de diffractions et rappels merveilleusement irisés d’amples souvenirs
dans cet assez idiosyncrasique « Galerie des Glaces » aux mille reflets de vie,
en ce simple moment du milieu (en septembre 2020) de ta profuse riche vie…
 
Francis
Soit une splendide musique magnifiquement diffractée,
et qui, comme directement, vient converser en toute simplicité avec nous tous…
Ce samedi 18 février 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

 

Une comparaison discographique de Concertos et double concertos pour clavecin de Bach : le Bach revigoré et proprement jubilatoire de Francesco Corti et il pomo d’oro…

17fév

À propos du tout à fait remarquable _ et déjà remarqué ici même au mois d’août dernier _ percutant CD « Bach Harpsichord Concertos III » par Francesco Corti, Andrea Buccarella et le décidément toujours magnifique il pomo d’oro,

voici que paraît cet intéressant article, en date d’hier 16 février 2023, sous la plume de Christophe Steyne sur le site de Crescendo : « Concertos et double concertos pour clavecin de Bach : trois nouvelles parutions« ,

qui me paraît à confronter à mon article du 20 août 2022 sur ce même CD : « « …

Concertos et double concertos pour clavecin de Bach : trois nouvelles parutions

LE 16 FÉVRIER 2023 par Christophe Steyne

Johann Sebastian Bach (1685-1750) : Concertos pour clavecin no 3 en ré majeur BWV 1054, no 4 en la majeur BWV 1055, no 6 en fa majeur BWV 1057, no 7 en sol mineur BWV 1058.

Masato Suzuki, clavecin. Bach Collegium Japan.

Andreas Böhlen, Kenichi Mizuuchi, flûtes à bec. Natsumi Wakamatsu, Azumi Takada, violon. Yukie Yamaguchi, alto. Toru yamamoto, violoncelle. Seiji Nishizawa, violone.

Juillet 2019. Livret en anglais. TT 60’05.  BIS-2481

Johann Sebastian Bach (1685-1750) : Concertos pour clavecin no 2 en mi majeur BWV 1053, no 4 en la majeur BWV 1055. Concertos pour violon en la mineur BWV 1041. Concerto pour deux clavecins en ut mineur BWV 1062.

Mario Sarrechia, Bart Naessens, clavecin.

Sara Kuijken, violon solo.

Sigiswald Kuijken, violon, violoncello da spalla, direction.

La Petite Bande. Yun Kim, violon. Marleen Thiers, alto. Edouard Catalàn, basse de violon.

Octobre 2021. Livret en anglais, français, allemand. TT 62’39. Accent ACC 24385

Johann Sebastian Bach (1685-1750) : Concertos pour deux clavecins en ut mineur, ut majeur, ut mineur BWV 1060-1062. Concerto pour clavecin, hautbois et cordes en ré mineur BWV 1059 [reconstruction F. Corti].

Francesco Corti, Andrea Buccarella, clavecin. Emmanuel Laporte, hautbois.

Ensemble Il Pomo d’Oro.

Avril 2021. Livret en anglais. TT 55’48. Pentatone PTC 5186 966

Au sein d’une discographie déjà abondante, l’actualité s’enrichit de trois nouvelles parutions consacrées aux concertos pour un ou deux clavecins. Affichant chacune un accompagnement réduit à un pupitre par partie, pour des effets au demeurant très contrastés selon l’esthétique qui se dégage de chaque album. Après un album de concertos à deux clavecins par Suzuki père et fils admiré par Ayrton Desimpelaere voilà huit ans, après un premier volume de concertos pour un seul clavecin (dont une reconstruction du BWV 1059), Masato et le Collegium Japan reviennent boucler l’intégrale des BWV 1052-1058. Dont celui décalqué du quatrième Brandebourgeois, ici superbement servi par les flûtes d’Andreas Böhlen et Kenichi Mizuuchi. On retrouve le même instrument à deux claviers (Kroesbergen, 1987, d’après Couchet), on retrouve le même accompagnement aminci, que la captation reproduit avec un relief et une densité qui remplument un peu la lésine des effectifs, au prix d’une certaine dureté et d’une image frontale.

On retrouve aussi le même genre d’interprétation radiographique, qui comblera les amateurs de lisibilité, de recto tono. Les mouvements vifs brillent comme un cristal aux arêtes pures, mais dépourvu de la moindre chaleur, de la moindre souplesse d’influx. Un usinage sidérurgique. Alors que dire des mouvements lents ?, d’une glabre et réfrigérante géométrie, désertés de tout affect, raclés à l’os. Suspecterait-on jamais l’Adagio e piano sempre de pouvoir flotter aussi impassiblement, tel un bloc de banquise dans un océan glacé ? Les oreilles avides d’un littéralisme élagué se rappelleront la phrase de Saint-Exupéry (Terre des hommes) : « il semble que la perfection soit atteinte, non quand il n’y a plus rien à ajouter mais quand il n’y a plus rien à retrancher ». Du territoire expressif visité par ces opus, ne reste-t-il pourtant qu’un cadastre piqué à la machine à coudre ?, se demanderont en revanche les contempteurs de cette approche digne d’un scanner.

Les déterminants de l’empathie ne se réduisent pas à l’arithmétique. L’émotion ne s’indexe pas sur la taille. Chez le label Accent, le même effectif d’archets (au plus, un quintette) manifeste une entropie supérieure à l’interprétation nipponne, mais aussi un net surcroît de chaleur communiquée à l’auditeur. Application du principe thermodynamique de conservation d’énergie ? À comparer le BWV 1055, les allegros ne sont pas moins animés avec l’équipe de Kuijken, mais le larghetto respire bien plus aisément. La malléabilité des cordes exsude un coloris et une saveur que nous ne percevions guère autour de Masato Suzuki. Toujours est-il que le mélomane devra adhérer à ce giron plutôt qu’un véritable orchestre, et accepter de souscrire à l’avis de Sigiswald Kuijken (« tous ses concertos appartiennent au genre de la musique de chambre ») au sein d’une notice à l’argumentaire partial. Laquelle explique aussi (pas très clairement) le recours à un violoncello da spalla pour le BWV 1062 (erronément répertorié comme BWV 1061 dans le tracklisting).

Côté solistes, on apprécie le tempérament de Sara Kuijken, aux phrasés étudiés qui déjouent les évidences (remarquable élasticité dans l’allegro assai) quitte à paraître parfois mal assurée. On salue le jeu fin et sensible de Mario Sarrechia, son articulation lubrifiée, son propos juste et soupesé (comme le final du BWV 1053 pétille sainement !). Le brillant alumnus des Conservatoires d’Anvers et Amsterdam est rejoint par Bart Naessens dans un tandem là encore parfaitement ciselé. Ce CD s’annonce comme premier volume d’une trilogie qui, outre les six concertos pour clavecin soliste (sans le BWV 1058 ?), compte rassembler à terme les trois doubles concertos pour clavecins, le double concerto pour violons, et les deux concertos pour violon

On mesure toutefois ce que l’interprétation du BWV 1062 concluant le disque Accent avait de prudente quand on sursaute _ avec jubilation ! _ à l’écoute du même concerto, qui fait irruption au début de l’album Pentatone. Le premier volume de l’intégrale des concertos solistes par Francesco Corti avait enthousiasmé notre plume et notre magazine _ et moi aussi !!! cf mon article du 21 mai 2022 : « «  _, qui le récompensait d’un Joker Millésime distinguant les douze meilleurs enregistrements de l’année 2020 ! Le livret invoquait un continuo attesté pour le BWV 1055, plaidant pour plusieurs archets par partie (3/3/2/1/1), extrapolés aux trois autres concertos de ce tome I. Nous voici ici cependant revenus à un équipage congru, mais valeureux par ses individualités : Evgeny Sviridov et Anna Dimitrieva aux violons, Stefano Marcocchi, à l’alto, Catherine Jones au violoncelle, Paolo Zuccheri au violone.

Codicille à cette série BWV 1052-1058, on nous offre ici le BWV 1059, inachevé par Bach mais complété par Francesco Corti (en s’inspirant des airs de la cantate Geist und Seele wird verwirret), comme Gustav Leonhardt l’avait osé en son temps (et gravé en 1960 sous étiquette Das Alte Werk), ainsi que d’autres tel Suzuki que nous évoquions ci-dessus. Tous les détails de cette intéressante (et très conjecturale) reconstruction sont honnêtement présentés dans le livret qui renseignera dûment les anglophones.

L’interprétation des quatre concertos affiche une vigueur peu commune, presque militante _ oui, oui… _, aiguisant les rythmes et affutant les tempos, poussant les partitions dans leurs retranchements. Y compris dans les andante et adagios, concentrés comme des instants paraboliques, resserrés d’un geste unificateur qui révoque la nuance, certes. Que dira-t-on alors des mouvements vifs ?! C’est musclé, parfois chahutant, souvent étourdissant, toujours stimulant _ pour notre jubilation ! Même combat que dans le disque de Masato Suzuki ? Du moins, la physionomie diffère, voire les enjeux : là dominait une impression de sécheresse, ici triomphe la force, tout aussi brute peut-être mais mieux hydratée, et qui n’oblitère pas l’éloquence. La démonstration intimide toutefois. On souhaiterait que la motorisation poussée à fond les manettes réintroduise quelque subtilité _ quant à moi, je me régale et y trouve le portrait le plus idoine que je me fais du puissant père Bach…

On saluera la virile découpe que les deux violonistes russes inculquent au tracé, et le non moindre élan que les cordes graves impulsent à la motricité. Andrea Buccarella partage la même pugnacité que son compatriote. Deux clavecins faits par Andrea Restelli d’après le « Christian Vater 1738 » de Hanovre sont les complices de cette lecture aussi radicale qu’incendiaire _ voilà. On s’enflamme ! La conduite est magistralement, autoritairement, impeccablement gérée. Irrésistible, mais désarçonnant, verrouillez votre ceinture ! _ et décollez !

BIS = Son : 8,5 – Livret : 8 – Répertoire : 10 – Interprétation : 6

Accent = Son : 9 – Livret : 8 – Répertoire : 10 – Interprétation : 9

Pentatone = Son : 9 – Livret : 9 – Répertoire : 10 – Interprétation : 9,5

Christophe Steyne

C’est bien intéressant !

Ce vendredi 17 février 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

« La Chambre bleue » : une très jolie réalisation, par Deborah Cachet, soprano, et Sofie Vanden Eynde, théorbe, autour d’airs de cour du XVIIe siècle français, de Sébastien le Camus, Michel Lambert et Marc-Antoine Chapentier, et pièces instrumentales de Robert de Visée…

16fév

C’est une une très jolie réalisation, par Deborah Cachet, soprano, et Sofie Vanden Eynde, théorbe _ toutes deux artistes belges, nées respectivement en 1990 et 1978 _, autour d’airs de cour du XVIIe siècle français, de Sébastien le Camus, Michel Lambert et Marc-Antoine Charpentier, et de pièces instrumentales de Robert de Visée,

que vient nous proposer le très réussi CD Passacaille PAS 1097 : « La Chambre bleue _ Music of the 17th century parisian salons » ;

en un répertoire raffiné que tout simplement je vénère…

Même si j’aurais apprécié d’y entendre bien davantage d’airs de Michel Lambert (1610 – 1696) que le seul _ superbe, certes ! _ archi-célèbre, et magnifiquement réalisé ici, « Ombre de mon amant« …

Ce jeudi 16 février 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

La paradoxale et surprenante proximité, au moins à l’écoute, du plus récent CD « Galerie des Glaces » de Karol Beffa pianiste interprétant Karol Beffa compositeur-improvisateur, avec le CD « Musica callada » de Stephen Hough pianiste interprétant Federico Mompou, sublimissime compositeur…

15fév

C’est bien sûr une proximité en grande partie subjective _ à mon oreille d’auditeur du moins _ qui m’amène à comparer le CD d' »Improvisations » « Galerie des Glaces » Klarthe KLA 146 de Karol Beffa pianiste interprétant 23 brèves pièces de Karol  Beffa compositeur-improvisateur, que je viens, dès son apparition sur la table de mon disquaire préféré, d’acheter,

avec le CD qui m’a immédiatement impressionné à l’écoute d’un extrait, présenté très peu de jours auparavant par le représentant du distributeur Distrart à mon disquaire préféré, de l’interprétation par Stephen Hough, pianiste, de l’extraordinaire « Musica callada » de Federico Mompou, soit le CD Hyperion CDA 68362 _ cf mon article du 11 février dernier « « 

Très objectivement,

les 28 pièces brèves _ elles aussi, ainsi que tendrement expérimentales : quelle surprenante merveilleuse beauté !.. _ de Federico Mompou (1893 – 1987), composées en 1959, 1962, 1965 et 1967, et constituant sa stupéfiante « Musica callada« ,

sont au départ tout à fait étrangères au libre et très ouvert jeu de variations à partir de thèmes proposés par le public auquel aime tant se livrer, par défi à lui-même, Karol Beffa (1973),

et dans ce cas spécifique _ pour ici un quatrième CD de telles « improvisations » sur un thème donné par d’autres que le compositeur lui-même, le public, dans sa très large variété… _, en un enregistrement au studio Sextan le 7 septembre 2020 ;  et cela à partir de ce que pouvaient lui suggérer les propositions de ce public auxquelles Karol se faisait le défi immédiat de répondre…

Ainsi, écoutez ici le merveilleux « Songe du Cantor » (de 3′ 48) de l’ami Karol Beffa…

Et pourtant, à l’arrivée de ces deux écoutes discographiques apparemment très éloignées d’esprit, j’éprouve une étrange parenté de plaisir musical…

Et il me faut ajouter encore que ma surprise a été assez grande de constater, ce soir même, en consultant, comme chaque jour, le site de Karol Beffa,

que celui-ci vient de remettre en ligne la vidéo de 52′ 31 de notre entretien à la Station Ausone à Bordeaux, du 18 février 2022, publiée sur le site de la Librairie Mollat le 3 avril suivant, à propos du superbe et passionnant travail de Karol « L’autre XXe siècle musical« , paru un peu auparavant, le 27 janvier 2022, aux Éditions Buchet-Chastel _ cf là-dessus mon article du 7 avril 2022 : « « …

Que de réjouissantes merveilleuses surprises !

Ce mercredi 15 février 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

De « Une Passion franco-allemande _ Souvenirs du Goethe-Institut de Bordeaux » à « Le Goethe-Institut de Bordeaux _ Une si riche passion intellectuelle franco allemande » : les souvenirs d’une passion (et d’une carrière professionnelle) de Jutta Bechstein-Mainhagu…

14fév

De « Une Passion franco-allemande _ Souvenirs du Goethe-Institut de Bordeaux » _ imprimé au mois de septembre 2022 _ à « Le Goethe-Institut de Bordeaux _ Une si riche passion intellectuelle franco allemande » _ imprimé au mois de février 2023 _,

soient le récit des souvenirs d’une passion (et d’une carrière professionnelle _ dans laquelle a pu se réaliser et s’épanouir cette passion « franco-allemande«  pas seulement « intellectuelle«  !.. _) de Jutta Bechstein-Mainhagu ;

ou ce qui se perd un peu d’une édition libre _ à compte d’auteur _ à une édition dans laquelle le choix du titre revient in fine à l’éditeur…

En lecteur attentif de ces deux ouvrages, bien peu différents, certes,

je regrette personnellement en effet ce qui se perd en lumière de vérité de ce passionnant et passionné récit de celle qui, de lectrice passionnée de littérature, est devenue une  passeuse passionnée et éminemment experte de la culture allemande, à Bordeaux, et très vite en France, puis en Europe, et enfin, avec Internet, dans le monde entier, auprès de lecteurs tant soit peu curieux de l’actualité la plus riche, quasi au jour le jour, de la culture allemande _ ayant à se remettre, difficilement, du poids des gravissimes crimes de l’hitlérisme, puis de celui de ses durables très pesants remords consécutifs : comment donc s’en remettre ?..

Car ce n’est pas à un compte-rendu historique de ce Goethe-Institut de Bordeaux _ qui, d’ailleurs, n’a pas eu souci de se doter d’archives de ses propres activités…que nous avons affaire ici, mais bien aux souvenirs très investis et passés au tamis de sa vive sensibilité, de celle qui dès sa nomination comme bibliothécaire, et son entrée dans les lieux _ alors au 16-ter de la rue Boudet (entre Cours de Verdun et Esplanade des Quinconces) _, le 13 juillet 1972, en fut tout aussitôt une très active et féconde cheville ouvrière,

devenant aussi, tout en fin de carrière _ en « 2012-2013« , est-il indiqué à la page 22 ; alors que Jutta prend sa retraite au mois de janvier 2013 ; et que c’est le 14 décembre 2012 qu’elle a fêté son 65e anniversaire… _, le neuvième directeur-directrice de ce Goethe Institut de Bordeaux,

après Fred Mensdorf (1971 – 1977), Gerhard Trapp (1977 – 1983), Gerhard Koebe (1983 – 1988), Wolfgang Ebert (1988 – 1991), Gisela Kadar (1991 – 1996), Holger Hartmann (1996 – …), Jochen Neuberger (… – 2004), Carmen Marcou (2005 – 2012), Jutta Bechstein-Mainhagu (2012 – 2013), Gertrud de Blay (2013 – 2018), Luise Holke (depuis 2018) ;

après être devenue auparavant, en 1997 _ et cela quinze années durant (1997-2013), c’est-à-dire jusqu’au moment de son départ à la retraite, au mois de janvier 2013 _, l’inventeur et l’animatrice infatigable de ce qu’elle-même a intitulé « le bureau de liaison littéraire du Goethe-Institut » _ à répercussions très vite internationales, même : quelle improbable aventure, au départ, en 1970, à l’âge de 22 ans, de Cobourg pour Paris !..

C’est donc cette passion personnelle de la jeune Jutta Harnatt, née le 14 décembre 1947 à Kronach, en Haute-Franconie (tout au nord du vaste Land de Bavière), devenue plus tard Jutta Bechstein, puis devenue veuve en 1997, Jutta Bechstein-Mainhagu,

qui m’a moi-même passionné par son enthousiasme très communicatif de lectrice attentive et tout à fait perspicace de la littérature allemande, notamment contemporaine ;

avec laquelle, Jutta, je n’ai pas manqué d’avoir régulièrement, moi qui ne suis pas germanophone _ mais mon père, issu d’une famille viennoise, est né le 11 mars 1914 à Stanislaus, en Galicie alors autrichienne _, d’éclairantes conversations, d’abord _ au tout début _, autour de l’œuvre si puissante et marquante, que je découvrais alors, dans les années 80, de ce génie _ autrichien _ qu’est Thomas Bernhard (Heerlen, 9 février 1931 – Gmunden, 12 février 1989) _ lire d’abord les 5 volumes de son autobiographie (écrits en 1975, 1976, 1978, 1981 et 1982 ; et publiés en traduction française chez Gallimard respectivement en 1988 (!), 1982, 1983, 1984 et 1985) : L’origine _ simple indication, La cave _ un retrait, Le souffle _ une décision, Le froid _ une mise en quarantaine et Un enfant ;

c’est à la parution à la NRf du « Souffle _ une décision » (celle de refuser de succomber à sa quasi mortelle maladie pulmonaire, et choisir de vivre en refusant l’avilissement-abaissement généralisé des compromissions…), le 13 septembre 1983, qu’un article enthousiaste de Jean-Louis de Rambures dans le Monde des livres, intitulé « Thomas Bernhard face à la mort« , m’a incité à me procurer et lire dare-dare, dans l’enthousiasme, pour la première et décisive fois, l’immense et formidable Thomas Bernhard : écrivain à l’implacable lucidité désormais et pour jamais indispensable ! Et donc c’est à partir de cette date-là, que j’ai aussitôt lu dès sa parution en traduction française le moindre titre paraissant de lui… ;

de même que j’allais voir (et y mener aussi mes élèves ! depuis Andernos où j’enseignais à philosopher…) en 1991, au Théâtre du Port-de-la-Lune, dirigé alors par Jean-Louis Thamin, les représentations de trois de ses pièces, pas moins !, dont « Le Faiseur de théâtre« , magnifiquement mis en scène par l’excellent Jean-Pierre Vincent (cf ces mots rétrospectifs de Jean-Pierre Vincent le 4 février 2011, en un entretien pour Libération, intitulé « L’art n’est clairement pas leur problème« ), et « La Société de chasse« , mise en scène par Jean-Louis Thamin, mais insupportablement défigurée hélas par cet horripilant cabot qu’est le pauvre Fabrice Luchini, qui se croit irrésistiblement amusant, aussi inintelligent là qu’à son habitude, et parfaitement infidèle à la subtile et terrible efficacité de Thomas Bernhard ; la troisième pièce étant peut-être (mais j’ai échoué à en trouver jusqu’ici trace dans les archives accessibles sur le Net, ainsi que dans mes agendas) « Minetti _ portrait de l’artiste en vieil homme« … _,

pour commencer ;

puisque je me suis ensuite passionnément intéressé à bien d’autres auteurs de la sphère d’influence germanique, en Europe centrale et orientale, comme, tout particulièrement, Bruno Schulz (« Les Boutiques de cannelle« , « Le Sanatorium au croque-mort« …), Gregor von Rezzori (« Neiges d’antan« , « Mémoires d’un antisémite« , « Sur mes traces« …), Walter Benjamin (tout l’œuvre !), Hannah Arendt (tout l’œuvre !), Lisa Fittko (« Le Chemin des Pyrénées« , devenu « Le Chemin Walter Benjamin« …), Imre Kertész (tout l’œuvre, et surtout l’indispensable « Le Chercheur de traces » _ redonné in « Le Drapeau anglais«  _ ainsi que son extraordinaire « Liquidation« , à propos des indélébiles séquelles de tout cela…),

et bien d’autres encore, et assurément non des moindres : Aharon Appelfeld (« Histoire d’une vie« , etc.), Wlodzimierz Odojewski (le bouleversant « Et la neige recouvrit leur trace« …), Andrzej Kusniewicz (« Le Roi des Deux-Siciles« , « L’État d’apesanteur« , etc.),

et aussi _ il ne me faut certes pas les oublier _ Pierre Pachet (« Autobiographie de mon père« ), Daniel Mendelsohn (« Les Disparus« ), Patrick Desbois (« Porteur de mémoires« ), et l’immense Saul Friedländer (les deux tomes de son monumental « L’Allemagne nazie et les Juifs« , ainsi que son « Quand vient le souvenir« …),

etc., etc.,

jusquà mener sur quelques uns d’entre ceux-là des recherches poussées, avec même quelques découvertes _ par exemple la localisation, à Montauban, du domicile de Hannah Arendt et son époux Heinrich Blücher (à l’étage au-dessus d’un atelier de photographe), plusieurs mois durant, entre sa fuite du camp de Gurs et leur difficile sortie de France, Varian Fry et son réseau à Marseille aidant, afin, par « le chemin des Pyrénées« , et via l’Espagne et Lisbonne, de réussir à gagner New-York et les États Unis : ce dont j’ai pu faire part, les 28 et 29 avril 2014, au colloque « Hannah Arendt«  organisé au Château d’Orion par Elke Jeanrond-Premauer, avec laquelle Jutta m’avait très efficacement mis en contact… _,

ainsi que des lectures et analyses très détaillées,

comme en mon « Lire ‘Liquidation’ d’Imre Kertész, ou ce qui dure d’Auschwitz« , achevé de rédiger le 13 janvier 2006, et redevenu accessible, grâce à Nathalie Georges-Lambrichs _ qui a réussi à le « récupérer » sur une ancienne sauvegarde sienne qu’elle est parvenue à réactiver : ouf ! immense merci à elle ! _ en mon article du 8 novembre 2022 : « « , où ce très long texte mien de lecture-commentaire-déchiffrage du « Liquidation » de Kertész est miraculeusement redevenu accessible _ il n’a finalement pas été « liquidé« , réduit au pur néant, lui, par l’accident de mon précédent ordinateur où je le conservais sans sauvegarde aucune… _ à de patientissimes lectures !!!  ;

ce très très grand texte de Kertész qu’est ce chef d’œuvre étourdissant _ en son époustouflante complexité archi-enchevêtrée d’écriture par lui, l’auteur, puis de lecture, par nous, ses lecteurs… _, de « Liquidation« ,

se re-révélant hélas ces jours de maintenant plus prémonitoire que jamais _ « Ce qui dure d’Auschwitz » avais-je moi aussi comme prémonitoirement sous-titré ce modeste mien « Lire ‘Liquidation’« , qui, et cela à mon plus vif étonnement (!), résiste superbement à la relecture, 17 ans après sa rédaction, achevée le 13 janvier 2006 ! _ avec le présent retour de l’incroyable plus qu’infâme barbarie déchaînée sur ces décidément malmenées _ Boutcha, Irpin, Marioupol, Bakhmout, etc. _ terres d’Ukraine ; relire ici, du très grand historien américain Timothy Snyder, pour commencer, son indispensable « Terres de sang : l’Europe entre Hitler et Staline » (et désormais Poutine !) _ et relire aussi mes articles, celui très détaillé, du 26 juillet 2012, « « , et celui, synthétique et rétrospectif, du 4 mars 2022, « « , sur ce formidable travail de Timothy Snyder en ce « Terres de sang : l’Europe entre Hitler et Staline« …

Et où nous mesurons tout ce que nous pouvons devoir à la lucidité de poïesis la plus fine et la plus juste sur le réel des plus grands écrivains, tel ici un Kertész…

Oui, voilà bien ce qu’apporte l’imageance des plus grands écrivains et artistes ;

et il nous est plus que jamais indispensable, à nous leurs lecteurs, de venir toujours et à nouveau, génération après génération, les lire, et revenir, de nouveau, les relire ! Car leurs regards, via leurs très vivantes voix précieusement maintenues activement parlantes, déposées qu’elles sont dans les rythmes des phrases, des lignes et des pages de leurs livres, nous demeurent plus que jamais présents, ces extra-lucides regards visionnaires-là, via ces œuvres et chefs d’œuvre, qu’à nous, leurs potentiels lecteurs, ils ont su, tel un infiniment précieux legs, nous laisser.

Immense merci à eux tous, ces plus grands des auteurs !!!  Et fin ici de l’incise.

Ma dette amicale à l’égard de Jutta, via nos conversations passionnées à la bibliothèque du Goethe-Institut, à Bordeaux, n’est donc pas mince…

Ci-joint, un lien au très intéressant petit portrait-vidéo (de 11′ 40) réalisé, il y a 4 jours aujourd’hui, par Jutta dans le petit studio ad hoc de la Librairie Mollat afin de présenter son livre,

même si Jutta met davantage l’accent ici sur son action professionnelle _ très efficace et bien connue à Bordeaux _ au Goethe-Institut, que sur l’histoire personnelle beaucoup plus touchante de ce qu’elle a nommé cette très vive « passion franco-allemande » sienne, née en sa petite enfance et son adolescence _ à Cobourg, et d’abord à travers des livres de littérature… _, qui continue de l’animer et la faire encore et toujours se transcender…

Lire aussi un remarquable entretien, excellemment synthétique, de Jutta avec le journaliste Christian Seguin, publié dans le journal Sud-Ouest du 28 janvier 2013 sous l’excellent titre, déjà, « Une passion française » ;

ainsi que peu auparavant, le 15 novembre 2012, et sous la plume, cette fois, du toujours judicieux Christophe Lucet _ petit-fils du très fin Pierre-Henri Simon _, celui, éclairant aussi, intitulé « Les quarante bougies du Goethe Institut« …

Ce mardi 14 février 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

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