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L’admirable approche contextualisante de lecture des « Essais » de Montaigne de Philippe Desan, en son décisif « Montaigne – Une biographie politique » (paru en 2014), pour lire avec recul informé sa plaisante fiction « Montaigne – La Boétie – une ténébreuse affaire » (en 2024)…

26sept

Afin d’approfondir et consolider encore le grand plaisir de mes deux lectures successives de la passionnante _ à plusieurs égards _ fiction « Montaigne – La Boétie – une ténébreuse affaire » de Philippe Desan _ cf mes 3 articles « « ,

«  »

et « «  des 11, 13 et 18 septembre derniers… _,

 je suis en train de lire avec une immense satisfaction le richissime _ et indispensable ! Que ne l’avais-je lu dès sa sortie en 2014 !!! _ essai de fond, paru le 10 avril 2014, de Philippe Desan, « Montaigne – une biographie politique« …

Philippe Desan est probablement le plus fin et plus complet montaignologue d’aujourd’hui…

Et dans son travail de fond paru en 2014, Philippe Desan, sociologue de formation, procède à une extrêmement efficace et pertinente contextualisation historique (et politique) des diverses strates d’écriture, en 1580, en 1588, et enfin en les inscriptions manuscrites (et de diverses encres) de la main de Montaigne, de 1588 à son décès en 1592, sur un de ses exemplaires personnels de ses « Essais« , dit désormais « l’Exemplaire de Bordeaux » ; mais pas seulement des « Essais« , d’ailleurs, car tous les autres textes publiés, ou accessibles par divers moyens, de Montaigne, sont scrupuleusement, et tous, pris en compte par les analyses très fouillées de Philippe Desan, suite à ses infiniment patientes recherches de documents les plus divers…

En complément du magnifique entretien, à la Station Ausone, le vendredi 20 septembre dernier, de Philippe Desan avec Violaine Giacomotto _ à propos de cette imaginative fiction, mais rudement bien informée.., qu’est ce roman « Montaigne – La Boétie – une ténébreuse affaire«  _, dont voici la vidéo (d’une durée de 61′) ; ainsi que le podcast (de même durée),

je me permets de renvoyer ici à cette plus brève vidéo (d’une durée de 14 ‘ 13), de Philippe Desan, présentant lumineusement, le 29 décembre 2014, filmé dans les murs de la librairie Mollat, son très essentiel et absolument décisif « Montaigne – une biographie politique« , dont je veux ici très chaleureusement recommander la lecture !

Une présentation dans laquelle Philippe Desan souligne on ne peut plus clairement le sens _ et la fécondité pour la connaissance à la fois de l’œuvre, mais aussi la vie, qui sont très étroitement mêléees, de Montaigne… _ de sa méthode extrêmement minutieuse _ en même temps que très pédagogique _ de contextualisation _ et c’est effectivement crucial ! _ des strates d’écriture, tout au long de sa vie _ et pas seulement des campagnes successives d’écriture et ré-écriture des « Essais«  _, et des rebondissements et aléas de sa carrière (et ambitions successives) politiques, pas assez scrutées et analysées jusqu’alors…

Un travail merveilleusement éclairant et pertinent, je le répète !..

À cette heure, ce jeudi 26 novembre 2024, j’en suis à la page 453, de cet ouvrage, « Montaigne – une biographie politique« , qui comporte 596 pages d’analyse…

À suivre, donc…

Ce jeudi 26 septembre 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

La reconnaissance confirmée du talent singulier de Jonathan Fournel, brillant et affuté pianiste, ici dans Chopin et Szymanowski…

25sept

Le 3 septembre dernier, je consacrais un article de curiosité admirative «  » envers le talent brillant et affuté du pianiste Jonathan Fournel, à l’occasion de la parution de son superbe album Alpha 1064 « Chopin – Szymanowski« … 

Et voici que trois semaines plus tard cette admiration mienne évoquée en mon article se voit rejointe et développée plus amplement par deux articles bien détaillés consacrés à ce même CD Alpha 1064 « Chopin -Szymanowski » de Jonathan Fournel au piano :

le premier avant-hier 23 septembre, par Jean Lacroix sur le site du magazine Crescendo, sous le titre de « Après Brahms et Mozart, Jonathan Fournel se tourne vers la Pologne » ;

et le second hier 24 septembre, par Jean-Charles Hoffelé, sur son blog Discophilia, sous le titre de « Les deux Pologne« …

Les voici donc, l’un et l’autre :

Après Brahms et Mozart, Jonathan Fournel se tourne vers la Pologne

Le 23 septembre 2024 par Jean Lacroix

Frédéric Chopin (1810-1849) : Sonate pour piano n° 3 en si mineur op. 58. Karol Szymanowski (1882-1937) : Variations pour piano en si bémol mineur op. 3 ; Variations sur un thème folklorique polonais op. 10. Jonathan Fournel, piano. 2023. Notice en français, en anglais et en allemand. 60’ 51‘’. Alpha 1064.

Vainqueur du Concours Reine Elisabeth de 2021, placé sous le signe de la pandémie, le pianiste français Jonathan Fournel (°1993), originaire de Sarrebourg, dans l’est de la France, avait alors démontré ses affinités particulières avec Brahms en jouant en demi-finale les Variations et Fugue sur un thème de Haendel op. 24, avant un brillant Concerto n° 2 en finale. Entré dès 2009 au CNSM de Paris où il étudia avec Bruno Rigutto, Brigitte Engerer, Claire Désert et Michel Dalberto, Fournel a poursuivi sa formation, à partir de 2016, à la Chapelle musicale de Waterloo, avec Louis Lortie et Avo Kouyoumdjian. Dans la foulée de ce Premier Prix, il a gravé pour Alpha son premier disque _ Alpha 851 _, consacré lui aussi à Brahms _ « Brahms – Piano Sonata N°3 – Handel Variations«  On y retrouvait l’opus 24 _ « Variations and Fugue on a Thème by Handel«  _, couplé à la Sonate n° 3 _ Op. 5. Nous avions souligné, le 23 novembre 2021, l’excellence du style, riche en nuances, ainsi que la plénitude, la capacité expressive, l’énergie et l’intensité émotionnelle que ces pages dévoilaient chez ce jeune interprète. Nous appelions aussi de nos vœux des gravures de Fournel dans d’autres répertoires. Ce fut chose faite, début 2024, pour le même label, avec les Concertos n° 18 et 21 de Mozart _ le CD Alpha 1039 _, l’Orchestre du Mozarteum de Salzbourg étant placé sous la direction de Howard Griffiths ; Fournel en soulignait toute la vivifiante élégance.

Pour son troisième album chez Alpha _ le CD Alpha 1064 _, le pianiste propose un album où se côtoient Chopin et Szymanowski. Un judicieux programme polonais, qui rappelle que le second nommé, dans ses partitions _ Op. 3 et Op. 10 _ de Variations, composées en pleine jeunesse, au tout début du XXe siècle, s’inscrit dans la descendance de Chopin, mais aussi du premier Scriabine, et sous influence brahmsienne et schumanienne. Dans l’opus 3 _ « Variations in B Flat Minor«  _, dédié à Arthur Rubinstein lorsqu’il est publié en 1910 (sauf erreur, le virtuose n’en a pas laissé de témoignage sur disque) _ l’œuvre a été composée en 1903 _, douze variations s’enchaînent, en moins de douze minutes, Szymanowski manie l’art de la concision et de la liberté expressive, avec des suraigus et des graves, une certaine joie, et un rappel de la marche funèbre de Chopin. Le compositeur est en recherche d’un style propre, qu’il va développer au sein de l’opus 10 _ « Variations on a Polish Folk Theme«  _ de manière plus large (une vingtaine de minutes), dans une polyphonie plus travaillée, qui fait défiler les variations d’un thème emprunté à un recueil de chants de la région de Zakopane, située au pied de la chaîne montagneuse des Tatras. La musique traditionnelle fait ainsi son entrée dans le catalogue de Szymanowski. L’écriture pianistique, qui n’est pas sans évoquer des atmosphères lisztiennes, s’exprime encore de façon académique (la dédicace est pour son professeur Zygmunt Noskowski), mais avec des humeurs variées : sombre, rêveuse, rythmée, funèbre, ou triomphale dans une conclusion en apogée. Jonathan Fournel sert ces deux séries de variations avec un vrai sens de l’équilibre instrumental, leur accordant cette part de jeunesse qui les caractérise, sans effets ni contrastes malvenus. Il met en évidence les influences, tout en animant le tout avec finesse et sûreté.

Placée entre les deux opus szymanowskiens, la Sonate n° 3 _ Op. 58 _ de Chopin (1844) fait vibrer la lumière et la joie, tout à fait à l’opposé de la Sonate Funèbre _ N°2. De style large et jaillissant, cette composition de Nohant, à la virtuosité maîtrisée, déploie un superbe chant d’une esthétique entre Beethoven et Bellini dans le vaste l’Allegro maestoso initial, avant un bref Scherzo « plus léger que l’air », selon la jolie formule de maints commentateurs. Le Largo se mue en caresses élégiaques qui s’épanouissent de façon rêveuse, en plein émerveillement, presque irréel. Chopin laisse la puissance et les scintillements se propager dans un final en forme de rondo, aux effets flamboyants. Jonathan Fournel est ici aussi à l’aise que dans Brahms ; il traduit tous les paysages intérieurs de Chopin avec un enthousiasme communicatif, un sens du partage, une flamme ardente et un engagement qui séduisent tout au long du parcours. Il sait aussi ne pas se laisser emporter par une fougue trop débridée et ne pas être débordé par une émotion excessive (le Largo est superbement énoncé), dans le respect de ce moment de bonheur que reflète l’écriture du compositeur. On aurait aimé que _ dans le livret du CD _ Fournel fasse l’un ou l’autre commentaire sur la manière dont il conçoit son approche de Chopin. Mais la notice n’en dit rien.

Ce troisième album confirme la maturité pianistique d’un artiste qui aura sans doute bien des richesses musicales à proposer dans le futur.

Son : 9  Notice : 8  Répertoire : 10  Interprétation : 10

Jean Lacroix

LES DEUX POLOGNE

Admirable la Sonate en si _ de Chopin _ selon Jonathan Fournel, l’élégance et le feu, la main gauche impérieuse, le chant dit haut, la lumière même du Steinway font son Chopin d’une intense autorité sans pourtant oublier la ligne classique qu’y entendait jadis Dinu Lipatti. Le modèle certes était posé, mais le jeune homme y ajoute son propre clavier, où les polyphonies dansent, s’exaltent, s’envolent.

Pourtant, aussi fabuleuse que soit sa Sonate de Chopin, ce sont d’abord les deux cahiers de Variations _ Op. 3 et Op. 10 _ de Szymanowski qui me feront ranger le disque à l’auteur du Roi Roger _ ce chef d’œuvre majeur…

D’un Polonais l’autre croirait-on, mais non, le jeune Szymanowski ne regarde guère vers Chopin, Fauré s’évoque quasi sous les doigts du Français dans le thème de l’Opus 3, les verreries colorées de Scriabine, si souvent jouées pour Szymanowski par Heinrich Neuhaus, sont reconnaissables dans maintes variations, tout cela divulgué avec des attentions de poète qui trouveront l’ampleur commandée, une année plus tard _ en 1904 _, par les Variations sur un thème polonais, son glas fulgurant, ses esquisses de danses des Tatras, ses spectaculaires oiseaux de la coda, tout cela si vif, si prégnant, preuves nouvelles d’un art inspiré qui s’amplifie à chaque nouvel album.

LE DISQUE DU JOUR

Karol Szymanowski
(1882-1937)


Variations en si bémol mineur, Op. 3
Variations sur thème populaire polonais, Op. 10


Frédéric Chopin (1810-1849)


Sonate pour piano No. 3
en si mineur, Op. 58

Jonathan Fournel, piano

Un album du label Alpha Classics 1064

Photo à la une : le pianiste Jonathan Fournel – Photo : © Marco Borggreve

Deux belles reconnaissances de la critique : un talent d’interprète assurément à suivre…

Ce mercredi 25 septembre 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

A tirer des larmes, un ultime double sublimissime CD Brahms (les Quatuors à cordes avec piano n° 2, Op. 26, et n° 3, Op. 60) avec Lars Vogt, qui nous pétrifie de bonheur musical…

21sept

Comme pour compléter, et en musique s’il vous plaît !, mes articles «  » du 4 novembre 2023, et  «  » du 7 novembre 2023, qui tous deux mettent le doigt sur l’absolue fibre brahmsienne du piano de Lars Vogt,

ainsi que le salutaire récapitulatif «  » du 1er janvier 2024,

voici que l’excellent label Ondine nous fait l’inestimable et inattendu cadeau de publier encore, ce mois de septembre 2024, un double album ODE 1448-2D « Brahms – Piano Quartets N0s 2 & 4«  _ « Lars Vogt’s Last Recordings«  _ de Christian Tetzlaff, violon, Barbara Buntrock, alto, Tanja Tetzlaff, violoncelle, et Lars Vogt, piano,

enregistrés,

le n°2, Op. 26 en La Majeur, en studio à Brème, les 3 et 4 mars 2022 _ de cet Op. 26, écouter ici lAllegro non troppo (15′ 17), le Poco Adagio (11′ 14), le Scherzo – Poco allegro (11′ 14) et le Finale : Allegro (10′ 18)… ;

et le n°3, Op. 60 en do mineur, Live à Heimbach, le 26 juin, au Festival ‘Spannungen’ qu’a fondé et que dirigeait de sa radieuse humanité le merveilleux Lars Vogt _ de cet Op. 60, écouter ici l’Allegro non troppo (9′ 51), le Scherzo – Allegro (4′ 20), l’Andante (4′ 57) et le Finale : Allegro comodo (10′ 24)… 

Et le temps a hélas manqué à Lars Vogt pour enregistrer aussi _ ne serait-ce que, lui aussi, en Live, mais Lars Vogt était trop épuisé en cette fin juin 2022 !.. _, avec ses très chers amis, si complices, Tetzlaff, le Quatuor avec Piano n°1, Op. 25 en sol mineur…

Voici donc de sublimissimes _ ultimes _ interprétations brahmsiennes de Lars Vogt _ quel idoine toucher !!! Et dans quel contexte personnel, et à Heimbach : c’est poignant et déchirant de parvenir à ce parfait jeu-là… _ et ses amis Tetzlaff _ du cancer dont il souffrait et qui finira par avoir raison de sa vitalité solaire, Lars Vogt, né à Düren le 8 septembre 1970, devait, en effet, décéder, à Erlangen, le 5 septembre 2022 ; soit 2 mois et 9 jours après cet ultime Brahms Live à Heimbach du 26 juin… _ qui nous tirent des larmes…

Brahms était probablement _ mais je n’ai que trop conscience, en affirmant cela, de dévaloriser si peu que ce soit ses sublimissimes aussi Schubert, Mozart, Mendelssohn… _ le compositeur idéal de Lars Vogt _ ré-écoutez ceci

Le solaire piano de Lars Vogt _ et  jusqu’en les ultimes déchirements de son souffle vital indéfectiblement tendu, en son irréfragable élan, irrésistible, vers l’atteinte de l’essentiel… _, était bien l’incarnation _ et la trace qui demeure, tel un inépuisable legs de son infinie générosité… _ de la musique même…

Ce samedi 21 septembre 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

Le délicieux et passionnant « Montaigne à contrepied » de Philippe Desan, à l’occasion du départ de celui-ci de la carr!ère universitaire : de lucidissimes aperçus incisifs sur le monde de la recherche et les querelles d’enjeux de carrière des universitaires… Un jeu de fantaisie et érudition jubilatoire !

18sept

Achevant ce matin de bonne heure ma minutieuse seconde lecture _ cf mes précédents articles « «  et « «  cliquer sur ces deux titres afin de les lire…) des 11 et 13 septembre derniers …du passionnant récit de fiction « Montaigne – La Boétie – une ténébreuse affaire » (paru le 28 août dernier aux Éditions Odile Jacob),

je tiens à re-dire ici mon véritable enchantement de cet incisif très détaillé _ en un effectivement très riche, de mille détails absolument passionnants (tant sur Montaigne, sa vie, son œuvre, que sur les contextes compliqués et arcanes à chausse-trappes, de la recherche et des milieux et carrières universitaires) récit hâletant à la lecture de 376 pages _ travail de fiction de Philippe Desan, au moment de prendre sa retraite universitaire _ il quitte, le  14 décembre 2023, son poste de professeur à l’université de Chicago (Illinois) pour jouir, délivré de soucis professionnels permanents, du climat festif des montagnes de Boulder dans le Colorado…

Et au moment même où j’achevai cette seconde lecture, je reçois, ce matin à 7 h 10, un courriel de mon ami B., à B. _ auquel j’avais chaudement recommandé ce livre jubilatoire _, comportant, en fichier-joint, un article d’Hortense Dufourcq intitulé « Montaigne en assassin impuni« , à paraître vendredi prochain dans le supplément littéraire du Monde des Livres :

« Montaigne-La Boétie, une ténébreuse affaire », de Philippe Desan : Montaigne en assassin impuni

Le spécialiste de la Renaissance française livre un polar historique aussi attachant qu’érudit.

Par Hortense Dufourcq

« Montaigne-La Boétie, une ténébreuse affaire », de Philippe Desan, éd. Odile Jacob, 384 p.

« Parce que c’était lui ; parce que c’était moi... » Peut-être l’amitié entre Montaigne (1533-1592) et La Boétie (1530-1563) n’est-elle qu’une idée reçue _ de Montaigne lui-même, et exclusivement… _, transmise au fil des siècles au détriment d’une vérité plus sombre. C’est l’hypothèse qu’explore le nouveau livre de Philippe Desan, un roman historique cette fois, une première _ en effet ! _ pour le professeur à l’université de Chicago (Illinois), spécialiste de la Renaissance française et de l’auteur des Essais.

La référence balzacienne  du titre, Montaigne-La Boétie, « une ténébreuse affaire« , ne laisse pas de doute : l’ouvrage emprunte aux codes du roman policier et met en scène un complot criminel, une enquête et l’ébauche d’une mise en accusation _ voilà. Montaigne aurait assassiné _ rien moins ! _ son ami La Boétie, son rival en politique _ au parlement de Bordeaux _ et le mari de sa maîtresse _ Marguerite de Carle (ca. 1517 – 1580), épouse en secondes noces d’Etienne de La Boétie (1530 – 1563). Ce meurtre, resté impuni, aurait toutefois laissé des indices matériels et textuels _ en petit nombre… _ qui auraient traversé les siècles, jusqu’à tomber entre les mains d’un universitaire américain _ Jacques Saint-Maur _ et de sa brillante étudiante _ Diane Osborne _, qui ensemble mettent tout en œuvre _ par leurs recherches matérielles comme  textuelles _ pour faire éclater la vérité.

Cette fiction historique _ voilà _ parvient habilement à conjuguer érudition et frisson _ en effet… Lecteurs profanes ou connaisseurs des Essais y découvriront maintes anecdotes _ superbement détaillées _ sur la vie de Montaigne et ses écrits, mais aussi concernant la conservation matérielle des œuvres _ qui constituent aussi de très précieuses réserves d’indices… A n’en pas douter, le « seiziémiste » s’est servi _ et combien magistralemet !!! _ pour son roman de ses propres recherches. Il brode son intrigue criminelle sur des faits historiques _ parfaitement avérés, eux _ et y joint des éléments de théorie littéraire, laissant entrevoir dans certains passages du récit un état de la recherche – par exemple sur la question de la place des études de genre dans l’analyse des textes anciens, plus importante aux Etats-Unis qu’en France.

Rien, cependant, du ton _ certes… _ d’un essai d’histoire littéraire. La narration se fait souvent _ en permanence, bien plutôt… _ ironique, jouant de la variation des discours direct et indirect, et creuse la psyché de ses personnages comme lors d’un véritable travail _ oui _ d’investigation ou de profiling. Dans une amusante mise en abyme, l’auteur semble d’ailleurs se mettre en scène à travers un double fictionnel, le personnage du professeur français enseignant en Amérique (Jacques Saint-Maur, pour un Philippe Desan né à Saint-Maur-des- Fossés, dans le Val-de-Marne). Adoptant son point de vue et celui de son étudiante, il brosse avec humour _ proprement décapant ! _ des caricatures de grands pontes de la Sorbonne, symboles d’un monde académique et universitaire français attaché plus que tout _ et surtout que la justesse de la vérité ! _ au prestige des figures canoniques de sa littérature.

C’est ce qui ressort de cette stimulante _ et délicieuse, oui ! _ lecture : à son terme, le lecteur partage l’enthousiasme de l’auteur pour ses écrivains fétiches, tout en constatant que la littérature permet parfois une – réjouissante – désacralisation des idoles.

De sa science montaignienne de toute une vie de chercheur infiniment sérieux et méticuleux, Philippe Desan se prend à follement s’amuser ici, en explorant toujours très méticuleusement d’autres questionnements un cran plus iconoclastes _ et en complet à rebours de la doxa montaignienne la mieux établie _,

envisageant carrément une totale mauvaise foi de la part de Montaigne en l’écriture de son livre _ présenté pourtant par l’auteur comme « consubstantiel«  à sa personne… _, et osant mettre en cause la présentation affichée par lui-même de sa quasi-sainte amitié avec La Boétie ;

en total à rebours, par conséquent, des thèses puissantes et admises jusqu’ici comme indélébiles, de son magnifique essai d’ouverture, anti-machiavélien, du Livre III, « De l’utile et de l’honnête«  ;

et nous, lecteurs fidèles de Philippe Desan, à notre tour de nous laisser _ presque… _ prendre à ce parfait jeu d’écriture de cette fantaisie _ solidement entée sur son abyssale érudition… _, jusqu’au vertige, cette fois-ci aussi !

Le vertige du choc déboulonnant d’un Montaigne empoisonneur à l’arsenic de son faux-ami La Boétie…

Mais le livre de Philippe Desan comporte aussi bien de solides vérités sur les démarches nécessairement audacieuses _ ce que je baptise personnellement « imageance«  _ de la recherche…

Chapeau, l’artiste !

Et à suivre…

Ce mercredi 18 septembre 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

Qu’attendre de la surprise de la fiction que vient nous proposer Philippe Desan avec son « Montaigne – La Boétie – Une ténébreuse affaire » ?..

11sept

Qu’attendre de la surprise de la fiction que vient nous proposer _ aux Éditions Odile Jacob _ le très érudit et perspicace Philippe Desan avec son « Montaigne – La Boétie, une ténébreuse affaire » ?..

Je me le suis demandé en l’achetant tout de même _ sur le nom de Philippe Desan, d’abord ; mais aussi sur la mention de repérage de dates et de lieux très précis en tête de chacun des chapitres de ce livre : un gage de confiance indispensable pour le passionné de repérages spatiaux et temporels d’orientation que je suis ! _, après avoir bien hésité devant pareil scandaleux mélange des genres, entre recherche historique et roman (page 5), voire polar (4ème de couverture)…

Ce soir, j’en suis _ pour le moment un peu perplexe, pris à total contrepied que je suis de ce que je me représente jusqu’ici de Montaigne à travers la fréquentation de ce que lui-même présente et détaille de sa personne en ses très consubstantiels « Essais«  _, à la page 79 de ma première lecture, peu après le récit du décès _ voire meurtre : indirectement suggéré par une délicate et très habile succession de menus détails-indices suggestifs, mais jamais massivement affirmé comme tel, un tel meurtre de La Boétie de la main même, insistante à diverses reprises, de son ami (« parce que c’était lui, parce que c’était moi…« ) Montaigne _, le 18 août 1583, d’Étienne de La Boétie, à la page 73…

Mais attendons bien sûr la lecture exhaustive des 376 pages de cette fiction de Philippe Desan avant de prononcer _ très fervent montaignien que je suis ; cf ce qu’y disait de ma vénération pour mon très admiré voisin Montaigne (j’ai vécu toute mon enfance à Castillon-la-Bataille, et me suis rendu maintes fois à pied à la sublime tour de Montaigne : une promenade d’un peu plus de 16 kilomètres aller-retour…) l’article liminaire de présentation de ce blog même, le 3 juillet 2008 : « «  _ mon tout personnel avis…

Voici, au passage, ce que j’écrivais de mon affection pour Montaigne en l’article de présentation de mon blog « En cherchant bien » du 3 juillet 2008 :

J’évoquerai l’ombre tutélaire et protectrice (depuis un 13 septembre 1592) _ l’ombre “amie”... _ de Montaigne, et l’humour infini _ tant qu’il y aura(it) de l’encre et du papier ; ainsi qu’”à sauts et à gambades”…de ce merveilleux (et humble) essayeur gascon ;

Montaigne _ le maître (sans disciple), dans les couloirs limpides du labyrinthe duquel (à qui consent de jouer, en « diligent lecteur » tout de même ! à l’y suivre, ou plutôt ac-compagner, et converser avec !..) introduit lumineusement le récent livre, indispensable, de Bernard Sève,Montaigne. des règles pour l’esprit (aux PUF en octobre 2007) _ ;

Montaigne “fondant” _ au participe bien présent du verbe “fonder” _, et sans le moins du monde le chercher, par la seule grâce (et autorité _ non didactique, loin de la chaire et du moindretitre _) de son espiègle _ non didactique, j’insiste, mais très ludique et malicieux _ exemple _ cf le défi àl’indiligent lecteur:Quitte mon livre ! _ ;

Montaigne « fondant » donc _ sans rien chercher du tout à « fonder » en fondateurce qui va tout aussitôt, et en Angleterre d’abord (où “il” est très vite traduit), devenir quasi immédiatement un genre, et littéraire, et philosophique _ lui ne les disjoint certes pas ! ; ou plutôt “il” n’est pas, lui, Montaigne, dans (dedans, enfermé jamais dans) des “genres”, tant son génie mutin et facétieux, en même temps qu’il n’y a, et vraiment pas !, plus sérieux ni grave ; tant son génie mutin et facétieux  est,à sauts et à gambades, absolument trans-genres… _ ;

Montaigne “fondant”, donc, pour dorénavant en quelque sorte, si j’ose dire _ et lui n’en sait fichtre rien ! et combien s’en rirait ! _“fondant”, si l’on y tient, l’”essai _ lui ne disant (et c’est la chose même !) qu’“essais, au pluriel et sans article… _,

tel, ou plutôt tels, par exemple, ceux, très vite (dès 1597), de Francis Bacon _ Francis Bacon, celui (1561-1626) du tournant du XVIIème siècle élisabéthain, pas le génie tourmenté, pictural, et sublime, du siècle qui vient de passer (1909-1992, pour cet autre) _ ; un des « fondateurs », ce Bacon de Verulam-là, philosophe et politique (« chancelier d’Angleterre« ), par l’”essay“, donc, de la “méthode expérimentale” du connaître (qui est forcément un peser et supposer, sous diverses coutures, un juger)…

Et juste au moment précis où je m’apprête à mettre en ligne cet article-ci, voici que tombe le courriel hebdomadaire de la Librairie Mollat annonçant la séance de présentation par l’auteur, Philippe Desan, à la Station Ausone, vendredi 20 septembre prochain, à 18 h, de son tout récent livre ;

présentation que voilà :

« Philippe Desan est l’un des plus grands spécialistes de Montaigne, c’est avec bonheur _ nous allons bien voir…qu’il s’essaye _ voilà ! _ aujourd’hui au roman.

Dans Montaigne – La Boétie, une ténébreuse affaire, il rend compte de la complexité _ tiens donc… _ de cette amitié légendaire« …

Ce qui ne fait que renforcer ma curiosité

_ et je dois encore ajouter que j’ai déjà rencontré Philippe Desan à divers colloques tenus à Bordeaux à l’université à propos de notre très cher Montaigne ; ainsi que lors de présentations de quelques uns de ses travaux montaigniens à la librairie Mollat…

Ce mercredi 11 septembre 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

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