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Un trop beau concert ? Le Bach/Des Profondeurs de Pygmalion/Raphaël Pichon à l’Auditorium de L’Opéra National de Bordeaux…

06fév

Hier soir, 5 février, à L’Auditorium de l’Opéra de Bordeaux, à 20 heures,

un concert intitulé « Bach/Des profondeurs« , par l’Ensemble Pygmalion dirigé par Raphaël Pichon, avec au _ superbe _ programme, les 6 _ merveilleuses _ œuvres suivantes :

de Nicolaus Bruhn (1665-1687), le De Profundis clamavi,

de Johann Sebastian Bach (1685-1750), la cantate BWV 131 Aus der Tiefen rufe ich, Herr, zu dir,

de Franz Tunder (1614-1667), Ach, Herr, lass deine Lieben Engelrein,

de Johann Sebastian Bach, la cantate BWV 106 Gottes Zeit ist die allerbeste Zeit (dite Actus tragicus),

de Dietrich Buxtehude (1637-1707), Klag-lied, BuxWv 76

et de de Johann Sebastian Bach, la cantate BWV 4 Christ lag in Todesbanden.

Pour ma part, ce concert a comblé mes désirs d’allégresse, tout particulièrement les trois grandes cantates de Jean-Sébastien Bach interprétées ici un peu comme du Telemann le plus joyeux… Et il m’a même semblé retrouver les émotions éprouvées aux premiers concerts de musique baroque auxquels j’assistais, à partir de décembre 1984, au Temple du Hâ, dans ce même répertoire.

Cependant, j’ai entendus des avis plus critiques quant aux choix d’interprétation de Raphaël Pichon : trop hédoniste ! pas assez d’émotion religieuse. Raphaël Pichon n’est pas Gustav Leonhardt !!!

Un autre avis _ que je ne partage pas non plus _ trouvait le son des instruments trop sec, et l’émotion des textes pas assez présente de la part de certains des chanteurs ;

de même que les œuvres données apparaissaient « saucissonnées » _ ce n’était pas non plus mon impression ; ni le résultat de ma comparaison entre la durée approximative du concert (près de 120′) et le chiffrage cumulé des interprétations de ces 6 œuvres au disque… _, en mettant un peu trop uniment l’accent sur les « Alleluia« …

Tout au plus,

puis-je peut-être regretter que ne soient pas marquées _ voire très brièvement commentées par le chef _ les transitions entre les œuvres : celles de Bruhns, de Tunder, de Buxtehude, à côté de celles de Jean-Sébastien Bach… Le chef est demeuré constamment muet.

Un seul bis.

Nous sommes décidément bien difficiles dans nos réceptions-appréciations de concerts…


Ce mardi 6 février 2018, Titus curiosus – Francis Lippa

La joie Bach : de sublimes sonates à l’orgue Aubertin de Saint-Louis en l’Île par un « solaire » Benjamin Alard

15sept

Des « Sonate a 2 Clav. & Pedal » (BWV 525-530) de Johann Sebastian Bach _ datées « des années 1723-1725« , à l’approche de la quarantaine du maître (1685-1750) _,

Gilles Cantagrel les présente, page 14 de ses « notes » du livret de ce CD Alpha 152 _ « Sonate a 2 Clav. & Pedal BWV 525-530 » de Johann Sebastian Bach par Benjamin Alard à l’orgue Pascal Aubertin de Saint-Louis en l’Île, Paris… _,

comme,

par « leur beauté intrinsèque comme leur puissance poétique« ,

« des chefs d’œuvre de la musique d’orgue« ,

tous auteurs confondus, si j’ose dire, et au-delà du seul génie de Bach lui-même ; et « devenues des pièces majeures des programmes de récitals » des plus grands organistes…

Gilles Cantagrel se ralliant par là même à l’avis du tout premier biographe de Bach, Johann-Nikolaus Forkel (1749 – 1818), en son décisif « Über Johann Sebastian Bachs Leben, Kunst und Kunstwerke« , publié par Hoffmeister & Kühnel, à Leipzig en 1802 (soit la « Vie de Jean-Sébastien Bach » dans l’édition Flammarion de novembre 2000) :

« La copie la plus ancienne de ces œuvres est due pour partie à Wilhelm Friedemann Bach _ Weimar, 1710 – Berlin, 1784 _, fils aîné du compositeur, et pour partie à sa belle-mère, Anna Magdalena Bach, seconde épouse de Jean-Sébastien. Cette copie demeura en la possession de Wilhelm Friedemann, ce qui accrédite le propos de Forkel _ indique Gilles Cantagrel, page 15 des « notes«  du livret du CD _, premier biographe de Bach _ en 1802, donc _, tenant de la bouche même de l’intéressé _ Wilhelm Friedemann _ que

« Bach écrivit ces sonates pour son fils aîné Wilhelm Friedemann. C’est en les étudiant que Wilhelm Friedemann se préparait à devenir le grand organiste _ lui-même, à son tour ! sur les leçons de son père… _ que je connus _ dit Forkel, donc, en 1802 _ dans la suite.

Il est impossible de vanter assez le mérite de ces sonates, composées alors que leur auteur, parvenu à l’âge mûr _ peu avant ses quarante ans, donc _, se trouvait en pleine possession de ses moyens : on peut les considérer comme étant son chef d’œuvre en ce genre (…). Il existe de Bach d’autres sonates pour l’orgue : elles sont dispersées dans diverses mains et doivent être comptées parmi ses meilleures œuvres, sans qu’elles puissent égaler celles que je viens de mentionner » _ fin de la citation de Forkel.

Et « c’est là le seul témoignage historique que nous possédions sur ces œuvres« , précise encore Gilles Cantagrel, page 15, qui ajoute cependant que « il est possible d’en reconstituer avec vraisemblance la genèse à partir de ce document » même :

« On sait que Bach veilla avec le plus grand soin, un soin que l’on peut même qualifier d’écrasant, à l’éducation musicale de son fils aîné qui manifesta très tôt des dons exceptionnels. A la fin du siècle _ le XVIIIème… _, Cramer rapporte que Bach « n’était satisfait que du seul Friedemann, le grand organiste ». Il lui enseigna le clavecin, l’orgue, le violon, et toutes les disciplines de l’écriture musicale. A son intention, il écrivit ses premiers ouvrages didactiques, « Inventions » à deux voix et « Sinfonie«  à trois voix, qui sont tout autant un traité de contrepoint que des exercices pour les doigts. Puis le premier livre du « Clavier bien tempéré« . Et il n’est pas douteux que c’est dans l’« Orgelbüchlein« , le « Petit Livre d’Orgue«  de son père, que le jeune garçon, déjà claveciniste aguerri, put faire son apprentissage d’organiste. Peu après, les six « Sonates en trio«  _ enregistrées ici, en ce CD Alpha 152 _ allaient le rompre à la haute école instrumentale, ce qui devait lui permettre de participer aux exécutions des cantates dominicales _ à Leipzig _ en tenant la partie d’orgue obligé des œuvres composées au cours de l’année 1726. Il avait quinze ans.

Mais on sait le labeur harassant qui, à la même époque, dans les premiers temps de son cantorat à Leipzig, attendait Bach. En composant, faisant copier et répéter, puis exécuter une nouvelle cantate chaque dimanche, durant ses quatre ou cinq premières années leipzicoises, il allait constituer un répertoire qu’il pourrait exploiter les années suivantes.


Mais il ne lui restait guère de temps pour songer à d’autres œuvres nouvelles.
Aussi n’est-il pas possible qu’à ce moment il ait pu composer les
« Sonates en trio » _ voilà la déduction importante de Gilles Cantagrel, page 16.


A l’examen, au contraire _ poursuit celui-ci sa « déduction«  _, il apparaît _ voici l’enseignement majeur pour nous ! _ que leurs dix-huit mouvements sont, au moins en grande partie _ et cela s’entend ! se savoure ! et avec quelle sublime délectation, même !.. _, sinon en totalité, des adaptations de pages antérieures, de musique de chambre essentiellement _ pour la cour du prince, si délicieusement mélomane, de Cöthen, Léopold d’Anhalt-Cöthen, à l’excellentissime service musical duquel Bach demeura de 1717 à 1723. Seule la sixième Sonate pourrait être une création entièrement neuve. Pour certaines d’entre elles, du reste, des états originaux sont connus ; de même qu’on en connaît des résurgences ultérieures« 


Autre précision intéressante de Gilles Cantagrel, en son si riche, comme chaque fois, livret, page 18 :

« Les « Sonates » occupent une place tout à fait particulière dans l’œuvre de Bach, à côté des « Concertos » transcrits d’après des originaux ultramontains _ c’est-à-dire italiens : notamment Antonio Vivaldi ! _, puisqu’il s’agit de pièces pour l’orgue qui ne sont pas destinées à l’église _ ni au culte _ ; et ne sauraient y être exécutées, en tout cas pas dans le cadre d’une cérémonie cultuelle _ voilà ! _, messe ou vêpres _ ou autres encore… On n’y relève d’ailleurs pas trace _ en effet ! _ de motif de choral » _ d’après le legs canonique de Luther..


Cependant Gilles Cantagrel précise, et sur un mode interrogatif fort intéressant :

« Mais tel ou tel mouvement ne pourrait-il cependant trouver place dans le déroulement de ces grandes liturgies de la musique et de la parole _ sur le modèle des « Abendmusiken«  de Franz Tunder et Dietrich Buxtehude à Sainte-Marie de Lübeck, par exemple… _ qu’affectionnaient alors les luthériens allemands ?

Et _ de plus, en effet ! _ existe-t-il une frontière bien nette entre le sacré et le profane _ baroques _, en ce temps où « tout citoyen est sociologiquement chrétien » ? Il suffit de voir comment ces œuvres sont constituées de pages ici assemblées, ayant connu d’autres parures sonores ou appelées à d’autres usages _ oui !


Il n’empêche que le tout
_ de ces six « Sonates« -ci _ forme un ensemble d’une remarquable cohérence dans sa diversité oui ! c’est même un caractère fondamental du « Baroque«  ; qui n’est ni le maniérisme ; ni le rococo…

Certes, les six « Sonates » respectent toutes la coupe en trois mouvements de la « sonata di camera » italienne _ oui ! (…) De l’économie du matériau , Bach tire toujours la plus grande substance sonore et le plus miraculeux équilibre entre la densité et la transparence _ formulation magnifique de pertinence. C’est l’ineffable poésie des mouvements lents, dans les amples festons de la mélodie rêveuse du « Largo » de la Sonate 2 ; le chant désolé du « Lento » de la Sonate 6 ; et plus encore, peut-être, la poignante méditation du « Largo » de la Sonate 5. Mais que d’énergie vitale dans les mouvements animés : le « Vivace » vertigineux qui conclut la Sonate 3 ; ou l' »Allegro » final en coupe de rondo de la Sonate 6 qui referme le recueil, en un jubilatoire tournoiement de motifs bondissants ! », pages 18-19…

De la remarque suivante, page 19 du livret du CD : « contrairement à l’habitude de l’époque pour la musique d’orgue, que l’on notait sur deux portées seulement« ,

Gilles Cantagrel déduit encore ceci :

« les sonates sont _ ici _ notées sur trois portées, correspondant à la main droite, à la main gauche et aux pieds intervenant sur le pédalier, parfait reflet de l’écriture en trio _ des sonates de musique de chambre. C’est là sans doute _ et c’est tout à fait éclairant _ un souvenir _ ou même davantage ! _ de l’instrumentation d’origine de la plupart de ces pages ;

mais il y a plus,

puisque cette disposition isolant chaque partie

équivaut à la notation « en partition », que l’on pratiquait encore à cette époque, celle de « L’Art de la fugue » ou du « Ricercar » de l’« Offrande musicale« .

Cette écriture d’une parfaite lisibilité _ que sert ici si splendidement l’intelligence musicale de Benjamin Alard à « son«  orgue Aubertin de Saint-Louis en l’Île _ est pour Bach une façon d’inciter à prendre la plus grande intelligence du texte, de son réseau contrapuntique si serré, si étroitement maillé, tout en invitant l’interprète à individualiser chacune des trois parties, quant à sa couleur, à son phrasé, à son articulation.

Et c’est bien là l’un des défis techniques _ lumineusement relevé : quelle splendeur musicale que celle de Benjamin Alard ! _ lancés par le compositeur à l’exécutant _ servant sa musique _, chargé de traduire la vivante autonomie de chacune des voix en dialogue _ oui ! et comment ! à l’instar du « dialogue des Muses«  _ avec les autres. Il lui faut posséder une indépendance parfaite des doigts et des pieds, dans leur non moins parfaite interdépendance. Faire entendre comment un personnage renchérit sur un autre ou s’y oppose. On comprend bien la fonction didactique _ quelle chance eut le jeune Wilhelm Friedmann d’apprendre à un tel « matériau didactique » à un tel degré : royal !!! _ qui est aussi celle de ces chefs d’œuvre« 

Quel interprète splendide est déjà, lui aussi, aujourd’hui, le jeune et si merveilleux Benjamin Alard !!!

Que son professeur Elisabeth Joyé,

visible, ainsi que Jean-Paul Combet (et Hugues Deschaux) sur la dernière des photos prises lors de l’enregistrement de ce CD par Robin Davis, donnée page 50,

ait apporté aussi ici

son « aide précieuse & amicale » (page 5),

illustre l’importance de ces miraculeuses filiations musicales…

Grand merci à eux tous

pour ce qu’ils nous donnent si splendidement

_ « jubilatoirement«  :

c’est le mot de mon titre,

comme celui qu’utilise, page 3, Jean-Paul Combet en sa courte présentation de ce CD :

« la difficulté _ d’exécuter une sonate à trois voix pour un musicien soliste, tel que, ici, l’organiste _ ne demande pas une technique ostensiblement et vainement virtuose, mais une capacité cérébrale de totale indépendance des trois voix (main droite, main gauche, pieds).

Pour les avoir pratiquées autrefois, je peux témoigner _ indique donc Jean-Paul Combet _ à la fois de cette difficulté

et du plaisir jubilatoire _ soit la « joie » de mon titre d’article ! _

que procure la conduite d’un tel « attelage »,

qui traite l’orgue comme un ensemble de musique de chambre«  _ rien moins ; et le principal est là !.. _

Grand merci à eux tous

pour ce qu’ils nous donnent si splendidement, donc,

d’une telle si belle musique !!! 


Titus Curiosus, ce 15 septembre 2009

Trois nouvelles merveilles musicales, encore, de « style français », en CD : des oeuvres de Gottlieb Muffat, Jean-Philippe Rameau et Gabriel Fauré

09mai

Trois nouvelles merveilles de musique (ainsi que d’interprétations) d’œuvres de goût et style français, proposées ces derniers jours au disque (en 4 CDs) :

_ le double album des « Componimenti Musicali per il Cembalo«  (à Vienne, vers 1736) de Gottlieb Muffat (Passau, 1690 – Vienne, 1770), par la claveciniste Mitzi Meyerson :

soient les CDs Glossa GCD 921804 ;

_ les « Concerts mis en simphonie » qu’Hugo Reyne nous propose des « Concerts de Pièces de Clavecin, avec un Violon et une Viole, ou un 2e Violon ; par Mr. Rameau. 1741 » ;

ainsi que de la « Gavotte et ses doubles » (de la « Suite en la« ) qui concluent le « Troisième Livre » des « Pièces de clavecin » (en 1728) de ce même Jean-Philippe Rameau (Dijon, 1683 – Paris, 1764),

par La Simphonie du Marais, que dirige Hugo Reyne :

soit le CD Musiques à la Chabotterie 605006 ;

_ et le récital « Gabriel Fauré : violon, violoncelle, flûte, piano & orchestre« , soit un choix de 7 « œuvres concertantes : miscellanées«  (ainsi que le formule la livrettiste du CD, Hanna Krooz) de Gabriel Fauré (Pamiers, 1845 – Paris, 1924) :

en l’occurrence, la « Ballade » pour piano & orchestre opus 19 (de 1879-1881) ; la « Berceuse » pour violon & orchestre opus 16 (de 1878-1880) ; l' »Élégie » pour violoncelle & orchestre opus 24 (de 1883-1897) ; le « Concerto » pour violon & orchestre opus 14 (de 1878-1879) ; la « Romance » pour violoncelle & orchestre opus 69 (de 1894) ; la « Fantaisie » pour flûte & orchestre opus 79 (de 1898) ; et la « Fantaisie » pour piano & orchestre opus 111 (de 1918),

par Jean-Marc Phillips-Varjabédian, violon, Henri Demarquette, violoncelle, Juliette Hurel, flûte, Jérôme Ducros, piano, et l’Orchestre de Bretagne que dirige Moshe Atzmon :

soit le CD Timpani 1C1172.

« Merveilles », tant pour ce qu’il en est des œuvres que pour les interprétations, et à des titres divers, ainsi qu’on va le découvrir :

Pour Rameau, l’œuvre _ « Concerts de Pièces de Clavecin, avec un Violon et une Viole, ou un 2e Violon« , en 1741 _ est déjà bien connue ;

mais c’est ici une « mise en symphonie » de ces cinq « Concerts » que nous propose, avec une particulièrement magnifique intelligence du processus de ce qu’est la « concertation« , à partir d’un « Avis aux Concertans » (sic) du compositeur lui-même, sur la partition de 1741, Hugo Reyne,

prenant, le premier, recul sur l’habitude incrustée et fossilisée jusqu’ici, car pas assez réfléchie (re-visitée ; et donc « à re-penser » !) d’interprètes précédents (Daniel Cuillier, en 1992 ; Christophe Rousset, en 2000) ; qui se fiaient trop littéralement à la lettre d’un « arrangement« , postérieur (en 1768) de quatre ans à la mort du compositeur (survenue le 12 septembre 1764) de ces « Concerts de Pièces de Clavecin, avec un Violon et une Viole, ou un 2e Violon » ; et conservé à la Bibliothèque nationale de France :

cet « arrangement » de 1768 « est constitué _ je cite ici l’excellente présentation de son travail par Hugo Reyne à la page 4 du livret du CD _ de 5 parties séparées manuscrites pour 3 violons, alto et basses« . Mais, précise on ne peut plus justement Hugo Reyne, « les faiblesses de l’arrangeur sont de reprendre à l’identique certaines formules idiomatiques du clavier alors qu’il _ le transcripteur _ passe d’un instrument harmonique (le clavecin) à des instruments mélodiques (les violons).« 

Hugo Reyne précisant : « Par exemple, les arpèges de clavecin sont retranscrits _ paresseusement _ tels quels, passant maladroitement d’un instrument à un autre. Cette transcription attribue la main droite du clavecin au 1er violon, la main gauche aux basses, et le violon originel à un 2nd violon, ce qui est logique. Par contre, autre faiblesse, la viole (ou le 2nd violon) est distribuée à un 3ème violon qui se retrouve souvent à l’octave des basses ou à l’unisson de l’alto ; tandis que ce dernier se nourrit des notes du milieu du clavier et fonctionne _ oh le vilain processus en « musique baroque«  : rien ne devant jamais simplement « mécaniquement«  y « fonctionner«  !!! _ fréquemment à l’octave du 2nd violon. La partie des basses se divisant en 2 voix par moments ; et l’expression romantique « en sextuor » a été ajoutée par Saint-Saëns en 1896, lors de la publication des œuvres de Rameau sous sa direction » _ c’est en 1895 que Charles de Bordes, Vincent d’Indy et Camille Saint-Saëns avaient entrepris une édition des « Œuvres Complètes » de Jean-Philippe Rameau, à paraître aux Éditions Durand ; les publications s’échelonnèrent de 1895 à 1918, mais l’entreprise demeura inachevée : seulement 18 volumes ayant paru…

Hugo Reyne situe ainsi son travail ici par rapport à une tradition d’interprétation trop ankylosée depuis le revival de la fin du XIXème siècle, sous l’impulsion de l’équipe de la Schola Cantorum (inaugurée le 15 octobre 1896, autour des mêmes Charles de Bordes, Vincent d’Indy, etc.) :

« Cette édition des « Six Concerts en sextuor«  (le manuscrit _ de 1768 _ ajoutait effectivement un 6ème Concert, arrangé, lui, d’après des « Pièces de clavecin » _ de ce même Jean-Philippe Rameau) fit néanmoins les beaux jours de Rameau au 33 tours : les chefs Maurice Hewitt (dès 1952), puis Louis de Froment, Louis Auriacombe, Jean-François Paillard, Marcel Couraud, Jean-Pierre Dautel, etc. l’enregistreront avec leurs orchestres à cordes, perpétuant ainsi une tradition monochrome (cordes seules), oubliant malheureusement à quel point Rameau _ et cela, on ne le soulignera jamais assez !!! _ était un coloriste de l’orchestre. Les deux seules versions enregistrées à ce jour sur instruments anciens (Daniel Cuillier, en 1992, et Christophe Rousset, en 2000) proposent également cette version. »

Ce qui permet à Hugo Reyne de situer sa présente extrêmement bienvenue (et réussie !) « re-création » :

« Notre propos en enregistrant les « Concerts » est donc, un peu comme pour un tableau noirci, de retrouver _ en les ravivant _ ses couleurs d’origine (flûte, hautbois, basson). La comparaison va même plus loin, car les titres de chacune des pièces nous renvoient à l’univers pictural de ce milieu du XVIIIème siècle _ dont le livret offre de précieuses images (…) Nous avions à l’esprit l’image d’un petit orchestre de chambre entretenu par M. de La Pouplinière _ orchestre que dirigea Rameau lui-même vingt-deux ans durant ! de 1731 à 1753… _ ; et avons arrêté le nombre de musiciens-interprètes à treize : 3 violons I, 2 violons II, 1 alto, 2 violoncelles, 1 contrebasse, 1 flûte, 1 hautbois, 1 basson et un chef (nous-même, prenant la flûte pour « Les Tambourins« , « La Cupis » et « La Marais« ). »

« En ce qui concerne notre travail d’orchestration _ = de « mise en simphonie » ! ainsi que l’indique le titre même de ce CD : « Concerts mis en simphonie«  _, nous nous sommes référés à la phrase de l’« Avis aux concertans » de Rameau :

« le Quatuor y règne le plus souvent »

_ on appréciera la délicatesse du « jeu » ouvert par Rameau lui-même : en 1741, nous sommes encore dans l’ère (dite commodément par nous) « baroque » de l’interprétation…

Nous avons donc distribué notre partition en 4 parties : violon I (main droite du clavecin), violon II (violon originel), alto (viole ou 2nd violon) et basses (main gauche du clavecin et basses de la viole). La flûte et le hautbois venant _ très heureusement ! _ colorer les violons I ou II, le basson se mêler aux basses, et pour certaines pièces assurant des solos. (…)  Nous avons donc adapté les arpèges brisés du clavecin pour les approprier à la flûte. D’autres solos de bois sont confirmés _ et comment brillamment ! _ par Rameau dans ses opéras (les 2 flûtes de « La Cupis » _ dans un « Air tendre pour les Muses » du « Temple de la gloire« , en 1745 _, les petites flûtes du 1er « Tambourin » _ qui, provenant de l’ouverture de « Castor et Pollux« , en 1737, rejoindra le second « Tambourin » dans « Dardanus« , lors d’une reprise de ce dernier, en 1744 _, le hautbois et le basson du « 2nd menuet » _ dans « Les Fêtes de Polymnie« , en 1745 _, etc.) _ et c’est un point majeur, sinon crucial même, pour la compréhension de la musicalité propre de ces œuvres ! et donc leur plus juste interprétation ! Cependant, pour « La Livri« , nous avons préféré _ avis d’expert tout spécialement « musical«  _ renoncer à la version de « Zoroastre » _ la première de la « tragédie lyrique«  a lieu le 5 décembre 1749 à l’Académie royale de Musique _ afin de rester plus proche de l’écriture originelle de 1741, en donnant spécialement au basson la belle contrepartie de la viole ; et à l’alto l’arpègement syncopé de la main droite. Notre arrangement contient d’autres réjouissances encore, comme certains contrechants de flûte et hautbois dans « La Rameau » ou bien dans « La Marais » ; ou encore quelques ornements « à la Michel Legrand » _ why not ? si cette forme d’humour ou légèreté-là convient… _ dans « La Cupis« … »


« Enfin, nous devons signaler ici _ précise encore Hugo Reyne, à la page 5 du livret de ce CD _ l’existence d’un arrangement manuscrit contemporain de Rameau (conservé à la Bibliothèque nationale de Hongrie à Budapest) très mal réalisé, et qui n’a pas pu être joué tel quel à l’époque, qui a _ cependant _ l’avantage _ très significatif pour ce qu’il en était des interprétations de transcriptions ! _ de proposer, en plus des cordes, des parties de « flauto », « oboe » et « fagotto », ce qui nous a conforté _ si besoin en était encore !.. _ dans notre idée d’instrumentation. »

« Pour conclure cet enregistrement, nous avons, suivant l’exemple d’Otto Klemperer, qui, en 1968 revisitait _ voilà ce que doit être une « re-création » de musique ! _ la « Gavotte et ses doubles«  pour orchestre symphonique _ pas moins : et c’est sans doute trop !.. _ décidé de nous approprier aussi _ le résultat est une merveille ! _ ces sublimes _ en effet ! c’est un final somptueux !!! _ variations en les adaptant à notre façon _ comme toute interprétation vivante de cet art du « Baroque » : au sens le plus large _ Rameau en étant probablement le dernier grand (voire « sublime« …) représentant, jusqu’en ses sublimissimes « Boréades » de 1764, dont les représentations (sur la scène de l’Académie royale de Musique) furent hélas annulées par la disparition brutale du maître, le 12 septembre 1764…Vers ce moment, en effet, voilà que le siècle change d’« époque«  (et de « style« ) : on quitte le « Baroque«  pour, bientôt, le « Classicisme«  : approche l’heure qui vient de Haydn et Mozart, après le moment Gluck ; ainsi que le moment-charnière où les dernières (avant longtemps !) représentations des opéras de Rameau sont (ainsi, d’ailleurs que celles des indéboulonnables opéras de Lully), « adaptées«  au goût nouveau par un Pierre Montan-Berton…

Pour les deux autres CDs,

la « neuveté » des éclairages qu’apportent ces tout nouveaux enregistrements

est différente…

D’abord, nous découvrons enfin (si je puis me permettre cette expression), sous les doigts merveilleusement inspirés (et dansants) de Mitzi Meyerson, l’œuvre de Gottlieb Muffat

(Passau, 1690 – Vienne, 1770 : Gottlieb est le huitième des neuf enfants du magnifique Georg Muffat _ né, lui, le 1er juin 1653 à Megève, en Savoie, et mort le 23 février 1704 à Passau, en Bavière : un des plus somptueux musiciens de l’ère baroque ! et un de ceux (avec Johann-Sigismund Kusser et Johann-Kaspar-Ferdinand Fischer : dignes, eux aussi, de la plus haute délectation !) qui a diffusé _ combien brillamment ! _ et fait resplendir le « style » musical « français« , appris en sa jeunesse auprès de rien moins que Lully, à Paris, entre 1663 et 1669, en toute l’Europe baroque) :

Or, ce qui paraît vers 1736 à Vienne, et sous un titre de recueil en italien, « Componimenti Musicali per il Cembalo« , n’est rien moins que le « chant du cygne » (de toute beauté !) de la « Suite » de « goût français« , qui avait (possiblement) vu le jour sur les bords de la Seine autour de 1648 (au moment de la paix du « Traité de Westphalie« ), avec pour (peut-être, sinon probables) parrains les incomparables maîtres Johann-Jakob Froberger, Louis Couperin et autre Jacques Champion de Chambonnières ; ainsi que le luthiste Monsieur de Blanc Rocher, qui perdit la vie en chutant dans un escalier, un soir de fête…

Qu’on écoute les sept « Suites » de ce double album de Mitzi Meyerson ; de l' »Ouverture«  (à la française : lullyste !) de la « Suite V »  ouvrant le premier disque ; à la « Chaconne » de la « Suite VII«  qui conclut le second… La musique du fils, Gottlieb, à la cour impériale de Vienne, via la leçon, à la cour d’un prince-évêque bavarois, à Passau, du père Georg (disparu il y avait trente-deux ans en 1736), a toute la fraîcheur, la vivacité, l’élégance et la délicatesse qui font le charme d’éclat tout de discrétion, simplicité et beauté, de la « Suite » de « goût français« , en tout son parcours…

Et pour Gabriel Fauré,

pour terminer cette promenade musicale si délicieuse de charme,

nous prêtons (enfin ! un peu) mieux l’oreille à un aspect un peu négligé de son œuvre : son versant orchestral concertant, justement.

Si les deux sommets de ce CD « concertant » de Gabriel Fauré, sont, peut-être, la « Ballade » et la « Fantaisie » pour piano & orchestre (les deux !), le mérite de ces interprétations _ de pièces « libres » ! _ est d’abord celui des interprètes, magnifiques, tous et chacun, de charme, d’élégance, de fraîcheur, de vivacité : de beauté discrète et intense ; de vie.


Mais dans ces deux cas encore, après celui de l’occurrence-Rameau, c’est à la spécificité du style (musical) français que nous avons combien magnifiquement affaire :

au secret (issu de la danse) de sa légèreté libre et rayonnante de plénitude…

Titus Curiosus, ce 9 mai 2009,

se souvenant de Francine Lancelot

de sa personne, son sourire ;

et de son action en faveur de « La Belle dance« …

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