Posts Tagged ‘fantaisie

Elégance et probité d’Elie During _ penseur du rythme _ en son questionnement « A quoi pense l’art contemporain ? » au CAPC de Bordeaux

17avr

C’est avec grande élégance et probité de penser qu’Elie During nous a donnés à partager ses interrogations et réflexions (de philosophe actif

_ se concentrant tout particulièrement sur l’étrangeté interrogative des complexités du temps et de l’espace)

face au travail (de penser à l’œuvre dans des formes sensibles) des artistes plasticiens contemporains,

pour la sixième et dernière conférence de la (riche et très réussie) saison 2008-2009 de la Société de Philosophie de Bordeaux,

que recevait, en sa très belle salle de conférence du second étage, le CAPC Musée d’Art contemporain de Bordeaux

_ avec une chaleureuse présentation de Yann Chateigné Tytelman (« responsable de la programmation culturelle » du Musée), mardi 7 avril à 19 heures…

Outre

« L’Âme« , anthologie de textes commentés, avec une introduction et un glossaire, aux Éditions GF-Flammarion, collection « Corpus », en 1997 ;

« La Métaphysique« , anthologie de textes commentés, avec une introduction et un glossaire, aux Éditions GF-Flammarion, collection « Corpus », en 1998 ;

et  » La Science et l’Hypothèse : Poincaré« , aux Éditions Ellipses, 2001 ;

le philosophe Elie During a publié

_ en collaboration avec Alain Badiou, Thomas Bénatouïl, Patrice Maniglier, David Rabouin, Jean-Pierre Zarader : « Matrix, Machine philosophique » aux Éditions Ellipses, en 2003 ;

et 

_ en collaboration avec Bernard Stiegler : « Philosopher par accident. Entretiens avec Elie During« , aux Éditions Galilée, en 2004.

C’est en effet à partir des fondamentaux de l’aisthesis,

depuis Baumgarten (1717-1762 : son « Esthétique » fonde la discipline)

et Kant (cf et sa « Critique de la raison pure » et sa « Critique de la faculté de juger« ),

qu’Elie During réfléchit à ce qu’expose (et (se) donne à « penser ») « l’art contemporain » ;

et tout particulièrement eu égard aux cadres a priori de l’expérience que forment pour le sujet _ en l’exercice de ses facultés (de perception et connaissance) _ l’espace et le temps…

L’esthétique kantienne sollicitant, fort judicieusement, en l’exercice même de la faculté de l’imagination _ et pas seulement artistique _, le dynamisme ouvert du « génie« …

Elie During, avec beaucoup de probité ainsi que de précision (et même délicatesse) en son analyse _ mais est-ce séparable, dans l’ordre du qualitatif, tout du moins !? _, a commencé par indiquer « quatre chemins » que ne prendrait pas son exploration (personnelle) de l' »art contemporain » ;

ainsi que les formes de cet « art contemporain » auxquelles il allait consacrer son attentation, sa focalisation, son analyse, donc :

principalement l’œuvre de Marcel Duchamp (28 juillet 1887, Blainville-Crevon en Seine-Maritime – 2 octobre 1968, Neuilly-sur-Seine)

et « l’art conceptuel » ;

sans exclure d’autres artistes _ nous l’allons voir… _ ;

en privilégiant plutôt la « Mariée mise à nu par ses célibataires, même« , ou « Grand Verre« , réalisée sur panneau de verre (1915-1923, exposée au musée de Philadelphie) que les ready-mades,

pour le premier _ Duchamp _ ;

et plutôt l’œuvre _ les séries _ de Sol La Witt que celle de Joseph Kosuth,

pour le second _ « l’art conceptuel » :

pour leur meilleure dynamique.

Ce sont en effet,

ainsi que le formulait le texte de présentation de la conférence,

la « machine artistique« 

et sa « puissance d’invention formelle« 

qui sollicitent l’intérêt, la curiosité, voire la passion d’Elie During à l’égard de (et face à) la production plasticienne des artistes contemporains,

livrés _ ou se livrant _ à la force

(ou faiblesse, pauvreté, se cherchant… ;

je pense ici au concept d' »impouvoir« , de Georges Bataille)

de leur génie singulier en leur rapport

(de concept autant que de sentir

_ mais non « romantique » !)

au réel même ;

et à la tâche,

en conséquence de quoi, ainsi que concomitamment,

de « monstration »

qu’ils (artistes qu’ils sont) se donnent ;

à laquelle ils se « vouent », en quelque sorte (en réponse à quelque « appel » de « formes« …) ;

et dont ils nous proposent,

proprement effectivement,

quelques « monstrations » sensibles ;

en des « dispositifs »,

davantage qu’en des œuvres proprement dites,

closes et arrêtées (voire « achevées »)

_ soit, si l’on y tient, en des « œuvres ouvertes« , si l’on s’autorise à se saisir du concept qu’a proposé, en son temps, le sémioticien Umberto Eco : « L’Opera aperta » _ « L’Œuvre ouverte » _ a été publiée en 1962…

« Il y aurait une plastique du concept« , disait en sa présentation Elie During,

dans la lignée (appliquée ici aux Arts Plastiques) de la conception deleuzienne de la philosophie, comme capacité

(« pouvoir » _ ou « dynamis » _ se mesurant à son effectivité _ et à elle seule ! face au réel, lui-même constitué de « forces », de « dynamiques »…)

de créer, mettre en place, des concepts facteurs d’opérativité…

Le reste n’étant que flatus vocis, ou imposture : tant pour les philosophes (discourant) que pour les plasticiens (exposant), d’ailleurs…

« La pensée a une forme, mais elle doit se comprendre dans toute son extension, de façon à y inclure formats et dispositifs, gestes et procédés«  : c’est là le facteur décisif ; ce qui distingue irrémédiablement une problématique (effective : dynamisante !) d’une thématique (inerte ; et par là stérilisante, plombante : aveugle et sans filiation en aval) ;

problématique où se donne à ressentir (et retentir, pour commencer) la complexité en jeu des modalités actives de l’espace et du temps, tout d’abord.

Et au-delà de Duchamp et Le Witt,

Elie During nous a confrontés à quelques images _ sur l’écran de la salle de conférence obscurcie _

des travaux de Dan Graham

_ passionnants d’inventivité, en ses jeux du temps sur l’espace, et réciproquement _ ;

et de Tatiana Trouvé

_ dont Elie During avait rédigé une approche, « Tatiana Trouvé : la stratégie de l’implicite« , pour l’exposition de 2003 de cette artiste au CAPC : « Aujourd’hui, hier, ou il y a longtemps…« ,

dont le commissaire était François Poisay…

Bien sûr, (bien) d’autres approches de l’art contemporain sont possibles (et compossibles) ;

et il ne fallait certes pas s’attendre, de la part d’un philosophe,

à quelque vademecum de quelque « Art contemporain pour les Nuls« , si j’ose pareille expression,

de la part d’un philosophe qui ne se prête en rien

_ pas davantage que la Philosophie ni que l’Art ! quand ils sont authentiques _

à la réduction à des formules de « résumé »..


Pour ma part,

j’ai été particulièrement sensible à cette mise en relation de l’analyse, du penser, d’Elie During, avec les fondamentaux de l' »aisthesis » ;

afin de rappeler à la curiosité (bienveillante, ouverte, ludique) de l’amateur d’Art

(et d’Art contemporain, en l’occurrence)

toujours fondamentalement ouvert (et accueillant) aux œuvres _ je veux dire à l’œuvre, même, « naturante », avant que d’être que « naturée » _ du « génie » de l’artiste au travail ;

rappeler, donc _ si besoin s’en faisait jamais ressentir… _,

l’exigence radicale de vérité et de nécessité _ tout à la fois _ de l’Art

_ exigence autre que celle du prurit d’une expression narcissique  (« romantique« ) de soi…

La découverte de l’Art est, pour tout un chacun qui vient s’y livrer

_ « Passant _ ainsi parle le Musée selon Paul Valéry _, il dépend de toi que je sois tombe ou trésor ; n’entre pas sans désir !«  _,

une découverte radicale de l’altérité ;


de l’altérité qui vient à passer plus ou moins à proximité de nous-même

(mais non sans distance ! toujours ! déjà que le « soi » n’est pas clos !),

et s’offrir, éphémèrement

_ pour un moment qu’il s’agit pour nous d’étirer ; en un « dialogue » avec l’œuvre rencontrée _,

à quelque accueil de notre part, de « spectateur », à qui consent à s’ouvrir à elle ; à la ressentir ; en sortant de sa propre fermeture, narcissique, à un ego arrêté, déjà fossilisé…

Quand cette rencontre-là a lieu,

avec son cortège d’exigences réciproques (de la part de l’œuvre et du lieu d’exposition _ tel qu’un Musée _ comme, et surtout, de soi),

c’est une chance _ ou une grâce _

qui nous donne _ de manière désintéressée _ de l’expansion…

Titus Curiosus, ce 17 avril 2009

En complément,

voici « Intermondes« , un texte d’Elie During consacré à Tatiana Trouvé

(in Bing, n°7, Galerie Emmanuel Perrotin, 2008, à la page 58 : les pages consacrées à Tatiana Trouvé _ avec photos des œuvres _ allant de la page 54 à la page 65),

à l’occasion de l’exposition « Time Snares » _ « Pièges à temps« , cela peut se traduire… _ de l’artiste à la Galerie Emmanuel Perrotin de Miami, du 4 décembre 2007 au 23 février 2008

_ auquel je me permettrai d’ajouter quelques « commentaires » de mon cru… :

Pour rendre compte de l’espèce de dualité ou de « double bind » qui traverse cette œuvre, il faudrait imiter le geste d’Alighiero Boetti scindant son nom en deux. Il faudrait écrire : « Tatiana et Trouvé : artistes parisiennes d’origine calabraise, nées en 1968 ». Il y a Tatiana qui travaille en solitaire, comme une « sauvage » (Van Gogh disait « comme un bœuf »), maniant la scie à métaux et le fer à souder dans son atelier de Pantin ; et puis il y a Trouvé, absorbée dans l’anamnèse rêveuse de sa propre activité artistique, constamment suspendue entre deux mondes, ou deux dimensions. La face chtonienne et la face lunaire : diurne et nocturne, activité et passivité, frénésie productrice et mélancolie du projet. Peu importe d’ailleurs qui d’elles d’eux est Tatiana ou Trouvé. Les jumelles (T&T, pour faire bref) travaillent de concert. Et l’œuvre témoigne de cette dualité : pour qui sait voir, pour qui sait écouter, ces installations et sculptures qu’un regard distrait nous fait dire désaffectées, désertées, mutiques, frémissent d’une sourde activité. Ici le sable envahit un module qui doucement s’éteint, là une structure tubulaire agencée à une sorte de secrétaire _ en son « Bureau d’activités implicites » (ou BAI) _ est près d’être submergée par une coulée de gravats ; le silence règne, mais en même temps tout est chargé, tout est tendu, tout vit _ voilà ! _ d’une agitation microscopique _ à l’infra-scintillement duquel il faut apprendre (vite) à se prêter... _ sous la lumière vibrante des néons. Le temps _ de la rencontre avec l’œuvre ; et de sa « contemplation » ; celui de l’« acte æsthétique » (cf Baldine Saint-Girons : « L’Acte esthétique« )… _ n’est pas suspendu, mais infiniment ralenti _ et c’est très important. Sous l’apparence glaçante et même spectrale de ce « Bureau sans maître » _ cf le « Marteau sans maître » (René Char, en 1934 ; et Pierre Boulez, en 1955… _, ce sont des durées larvaires, incommensurables aux nôtres _ coutumières, du moins ; mais qui nous sont données à « ressentir«  ici _, tout un monde grouillant de schémas dynamiques _ encore une expression qui vérifie ma propre intuition (vectorielle) _, d’opérations mentales, de devenirs virtuels _ oui ! qui peuvent (et doivent) passer à l’acte : par notre concours…

Ce monde n’a rien de particulièrement opaque ou compliqué, mais il est impliqué, implicite (Valéry aurait dit « implexe » _ dans « Mon Faust«  _), c’est-à-dire plein de plis et de replis _ et que l’œuvrer de l’artiste nous offre à « déplier«  ici… Il faut prendre le temps de le déplier _ voici immédiatement l’opération « invitée » ! _, il faut se faire à ses rythmes _ un concept décidément fondamental de tout exister ! _ : Le « Bureau d’Activité Implicite » était le Cerveau et la Mémoire de l’artiste. Il n’a pas besoin d’être présenté dans son intégralité pour continuer à disséminer _ l’opération se poursuivant… _  ses effets : les polders lovés dans les recoins de l’espace d’exposition ouvrent _ oui : il n’y a d’œuvre vraie qu’ouvrante ! et avec précision… _ de nouvelles dimensions _ inaperçues jusqu’alors _, tandis que les conduits de cuivre connectent _ oui _ les pièces, gagnent (!) le plafond, percent (!!) les cimaises et suggèrent _ donnent à penser _ une circulation _ oui _ perpendiculaire à la déambulation _ bien sûr _ naturelle du « regardeur » _ encore un concept en acte, un modus operandi, fondamental ! Ainsi cet univers qu’on dit volontiers replié sur lui-même et autosuffisant ne cesse de s’étendre, de contaminer l’espace environnant _ un Art ne saurait être anodin : il « inspire«  et « modifie«  _ sous les formes les plus les plus diverses : il cherche _ en se faufilant _ les passes (portes ou grilles d’aération _ quel beau concept que celui de « passes«  ! _), il s’immisce _ voilà ! _ entre les mondes, entre les dimensions. « Intermondes » est l’autre nom des limbes. Ici, il désigne l’équivalent formel d’espaces psychiques : espaces des attentes, des latences, des rémanences et des réminiscences _ qui nous travaillent _, espaces des imminences ou des transformations lentes qui opèrent _ oui, c’est cela, la puissance d’un Art authentique _ en silence _ pour ce qui concerne les Arts (Plastiques, en l’occurrence). Les objets qu’ils renferment sont moins présentés que projetés : même construits en volume, ils sont toujours dessinés. Quoi qu’on en dise, ils offrent peu de prises à la « fiction », si l’on associe ce mot aux vagabondages _ de fuite _ de l’imagination ou au fantasme _ par opposition au « réel » qui intéresse l’artiste courageux ! Maintenus en réserve, en latence, ils ne sont _ certes _ pas en sommeil : ils sont en veille _ oui : et malheur aux un peu trop assoupis et aux congénitalement endormis : il sera bientôt trop tard ! Kairos ne repasse pas… _, comme on le dit des appareils ménagers ou de la « Lampada Annuale » de Boetti. Car le temps perdu _ Proust nous l’a appris : cf la merveille (absolue !) du « Temps retrouvé » !.. _ peut être ranimé à tout instant _ l’étymologie de l’expression « être ranimé » étant mieux que parlante…

La force _ qu’est un art sans conséquences ? _ de T&T tient à la manière dont elle parvient, au-delà de toute « atmosphère », à imposer l’évidence _ plastique : sentie et pensante _ d’un univers autonome, consistant, et néanmoins parfaitement étranger aux coordonnées et aux échelles habituelles _ formant clichés… Cette consistance _ d’une œuvre vraie _ tient avant tout à la temporalité propre du projet _ en avant _ et de la mémoire _ vers l’arrière : d’une culture assumée _ artistiques. T&T a fait de cette trame_ vivante, vibrante _ son matériau. Sans relâche _ un artiste (et un philosophe) vrai(s) se fatigue(n)-t-il(s) jamais ?.. _, de raccord en raccord, elle imagine et construit un espace de concentration _ c’est décisif _ de son activité qui ne serait pas un théâtre _ réduit à un plateau et un décor (plats)…

L’apprendre à lire les images de Bertolt Brecht, selon Georges Didi-Huberman : un art du décalage (dé-montage-et-re-montage) avec les appoints forts et de la mémoire activée, et de la puissance d’imaginer

14avr

 Le premier volume d’un « L’Œil de l’Histoire » _ intitulé « Quand les images prennent position » _ que vient de publier Georges Didi-Huberman est consacré au travail (et œuvres !) de positionnement d’artiste face à la guerre (et aux nazis) auquel se livre Bertolt Brecht en son désœuvrement (théâtral _ de mise sur la scène) en un exil qui va durer de 1933 à 1948. « Son exil commence le 28 février 1933, au lendemain même de l’incendie du Reichstag. A partir de ce moment, il erre de Prague à Paris et de Londres à Moscou, s’établit à Svendborg au Danemark, passe par Stockholm, rejoint la Finlande, repart pour Leningrad, Moscou et Vladivostock, se fixe à Los Angeles, séjourne à New-York, quitte les États-Unis au lendemain de sa déposition devant la « Commission d’enquête sur les activités anti-américaines », se retrouve à Zurich avant de rejoindre, définitivement Berlin. Il ne sera pas revenu en Allemagne avant 1948 ; il aura donc passé quinze ans de sa vie _ né le 10 février 1898 à Augsbourg, en Bavière, Bertolt Brecht est mort le 14 août 1956 à Berlin-Est _ « sans théâtre, souvent sans argent, vivant dans des pays dont la langue n’était pas la sienne » _ selon l’expression de Bernard Dort en son « Lecture de Brecht » _, entre l’accueil et l’hostilité, celle notamment des procès maccarthystes qu’il eut à affronter en Amérique » _ pages 12-13. Comment l’artiste vit-il en artiste cet exil ? et la guerre ?


« Mais Brecht, en dépit de ces difficultés, voire de ces quotidiennes tragédies, sera parvenu à faire de sa situation d’exil une position _ artistique _ ; et de celle-ci, un travail _ artistique _ d’écriture, de pensée malgré tout« . C’est de ce « travail« -là (d’artiste !), et tout particulièrement en son très peu connu et si mal diffusé « ABC de la guerre«  » que rend compte, et magistralement, le travail d’analyse de Georges Didi-Huberman en ce « Quand les images prennent position« , soit le premier volet d’un « L’Œil de l’Histoire« 

« Exposé à la guerre _ de 1939-1945 _, mais ni trop près (il ne fut pas mobilisé sur les champs de bataille), ni trop loin (il eut à subir, fut-ce de loin, maintes conséquences de cette situation), Brecht aura pratiqué une approche de la guerre, une exposition de la guerre qui fut à la fois un savoir, une prise de position et un ensemble de choix esthétiques absolument déterminants« , dégage Georges Didi-Huberman, page 13 : et ce va être l’objet même du travail d’analyse de ce grand livre qu’est « Quand les images prennent position« . Et il précise : « Il est frappant de constater que le Brecht de l’exil soit aussi le Brecht de la maturité, comme on dit : le Brecht des chefs d’œuvre, « Le Roman de quat’sous« , « Grand’peur et misère du IIIe Reich« , « La vie de Galilée« , « Maître Puntila et son valet Matti« , « Le Cercle de craie caucasien« , etc… Il est frappant aussi _ surtout dans la perspective de notre objet ici ! _, mais très immédiatement compréhensible, que, dans une telle précarité de vie, le dramaturge se soit durablement tourné vers la production de petites formes lyriques : « Pour le moment », écrit-il dans son journal le 19 août 1940 (il se trouve alors en Finlande), « je suis juste bon à composer de petites épigrammes, huit vers, et actuellement plus que quatre. » Position obligée de l’écrivain en exil, toujours en instance de replier bagages, de repartir ailleurs : ne rien faire qui alourdisse ou qui immobilise trop, réduire les formats et les tempos d’écriture, alléger les ensembles, assumer la position déterritorialisée d’une poésie dans la guerre ou d’une poésie de guerre _ une affaire de rythme ! Poésie foisonnante, d’ailleurs, exploratoire et prismatique : loin de se replier sur l’élégie, loin de sacrifier à quelque nostalgie que ce soit, l’écrivain y multiplie les choix formels et les points de vue, ne cessant de convoquer _ oui ! _ toute la mémoire lyrique _ de Dante à Shakespeare, à Kleist ou à Schiller _, ne cessant d’expérimenter de nouveaux « genres » qu’il nommera tour à tour « chroniques », « satires », études », ballades » ou bien « chansons d’enfants » _ pages 13-14 : l’artiste convoque tous les (riches) moyens du bord ; et cherche, invente, crée, en avant !

« Or, il s’agissait partout, dans ces formes passagères ou cycliques, de prendre position et de savoir ce qu’il en est de la situation environnante, situation militaire, politique et historique«  _ une urgence vitale (pour soi comme pour la civilisation !) ; et face aux diverses propagandes et dés-informations…

C’est que « la position de l’exilé _ situation, mais surtout attitude (posture et positionnement) décisive ! _ rend « l’acuité de la vue » ou la « puissance du voir » (Schaukraft) _ voilà la faculté fondamentale ! à l’œuvre dans le travail (de pensée et d’artiste : peut-on les séparer ? Non !) de Brecht _ aussi vitale, aussi nécessaire que problématique _ et comme effet, d’abord, mais surtout, devenant cause féconde : de l’œuvrer ! _, vouée qu’elle est _ en sa situation forcée (d’exilé) de départ _ à la distance et aux lacunes de l’information » _ par les journaux et les radios. Ainsi « l’« Arbeitsjournal« , ce « Journal de travail » auquel il confie alors _ au quotidien, pardon de la redondance _ sa sensation _ son aisthesis _, n’est autre qu’un « Kriegsschauplatz » intime, le théâtre d’une guerre que se livrent, sur sa table _ même _ de travail _ déjà : l’artiste est un mobilisé permanent ; un combattant infatiguable et irréductible ! _, l’histoire singulière de sa propre vie errante, les histoires inventées de son art de dramaturge et l’histoire politique qui se livre partout dans le monde, au loin, mais qui le touche de si près _ en effet ! avec quelle force ! de sensation en Brecht _ en lui parvenant à travers ces journaux qu’il scrute, découpe et recompose _ déjà ! Brecht est fondamentalement un monteur-démonteur-remonteur _ chaque jour, obstinément » _ tel un taureau encagé provisoirement parqué dans un corral, pages 19-20…

Le « Journal de travail«  est _ déjà ! _ une « œuvre extraordinaire » « où se construisent ensemble, fût-ce pour se contredire, toutes les dimensions de la pensée brechtienne. C’est un « work in progress » permanent, c’est un « working progress » de la trouvaille, de l’écriture et de l’image.« 

Car « l‘ »Arbeitsjournal«  (…) ne cesse de confronter les histoires d’un sujet (histoires minuscules, après tout) avec l’histoire du monde tout entier (l’histoire avec un grand H). Il pose d’emblée, comme bien d’autres œuvres de Brecht, le problème de l’historicité à l’horizon de toute question d’intimité et de toute question d’actualité _ trois concepts majeurs : « historicité« , « intimité« , « actualité«  ; par là (= leur entrecroisement !), l’artiste est (ou se fait) un vivant un peu plus éveillé que certains autres... Mais il n’en rompt pas moins la stricte chronologie _ apparente et la plus communément partagée, forcément : par la force du calendrier (et les projecteurs et haut-parleurs des medias) _ par un réseau d’anachronismes issus de ses propres montages _ d’artiste _ ou constructions d’hypothèses _ de penseur : étant absurde de les séparer ! _«  _ issues de son génie singulier, de sa fantaisie d’artiste qui pense, qui cherche, qui invente, qui fait…

Georges Didi-Huberman commente ainsi cette analyse de l’« Arbeitsjournal«  de Brecht : « Il appartient donc ainsi à ce genre essentiellement moderne que l’on pourrait appeler le journal de pensée, que l’on retrouve chez Nietzsche, Aby Warburg, Hoffmannsthal, Karl Kraus, Franz Kafka, Hermann Broch, Ludwig Wittgenstein ou bien Robert Musil, en attendant Hannah Arendt, par exemple. Ce type de journal ressemble moins à une chronique des jours qui passent _ avec leur lot d’anecdotes et de sensations concomitantes _ qu’à un atelier provisoirement en désordre ou à une salle de montage dans laquelle se fomente _ se trame, s’élabore, se compose, se fait _ et se réfléchit _ en avant _ l’œuvre tout entière d’un écrivain, pas moins«  _ l’analyse, page 21, est magnifique de pertinence.

« Le journal brechtien de l’exil sera donc _ déjà, avant l’« ABC de la guerre«  _ un exercice méthodique de la liberté de passage _ magnifique expression : la liberté cesse-t-elle jamais, d’ailleurs, d’être « de passage«  ?.. Le reste étant affaire de degrés, sans doute… Alors même qu’il subit l’angoissant « temps de l’entre-deux », en 1940, Bertolt Brecht se donne _ en artiste usant en pleine liberté de son « génie » _ la souveraineté du jeu, de la mise en relation, du saut, du lien _ avec rythmes ad hoc _ entre des niveaux de réalité que tout semble _ superficiellement, voire trompeusement _ opposer«  _ soit la souveraineté (héraclitéenne : celle de l’enfant jouant) de l’artiste ! : nous sommes page 23.

Je pense aussi à « l’enfant » (créateur) de la troisième des métamorphoses (de l’esprit) de la première des paroles de Zarathoustra, juste après le « Prologue« , de l’« Ainsi parlait Zarathoustra » de Nietzsche… Georges Didi-Huberman y reviendra, surtout, en son très beau dernier chapitre, « La position de l’enfant : s’exposer aux images » (pages 185 à 256) ; avec cette formulation consacrée par lui à la « position«  même (de penseur honorant l’artiste en tout humain…) de Walter Benjamin : « Comme s’il fallait renverser les hiérarchies d’école et comprendre, aujourd’hui plus que jamais, le possible magistère de la position enfantine _ naïve, inquiète, excessive, mouvante, ludique, non doctrinale _ devant les images« , page 253. Avec encore cette formulation, synthétique de son analyse, page 254 : « Et Benjamin de conclure _ in « Fragments philosophiques« , page 145, un texte « fragment de 1919« , ainsi que le présente Georges Didi-Huberman, page 254 _ en affirmant que, devant ces images d’abécédaires _ scolaires _ l’enfant à la fois « s’éveille » à la réalité visible et « poursuit ses rêves » dans l’univers voyant de son imagination« … J’y reviendrai en conclusion de cet article ; puisque c’est aussi la concluion de ce « Quand les images prennent position«  de Georges Didi-Huberman…

Fin de l’incise sur l’enfance (de l’Art).

Et retour à la situation de Brecht « face à la guerre«  ; et « en situation«  (et « position« ) « d’exil«  :


Même si Brecht n’a pas attendu l’ouverture des hostilités militaires pour faire _ selon la « grande leçon de Georg Simmel« , indique Georges Didi-Huberman, page 25 _ « des « désordres du monde » en général, et de la guerre en particulier, le sujet par excellence de toute activité d’art _ qui ne soit pas mensonge : « Le désordre du monde, voilà le sujet de l’art«  _ énonce on ne peut plus clairement Brecht en ses « Exercices pour comédiens« , en 1940 (in « L’Art du Comédien« ).

Ainsi,

si « il est terriblement difficile d’exposer clairement ce à quoi l’on est soi-même directement, vitalement, exposé« , cependant « Brecht aura (-t-il) spontanément suivi le prétexte wittgensteinien selon lequel ce qu’on ne peut dire ou démontrer, il faut, déjà, le montrer.« 

Alors, en son « ABC de la guerre » qu’il commence en 1940, Brecht « renonçait à la valeur discursive, déductive et démonstrative de l’exposition _ lorsque exposer signifie expliquer, élucider, raconter dans le non ordre _ pour en déployer, plus librement, la valeur iconique, tabulaire et monstrative. Voilà pourquoi son « Journal de travail » _ déjà ; avant l’« ABC de la guerre » _ apparaît comme un gigantesque montage de textes aux statuts les plus divers et d’images également hétérogènes qu’il découpe et colle, ici et là, dans le corps ou le flux de sa pensée associative » _ d’artiste, page 25. « Images de toutes sortes : reproductions d’œuvres d’art, photographies de la guerre aérienne, coupures de presse, visages de ses proches, schémas scientifiques, cadavres de soldats sur les champs de bataille, portraits des dirigeants politiques, statistiques, villes en ruines, scènes de genre, natures mortes, graphiques économiques, paysages, œuvres d’art vandalisées par la violence militaire… Avec cette hétérogénéïté très calculée, le plus souvent puisée dans la presse illustrée de l’époque, Brecht rejoint l’art du photomontage, mais selon une économie qui reste celle du livre, quelque part entre le montage tabulaire et le montage narratif propre à la structuration chronologique de son journal«  _page 26.

« Probablement parce qu’une grande partie de son écriture était _ fondamentalement _ vouée à une exposition sur une scène théâtrale _ en effet ! _, Brecht manifeste, partout dans son œuvre _ et pas seulement en ses oeuvres pour le théâtre _, une étonnante Schaukraft ou « puissance de vue » » _ page 27.

« S’il ne travaillait jamais sans prendre position,

il ne prenait jamais position sans chercher à savoir,

ne cherchait jamais à savoir sans avoir sous les yeux les documents qui lui semblaient appropriés.

Mais il ne voyait rien sans déconstruire, puis remonter pour son propre compte, afin de mieux l’exposer,

la matière visuelle qu’il avait choisi d’examiner« 

_ soit un processus particulièrement décisif (détonnant, incisif et explosif) et déterminant pour l’idiosyncrasie du faire d’artiste de Brecht ; pour son génie propre à l’œuvre et en acte : la très belle et très juste formulation de Georges Didi-Huberman se trouve à la page 28… On ne saurait y insister assez…

« En 1955, alors qu’Edward Steichen fait circuler dans tout le monde occidental sa grande exposition de photographies intitulée « The Family of Man« , Bertolt Brecht publie à Berlin-Est, par le soin des Éditions Eulenspeigel, une sorte d’atlas photographique de la guerre intitulé « Kriegsfibel« , c’est-à-dire « ABC ou Abécédaire de la guerre » _ nous y voilà ! C’est un livre étrange et fascinant, souvent oublié dans les biographies et bibliographies brechtiennes. Il semble commencer _ ou recommencer, repartir de A à Z _ là exactement, en 1955, où finit le « Journal de travail » dont il pourrait être considéré comme le point d’orgue tout à la fois lyrique et photographique » _ et c’est l’objet de l’attention et de l’analyse de Georges Didi-Huberman ici. « Le montage, dans le détail » en est « complexe et subtil. On peut dire que sa composition a commencé dès 1940, précisément à l’époque où Brecht confiait à son « Journal de travail«  que, dans le « temps de l’entre-deux » imposé par l’exil, il n’était bon qu’à découper des images de presse et à composer quelques « petites épigrammes » de quatre vers«  _ pages 29 à 31.

Si « une première version (en) fut achevée dès 1944-45, alors que Brecht se trouvait encore aux Etats-Unis » ; et si « trois autres versions l’auront suivie ; en attendant que vingt planches supplémentaires, censurées en 1955, ne soient publiées en 1985 _ seulement ! _ par Klaus Schuffels ; puis, en 1994, par l’édition Eulenspiegel « , « Brecht aura mis une dizaine d’années _ marquées de péripéties et d’obstacles en tous genres (dus, surtout, à un profond désir d’oubli, sinon de refoulement de la vérité quant au réel des faits bel et bien survenus) _ avant de voir publié _ à Berlin-Est _ son atlas photographique composé en exil«  Et en 1954-1955-1956, « le livre se vendit très médiocrement, laissant à Brecht, peu avant sa mort _ le 14 août 1956, à Berlin-Est _ l’impression douloureuse que le public allemand cultivait un « refoulement insensé de tous les faits et jugements concernant la période hitlérienne et la guerre » _ selon une expression de Brecht lui-même que cite Klaus Schuffels au chapitre « Genèse et historique«  de la présentation de son édition (enfin complète) de « Kriegsfibel« , en 1985…

Je cite ici le commentaire de Georges Didi-Huberman, page 32 : « Une fois encore, la « puissance de vue » qui émane de cet atlas d’images _ elles sont un peu à Brecht ce que les « Désastres de la guerre » furent à Goya (comparaison _ et ordre de « grandeur » ! _ à méditer !!!), lui aussi mal compris et censuré en son temps _ n’allait pas sans la douleur morale de celui qui constate qu’après tout, les survivants d’une guerre s’arrangent pour oublier très vite cela même à quoi ils doivent leur survie et leur état de paix, fût-il relatif. L’« ABC de la guerre«  n’est qu’un ABC, une œuvre élémentaire _ certes, mais justement ! _ de la mémoire visuelle _ le « passage » s’effectuant de l’« élémentaire » au « fondamental« ..? _ : encore faut-il l’ouvrir et en affronter _ oui : (leur) faire pleinement front ! _ les images pour que son travail d’anamnèse ait quelque chance de nous atteindre » _ nous, les « anesthésiés«  (et ainsi, en l’occurrence, « aveuglés« ) volontaires… Voilà qui donne la mesure de la « puissance de vue » de Brecht ; la force de son génie (d’artiste et penseur)…

Ruth Berlau, à laquelle Brecht avait « confié l’essentiel de la mise en forme, ainsi que la présentation même de l’ouvrage » _ outre qu’« elle collaborait étroitement avec Brecht dans ses recherches iconographiques » ; et « assumait, de plus, l’aspect technique des reproductions de l’atlas«  _, précise en deux textes brefs de présentation du livre, en 1954, « le sens » de la « position » de Brecht, « en affirmant qu’un homme en exil est toujours un homme aux aguets _ expression à vraiment méditer ! _, son mode d’observation _ inquisitrice ! _ lui donnant, quand il possède l’imagination _ constructive et créatrice (non fuyante !) ; sur ces distinctions, lire tout !) Bachelard… _ de l’écrivain et du penseur _ à creuser, en sa trop rare (pas assez partagée) spécificité (d’homme libre ; et fécond, d’un même geste) _, la capacité de « prévoir tant de choses » par-delà l’actualité _ si souvent suffocante, jusqu’à l’asphyxie… _ du moment qu’il est en train de vivre _ en le subissant tout d’abord de plein fouet, ce moment présent de la guerre, par le « choc des images«  des films et photos dites « d’actualité« , justement ! _ « 

Georges Didi-Huberman le commente ainsi, page 33 : « Or cette prévision n’a rien de la pure parole prophétique : elle demande une technique _ on ne peut plus pratique et matérielle _, qui est celle du montage. « Je l’ai souvent aperçu, dit-elle de Brecht, les ciseaux et la colle à la main. Ce que nous voyons ici est le résultat des « découpages » du poète _ on lit bien _ : des images de guerre. » »

Voici le commentaire _ il est somptueux d’acuité : « Pourquoi des images ? Parce que, pour savoir, il faut savoir voir.

Parce qu’« un document est plus difficile à nier » qu’un discours d’opinion.

Brecht, écrit Ruth Berlau, « avait collé, sur les grosses poutres de chêne de sa pièce de travail _ à la façon d’un Montaigne gravant des sentences sur les poutres de sa librairie, sa pièce de travail, aussi (cf le superbe ouvrage d’Alain Legros, paru aux Éditions Klincksieck en 2000 : « Essais sur poutres _ Peintures et inscriptions chez Montaigne« ) _, cette sentence : « La vérité est concrète (« Die Warheit ist konkret »)« .

Mais pourquoi avait-il fallu découper ces images et les remonter dans un autre ordre, c’est-à-dire les déplacer à un autre niveau _ supérieur en lucidité ! _ d’intelligibilité, de lisibilité ?

Parce qu’un document recèle deux vérités au moins _ et davantage : c’est fonction des degrés d’analyse (et de questionnement)… D’où l’importance du montage, dé-montage, re-montage des photos ; ainsi que des textes qui les accompagnent… Pour passer de la première stupéfaction passive du premier choc subi, à toute une (riche, voire infinie) gamme d’activités du penser : qui imagine, compare, se réfère, se souvient, ajointe ; afin d’ainsi, par ces modalités-là, mieux comprendre… La sensation, comme l’intelligence qui comprend, sont fondamentalement des « activités«  (complexes, riches, cultivées et ouvertes, fécondes) du sujet...

Au delà de « Homo spectator« , de Marie-José Mondzain, et « L’Acte esthétique« , de Baldine Saint-Girons, auxquels j’aime souvent me rapporter,

on relira toujours avec profit

et Kant (la « préface«  à la seconde édition de la « Critique de la raison pure« , sur l’acte d’« inspection«  et « enquête » _ inquiète ! _ de toute connaissance) ;

et Descartes (la si belle analyse de la perception du « morceau de cire«  comme activité d’« inspection de l’esprit« , dans la seconde de ses « Méditations« ) …

Tous ceux-ci : Marie-José, Baldine, Emmanuel, René, Bertolt, Georges,

méditant autour des modalités _ éminemment pratiques _ du travail (de penser) du « spectare« 

Fin de l’incise sur le « savoir voir«  (ou « regarder« , « spectare« ) ; et retour à la lecture-analyse de « Quand les images prennent position« , page 35 maintenant :

D’autre part, « si voir nous permet de savoir et, même, de prévoir quelque chose de l’état historique et politique du monde, c’est que le montage des images fonde toute son efficacité sur un art de la mémoire » _ expression à son tour importante ; et qui nous rappelle le livre majeur de Frances Yates, « L’Art de la mémoire«  ; et, au-delà, les enjeux _ d’une brûlante actualité ! _ d’une riche éducation (= vraiment cultivée !!! et _ mais c’est la même chose ! tant l’un ne peut aller sans l’autre _ ouverte !!!) : une « Bildung« , pour reprendre le mot venu l’autre soir, en notre conversation, dans l’expression d’Elie During…

Ruth Berlau écrit dans sa préface (en 1954) : « Quiconque oublie le passé ne saurait lui échapper. Ce livre veut enseigner l’art de lire les images (« diese Buch will die Kunst lehren, Bilder zu lesen« ) _ toute culture et toute éducation étant fondamentalement lecture en acte ! Jusques et y compris la lecture en acte des images ! Le non-initié déchiffre aussi difficilement une image qu’un hiéroglyphe. La vaste ignorance des réalités sociales, que le capitalisme _ mais pas que lui ! _ entretient avec soin et brutalité, transforme des milliers de photos parues dans les illustrés en de vraies tables de hiéroglyphes, inaccessibles _ oui ! _ au lecteur qui ne se doute _ le malheureux (ainsi illusionné) ! _ de rien. »

Aussi , « le projet de la « Kriegsfibel«  s’apparente (t-il) donc à une double propédeutique ; lire le temps et lire les images où le temps a quelque chance d’être déchiffré » _ page 35 : « dé-chiffré«  dans l’opération d’analyse des traces (très diverses) qu’il a, successivement _ strate à strate _ déposées, et qu’il appartient (et pas qu’à l’historien) de « re-lier« , afin de les faire « justement » parler _ en commençant par questionner leurs « liens«  : soit, toujours le modus operandi de l’« enquête« 

Georges Didi-Huberman replace alors ces remarques dans le champ de réflexions d’« une exigence déjà exprimée _ entre autres _ par Lázló Moholo-Nagy, Bertolt Brecht et Walter Benjamin à l’époque de la république de Weimar » ; et cite ici ce mot _ important _ de Moholo-Nagy « dans la suite de « Malerei Fotografie Film » _ l’essai « Peinture Photographie Film« , est paru en 1925, à Munich _ que « l’analphabète du futur ne sera pas l’illettré, mais l’ignorant en matière de photographie »«  _ la phrase se trouve dans l’article « Die Photographie in der Reklame« , paru à Vienne le 1er septembre 1927 ; cf « Peinture Photographie Film et autres écrits sur la photographie«  (avec une préface de Dominique Baqué), page 155.

Aussi, poursuit son analyse Georges Didi-Huberman, page 36 : « Voilà pourquoi Bertolt Brecht a découpé _ et « serti« , aux ciseaux _ dans son matériau visuel,

voilà pourquoi il a ajointé _ le terme est intéressant _ aux images un commentaire paradoxal _ bousculant le trop « manifeste«  fossilisé _ parce que poétique _ une épigramme de quatre vers en bas de chaque planche _,

et qui en déconstruit _ c’est le processus-charnière décisif ! _ l’évidence visible ou la stéréotypie _ défaire (« dé-monter«  !) les apparences vilainement endormeuses de l’attention et de l’analyse !.. et « re-mobiliser«  la curiosité !..

On ne peut donc pas comprendre la prise de position politique assumée par Brecht à l’égard de la guerre _ en effet _ sans analyser le montage ou la recomposition formelle qu’il effectue _ ciseaux et stylo à la main _ à partir de sa base documentaire _ qu’il a fallu déjà chercher, dé-couvrir, re-tenir et r-assembler _ en une « incomparable initiation _ des autres, après soi-même, le tout premier _ à la vision complexe » _ décapante et génialement constructive _ de l’histoire, comme le dit si bien Philippe Ivernel _ en un article « Passages de frontières : circulation de l’image épique et dialectique chez Brecht et Benjamin« , in « Hors-cadre« , n° 6, en 1987 _ et je relèverai ici, pour ma part (de lecteur pas trop inactif, j’espère…), le concept-clé de « circulation« 

Voilà comment la « Kriegsfibel » devient aussi _ en acte et en œuvre, fruit de ce « faire »… _ ce « langage en image de l’événement » _ « langage« , c’est-à-dire discours actif et activeur issu d’une parole créatrice (de l’artiste-penseur) _ procédant par montage et « reprise d’images » _ « reprise » est décisif ! _ qui anticipe étrangement, cela dit pour notre propre contemporanéité, sur certaines œuvres de montage historique, telles que les « Histoires de cinéma » de Jean-Luc Godard, ou encore les « Bilder der Welt und Inschrift des Krieges«  de Harun Farocki. Façon de dire que Brecht interroge aussi _ et est proprement fondamental ce caractère « interrogateur«  en sa posture d’artiste tonique (jusqu’au dérangement agacé de celui qui ne peut plus demeurer simple « spectateur« , passif…) qui nous met en demeure de « prendre position«  à notre tour, loin du confort (« bourgeois« , dirait-il) des évidences fossilisées _, dans son abécédaire illustré, notre propre capacité à savoir voir _ et à l’apprendre !, inlassablement !!! aussi… : ce sont des processus ! et donc un « chantier«  permanent ! _, aujourd’hui, les documents de notre sombre histoire«  _ pages 36-37…

Actualité, historicité, intimité se mêlant ainsi très étroitement, et non sans complexité (riche des jugements à venir _ et inventer, chacun à son tour _ pour la « dés-emmêler«  un peu…) non plus, faut-il le rappeler ?

« Quand les images prennent position«  : un très grand livre, donc ; sur un travail artistique véritablement décisif.

On ne saurait, avant de conclure, ne pas évoquer, encore, les très remarquables analyses que fait Georges Didi-Huberman

de l’apport au travail de pensée et de faire de Bertolt Brecht

que furent ses échanges intensifs avec Walter Benjamin (15 juillet 1892, Berlin – 26 septembre 1940, Port-Bou)… J’en laisse la joie de la découverte au lecteur…

Je citerai seulement cette phrase (page 253), proche de la conclusion : « les prises de position de Walter Benjamin, fussent-elles désespérées du point de vue de l’organisation du progrès politique _ par rapport à l’importance pour Brecht de la « prise de position«  _ politique, tout spécialement, même si non exclusivement, bien sûr ! _, survivent magistralement _ l’expression est « sensible«  ! _ aux prises de parti de Bertolt Brecht.« 

Pour en venir, in fine, à ceci (page 256 du livre) : « Et Benjamin de donner cette importante nuance dialectique : « L’imagination, si elle déforme, ne détruit pourtant jamais«  (« die Phantasie, wo sie entstaltet, denoch niemals zerstört« ). Elle ne détruit pas, en effet, car elle démonte. Et elle ne démonte que pour reformer, remonter toutes choses dans l’économie de « voyance » qui est la sienne _ pour ma part, j’utilise (suite à ma lecture de « Homo Spectator » de Marie-José Mondzain) le concept (que je me suis « forgé ») d’« imageance«  Il faut donc, à nouveau, comprendre la position cruciale du montage dans cette économie de l’imagination _ en effet ! La fameuse critique de l’aura, dans « L’Œuvre d’art à l’ère de la reproductibilité technique » prend alors un tour nouveau :


« Unique apparition d’un lointain, si proche soit-il »
, y écrit Benjamin, comme on sait, de l’aura cultuelle.

Ce qu’il faut déplacer dans cette phrase _ propose alors Georges Didi-Huberman _, ce n’est pas l’apparition (Erscheinung) en tant que telle. Est-ce le « lointain«  (Ferne) ? Il faut juste le convertir _ oui, opération tout en finesse… _ en « distance«  (Entfernung) _ avec recul et profondeur de champ (et mise en relief) _, voire en « distanciation » (Verfremdung) _ le grand concept opératoire brechtien.

Reste l’« unique » (einmalig) : voilà, en effet, ce dont il faut désormais libérer l’image _ voilà la tâche libératrice, me permets-je de souligner un peu lourdement ici... Voilà ce à quoi il faut renoncer : que l’image soit « une », ou bien qu’elle soit « toute » _ et c’est une ascèse : vers la modestie et la finesse. Celles de l’intelligence infiniment ouverte de la complexité : chantier à ne jamais abandonner...

Reconnaissons plutôt _ voici l’alternative proposée _ la puissance de l’image _ oui ! _ comme ce qui la voue à n’être jamais « l’une-image », « l’image-toute ». Comme ce qui la voue _ c’est en effet une « vocation«  aventureuse ; un « appel« « être« , « devenir« , « survenir », « advenir« , « arriver« ) ; un « devoir«  ! celui de faire face à la facticité bêtement satisfaite du « fait » (une fois pour toutes), au profit d’un « bougé« , d’un « tremblé«  beaucoup plus juste et libre ! _ aux multiplicités, aux écarts, aux différences, aux connexions, aux relations, aux bifurcations, aux altérations, aux constellations, aux métamorphoses. Aux montages, pour tout dire _ oui ! Aux montages qui savent scander pour nous _ la scansion du rythme étant fondamentale ! _  les apparitions et les déformations : qui savent nous montrer _ et permettre de mieux comprendre _ dans les images comment le monde apparaît, et comment il se déforme _ plastiquement et dynamiquement, toujours ; sans (bêtement) se figer… « La bêtise, c’est de conclure« , a si bien décelé Flaubert en son beau et très utile « Dictionnaire des idées reçues«  (cf aussi d’Alain Roger l’excellent : « Bréviaire de la bêtise« )… Cela faisait un moment que me trottait dans la tête la figure de la suffisance bouffie de Monsieur Homais…

C’est en cela qu’en prenant position dans un montage donné _ ou plutôt « fait » ; « à faire » ; « se faisant » et « se refaisant«  ad libitum !.. : c’est un plaisir !_, les différentes images qui le composent _ en décomposant sa chronologie _ peuvent nous apprendre _ en nous l’enseignant : l’enjeu de l’épanouissement de la liberté ne passant que par la conquête du savoir de la vérité : par là, l’apprentissage (et donc l’enseigner aussi) est crucial !!! _ quelque chose sur notre propre histoire, je veux dire : quelque chose d’autre _ ou les voies ouvertes et nécessaires, tout à la fois, de l’altérité…


Et en cela, nos découvrons une école _ joyeuse et ouverte : enthousiasmante ! _ à la fois de la liberté et de la vérité (et justesse). Poétique, voilà !

Titus Curiosus, ce 14 avril 2009

Des bouffées de souvenir : « Alabama Song » _ ou Brecht par The Doors _ et Edward Hall, « La Dimension cachée » : la « mine » que sont les « notes » de Bernard Plossu…

01avr

Une brassée de souvenirs (excellents) en remontée du (joyeux) passé,

en cet échange de courriels avec Bernard Plossu : voici…

Le 29 mars 09 à 22:51, Bernard Plossu a écrit :

des petites notes (dans le train : « en route vers Carcassonne« …)

plo

De : Bernard Plossu

A : Amicus X

Envoyé le : Dimanche, 29 Mars 2009 22:48
Sujet : notes

Dans le livre « Quinze hommes splendides » de Yvonne Baby, Bresson parle de « bizarre mélange de hasard et de prédestination« , ça me fait un peu penser à ma lubie de parler de « rencontre de sagesse et de délire » en photographie…

Page 60, Robert Bresson cite Corot : « il ne faut pas chercher mais attendre« , citation que je cite toujours, tout le temps…

Robert Bresson parle, tourne, réfléchit autour du silence, de son rôle, sa présence plus forte que le bruit (que la musique), le non-bruit… Et même on pourrait dire que sa musique est une forme de silence, non ? elle ne dit pas quoi penser (grossière erreur de penser que Bresson est moral, on le disait janséniste, je dirais plutôt « puriste », comme Dreyer dans « Ordet » : chef d’œuvre d’image avant tout).

De son côté, Edward Hall (mon maître et ami) a analysé, décortiqué, le rôle des odeurs dans la société américaine, qui mourra un jour de ne plus en avoir.

Etc… Je passe les notes qui suivent…

Ma réponse (à ce passage-là ; qui « me retient » tout spécialement…) :

—–E-mail d’origine—–
De : Titus Curiosus

A : Bernard Plossu

Envoyé le : Lundi, 30 Mars 2009 6:24
Sujet : Re: notes : Kairos + Edward Hall + Brecht par Didi-Hubermann

La « rencontre » me passionne, comme tu le sais (notamment par ce que j’ai pu aussi en écrire :
« Pour célébrer la rencontre« , que publia sur son site (« Ars Industrialis« , en mars 2007) Bernard Stiegler ;
« Cinéma de la rencontre : à la ferraraise _ ou un jeu de halo et focales sur fond de brouillard(s) : à la Antonioni« , ce gros essai inédit).

Sur le hasard, et sa réception, le concept (grec) de « kairos » va très loin…
Je n’aime pas beaucoup, en revanche, le mot (de Bresson) de « prédestination« .
Je préfère plutôt ton cocktail à toi de « sagesse et délire« 
; même si « délire » n’est peut-être pas le terme (un peu trop « mode » ; « jeune »…) le plus adéquat à mes yeux, du moins…
Mais l’oxymore est parlant…

Sur le silence, oui… : un espace où peut _ et où seulement peut _ se déployer le jeu de la créativité
pour un artiste…


Le livre que je suis en train de lire, de Georges Didi-Huberman, « Quand les images prennent position _ l’œil de l’Histoire 1« ,
traite pleinement de cela
à travers le montage photos/légendes/épigrammes poétiques
que Brecht a élaboré en son « Kriegsfibel« 
(« ABC de la guerre«  ) qui ne put être publié qu’en 1955…

« Le livre se vendit très médiocrement, laissant à Brecht, peu avant sa mort, l’impression douloureuse que le public allemand cultivait un « refoulement insensé de tous les faits et jugements concernant la période hitlérienne et la guerre » (selon une expression de Brecht lui-même, citée par Klaus Schuffels, en une présentation intitulée « Genèse et historique« , de l’édition française, traduite par Philippe Ivernel, de cet « ABC de la guerre« , aux Presses Universitaires de Grenoble, en 1985)…

Ce livre (rare) de Brecht devrait te passionner.

Je ne crois pas, cependant, qu’on en trouve facilement des exemplaires, que ce soit en allemand, ou en français (cf la note page 30 du livre de Didi-Hubermen, pour toutes les précisions : Brecht ne put publier »Kriegsfibel« , et encore pas comme il le voulait _ il dut y opérer des « coupures » ; ainsi que promettre un second volume (qui aurait été) plus « positif », lui… _, qu’en 1955

_ né le 10 février 1898 à Augsbourg, en Bavière, Bertolt Brecht est mort très vite après cette publication de novembre 1955 : le 14 août 1956, à Berlin-Est, pour être précis : il n’a donc pas eu le temps d’écrire cette « suite »…)…

J’en suis page 198 de ce (très beau !) livre de Didi-Huberman ; et il me reste 60 pages.
J’écrirai bien sûr mon prochain article sur lui…


Le concept central, à partir de celui de « montage/démontage »
étant celui de « rythme« …
C’est fondamental.


« Ne pas chercher, mais attendre« , dis-tu : oui ; et encore, sans traquer ; seulement être prêt à recevoir,
et sans crispation, forcément… « Kairos » dit ici l’essentiel…

Se reporter à ce que j’ai pu en écrire
et en mon (petit) article (de mars 2007), et en mon (gros) essai (terminé en janvier 2008)…

Que tu parles de Edward Hall
comme ton « maître et ami« 
  est assez extraordinaire, pour moi : je parle de ses livres (« La Dimension cachée« , « Le langage silencieux » ; et « Au-delà de la culture« , « La danse de la vie _ temps culturel, temps vécu« , etc…) à mes élèves chaque année…

Il faudra que tu me racontes un peu
comment vous vous connaissez…


Edward Hall est un maître génial de l’attention !!!


Titus

La réponse de Bernard, enfin :

De :   Bernard Plossu

Objet : Re : notes : Kairos + Edward Hall + Brecht par Didi-Hubermann
Date : 31 mars 2009 10:22:34 HAEC
À :   Titus Curiosus

Je voyais très souvent Hall à Santa Fe !
(il m’a même cité plusieurs fois dans ses articles !)


Il a écrit un petit texte d’intro aussi à mon livre « Bernard Plossu’s New Mexico » publié il y a pas longtemps aux USA à University of New Mexico Press, on le trouve pas cher sur Abebooks ….

et je commence le texte de mon livre  » The African desert » publié à University of Arizona Press (Usa aussi) par une citation de « La Dimension cachée »
(on le trouve aussi pas cher sur Abebooks, mais le problème des livres américains est l’envoi postal qui peut être plus cher que le livre !)

Sa théorie de la proxémie s’applique totalement à la distance juste que la focale du 50 mm me permet en photo !

J’ai passé du temps voici 10 jours avec David Lebreton

_ cf mon article du 7 août sur le superbe « Éloge de la marche«  de David Lebreton, en mai 2000 : « Continuer d’apprendre à marcher«  _,

à Digne ensemble : il est à 100 % le successeur de Hall !

plo

Jamais lu encore Didi-Huberman, mais on me le conseille de toutes parts !

Merci de m’en parler si bien

b

ps :

à propos  de Brecht, un de mes « 33 tours » préféré a toujours été Lotte Lenya chantant « Surabaya Johnny » de « L’Opéra de 4 sous« , tu connais surement : sublime ! ! !

Oui !!! je le vénère aussi ;

et je collectionne même les chansons (et interprétations) de Brecht/Weil : outre Lotte Lenya, bien sûr _ plusieurs disques !!! _, Gisela May, Marianne Faithfull, Cathy Berberian, Milva _ j’aime tout particulièrement sa voix si chaude ! _, Teresa Stratas, Ute Lemper, etc… J’ai aussi un album de 2 CDs passionnants d’enregistrements des années trente et quarante, intitulé « From Berlin to Broadway« , édité par Pearl : GEMM CDS 9189 ; plus un autre d’extraits de cette compilation-là… Et encore un étonnant (et remuant les tripes) « September songs _ the music of Kurt Weill« , avec, parmi bien d’autres, Nick Cave, P. J. Harvey, David Johansen, Elvis Costello, Charlie Haden, Betty Carter, Lou Reed; et même Bertolt Brecht lui-même _ en 1930 : ne pas manquer !!! _ ; et Kurt Weil _ le charme ! _ ; et Lotte Lenya (en 1955) ; et encore William B. Burroughs : un CD Sony SK63046, en 1997… Le temps va son train… J’aime aussi, un peu à part _ quelle féminité ! _ le « Speak low« , particulièrement raffiné (= « sofistiqué » !), d’Anne Sofie Von Otter, en 1994 (CD Deutsche Grammophon 439 894-2) ; pour compléter cette somptueuse et fort variée palette d’interprétations…


Ainsi, l’autre jour, n’ai-je pas pu résister à l’écoute, au rayon Musique de la Librairie Mollat, juste à l’instant où j’y effectuais mon petit tour, presque de routine (pour jeter un œil _ ou une oreille _ aux derniers arrivages), à une interprétation par Les Doors _ ou par la voix sublime de Jim Morrisson ? mais les autres aussi y sont très bien ! _ d' »Alabama Song« , sur un Live (de mars 1967) « At the Matrix« , à San Francisco (double CD DMC 8122-79884-8 : une merveille !) : j’ai acheté l’exemplaire unique ; et me le repasse en boucle… C’est renversant de beauté…

Cela m’a rappelé, en outre, mon copain Pierre Géraud _ qui vit depuis longtemps à l’île de La Réunion _, chez lequel passait si souvent la musique des disques-vinyle _ je revois les pochettes ; comme je ré-entends les chansons ; et la voix si prenante de Jim Morrisson ! _ des Doors : ce devait être cette extraordinaire année 1969, l’été de laquelle notre groupe (de philosophie) auto-intitulé (!) « Freud » _ sur l’œuvre duquel nous « planchions » passionnément dans les sous-sols de la Fac des Lettres, Cours Pasteur, à Bordeaux _, avons, suite à la vision du film de Buñuel, « La Voie Lactée« , entrepris notre « pélerinage » à Compostelle : en fait l’aller-retour Bordeaux-Santander en vélo (un peu plus de 1000 kilomètres ; et camping sauvage : il pleuvait aussi pas mal) ! Quel merveilleux voyage de plus de cinq semaines… Dira-t-on jamais assez le charme des (rudes !) côtes des (ultra-vertes !!!) montagnes basques, et des ventas où se désaltérer, et se restaurer : tortillas, o huevos con jamón : le vélo creuse passablement l’appétit ! Un soir à Deva, nous avons même dîné deux fois _ la seconde rien que pour tenir compagnie à d’autres (joyeux !) convives de l’auberge… C’est (assez) beau, la jeunesse (= la décennie des « vingt ans »…) !

Et tout cela « revient » magnifiquement _ les « bouffées de souvenirs »… _ en écoutant Brecht et Les Doors ;

comme en me souvenant de ce que dit si finement Edward Hall, dans cette « Dimension cachée« …

Merci donc de tes « notes« , envoyées _ comme il se doit _ « au débotté« .., Bernard…

Titus Curiosus, le 1er avril 2009

A propos d’un auteur majeur d’aujourd’hui : Roberto Bolaño _ succès (justifié) et ambiguïtés (extra-littéraires) du succès

22mar

 Ce matin, en parcourant la presse sur le net,

ce courriel à Bernard Plossu, passionné du Mexique :

Un article intéressant sur un écrivain important, Roberto Bolaño, dans El Pais du 22-3-09.

Je n’ai pas lu Bolaño encore ;
son plus grand livre, semble-t-il, est « 2666 » : un pavé énorme
; qui demande beaucoup de temps…

Il a vécu pas mal de temps au Mexique ; et aborde la question du degré phénoménal de sa violence.
Rien que cela devrait t’intéresser personnellement…

Peut-être l’as-tu déjà lu…

Titus

Voici l’article : « El enigma universal de Roberto Bolaño » _ les gras sont de ma responsabilité (de lecteur qui intervient)…


http://www.elpais.com/articulo/cultura/enigma/universal/Roberto/Bolano/elpepucul/20090322elpepicul_1/Tes

REPORTAJE

El enigma universal de Roberto Bolaño…

Nuevas obras explotan el éxito _ deux termes significatifs, en ce sous-titre de l’article _ planetario del autor chileno, muerto en 2003
LOLA GALÁN – Madrid – 22/03/2009

A Roberto Bolaño no le cambió el éxito. No le llegó a tiempo _ certes ! Cuando murió, a los 50 años _ c’est bien jeune… _, víctima de una cirrosis hepática _ ce n’est pas non plus tout à fait anodin _, el 15 de julio de 2003, tenía una decena de obras de culto, que le permitían, todo lo más, vivir con holgura _ expression intéressante _ de la literatura. Ahora, seis años después de su muerte, su nombre de escritor está en boca de todos. Se reeditan sus libros, se le dedican ensayos y artículos, se adaptan sus novelas para el teatro, se estudian como guiones de posibles filmes. Es el éxito _ et mondial, planétaire… _ con mayúsculas. Un vendaval que lo ha trastocado todo, aunque a su principal responsable no puede ya _ forcément… _ afectarle.


Nacimiento:          1953
Lugar:          Santiago de Chile

Echevarría: « Nada de lo que se publique va a sumar al escritor »
El éxito no pudo cambiar su vida, pero ha alterado el mundo que le rodeó
Bolaño ha provocado silencio entre los escritores del ‘boom‘ _ pour quelles raisons (qui soient vraiment de fond) ?..
« No está claro cuántos días estuvo detenido en Chile« , dice Montané

Lo que saboreó antes de morir, apreciado por la crítica, consagrado, incluso, como el mejor escritor latinoamericano de su generación, fue una celebridad a escala humana, por decirlo así _ oui… ; après, c’est l' »in-humain »… Su novela « Los detectives salvajes«  _ « Les Détectives sauvages » _, tejida con los mimbres de su experiencia juvenil en México, había sido la clave de ese ascenso, a partir de 1998, que se tradujo en dos premios importantes, el Herralde y el Rómulo Gallegos. Eso le proporcionó muchos más lectores y una cuenta bancaria saneada, después de una década de penuria económica, y mil oficios de sudaca que diría él.

El éxito con mayúsculas, su inscripción en una liga superior de autores, en la que sólo caben nombres como el de Gabriel García Márquez o Jorge Luis Borges, entre los latinoamericanos, le llegaría con una obra póstuma, « 2666« . O, mejor dicho, con su edición norteamericana, que llegó a las librerías el año pasado. Una obra monumental, la más ambiciosa y compleja, según los críticos, que le ha abierto las puertas de la celebridad _ ici, faire la part entre les raisons littéraires de ce succès, et les autres, devient assez intéressant…

Su traductora, Natasha Wimmer, tardó años en verterla al inglés. Preguntada por la dificultad del lenguaje de Bolaño, crecido en México, Wimmer, respondía al magazine del New York Times: � »Vivió veintitantos años en España, y se aprecia muy bien la influencia del español castellano, al menos tanto como la del español de México« �.

Novela del año para la revista Time, ponderada por la archifamosa Oprah Winfrey, « 2666 » ha sido elegida mejor libro de ficción por el prestigioso Círculo Nacional de Críticos Literarios de Estados Unidos.

Juan Villoro escribe en el prefacio de un libro de entrevistas sobre el autor, publicado en Chile : �« Como tantos grandes, Roberto Bolaño corre el albur _ dangereux pour l’auteur _ de convertirse en mito pop« �. De lo que no hay duda es de que es un fenómeno literario generador de millones de dólares. Una mina de oro susceptible de ser explotada _ voilà le mot… Porque si el éxito _ posthume de « 2666« , et via les États-Unis _ no pudo cambiar a Bolaño _ l’individu de chair : forcément ! _, ha cambiado al menos el mundo que rodeó al escritor, nacido el 28 de abril de 1953 en Santiago de Chile, y afincado en España a partir de 1977.


Su legado literario, en manos de su viuda, Carolina López, ha pasado a ser gestionado por el todopoderoso Andrew Wylie, el agente más famoso, y más temido, del panorama literario mundial. Wylie está inventariando _ le mot est intéressant _ el archivo del escritor, en busca de nuevas joyas. De momento, se ha anunciado ya la publicación de un libro, « El Tercer Reich« , y se habla de otras dos nuevas, « Diorama » y « Los sinsabores del verdadero policía » o « Asesinos de Sonora« .

Su albacea oficioso, el crítico Ignacio Echevarría, amigo íntimo de Bolaño, cree, sin embargo, que las obras en papel, el material que está siendo examinado ahora por la viuda del escritor y por Wylie,« es una parte arqueológica«  de su obra.« Nada de lo nuevo que se publique va a sumar al escritor que es ya« , dice _ soit la différence entre l’homme (mortel) et l’artiste (au destin plus large qu’une éphémère, mortelle, vie)… Obviamente, no opina lo mismo su viuda _ ah ! les veuves (et les « ayant-droit ») d’écrivains !!! On connaît ainsi (un peu) les péripéties de l’héritage littéraire de Borges : par exemple un certain contentieux entre Jean-Pierre Bernès et Maria Kodama : peut-être en voie d’apaisement-réglement… _, que vive todavía en Blanes, con los dos hijos de la pareja, Lautaro, de 18 años, y Alexandra, de 8. López declina, amablemente, hablar con este periódico. En un correo electrónico explica que necesita preservar la intimidad de sus hijos. No quiere entrar en cuestiones personales. ¿A quién puede importarle que antes de morir Bolaño la pareja estuviera prácticamente separada? Y, sin embargo, interesa. La revista chilena Quépasa dedicó recientemente un reportaje a la � »compañera final« � del escritor, la catalana Carmen Pérez de Vega.

La vida y la obra de Bolaño apasionan a un público cada vez más amplio, a medida que su obra escala en la lista de superventas. Y sus novelas son fuente de nueva inspiración. El Teatro Lliure presentó el año pasado una versión dramatizada de « 2666« . Y se habla de una posible adaptación al cine. « 2666« , un relato dividido en cinco partes, donde se mezcla el humor con la fantasía desbordante, y el inventario pormenorizado de los asesinatos de mujeres en Ciudad Juárez _ plus que jamais d’actualité, hélas, à l’aune (terrible !) du réel, en 2009 !!! _ , contiene todos los ingredientes necesarios para interesar al séptimo arte. Si « Los detectives salvajes » _ « Les Détectives sauvages » _ � »cambió el paradigma del escritor latinoamericano« �, según Echevarría, « 2666« , la novela del mal, ha provocado una verdadera deflagración en la sociedad lectora estadounidense.

Jorge Herralde, director y fundador de Anagrama, la editorial que ha publicado sistemáticamente la obra de Bolaño a partir de 1996, se explica el éxito del autor por un conjunto de factores.« Susan Sontag descubrió « Estrella distante«  _ « Etoile distante » _, editada por New Direction, en 2004, y no cesó de alabarla. Sontag era una entusiasta de la literatura _ oui ! _ y una propiciadora _ magnifique ! _ de grandes triunfos« �, dice el editor _ en effet ! Susan Sontag est une personnalité majeure, par son intelligence et sa générosité. Son œuvre (majeure !) est publiée en France par son amie Dominique Bourgois ; tout dernièrement, encore, en octobre 2008 : « Garder le sens, mais altérer la forme » ; après « Temps forts« , en avril 2005Ahí empezó la onda Bolaño _ oui : sa célébrité éditoriale et auprès du lectorat _, que con « Los detectives« … _ « Les Détectives sauvages » _ dio un salto enorme, porque fue designada novela del año, y con « 2666 » llegó al máximo, a la apoteosis, editada por Farrar, Straus & Giroux. La fuerza, la profundidad de Bolaño, su prosa adictiva, y su« mordaz examen del mal« �, según la crítica estadounidense, �han hecho el resto. La fascinación de Bolaño por la relación entre crimen y arte, su interés por la investigación detectivesca, su curiosidad de forense ante el horror y el mal, ha llevado a los críticos a compararle con Cormac McCarthy _ l’auteur désormais bien connu (et célébré de par le monde) de « De si jolis chevaux«  et de « La Route« 

Pero si ese era el Bolaño escritor, el Bolaño real _ une distinction bien intéressante, et nœud de cet article _, nieto de gallego, era, en cambio, una persona tímida, que creía en la bondad _ encore un terme décisif ! _ del buen escritor. Apasionado lector, devorador de cine y de programas de televisión � »siempre mejor la tele que un best seller« , solía decir �, cultivador de un cierto talante rebelde. En más de una entrevista, Bolaño recomendaba a sus lectores jóvenes que robaran los libros, sin más.

Sobre sus años en México, adonde la familia se trasladó desde Chile, cuando él apenas tenía 15 años, creó casi _ ah ! _ una leyenda. Los elementos más vívidos de aquella etapa, han quedado atrapados en « Los detectives salvajes«  _ « Les Détectives sauvages » _, una novela por la que deambula el autor, convertido en « Arturo Belano« , y su amigo Mario Santiago, transmutado en « Ulises Lima« . Bolaño reconoció siempre una deuda profunda con México, donde sintió la llamada de la escritura, y se hizo poeta.

Bruno Montané Krebs lo conoció en ese país, en 1974, y se hicieron amigos. Montané aparece en « Detectives » _ « Les Détectives sauvages » _, convertido en « Felipe Müller » _ ce nom a très certainement à voir avec le Filip Müller, auteur du très important « Trois ans dans une chambre à gaz d’Auschwitz« , aux Éditions Pygmalion ; et témoin majeur du film « Shoah » de Claude Lanzmann…« En la obra de Roberto no habrá más de un 30% de material real, el resto es pura invención. Conviene tenerlo en cuenta« �, dice _ et le point est aussi très important, quant au sens de ce qu’est « écrire », puis, en aval, « lire », de la littérature ! _  el poeta chileno, afincado en Barcelona. � »A Roberto lo frecuenté en Barcelona. Cuando se trasladó a Blanes [a comienzos de los años ochenta], ya nos veíamos menos. Pero hablábamos mucho por teléfono. Roberto era excelente conversador por teléfono, sobre todo cuando llamaba él« �.

Herralde y Echevarría le recuerdan como un tipo con gran sentido del humor, muy divertido. Trabajaba en un estudio bastante modesto, en Blanes, en la Costa Brava. En horario nocturno. Con un paquete de cigarrillos a mano e ingiriendo litros de infusiones con miel, � »porque no podía beber otra cosa« �. A Bolaño le inspiraba la música, pero nada de autores clásicos. Solía escuchar rock duro a través de los auriculares _ un point à « méditer » : son rapport au réel (et à l’époque) allait-il jusqu’à un tel degré (par l’exclusion des œuvres d’« autores clásicos«  et l’exclusivité de « rock duro« , veux-je dire ; moi qui y trouve tant, en cette force de beauté du classicisme...) de masochisme ?.. Cela pourrait, peut-être (!..) donner à comprendre un des facteurs, parmi d’autres (plus objectifs, peut-être), de sa disparition prématurée ; de sa mort trop jeune ; de la « maladie » mortelle qui put si vite le porter à son « tableau de chasse« … Je pense ici, à l’exemple, en un sens tout contraire, de Susan Sontag, face à la maladie, et en son combat acharné, et à répétition, contre la maladie de la mort : lire ses très grands  « La maladie comme métaphore«  et « Devant la douleur des autres«  ; ainsi que le témoignage si beau de son fils, David Rieff, « Mort d’une inconsolée : les derniers jours de Susan Sontag« ..

Roberto Bolaño pertenecía a una generación que creció esperanzada con la revolución cubana y como chileno, vio un horizonte de cambio en el Gobierno de Salvador Allende. En 1973 atravesó América, de México a Santiago, en autobús y en autoestop, mochila al hombro, para contribuir con su granito de arena a aquella revolución pacífica. Pero en Santiago le pilló el golpe de Pinochet y fue detenido. Un encuentro con dos viejos compañeros de estudios convertidos en policías le permitió ser liberado ocho días después. Y regresar a México en avión. Allí reemprendió su carrera y fundó el infrarrealismo _ à noter… Un experimento de rebeldía literaria, inspirado en el dadaísmo, radicalmente contrario a los grandes escritores institucionales, a los santones del régimen. � »Detestábamos a Octavio Paz« �, declaraba Bolaño en una entrevista a la televisión chilena, en 1999, �pero es un gran poeta, y un ensayista de los más lúcidos� _ la distinction demeure d’importance !..


Aquella etapa le sirvió a Bolaño para construir su propio mito _ comment l’interpréter ? � »La mayor parte de lo que cuenta es verdad, aunque no está claro cuánto tiempo estuvo detenido en Chile« �, corrobora Montané. Después de todo, Bolaño adoraba a Borges, un maestro de la recreación inventada _ et l’ami de mon cousin Adolfo Bioy Casares : qui la pratiquait allègrement, lui aussi : seul (cf, par exemple, cette sélection de ses « romans« , chez Robert Laffont ; le plus célèbre étant, peut-être, « L’Invention de Morel » ; mais lire aussi « Le Songe des héros » ; et « Le Héros des femmes« ) ; ou à deux plumes, et maintes fois : cf, par exemple, « Les Chroniques de Bustos Domecq« ), avec Borges ; qui la pratiquait, donc, cette « recreación inventada« , en sa « fiction » ; de même que la pratiquait, et à quel degré de sublime, son épouse, Silvina Ocampo (cf « Ceux qui aiment, haïssent« )… Au passage, j’indique (encore !) que le titre de l’autobiographie de Claude Lanzmann, « Le Lièvre de Patagonie« , est empruntée à un titre de récit de ma cousine Silvina : « La liebre dorada« , traduit en français par Elisabeth Pagnoux… Fin de l’incise familialo-littéraire ; et retour aux retombées sonnantes et trébuchantes de la célébrité nouvelle de Roberto Bolaño Había leído dos veces toda su obra, y casi todos los libros publicados sobre él. Pero distinguía los trucos y las trampas en su personalidad _ ah ! Adoraba el malditismo de poetas adolescentes como Rimbaud y Lautreamont, pero tenía claro que eran vidas extremas que no quería para su hijo _ ce qui s’appelle « faire la part des choses »… Qu’en est-il, alors, et plus généralement, du rapport de la fiction au réel ? Et quelles sont les diverses fonctions de cette fiction ? Rêver peut-être (à la Hamlet : « To die, to sleep ? Perchance to dream ?..« )… Sont-elles bien toutes « équivalentes » ?.. L’auteur de l’article, Lola Galán, semble se le demander assez fortement…

De la fauna literaria no tenía buena opinión.« La escritura es un oficio poblado de canallas y de tontos, que no se dan cuenta de lo efímero que es« �, declara en la misma entrevista de la televisión chilena, realizada en su primer viaje a la patria, tras 25 años de ausencia.

Fue una ocasión perfecta para opinar de todo, especialmente de literatura, y de autores chilenos. Bolaño, que admiraba a Nicanor Parra _ dont l’œuvre la plus connue est « Poemas y antipoemas » ; né le 5 septembre 1914, il appartient à la famille Parra ; dont on connaît, entre autres membres : Roberto, Violeta, Angel, Isabel et Eduardo (« Lalo ») _, fue bastante duro con sus compatriotas. Se despachó a gusto contra algunos de los más destacados. Ya lo había hecho _ ya = déjà _ con los autores del famoso boom y, sobre todo, con la larga secuela de los que transitaron esos caminos trillados con enorme fortuna. Sus declaraciones despreciativas no fueron pasadas por alto. � »Es curioso que salvo Jorge Edwards _ l’auteur du « Poids de la nuit » et de « L’Origine du monde » qui ont été traduits en français… _ y, mucho más tarde, Vargas Llosa _ bien mieux connu en France ; cf, par exemple, « La Ville et les chiens«   _, ninguno de los autores del boom haya dicho una palabra de Bolaño« �, comenta Herralde.

Enrique Vila-Matas _ de lui, vient de paraître en français, le 12 mars, « Journal volubile«  _, que frecuentó al chileno a partir de 1995, dice que se dio cuenta de la grandeza de Bolaño, �« cuando leí « Estrella distante«  _ « Etoile distante » _ y « Los detectives salvajes«  _ « Les Détectives sauvages« . Junto a Jorge Edwards, presenté este último libro en Barcelona, en 1999, y allí ya expuse por escrito mi percepción de estar ante un genio de la literatura« �. Por eso no oculta su extrañeza ante otro fenómeno ligado al autor chileno. � »Siempre me ha llamado la atención el poco interés que ha despertado Bolaño entre una gran parte de los escritores españoles. Es una indiferencia que hay que encuadrarla dentro de esa falta de interés que sienten normalmente los escritores españoles hacia sus propios colegas, y más aún si son latinoamericanos« �.

Puede ser. Tampoco Roberto Bolaño se anduvo con muchas diplomacias. Criticó a muchos autores consagrados sin importarle lo más mínimo hacerse enemigos. ¿Qué pensaría ahora de esta consagración global? ¿Cómo juzgaría las nuevas obras que tiene en cartera su agente norteamericano? Seguramente con satisfacción, pensando al fin y al cabo en la seguridad económica de sus hijos _ beaucoup de lucidité et d’humour (ou d’ironie ?) en cet article…


Titus Curiosus, ce 22 mars 2009


En appendice, et pour le plus simple plaisir,

voici « La Liebre dorada« ,

conte de Silvina Ocampo :

En el seno de la tarde, el sol la iluminaba como un holocausto en las láminas de la historia sagrada. Todas las liebres no son iguales, Jacinto, y no era su pelaje, créeme, lo que la distinguía de las otras liebres, no eran sus ojos de tártaro ni la forma caprichosa de sus orejas; era algo que iba mucho más allá de lo que nosotros los hombres llamamos personalidad. Las innumerables trasmigraciones que había sufrido su alma le enseñaron a volverse invisible o visible en los momentos señalados para la complicidad con Dios o con algunos ángeles atrevidos. Durante cinco minutos, a mediodía, siempre hacía un alto en el mismo lugar del campo ; con las orejas erguidas escuchaba algo.

El ruido ensordecedor de una catarata que ahuyenta los pájaros y el chisporroteo del incendio de un bosque, que aterra las bestias más temerarias, no hubieran dilatado tanto sus ojos; el antojadizo rumor del mundo que recordaba, poblado de animales prehistóricos, de templos que parecían árboles resecos, de guerras cuyas metas los guerreros alcanzaban cuando las metas ya eran otras, la volvían más caprichosa y más sagaz. Un día se detuvo, como de costumbre, a la hora en que el sol cae a pique sobre los árboles, sin permitirles dar sombra, y oyó ladridos, no de un perro, sino de muchos, que corrían enloquecidos por el campo.

De un salto seco, la liebre cruzó el camino y comenzó a correr ; los perros corrieron detrás de ella confusamente.
_ ¿Adónde vamos? _ gritaba la liebre, con voz temblorosa, de relámpago.
_ Al fin de tu vida _ gritaban los perros con voces de perros.

Este no es un cuento para niños, Jacinto; tal vez influida por Jorge Alberto Orellana, que tiene siete años y que siempre me reclama cuentos, cito las palabras de los perros y de la liebre, que lo seducen. Sabemos que una liebre puede ser cómplice de Dios y de los ángeles, si permanece muda, frente a interlocutores mudos.

Los perros no eran malos, pero habían jurado alcanzar la liebre sólo para matarla. La liebre penetró en un bosque, donde las hojas crujían estrepitosamente; cruzó una pradera, donde el pasto se doblaba con suavidad; cruzó un jardín, donde había cuatro estatuas de las estaciones, y un patio cubierto de flores, donde algunas personas, alrededor de una mesa tomaban café. Las señoras dejaron las tazas, para ver la carrera desenfrenada que a su paso arrasaba con el mantel, con las naranjas, con los racimos de uvas, con las ciruelas, con las botellas de vino. El primer puesto lo ocupaba la liebre, ligera como una flecha ; el segundo, el perro pila ; el tercero, el danés negro ; el cuarto, el atigrado grande ; el quinto, el perro ovejero ; el último, el lebrel. Cinco veces la jauría, corriendo detrás de la liebre, cruzó el patio y pisó las flores. En la segunda vuelta, la liebre ocupaba el segundo puesto, y el lebrel siempre el último. En la tercera vuelta, la liebre ocupaba el tercer puesto. La carrera siguió a través del patio; lo cruzó dos veces más, hasta que la liebre ocupó el último puesto. Los perros corrían con la lengua afuera y con os ojos entrecerrados. En ese momento empezaron a describir círculos, que se agrandaban o se achicaban a medida que aceleraban o disminuían la marcha. El danés negro tuvo tiempo de levantar un alfajor o algo parecido, que conservó en su boca hasta el final de la carrera. La liebre les gritaba :
_ No corran tanto, no corran así. Estamos paseando.

Pero ninguno la oía, porque su voz era como la voz del viento.

Los perros corrieron tanto, que al fin cayeron exánimes, a punto de morir, con las lenguas afuera, como largos trapos rojos. La liebre, con su dulzura relampagueante, se acercó a ellos, llevando en el hocico trébol húmedo que puso sobre la frente de cada uno de los perros. Éstos volvieron en sí.

_ ¿Quién nos puso agua fría en la frente? _ preguntó el perro más grande _, y ¿por qué no nos dio de beber?
_ ¿Quién nos acarició con los bigotes? _ dijo el perro más pequeño. Creí que eran las moscas.
_ ¿Quién nos lamió la oreja? _ interrogó el perro más flaco, temblando.
_ ¿Quién nos salvó la vida? _ exclamó la liebre, mirando a todos lados.
_ Hay algo distinto _ dijo el perro atigrado, mordiéndose minuciosamente una pata.
_ Parece que fuéramos más numerosos.
_ Será porque tenemos olor a liebre _ dijo el perro pila rascándose la oreja. No es la primera vez.

La liebre estaba sentada entre sus enemigos. Había asumido una postura de perro. En algún momento, ella misma dudó de si era perro o liebre.

_ ¿Quién será ese que nos mira? _ preguntó el danés negro, moviendo una sola oreja.
_ Ninguno de nosotros _ dijo el perro pila, bostezando.
_ Sea quien fuere, estoy demasiado cansado para mirarlo _ suspiró el danés atigrado.

De pronto se oyeron voces que llamaban :
_ Dragón, Sombra, Ayax, Lurón, Señor, Ayax.

Los perros salieron corriendo y la liebre quedó un momento inmóvil, sola, en el medio del campo. Movió el hocico tres o cuatro veces, como husmeando un objeto afrodisíaco. Dios o algo parecido a Dios la llamaba, y la liebre acaso revelando su inmortalidad, de un salto huyó.

la poétique musicale du rêve des « Jardins sous la pluie », voire « La Mer », de Claude Debussy, sous le regard aigu de Jean-Yves Tadié

10mar

Avec « Le Songe musical _ Claude Debussy« 

(paru au mois de novembre 2008, aux Éditions Gallimard, dans l’excellente collection « L’Un et l’autre« , que dirige Jean-Bertrand Pontalis),

le remarquable proustien (« Proust et le roman _ Essai sur les formes et techniques du roman dans « A la Recherche du Temps perdu »« ) qu’est Jean-Yves Tadié nous mène, avec ravissements, sur les chemins mouvants et liquides de la poïétique (de « rêverie ») d’un autre immense créateur, avec Proust _ « ils peuvent chacun en son domaine prétendre au titre de plus grand artiste français« , page 187 (en tête d’un chapitre, bref, mais riche, « Proust et Debussy« ) _, sur les traces des secrets de la création : musicale, cette fois, de Claude Debussy (Saint-Germain-en-Laye, 22 août 1862 – Paris, 25 mars 1918)

_ Marcel Proust : Paris, 10 juillet 1871 – Paris, 18 novembre 1822 :

Debussy et Proust sont d’exacts contemporains : « ils auraient pu se connaître, devenir amis » ; mais ils « eurent des relations difficiles » ; car « Proust est ami de Reynaldo Hahn. Mais voilà, Debussy et Reynaldo Hahn ne s’entendent pas : l’un tient la musique de l’autre pour peu de choses, l’autre le trouve franchement antipathique » ; ainsi marche le monde… Cependant « Proust adore « Pelléas«  » _ page 189 _ ; et il « place l’œuvre du compositeur dans son intrigue«  _ de « La Recherche » _, en la joignant au goût de Debussy pour Chopin ; « et l’air de Pelléas au sortir du souterrain : « Ah ! Je respire enfin ! » (air du reste inspiré du chant des prisonniers de « Fidelio« , note Proust) exprime le soulagement d’apprendre que Chopin revient à la mode« … _ pages 189-190…

L’objectif de ce passionnant et très riche essai

(bien à tort réputé « genre léger, subjectif, condamnable » _ cf la remarque ironique de la page 79, à propos des « professeurs de littérature » de « la Sorbonne de la fin des années cinquante » !..)

est rien moins que la recherche d' »un art poétique » : « retracer (l)a démarche créatrice, qui est obscure«  _ page 14 ; mais en va-t-il jamais autrement ?.. _ de Debussy :

« la musique » étant « un autre langage » que celui d’un écrivain : « même s’il est directement relié à l’âme, la traduction _ transposition d’un medium à un autre _ est réservée. Elle n’est pas rationnelle« … C’est donc au « mystère » de la musique _ ainsi que « dans la musique«  (page 11) _ de Debussy que va s’appliquer l’effort de sagacité de Jean-Yves Tadié en cet « essai«  :

« Le mot _ « mystère » _ est familier à Debussy, qui l’applique magiquement à Turner, « le plus beau créateur de mystère qui soit en art », et repris par Jankélévitch dans le titre du plus beau livre _ « Debussy et le mystère » _ écrit _ paru en 1949 aux Éditions de la Baconnière _ sur le musicien » (page 13).

Précisons le défi :

« Il ne s’agit pas seulement de s’enfouir dans une œuvre comme dans une maison, de s’y blottir sous les couvertures, mais, se retrouvant dans l’auteur et dans sa musique, d’en ressortir _ toutes ces métaphores spatiales ont du poids… _ avec une lumière nouvelle. Finalement, je ne comprends de Debussy que ce que j’ai d’abord, jadis ou maintenant, éprouvé _ forcément : il n’y a pas d’autre chemin, jamais, de la pensée (y compris de l’analyse philosophique) que la voie (à fleur des sens) de l’æsthesis... (…) C’est par la reproduction _ l’expression est volontairement rugueuse, maladroite, inadéquate : pour au mieux manifester l’impossible défi à relever, dans le genre des ascensions follement escarpées, à fleur de roches coupantes pour le corps-instrument à (se) forger… _ en soi _ il n’y a pas d’autre voie _ de ce qu’on croit être l’autre _ à rejoindre enfin ! qui le recherche ?.. et à ce point ?.., sinon dans certaines amours… _ que l’on peut retracer sa démarche créatrice _ celle du génie, aventureux, qui ose, s’élance, avance même difficilement en la « fantaisie » de son « songe« , à la fois libre, et complexe, dans la danse reptilienne de ses « arabesques« … _, qui est obscure«  (page 14) _ et que la réception (æsthétique) permet d’espérer re-constituer (et noter, écrire !), en de merveilleuses approximations, s’efforçant de mettre ses pas (d’écoute _ et d’écrivant !) dans les siens (de compositeur)…


Claude Debussy, tout en étant de son temps (marqué par le symbolisme : il est « un être de fuite«  _ page 28 _, affecté d’« une mélancolie profonde«  _ page 29 _), est un lutteur, en révolte perpétuelle : non seulement il rejette tous les académismes, mais « peu d’hommes trouvent grâce à ses yeux ; et il ne loue la musique d’aucun compositeur contemporain : ni de Fauré, ni de Franck, ni de Chausson, ni de Dukas, ni de Roger Ducasse, ni de Caplet, ces derniers pourtant amis et disciples, ni de Ravel » _ page 29.

« Je veux écrire mon songe musical, dit Debussy en 1911, avec le plus complet détachement de moi-même« , précise Jean-Yves Tadié, page 36 : « Debussy ne se plaît que dans son monde intérieur : « Je ne puis concevoir de plus grand plaisir que d’être assis sur mon fauteuil devant ce bureau, en regardant les murs qui sont autour de moi, jour après jour, nuit après nuit. Dans ces perspectives  je ne vois pas ce que vous voyez dans les arbres devant ma fenêtre, je ne vois ni n’entends comme vous. Je vis dans un monde imaginaire _ celui de sa poïesis _, mû par quelque chose que me suggère _ seulement ! _ mon environnement intime _ plus ou moins prosaïque, et plus ou moins partagé, lui (avec ses proches ; et contemporains) _, plutôt que par des influences extérieures, qui me distraient _ de cette poïesis _ sans rien m’apporter. J’éprouve une joie exquise à fouiller profondément _ nous y voilà : en ce travail fécond et secret de l’œuvrer ! de l’artiste, qui s’y soumet alors, en permanence… _ en moi-même ; et si quelque chose d’original doit sortir de moi _ par cette poïesis _, ce ne peut être que de cette manière », page 37. « Le compositeur, poursuit Jean-Yves Tadié, est d’autant plus enfermé en lui-même que, contrairement aux écrivains, il ne peut pas raconter autrement que par transposition dans le langage verbal ou en le chantant, ce qu’il écrit _ musicalement _ ; et qu’il n’y a pas de travail plus ardu, douloureux  _ en son exploration des sens qui s’y adonnent, d’abord en aveugles : dans l’obscurité (sonore) qu’il s’agit de percer, peu à peu, en avançant, de mettre à jour, en la dé-couvrant, phrase à phrase, son à son, sonorité par sonorité sensiblement décapée _, que de rechercher des associations de timbres entièrement nouvelles, des phrases qu’on n’avait jamais encore entendues. On peut rêver _ voilà le mot pour dire cette phantasia-là… _ en musique, ou de la musique. Y a-t-il une musique onirique ? Celle des fantaisies, des ballades, des rapsodies pour clarinette ou saxophone, celle de « Jeux« , du « Prélude à l’après-midi d’un faune » ? Celle qui échappe à l’ordre non de la raison verbale, mais de la raison musicale, des développements de la surprise _ mais oui ! _ ? Le portamento, le rubato seraient autant de libertés rêveuses _ cette alliance est bien tout le secret de cette aventure improbable, impitoyable (à corps éperdument livré !) et si exquisément délicieuse (aussi : enchanteresse !) du créateur en son exploration-découverte !.. _ dans l’interprétation, tout comme les prolongements de la pédale. Et le silence : ce qui est resté de songe au fond de la flûte du faune« , pages 37-38…

« A quoi reconnaître une musique inspirée par le rêve ? Sinon à la rupture incessante, à la condensation de thèmes inattendus, à leur défiguration : marches militaires moquées, rondes de chevaux de bois, leitmotive de « Tristan » replacés dans le « coin des enfants« , sérénades, mais interrompues comme l’œuvre elle-même, « La Sérénade interrompue« , dont le destin s’inscrit dans un seul morceau. La rêverie, on la reconnaît dans « le côté Chopin de Debussy », dans le lyrisme délicieux, qui, hélas !, contrairement à celui de Chopin, ne dure pas : « Arabesques« , « La plus que lente » avaient _ pourtant, un peu… _ laissé espérer le contraire. Le tempérament de Debussy, son inquiétude et la recherche de l’originalité ne le lui ont pas permis. Dans les Évangiles, la transfiguration _ la vie aussi… : en conséquence, il faut apprendre vite ! _ est de courte durée.

Mais elle existe. Ces moments si denses, ils résultent d’une décision _ de la part de l’artiste se livrant à la création _ : « Faisons de la musique contenant toute notre vie », page 38.

Aussi le chapitre « Esthétique«  (pages 57 à 73) recense-t-il « les règles du langage musical« , règles « toutes pratiques«  (page 60), qu’élabore, sur le tas _ « les théories ne naissent que lorsque les œuvres sont créées » (page 58) ; et « chacun doit apprendre à vivre sans école, sans maître, sans disciples », écrit Debussy en 1908, au sommet de sa renommée » (page 60) _, Debussy :

« Premier principe » : Debussy « sent (…) qu’il y a encore beaucoup à explorer et à dire, parce que la musique est « un art très jeune comme moyens et comme connaissance » (…) : presque tout est encore à dire«  (page 61).

« Deuxième principe : tout doit être dit brièvement, sans développement. On composera peu d’œuvres (…) : « Il est superflu de donner beaucoup d’œuvres : il est préférable de donner le plus possible de soi-même dans une seule ; en tout cas, dans un petit nombre »… » (page 62).

« Troisième principe : ne pas se répéter, ne pas « se recommencer », ni copier ceux qui vous ont précédé. « C’est pourquoi, dit Debussy, lorsque je n’ai rien à dire, je ne suis pas tenté d’écrire. » C’est pourquoi il n’a jamais fait un second « Pelléas« . La haine du développement lui est liée, « cette chose si longue et si ennuyeuse » qu’il a fini par détester chez Wagner, parce que les choses les plus inutiles « s’embroussaillent d’un long commentaire« . Il faut que l’action marche et se précipite. Ne jamais se répéter dans une même œuvre ni d’une oeuvre à l’autre. Le développement lui-même devient répétition et à ce titre haïssable.. Chaque sonate doit, par exemple, avoir une composition instrumentale différente. Chaque prélude a un titre différent, un numéro ne suffit pas. Chaque étude, de même. Les drames lyriques, réussis ou manqués, inédits ou publiés, ne se ressemblent pas, semblent dus à des auteurs différents : « Rodrigue et Chimène« , « Pelléas« , « Le Martyre de saint Sébastien« , « La Chute de la maison Usher« . Chaque œuvre doit être nouvelle par rapport à celles qui l’ont précédée«  (pages 63-64).

« Quatrième principe : laisser parler son moi profond. Au prix d’une maturation lente, en ne cultivant que « le jardin de nos instincts ». (…) Cet instinct est personnel, dit Debussy, il exclut les influences, les prescriptions de l’Académie. Ce ne sont pas les autres qui parlent en moi«  (page 64). (…) « Nous resterons par là fidèles à la « fantaisie », « cette chose mystérieuse qui nous fait trouver l’impression juste d’un sentiment ». Un sentiment, pas la réalité comme Bizet, « Maupassant de la musique »…

« Epurons notre musique », s’écrie le compositeur. Le discours musical alors se dépouille de tout ornement, presque de tout thème : « J’arriverai à une musique vraiment dégagée de motifs, ou formée d’un seul motif continu. » Les thèmes apparaissent à peine, avalés par l’orchestre ou le piano, au point qu’il vaudrait mieux parler de développement sans thème et sans fin ; la fin est toujours surprenante, comme chez Ravel, qui la transforme en jeu, en coup de théâtre bref. Dans le drame lyrique, ni airs ni récitatifs. « C’est une atmosphère musicale qui fait corps avec l’atmosphère morale ou physique. » Le chanteur est un être vivant, naturel, et lyrique uniquement quand il le faut, au nom de la « vérité », celle dont se réclament toutes les révolutions. C’est la simplicité, l’orchestre de Mozart«  (page 65).


« Il s’agit de donner au public une impression brève, en représentant la vie même, en percevant le rythme du monde, c’est-à-dire une structure cachée et en mouvement«  (page 66) _ cette formule va magnifiquement au cœur même de la poïétique de Debussy !

« Cinquième principe : de l’audace, de la nouveauté. (…) Il faut oser : « On n’ose vraiment pas assez en musique. » Debussy, qui dès ses vingt ans veut « faire une chose originale », a été toute sa vie en contradiction avec les officiels«  (pages 66-67).

« Sixième principe : la quête de la beauté. L’art n’est ni pour la foule, ni pour l’élite, c’est « de la beauté en puissance qui éclate au moment où il le faut, avec une force fatale et secrète ». « Il faut que la beauté soit sensible, qu’elle nous procure une jouissance immédiate, qu’elle s’impose ou s’insinue en nous sans que nous ayons aucun effort à faire pour la saisir. Voyez Léonard de Vinci, voyez Mozart. Voilà de grands artistes ! » (page 71).

« Septième principe : pureté et simplicité. Toute grande œuvre devient _ mais sans classicisme ! _ un jour classique. (…) Depuis que dans sa jeunesse romaine il a découvert Palestrina, il veut une musique « toute blanche », où l’émotion ne soit pas traduite par des cris, mais par des arabesques mélodiques. Les arabesques en s’entrecroisant produisent des « harmonies mélodiques ». Sur ce chemin, il se réclame de son « grand-oncle Mozart. C’est le plus pur des musiciens, c’est la musique ! » et de Rameau plus proche de son public que de nous ; chaque auditeur, pratiquant lui-même la musique, pouvait comprendre ses modulations et ses audaces (comme l’a rappelé Lévi-Strauss). Ainsi, Debussy retournant à Rameau, se rapproche de nous, dans l’« Hommage à Rameau » et les trois sonates« , pages 72-73.

« Debussy donne de la musique cette définition que je fais mienne : « Ce qu’il faut faire, c’est découvrir les principales impulsions qui ont donné naissance aux œuvres d’art et le principe vivant qui les constitue. » Les principales impulsions nous sont révélées par la biographie ou plutôt par un effort de sympathie, de proximité avec le créateur. Le principe vivant, c’est une forme dynamique, en action, une volonté et une organisation _ ou une désorganisation. Tant de préludes sont comparables à un discours qui se défait lentement, jusqu’au silence«  (page 73)…

Jean-Yves Tadié explicite aussi ce que représente pour Claude Debussy le « style français » : « la liberté«  des « formes traditionnelles de la musique française«  (page 81) ; et qu’explicite le chapitre « Brièveté » (pages 85 à 89) : soit « la brièveté, la concision, la densité, la surprise ; et ses figures écrites : l’asyndète, par exemple.


En latin, Tacite, en grec, Thucydide me donnaient la même impression, le même choc »  _ déjà « entre treize et quinze ans«  (page 85).

« Mais justement, pourquoi la concision, l’ellipse ? C’est que dans les trous, dans l’absence de ce qui n’est pas dit, il y a un secret, peut-être un mystère, quelque chose à chercher, comme dans un problème d’échecs. Les lecteurs _ comme les auditeurs _ sont appelés à travailler, à achever l’œuvre, à dire _ ou penser, ou ressentir _ pour eux-mêmes ce qui ne leur a pas été dit«  _ ou joué… (page 85).

« En musique, c’est tout naturellement que Debussy me semblait culminer dans la brièveté ; non seulement celle de ses pièces pour piano (instrument soliste pour lequel il n’a écrit aucune sonate), mais de ses mélodies, de ses morceaux symphoniques, parce qu’il ne développe jamais. La petite phrase de la sonate de Vinteuil, chez Debussy, on a beau l’attendre, elle ne reviendra pas. Vous avez aimé ce thème ? Trop tard ! Il ne sera pas repris. Si la musique est l’art du temps, chez Beethoven ou Wagner elle s’oppose aussi à son écoulement. Chez le musicien de l’eau, nouvel Héraclite _ qu’est Claude Debussy _, elle l’épouse entièrement. C’est à nous, à notre mémoire, de _ s’essayer, elle aussi, à _ reconstituer ce qui n’est déjà plus là. « Les fées sont d’exquises danseuses«  : cette  danse des fées ne me surprenait pas. Sur la pelouse que dominait notre appartement d’Auteuil, ma mère m’avait expliqué que les cercles qu’on apercevait étaient la trace de la danse des fées« … (page 86).

« La fin du XIXème siècle, comme par réaction à Wagner, est marquée par des artistes à l’œuvre brève (même si c’est _ parfois ! _ la mort qui en a décidé : Chausson, Magnard, Bizet, Satie, Ravel, Séverac, Gabriel Dupont, Fauré même. (…) Cette époque, qui s’étend des « Fleurs du Mal » à André Breton, ne croit pas qu’il faille sans cesse publier, être présent sur le marché et dans une presse d’ailleurs paresseuse et blasée. On rêve _ et le mot n’a rien d’anodin, bien sûr ! _ au contraire d’un livre unique qui enfermerait le monde et son sens. Comme Proust.

Chez Debussy, dont l’œuvre est contenue _ pour nous _ en une vingtaine de disques, la brièveté de l’ensemble se combine avec la concision de chaque morceau. La haine de la forme classique et du développement ne l’explique pas en entier. Il y a toujours quelque chose en lui qu’il ne peut pas exprimer. Franck ou Fauré surprennent notre attente par un développement de plus. Debussy, par un de moins. Certes, on peut rejouer ou réentendre un prélude. Mais il n’en apparaîtra pas moins contracté, pas moins dense, pas moins mystérieux. Combien de « petites phrases » emportent-elles ainsi leur secret !«  (page 88).

(…) « Comme auditeur : je préfère aux longs développements wagnériens les étranglements debussystes. » La formule touche dans le mille. A titre de comparaison, Jean-Yves Tadié dit encore, page 89 : « Les maximes de La Rochefoucauld sont des romans qui ne seront pas développés » : quelle politesse… Ou, à la conclusion du chapitre : « la suppression volontaire de toute contingence bavarde«  : là, l’expression est de Debussy…

Pour lui, la musique « est un art libre, jaillissant, un art de plein air, un art à la mesure des éléments, du vent, du ciel, de la mer ! Il ne faut pas en faire un art fermé, scolaire » alors qu’elle est « la vie même », celle que Debussy a l’ambition de représenter« , énonce Jean-Yves Tadié en réfutation d’un prétendu « réalisme » de Debussy, page 95. Et « Proust, de même, affirme que la vie enfin découverte et éclaircie, c’est la littérature. Ni l’un ni l’autre, ainsi, ne sont réalistes« , page 95, encore.

Par là, « la musique ne peut donc pas se couler dans une forme rigoureuse et traditionnelle ; elle a d’autres devoirs : elle est « de couleurs et de temps rythmés » _ une formule de Debussy dont on mesure l’importance ! L’harmonie « ne se démontre pas, mais s’entend à travers les espaces et se vérifie dans l’accord que fait le ciel avec l’eau », page 97.

Debussy est sans cesse à la recherche de « l’émotion épurée » : « c’est une émotion épurée, abstraite, qui doit être au cœur de l’œuvre et en constituer l’essence : « Gardons-nous de laisser étouffer l’émotion sous l’amoncellement des motifs et des dessins superposés ». On la dégage comme un sculpteur : « Combien il faut d’abord trouver, puis supprimer, pour arriver jusqu’à la chair nue de l’émotion ! »… »

Bref : « Composer n’est pas un exercice rhétorique mais une expérience sensible, sensuelle« , clot son chapitre « Émotion et musique » Jean-Yves Tadié, page 109.

Et du côté du récepteur : « les œuvres de Debussy ne demandent pas qu’on leur obéisse. Elles ne demandent rien, au contraire, elles nous fuient, et c’est nous qui demandons quelque chose aux « poissons d’or«  page 120 : c’est magnifique !

« Pagodes« , « La soirée dans Grenade« , « Jardins sous la pluie » : les titres des œuvres de Debussy, surtout « à partir de sa maturité, suggèrent une promenade à travers le monde et la vie« , dit superbement Jean-Yves Tadié, page 121, en ouverture de son chapitre « La musique a-t-elle un sens ? » (pages 121 à 141). D’une certaine façon, « Quand on n’a pas les moyens de se payer des voyages, il faut suppléer par l’imagination« , se laisse aller à dire Debussy (page 122). Mais c’est que, plus profondément, « il y a chez Debussy, une imagination matérielle des éléments«  _ à la Bachelard.

Mais « soudain, à la fin de sa vie et à son sommet musical, en vieillissant et à mesure que la maladie progresse, Debussy abandonne tout titre poétique ou figuratif : plus de monde, plus de littérature, plus d’ironie : « Études« , « Sonates« . Les œuvres ne renvoient plus qu’à elles-mêmes, la musique à la musique et à la conscience de soi, comme si on n’avait plus besoin d’appâts extérieurs, alors que le contenu musical est au contraire le plus novateur«  (pages 126-127).

De même, et parce que « tout un univers s’y insére, quelle que soit cette durée (d’une œuvre), il faut accélérer considérablement notre perception, notre imagination, notre pensée, à l’exécution ou à l’écoute d’un prélude ou d’une étude, beaucoup plus encore qu’à celle de Chopin » (page 132)

« La musique a un sens. Elle peint ou suggère la vie de l’esprit et du corps«  (page 135). Le sens de cette musique est seulement « intraduisible et pourtant communicable, comme dans l’amour ou la prière silencieuse » (page 141) _ à la grâce de la puissance de l’attention de l’accueil…

Jean-Yves Tadié s’attarde aussi sur l’importance de l’arabesque dans la musique de Debussy : « On peut entendre dans l’arabesque une expression musicale de la caresse amoureuse, de l’extase prolongée en rêverie, mais aussi de la joie de la mélodie sans contraintes, qui jamais ne s’arrête ni ne se clôt sur elle-même. (…) Elle n’a pas de structure circulaire. C’est _ tout _ un monde merveilleux où il n’y a pas de raison extérieure, empruntée aux règles, pour que le charme s’arrête (…) préservé de la mélancolie ou de l’angoisse que l’on sent percer parfois dans la mélodie » de Debussy (page 167). Et « l’obsession de la ligne serpentine (dont parle Mario Praz dans « Mnémosyne« ) est bien _ aussi _ un phénomène d’époque, de Mallarmé à Proust, de Fauré à Debussy » (page 169).

« Tous les effets de flous chers à Debussy _ et issus de ces arabesques serpentines… _ disparaîtront _ bientôt _ sous les coups de la musique moderne. Il n’y a plus de place pour eux chez Stravinski, Bartók, Prokofiev, Chostakovitch, ni dans la musique sérielle. Ils permettent pourtant à la rêverie _ aussi _ de l’auditeur de s’enfoncer, de sombrer miraculeusement dans la musique. (…) Jankélévitch parle, à propos de « Brouillards » et de « Feuilles mortes« , de ce « royaume de l’automne où les rythmes deviennent cotonneux et où le véloce devenir a quitté toute nervosité », tout comme dans les « rythmes relâchés » de « Colloque sentimental« . Tout cela renvoie à la stagnation de l’eau, une eau morte, celle de Mélisande et des symbolistes, celle de « Bruges-la-morte« , de Rodenbach, devenu opéra de Korngold…

Mais ce flou est obtenu à force d’exactitude _ dit Jean-Yves Tadié, page 171. La musique n’est pas une sauce (qui elle-même noie la mauvaise cuisine et les rotis anglais), ni la pédale, dont on a relevé l’effet sombre, brouillé dans « En sourdine » et dans les pièces espagnoles. Rien à voir avec la confusion : pas de compositeur plus précis, plus exigeant, ce qui n’exclut pas la délicatesse du toucher que Walter Gieseking a si bien retrouvée. Casella a noté qu’on avait l’impression que Debussy effleurait, sans marteaux, les cordes de ses doigts«  (page 171).

« La musique de Debussy évoque ou mime le tremblement de la lumière et le tremblement du son, comme la ligne serpentine de l’Art nouveau, comme le flou sémantique et rythmique de Verlaine, comme les hésitations sur le sens mallarméen. « La Cathédrale engloutie » commence, indique la partition, « dans une brume doucement sonore », et « Des pas sur la neige » s’étouffent dans un « tendre et triste regret ». Les sons se brouillent comme les yeux à travers les larmes, parce que le bonheur est toujours déjà passé«  (page 172).

« Debussy étrangle les épanchements _ dit magnifiquement Jean-Yves Tadié, page 174 _ ; il commence parfois à se livrer, puis s’interrompt« . (…) « Un vieux maître italien, un non moins vieux piano signé Ignace Pleyel dont les doux sons semblent évoquer le passé », c’est ainsi que Debussy se rappelle sa petite enfance de pianiste. Tout se passe comme s’il avait voulu, dans sa manière de concevoir et de prescrire le jeu, ressusciter ce passé : la douceur du toucher, chargée de cette mémoire, reste attachée à notre conception du piano debussyste, malgré les efforts pour le transformer en un instrument à percussion, aux sonorités détachées, égrenées comme des perles et aseptisées« , analyse superbement Jean-Yves Tadié, page 180.

Quelques témoignages rapportés nous sont très précieux : par Roy Howat, celui de Dolly de Tinan, « qui lui aurait indiqué que son beau-père insistait sur la polyphonie, la clarté de l’architecture et le caractère rythmique de la danse« , page 180.

« Et quand Debussy jouait lui-même ? C’est Léon-Paul Fargue qui en a le mieux parlé : « Debussy s’asseyait silencieusement au piano du petit cabinet bibliothèque et se mettait à improviser. Tous ceux qui l’ont connu savent ce que cela pouvait être. Il commençait par frôler, par tâter, par faire ses passes, et puis touchait dans le velours, s’accompagnait parfois, la tête baissée, d’une jolie voix de nez, comme d’un chuchotement chanté. Il avait l’air d’accoucher le clavier. Il le berçait, et lui parlait doucement, comme un cavalier à son cheval, comme un berger à son troupeau, comme un batteur de blé à ses boeufs. » (…) Accoucher le clavier : Debussy dit aussi qu’il faut jouer les mains dans le clavier, non au-dessus du clavier. Louis Laloy, son fidèle ami et biographe : « Il avait gardé une délicatesse de toucher et une souplesse des doigts qui semblaient modeler le son gagné de vitesse par ses mains mollement agiles, et l’étendre sans choc en nappes fluides et transparentes ». Son éditeur, Jacques Durand : « Quand il jouait Chopin, cela tenait du prodige » (pages 181-182).

Et « on est très ému d’entendre Debussy _ en personne ! _ au piano, grâce aux enregistrements qu’il avait effectués en 1913 selon le procédé Welte-Mignon sur bandes perforées, qui reproduit à la fois le son et le niveau dynamique des interprètes, les variations de leur toucher, tels qu’ils jouaient et sans correction. (…) Outre le charme des couleurs, ce qui frappe _ avance l’écouteur (de première !) qu’est Jean-Yves Tadié _, c’est le caractère extraordinairement détendu du jeu, son côté improvisateur (au point de prendre de grandes libertés avec ses propres indications) et moelleux« , nous est-il encore très précieusement restitué, aux pages 182-183.

Toute interprétation musicale, mais aussi toute écoute _ et, qui plus est, à chaque fois ! _, doit _ et c’est un impératif absolu ! sinon, ce n’est pas la peine !.. _ ; doit se mettre sur le chemin de l’improvisation première de la « création » de l’œuvre ; dont essaie, toujours, de retenir et les traces, et la vie (de cette « improvisation » même, donc…), ensuite l’acte de la notation et l’écriture sur le papier, par le compositeur ; avec ce qui nous en demeure (= nous en incombe : à nous) « à déchiffrer » ; à travers ce qui (pauvrement) demeure écrit sur la partition… Toute interprétation, comme toute écoute, doit vivre (= respirer !) de cette « inspiration »-là ; c’est-à-dire respirer à son tour de son « grand souffle » se déployant !!! Au participe présent… Sinon, on (= nul) n’est pas là…

Sur le dernier (très beau) chapitre, « Dernière œuvre« , je préfèrerais laisser l’entière découverte au lecteur du livre, même si « Debussy a eu plusieurs « derniers styles », parce qu’il a toujours cherché à se renouveler, à ne jamais rien refaire«  (page 221)… Sinon, peut-être, cette réflexion, page 222 : « Le retour à la tradition française proclamé par Debussy à partir de 1914 n’est que le masque du dépouillement, des solitudes glacées où le génie tente ses dernières explorations. (…) Dans sa période de création miraculeuse de 1915, il semble que Debussy alterne entre l’évocation tragique des circonstances, extérieures et intérieures, la guerre et la maladie, et le refuge dans le paradis de la musique, qui l’emporte : la « Sonate pour flûte, alto et harpe«  » (page 222)… Puis la « Sonate pour violon et piano«  (…) qui « échappe à son auteur » : avec son « tournoiement vertigineux de lambeaux, comme une vie mise en pièces, de discours musicaux qu’on aimerait tant prolonger et qu’on ne peut que réécouter« , aux pages 223 et 224…

Et _ c’est presque le mot de la fin de l’essai de Jean-Yves Tadié « Le Songe musical _ Claude Debussy« , page 228 _ Vladimir Jankélévitch « voyait en Debussy un mystique dionysiaque qui nous parle du mystère de midi« 

Jean-Yves Tadié nous offre aussi l’histoire de sa découverte de l’œuvre de Claude Debussy, notamment les portes que lui ont ouvertes sa grand-mère, venue, il y a longtemps (en 1896, page 174), de Roumanie ; puis sa mère, traductrice de Henry James (« Les ailes de la colombe« )


Et il cite aussi quelques grands disques : dont le « Concerto pour deux violons«  de Bach par Yehudi Menuhin et Georges Enesco (dont le « charme » de la musique ne s’arrête pas, page 167) ; et la « Sonate pour violon et piano » de Debussy, par Yehudi Menuhin et Benjamen Britten, « au festival d’Aldeburgh, en 1959 » : une interprétation « si audacieuse : rapide et violente« , page 224

Et enfin une belle bibliographie, « Books’ Corner« , page 231, avec les meilleurs livres sur Claude Debussy :

les « grandes biographies« ,

« celle de Lockspeiser, plus esthétique et augmentée de l’analyse musicologique due à Harry Halbreich« ) ;

« celle, plus psychologique et tournée vers le rôle des femmes, de Marcel Dietschy » ;

et « celle scientifique et critique de François Lesure _ « Claude Debussy« … _ , qui vérifie tous les faits et réexamine tous les témoignages« .

« Pour Debussy et les arts, le beau livre _ « Harmonie en bleu et or _ Debussy, la musique et les arts » _ de Jean-Michel Nectoux« .

Et « pour la signification philosophique, dès 1949, l’admirable essai _ »Debussy et le mystère« … _ de Jankélévitch« …

Ainsi que l’iconographie « procurée dans les « Documents iconographiques » parus chez Pierre Cailler, et dans celle de François Lesure« .

Sans oublier « la monumentale « Correspondance«  (Gallimard, 2007), éditée par François Lesure, Denis Herlin et Georges Liébert« …

Merci à eux tous,

et à Jean-Yves Tadié : nous entrerons un peu mieux, ainsi, dans le « monde » assez « merveilleux » de l’artiste Claude Debussy…

Titus Curiosus, ce 10 mars 2007

Chercher sur mollat

parmi plus de 300 000 titres.

Actualité
Podcasts
Rendez-vous
Coup de cœur