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Ecouter l’admirable chanson « Tu crois ô beau soleil », de Louis XIII (et Pierre de La Barre) : magique acmé du génial CD d’Arnaud De Pasquale « Le Fier virtuose _ le clavecin de Louis XIII »…

20jan

Le magique _ et magistral ! _ CD « Le Fier virtuose _ le clavecin de Louis XIII » (CD Château de Versailles Spectacles CVS 047) du claveciniste _ virtuose… _ Arnaud De Pasquale _ avec ici, un bref échantillon vidéo de 2′ _,

a probablement pour acmé la chanson _ merveilleuse ! _avec ses variations _ splendides : par Pierrre de La Barre, épinette et organiste du roi…_,  composée par le roi Louis XIII lui-même, « Tu crois ô beau soleil« ,

telle que rapportée et spécifiquement notée par Marin Mersenne en son « Harmonie universelle » (de 1636-37)…

De cette chanson composée par Louis XIII,  une seule version chantée m’a jusqu’ici été accessible sur le web :

celle réalisée, en 1967, sur le disque Pathé-Marconi DTX 329 _ cf ici les intéressantes précisions données au verso de ce disque… _ intitulé « Louis XIII Roi de France » _ un enregistrement comportant, outre cette chanson « Tu crois ô beau soleil«  (suivie de ses diminutions réalisées par Pierre Chabanceau de La Barre, « épinette et organiste du Roi et de la Reyne«  : des diminutions « que les mains les plus adroites et les plus vites peuvent exécuter« , comme l’indique Marin Mersenne, « afin que cet exemple serve d’idée à la perfection du beau toucher« …), le célèbre « Ballet de la Merlaison«  (de 1635), ainsi que les brefs Psaume CXXX et Psaume V _, par divers musiciens du Groupe des Instruments Anciens de Paris, dirigé par Roger Cotte :

les chanteurs Geneviève Roblot (soprano), Michel Fauchet, Jacques Husson (ténors) et Bernard Cottret (basse), avec, au luth, Jean-Pierre Cotte, et au clavecin, pour les diminutions, Marcelle Charbonnier.

Sur ce précieux podcast de 24′,

le « Ballet de la Merlaison » est donné du début jusqu’à 12’54 ;

et c’est à 12′ 55 que débute la chanson « Tu crois ô beau soleil« , interprétée par les 4 chanteurs ;

puis, de 15′ 02 à 21′ 24, la claveciniste Marcelle Charbonnier interprète les diminutions réalisées par Pierre de La Barre sur la chanson du roi… 

On peut comparer cette réalisation de 1967 avec celle de février 2005, instrumentale seulement, cette fois, et historiquement mieux informée _ et vraiment très belle, déjà… _ d’Olivier Schneebeli, avec les Symphonistes du Centre de Musique Baroque de Versailles, sur le très réussi CD Alpha 097 intitulé « Nicolas Formé _ Le Vœu de Louis XIII » :

le podcast de la chanson dure ici 2′ 24…

Pour revenir à l’interprétation, absolument, merveilleuse, au clavecin, d’Arnaud De Pasquale

en son admirable CD « Le Fier virtuose _ le clavecin de Louis XIII » (CD Château de Versailles Spectacles CVS 047),

celle-ci se situe à la plage 20 de ce CD (d’une durée totale de 70′ 36),

et dure 9’46 :

elle constitue à coup sûr l’acmé de cet admirable travail d’interprétation d’Arnaud De Pasquale… 

Le 10 janvier dernier, sur l’excellent site ResMusica,

l’excellent organiste Frédéric Muñoz, a publié une excellente très éclairante chronique, très justement intitulée « Arnaud De Pasquale nous révèle le clavecin français sous Louis XIII« ,

que je m’empresse de donner ici,

avec mes farcissures :

Arnaud de Pasquale nous révèle le clavecin français sous Louis XIII

Le clavecin en France sous Louis XIII représente la période d’éclosion _ oui ! _ de cet instrument, appelé à s’imposer jusqu’à la fin de l’Ancien Régime. Arnaud de Pasquale nous propose de mieux connaitre ce monde fascinant, inspiré par la danse _ un art très français _ et par l’Italie.

Le règne de Louis XIII se déroule depuis la mort d’Henri IV en 1610 et ce durant 33 ans _ 14 mai 1610 – 14 mai 1643. Comme nous l’explique Arnaud de Pasquale, ce monde déjà lointain ne laisse que quelques traces _voilà _ presque tardives _ oui _ à l’exception de rares pièces dont l’une _ la chanson « Tu crois, ô beau soleil » composée par le roi Louis XIII, suivie de ses diminutions réalisées par l’épinettiste du roi, Pierre de La Barre _ dans le Traité de l’Harmonie universelle du Père Marin Mersenne, et d’autres de Jacques Champion de Charbonnières ou de Louis Couperin. Cette période connait sous l’impulsion même du roi, danseur _ oui _ et compositeur _ oui _, un élan sensible vers la musique de ballet _ oui _ où la danse occupe _ bien sûr _ une place centrale. Divers instruments _ oui _ servent ces musiques dont le luth, la viole ou le clavecin. L’improvisation y est très présente _ oui, ainsi que les diminutions _ ce qui permet d’adapter au mieux les situations. Le programme offre ainsi une quarantaine de pièces dont certaines sont originales _ au disque _ et constituent quelques points de repères utiles. Les autres sont des adaptations pour le clavier _ voilà _ par l’interprète. Tout un monde nouveau _ oui : à dimension de continent, même ! _s’offre alors à l’écoute au travers de musiques issues de ballets de cour ou un groupe assez vaste d’auteurs _ oui ; ainsi que quelques pièces demeurées anonymes, aussi _ intervient.

Une ambiance de fête _ absolument ! _ traverse ce disque _ et il fallait bien çà pour ce roi au tempérament mélancolique… J’ai déjà dit ailleurs (cf mon livret du  CD « Un portrait musical de Jean de la Fontaine«  dont j’ai composé 90 % du programme…), que le chanteur (d’origine bayonnaise), Pierre de Nyert (1597 – 1682) était à disposition permanente, jour et nuit, du Roy, pour le distraire de ses accès de mélancolie… Les pièces sont judicieusement regroupées par tonalités en quatre suites en ut, ré, fa et sol, mais l’auditeur pourra s’amuser à les écouter également en lecture aléatoire comme le permettent la plupart des appareils. On découvrira même _ au moins _ deux pièces écrites par le roi Louis XIII lui même _ oui : il a probablement participé à quelques pièces de divers ballets de cour… Ces musiques s’inspirent encore du siècle passé _ oui _  où la danse était omniprésente en Europe _ et plus particulièrement encore en France ; mais les musiques, de même que les musiciens, d’ailleurs, aussi, circulaient beaucoup, beaucoup, de par l’Europe entière… _, comme l’atteste cette Courante de Michael Praetorius, réminiscence de la Renaissance.

Arnaud de Pasquale a choisi deux clavecins qui lui paraissent traduire au mieux la musique française de ce début du XVIIᵉ siècle. Aucun clavecin français de l’époque _ hélas _ ne subsiste, le premier _ conservé _ étant de 1658, construit par Jean Denis ; aussi le claveciniste s’est-il plutôt tourné vers des copies d’instruments qui circulaient à la cour à cette époque, notamment des modèles flamands et italiens. On entendra ici un instrument d’esprit italien construit en 2005 à Barbaste par Philippe Humeau _ oui _  et un autre, flamand, restauré par Emile Jobin en 1991, édifié par Ioannes Rückers, de 1612. Ces instruments sonnent assez différemment de ceux qui viendront par la suite _ oui _ et exaltent magnifiquement _ oui, oui _ ce répertoire _ plutôt jubilatoire (et éloigné de la musique anglaise, à la Dowland)… _ de danceries et de chansons…

Dans cette frénésie rythmique _ voilà ! que sert splendidement la virtuosité dépourvue de tout maniérisme d’Arnaud De Pasquale _ on retrouve les fastes de la Renaissance pas si éloignés encore _ certes… Et Louis XIII, très cultivé, avait aussi une mère italienne… Une montée en puissance s’opère par moments jusqu’à demander la complicité _ jubilante _ de François Guerrier au deuxième clavecin dans quelques mouvements endiablés _ voilà : mais sans hystérie… _ qui rendent les instruments envahissants enivrants _ oui. Arnaud de Pasquale transcende ces répertoires « retrouvés » par un jeu très vivant _ oui ! _ et puissant _ oui _, et par la portée _ éloquente _ qu’il procure au discours _ oui. Le clavecin ainsi représenté préfigure l’époque suivante qui verra l’apogée _ à partir de Frescobaldi, Froberger et Louis Couperin, pour commencer… _ de cet instrument sous les règnes de Louis XIV et Louis XV, et se prolongera jusqu’à la fin de la royauté avec l’arrivée du pianoforte _ en effet.

Œuvres d’Etienne Moulinié (1600-1669), Jacques Chambonnières (1601-1672), Charles Bocquet (1570-1615), Anthoine Boësset (1586-1643), Louis XIII (1601-1643), Louis Couperin (1626-1661), Guillaume Dumanoir (1615-1697), Michael Praetorius (1571-1621), Claude Le Jeune (1528-1600).

Quatre Suites en Ré, Ut, Fa et Sol d’après divers auteurs français du XVII° siècle, reconstituées et jouées par Arnaud de Pasquale :

clavecins Philippe Humeau et Emile Jobin d’après Joannes Ruckers et un modèle italien.

1 CD Château de Versailles Spectacles.

Enregistré au château de Montgeroult en septembre 2019.

Livret en français, anglais et allemand.

Durée : 70:36

Un CD absolument enthousiasmant !!!

Et donc indispensable !!!

Ce jeudi 20 janvier 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

Musiques de joie : la formidable jubilation musicale de la frénésie retenue, contenue, de La Valse de Ravel ; par Jean Martinon, par Martha Argerich et Nelson Freire, et par Beatrice Rana

20mai

Il y a quelque chose d’une frénésie rageuse mais retenue, contenue,

dans La Valse de Ravel,

composée dans la solitude montagneuse de Lapras, près de Lamastre, en Ardèche,
entre le tout début de décembre 1919 et le 15 avril 1920
50 pages de musique en quatre mois et demi de travail acharné : Ravel est un perfectionniste.
A Lapras, dans les Cévennes,
en la résidence secondaire de son ami André-Ferdinand Hérold,
où Ravel s’était réfugié, pour pouvoir travailler vraiment au calme dans une solitude absolue _ sans voir personne _,
au sortir de la Grande Guerre,
et marqué, aussi _ à jamais _, par la perte de sa mère, le 5 janvier 1917.
Car ce n’est qu’un peu plus tard, en janvier 1921, que Maurice Ravel achètera sa petite maison de Montfort-L’Amaury, Le Belvédère :
« C’est à son amie Georgette Marnold, fille de son ami critique musical Jean Marnold, que revient le mérite d’avoir trouvé le Belvédère en décembre 1920. Le 25 mars 1920, le musicien lui avait confié _ la lettre se trouve aux pages 688-689 de l’indispensable Intégrale de la Correspondance de Maurice Ravel réunie très efficacement par Manuel Cornejo _ la mission de lui trouver une maison en ces termes :
Je me suis si bien fait à la solitude – un peu mortelle, c’est vrai : mais ça ne me gêne pas – que je vais vous prier de vous enquérir d’une bicoque à 30 km au moins de Paris. Vous avez le temps : je ne compte pas rentrer avant fin avril. […] Je pense quelquefois à un admirable couvent, en Espagne. Mais, sans la foi, ce serait complètement idiot. Et le moyen d’y composer des valses viennoises et autres fox-trotts »…
Ravel n’avait plus rien pu composer depuis son Trio,
à Saint-Jean-de-Luz, rue Sopite, l’été 1914.
La Valse pour orchestre _ est une commande chorégraphique,
à partir d’un projet déjà ancien, 
dont Ravel réalisera d’abord par commodité pratique de composition _ une version pour piano seul ;
ainsi, ensuite, qu’une transcription _ afin d’y inscrire durablement et conserver, pour le piano aussi, quelque chose de proprement orchestral : on sait le génie ravelien de l’orchestration..pour piano à quatre mains.
L’œuvre, avant de prendre ce titre
assez archétypique : « une espèce d’apothéose de la valse viennoise
à laquelle se mêle dans mon esprit l’impression d’un tourbillon fantastique et fatal » :
le moindre mot, comme toujours chez Ravel, est capital ! Qu’on y médite !.. _
de La Valse,
fut d’abord, dans la tête de Ravel, intitulée Wien.
Et de fait, ce fut bien à Vienne, en Autriche,
que fut interprétée pour la première fois, et avec grand succès, la version pour piano à quatre mains de La Valse,
par Maurice Ravel et son ami Alfredo Casella, le 23 octobre 1920 ;
et cela pour la plus grande joie du compositeur…
Quant à l’œuvre symphonique chorégraphique
commandée dans l’optique d’un ballet (destiné au départ à Serge Diaghilev ; et qui n’en voulut hélas pas, au final : Ravel et lui se fâchant alors définitivement !..) ; 
et l’œuvre fut dédicacée, in fine, à l’amie Misia Sert _,
sa première a eu lieu à la salle Gaveau, à Paris, le 12 décembre 1920,
par l’Orchestre Lamoureux.
 En tête de la partition Ravel a écrit le descriptif _ très explicitement onirique _ suivant :
« Des nuées tourbillonnantes laissent entrevoir, par éclaircies, des couples de valseurs. Elles se dissipent peu à peu : on distingue une immense salle peuplée d’une foule tournoyante. La scène s’éclaire progressivement. La lumière des lustres éclate au ff. Une Cour impériale, vers 1855. »
Soit une démarche à la fois fantastique et ombrée de nostalgie _ qui semble anticiper de quelques années le chef d’œuvre d’exil au Brésil, très loin de Vienne _ du pur viennois, lui, qu’était Stefan Zweig,
le merveilleux et essentiel Le Monde d’hier _ Souvenirs d’un Européen
Et on remarquera que le tapuscrit du Monde d’hier fut expédié par Zweig à son éditeur le 21 février 1942,
soit la veille même des suicides conjoints de Stefan Zweig et son épouse, à Petropolis, au Brésil, le 22 février 1942.
Soit un legs en quelque sorte testamentaire de la part du viennois. 
Pour cette rayonnante Valse orchestrale-ci de Maurice Ravel,
j’ai choisi l’interprétation _ magistrale de frénésie contenue, suprêmement élégante en la sensualité si charnelle de ses frémissements presque jusqu’à la fin retenus… ;
la personnalité complexe (et résolument tenue secrète) de Maurice Ravel, tant l’homme que le compositeur, demeure mystérieuse ;
et c’est seulement en sa musique qu’elle se laisse, encore discrètement, entrevoir… _
de Jean Martinon
à la tête du Chicago Symphony Orchestra,
enregistrée à Chicago, par Decca, le 16 mai 1967
soit le CD n° 10 du coffret RCA 88843062752.
L’écouter ici avec ce bienvenu podcast de youtube.
C’est une merveille absolue de sensualité.
Quelle intelligence de chef
si intensément ravelien !
Pour la version pour piano à 4 mains de La Valse,
j’ai déniché cette vidéo d’une interprétation brillante, forcément, de Martha Argerich et Nelson Freire en octobre 2003 à Tokyo ;
et cette autre, par les mêmes, et plus merveilleuse encore, prise vingt et un ans plus tôt, à Munich, en 1982.
Et pour la version pour piano seul,
j’aime beaucoup l’interprétation de Beatrice Rana en son récent CD Warner Classics 0190295411091, en 2019 ;
ainsi que cette vidéo prise le 3 juin 2019.
On comprend ainsi assez bien ce qui a pu conduire, ensuite, Ravel à composer, en 1928,
et sur commande de la danseuse Ida Rubinstein,
en un assez similaire projet chorégraphique,
son encore plus vertigineux Bolero.
Je remarque ainsi, au passage, le lien très profond qui unit Maurice Ravel
au plus consubstantiel, probablement, du génie de l’esprit français,
je veux dire la tendresse la plus sensuelle inscrite en la légèreté la plus aérienne de l’envol,
parfois jusqu’au vertige, mais le plus souvent, sinon toujours contenu, du moins retenu, élégant, jamais sauvage,
de la danse
_ et je pense ici, aussi, au très lucide Degas, danse, dessein du magnifiquement subtil, et très sensuel, lui aussi, Paul Valéry, publié en 1936 :
la France (les Suites pour clavecin de Louis Couperin, Rameau, Degas, Ravel, Valéry) est d’abord une civilisation… _ :
le lien très consubstantiel de cette musique française à la danse…
Et Ravel, comme Rameau, et comme Louis Couperin,
fait très profondément corps musicalement à ce génie français de la joie de la danse.
En leur si parfaite élégance sensuelle, ces trois Valses-ci de Maurice Ravel
sont superbement, et « à la française », jubilatoires…
Ce mardi 28 avril 2020, Titus Curiosus – Francis Lippa
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