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Langage de la parenté versus jeu contingent des affinités, ces alliances de différences : un éloge du nomadisme et de la créolisation, à la Edouard Glissant, par François Noudelmann dans « Les enfants de Cadillac » ; soient un regard depuis New-York, pour François Noudelmann, et un regard de sa tour bordelaise, à la Montaigne, pour Titus Curiosus – Francis Lippa…

25mai

Ce jeudi 25 mai,

je poursuis pour le cinquième jour ma quête de ce que je caractérise, en lisant, dans l’enthousiasme, cette pépite et ce trésor, qu’est, de François Noudelmann, son « Les enfants de Cadillac« , comme une prise de conscience progressive, par l’auteur, au fil de ses découvertes, recherches, puis re-découvertes, d’une vie mouvante et émouvante, sienne, de « tensions entre affiliations (et plus encore désafilliations, ruptures, coupures, fuites, départs, déplacements, éloignements…) et un jeu contingent et ouvert, renversant, d’affinités de rencontres, alliances de différences (nourrissantes, greffantes et métamorphosantes, bien plus que de ressemblances fermées et fermantes, aliénantes), ou les routes et déroutes d’un homme (et « amant à double vie« , dit-il aussi...) plus libre« …

Cf donc la continuité de mes articles précédents :

_ du dimanche 21 mai : « « 

_ lundi 22 mai : « « 

_ mardi 23 mai :  « « 

_ et mercredi 24 mai : « « 

De fait, une autre logique que celle la plus attendue (de la part des généalogistes), se fait jour et se dessine très clairement, page 189 :

« Les généalogistes, obsédés par la continuité _ chaque génération succédant à celle (de ses parents) qui la précède, déjà génétiquement, même s’il n’y a jamais, et de loin, pure et simple duplication (clonage !) d’individus… _, sous-estiment le marrainage et le parrainage _ par lesquels filleuls et filleules empruntent, par certaines identifications souples et ludiques, bien d’autres traits que ceux directement reçus génétiquement, mais aussi culturellement, de leur père et de leur mère _, qui introduisent du jeu _ de la complexité, de la variété et des variations… _ dans la transmission _ qui est aussi, et pour une très bonne et large part, culturelle ; avec la richissime part des œuvres…….

(…) Il faut bien admettre que certains tuteurs et protecteurs ont nourri cet imaginaire parental, m’obligeant parfois _ plusieurs fois, donc ; pas seulement en quittant Limoges en 1976… _ à devenir un fils fuyant pour ne pas endosser _ tel que l’a endossé Énée quittant Troie en flammes… _ un Anchise trop pesant.

Grâce à eux, je ne suis pas resté dans le no man’s land _ asséchant et destructeur _ où me destinait le ballottage _ acté par le juge des divorces, en 1967 _ entre deux milieux _ celui du père et celui de la mère, chacun des deux bien mal remarié, un peu plus tard, aux yeux de leur fils François _ hostiles ou négligents.

Ces grands aînés, souvent professeurs _ oui, par exemple de Lettres ou de Philosophie ; et aussi de Piano… _, m’ont vu comme un chien perdu au milieu d’un jeu de quilles, et ils m’ouvrirent leurs espaces _ différents (et ouverts d’œuvres vraies et non factices)… _ et m’apprirent _ et c’est fondamental pour l’épanouissement de la personnalité en gestation en ce moment tendu (et souvent à vif) de changement de carapace, et d’éclosion de l’adolescence… _ la passion des œuvres _ un élément capital ! et assurément fondamental ! Même si beaucoup, et même la plupart, craignent et fuient les trop vives passions…

La première fut ma professeur de piano _ je regrette pour ma part que François Noudelmann n’honore pas son récit du nom de celle-ci… _, rencontrée quand j’avais dix ans _ en 1969, donc, et à Lyon où François résidait avec son père, seuls tous les deux, mais ensemble… _ parce qu’il fallait occuper mon temps libre, et qui me fit peu à peu découvrir la musique et bien d’autres choses aussi essentielles, une fois l’adolescence venue. En termes de transmission, elle tiendrait une place majeure dans l’arbre.

(…) Et le dernier, emblématique de ces pères qu’on pourrait dire supplétifs, annexes, cooptés ou assimilés : Édouard Glissant  _ Sainte-Marie, Martinique, 21 septembre 1928 – Paris 15e, 3 février 2011 ; cf le beau livre que François Noudelmann, qui a accompagné son parcours de 1999 à son décès en 2011, lui a consacré, en 2018 : « Édouard Glissant, l’identité généreuse« …   _  fut à la fois le théoricien et le praticien de ces relations imprédictibles, anti-généalogiques, refusant la vérité _ exclusive, réductrice, fermée _ de l’origine, des races et des racines, leur opposant le nomadisme et la créolisation _ ouverts aux grands vents, voilà.

(…) Combien d’autres paternités et maternités, fraternités et sororités sans liens de sang, agrégeons-nous pendant notre existence ?

Le langage de la parenté devrait _ ainsi _ céder _ dans les discours et représentations sociales les plus répandues, dominantes (et idéologiques) _ devant la force _ combien féconde, elle _ de ces adoptions incessantes et laisser place au jeu contingent _ ouvert et créateur, lui _ des affinités, ces alliances de différences _ nous y voici !, page 190. Ce concept d’« affinités«  étant crucial dans l’idiosyncrasie de François Noudelmann ; cf son tout à fait décisif « Les Airs de famille. Une philosophie des affinités« , paru en 2012.

Et il faudrait y ajouter non seulement ces libres cousinages humains, mais aussi des animaux, des livres, des musiques, des habitats, des voyageurs, des événements historiques et des malheurs intimes _ aussi, bien sûr, même si le discret et pudique François Noudelmann est loin de s’y attarder : il les floute plutôt, mais sans totalement les masquer ; car ce serait là mentir… Il faut et il suffit donc de bien le lire… _,

tout ce qui forme et déforme plus ou moins plastiquement _ un être, le nourrit _ et irrigue ; cf l’intuition de ma contribution personnelle, intitulée « Oasis (versus désert) », au « Dictionnaire amoureux de la librairie Mollat« , aux pages 173 à 177 (celui-ci est paru aux Éditions Plon en octobre 2016) ; et cette contribution, je la donne à lire en mon article du 17 juin 2022 : « « , accessible ici _ comme une sève abondante _ oui.

Le hasard des rencontres _ avec le nécessaire concours, aussi, du malicieux (et terrible : son tranchant à l’égard de la pusillanimité et la procrastination étant implacable !) divin Kairos ; cf là-dessus mon article du 26 octobre 2016, comportant mon texte « Pour célébrer la rencontre« , qui constituait l’ouverture de mon essai de 2007 demeuré inédit « Cinéma de la rencontre : à la ferraraise _ ou un jeu de halo et focales sur fond de brouillard(s) : à la Antonioni », à partir de ma lecture très détaillée du chef d’œuvre (bien trop méconnu) de Michelangelo Antonioni « Al di là delle nuvole« , en 1995 ; et mon analyse de sa riche genèse chez Antonioni ;

cf là-dessus les inestimables ressources des volumes publiés par Alain Bonfand aux Éditions Images modernes : « Le Cinéma de Michelangelo Antonioni« , en deux volumes (un volume de présentation, « Le Cinéma de Michelangelo Antonioni« , et surtout, bien sûr, les « Écrits«  d’Antonioni), en 2003 ; ainsi que l’indispensable lui aussi « Ce Bowling sur le Tibre«  d’Antonioni , en 2004… _,

et l’incitation à entrer sur des terrains que je pensais réservés _ socialement _ à d’autres, ont guidé mes routes et déroutes« , lit-on ainsi page 191.

On comprend ainsi comment je me sens personnellement pas mal d’accointances et affinités, déjà, avec ce que François Noudelmann dit ici de sa formation-construction de lui-même _ philosophique, littéraire, musicale, etc. _ et de ses cheminements…

..

Même si je n’ai, pour ce qui me concerne, nulle attraction new-yorkaise _ non plus qu’américaine… _ :

New-York, où le 29 avril 1892, à l’âge de 32 ans (il était né en 1860 à Entradam, alors en Hongrie, mais actuellement en Roumanie), est décédé Samuel Kahan, le grand-père maternel de mon pére, né lui en 1914 _ et c’est un vieux et très émouvant film muet (en yiddish), « Hester Street«  (de Joan Micklin Silver, d’après « Yekl«  d’Abraham Cahan, paru en 1896; cf ici la bande-annonce de ce film), vu, par hasard, au Festival du Film d’Histoire de Pessac, qui m’a permis de comprendre comment certains pères de famille juifs faisaient le voyage de l’Amérique, New-York et Ellis Island, afin d’y préparer la venue de leur épouse et enfants… Samuel Kahan est décédé assez vite après son arrivée. Son épouse et ses trois enfants, Fryderyka, Rose et Nison (né à Lemberg le 25 octobre 1983, et décédé à Haifa en 1949), sont ainsi demeurés alors en Galicie, à Lemberg ; et n’ont pas gagné New-York… Mais lui, Samuel Kahan, est inhumé à New-York. Et je descends de lui, je suis son arrière-petit-fils (né le 12 décembre 1947), via sa fille Fryderyka, ma grand-mère paternelle, et son petit-fils Benedykt Lippa, mon père… Et c’est par la cousine germaine Eva de mon père, fille du frère Nison de Fryderyka, Eva Kahan, épouse Speter (Budapest, 15 mars 1915 – Tel-Aviv, 2007 ; Eva a survécu à un passage à Auschwitz, en 1944 ; et en a laissé des témoignages !..) qu’un soir de juillet 1986, j’ai pris connaissance, au restaurant où elle dînait, de cet arbre généalogique familial galicien… De bref  passage à Bordeaux, et sachant que son cousin Benedykt avait fait ses études de médecine à Bordeaux, Eva Speter, de passage à Bordeaux, était tombée sur le nom de « Lippa » dans l’annuaire téléphonique de Bordeaux qu’elle avait voulu consulter ; et c’est ainsi qu’elle m’avait joint au téléphone : « _ Êtes-vous parent avec le Docteur Benedykt Lippa ? _ Oui, c’est mon père« , avais-je bien sûr répondu… De fait, mon père, lui même très sportif (il a pratiqué très longtemps le tennis ; et avait fait de la boxe en sa prime jeunesse ; il avait aussi appris le violon !), avait raconté plusieurs fois, non sans fierté, qu’il avait une cousine Eva qui, en sa jeunesse, avait été championne de natation, à Budapest : je connaissais donc l’existence de cette cousine Eva ; et c’est probablement une des raisons qui m’avait suggéré, en 1981, de donner le prénom d’Eve à notre seconde fille, née le 10 octobre 1981…Et plus tard, Eva, ainsi que son frère Andrew Samuel Kahan (né à Budapest le 28 février 1921), sont chacun d’eux venus d’Israël rendre visite à mes parents… 

L’épouse de Samuel Kahan, Sara Sprecher (Lemberg, 1860 – Lviv, 1937) _ les Sprecher, très aisés, possédaient plusieurs immeubles à Lemberg – Lwow… _, mon arrière-grand-mère paternelle, la mère de la mère, Fryderyka Kahan, de mon père, le Dr Benedykt Lippa (Stanislaus – Stanislawow – Ivano-Frankivsk, 11 mars 1914 – Bordeaux, 11 janvier 2006), était donc native de la même ville (Lemberg -Lwow – Lvov – Lviv) que Marie Schlimper (Lemberg, 1881 – ?, ?), la mère d’Albert Noudelmann (Paris, 24 juin 1916 – Limoges, 16 juillet 1998), et grand-mère paternelle de François Noudelmann (Paris, 20 décembre 1958)…

Pour ma part, je me sens _ culturellement, philosophiquement et humainement _ proche d’un Montaigne, et de sa lumineuse et si féconde tour, où je pouvais, enfant et adolescent, me rendre à pied dans la journée depuis le domicile familial de Castillon-la-Bataille ;

cette tour dans laquelle très sereinement, et très activement, par l’exercice inventif  de son très alerte penser _ ce que je nomme, en dialogue avec l’amie Marie-José Mondzain, son « imageance«  _, et surtout à l’écritoire de ses « Essais« , Montaigne (Saint-Michel-de-Montaigne, 28 février 1533 – Saint-Michel-de-Montaigne, 13 septembre 1592) _ une fois la si riche conversation effective de l’ami La Boétie interrompue : La Boétie (né à Sarlat le 1er novembre 1530) est décédé à Germignan, près de Bordeaux, le 18 août 1563… _ entretenait un dialogue quasi permanent et archi-vivant _ « tant qu’il y aurait de l’encre et du papier«  ! Et du souffle de vie en lui… _ avec les auteurs _ vivant à jamais dans l’éternité de leur plus vif penser _ des livres de sa bibliothèque, et des inscriptions de citations peintes par lui sur les poutres de sa « librairie », au second étage de la tour ; cf d’Alain Legros le passionnant « Essais sur poutres« …

Je suis donc _ en toute modestie, bien sûr : je ne me prends pas pour Montaigne !.. _ attaché à ma propre tour bordelaise _ avec ses rangées et piles de livres et disques ; mais dénuée de poutres… _, ainsi qu’à la librairie Mollat, et aux dialogues avec les auteurs (d’œuvres) avec lesquels j’ai la passion et la chance insigne de m’entretenir _  voilà ! _ très effectivement _ et pas seulement par la lecture et l’écoute active de leurs œuvres ; j’aime rechercher et découvrir de leur bouche même, en notre échange sur le vif, quels ont été et sont, selon eux, les « sentiers » même les plus secrets de leur création _ ;

cf ce catalogue-ci récapitulatif de podcasts et vidéos de mes entretiens : « « 

Et je me sens aussi pas mal d’accointances et affinités _ déjà philosophiques de fond, mais aussi littéraires : François Noudelmann adore et Montaigne et Marivaux ; si chers à moi aussi ; et musicales : François Noudelmann vénère Fauré, Debussy, Ravel, et Poulenc : moi de même !.. Pour ne rien dire de ses positions culturelles et civilisationnelles ; je les partage absolument aussi… _ avec François Noudelmann,

ne serait que par notre passionnée mélomanie, et notre attention singulière à l’écoute…

Ainsi que nos regards transversaux, à tous deux, sur le réel…

Et ici je renvoie à mon article programmatique qui a précédé, le 3 juillet 2008, l’ouverture de mon blog « En cherchant bien _ carnets d’un curieux« , le 4 juillet 2008 ;

avec un article intitulé, emblématiquement, et je n’y ai pas dérogé depuis, «  » : exemples détaillés à l’appui, il est très explicite ; le consulter ici

Et j’avais choisi d’en baptiser le signataire _ je désirais un nom d’auteur _ « Titus Curiosus« , soit quelque chose, en mon esprit, comme « petit curieux« ,

sans autre ambition que de m’essayer, en pleine liberté, à bien chercher à découvrir vraiment… ; et partager ainsi, par le blog, modestement, sans tapage ni compromission de quelque sorte, ces efforts d’un peu mieux penser, un peu mieux regarder, un peux mieux écouter, un peu mieux sentir et ressentir, les altérités _ en leur  plus authentique singularité et idiosyncrasie : distinctes, donc, et indépendantes de moi-même… Les approcher, simplement, d’un tout petit peu plus près : comme quand on aime vraiment.

« Former son jugement« , disait le cher Montaigne _ en le frottant et osant le confronter, sans timidité ni crainte, à ceux d’autres qu’on estime ou admire : en un dialogue poursuivi, via des œuvres que ces autres ont données et laissées, en une vivante libre interlocution éruptive et féconde, tenue et entretenue (et constamment revue) au présent, avec eux, dans la distance actuelle et exigeante de l’éloignement géographique ou/et historique, en une dimension de quelque chose qui s’apparente, et cela forcément en toute modestie (et avec un brin d’humour, et surtout sans présomption), à comme de l’éternité, dont le signe annonciateur ressenti est la joie… Ce que l’amie Baldine Saint-Girons caractérise superbement comme un « acte esthétique« , en son justissime et si beau « L’Acte esthétique« , pour déclencher et entretenir cette joie du plus vif et actif penser en soi-même : être vraiment vivant, au contact parlant de ces altérités chantantes, à recevoir, et auxquelles répondre, et avec lesquelles, oui, dialoguer vraiment. Et de fait cela advient, vraiment… Vraiment.

Ce jeudi 25 mai 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

De « Une Passion franco-allemande _ Souvenirs du Goethe-Institut de Bordeaux » à « Le Goethe-Institut de Bordeaux _ Une si riche passion intellectuelle franco allemande » : les souvenirs d’une passion (et d’une carrière professionnelle) de Jutta Bechstein-Mainhagu…

14fév

De « Une Passion franco-allemande _ Souvenirs du Goethe-Institut de Bordeaux » _ imprimé au mois de septembre 2022 _ à « Le Goethe-Institut de Bordeaux _ Une si riche passion intellectuelle franco allemande » _ imprimé au mois de février 2023 _,

soient le récit des souvenirs d’une passion (et d’une carrière professionnelle _ dans laquelle a pu se réaliser et s’épanouir cette passion « franco-allemande«  pas seulement « intellectuelle«  !.. _) de Jutta Bechstein-Mainhagu ;

ou ce qui se perd un peu d’une édition libre _ à compte d’auteur _ à une édition dans laquelle le choix du titre revient in fine à l’éditeur…

En lecteur attentif de ces deux ouvrages, bien peu différents, certes,

je regrette personnellement en effet ce qui se perd en lumière de vérité de ce passionnant et passionné récit de celle qui, de lectrice passionnée de littérature, est devenue une  passeuse passionnée et éminemment experte de la culture allemande, à Bordeaux, et très vite en France, puis en Europe, et enfin, avec Internet, dans le monde entier, auprès de lecteurs tant soit peu curieux de l’actualité la plus riche, quasi au jour le jour, de la culture allemande _ ayant à se remettre, difficilement, du poids des gravissimes crimes de l’hitlérisme, puis de celui de ses durables très pesants remords consécutifs : comment donc s’en remettre ?..

Car ce n’est pas à un compte-rendu historique de ce Goethe-Institut de Bordeaux _ qui, d’ailleurs, n’a pas eu souci de se doter d’archives de ses propres activités…que nous avons affaire ici, mais bien aux souvenirs très investis et passés au tamis de sa vive sensibilité, de celle qui dès sa nomination comme bibliothécaire, et son entrée dans les lieux _ alors au 16-ter de la rue Boudet (entre Cours de Verdun et Esplanade des Quinconces) _, le 13 juillet 1972, en fut tout aussitôt une très active et féconde cheville ouvrière,

devenant aussi, tout en fin de carrière _ en « 2012-2013« , est-il indiqué à la page 22 ; alors que Jutta prend sa retraite au mois de janvier 2013 ; et que c’est le 14 décembre 2012 qu’elle a fêté son 65e anniversaire… _, le neuvième directeur-directrice de ce Goethe Institut de Bordeaux,

après Fred Mensdorf (1971 – 1977), Gerhard Trapp (1977 – 1983), Gerhard Koebe (1983 – 1988), Wolfgang Ebert (1988 – 1991), Gisela Kadar (1991 – 1996), Holger Hartmann (1996 – …), Jochen Neuberger (… – 2004), Carmen Marcou (2005 – 2012), Jutta Bechstein-Mainhagu (2012 – 2013), Gertrud de Blay (2013 – 2018), Luise Holke (depuis 2018) ;

après être devenue auparavant, en 1997 _ et cela quinze années durant (1997-2013), c’est-à-dire jusqu’au moment de son départ à la retraite, au mois de janvier 2013 _, l’inventeur et l’animatrice infatigable de ce qu’elle-même a intitulé « le bureau de liaison littéraire du Goethe-Institut » _ à répercussions très vite internationales, même : quelle improbable aventure, au départ, en 1970, à l’âge de 22 ans, de Cobourg pour Paris !..

C’est donc cette passion personnelle de la jeune Jutta Harnatt, née le 14 décembre 1947 à Kronach, en Haute-Franconie (tout au nord du vaste Land de Bavière), devenue plus tard Jutta Bechstein, puis devenue veuve en 1997, Jutta Bechstein-Mainhagu,

qui m’a moi-même passionné par son enthousiasme très communicatif de lectrice attentive et tout à fait perspicace de la littérature allemande, notamment contemporaine ;

avec laquelle, Jutta, je n’ai pas manqué d’avoir régulièrement, moi qui ne suis pas germanophone _ mais mon père, issu d’une famille viennoise, est né le 11 mars 1914 à Stanislaus, en Galicie alors autrichienne _, d’éclairantes conversations, d’abord _ au tout début _, autour de l’œuvre si puissante et marquante, que je découvrais alors, dans les années 80, de ce génie _ autrichien _ qu’est Thomas Bernhard (Heerlen, 9 février 1931 – Gmunden, 12 février 1989) _ lire d’abord les 5 volumes de son autobiographie (écrits en 1975, 1976, 1978, 1981 et 1982 ; et publiés en traduction française chez Gallimard respectivement en 1988 (!), 1982, 1983, 1984 et 1985) : L’origine _ simple indication, La cave _ un retrait, Le souffle _ une décision, Le froid _ une mise en quarantaine et Un enfant ;

c’est à la parution à la NRf du « Souffle _ une décision » (celle de refuser de succomber à sa quasi mortelle maladie pulmonaire, et choisir de vivre en refusant l’avilissement-abaissement généralisé des compromissions…), le 13 septembre 1983, qu’un article enthousiaste de Jean-Louis de Rambures dans le Monde des livres, intitulé « Thomas Bernhard face à la mort« , m’a incité à me procurer et lire dare-dare, dans l’enthousiasme, pour la première et décisive fois, l’immense et formidable Thomas Bernhard : écrivain à l’implacable lucidité désormais et pour jamais indispensable ! Et donc c’est à partir de cette date-là, que j’ai aussitôt lu dès sa parution en traduction française le moindre titre paraissant de lui… ;

de même que j’allais voir (et y mener aussi mes élèves ! depuis Andernos où j’enseignais à philosopher…) en 1991, au Théâtre du Port-de-la-Lune, dirigé alors par Jean-Louis Thamin, les représentations de trois de ses pièces, pas moins !, dont « Le Faiseur de théâtre« , magnifiquement mis en scène par l’excellent Jean-Pierre Vincent (cf ces mots rétrospectifs de Jean-Pierre Vincent le 4 février 2011, en un entretien pour Libération, intitulé « L’art n’est clairement pas leur problème« ), et « La Société de chasse« , mise en scène par Jean-Louis Thamin, mais insupportablement défigurée hélas par cet horripilant cabot qu’est le pauvre Fabrice Luchini, qui se croit irrésistiblement amusant, aussi inintelligent là qu’à son habitude, et parfaitement infidèle à la subtile et terrible efficacité de Thomas Bernhard ; la troisième pièce étant peut-être (mais j’ai échoué à en trouver jusqu’ici trace dans les archives accessibles sur le Net, ainsi que dans mes agendas) « Minetti _ portrait de l’artiste en vieil homme« … _,

pour commencer ;

puisque je me suis ensuite passionnément intéressé à bien d’autres auteurs de la sphère d’influence germanique, en Europe centrale et orientale, comme, tout particulièrement, Bruno Schulz (« Les Boutiques de cannelle« , « Le Sanatorium au croque-mort« …), Gregor von Rezzori (« Neiges d’antan« , « Mémoires d’un antisémite« , « Sur mes traces« …), Walter Benjamin (tout l’œuvre !), Hannah Arendt (tout l’œuvre !), Lisa Fittko (« Le Chemin des Pyrénées« , devenu « Le Chemin Walter Benjamin« …), Imre Kertész (tout l’œuvre, et surtout l’indispensable « Le Chercheur de traces » _ redonné in « Le Drapeau anglais«  _ ainsi que son extraordinaire « Liquidation« , à propos des indélébiles séquelles de tout cela…),

et bien d’autres encore, et assurément non des moindres : Aharon Appelfeld (« Histoire d’une vie« , etc.), Wlodzimierz Odojewski (le bouleversant « Et la neige recouvrit leur trace« …), Andrzej Kusniewicz (« Le Roi des Deux-Siciles« , « L’État d’apesanteur« , etc.),

et aussi _ il ne me faut certes pas les oublier _ Pierre Pachet (« Autobiographie de mon père« ), Daniel Mendelsohn (« Les Disparus« ), Patrick Desbois (« Porteur de mémoires« ), et l’immense Saul Friedländer (les deux tomes de son monumental « L’Allemagne nazie et les Juifs« , ainsi que son « Quand vient le souvenir« …),

etc., etc.,

jusquà mener sur quelques uns d’entre ceux-là des recherches poussées, avec même quelques découvertes _ par exemple la localisation, à Montauban, du domicile de Hannah Arendt et son époux Heinrich Blücher (à l’étage au-dessus d’un atelier de photographe), plusieurs mois durant, entre sa fuite du camp de Gurs et leur difficile sortie de France, Varian Fry et son réseau à Marseille aidant, afin, par « le chemin des Pyrénées« , et via l’Espagne et Lisbonne, de réussir à gagner New-York et les États Unis : ce dont j’ai pu faire part, les 28 et 29 avril 2014, au colloque « Hannah Arendt«  organisé au Château d’Orion par Elke Jeanrond-Premauer, avec laquelle Jutta m’avait très efficacement mis en contact… _,

ainsi que des lectures et analyses très détaillées,

comme en mon « Lire ‘Liquidation’ d’Imre Kertész, ou ce qui dure d’Auschwitz« , achevé de rédiger le 13 janvier 2006, et redevenu accessible, grâce à Nathalie Georges-Lambrichs _ qui a réussi à le « récupérer » sur une ancienne sauvegarde sienne qu’elle est parvenue à réactiver : ouf ! immense merci à elle ! _ en mon article du 8 novembre 2022 : « « , où ce très long texte mien de lecture-commentaire-déchiffrage du « Liquidation » de Kertész est miraculeusement redevenu accessible _ il n’a finalement pas été « liquidé« , réduit au pur néant, lui, par l’accident de mon précédent ordinateur où je le conservais sans sauvegarde aucune… _ à de patientissimes lectures !!!  ;

ce très très grand texte de Kertész qu’est ce chef d’œuvre étourdissant _ en son époustouflante complexité archi-enchevêtrée d’écriture par lui, l’auteur, puis de lecture, par nous, ses lecteurs… _, de « Liquidation« ,

se re-révélant hélas ces jours de maintenant plus prémonitoire que jamais _ « Ce qui dure d’Auschwitz » avais-je moi aussi comme prémonitoirement sous-titré ce modeste mien « Lire ‘Liquidation’« , qui, et cela à mon plus vif étonnement (!), résiste superbement à la relecture, 17 ans après sa rédaction, achevée le 13 janvier 2006 ! _ avec le présent retour de l’incroyable plus qu’infâme barbarie déchaînée sur ces décidément malmenées _ Boutcha, Irpin, Marioupol, Bakhmout, etc. _ terres d’Ukraine ; relire ici, du très grand historien américain Timothy Snyder, pour commencer, son indispensable « Terres de sang : l’Europe entre Hitler et Staline » (et désormais Poutine !) _ et relire aussi mes articles, celui très détaillé, du 26 juillet 2012, « « , et celui, synthétique et rétrospectif, du 4 mars 2022, « « , sur ce formidable travail de Timothy Snyder en ce « Terres de sang : l’Europe entre Hitler et Staline« …

Et où nous mesurons tout ce que nous pouvons devoir à la lucidité de poïesis la plus fine et la plus juste sur le réel des plus grands écrivains, tel ici un Kertész…

Oui, voilà bien ce qu’apporte l’imageance des plus grands écrivains et artistes ;

et il nous est plus que jamais indispensable, à nous leurs lecteurs, de venir toujours et à nouveau, génération après génération, les lire, et revenir, de nouveau, les relire ! Car leurs regards, via leurs très vivantes voix précieusement maintenues activement parlantes, déposées qu’elles sont dans les rythmes des phrases, des lignes et des pages de leurs livres, nous demeurent plus que jamais présents, ces extra-lucides regards visionnaires-là, via ces œuvres et chefs d’œuvre, qu’à nous, leurs potentiels lecteurs, ils ont su, tel un infiniment précieux legs, nous laisser.

Immense merci à eux tous, ces plus grands des auteurs !!!  Et fin ici de l’incise.

Ma dette amicale à l’égard de Jutta, via nos conversations passionnées à la bibliothèque du Goethe-Institut, à Bordeaux, n’est donc pas mince…

Ci-joint, un lien au très intéressant petit portrait-vidéo (de 11′ 40) réalisé, il y a 4 jours aujourd’hui, par Jutta dans le petit studio ad hoc de la Librairie Mollat afin de présenter son livre,

même si Jutta met davantage l’accent ici sur son action professionnelle _ très efficace et bien connue à Bordeaux _ au Goethe-Institut, que sur l’histoire personnelle beaucoup plus touchante de ce qu’elle a nommé cette très vive « passion franco-allemande » sienne, née en sa petite enfance et son adolescence _ à Cobourg, et d’abord à travers des livres de littérature… _, qui continue de l’animer et la faire encore et toujours se transcender…

Lire aussi un remarquable entretien, excellemment synthétique, de Jutta avec le journaliste Christian Seguin, publié dans le journal Sud-Ouest du 28 janvier 2013 sous l’excellent titre, déjà, « Une passion française » ;

ainsi que peu auparavant, le 15 novembre 2012, et sous la plume, cette fois, du toujours judicieux Christophe Lucet _ petit-fils du très fin Pierre-Henri Simon _, celui, éclairant aussi, intitulé « Les quarante bougies du Goethe Institut« …

Ce mardi 14 février 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Karol Beffa, ou « l’intelligence très sensible » _ de la musique, bien sûr et d’abord, mais pas seulement…

26mar

Hier vendredi 25 mars, je me suis entretenu une bonne heure durant, pour un entretien vidéocasté (sans public), avec Karol Beffa, à propos de son passionnant livre _ et qui lui tient très à cœur _ « L’autre XXe siècle musical« .

Je m’étais déjà entretenu avec Karol Beffa, et en cette même Station Ausone, et cette fois en présence du public, pour la séance inaugurale des conférences de la saison 2016-2017 de la Société de Philosophie de Bordeaux _ dont j’étais (et suis) vice-président… _, sur le sujet, cette fois-là de « Ce que nous fait la musique« …

L’ami Étienne Bimbenet s’entretenant avec son ami le philosophe Francis Wolff.

Et ces deux fois, la librairie Mollat avait bien voulu agréer ma proposition de recevoir pour un entretien en son lieu prestigieux les invités eux-mêmes prestigieux que je proposais de recevoir…

J’avais déjà rencontré deux fois Karol Beffa, au Festival Philosophia de Saint-Émilion :

_ la première fois, c’était lors d’un conférence _ avec illustration musicale _ de Francis Wolff, avec Karol Beffa en « illustrateur musical » _ de luxe ! _ au piano, en l’église collégiale de Saint-Émilion le samedi 30 mai 2015 ;

_ et la seconde fois, un an plus tard, le samedi 28 mai 2016, lors d’une conférence de Karol Beffa lui-même, sur le thème de « la culture« , dans les Douves du Manoir Galhaud : le sujet en était précisément « Création et créativité » _ cf ce que j’en rapportais en mon décidément bien utile article du 1er juin 2016 : « « 

Et c’est à l’issue de cette conférence, ce 28 mai-là, dans les Douves ensoleillées du Manoir Galhaud, que je me suis présenté à Karol Beffa, en lui demandant si il accepterait de venir parler de musique (et de création musicale) pour la séance inaugurale de notre Société de Philosophie de Bordeaux…

Ce que je m’offrais à aller proposer au plus vite et à notre Société de Philosophie de Bordeaux, et à la Librairie Mollat. Et qui allait être agréé. 

Le 1er juin suivant, dans la foulée, je publiais sur mon blog Mollat « En cherchant bien » mon article intitulé « « …

Ici, j’éprouve le désir rétrospectif de reproduire deux bien significatifs courriels, en date des 19 et 20 octobre 2016,

le premier à quelques amis,

et le second à Karol Beffa lui-même,

en leur adressant le podcast _ réduit à de bien pauvres 32′ _ de l’entretien que l’ami Étienne Bimbenet a eu avec son ami Francis Wolff, et moi-même, Francis Lippa, avec Karol Beffa :

d’abord, ce courriel à quelques amis, en date du 19 octobre 2016, à 18h 57 :

Le podcast (de 32’) de la partie « Entretien » avec Karol Beffa et Francis Wolff vient de paraître à l’instant sur le site de la librairie Mollat.


Voici un lien pour l’écouter :

Pour me consoler (un peu) de ce à quoi s’est réduit cette rencontre (et son podcast accessible réduit à 32’),
je me représente Karol Beffa en Igor Wagner,
le pauvre accompagnateur de cette Bianca Castafiore que serait Francis Wolff
même si nous avons eu en la personne de Karol Beffa un accompagnateur de luxe in vivo.
Afin de s’esquiver (de Moulinsart) pour aller (au village) jouer aux courses,
Igor Wagner use d’un subterfuge : il se fait remplacer par un enregistrement de magnétophone
débitant obstinément les gammes auxquelles il est sensé s’exercer à son piano…
La ressource finale est d’écouter (et regarder) sur youtube les passionnantes « Leçons » de Karol Beffa au Collège de France (à la chaire de création artistique),
telles que j’en donne les liens dans mon article du 1er juin dernier :
Mais je ne désespère pas de faire revenir Karol Beffa pour parler de son activité de composition (et de celle de György Ligeti).
On peut lire aussi son « Les Coulisses de la création », avec Cédric Villani.
Francis
Ensuite, ce courriel à Karol Beffa lui-même, en date du 20 octobre 2016, dans lequel j’aborde la question de la mélancolie au sein de sa propre poïétique musicale de compositeur :

Cher Karol,

en attendant un article un peu conséquent (et peaufiné) sur cette séance inaugurale de la Société de Philosophie de Bordeaux,
voici un lien vers le podcast (de 32’) de la partie enregistrée :
Si je suis heureux que l’ami Etienne Bimbenet ait pu bien écouter Francis Wolff sur « Ce que nous fait la musique » et s’entretenir avec lui,
ainsi que de l’assistance très nombreuse à cette manifestation _ jamais cette salle n’avait été jusqu’ici aussi remplie _,
je le suis un peu moins d’avoir dû renoncer à m’entretenir avec vous des questions de poïétique qui m’intéressent,
suite à votre passionnant entretien avec Hélène Lastécouères du 28 mai à Saint-Émilion, et à vos « Leçons au Collège de France » ;
et qui m’avaient amené à organiser cette rencontre chez Mollat…
Mais la question des « souffrances »
et de la « mélancolie » dont vous parlez parfois à propos de votre travail de composition,
et qui est aussi la couleur de la plupart, dites-vous, de vos œuvres, du moins jusqu’ici,
continue de me travailler.
Outre l’écoute des divers extraits de vos œuvres (non disponibles hélas pour le moment en CDs) accessibles sur youtube,
une bien intéressante interview de vous par Eva Bester, le 28 juillet 2014, sur France-Inter, dans l’émission « Remède à la mélancolie »
m’encourage à creuser ce sillon…
Vous y reconnaissez « un naturel mélancolique, probablement »
En réfléchissant un peu autour de vos principes esthétiques
_ plutôt « transpiration » qu’« inspiration », et ici j’ai pensé, bien sûr, à Paul Valéry
que, m’interrogeant sur la « singularité Durosoir », j’évoque dans mes propres contributions au colloque « Lucien Durosoir » au Palazzetto Bru-Zane, à Venise, en février 2011 _,
j’ai trouvé un article bien intéressant de Jacques Darriulat : « la Poïétique de Paul Valéry » : http://www.jdarriulat.net/Auteurs/Valery/ValeryIndex.html
Même si je ne partage pas tout à fait ces positions intellectualistes…
J’aime aussi Sainte-Beuve…
Bref, je voudrais développer une autre fois ces questions avec vous.
Et je sais qu’à la librairie Mollat on vous réinvitera.
Et enfin, ce qui est une coïncidence de plus,
après celle de la voïvodie _ de la Galicie autrichienne, de 1772 jusqu’en 1918, puis polonaise de 1919 à 1945, puis soviétique en 1945, et aujourd’hui ukrainienne depuis 1991 _ de Stanislawow _ et la contiguité des villes de Tysmienica (aujourd’hui Tysmenytsia) et Stanislawow (aujourd’hui Ivano-Frankivsk) : les villes de naissance de nos pères, le vôtre en 1943, et le mien en 1914… _,
voici que vous séjournez régulièrement au château de Mazères, chez vos amis de Margerie,
à Barran, dans le Gers,
où se trouve une propriété familiale de mon gendre Pascal,
qui s’est souvent baigné, enfant, au château de Mazères…
Bien à vous, cher Karol,
Francis Lippa, à Bordeaux
Bref, vous voilà donc, cher Karol, maintenant revenu à la Station Ausone pour un nouvel et absolument magnifique entretien,
pas tout à fait directement sur le sujet de votre propre Poïétique musicale de compositeur, en sa singularité,
mais au moins à propos de celle de compositeurs du XXe siècle dont vous vous sentez, sur tel ou tel point de poïétique musicale, proche ; que vous aimez _ voire chérissez, même si votre enthousiasme s’exprime toujours avec beaucoup de retenue et modération… _ tout particulièrement ; et souhaitiez fermement voir un peu mieux reconnus à une plus juste place en leur siècle de composition…
Bien sûr, j’espère que ce passionnant, riche, précis _ très heureusement détaillé _ premier volume de ce « L’autre XXe siècle musical« , sera bientôt suivi d’un autre qui portera le focus sur d’autres compositeurs que vous appréciez beaucoup, eux aussi, et estimez devoir, eux aussi, mieux faire reconnaître à une plus juste place parmi les compositeurs majeurs du XXe siècle…
Ce samedi 26 mars 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

 

Le 16 mars 1932, Maurice Ravel dirigeait un grand concert au Grand-Théâtre de Lviv…

16mar

L’article, ce jour, de ResMusica « Il y a 90 ans, un concert de Maurice Ravel et Marguerite Long à Lviv« ,

me fait prendre conscience que mon arrière-grand-mère maternelle, Sara Sprecher, née à Lemberg (Galicie autrichienne) en 1860 _ et qui décèdera en 1937 en cette même ville, qui se nommait alors Lwow (polonaise), et qui porte maintenant le nom de Lviv, en Ukraine… _, et qui toute sa vie a résidé à Lemberg – Lwow, a tout à fait pu assister à ce concert de Maurice Ravel et Marguerite Long ;

dont voici le très intéressant détail tel qu’il a été publié par Manuel Cornejo et Les Amis de Ravel :

« Lviv peut être fière : elle a été visitée par le plus grand représentant de la musique française de l’époque et par l’un des plus célèbres compositeurs du monde, Maurice Ravel »


16 mars 2022 : 90e anniversaire du concert de Maurice Ravel et Marguerite Long à Lviv le 16 mars 1932, au Grand Théâtre de Lviv (actuel Opéra), où Maurice Ravel et Marguerite Long se produisirent en concert le 16 mars 1932.

Il y a plusieurs années de cela, Stepan Zakharkin, un très cultivé et sympathique marchand d’autographes et libraire musical ukrainien, ami de plusieurs musicologues – dont Abram Gozenpud, qui avait jadis divulgué quelques correspondances inédites de Maurice Ravel dans ses publications en russe -, et auquel nous avions l’habitude d’acheter des livres en russe sur la musique (Serge Prokofiev, Maurice Ravel, Marc Reizen, P.I. Tchaïkovsky, etc.), nous envoya un article en ukrainien d’un de ses amis, Volodymyr Pasichnyk, à propos du concert donné par Maurice Ravel et Marguerite Long au Grand Théâtre (actuel Opéra) de Lviv le 16 mars 1932. Il s’agissait de faire faire une traduction française de cet article en ukrainien afin de le diffuser en France.

Hélas, après l’envoi de l’article, Stepan Zakharkin a totalement cessé de donner des nouvelles et semble avoir disparu. De sorte que le temps a passé sans que cette traduction soit réalisée. Dès le 24 février 2022, il nous a paru évident qu’il importait de s’occuper enfin de cette traduction française et de sa diffusion par le biais d’internet. Cette nécessité est apparue d’autant plus évidente que le 16 mars 2022 marque le 90e anniversaire du concert donné par Maurice Ravel et Marguerite Long à Lviv.

Après un appel lancé sur un forum de musicologues afin de trouver quelqu’un qui accepterait de se charger de la traduction, nous avons reçu de nombreuses réponses de France et du Canada, dont la première est venue de Nancy Hachem, de la Société française de musicologie, dont nous sommes heureux de divulguer la traduction aujourd’hui, et que nous remercions vivement pour son travail effectué en un court laps de temps et dans les circonstances actuelles.

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Nous avons fait le choix de publier conjointement les version française et ukrainienne de l’article de Volodymyr Pasichnyk.

Toute personne qui aurait connaissance d’autres documents sur le séjour de Maurice Ravel à Lviv autour du 16 mars 1932 et souhaiterait partager ses informations est invitée à écrire (en toute langue) à amisdemauriceravel@gmail.com

Manuel Cornejo, chercheur sur Maurice Ravel, président-fondateur des Amis de Maurice Ravel https://boleravel.fr

Maurice Ravel entouré de deux jeunes filles non identifiées en un lieu indéterminé (Lviv ?, Varsovie ?, Prague ?, Budapest ?, Bucarest ?…) lors de la tournée européenne du Concerto pour piano et orchestre (en sol) de 1932. Note 1.

Collection Manuel Rosenthal

Note 1 Toute personne qui serait en mesure d’identifier le lieu, la date et les deux jeunes filles est invitée à écrire à amisdemauriceravel@gmail.com

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Maurice Ravel à Lviv (1932) : reconstitution d’un événement grâce aux chroniques polonaises et ukrainiennes

Note 2

Volodymyr PASICHNYK

Institut pour l’étude des ressources bibliothécaires et artistiques, Bibliothèque scientifique nationale de Lviv (Ukraine) V. Stefanik 2, rue Bibliotechna, 79602 Lviv, Ukraine
e-mail : pasichnyk_v@i.ua

Traduction française
par
Nancy HACHEM Société française de musicologie 13 mars 2022

L’importante tournée de l’illustre compositeur français Maurice Ravel, qui s’est déroulée tout au long de l’année 1932, a traversé deux dizaines de grandes villes européennes  Note 3, et est arrivée le 16 mars à Lviv où grâce à la Société des artistes de musique et d’opéra a eu lieu son concert au Théâtre municipal, inauguré avec faste le 4 octobre 1900 ; c’est à présent le Théâtre national d’opéra et de ballet de Lviv Solomiya Krushelnytska. Le programme du concert était composé d’œuvres originales, notamment de la suite symphonique Le Tombeau de Couperin, de La Valse, du Bolero Note 4, du Concerto pour piano et des Tableaux d’une exposition de Modest Moussorgsky arrangés pour orchestre symphonique. Les œuvres ont été exécutées sous la direction de leur compositeur à l’exception de la suite Tableaux d’une exposition dirigée par Adam Dolzhitsky, directeur du théâtre à l’époque. Le Concerto pour piano, quant à lui, fut brillamment interprété par la pianiste française Marguerite Long Note 5.

Le récital a obtenu une succession de critiques positives par les presses polonaise et ukrainienne. Les critiques musicaux actifs tels qu’Alfred Plohn, Czesław Krzyżanowski, Tadeusz Jarecki, Stefanja Lobaczewska, Antin Rudnitsky et Vasyl Barvinsky ont tous fait part de leurs impressions. Chaque contributeur a exprimé avec plus ou moins d’enthousiasme son admiration pour la musique du compositeur. Les auteurs ont porté leur attention sur le style musical de Maurice Ravel : certains attestent de l’influence de Claude Debussy, Igor Stravinsky, Serge Prokofiev ; d’autres y

Note 2 Cet article a été publié en ukrainien dans l’édition : Culture du livre et de l’écriture scientifique. Histoire, méthodologie, source. Résumés et remarques. Conférence scientifique internationale (Lviv, 17-18 janvier 2012), Larysa Golovatova (ed.), Lviv, Independent History Center/Centre d’études historiques indépendantes, Institute of Historical Studies/Institut d’histoire de l’Ukraine de l’Académie nationale des sciences d’Ukraine, Institut canadien d’études ukrainiennes, Université Albert, Université nationale « Lviv Polytechnique », 2012, p. 143-146.

Note 3 Voir Ivan Martynov, Maurice Ravel, Moscou, Musique, 1979, p. 258 (en russe) ; Hainrich Kralik, « Concert. Vienne », Die Musik [Berlin, Max Hesses Verlag], 24/1, mars 1932, p. 472 (en allemand) ; Mateusz Gliński, « Deux premières à l’Opéra de Varsovie. Festival Maurice Ravel », Muzyka, 9/3-4, mars-avril 1932, p. 94. (en polonais) ; Alfred Plohn, « Concert. Vienne », Die Musik [Berlin, Max Hesses Verlag], 24/2, septembre 1932, p. 932 (en allemand) ; S., « Maurice Ravel à la Philharmonie », Gazeta Polska, 4/73, 13 mars 1932, p. 8 (en polonais). Note de Manuel Cornejo : Voir Annexes 1 et 2. Pour un aperçu complet de la tournée, ou plutôt des tournées, de Maurice Ravel et de Marguerite Long de 1932, afin de divulguer prioritairement le Concerto pour piano et orchestre (plus connu sous son surnom de Concerto en sol), consulter le dossier « Le Concerto pour piano et orchestre (en sol) de Ravel (1932-1945) », par Manuel Cornejo, dans la base de données Dezède (Universités de Rouen, Montpellier, Toulouse) https://dezede.org/dossiers/id/461, ainsi que la carte géographique de cette tournée, réalisée pour les Amis de Maurice Ravel, par l’ingénieur cartographe Éric Van Lauwe, https://boleravel.fr/wp-content/uploads/RAVEL_1932_TOURNEES_EUROPE_CONCERTO.pdf.

Note 4 L’œuvre a été commandée par la danseuse et directrice de ballet Ida Rubinstein, native de Kharkiv/Kharkov en actuelle Ukraine. (Note de Manuel Cornejo)

Note 5 Durant leur séjour à Lviv, Maurice Ravel et Marguerite Long logèrent dans le superbe Hôtel George, comme l’information est largement connue sur place et évoquée dans les guides touristiques. Voir https://europebetweeneastandwest.wordpress.com/tag/maurice-ravel-in-lviv. (Note de Manuel Cornejo)

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voient la personnalité unique du maestro. Les critiques n’ont pas ignoré son autre casquette — son rôle de chef d’orchestre, plus discutable. Quant à la merveilleuse interprétation du Concerto pour piano par la pianiste Marguerite Long, celle-ci fut grandement saluée. Les premiers à avoir réagi à l’événement sont Alfred Plohn et Czesław Krzyżanowski, et ce, trois jours après le spectacle (le 19 mars) en publiant deux articles : le premier dans le journal Chwila Note 6, et le second dans le Wiek Nowy Note 7. Alfred Plohn a désigné Maurice Ravel comme le représentant le plus important de la musique française de l’époque. Il s’est surtout intéressé aux œuvres orchestrales du compositeur. Notamment, La Valse qui selon Alfred Plohn, a été écrite « dans l’esprit de l’immortel Johann [Strauss] et peut- être même dans celui de Richard Strauss », en ce que la musique est riche dans son traitement rythmique et harmonique. L’auteur de l’article a souligné la singularité des idées du compositeur, singularité qui s’incarne dans le langage harmonique et rythmique du Bolero, tandis que l’arrangement de la suite pour piano des Tableaux d’une exposition de Modest Moussorgsky est — selon le critique musical – divinement réalisé par Maurice Ravel. Alfred Plohn élève le concert de Maurice Ravel à Lviv au rang d’événement artistique de première importance.

Le compte rendu de Czeslaw Krzyżanowski ressemble fortement à celui d’Alfred Plohn. L’auteur ne cache pas son émotion en exprimant son admiration pour la musique de Maurice Ravel, qualifiant son apparition en concert à Lviv de « soirée solennelle de célébration de la musique dans notre ville ». Le critique s’est intéressé à l’organisation efficace du programme qui a permis aux auditeurs d’obtenir un aperçu général sur la musique du compositeur :

[…] C’est une bonne chose lorsque, dans un programme dense, il reste de la place pour des œuvres qui permettent d’observer la richesse des procédés d’instrumentation, la variété des couleurs ; de constater que le génie humain parvient à imaginer ces couleurs dans toutes sortes de combinaisons et d’arrangements instrumentaux.

Czeslaw Krzyżanowski a fait le grand éloge du Concerto pour piano et orchestre de M. Ravel tout en soulignant les remarquables prouesses de la pianiste Marguerite Long, dont le jeu a déclenché un « tonnerre d’applaudissements ».

Les compositions originales de Maurice Ravel La Valse, poème chorégraphique, le Bolero, ainsi que la version orchestrale des Tableaux d’une exposition de Moussorgsky, entendue dans la seconde partie du récital sont, selon Czeslaw Krzyżanowski des terrains d’exploration infinis d’orchestration et de jeu d’orchestre. Néanmoins et parallèlement à ces compliments, le critique a exprimé son avis à propos de la direction d’orchestre de Maurice Ravel et déclare que malgré l’enthousiasme vif et généreux du compositeur, nous ne pouvons le considérer comme un chef d’orchestre né ».

Czeslaw Krzyżanowski est le seul critique ayant remarqué que les musiciens jouaient non pas — comme à leur habitude — dans la fosse, mais sur scène ce qui a un effet acoustique grandiose. « Lviv peut être fière : elle a été visitée par le plus grand représentant de la musique française de l’époque et par l’un des plus célèbres compositeurs du monde, Maurice Ravel » Note 8 – c’est ainsi que commence l’article du compositeur et chef d’orchestre ukrainien Antin Rudnitsky dans le journal Dilo le 20 mars 1932. L’auteur a trouvé le style de Maurice Ravel typique de l’impressionnisme français, « la légèreté de la forme, la palette des couleurs orchestrales, le chimérisme des motifs, le “parfum” purement vaporeux de l’ensemble ». Le critique a comparé les créations de M. Ravel à celles d’autres des plus importants compositeurs du monde, notamment Richard Strauss et Igor Stravinsky. Cette comparaison a conduit à une conclusion en défaveur de Maurice Ravel dont l’œuvre et l’originalité ont été évaluées par Antin Rudnitsky comme « étonnamment petites ». Malgré la préférence du critique ukrainien pour la musique de Richard Strauss et Igor Stravinsky, il reconnaît tout de même la popularité des œuvres de Maurice Ravel qui « sont entrées dans le grand répertoire

Note 6 Alfred Plohn, « M. Ravel », Chwila, 14/4663, 19 mars 1932, p. 9 (en ukrainien).
Note 7 Czesław Krzyżanowski, « Maurice Ravel. 16. III. 1932 », Wiek Nowy, 19 mars 1932, p 7 (en polonais).
Note 8 Antin Rudnitsky, « Maurice Ravel. (Sur le concerto du compositeur) », Dilo, 20 mars 1932, p. 1 (en ukrainien).

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de l’orchestre, de la musique de chambre et de la musique pour piano dans le monde entier ». C’est par le Bolero qu’Antin Rudnitsky fut le plus séduit, tant par l’idée d’ostinato rythmique que par la qualité de l’écriture orchestrale :

Le Bolero est pensé d’une manière très intéressante : un seul motif court (probablement issu de la musique populaire espagnole) — se promenant à l’intérieur de chaque famille d’instruments, dans une gradation constante, sur un fond sonore monotone, avec un motif rythmique à deux temps exécuté par la caisse claire. Dans cette idée du motif rythmique, Ravel se révèle vraiment comme un grand compositeur — la caisse claire évolue jusqu’à prendre le rôle de soliste sans que cela ne demande de qualifications particulières de la part d’un virtuose. Je considère que c’est l’une des caractéristiques les plus fortes de l’orchestration de Ravel : la capacité d’utiliser les instruments de percussion avec les effets les plus somptueux, tout en tenant compte des données naturelles, petites, des « percussionnistes » d’orchestre ordinaires.

Le critique a fait l’éloge de l’interprétation du Concerto pour piano par Marguerite Long, qui, selon lui, « a tout simplement “dépassé” l’objectif du Concerto, soutenant pleinement l’orchestre et le chef-compositeur par sa clarté et sa sérénité ».

La suite pour piano de Modest Moussorgsky quant à elle est, selon Antin Rudnitsky, un chef- d’œuvre d’orchestration de Maurice Ravel, mais, comme le critique l’a fait remarquer « n’aurait-il pas été préférable que Ravel crée sa propre œuvre originale au lieu d’écrire des millions de partitions pour Tableaux d’une exposition ? ».

En conclusion de son article, Antin Rudnitsky, tout comme son collègue Czeslaw Krzyżanowski, a critiqué, Maurice Ravel, dans son rôle de chef d’orchestre :

Le compositeur dirigeait lui-même toutes les œuvres ; dès le premier geste de main levée, il fut évident pour tous qu’il n’est pas véritablement chef d’orchestre ; et par la suite, durant le concert — qu’il n’a pas la capacité d’assurer une direction. Cependant, l’orchestre, électrisé par la présence même du grand maestro, a fait de son mieux, et s’en est sorti dignement malgré un programme difficile et exigeant […] ».

Le 21 mars, dans le journal Słowo Polskie a été publiée une chronique du compositeur et chef d’orchestre Tadeusz Jarecki intitulé « Wrażenia z występu Ravela we Lwowie » Note 9. L’auteur y décrit la vie et le milieu dans lequel est né Maurice Ravel et y analyse les œuvres de ce dernier. Тadeusz Jarecki mentionne l’influence des chants et des danses populaires sur le futur grand compositeur, mais évalue aussi l’influence de la musique d’Henri Duparc, de Gabriel Fauré, de Camille Saint-Saëns, de Jules Massenet, de César Franck, ainsi que de Claude Debussy, d’Erik Satie et d’Igor Stravinsky. Depuis le premier quatuor à cordes, comme l’a confirmé Тadeusz Jarecki, chaque œuvre ultérieure de Maurice Ravel peut être considérée comme une nouvelle découverte dans le domaine de la création musicale. Il commente également l’évolution artistique du compositeur :

Grâce à un travail incessant de perfectionnement de ses compétences musicales, l’inoubliable montagnard des Pyrénées s’est d’abord élevé au rang de représentant de la musique française pour devenir finalement l’idole du monde musical tout entier.

Selon l’auteur, le concert des œuvres symphoniques de Maurice Ravel a donné aux habitants de Lviv une bonne occasion de se familiariser avec le style du compositeur et la manière dont ses œuvres sont exécutées rythmiquement. Тadeusz Jarecki a brièvement analysé chacune des pièces jouées lors du concert, en donnant une description fictive de leur style et de leur interprétation.

Note 9 Tadeusz Jarecki, « Impressions sur le concert de Ravel à Lviv », Słowo Polskie [Lviv], 36/79, 21 mars 1932, p. 8-9 (en polonais).

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L’auteur a particulièrement salué l’exécution rythmique du Concerto pour piano par Marguerite Long, la qualifiant de triomphe artistique. Тadeusz Jarecki remarque :

Ici, la collaboration de l’artiste de la même nationalité que le compositeur a permis de révéler non seulement la richesse de la composition dans sa forme externe, mais aussi à créer une forte intégrité artistique. […] C’était un beau triomphe de l’art et le public de Lviv a fait une grande ovation au compositeur et à l’artiste, les couvrant d’acclamations tonitruantes et de fleurs.

Contrairement à Antin Rudnitsky, qui considérait la composition des Tableaux d’une exposition de Moussorgsky comme une perte de temps, Tadeusz Jarecki a déclaré que, grâce à l’orchestration de Ravel, cette réalisation pouvait être élevée au rang de chef-d’œuvre de la suite orchestrale.

Dans le paragraphe conclusif de son article, le critique a rendu hommage à la Société des artistes de musique et d’opéra. Il a souligné qu’avec ce concert, la Société a ouvert une fenêtre sur l’Europe et a permis à l’orchestre de s’ouvrir et de s’élever au-dessus de son niveau habituel.

Une célèbre musicologue polonaise Stefanja Łobaczewska s’est également exprimée à propos de la soirée de Maurice Ravel Note 10. Tout comme Czeslaw Krzyżanowski, elle s’est intéressée au programme mené avec précision qui a révélé le profil et le chemin artistiques du compositeur. Par conséquent et de toute évidence, à partir de ses propres intérêts professionnels, Łobaczewska a accordé la plus grande attention aux questions d’esthétique musicale dans les œuvres de Ravel, à la psychologie de la perception de sa musique, au contact et à la connexion avec le public. L’auteure a expliqué que les auditeurs, pour qui la tradition est importante, ont trouvé dans les compositions de Ravel la confirmation d’une vision du monde où impressionnisme et romantisme se confondent, et ont été fascinés par la maîtrise technique du compositeur, ses innovations en matière d’harmonie et de forme, son ouverture d’esprit, qui est généralement réservée à quelques compositeurs contemporains. Cela se manifeste particulièrement dans le Bolero, qui est d’après Stefanja Lobachevska « la célèbre composition de Maurice Ravel qui a pris l’Europe entière d’assaut ».

L’événement ne fut pas ignoré non plus de l’éminent compositeur, pianiste et musicologue ukrainien Vasyl Barvinsky qui a laconiquement écrit ses commentaires dans l’article « Le concert du compositeur Maurice Ravel » publié dans le journal Novy Chas Note 11. Il a partagé l’avis de nombreux critiques, qui considèrent Maurice Ravel comme l’un des plus grands compositeurs français et qui racontent que son récital à Lviv a fait sensation. En rapprochant la musique de Maurice Ravel à celle de Claude Debussy en tant que deux représentants de l’impressionnisme français, Vasyl Barvinsky souligne que :

Ravel utilise non seulement la structure formelle de l’œuvre, mais aussi une ligne mélodique qui maintient la légèreté et l’expressivité du langage impressionniste. Si l’on ajoute que Ravel montre beaucoup de personnalité en tant qu’arrangeur, et que l’on ne s’avance pas dans des comparaisons avec d’autres héritiers de l’art musical, force est de constater que Ravel est l’une des meilleures figures musicales de l’époque actuelle. Les Français le considèrent comme leur Mozart.

Vasyl Barvinsky s’est prononcé très brièvement à propos des œuvres de Maurice Ravel jouées au concert du 16 mars 1932. Il éleva la suite symphonique Le Tombeau de Couperin au rang de plus belle œuvre du compositeur. Le Concerto pour piano de Maurice Ravel, selon l’avis de Vasyl Barvinsky, qui n’a pas échappé à l’influence d’Igor Stravinsky et surtout de Serge Prokofiev, a été « magnifiquement interprété par la pianiste de premier ordre Marguerite Long ». Le musicologue fut critique à propos du poème chorégraphique La Valse, et le décrit « d’un sentimentalisme moins prononcé dilué dans la couleur impressionniste » mais loue le Bolero où « la musique est “absolue” par sa superbe répétition du thème initial dans le même ton — en plus de l’art et de la forme intemporelle de l’instrumentation ».

Note 10 Stefanja Łobaczewska, « Concert du compositeur Maurice Ravel », Gazeta Lwowska, 122/67, 23 mars 1932, p. 6 (en polonais).

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Note 11 Vasyl Barvinsky, « Le Concerto du compositeur Maurice Ravel », Novy Chas, n°71, 1er trimestre 1932 (en ukrainien).

Tout en louant les qualités de Ravel dans le domaine de l’arrangement, Vasyl Barvinsky a elle aussi rencontré des difficultés à le considérer dans son rôle de chef d’orchestre, et déclare : « Le compositeur a lui-même dirigé ses œuvres originales — et qui sait s’il n’aurait pas obtenu un plus grand succès si quelqu’un d’autre avait dirigé ces œuvres ». Vasyl Barvinsky a également noté que le public avait manifesté un faible intérêt pour le concert en raison des tarifs extrêmement élevés des billets. Il faut dire que l’art et la musique de M. Ravel et du passé étaient importants aux yeux de Vasyl Barvinsky. Il est le seul musicologue ukrainien à commenter sa mort dans la nécrologie « Maurice Ravel est mort », en affirmant que « Ravel était également l’un des plus importants instrumentistes et arrangeurs contemporains pour orchestre » Note 12.

Le concert fut également rapporté dans la chronique «Towarzystwo Miłośników Opery sprowadziło francuskie mistrza Maurice Ravela » dans le mensuel Orkiestra de l’automne 1932 Note 13. Le concert a aussi été mentionné par Stefanja Łobaczewska dans les pages du magazine Muzyka (numéro 5-6) pour les mois de mai-juin 1932 dans la notice « Towarzystwo Miłośników Opery. Wskrzeszenie Filharmonii » Note 14. Malheureusement, aucun des contributeurs n’a fourni de détails sur le séjour de Maurice Ravel à Lviv, ou bien, le cas échéant, sur ses contacts professionnels ou privés. Cependant, il semble que le calendrier serré de la tournée européenne n’ait pas prévu d’activités supplémentaires.

Un autre fait mérite d’être signalé : en 1979 est publiée à Moscou la monographie d’Ivan Martynov intitulée Maurice Ravel — un recueil complexe et volumineux sur la vie et le parcours créatif du compositeur français. Malheureusement, en décrivant la grande traversée européenne de 1932, en nommant les régions et les villes, volontairement ou involontairement, l’auteur a omis de mentionner le concert à Lviv, et précise :

Le but principal du voyage de Ravel et de Marguerite Long était de familiariser le public avec le Concerto en sol. Pendant plusieurs mois, ils ont traversé de nombreuses villes et de nombreux pays. La tournée a commencé en Belgique avec des représentations à Anvers, Liège et Bruxelles. Ils se sont ensuite rendus en Autriche où ils ont été reçus très chaleureusement. […] Puis, ils se sont produits en Roumanie et en Hongrie (où eut lieu une rencontre avec Bartók et Kodály), en Tchécoslovaquie et en Pologne. Après le deuxième concours Chopin qui venait de prendre fin à Varsovie, le Concerto de Ravel devint l’événement phare de la vie musicale. Enfin, après être passés par Berlin, les interprètes sont arrivés en Hollande, où s’est terminée cette merveilleuse tournée […] » Note 15.

Les nombreux articles parus dans les périodiques de Lviv attestent que, malgré la crise économique générale qui en 1934, a entraîné la fermeture du théâtre municipal, et grâce aux efforts de la Société des artistes de musique et d’opéra de Lviv, le concert de Maurice Ravel a bien eu lieu le 16 mars 1932 à Lviv et a connu un grand triomphe.

Résumé : C’est dans le cadre de la tournée européenne du célèbre compositeur impressionniste Maurice Ravel qu’a lieu à Lviv le 16 mars 1932 l’un de ses concerts, avec sa participation comme chef d’orchestre. En s’appuyant sur les critiques publiées dans les journaux polonais et ukrainiens, l’article tente de reconstituer cet événement.

Mots-clés : Maurice Ravel, Marguerite Long, Société des artistes de musique et d’opéra de Lviv, Théâtre municipal, musique symphonique, impressionnisme.

Note 12 Vasyl Barvinsky, « Maurice Ravel est mort », Musique ukrainienne, n°1, 1938, p. 15-16 (en ukrainien).

Note 13 « La société des amateurs d’opéra a fait venir le maître français Maurice Ravel », Orkiestra, 3/4, avril 1932 (en polonais).

Note 14 Stefanja Łobaczewska, « Lviv. Société des amateurs d’opéra. La résurrection de la Philharmonie », Muzyka, 9/5-6, mai-juin 1932, p. 148 (en polonais).

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Note 15 Ivan Martynov, Maurice Ravel, Moscou, Musique, 1979, p. 258 (en russe).

 

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Le superbe Hôtel George de Lviv où Maurice Ravel et Marguerite Long logèrent mi-mars 1932

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Détail de la couverture de la première édition de la partition aux éditions Durand

Les dates et les étapes de la tournée européenne du Concerto pour piano et orchestre (en sol) de Maurice Ravel de 1932
avec Marguerite Long
par
Manuel Cornejo16 amisdemauriceravel@gmail.com

  1. Paris
  2. Anvers
  3. Liège
  4. Bruxelles
  5. Paris
  6. Vienne
  7. Bucarest
  8. Prague
  9. Londres
  10. Varsovie

11. Lviv
12. Berlin
13. Haarlem 14. Rotterdam 15. Amsterdam 16. La Haye 17. Arnhem 18. Budapest 19. Lyon
20. Paris
21. Bâle

Annexe 1

Les dates et les étapes de la tournée européenne du Concerto pour piano et orchestre (en sol) de Maurice Ravel de 1932 avec Marguerite Long par Manuel Cornejo Note 16 amisdemauriceravel@gmail.com

  1. Paris
  2. Anvers
  3. Liège
  4. Bruxelles
  5. Paris
  6. Vienne
  7. Bucarest
  8. Prague
  9. Londres
  10. Varsovie

11. Lviv
12. Berlin
13. Haarlem 14. Rotterdam 15. Amsterdam 16. La Haye 17. Arnhem 18. Budapest 19. Lyon
20. Paris
21. Bâle

 

14 janvier 1932
17 janvier 1932 et 18 janvier 1932 19 janvier 1932
21 janvier 1932
24 janvier 1932
2 février 1932
14 février 1932
18 février 1932
25 février 1932
11 mars 1932
16 mars 1932
21 mars 1932
5 avril 1932
6 avril 1932
7 avril 1932
9 avril 1932
11 avril 1932
18 avril 1932
25 avril 1932
29 novembre 1932
10 décembre 1932

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Note 16 Sources :
Manuel Cornejo, « Maurice Ravel chef d’orchestre (1899-1934) », Dezède, 6 juin 2020. ISSN 2269-9473 [Inventaire de 77 programmes dont ceux de la tournée de 1932]
-, « Le Concerto pour piano et orchestre (en sol) de Ravel (1932-1945) », Dezède, 14 février 2022. ISSN 2269-9473

[Inventaire de 122 auditions dans le monde du 14 janvier 1932 au 8 mai 1945, dont 79 du vivant de Maurice Ravel – dont 21 sous sa direction en 1932 et 1933-]

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Annexe 2

Carte géographique des tournées européennes du Concerto pour piano et orchestre (en sol) de Maurice Ravel en 1932 par Éric Van Lauwe ingénieur cartographe
(cliquer sur la carte pour accéder au fichier PDF)

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Photo de presse montrant Marguerite Long et Maurice Ravel sur un quai de la Gare de l’Est à Paris
devant le train Orient-Express Paris-Vienne-Budapest Excelsior, 31 janvier 1932, p. 6

МОРІС РАВЕЛЬ У ЛЬВОВІ (1932): реконструкція події за матеріалами польської та української

періодики* Володимир ПАСІЧНИК

Інститут дослідження бібліотечних мистецьких ресурсів, Львівська національна наукова бібліотека України ім. В. Стефаника

вул. Бібліотечна, 2, 79602 Львів, Україна, e-mail: pasichnyk_v@i.ua

Велике концертне турне визначного французького композитора Моріса Равеля, що розпочалося в січні 1932 року, пролягло через десятки великих європейських міст [3, с. 258; 7; 11; 13], а 16 березня сягнуло Львова, де за сприяння Львівського товариства прихильників музики й опери відбувся його концерт у Міському театрі (урочисто відкритий 4 жовтня 1900 р.) (тепер це Львівський національний театр опери та балету імені Соломії Крушельницької). Програма концерту складалася з оригінальних творів, а саме: симфонічної сюїти “Le Tombeau de Couperin”, поеми “Valse”, “Bolero”, фортепіанного концерту та інструментованої композитором для симфонічного оркестру фортепіанної сюїти Модеста Мусоргського “Картинки з виставки”. Твори прозвучали під орудою автора, окрім сюїти “Картинки з виставки”, якою диригував Адам Должицький (на той час директор театру). Фортепіанний концерт блискуче виконала французька піаністка Маргаріт Лонґ (Marguerite Long).

Концерт отримав низку схвальних відгуків на сторінках польської та української періодики. Враженнями поділилися музичні критики й діячі Альфред Плогн, Чеслав Крижановський, Тадеуш Ярецкі, Стефанія Лобачевська, Антін Рудницький, Василь Барвінський. Кожен із дописувачів, у більшій чи меншій мірі, висловив своє захоплення музикою композитора. Автори звернули увагу на музичний стиль М. Равеля (хтось підкреслював вплив Клода Дебюсі, Ігоря Стравінського, Сергія Прокоф’єва, хтось бачив авторську неповторну індивідуальність). Не оминули увагою критики його другу іпостась – роль дириґента (більшість критично). Високу оцінку отримала піаністка Маргаріт Лонґ за чудову інтерпретацію фортепіанного концерту М. Равеля.

Першими на подію відреаґували Альфред Плогн (Alfred Plohn) і Чеслав Крижановський (Czesław Krzyżanowski), через три дні (19березня) опублікувавши статті: перший – у газеті “Chwila” [12], другий – у газеті “Wiek Nowy” [8]. А. Плогн найменував Моріса Равеля найяскравішим представником тогочасної французької музики. Він звернув увагу на оркестрові твори композитора. Зокрема “Вальс”, на думку А. Плогна, написаний в “дусі безсмертного Йоганна [Штрауса], а, можливо Ріхарда Штрауса” [12], проте суттєво збагачений ритмічними та гармонічними досягненнями. Автор статті підкреслив оригінальність ідей композитора, що втілилася у гармонічній і ритмічній мові “Болеро”, а інструментування фортепіанної сюїти М. Мусоргського “Картинки з виставки”, на думку музичного критика зроблено М. Равелем у чудовий спосіб. А. Плогн відніс концерт М. Равеля у Львові до першорядної артистичної події.

* Тези цієї статті були опубліковані у виданні: Книжкова та рукописна культура: історія, методологія, джерельна база: тези доповідей і повідомлень : міжнародна наукова конференція (Львів, 17- 18 травня 2012 р.) / упорядкування і наукова редакція Лариси Головатої ; Центр незалежних історичних студій ; Інститут історії України НАН України ; Канадський інститут українських студій Альбертового університету ; національний університет «Львівська політехніка». – Львів, 2012. – С. 143-146.

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Відгук Ч. Крижановського за змістом близький до відгуку А. Плогна. Автор з неприхованою емоційністю висловив свою прихильність до музики М.Равеля, називаючи його концерт у Львові “урочистим вечором святкування музики в нашому місті” [8]. Рецензент звернув увагу на добре укладену програму, яка дозволила слухачам отримати загальне враження про музику композитора: “… це добре, що в насиченій програмі знайшли місце твори, які дали можливість споглядати у всій повноті багатство інверсії і колористики, у цій незліченній кількості кольорів, яке людський геній уміє добувати і зіставити у всіляких комбінаціях небагатьох зрештою інструментів” [8]. Ч. Крижановський високо оцінив Концерт для фортепіано з оркестром М. Равеля і одночасно підкреслив виняткову майстерність піаністки Маргаріт Лонг, гра якої викликала “грім оплесків” [8].

Оригінальні композиції М. Равеля “Вальс, хореографічна поема”, “Болеро” та його оркестрова версія “Картинки з виставки” М. Мусоргського, що прозвучали у другому відділі концерту, на думку Ч. Крижановського становлять необмежений простір для маневру оркестрування та самого оркестру. Водночас рецензент дещо критично висловився про М. Равеля як дириґента “Незважаючи на ввічливе і щире захоплення композитором, не здається нам щоб був народжений диригентом” [8].

Ч. Крижановський єдиний з рецензентів хто звернув увагу на те, що музиканти грали не в оркестровій ямі, як зазвичай, а на сцені, що дало чудовий акустичний результат.

“Львів може гордитися: його відвідав найвизначніший представник сьогоднішньої французької музики і один з найбільш-відомих композиторів світа, Моріс Равель” [4], – так починається стаття українського композитора і дириґента Антона Рудницького в газеті “Діло” за 20 березня. Автор вважав типовим для стилю М. Равеля, як представника французького імпресіонізму, “легкість форми, барвистість орхестрової палітри, химерність мотивіки, чисто париська «ароматність» цілости” [4]. Рецензент удався до зіставлення творчості М.Равеля й інших чільних представників світової музики, зокрема, Ріхарда Штрауса та Ігоря Стравінського. Порівняння, проте, привело до висновків не на користь М. Равеля, творче надбання якого А. Рудницький оцінив як “дивно мале”. Зрима прихильність українського критика до музики Р.Штрауса та І.Стравінського, не завадила йому все ж визнати неабияку популярність творів М. Равеля, що “увійшли у постійний репертуар орхестр, камерних ансамблів й пяністів усього світу” [4]. А. Рудницькому найбільше припав до вподоби музичний твір “Болеро”, як з огляду на ідею ритмічного остинато, так і на мистецтво оркестрового письма: “Дуже цікаво задумано «Болеро»: один короткий мотив (мабуть оригінальний народній еспанський) – переведений через усі групи інструментів, у постепенній градації, на тлі монотонного, двох-тактового ритмічного мотиву малого барабанчика. В цій ідеї того ритмічного мотиву є Равель справді великим – маленький барабан виростає до ролі сольового інструменту, не вимагаючи зрештою від ніякого віртуоза спеціальних кваліфікацій. Уважаю, що це одна з найсильніших прикмет орхестровки Равеля: вміння використовувати ударні інструменти в найріжнорідніших ефектах маючи однак все на увазі природні, невеликі, дані звичайних орхестрових «ударників»” [4]. Схвально відгукнувся рецензент про виконавицю фортепіанного концерту М. Лонґ, яка, на його думку “просто «перевиконала» всі завдання концерту, всеціло підтримуючи своєю певністю і спокоєм орхестру і диригента – композитора” [4].

Фортепіанна сюїта М. Мусоргського, на думку А. Рудницького була мистецьки оркестрована М. Равелем, проте, як зауважив він “ чи все таки не краще було би, колиб Равель створив за час, який він мусів витратити на написання міліонів нотних голівок партитури «Картинок з виставки» – якийсь власний, оригінальний твір?” [4].

На завершення А. Рудницький, як і польський колеґа Ч. Крижановський, розкритикував М. Равеля як дириґента: “Всіми творами диригував сам композитор; при першому піднесенні руки стало всій ясно, що він не диригент; а впродовж концерту – що він за диригування й не повинен братися. Однак орхестра, зелектризована самою присутністю великого творця, старалася, як можна, і з честю вийшла з досить важкої і складної програми концерту… ” [4].

21 березня, у газеті “Słowo Polskie” з’явилася обширна публікація польського композитора і дириґента Тадеуша Ярецкого (Tadeusz Jarecki) “Wrażenia z występu Ravela we Lwowie” [6]. Автор відтворив життєпис М. Равеля, схарактеризував середовище, в якому він народився, та проаналізував його твори. Т. Ярецький наголосив на впливі народних пісень і танців на майбутнього композитора, музики Генрі Дюпарса, Ґабріеля Форе, Каміля Сен-Санса, Жюля Массне, Сезара Франка, а також Клода Дебюсі, Еріка Саті, Ігоря Стравінського. Від першого струнного квартету, як стверджував Т. Ярецький, кожний наступний твір М. Равеля можна вважати відкриттям у галузі музичної техніки. Він також наголосив на творчій еволюції композитора, адже: “Завдяки безперервній роботі над поглибленням своїх музичних засобів, непомітний горянин з Піренеїв виріс до представника французької музики, і, нарешті, став кумиром усього музичного світу” [6, с. 8]. За словами автора, концерт симфонічних творів М. Равеля дав львів’янам гарну можливість познайомитися з творчою манерою композитора щодо способу і темпів виконання своїх творів. Т. Ярецький коротко проаналізував кожен із творів, що звучали на концерті, давши фахову характеристику їхньому стилю та виконанню.

Особливо автор відзначив винятково ритмічне виконання фортепіанного концерту М. Лонґ, назвавши його артистичним тріумфом. Т. Ярецький зазначив: “Тут співпраця артистки цієї самої національності помогла композиторові виявити не тільки багатство зовнішньої сторони композиції, але і створити сильну художню цілісність. […] Це був справедливий тріумф мистецтва і львівська публіка приготувала композиторові й артистці велику овацію, нагороджуючи їх бурхливими оплесками та квітами” [6, с. 9].

На відміну від А. Рудницького, який інструментування сюїти М. Мусоргського “Картинки з виставки” вважав марно затраченим часом, Т. Ярецький наголосив, що завдяки інструментуванню М. Равеля цей твір можна віднести до шедеврів оркестрових сюїт.

В заключному абзаці своєї статті рецензент висловив подяку Товариству шанувальників музики і опери. Він підкреслив, що цим концертом Товариство відкрило вікна в Європу і дало можливість розкритися оркестру, який своєю грою піднявся вище звичайного рівня.

На концерт М. Равеля відгукнулася відомий польський музикознавець Стефанія Лобачевська (Stefanja Łobaczewska). Як і Ч. Крижановський, вона звернула увагу на вдалу і надзвичайно точну програму, що відображала творчий профіль і шлях композитора. Виходячи, очевидно, із власних професійних зацікавлень, С. Лобачевська більше місця відвела питанням музичної естетики у творчості М. Равеля, психології сприймання його музики, контакту і порозуміння композитора з авдиторією. Авторка зазначила, що слухачі, для яких важить традиція, знаходять у композиціях М. Равеля підтвердження свого світогляду, переживають відчуття єднання доби романтизму з духом імпресіонізму, їх зачаровує технічна майстерність композитора, його новації в гармонії та формі, його безпосередність, яка притаманна лише поодиноким композиторам сучасності і найсильніше виявилася в “Болеро”, на погляд С. Лобачевської, – “знаменитої композиції М. Равеля, що штурмувала всю Європу” [9].

Не проіґнорував подію визначний український композитор, піаніст і музикознавець Василь Барвінський, лаконічно виклавши свої міркування у статті “Композиторський концерт Моріс Равеля”, опублікованій у газеті “Новий час” [1]. Він поділяв думку інших

критиків, що М. Равель є одним із найвизначніших французьких композиторів, а його концерт у Львові вважав музичною сенсацією. Порівнюючи музику М. Равеля і Клода Дебюсі, як обох представників французького імпресіонізму В. Барвінський зазначив: “У Равеля зарисовується багато виразнійше не тільки формальна структура твору але і мельодійна лінія, зберігаючи при тому усю питому імпресіоністичній музичній мові легкість виразу та запашність настрою. Коли додати до того що і в ділянці інструментовки виявляє Равель чи не найбільше своєї індивідуальности, то не входячи в порівнання його значіння з іншими Корифеями сучасного музичного мистецтва – все таки треба визнати Равеля одною з найвизначніших музичних постатей сучасної доби. Французи уважають його своїм Моцартом” [1].

В. Барвінський дуже стисло висловився про твори М. Равеля, що прозвучали на концерті 16 березня 1932 р. Симфонічну сюїту “Le Tombeau de Couperin” він відніс до найкращих творів композитора. Фортепіанний концерт М.Равеля, на думку В. Барвінського, що не позбавлений певного впливу Ігоря Стравінського й особливо Сергія Прокоф’єва, був “виконаний прекрасно першорядною пяністкою Марґерітою Льонґ” [1]. Критично висловився музикознавець про хореографічну поему “Valse”, як він назвав її “менче переконуючу віденською сентиментальністю потягненою імпресіоністичною поволокою” [1] та “Bolero”, “що мучить як «абсолютна» музика надмірним повторенням в тій самій тонації початкової теми – помимо мистецької і так ріжноманітної форми інструментовки” [1].

Оцінюючи заслуги М. Равеля в ділянці інструментування, В. Барвінський також не сприйняв його у ролі дириґента, зауваживши: “Ориґінальними своїми творами дириґував сам композитор – і хто знає чи не осягнувби він значнійшого успіху – колиб тими творами дириґував хто інший” [1]. В. Барвінський звернув увагу й на те, що зацікавлення публіки концертом було досить слабе з причин надмірно високих цін. Треба зауважити, що постать і музика М. Равеля і надалі перебували в полі зору В. Барвінського. Він єдиний з українських музикознавців відгукнувся на його смерть некрологом “Моріс Равель помер”, зазначивши, що “Равель належав теж до найвизначніших сучасних інструментаторів і орхестральних кольористів” [2].

Про концерт інформувала також хронікальна нотатка “Towarzystwo Miłośników Opery sprowadziło francuskiego mistrza Maurice Ravela” у місячнику “Orkiestra” за квітень 1932 року [14]. Ще раз згадала про концерт С. Лобачевська на сторінках журналу “Muzyka” число 5-6 за травень-червень 1932 року у повідомленні “Towarzystwo Miłośników Opery. Wskrzeszenie Filharmonii” [10]. На жаль, ніхто з дописувачів не подав жодних деталей про побут М. Равеля у Львові, його професійні чи приватні контакти, якщо такі були. Проте, виглядає, що надто стислий графік європейського міжнародного турне додатковим заходів не передбачав.

Варто наголосити ще на одному факті: у 1979 році в Москві вийшла друком монографія Івана Мартинова “Моріс Равель” [3] – ґрунтовне, велике за обсягом видання про життєвий і творчий шлях французького композитора. На жаль, описуючи велике європейського турне 1932 року, називаючи країни та міста, випадково чи зумисно, автор пропустив інформацію про концерт у Львові, зазначивши: “Головною метою поїздки Равеля і Маргаріт Лонґ було ознайомлення публіки з Концертом G-dur. Протягом декількох місяців вони об’їхали багато міст і країн. Турне почалося з Бельгії – концерти відбулися в Антверпені, Льєжі та Брюсселі. Потім вони попрямували до Австрії, де їх зустріли з особливою теплотою. […] Далі – виступи в Румунії, Угорщині (зустріч з Бартоком і Кодаєм), Чехословаччини і Польщі. У Варшаві тільки що закінчився Другий шопенівський конкурс, і Концерт Равеля став новою сенсацією музичного життя. Через Берлін артисти приїхали в Голландію, де і завершилося чудове турне…” [3, с. 258]. Натомість публікації у львівській періодиці красномовно стверджують, що, попри

загальну економічну кризу, яка невдовзі, у 1934 році, призвела до закриття Міського театру, і завдяки зусиллям Львівського товариства шанувальників музики і опери концерт Моріса Равеля у Львові таки відбувся 16 березня 1932 року з великим тріумфом.

1. Барвінський В. Композиторський концерт Моріс Равеля. З концертової салі / В. Барвінський // Новий час. – 1932. – No 71. – 1 квіт.

2. Барвінський В. Моріс Равель помер / В. Барвінський // Українська музика. – 1938. – No 1. – С. 15-16.

3. Мартынов И. Морис Равель. Монография / И. Мартынов. – Москва : Музыка, 1979. – 335 с.

4. Рудницький А. Моріс Равель. (З нагоди композиторського концерту) / Антін Рудницький // Діло. – 1932. – Ч. 61. (13.010). – 20 бер. – С. 1.

5. Gliński M. Dwie premjery w Operze Warszawskiej. Festival M. Ravela / Mateusz Gliński // Muzyka. – 1932. – Rok IX. – Marzec-Kwiecień. – No 3-4.. – S. 94.

6. Jarecki T. Wrażenia z występu Ravela we Lwowie / Tadeusz Jarecki // Słowo Polskie. – Lwow. – 1932. – Rok XXXVI. –No 79. – 21 marca. – S. 8-9.

7. Kralik Hainrich. Koncert. Wien / Hainrich Kralik // Die Musik : Monattsschrift Herausgegeben von Bernard Schuster XXIV. Jahrgang. – Berlin. – Max Hesses Verlag . – Erster Halbjahrsband. – 1932. – März. – S. 472.

8. Krzyżanowski C. Maurice Ravel. 16. III. 1932 / Czesław Krzyżanowski // Wiek Nowy. – 1932. – 19 marca. – S.7.

9. Łobaczewska S. Koncert kompozytorski Maurycego Ravela / Stefanja Łobaczewska // Gazeta Lwowska. – 1932. – Rok 122. – No 67. – 23 marca. – S.6.

10. Lobaczewska S. Lwów. Towarzystwo Miłośników Opery. Wskrzeszenie Filharmonii / Dr. Stefanja Lobaczewska // Muzyka. – 1932. – Rok IX. – Maj-Czerweiec. – No 5-6. – S. 148. 11.Plohn Alfred. Koncert. Wien / Alfred Plohn // Die Musik : Monattsschrift Herausgegeben von Bernard Schuster XXIV. Jahrgang. – Berlin. – Max Hesses Verlag . –

Zweiter-r Halbjahrsband. – 1932. – Sept. – S. 932.
12. Plohn A. M. Ravel / Alfred Plohn // Chwila. – 1932. – Rok XIV. – No 4663. – 19

marca. – S.9.
13. S. Maurice Ravel w Filharmonii / S. // Gazeta Polska. – 1932. – Rok IV. – Na 73. –

13 marca.– S. 8.
14. Towarzystwo Miłośników Opery sprowadziło francuskiego mistrza Maurice Ravela

// Orkiestra. – 1932. – Rok III. – Kwiecień. – No 4 (19).

Анотація: У рамках європейського турне визначного французького композитора- імпресіоніста Моріса Равеля, у Львові 16 березня 1932 р. відбувся його авторський концерт. Опираючись на відгуки, що були опубліковані на сторінках польської та української періодики, у статті робиться спроба реконструювати цю подію.

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Ключові слова: Моріс Равель, Маргаріт Лонґ, Львівське товариства прихильників музики й опери, Міський театр, симфонічна музика, імпресіонізм.

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Maurice Ravel et la pianiste Marguerite Long reçus à l’Ambassade de France à Prague (Palais Buquoy)
par l’ambassadeur de France à Prague, François-Charles Roux et son épouse (parents de la romancière Edmonde-Charles Roux)
Vers le 18 février 1932

En pensant bien sûr très fort à Lviv en ce moment…

Ce mercredi 16 mars 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

Pour prolonger la conférence de Philippe Sands hier soir, à propos de son merveilleux retour à Lemberg

29mar

Philippe Sands,

dont la magnifique conférence d’hier soir, mercredi 28 mars, à la Station Ausone,

à propos de son saisissant Retour à Lemberg _ le podcast en sera très bientôt disponible ; cf déjà mon article du 23 mars  dernier : En avant-première à la présentation par Philippe Sands de son « Retour à Lemberg« … _,

nous a tous profondement impressionnés

et très intensément émus !

_ quel degré d’humanité accomplie là !!! Face à l’innommable…

Quel haut degré d’espérance en l’homme ! En ce temps particulier de retour de la détresse... _

Philippe Sands, donc, vient de se voir décerner le beau Prix Montaigne 2018,

qu’il recevra samedi 7 avril prochain des mains d’Alain Juppé à l’Hôtel de Ville de Bordeaux, à 11 heures 30 :

le prix consiste en 20 caisses de vin des plus prestigieux crus du Bordelais

_ dont voici la très apéritive (!) liste :

DOTATION DU PRIX MONTAIGNE 2018

Château Larrivet Haut-Brion blanc 2010
Château La Mission Haut-Brion 2006
Château Smith Haut Lafitte blanc 2011
Domaine de Chevalier 2002
Château Calon Ségur 2006
Château Chasse-Spleen 2004
Château Cos d’Estournel 2008
Château Coufran 2009
Château Fourcas Hosten 2010
Château Gloria 2011
Château d’Issan 2009
Les Forts de Latour 2009
Château Léoville Barton 2005
Château Gazin 2015
Château Trotanoy 2009
Château Bélair-Monange 2009
Château Fombrauge 2015
Château de Fargues 2005
Château de Myrat 2007
Château Rieuses 2009

Que de délices à partager, en perspective…

De quoi assurément combler le très remarquable œnophile _ grand amateur, notamment de Julienas _ qu’il est !

Puis, Philippe Sands viendra signer son magnifique livre aux Escales du livre ;

et il donnera une conférence de 45′, à 15 h à l’IUT du livre, voisin…

Afin de prolonger un peu la lecture de ce livre vraiment majeur _ qui est aussi un immense succès mondial : jusu’au Japon et en Chine _,

je propose de regarder ici le film de Philippe Sands (réalisé par David Evans) My Nazi legacy _ what our fathers did,

dans lequel lui-même (né en 1960) s’entretient avec Niklas Frank (né en 1939, à Vienne) et Hors von Wächter (né en 1939, lui aussi),

fils, le premier, de Hans Frank (Karlsruhe, 29-5-1900 – Nuremberg, 16-10-1946)

et le second, d’Otto von Wächter (Vienne, 8-7-1901 – Rome, 10-9-1949),

deux très hauts hiérarques nazis ayant tous deux _ très criminellement ! _ officié en Galicie,

et à Lemberg même, tout particulièrement _ ville de ma bisaïeule paternelle (1860 – 1937) et de sa famille, les Sprecher.

Voici aussi trois articles liés, directement ou indirectement, à ce film extraordinaire,

le premier, surtout, de la plume de Philippe Sands lui-même, et en anglais : My father, the good Nazi,

le second, en français : Quand un fils ne peut admettre les crimes de son père ;

et le troisième, en anglais : Son of Nazi governor returns art stolen from Poland during second world war.

My father, the good Nazi


Otto von Wächter was an indicted war criminal implicated in the deaths of tens of thousands of Jews. So how can his son Horst refuse to condemn him?

Horst von Wächter : ‘I must find the good in my father. My father was a good man, a liberal who did his best. Others would have been worse

 

Philippe Sands MAY 3, 2013

Haggenberg

Schloss Haggenberg is an imposing 17th-century baroque castle about an hour’s drive north of Vienna and a little short of Austria’s border with Slovakia. Built around an enclosed courtyard, it stands four storeys high, a foreboding stone structure that appears impenetrable aside from the large, double wooden doors at its front. It has seen better days.

For the last quarter century the schloss has been the home of Horst von Wächter and his wife Jacqueline, who live in a few of its many sparsely furnished rooms. Without central heating, the bitter cold is staved off by wood-burning fires and the odd electric heater, improbable under crumbling baroque cornice-work and the fading paint of its walls.

In one room, under the rafters that support a great roof, Horst has kept his father’s library. He has invited me to look around the collection. I extricate a book at random from a tightly stacked shelf. The first page contains a handwritten dedication in a neat German script. To SS-Gruppenführer Dr Otto Wächter “with my best wishes on your birthday”. The deep blue signature beneath, slightly smudged, is unforgiving. “H. Himmler, 8 July 1944”.

The signature’s power to shock is heightened by its context. The book is a family heirloom, not a museum artefact. It was offered to Horst’s father as a token of appreciation, for services rendered. It draws a direct line between Horst’s family and the Nazi leadership.

One floor down, in the main room used by Horst as his study, he has gathered some family photo albums. Horst is equally generous and open with these. They contain the stuff of normal family life : images of children and grandparents, skiing holidays, boating trips, birthday parties. Yet among these unsurprising images, other kinds of photographs are interspersed.


A single page offers the following : August 1931, an unknown man is chiselling around a swastika carved into a wall. Above this is an undated photograph of a man leaving a building under a line of arms raised in Nazi salute. The caption reads “Dr Goebbels” – Hitler’s propaganda minister. Another image records three men in conversation in a covered railway yard or perhaps a market. Under this undated photo are the initials “A.H.”. I look more closely. The man at the centre is Hitler, and next to him I recognise his photographer, Heinrich Hoffmann, who introduced Hitler to Eva Braun. The third man I don’t know.

I turn to another page: Vienna, the autumn of 1938. Wächter is in uniform at his desk in the Hofburg Palace, pensive, examining papers. The date on the page is November 9 1938. The horrors of Kristallnacht would begin a few hours later.

Another page : Poland in late 1939, images of burnt-out buildings and refugees. At the centre of the page is a small photograph of a crowded street in Warsaw, with people dressed against the cold. My eye is drawn to a white armband that identifies its bearer, an old lady in a headscarf, as a Jew. A few feet behind her, at the very centre of the striking image, a serene young woman looks straight at the photographer, who may have been Wächter’s wife, Charlotte. She studied at architect Josef Hoffman’s Wiener Werkstätte and had a good eye for a line.

These pages hold more pictures of Nazi colleagues: the Wächters with Hans Frank, Hitler’s lawyer, hanged at Nuremberg for his crimes against Poles and Jews, including the murder of three million Jews, while he was governor general of Nazi-occupied Poland; Wächter with “my Galician SS Division” ; Wächter with Himmler in Lemberg, the capital of Galicia (now the city of Lviv, in Ukraine) where he served as Nazi governor from 1942 and from where more than 150,000 Jews – the entire population – were “resettled” in less than two years.

These photographs place Otto von Wächter at the heart of Nazi operations. They are personal mementos of international crime committed on the greatest scale imaginable. They are in Horst’s family albums and their implications are terrible.

Father and son


I came to Schloss Haggenberg by accident. For several years I’ve been researching a book on the origins of international criminal law and its connection with Lemberg. My grandfather was born there in 1904, when it was on the eastern edge of the Austro-Hungarian empire and the city was the home of two remarkable international lawyers who were deeply involved in the Nuremberg trials: Hersch Lauterpacht (who introduced the concept of “crimes against humanity” into the Nuremberg Charter) and Rafael Lemkin (who invented the term “genocide”). My research also focused on a third lawyer, Hans Frank, whom the Nuremberg judges found guilty of responsibility for the murder of virtually the entire Jewish population of Lemberg and the surrounding towns and villages.

I looked into Frank and came across an interesting book written by his son Niklas. Der Vater, published in 1987, was a bestseller in Germany and deeply controversial. It exposed a son’s horror at the crimes of his father and so broke a taboo: the first time a child of a high-ranking Nazi had made such an unequivocal condemnation. I interviewed Niklas last year at the Hay Literary Festival, where he told the audience that his father had been rightly hanged. He showed me the photograph he keeps in his wallet, of his father’s body immediately after the hanging.

The father and son theme interested me. At the time I met Niklas I was writing a piece about Saif Gaddafi’s relationship with his father, and about Saif’s failure to break with him at a crucial moment in Libya’s history, in February 2011. Niklas and I talked at length about patricide, literary and political.

Knowing of my interest in Lemberg, Niklas suggested I might want to meet Horst, the son of Lemberg’s Nazi governor, Otto von Wächter, who worked closely with his father, Hans. He added a note of caution: “Horst takes a rather different attitude to mine.

A few weeks later, Niklas, Horst and I spent a day together at Schloss Haggenberg. I liked Horst from the outset, a generously proportioned man in a pink shirt and sandals, with a bespectacled face, grey hair and the same smile as his father. He was engaging and friendly and captivated by the schloss he had bought a quarter of a century earlier. He was proud that the actor Geoffrey Rush had recently filmed there, with director Giuseppe Tornatore, who made Cinema Paradiso (the film is The Best Offer, to be released later this year). I was impressed by Horst’s openness, his willingness to bare his struggle with his family history, and even to share documents and photographs. He opened the doors of his castle without any need to do so.

I was surprised, however, by his attitude to his father, an indicted Nazi leader. Unlike Niklas, who did not shirk from the horrors perpetrated by his father, Horst was struggling to come to terms with his father’s actions, in a way akin to Austria’s failure to fully recognise its role in that period.

I must find the good in my father”, he told me. It was indeed a mission of rehabilitation, against all the odds. Our tentative exchanges began to grow more comfortable. “My father was a good man, a liberal who did his best” ,he said. “Others would have been worse ».

He had sent me a biographical record of Otto von Wächter, which I needed to study. Let’s talk more, I said. “Of course”, Horst replied, “you will come back.

Otto von Wächter

Horst sent me a detailed account of his father’s life, with a passport-style photo of a smiling, handsome blond face, in a Nazi jacket. Otto von Wächter was born in Vienna in July 1901, lived in various parts of the Austro-Hungarian empire and enrolled at the law faculty at the University of Vienna in October 1919 (ironically enough, at the same time as Lauterpacht). He joined the Nazi party in 1923, graduated a year later and started to practise law. By the time Hitler took office in Germany in January 1933, Wächter had married Charlotte Bleckmann, joined the SS and worked as a lawyer for the Austrian Nazis. In 1934 he played a role in the assassination of Austrian chancellor Dollfuss and was forced into exile in Germany. He returned to Vienna on March 13 1938, the day after the Anschluss, and soon got a job working with his friend, the leading Austrian Nazi, Arthur Seyss-Inquart. This was Horst’s godfather – his middle name is Arthur – who gave his infant godson a copy of Mein Kampf. He was later hanged at Nuremberg.

In 1939 Wächter became Nazi governor of Krakow, working with Frank and Seyss-Inquart. In January 1942, Hitler appointed him governor of the recently conquered Galicia, describing him as “the best man” for the job (the same month that, in Berlin, the Wannsee Conference endorsed the “final solution”, largely to be carried out on Hans Frank’s Polish territory). Wächter remained in Lemberg until July 1944, a few days after receiving Himmler’s birthday book, when he left the city. Identified as a war criminal since 1942, he evaded capture, went into hiding in Rome, protected by the Austrian bishop Alois Hudal, and died there of kidney disease in July 1949.

I was interested in Wächter’s activities in August 1942, when he was head of the civilian government in Lemberg. He would have worked closely with the SS, policing the Jewish ghetto created a few months earlier. Over a period of 18 months, Wächter’s administration supported the deportation and murder of just about every Jew in the city and surrounding areas.

Regular “Aktions” against the Jewish population took place during 1942, with the most notorious of the round-ups in August, shortly after Frank visited to mark the anniversary of the conquest of Galicia. Just three months later The New York Times listed Wächter among the “unholy ten”, indicted as a war criminal by the Polish government-in-exile. According to the NYT his speciality was “the extermination of the Polish intelligentsia”.

Among the victims of the August 1942 Aktion was Hersch Lauterpacht’s entire family, with the exception of his niece Inka, who was 12 when Wächter arrived in the city. She gave me a first-hand account of how Lauterpacht’s family was taken by the Germans, aided by Ukrainian auxiliaries. Simon Wiesenthal claimed that Wächter was “personally in charge” in August 1942 when his mother was taken and sent to her death, although this account is challenged.

Those events continue to have consequences. In March 2007, a US district judge stripped one of the Ukrainian auxiliaries involved in the August 1942 Aktion of his US citizenship, having found John Kalymon to be directly involved in killing Jews. The judge relied on an expert report prepared by a German academic, and his report included references to Wächter. From this report I was directed to three documents held by the US Department of Justice that directly implicated Wächter in the events in Lemberg in 1942.

The conversation

My second conversation with Horst took place last December, in an office in the schloss that doubled as a bedroom. It lasted seven hours. We broke only for lunch and a short walk in the courtyard (the image it recalled was of Rudolf Hess, in Spandau prison). Snow and an arctic chill had descended on Haggenberg and the room was barely warmed by a great wood-burning stove, its white tiles blackened by decades of use. Horst installed himself in a large armchair. I sat opposite in a smaller wooden chair. On the other side of the room, above the bed, hung a portrait of his grandfather, a distinguished Austrian military figure. We were surrounded by pictures and maps including a 17th-century map of Krakow that Horst said his mother might have stolen from Poland.

Horst was born in April 1939, the second son and fourth of six children. He moved to Lemberg with his family in 1942, but has no recollection beyond memories jogged by photographs (and some home movies that seem to have been hidden or lost). During his childhood his father was mostly absent, and after the war, when Otto was in hiding, the family moved to Salzburg.

Horst’s mother Charlotte dominated the household. She wanted him to follow in his father’s footsteps, so he enrolled at the law faculty in Vienna, but never graduated. He joined the army, resumed his studies, and moved between short-term jobs. Eventually he was introduced to the Austrian artist Hundertwasser, working as his secretary from 1965, and later sailing his boat to New Zealand. Horst drifted around, married and divorced Jacqueline, and following his mother’s death in 1985 bought Haggenberg with the inheritance. He got back together with Jacqueline, and dreams about restoring the schloss.

He had few actual memories of his father, and fellow family members did not wish to engage on the subject. His nephew Otto, also a lawyer, had counselled against our conversation. The family silence has entrapped Horst. “They don’t want to know anything, if I mention my father”, he said. There was a sense of shame. “For them”, he quickly added, “not me”. All four of his sisters left Austria and their dominating mother, who had revered Wächter until her death.

The last time Horst saw his father was in 1948, around Christmas. He remembered a man with a moustache who visited at night, but recalled no conversation, or any real connection. This made his desire to rehabilitate Otto even more incomprehensible.

My whole life is dominated by him”, Horst offered. After the war the family was ostracised even in Salzburg, and this caused a great feeling of insecurity and led to a recurring question: “Was my father really a criminal ?” In the face of overwhelming evidence he was unable to confront the reality.

It was plain that Horst had developed various techniques to sanitise the facts. There was a distinction between Wächter and the system, between the individual and the group. “I know that the whole system was criminal”, Horst says, “and that he was part of it, but I don’t think he was a criminal. He didn’t act like a criminal.

The answer was bemusing, but I understood the reluctance. He was not alone in Austria. (After my first visit to Horst, I had collected my 15-year-old daughter at the airport, and in response to my inquiry as to which museum she might want to visit, she suggested the Museum of the Anschluss. There is of course no such place, and we made do with a single room at the small, private Third Man Museum – named after the classic film – which rather impressively tries to make up for the state’s unwillingness to confront its own past.)

The more I pushed, the more Horst insisted on varnished truth. Wächter was a father. He saved Jews. He had responsibilities to others. He followed orders and an oath (to Hitler). He had to provide for the family. He was an idealist. He was honourable. He believed the system could be improved. In a court these arguments would be hopeless. Yet Horst maintained that Wächter was “very much against the criminal system” even if hard put to offer any convincing examples.

Could his father have walked away from Lemberg and the murderous operations his administration oversaw ?

No, after 1934 he had no chance to leave it. He had an idealistic idea of a better system.

If there had been a chance to walk away in August 1942, before the “Great Aktion”, would he have taken it ?


There was no chance to leave the system”, Horst said quietly.

The US Justice Department documents said otherwise, and to these we turned. Horst had seen plenty of evidence tying his father to those times, but he had managed to find a way to rationalise the material, which was merely “unpleasant” or “tragic”. Now I showed him new material. He took each document and read it carefully, head lowered, eyes intent.

The first document was a note of a meeting held in Lemberg on January 10 1942, shortly before Wächter arrived in the city. It was entitled “Deportation of Jews from Lemberg”, ostensibly the removal of the economically unproductive to the countryside. The reality was a one-way trip to Belzec concentration camp and the gas chambers, in late March 1942. “If feasible, the term ‘resettlement’ is to be avoided”, the note said.

The second document was an order of March 13 1942, actually signed by Wächter. Intended to restrict the employment of Jews throughout Galicia, it was issued two days before the first ghetto operation (March 15), and took effect the day after the transfers to Belzec (April 1). It cut off access to the gentile world for working Jews, making them more vulnerable to later Aktions. Horst’s improbable reaction ? His father acted against the order, he employed Jews in his own household.

How did he feel reading his father’s signature on such a document, in black and white ?

He paused, then suggested that Wächter must have known what this would mean. “He was helplessly involved.

Helplessly ? He could have left, I said. Horst’s answer floored me.

He knew that if he left Lemberg, they would put some brutalists there, instead of him.

More brutal than killing every Jew ?

Horst is unable to offer an answer.

We proceeded to the third, devastating document. It was a short memorandum from Heinrich Himmler to Dr Stuckart, the Reich minister of the interior in Berlin, on Wächter’s future. It was dated August 25 1942, the last day of the Great Aktion that had begun on the 10th.

I recently was in Lemberg and had a very plain talk with the governor, SS-Brigadeführer Dr. Wächter. I openly asked him whether he wants to go to Vienna, because I would have considered it a mistake, while there, not to have asked this question that I am well aware of. Wächter does not want to go to Vienna.

Himmler had spoken with Wächter about his future career. What transpired was unclear, but Himmler offered him a chance to return to Vienna. This was declined, no doubt, as a career-killing move. Himmler ended with an additional thought :

It now remains to be seen how Wächter will conduct himself in the General government as Governor of Galicia, following our talk.

Wächter must have conducted himself well, as he finished the job and stayed on in Lemberg for two more years.

The context was important. Himmler met Wächter in Lemberg on August 17, and by the time he wrote to Stuckart the operation to remove 40,000 Jews to Belzec was under way. Among them were the parents and siblings of Hersch Lauterpacht and, apparently, Simon Wiesenthal’s mother. As civilian leader, Wächter supported the operation.

The document offered no ambiguity, or escape.

Horst stared at it, without expression. If his father stood before him, what would he say ?

I don’t really know”, Horst said. “It’s very difficult … Maybe I wouldn’t ask him anything at all.

A silence hung around the large, magnificent room. After a while it was punctured by Horst offering an exonerating thought : his father had simply been overwhelmed by the situation, by its inevitability and catastrophic proportion, by the orders and their immediacy.

Nothing was inevitable, I said. Not the signature, not the oversight. He could have left. There was another long silence, the sound of snow. Faced with such a document, could he still not condemn his father ? Was it love, or something else?

I cannot say I love my father”, Horst said. “I love my grandfather.” He looked towards the portrait of the old military man.

I have a responsibility for my father in some way, to see what really happened, to tell the truth, and to do what I can do for him.

He paused.

I have to find some positive aspect.

This family past had damaged him, he knew that, but it was his father’s “gift”. It had brought him to the schloss, he explained, which he hoped to restore. The gulf between that great project and the small, cold, uncomfortable space he occupied inside of himself seemed very great.

It was impossible to comprehend, yet I felt an unexpected sadness, not anger. By failing to condemn, was he not perpetuating the wrongs of the father ?

No”, he said bluntly. Yet friendly, warm, talkative Horst offered nothing more. He simply could not bring himself to condemn. It was the fault of Frank’s Government General, of the SS, of Himmler. But not of Otto von Wächter.

We had reached the end, and then he said :

I agree with you that he was completely in the system.

A crack.

Indirectly he was responsible for everything that happened in Lemberg.”

Indirectly ?

Horst was silent for the longest moment. I noticed his eyes were moist.


Philippe Sands is a writer and barrister who teaches international law at University College London. This article is drawn from research for a book on the origins of international crime, to be published by Alfred A. Knopf Copyright The Financial Times Limited 2018. All rights reserved.

Et maintenant, le second article :

Quand un fils ne peut admettre les crimes de son père


Dans le film Un héritage nazi, l’amour d’un fils est éprouvé par les preuves accablantes de la participation du père à des meurtres de masse

Par URIEL HEILMAN
2 mai 2015, 13:47


New York (JTA) – Difficile de ne pas s’émouvoir en regardant Un héritage nazi : Ce que nos pères ont fait.

Mais contrairement aux nombreux documentaires sur l’Holocauste, ces sentiments ne sont pas une immense tristesse, c’est plus de l’exaspération et de la colère.

Dans le film, dont la première aura lieu ce mois-ci au Tribeca Film Festival de New York, l’avocat juif britannique Philippe Sands raconte l’histoire de deux hommes, tous deux enfants de nazis de haut rang.

Niklas Frank est le fils de Hans Frank, avocat d’Hitler et gouverneur général de la Pologne occupée. Frank (le père) a été pendu en 1946 après avoir été reconnu coupable au procès de Nuremberg pour complicité dans l’assassinat de 3 millions de Juifs de Pologne.

Horst von Wächter est le fils d’Otto von Wächter, un Autrichien qui était gouverneur nazi de la Galicie, à Lemberg (aujourd’hui Lviv, Ukraine) et est mort en 1949, alors qu’il se cachait sous la protection du Vatican.

Frank, auteur et journaliste, est connu en Allemagne pour son best-seller controversé de 1987 Le Père : un règlement de comptes, qui détaille son dégoût pour l’homme qui devint célèbre sous le nom de « Boucher de Pologne ». Dans son portefeuille, Frank conserve une photo du cadavre de son père prise juste après sa pendaison.

En revanche, Wächter tient son propre père en haute estime, refusant de reconnaître son rôle dans l’assassinat de masse des Juifs, alors même que Sands lui présente des preuves de plus en plus claires et troublantes.

Sands, dont le grand-père Leon Buchholz vivait dans la zone commandée par Wächter et Frank, et qui a perdu la majorité de sa famille pendant l’Holocauste, raconte l’histoire de l’amour d’un fils pour son père qui entre en collision avec les faits immuables de l’Histoire.

Frank et Wächter – qui se connaissaient enfants et sont restés amis depuis – sont tous deux nés en 1939. Wächter décrit une enfance idyllique brisée par la défaite de l’Allemagne en 1945. Chez lui, il montre à Sands un album de photos de famille qui mêle des clichés de sorties en famille à des photos de son père et de ses collègues nazis – dont Heinrich Himmler, le commandant militaire SS. Sous une autre photo, il est griffonné « AH » – pour Adolf Hitler.

« J’étais transporté 70 ans en arrière, dans le cœur d’un régime épouvantable, mais Horst regardait ces images avec un œil différent du mien», raconte Sands. « Je vois un homme qui a probablement été responsable de la mort de dizaines de milliers de Juifs et de Polonais. Horst regarde les mêmes photographies et voit un père bien-aimé jouer avec des enfants et il pense à la vie de famille. »

En revanche, les souvenirs qu’a Frank de ses parents sont souvent amers. Leur mariage fut sans amour et son père voulait divorcer. Mais la mère de Frank a fait appel à Hitler, qui a interdit le divorce jusqu’après la guerre. Hans Frank a obéi.

Frank se rappelle avoir visité enfant le ghetto de Cracovie avec sa mère qui allait y « faire du shopping » de fourrures, parce qu’elle savait que les Juifs ne pouvaient refuser le prix qu’elle déciderait. Frank est impitoyable sur son père.

Le film entremêle des entretiens avec Frank et Wächter à des vidéos et des photos de la guerre. Certains des documents d’archives sont étonnants, y compris des images d’Hitler et d’autres dignitaires nazis. Sands se rend avec Frank à la cellule de Nuremberg où son père était détenu jusqu’à son exécution. Les trois hommes visitent les vestiges de la synagogue où la famille Sands a probablement passé son dernier Shabbat, avant que les nazis ne la réduise en poussière sous le commandement du père de Wachter.

Tout au long du film, Wächter ne peut se résoudre à reconnaître les crimes de son père, offrant une excuse après l’autre et en se fondant sur de vagues généralités pour réfuter la preuve de sa responsabilité dans la mort de dizaines de milliers de Juifs.

Pour nous, les faits sont irréfutables. Otto von Wächter a créé le ghetto juif de Lviv, alors Lemberg. Il a dirigé le transport qui a envoyé les Juifs dans des camps de concentration. Il a refusé l’offre de Himmler de retourner à Vienne, sa ville natale, choisissant de rester sur place et de faire consciencieusement son travail.

Pour Wächter, tout cela ne suffit pas à ébranler sa conviction que son père était un homme bon qui n’a joué qu’un petit rôle dans le régime nazi.

Plusieurs scènes charnières marquent le film. Dans chacune, tout est mis en œuvre pour que Wächter admette les crimes de son père. Dans l’une, une discussion entre Sands, Frank et Wächter, Wächter est pris à partie pour son admiration sans vergogne de son père. Wächter se tortille sur son siège, mais tient bon.


Dans une autre, les trois hommes visitent une salle, à Lviv, où le père de Frank a annoncé en 1942 la mise en œuvre de la Solution finale, félicitant le père de Wächter pour son travail. Un mois après ce discours, 75 000 Juifs locaux avaient été assassinés.

Dans une troisième scène, les trois hommes visitent le site d’une tuerie en Galicie, où environ 3 500 Juifs ont été fusillés par les nazis, dont les membres de la famille de Sands. Wächter erre, résistant obstinément à tous les efforts pour lui faire admettre la culpabilité de son père.

Le film a ses défauts. On ne nous dit pratiquement rien sur Frank et Wächter en dehors de la guerre, ce qu’ils font dans la vie, ou quoi que ce soit à propos de leurs conjoints ou enfants. Mais ces lacunes sont pardonnables.

Vers la fin du film, les trois hommes assistent à une cérémonie commémorative pour les nationalistes ukrainiens qui ont combattu les Soviétiques pendant la Seconde Guerre mondiale. Ils parlent avec un homme d’âge moyen qui porte une croix gammée autour de son cou et leur dit qu’il est fier de l’action de sa division.

Puis ils rencontrent un vétéran de la Seconde Guerre mondiale. Quand l’homme apprend qui était le père de Wächter, il serre la main du fils avec enthousiasme, lui disant que son père était un homme bien.

Wächter, affligé tout au long du film, semble enfin à l’aise. Et sourit.

Et enfin, un peu plus anecdotique, ce troisième article-ci :

Son of Nazi governor returns art stolen from Poland during second world war


Handover marks key moment in Poland’s long effort to regain its lost treasure, amid hopes other descendants of Nazi art thieves will follow example

Uki Goñi
Sun 26 Feb 2017 12.40 GMTFirst published on Sun 26 Feb 2017 10.00 GMT

In December 1939 a Viennese woman with chestnut brown hair walked triumphantly into the National Museum in Kraków.

Charlotte Wächter’s husband was the recently appointed Nazi governor of Kraków : SS Gruppenführer Otto Wächter ; she was decorating the new headquarters that he had established at the city’s Potocki Palace – and in the process, she looted every department of the museum.

According to a Polish government assessment from 1946, Frau Wächter took “the most exquisite paintings and the most beautiful items of antique furniture, militaria, etc, despite the fact that the director of the museum had warned her against taking masterpieces for this purpose”.

An estimated half a million art objects were plundered from Poland by the occupying Nazi and Soviet forces during the second world war.

Poland’s ministry of culture still keeps a vigilant watch for any that may turn up on the international art circuit. Unable to force their current holders to return them, Poland often finds itself having to buy the works at auction – sometimes from the descendants of those who stole them.

But Sunday marked a key moment in Poland’s decades-long effort to regain its looted treasure, one that hopefully will set an example for other descendants of Nazi art thieves.

Horst Wächter, the fourth of the SS general’s six children, has spent years trying to return a painting taken by his parents from the Potocki Palace. On Sunday, he attended a ceremony in Kraków at which three stolen works were returned to the Polish government.

This is probably the first time that the member of a family of one of the most important Nazi occupiers is giving back art that was stolen from Poland during the war”, said Ryszard Czarnecki, a vice-president of the European parliament and a member of the Polish Law and Justice party.

Wächter, 78, returned three works that his mother stole:  a painting of the Potocki Palace, a map of 17th-century Poland, and an engraving of Kraków during the Renaissance.

The small painting by countess Julia Potocka (1818-1895) depicts Artur Potocki bidding farewell from the balcony of the Potocki Palace to relatives who are departing in horse-drawn carriages burdened with heavy luggage.

My mother liked it very much” said Wächter. “The painting always hung in the rooms she inhabited. She took the painting out of the Potocki Palace – which was my father’s office – to Austria where she furnished the house we were living in during the war.

An attempt some years ago to return the painting to the Potocki family – the prominent Polish noble family whose Kraków residence Otto Wächter usurped during the war – did not go well.

The Potockis “did not want to have anything to do with me as the son of a Nazi”, said Wächter in an email from Schloss Haggenberg, the 17th-century castle where he resides in Austria.


About 68,000 Jews were expelled from Kraków in 1940 on the orders of Wächter, who the next year created the Kraków ghetto for the 15,000 Jews who remained. Killings under his orders continued when Hitler transferred him to become governor of Galicia in the Ukraine in 1942.

Seventy-five years later, the Wächter surname still rings alarm bells in Poland.

The delicate task of negotiating the return of the painting was finally taken on by Magdalena Ogórek, a Polish politician and historian who had conducted a series of interviews with Horst Wächter for a book she is writing about his father.

Ogórek had spotted the 17th-century map of Kraków in a photograph accompanying an article about Wächter in the Financial Times. When she asked Wächter about it, he admitted that his mother had stolen it, along with the other works.

I have to admit that I did not have to convince Horst to return it, he wanted to return it” says Ogórek, who also attended the handover ceremony on Sunday.

The hard part turned out to be convincing officials in Poland to negotiate with the son of such a notorious Nazi criminal. “Polish officials are reluctant to have contact with the children of Nazis, but I convinced them that our obligation was to do everything we could to return this painting to the city of Kraków.

Wächter says he returned the art works to honour the memory of his mother, who died in 1985. “I am not especially proud of my deeds,” he said. “I do not return the objects for me, but for the sake of my mother.

In a 2015 documentary My Nazi legacy, Wächter admitted to the British lawyer and author Philippe Sands that his mother was “proud” to be a Nazi. “She was convinced that my father was right and did the right things. She never spoke one word bad about him.”

Despite his clear-eyed approach to the looted artworks, Wächter maintains that his father was an unwilling cog in the Nazi killing machine, a position that has won him many critics. “My father became doomed and murdered for something he never planned and executed himself” Wächter said.

Otto Wächter died under mysterious circumstances in Rome in 1949 while waiting to escape to Argentina, where many other Nazis had already found safe refuge. He was administered the last rites by Austrian bishop Alois Hudal, one of the main churchmen involved in rescuing Nazis from Allied justice.

Ogórek believes Wächter may have been murdered in Rome. “I have discovered a Hudal document in the Vatican secret archives that shows he could have been poisoned”, says Ogórek.


Another question is how many other works of looted art might still be in the hands of families of other Nazi officers.

I hope that the return of this painting will encourage other families in possession of looted art to return them instead of trying to sell them at auction”, said Czarnecki.

As the son of a Nazi war criminal, it is perhaps unsurprising that Horst Wächter has a dim view of humanity, one which he says is confirmed by the rise of populist and racist movements across the Europe and the US.

In difficult times there have always been leaders who convince their followers that the others – all those different from them in culture, language or faith – were responsible for their troubles and that their community has to get rid of them. The Nazi period is definitely doomed to repeat itself.

A méditer…

Ce jeudi 29 mars 2018, Titus Curiosus – Francis Lippa

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