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En parallèle à ma lecture enchantée du « Penser avec les oreilles » de François Noudelmann (paru en 2019), trois entretiens de l’auteur à propos de cet indispensable travail d’exploration jubilatoire et festif de l’aisthesis…

13juin

Poursuivant ma lecture absolument enthousiaste de l’œuvre de François Noudelmann,

et alors que je viens d’entamer _ j’en suis à la page 41 _ ce mardi 13 juin son « Penser avec les oreilles« , paru aux Éditions Max Milo le 29 août 2019 _ voici déjà le texte très alléchant de sa quatrième de couverture : « Des réflexions sur la place du son dans le discours philosophique. Elles mettent en lumière l’importance de la voix, du ton ou de l’accent dans l’élaboration et la réception _ les deux ! _ de la pensée des philosophes.

Et si nous enlevions les bouchons de nos oreilles pour entendre enfin le son des idées ? La pensée fait du bruit, nous l’avons oublié : de grands vacarmes ou de légers bruissements. La voix des philosophes, leurs accents, font partie _ absolument ! _ de leur pensée. Même dans leurs écrits nous entendons des cris et murmures _ mais oui : toute une gamme d’humeurs très variées, qui sont partie prenante du penser. Depuis les dispositifs acoustiques de l’Antiquité jusqu’à l’utilisation du microphone aujourd’hui, François Noudelmann pose son stéthoscope sur la philosophie. Il étudie les milieux sonores les plus favorables à la réflexion et propose une écologie sonore de la pensée » : rien moins ; et c’est passionnant !.. _,

de la même manière avec laquelle j’ai procédé en avant-propos de mes lectures-relectures de son « Les airs de famille. Une philosophie des affinités » (paru aux Éditions Gallimard le 16 février 2012), en mon article d’introduction du 21 mai dernier : « « , comportant de précieux liens à trois vidéos d’entretiens de (et avec) François Noudelmann, en date du 7 juillet 2020, et intégrées toutes les trois en un article unique pour ABCpenser.com , sur une idée de Philippe Petitintitulé très justement « Qui êtes-vous, François Noudelmann ? – Ma vie a été une suite de rencontres« , que voici : « Qui êtes-vous, François Noudelmann ? » (22’21) ; « Écouter » (28′ 51) ; et « Affinité » (25′ 05),

semblablement, en forme d’initiation à cette lecture de « Penser avec les oreilles« , voici trois remarquables entretiens de François Noudelmann, en date respectivement

du 28 avril 2017 _ soit parallèlement à l’écriture de son essai qui paraîtra deux ans plus tard, le 29 août 2019 ; et c’est à relever… _pour le premier : « Pour une écoute des bruits de la pensée » (d’une durée de 77′ 17), et en un séminaire à Toulouse, « Poéthiques« , organisé par Jean-Yves Laurichesse et Nathalie Cochoy, à l’université Jean Jaurès de Toulouse ;

du 16 septembre 2019 _ en concomitance, donc, avec la parution du livre… _, pour le second : « Stéthoscope » (de 53′ 10), pour l’émission « L’Heure bleue » de Laure Adler, sur l’antenne de France-Inter ;

et du 14 avril 2022 presque trois années plus tard, pour celui-ci… _, pour le troisième : « Penser avec les oreilles » (de 37′ 12), en un entretien avec Carine Fillot, sur le site d’Elson.fr ;

entretiens très vivants et très ouverts et très riches,

dans lesquels nous pouvons percevoir la voix même _ avec la gamme infiniment variée (en rien, jamais monocorde) de ses inflexions et rythmes, sonorement eux-mêmes déjà très parlants en dehors de la teneur des paroles prononcées et significations proposées… _ de François Noudelmann penser au présent de ces entretiens enregistrés _ en interlocution, donc, avec un auditeur très attentif, qui improvise des questions, ainsi qu’un auditoire présent en effectivité dans la salle, ou via la diffusion à la radio, ou sur le Net…

La voix et les intonations, comme la gestuelle des bras et des mains, de François Noudelmann étant toujours éminemment expressives,

en leur chantante et dansante formidable liberté de l’imageance tellement festive, de ce jubilatoire penser en acte…

Et je voudrais citer aussi ici l’impression magnifique et merveilleuse que j’ai éprouvée, le 20 mai 2011, dans la salle Albert-Mollat où se tenait l’entretien (d’une durée de 57′) que j’ai eu le bonheur d’avoir avec Jean Clair, à propos de ses Dialogue avec les morts & L’Hiver de la culture (57′) :

J’eus alors la très insigne chance de recevoir la grâce infiniment rare d’écouter, précisément, vraiment penser mon interlocuteur, en notre conversation à la fois précise et ouverte autour de ses deux livres…

Ou quand la voix se fait, en son grain même, en ses tons, en ses flux et inflexions, en ses rythmes, en ses ralentissements et silences, le véhicule éminemment sensible et perceptible d’un serein, simple et profond assumé penser vraiment… 

En voici, à savourer, le prodigieux podcast

À suivre…

Ce mardi 13 juin 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Langage de la parenté versus jeu contingent des affinités, ces alliances de différences : un éloge du nomadisme et de la créolisation, à la Edouard Glissant, par François Noudelmann dans « Les enfants de Cadillac » ; soient un regard depuis New-York, pour François Noudelmann, et un regard de sa tour bordelaise, à la Montaigne, pour Titus Curiosus – Francis Lippa…

25mai

Ce jeudi 25 mai,

je poursuis pour le cinquième jour ma quête de ce que je caractérise, en lisant, dans l’enthousiasme, cette pépite et ce trésor, qu’est, de François Noudelmann, son « Les enfants de Cadillac« , comme une prise de conscience progressive, par l’auteur, au fil de ses découvertes, recherches, puis re-découvertes, d’une vie mouvante et émouvante, sienne, de « tensions entre affiliations (et plus encore désafilliations, ruptures, coupures, fuites, départs, déplacements, éloignements…) et un jeu contingent et ouvert, renversant, d’affinités de rencontres, alliances de différences (nourrissantes, greffantes et métamorphosantes, bien plus que de ressemblances fermées et fermantes, aliénantes), ou les routes et déroutes d’un homme (et « amant à double vie« , dit-il aussi...) plus libre« …

Cf donc la continuité de mes articles précédents :

_ du dimanche 21 mai : « « 

_ lundi 22 mai : « « 

_ mardi 23 mai :  « « 

_ et mercredi 24 mai : « « 

De fait, une autre logique que celle la plus attendue (de la part des généalogistes), se fait jour et se dessine très clairement, page 189 :

« Les généalogistes, obsédés par la continuité _ chaque génération succédant à celle (de ses parents) qui la précède, déjà génétiquement, même s’il n’y a jamais, et de loin, pure et simple duplication (clonage !) d’individus… _, sous-estiment le marrainage et le parrainage _ par lesquels filleuls et filleules empruntent, par certaines identifications souples et ludiques, bien d’autres traits que ceux directement reçus génétiquement, mais aussi culturellement, de leur père et de leur mère _, qui introduisent du jeu _ de la complexité, de la variété et des variations… _ dans la transmission _ qui est aussi, et pour une très bonne et large part, culturelle ; avec la richissime part des œuvres…….

(…) Il faut bien admettre que certains tuteurs et protecteurs ont nourri cet imaginaire parental, m’obligeant parfois _ plusieurs fois, donc ; pas seulement en quittant Limoges en 1976… _ à devenir un fils fuyant pour ne pas endosser _ tel que l’a endossé Énée quittant Troie en flammes… _ un Anchise trop pesant.

Grâce à eux, je ne suis pas resté dans le no man’s land _ asséchant et destructeur _ où me destinait le ballottage _ acté par le juge des divorces, en 1967 _ entre deux milieux _ celui du père et celui de la mère, chacun des deux bien mal remarié, un peu plus tard, aux yeux de leur fils François _ hostiles ou négligents.

Ces grands aînés, souvent professeurs _ oui, par exemple de Lettres ou de Philosophie ; et aussi de Piano… _, m’ont vu comme un chien perdu au milieu d’un jeu de quilles, et ils m’ouvrirent leurs espaces _ différents (et ouverts d’œuvres vraies et non factices)… _ et m’apprirent _ et c’est fondamental pour l’épanouissement de la personnalité en gestation en ce moment tendu (et souvent à vif) de changement de carapace, et d’éclosion de l’adolescence… _ la passion des œuvres _ un élément capital ! et assurément fondamental ! Même si beaucoup, et même la plupart, craignent et fuient les trop vives passions…

La première fut ma professeur de piano _ je regrette pour ma part que François Noudelmann n’honore pas son récit du nom de celle-ci… _, rencontrée quand j’avais dix ans _ en 1969, donc, et à Lyon où François résidait avec son père, seuls tous les deux, mais ensemble… _ parce qu’il fallait occuper mon temps libre, et qui me fit peu à peu découvrir la musique et bien d’autres choses aussi essentielles, une fois l’adolescence venue. En termes de transmission, elle tiendrait une place majeure dans l’arbre.

(…) Et le dernier, emblématique de ces pères qu’on pourrait dire supplétifs, annexes, cooptés ou assimilés : Édouard Glissant  _ Sainte-Marie, Martinique, 21 septembre 1928 – Paris 15e, 3 février 2011 ; cf le beau livre que François Noudelmann, qui a accompagné son parcours de 1999 à son décès en 2011, lui a consacré, en 2018 : « Édouard Glissant, l’identité généreuse« …   _  fut à la fois le théoricien et le praticien de ces relations imprédictibles, anti-généalogiques, refusant la vérité _ exclusive, réductrice, fermée _ de l’origine, des races et des racines, leur opposant le nomadisme et la créolisation _ ouverts aux grands vents, voilà.

(…) Combien d’autres paternités et maternités, fraternités et sororités sans liens de sang, agrégeons-nous pendant notre existence ?

Le langage de la parenté devrait _ ainsi _ céder _ dans les discours et représentations sociales les plus répandues, dominantes (et idéologiques) _ devant la force _ combien féconde, elle _ de ces adoptions incessantes et laisser place au jeu contingent _ ouvert et créateur, lui _ des affinités, ces alliances de différences _ nous y voici !, page 190. Ce concept d’« affinités«  étant crucial dans l’idiosyncrasie de François Noudelmann ; cf son tout à fait décisif « Les Airs de famille. Une philosophie des affinités« , paru en 2012.

Et il faudrait y ajouter non seulement ces libres cousinages humains, mais aussi des animaux, des livres, des musiques, des habitats, des voyageurs, des événements historiques et des malheurs intimes _ aussi, bien sûr, même si le discret et pudique François Noudelmann est loin de s’y attarder : il les floute plutôt, mais sans totalement les masquer ; car ce serait là mentir… Il faut et il suffit donc de bien le lire… _,

tout ce qui forme et déforme plus ou moins plastiquement _ un être, le nourrit _ et irrigue ; cf l’intuition de ma contribution personnelle, intitulée « Oasis (versus désert) », au « Dictionnaire amoureux de la librairie Mollat« , aux pages 173 à 177 (celui-ci est paru aux Éditions Plon en octobre 2016) ; et cette contribution, je la donne à lire en mon article du 17 juin 2022 : « « , accessible ici _ comme une sève abondante _ oui.

Le hasard des rencontres _ avec le nécessaire concours, aussi, du malicieux (et terrible : son tranchant à l’égard de la pusillanimité et la procrastination étant implacable !) divin Kairos ; cf là-dessus mon article du 26 octobre 2016, comportant mon texte « Pour célébrer la rencontre« , qui constituait l’ouverture de mon essai de 2007 demeuré inédit « Cinéma de la rencontre : à la ferraraise _ ou un jeu de halo et focales sur fond de brouillard(s) : à la Antonioni », à partir de ma lecture très détaillée du chef d’œuvre (bien trop méconnu) de Michelangelo Antonioni « Al di là delle nuvole« , en 1995 ; et mon analyse de sa riche genèse chez Antonioni ;

cf là-dessus les inestimables ressources des volumes publiés par Alain Bonfand aux Éditions Images modernes : « Le Cinéma de Michelangelo Antonioni« , en deux volumes (un volume de présentation, « Le Cinéma de Michelangelo Antonioni« , et surtout, bien sûr, les « Écrits«  d’Antonioni), en 2003 ; ainsi que l’indispensable lui aussi « Ce Bowling sur le Tibre«  d’Antonioni , en 2004… _,

et l’incitation à entrer sur des terrains que je pensais réservés _ socialement _ à d’autres, ont guidé mes routes et déroutes« , lit-on ainsi page 191.

On comprend ainsi comment je me sens personnellement pas mal d’accointances et affinités, déjà, avec ce que François Noudelmann dit ici de sa formation-construction de lui-même _ philosophique, littéraire, musicale, etc. _ et de ses cheminements…

..

Même si je n’ai, pour ce qui me concerne, nulle attraction new-yorkaise _ non plus qu’américaine… _ :

New-York, où le 29 avril 1892, à l’âge de 32 ans (il était né en 1860 à Entradam, alors en Hongrie, mais actuellement en Roumanie), est décédé Samuel Kahan, le grand-père maternel de mon pére, né lui en 1914 _ et c’est un vieux et très émouvant film muet (en yiddish), « Hester Street«  (de Joan Micklin Silver, d’après « Yekl«  d’Abraham Cahan, paru en 1896; cf ici la bande-annonce de ce film), vu, par hasard, au Festival du Film d’Histoire de Pessac, qui m’a permis de comprendre comment certains pères de famille juifs faisaient le voyage de l’Amérique, New-York et Ellis Island, afin d’y préparer la venue de leur épouse et enfants… Samuel Kahan est décédé assez vite après son arrivée. Son épouse et ses trois enfants, Fryderyka, Rose et Nison (né à Lemberg le 25 octobre 1983, et décédé à Haifa en 1949), sont ainsi demeurés alors en Galicie, à Lemberg ; et n’ont pas gagné New-York… Mais lui, Samuel Kahan, est inhumé à New-York. Et je descends de lui, je suis son arrière-petit-fils (né le 12 décembre 1947), via sa fille Fryderyka, ma grand-mère paternelle, et son petit-fils Benedykt Lippa, mon père… Et c’est par la cousine germaine Eva de mon père, fille du frère Nison de Fryderyka, Eva Kahan, épouse Speter (Budapest, 15 mars 1915 – Tel-Aviv, 2007 ; Eva a survécu à un passage à Auschwitz, en 1944 ; et en a laissé des témoignages !..) qu’un soir de juillet 1986, j’ai pris connaissance, au restaurant où elle dînait, de cet arbre généalogique familial galicien… De bref  passage à Bordeaux, et sachant que son cousin Benedykt avait fait ses études de médecine à Bordeaux, Eva Speter, de passage à Bordeaux, était tombée sur le nom de « Lippa » dans l’annuaire téléphonique de Bordeaux qu’elle avait voulu consulter ; et c’est ainsi qu’elle m’avait joint au téléphone : « _ Êtes-vous parent avec le Docteur Benedykt Lippa ? _ Oui, c’est mon père« , avais-je bien sûr répondu… De fait, mon père, lui même très sportif (il a pratiqué très longtemps le tennis ; et avait fait de la boxe en sa prime jeunesse ; il avait aussi appris le violon !), avait raconté plusieurs fois, non sans fierté, qu’il avait une cousine Eva qui, en sa jeunesse, avait été championne de natation, à Budapest : je connaissais donc l’existence de cette cousine Eva ; et c’est probablement une des raisons qui m’avait suggéré, en 1981, de donner le prénom d’Eve à notre seconde fille, née le 10 octobre 1981…Et plus tard, Eva, ainsi que son frère Andrew Samuel Kahan (né à Budapest le 28 février 1921), sont chacun d’eux venus d’Israël rendre visite à mes parents… 

L’épouse de Samuel Kahan, Sara Sprecher (Lemberg, 1860 – Lviv, 1937) _ les Sprecher, très aisés, possédaient plusieurs immeubles à Lemberg – Lwow… _, mon arrière-grand-mère paternelle, la mère de la mère, Fryderyka Kahan, de mon père, le Dr Benedykt Lippa (Stanislaus – Stanislawow – Ivano-Frankivsk, 11 mars 1914 – Bordeaux, 11 janvier 2006), était donc native de la même ville (Lemberg -Lwow – Lvov – Lviv) que Marie Schlimper (Lemberg, 1881 – ?, ?), la mère d’Albert Noudelmann (Paris, 24 juin 1916 – Limoges, 16 juillet 1998), et grand-mère paternelle de François Noudelmann (Paris, 20 décembre 1958)…

Pour ma part, je me sens _ culturellement, philosophiquement et humainement _ proche d’un Montaigne, et de sa lumineuse et si féconde tour, où je pouvais, enfant et adolescent, me rendre à pied dans la journée depuis le domicile familial de Castillon-la-Bataille ;

cette tour dans laquelle très sereinement, et très activement, par l’exercice inventif  de son très alerte penser _ ce que je nomme, en dialogue avec l’amie Marie-José Mondzain, son « imageance«  _, et surtout à l’écritoire de ses « Essais« , Montaigne (Saint-Michel-de-Montaigne, 28 février 1533 – Saint-Michel-de-Montaigne, 13 septembre 1592) _ une fois la si riche conversation effective de l’ami La Boétie interrompue : La Boétie (né à Sarlat le 1er novembre 1530) est décédé à Germignan, près de Bordeaux, le 18 août 1563… _ entretenait un dialogue quasi permanent et archi-vivant _ « tant qu’il y aurait de l’encre et du papier«  ! Et du souffle de vie en lui… _ avec les auteurs _ vivant à jamais dans l’éternité de leur plus vif penser _ des livres de sa bibliothèque, et des inscriptions de citations peintes par lui sur les poutres de sa « librairie », au second étage de la tour ; cf d’Alain Legros le passionnant « Essais sur poutres« …

Je suis donc _ en toute modestie, bien sûr : je ne me prends pas pour Montaigne !.. _ attaché à ma propre tour bordelaise _ avec ses rangées et piles de livres et disques ; mais dénuée de poutres… _, ainsi qu’à la librairie Mollat, et aux dialogues avec les auteurs (d’œuvres) avec lesquels j’ai la passion et la chance insigne de m’entretenir _  voilà ! _ très effectivement _ et pas seulement par la lecture et l’écoute active de leurs œuvres ; j’aime rechercher et découvrir de leur bouche même, en notre échange sur le vif, quels ont été et sont, selon eux, les « sentiers » même les plus secrets de leur création _ ;

cf ce catalogue-ci récapitulatif de podcasts et vidéos de mes entretiens : « « 

Et je me sens aussi pas mal d’accointances et affinités _ déjà philosophiques de fond, mais aussi littéraires : François Noudelmann adore et Montaigne et Marivaux ; si chers à moi aussi ; et musicales : François Noudelmann vénère Fauré, Debussy, Ravel, et Poulenc : moi de même !.. Pour ne rien dire de ses positions culturelles et civilisationnelles ; je les partage absolument aussi… _ avec François Noudelmann,

ne serait que par notre passionnée mélomanie, et notre attention singulière à l’écoute…

Ainsi que nos regards transversaux, à tous deux, sur le réel…

Et ici je renvoie à mon article programmatique qui a précédé, le 3 juillet 2008, l’ouverture de mon blog « En cherchant bien _ carnets d’un curieux« , le 4 juillet 2008 ;

avec un article intitulé, emblématiquement, et je n’y ai pas dérogé depuis, «  » : exemples détaillés à l’appui, il est très explicite ; le consulter ici

Et j’avais choisi d’en baptiser le signataire _ je désirais un nom d’auteur _ « Titus Curiosus« , soit quelque chose, en mon esprit, comme « petit curieux« ,

sans autre ambition que de m’essayer, en pleine liberté, à bien chercher à découvrir vraiment… ; et partager ainsi, par le blog, modestement, sans tapage ni compromission de quelque sorte, ces efforts d’un peu mieux penser, un peu mieux regarder, un peux mieux écouter, un peu mieux sentir et ressentir, les altérités _ en leur  plus authentique singularité et idiosyncrasie : distinctes, donc, et indépendantes de moi-même… Les approcher, simplement, d’un tout petit peu plus près : comme quand on aime vraiment.

« Former son jugement« , disait le cher Montaigne _ en le frottant et osant le confronter, sans timidité ni crainte, à ceux d’autres qu’on estime ou admire : en un dialogue poursuivi, via des œuvres que ces autres ont données et laissées, en une vivante libre interlocution éruptive et féconde, tenue et entretenue (et constamment revue) au présent, avec eux, dans la distance actuelle et exigeante de l’éloignement géographique ou/et historique, en une dimension de quelque chose qui s’apparente, et cela forcément en toute modestie (et avec un brin d’humour, et surtout sans présomption), à comme de l’éternité, dont le signe annonciateur ressenti est la joie… Ce que l’amie Baldine Saint-Girons caractérise superbement comme un « acte esthétique« , en son justissime et si beau « L’Acte esthétique« , pour déclencher et entretenir cette joie du plus vif et actif penser en soi-même : être vraiment vivant, au contact parlant de ces altérités chantantes, à recevoir, et auxquelles répondre, et avec lesquelles, oui, dialoguer vraiment. Et de fait cela advient, vraiment… Vraiment.

Ce jeudi 25 mai 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Pier-Paolo Pasolini, fondamentalement poète en les diverses facettes de ses diverses expressions : un superbe entretien de René de Ceccatty avec Jacques Henric pour Art Press

06juin

L’année Pasolini 2022 _ des 100 ans de la naissance de Pier-Paolo Pasolini, le 5 mars 1922 à Bologne _

nous offre une nouvelle contribution lucidissime de l’ami René de Ceccatty,

en un très riche et très pertinent entretien, très vivant, pour Art Press, avec Jacques Henric,

intitulé « pier paolo paSoliNi cinéaste de poésie » :

pier paolo paSoliNi cinéaste de poésie

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Pasolini avec sa mère. 1962. (Bridgman Images/AGF)

René de Ceccatty

Avec Pier Paolo Pasolini

Éditions du Rocher, 560 p., 24 euros

René de Ceccatty

Gallimard, « Folio biographies », 320 p., 9,80 euros


Pier Paolo Pasolini
Descriptions de descriptions
Traduit par René de Ceccatty Manifeste ! , 450 p., 23 euros

Pier Paolo Pasolini

Pasolini par Pasolini

Entretiens avec Jon Halliday Traduit par René de Ceccatty Seuil, 240 p., 32 euros

L’anniversaire de la naissance de Pier Paolo Pasolini bénéficiera-t-il de la même couverture de presse que celle de Jack Kerouac ? Si les biographies de deux des grandes figures littéraires du siècle passé permettent de trouver des affinités entre elles, l’histoire dans laquelle elles ont été plongées l’une et l’autre n’est pas la même : les États-Unis ne sont pas l’Europe, et ne sont surtout pas l’Italie ; les Américains n’ont pas vécu sous un régime fasciste. Kerouac et Pasolini n’ont pas connu la même mort. René de Ceccaty, dans la récente réédition _ complétée d’un très important chapitre inédit  _ de la biographie qu’il avait consacrée à Pasolini en 2005, revient précisément sur les conditions de l’assassinat de celui-ci, il en relate les faits et en analyse les dernières hypothèses.

Si la personnalité et l’œuvre de Kerouac peuvent aujourd’hui relativement faire consensus, il n’en est donc pas, et il n’en sera jamais ainsi avec Pasolini, tant les engagements politiques, idéologiques, religieux, littéraires, moraux de l’auteur de l’Expérience hérétique et des Dernières Paroles d’un impie ont été et restent objets de scandales pour toutes les bienpensances, de gauche, de droite, d’extrême droite et d’extrême gauche. Qu’on se remette en mémoire les polémiques qui l’opposèrent à l’ensemble des intellectuels et écrivains italiens, inclus ses propres amis. Nous avons choisi d’interroger un des meilleurs commentateurs français de l’œuvre de Pasolini, René de Ceccatty, essayiste, traducteur, écrivain lui-même. Outre sa biographie de Pasolini, il publie aux éditions du Rocher Avec Pier Paolo Pasolini. Il est aussi le traducteur et l’auteur de la postface des derniers entretiens qu’a donnés Pasolini avant sa mort, publiés par le Seuil, Pasolini par Pasolini, un riche album illustré de photos, photogrammes et archives. À signaler également Contro-Corrente, un récit de voyage (illustré) de Chantal Vey « sur la route de Pier Paolo Pasolini » (Loco, 256 p., 29 euros). Et ce rappel : à voir ou revoir, le film de Luwig Trovato tourné en 1984 grâce à l’aide de son ami Ninetto Davoli, Pasolini, la langue du désir, pour les entretiens avec le père Virgilio Fantuzzi, jésuite ami de Pasolini, avec Laura Betti, Alberto Moravia, Bernardo Bertolucci, Ettore Scola…

Jacques Henric

■ Les entretiens de Pasolini avec Jon Halliday, inédits en France, parus dans l’album du Seuil, ont-ils modifié l’image que vous aviez de la personnalité de l’écrivain ?

Pasolini, durant toute sa vie, a donné d’innombrables entretiens, mais certains, comme celui avec Jean Duflot, ou bien sûr le dernier, accordé à Furio Colombo, sont particulièrement éclairants. Il en restait un troisième, essentiel, parmi la somme d’inédits (rappelons que les œuvres écrites complètes publiées en Italie il y a une vingtaine d’années sont l’équivalent de dix Pléiades, c’est-à-dire plus de vingt-mille pages). Jon Halliday, journaliste irlandais, futur spécialiste du cinéma et de la politique asiatique (la Chine et le Japon) et auteur d’une biographie de Mao, était dans les années 1960 en Italie et a proposé à Thames & Hudson une monographie sur Pasolini qui commençait à être largement connu dans le monde, notamment grâce à son film l’Evangile selon saint Matthieu (1964). Plutôt que d’écrire l’essai qu’on lui demandait, il a préféré donner la parole au cinéaste poète pour mieux le faire connaître. Et tout en l’orientant sur la genèse de ses films, il est soucieux de dessiner l’arrière-plan personnel, biographique et politique. Sachant que son interlocuteur était (nous sommes en 1968) très engagé dans la réflexion politique, connaissant ses déboires avec la Démocratie chrétienne, mais aussi avec la ligne droite du PCI, il l’incite à exprimer complètement ses positions, ses différends, ses choix. Mais il tient à ce que Pasolini dresse lui-même son tableau familial et retrace son parcours. C’est donc un document assez rare sur la vie et l’œuvre de Pasolini, sur la genèse de presque tous ses livres (recueils de poèmes, romans, essais) et films, depuis sa naissance, jusqu’en 1968. Un entretien supplémentaire sur Théorème que Pasolini était en train d’achever, sera ajouté lors de la publication, l’année suivante, et, pour la version italienne (qui est posthume et ne parut qu’en 1992), le journaliste complétera le livre par une conversation sur les Contes de Canterbury, tourné en 1971-72.

Que l’entretien ait eu lieu au printemps 1968 n’est évidemment pas anodin. Pasolini est amené à clarifier ses positions, en tant qu’artiste, mais aussi en tant que citoyen, ainsi qu’il le fera désormais systématiquement, dans les dernières années de sa vie, à travers des chroniques souvent provocantes et brûlantes, réunies sous les titres respectifs des Écrits corsaires, du Chaos, des Lettres luthériennes. Mais ici, c’est davantage le cinéaste qui prend la parole. Un cinéaste très particulier, dans la mesure où il est arrivé relativement tard derrière la caméra (à 39 ans), alors qu’il est déjà considéré comme un poète majeur (avec les Cendres de Gramsci et la Religion de mon temps, ainsi que le Rossignol de l’Église catholique) et un romancier qui a apporté une véritable révolution linguistique, en mettant en scène des petits délinquants de la banlieue de Rome, dont il transcrit le langage (enregistré avec l’aide de son ami Sergio Citti), sous une forme littéraire qui n’avait jamais eu de précédents. Cette innovation stylistique était considérée également comme un geste politique, contesté par les communistes, dérangés de voir le sous-prolétariat et la pègre supplanter, dans la mythologie des classes populaires, la classe ouvrière… Par ailleurs, l’inspiration poétique, où se mêlaient marxisme, christianisme, sentiment mystique de la nature, vénération du patrimoine artistique, essentiellement pictural, et conscience historique, aveux sexuels, crudité et raffinement linguistique, était inhabituelle. On quittait avec lui le réalisme, mais non la réalité. Subtilité qu’il eut du mal à faire comprendre et qui lui valut pas mal de déboires. Dans ces entretiens, Pasolini est donc amené à justifier de nombreux aspects de sa vie personnelle, de son engagement politique, de sa lecture de la littérature et de sa perception du cinéma, et à faire comprendre à son interlocuteur pourquoi nombre de ses films avaient fait l’objet d’interdictions et même de procès, pour des raisons aussi politiques que morales et esthétiques. J’avais bien entendu lu en italien dès sa parution en 1992 ce livre qui m’a paru tout à fait exceptionnel. Et il m’a été utile pour la rédaction de ma biographie de Pasolini, parue en 2005. Mais ce ne sont pas ces entretiens qui m’ont apporté, pour le chapitre additionnel _ très important ! _ de la nouvelle version parue en 2022, des éléments nouveaux, puisque j’ai simplement regroupé dans un chapitre final ce qui concerne l’enquête sur son assassinat. Ce qu’en revanche, moi-même, j’ai ajouté à ces entretiens, dans ma postface, concerne la fin de sa carrière cinématographique et littéraire, et notamment Porcherie, Médée, le Décaméron, les Mille et Une Nuits et Salò, dont Jon Halliday, forcément, ne dit rien. Nous avons décidé d’illustrer les entretiens par des photos de tournage, qui permettent de comprendre dans quelles conditions se trouvaient les comédiens et amis de Pasolini, et Pasolini lui-même. Il y a également des photogrammes qui donnent une idée des principes de son esthétique (qu’il commente) et de leur évolution (sur laquelle il a par ailleurs théorisé dans Empirismo eretico). Pasolini a toujours accompagné sa création poétique, romanesque, cinématographique d’explications ou de questionnements, et la forme dialoguée lui était très naturelle. C’était un cinéphile et un lecteur très pointu. Il avait donc l’habitude d’analyser, comme le montrent ses Descriptions de descriptions (que j’ai traduites et que Manifeste ! republie dans une version considérablement augmentée par rapport à leur première publication par Rivages).

HAINE DU CONSENSUS

Comment interprétez-vous l’incompréhension avec laquelle a été reçue, en France notamment, ce qui me paraît être le chef d’œuvre de Pasolini, Petrolio ? Ma question vaut aussi pour Salò.

En 1995, lorsque a paru en France ma traduction de Petrolio (publié en Italie en 1992), j’ai été confronté – tout comme, en Italie, la petite-cousine et héritière de Pasolini, Graziella Chiarcossi, qui avait fini par se résoudre à sortir du tiroir ce chef-d’œuvre inachevé, resté à l’état de tapuscrit, et que très peu de lecteurs avaient eus entre les mains en dehors d’elle-même et d’Alberto Moravia ou d’Enzo Siciliano –, à une perplexité de la critique et même à une certaine hostilité. Deux problèmes se posaient avant tout : l’inachèvement de l’œuvre et son contenu. L’inachèvement était bien sûr accidentel, puisque Pasolini, qui avait commencé la rédaction vers 1972 a été assassiné en 1975 _ le 2 novembre 1975, à Ostie _, alors qu’il n’avait écrit qu’un quart probablement de ce qu’il avait imaginé. Ce devait être une œuvre monumentale. Mais l’inachèvement, la forme fragmentaire et partiellement obscure, faisaient partie du projet littéraire (et politique). Pasolini s’en exprime dans le livre même, en s’appuyant sur des principes du formalisme russe qu’il cite. Il use de divers registres, dont celui du pastiche et de la parodie, puisqu’il réécrit les Possédés de Dostoïevski, qu’il modernise et adapte au contexte italien. Mais comme il l’avait déjà fait dans Alì aux yeux bleus (recueil de scénarios, poèmes, nouvelles, fragments), il met côte à côte des textes de natures différentes. En cela, il se rapproche de livres composites comme la Tentation de saint Antoine de Gustave Flaubert ou le Satiricon de Pétrone. C’est un concentré, un compendium du savoir politique, social, métaphysique, de son temps.

Ce livre par ailleurs met en scène un personnage qui se dédouble (Carlo di Tetis et Carlo di Polis) et qui n’est pas l’alter ego de l’auteur, mais qui a des traits communs avec lui. Et Pasolini décrit à la fois certains de ses projets cinématographiques, reproduit certaines de ses lectures, met en scène ses amis (Alberto Moravia et Elsa Morante, entre autres), cite des hommes politiques facilement reconnaissables sous leurs noms fictifs, donne libre cours dans un chapitre désormais célèbre et volontairement très obscène (« Le terrain vague de la via Casilina ») à ses fantasmes sexuels (des rapports sexuels répétitifs et cumulatifs avec une cinquantaine de garçons en une nuit dans la banlieue désolée de Rome), enfin, et ce sera le cœur de ce livre, il se livre à une enquête sur le meurtre déguisé en accident d’Enrico Mattei, le patron de l’ENI, la société nationale italienne de pétrole, qui donne donc son titre au livre.

Le roman (présenté comme « poème ») contient des analyses de théorie littéraire particulièrement pointues qui en rend la lecture parfois ardue. Pour des raisons morales (comme pour ses premiers romans), le livre a choqué, surtout après son assassinat que l’on comprenait en partie comme une sorte de conséquence de ses fantasmes sexuels. Le livre semblait confirmer cette thèse. Par ailleurs l’apparent désordre du texte semblait donner raison aux critiques qui pensaient qu’il n’était pas digne d’être publié. C’est un procès que l’on fait à de nombreux posthumes. Je rapproche pour ma part ce livre d’Un captif amoureux de Jean Genet, et je pense que Pétrole tient dans l’œuvre de Pasolini une place similaire à celle qu’a tenue son livre posthume dans l’œuvre de Genet. Avec les mêmes malentendus, pour ne pas dire contresens, sur l’interprétation politique de ces longs poèmes en prose. Quand on lit Trasumanar e organizzar, qui est le dernier recueil poétique publié du vivant de Pasolini, on s’aperçoit de la grande cohérence de son œuvre et du lien qui unit ces poèmes aux pages de Pétrole. Bien que certaines pages de Pasolini, en poésie et en prose, soient limpides et lumineuses, il n’hésitait pas à publier des textes hermétiques, lui qui pourtant honnissait l’avant-garde ! Avec le temps, j’ai vu évoluer les jugements sur Pétrole, de façon de plus en plus positive, surtout chez les universitaires, mais aussi chez les enquêteurs qui ont trouvé dans Pétrole des éléments, selon eux, déterminants pour expliquer les circonstances ou plutôt les causes politiques de son assassinat.

En ce qui concerne Salò ou les 120 journées de Sodome, le problème est différent. J’ai assisté à la première projection mondiale du film, au Festival de Paris, le 22 novembre 1975, moins de trois semaines après son assassinat. Certains spectateurs réclamaient à grands cris l’arrêt immédiat de la séance. Le film a été vu alors à travers le filtre de ce meurtre, comme si la métaphore du sexe comme arme d’humiliation et d’extermination s’était concrétisée et objectivée dans cette tragédie. En dehors de cette dérive d’inter- prétation inévitable dans de telles circonstances, il y a eu deux sortes de contestations de ce film : certaines critiques – émanant par exemple de Roland Barthes que Pasolini admirait, sur lequel il avait écrit, mais qu’il cite, dans le générique, comme une inspiration du film et comme lecture des tortionnaires snobs, bourgeois, pervers et cultivés, ou de Michel Foucault qui s’est exprimé avant d’avoir vu le film et sur de simples préjugés – ont reproché à Pasolini d’avoir mal interprété Sade, de l’avoir « représenté », alors que l’imaginaire sadien était délibérément irréaliste et ne supportait pas l’image ; d’autres, comme Italo Calvino, ont vu, dans ce film, une dénaturation de l’histoire de l’Italie par cette représentation métaphorique qu’il jugeait hystérique et quasiment pathologique et ont contesté l’idée d’attribuer le fascisme à Sade, lui qui avait payé cher son esprit révolutionnaire, ou d’avoir réduit le fascisme à ce rituel sexuel sanglant.

Mais le problème fondamental est le revirement de Pasolini quant à son usage de la sexualité dans son art : jusque-là, après une période de culpabilisation assez forte sur son homosexualité vécue dans sa prime jeunesse, dont il s’était affranchi plus ou moins, mais plutôt moins que plus, ainsi qu’en témoignent ses Cahiers rouges et surtout Amado mio et Actes impurs (le titre dit tout…), le sexe libre et affirmé était une revendication de ses films et une joyeuse provocation, anticonventionnelle, antihypocrite. Le sexe peu à peu devenait un ennemi, pour lui. Il le représentait avec dégoût. Et le désir sexuel devenait une forme d’agression et d’horreur. Et il s’isolait, de ce fait, considérablement, par haine du consensus. Cela dit, ce n’était évidemment pas la première fois que Pasolini représentait le sexe de manière négative : il l’avait fait dans Médée, dans Porcherie et même, dans une moindre mesure, dans les Contes de Canterbury. Il se peut que, sur le plan biographique, l’abandon de son ami Ninetto Davoli qui s’était marié et l’avait donc trahi, ait eu une influence sur cette humeur sexuelle dépressive. Cela dit, la récente redécouverte d’un scénario intitulé la Nebbiosa (parue en français sous le titre la Nébuleuse), écrit à la fin des années 1950, et décrivant le meurtre d’un homosexuel par des voyous bourgeois à Milan, montre que Pasolini n’a cessé d’avoir une vision sombre et menaçante, menacée, de sa propre sexualité, et peut-être du sexe en général.

POÉSIE DU RÉEL

Dans les nombreux textes que vous avez publiés sur Pasolini, vous revenez souvent sur l’œuvre poétique. Pour quelles raisons ?

J’ai publié à trois reprises des recueils de mes articles et conférences sur Pasolini, au Scorff en 1998, au Rocher en 2005 et maintenant. J’ai voulu souligner à quel point cette œuvre m’avait accompagné autant que je l’avais accompagnée. Mais ce qui m’im- portait surtout, c’était de mettre l’accent sur l’homogénéité de cette création et sur les liens explicites ou sous-jacents qui unissaient des aspects apparemment différents. Ces liens ont nom poésie. Là-dessus, Pasolini n’a aucune ambiguïté. Particulièrement dans les textes qu’il a écrits ou prononcés sur son passage de la littérature au cinéma, du langage écrit au langage imagé, il a expliqué comment il a toujours été animé, dans sa création, par une quête de la « réalité ». Son choix de la langue frioulane, plutôt que de l’italien standard, du moins dans sa jeunesse, était une réponse à une révélation : en entendant prononcer certains noms en frioulan, il avait le sentiment que la réalité de la chose désignée trouvait sa place dans le poème. Il prend l’exemple du mot « rosada » (en frioulan) au lieu de « rugiada » (en italien) pour désigner la rosée. Il était soucieux de ne pas « représenter » de façon arbitraire et abstraite la réalité, mais de la « présenter » dans le texte ou sur l’écran.

L’écran, c’est-à-dire le cinéma, lui offrait une possibilité, qui était, dit-il, d’utiliser la réalité (des êtres humains, des paysages, des objets, des constructions) pour exprimer la réalité. Le cinéma était le langage non écrit de la réalité au moyen de la réalité en tant que im-signes (signes imagés). Comme si le cinéma lui permettait de faire l’économie d’un intermédiaire qui aurait été le langage écrit. Mais cette démarche était une quête poétique. Je pense que Pasolini est avant tout un poète. Qu’il l’est dans toute sa création, romanesque, théorique, cinématographique, poétique. Ce n’est pas un hasard, si son acte politique le plus tonitruant (et le plus contesté) a été le poème « Le PCI aux étudiants ! ! » où il a interpellé violemment les étudiants bourgeois et a pris parti pour les policiers prolétaires. Ce coup de tonnerre, surinterprété, mésinterprété, l’a certes éloigné de certains lecteurs, mais a rappelé l’impact que pouvait avoir l’expression poétique. Quelle que soit l’opinion que l’on ait sur la valeur de l’œuvre de Pasolini, rares sont ceux qui ne conviennent pas que « Supplique à ma mère », « Marilyn » et « Au pape » sont des chefs-d’œuvre. Et je pense aussi que l’expression « cinéma de poésie » ou « poésie de cinéma » qu’utilisait Jean Cocteau s’applique parfaitement à Pasolini. C’est à travers la poésie que l’on comprend, selon moi, le plus profondément le cinéma, les romans et les essais de Pasolini. J’ai traduit plusieurs recueils intégraux (et c’est nécessaire parce que ces livres étaient remarquablement structurés), mais j’ai conçu plusieurs anthologies, parce que c’est le moyen d’avoir un regard global sur sa création et sa vie.

Imaginons, à l’exemple de Pasolini faisant revenir saint Paul à New York dans années 1960, que celui-là, 47 ans après sa mort, décide d’atterrir parmi nous, au plein cœur de notre actualité politique, idéologique, littéraire ; comment, vous, verriez-vous les réactions de cet « hérétique » ?

Il aurait une sorte de satisfaction intellectuelle paradoxale à constater que ses prévisions catastrophiques se sont vérifiées sur le plan politique (le triomphe du consumérisme et de la globalisation), sur le plan écologique (la destruction de la planète continuant la « disparition des lucioles »), sur le plan spirituel (la confusion des idéologies religieuses et la perte du sacré comme il l’a décrit dans Médée), sur le plan économique (le triomphe du cynisme comme il l’a décrit dans Pétrole), etc. Mais il aurait une réaction d’horreur devant les naufrages des migrants en Méditerranée ou dans la Manche, qui se produisent dans la quasi-indifférence de l’Europe et devant le mépris général de l’Occident à l’égard du Tiers-monde (lui qui est l’auteur de l’admirable texte « Rital et Raton », dans Alì aux yeux bleus, où il analyse les conséquences racistes des épisodes coloniaux). Ou devant la résurgence cyclique des dictatures, au Brésil, en Turquie, en Syrie, en Russie, en Corée, en Chine. Sans parler de l’épisode Silvio Berlusconi en Italie et de la caricature de Beppe Grillo. Ou de l’épisode Donald Trump. Mais demeure le mystère de sa création : aurait-il abandonné le cinéma devant la transformation des systèmes de production, aurait-il cessé de s’exprimer politiquement devant l’avilissement des débats et la médiocrisation des personnalités ? Mais il est très difficile de prolonger la vie d’un homme au-delà des limites concevables, car cela signifie de le sortir du contexte historique où il s’est développé et affirmé. Une œuvre et une personnalité, comme celles de Pasolini sont particulièrement marquées par l’histoire de l’Italie : il est né sous le fascisme, et il est mort pendant les années de plomb. Il n’a même pas eu le temps d’assister à la chute du monde communiste, par rapport auquel il avait déterminé certaines de ses positions, ni à la montée de l’intégrisme islamiste qui aurait probablement modifié sa perception du Tiers-monde et du Moyen-Orient, de l’Afrique et du continent indien. Pasolini, par ailleurs, a été beaucoup déterminé par ses amis écrivains (Giorgio Bassani, Giorgio Caproni, Attilio Bertolucci, Sandro Penna, Alberto Moravia, Elsa Morante) ou cinéastes (Federico Fellini, Mauro Bolognini, Bernardo Bertolucci). Leur disparition nous oblige à l’imaginer dans la solitude. Or je ne le conçois que dans une communauté, et j’ai du mal à l’isoler de ce contexte amical et même, du reste, d’un contexte hostile, car il a construit son œuvre avec et contre. Les conditions de production du cinéma n’ont plus aucun rapport avec ce qu’elles étaient de son vivant. Le terrorisme a changé de protagonistes et même de méthode. Et étendre son ton prophétique à une époque qu’il n’a pas connue est très hasardeux, et d’ailleurs contradictoire avec l’idée même de prophétie, qui est liée à un contexte donné, à une époque donnée. Il y a une seule personnalité qui, je pense, l’aurait étonné et l’aurait rendu un peu plus « optimiste », c’est le pape François. L’apparition de Jorge Bergoglio aurait probable- ment suscité en lui une certaine sympathie (nostalgique de Jean XXIII). Mais je n’aime pas parler au nom des morts. Et je me trompe peut-être. ■

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02/06/2022 15:24 Tagaday – la veille média

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Pasolini sur le tournage de l’Évangile selon saint Matthieu. 1964. (Ph. DR)

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Pier Paolo Pasolini. (Ph. DR)

…`

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De haut en bas :

Pasolini sur la tombe d’Antonio Gramsci. (Ph. DR).

Pasolini, Maria Callas et Giuseppe Gentile sur le tournage de Médée. 1969. (Ph. DR)

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Signalons la parution récente du Soldat indien, fiction historique de René de Ceccatty, aux Éditions du Canoë (176 p., 15 euros).

interview de René de Ceccatty par Jacques Henric

Une contritution importante.

À laquelle je me permets de joindre ici mon courriel de réception, ce matin, à 10h 51, à l’adresse de, et en remerciement à, l’ami René de Ceccatty :

Merci de l’envoi de cet Entretien passionnant avec Jacques Henric à propos de Pasolini !

J’adore les Entretiens, 
et la vie très éclairante de cette texture à la fois aérée et serrée qu’ils permettent et offrent, à l’oral,
d’improvisation complètement ouverte, à partir d’une question proposée, avec son inévitable (et très heureuse !) part d’inattendu,
et de culture sédimentée année après année, au fil de patientes et exigeantes recherches personnelles et très cultivées, voire érudites, qui fait le fond de tes réponses…
Oui, ce texte est très riche, et merveilleusement inspiré et compétent !
Je suis loin d’être un spécialiste de Pasolini, 
mais il me semble que tes thèses à la fois précises et assumées viennent offrir ce qu’il y a de mieux en matière d’éclairage sur l’œuvre et le parcours de vie de Pier-Paolo Pasolini.
Et ta mise en évidence de sa position-soubassement poétique me paraît en effet tout à fait fondamentale…
Et je connais bien peu de personnes aussi lucides que toi en leurs regards sur le plus riche et juste de la culture j’allais dire d’aujourd’hui,
mais ce serait bien injuste pour l’ancrage bien plus profond (par exemple ta connaissance de Dante) sur pas mal de tenants et aboutissants de cette culture contemporaine.
Et il me faut aussi me réjouir que tu aies aussi affaire, de temps en temps, à quelques interlocuteurs un peu, eux-mêmes, compétents et parfois passionnés par leurs sujets ; 
et pas seulement à de ces cervelles creuses qui gonflent de leurs outres vides et mercenaires la plupart des medias d’aujourd’hui…
D’autre part, je me réjouis d’avoir été invité par Karol Beffa à découvrir la création de son Concerto pour Accordéon et Orchestre, à Gradignan, demain mardi ;
j’avais été émerveillé à Saint-Émilion par ses 90’ d’improvisation au piano sur « Aurore » de Murnau (de 1927).
Je le savais passionné par cette activité d’improvisation musicale sur des films muets ; et j’ai été comblé !
Quand j’ai demandé à Karol, quels étaient ses projets présents _ nous avons bavardé un moment _,
il m’a parlé de la création à Bordeaux de son Concerto,
et m’y a invité…
….
Voilà !
Encore bravo.
Enfin, Colette Lambrichs est désormais installée à Bourg-sur-Gironde ; et nous devons prochainement faire connaissance…
À suivre,
et encore merci, cher René !
Francis
Ce lundi 6 juin 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

 

En avant-propos à ma lecture commentée à venir du « Journal 2008-2018 _ Car vous ne savez ni le jour ni l’heure » de Jocelyne François, un Hors-série (n°4) de la Revue de littérature « Les Moments littéraires », ce message de réception adressé au préfacier, René de Ceccatty…

17mai

Simplement,

ces deux courriels suivants _ le premier à 14h 33 ; et le second à 19h 43 _

adressés ce jour à l’ami René de Ceccatty,

préfacier du « Journal 2008-2018 _ Car vous ne savez ni le jour ni l’heure » de Jocelyne François, un Hors-Série de la Revue de Littérature « Les Moments littéraires« ,

suite à l’inattendue réception ce jour, à la Librairie Mollat, de ce volume,

nommément destiné, par le Directeur de cette Revue, Gilbert Moreau, à Francis Lippa…

« Cher René,

 
De passage, en coup de vent, ce matin, chez Mollat _ pour m’enquérir de l’arrivée, ou pas, de CDs commandés _,

je croise Pierre Coutelle, qui me demande si je suis au courant _ non, je ne le suis pas _ de l’arrivée chez Mollat (le 9 mai) d’un envoi qui m’est destiné, de la part des Éditions _ ignorées de lui !, me dit-il… _ « Les moments littéraires » (le cachet de la poste sur l’enveloppe est daté, lui, du 5 mai).
 
Et il me remet le paquet, sans même attendre que je découvre son contenu ; et que je lui révèle…
 
Il s’agit du « Journal 2008-2018 » de Jocelyne François,
que j’ouvre vite, pour y découvrir, en tête, une préface signée de toi…
Et voilà que je viens de lire cette Préface de 14 pages, intitulée « Pureté et vérité« ,
comprenant vite les raisons littéraro-existentielles qui me font, comme tu l’as senti, un lecteur tout indiqué de ce que dit « cette voix » assez rare et tout à fait singulière, en effet, de Jocelyne François :
« pureté et vérité », « termes limpides et directs », « mots simples, directs, évidents, sans lyrisme, sans sinuosités, sans afféterie », « accent de vérité, de simplicité », « fermeté et luminosité, sans une once d’ambiguïté, sans mauvaise foi, sans théâtralité », « une retenue réflexive et directe en même temps », « les prises de conscience cinglantes et concises », « concision et vivacité assorties d’une relative nonchalance », « visant le cœur de la sincérité », « elle veut, avec un mélange de détermination pensée et d’innocence spontanée, mettre noir sur blanc ce qui est pour elle devenu une évidence, ou au contraire un mystère entier que rien ne pourra résoudre », « le souci de vérité, l’absence de pose aussi, l’absence de vanité et de fard »…
Et c’est bien en effet de cette forme de justesse (et nécessité, voire urgence)-là que je suis demandeur à un livre ;
de même qu’à une personne avec laquelle je vais me trouver en situation d’interlocution attentive et suivie, un tant soit peu approfondie.
Cf aussi mon texte de 2007, retrouvé en 2016 :
Je vais donc lire ce Journal de Jocelyne François avec la plus grande attention…
Merci beaucoup, cher René,
Francis« .

Et puis, ce second courriel :

« Ce jeu d’adresses _ René de Ceccatty m’ayant entretemps informé qu’il avait donné mon adresse personnelle à Gilbert Moreau ! _ est plutôt amusant pour moi…

Cela me permettra d’adresser l’article que j’écrirai, à Pierre Coutelle…
Plus intéressant : l’écriture de Jocelyne Francois me plaît bien ;
de même que son tempérament, que tu cernes excellemment dans ta préface…
Le seul élément qui me reste un peu « exotique » est son côté boutique, gens-de-lettres _ souci éditorial… Même si c’est sans la moindre vanité de sa part…
Mais il faut assurément convenir que l’encre sur le papier constitue une trace qui, de fait, demeure _ et demeurera au moins un moment, au-delà de l’existence mortelle de la personne de l’écrivain… _ ;
et que le livre de papier nourrit très substantiellement, ensuite, du moins un certain temps, les vrais lecteurs _ de ce bien aventureux « message in the bottle« 
De même que d’autres œuvres en diverses autres matières que cette frêle encre sur ce fragile papier.
Et je leur suis personnellement très attaché…
La présence de ces œuvres ainsi transmises, nous tient ainsi fidèlement compagnie, et nous parle, entretient de vrais dialogues avec nous qui nous y intéressons un moment, un peu hors du passage du temps des horloges, à travers le passage fugace des jours, ceux des choses comme ceux des personnes.
Et les auteurs de ces œuvres peuvent ainsi continuer de très audiblement nous parler, converser avec nous, pour peu que nous écoutions et regardions vraiment ces traces de leus voix qui demeurent un peu ainsi spatio-temporellement…
Pour peu que nous nous entretenions vraiment substantiellement avec eux. En une vraie vie : une vie vraiment vraie.
À suivre !
Francis »

Ce mardi 17 mai 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

L’Entretien magnifique de Karol Beffa avec Francis Lippa à la Station Ausone, à Bordeaux, le 25 mars 2022, à propos de son passionnant « L’Autre XXe siècle musical » : artisanat, singularités, hédonisme, en un panorama considérablement élargi et ouvert, et infiniment plus juste et heureux, de la création musicale au XXe siècle…

07avr

Vient d’être très heureusement publié sur le site de la Librairie Mollat

la vidéo du très bel Entretien que le compositeur décidément important d’aujourd’hui qu’est Karol Beffa (né en 1973) a eu, le vendredi 25 mars dernier, à la Station Ausone de la Librairie Mollat à Bordeaux, avec le mélomane passionné qu’est Francis Lippa (né en 1947), vice-président de la Société de Philosophie de Bordeaux,

afin de chercher à creuser un peu plus avant encore en les lucidissimes analyses que Karol Beffa a superbement développées et détaillées en son très remarquable et nécessaire _ et à poursuivre ! J’attends impatiemment un volume 2… _ « L’Autre XXe siècle musical« , qui vient de paraître aux Éditions Buchet-Chastel…

À l’initiative de Francis Lippa, et en ouverture de la saison 2016-2017 de la Société de Philosophie de Bordeaux, un précédent Entretien de Francis Lippa et Karol Beffa, intitulé, lui, « Ce que nous fait la musique », avait eu lieu en cette même Station Ausone le mardi 11 octobre 2016…

Car écouter l’intelligence si sensible de Karol Beffa, son intelligence toujours mesurée et parfaitement argumentée _ Karol Beffa est en effet aussi un admirable pédagogue _, d’une très grande justesse en les nuances qu’il sait détailler avec une éloquente simplicité en ses lucidissimes _ j’insiste là-dessus _ analyses, est, chaque fois, un irremplaçable plaisir _ cf mon article détaillé du 1er juin 2016 «  » que j’avais développé suite à notre rencontre du samedi 28 mai au Festival Philosophia de Saint-Emilion, où je venais de savourer l’excellent Entretien que Karol Beffa venait d’avoir avec Hélène Lastécouères sur le sujet, bien sûr fondamental, qu’est « Création et créativité« 

À ce passionnant Entretien de ce vendredi 25 mars dernier à la Station Ausone,

d’une durée de 53′ _ sans une seule seconde d’ennui ou de redondance ! _,

je me permets de joindre ici, et bien sûr en toute modestie _ je n’aime pas du tout me mettre en avant ; l’art (bien français) de la conversation amicale, tel que l’a superbement analysé Marc Fumaroli en son « L’Art de la conversation« , consistant, et avec le plus grand naturel possible, à seulement mettre en valeur et faire briller son interlocuteur _ un commentaire que par courriel m’a adressé, en retour de mon envoi de cette vidéo, et après attentif visionnage, mon lucidissime ami René de Ceccatty _ un maître, lui aussi, tout comme Karol Beffa, tant de l’analyse la plus fine que de la synthèse la plus lumineuse... _

Cher Francis, j’ai vu et entendu ce très bel entretien d’une grande clarté, d’un grand naturel et d’une parfaite entente entre vous. Tu es (ce n’est pas une découverte pour moi…) vraiment l’interlocuteur idéal, érudit, pénétrant et discret, et admiratif, ce qui stimule évidemment ton invité, du reste assez modeste, mais maîtrisant parfaitement son sujet et ses prises de position.
J’avais lu un essai de lui publié par le Seuil _ il s’agit de « Parler, composer, jouer _ 7 Leçons sur la musique« , ces lumineuses Leçons données par Karol Beffa au Collège de France, dont j’avais données à regarder les vidéos en mon article du 1er juin 2016 ; mais qui ont hélas cessé d’être accessibles en ces liens aux vidéos, je viens de le constater… Il est nuancé, jamais sectaire, partisan de l’hybridation musicale… Quel génie musical n’a pas puisé dans les cultures populaires et même exotiques ? Car la vraie musique est au-delà de tous les genres. Il y a une impasse du modernisme et de l’avant-garde quand ils se proclament et se célèbrent eux-mêmes, car loin d’être novateurs ils sont piégés par le néo-académisme. Malgré son génie de chef d’orchestre et du reste d’orchestrateur, Boulez est tombé à pieds joints dans ce piège ! Et pourtant c’était un homme curieux et d’une certaine générosité.
J’envoie le lien à mon frère _ Jean Pavans, mélomane lui aussi passionné _ qui sera ravi, j’en suis sûr.
Et je commande le nouveau livre de Karol Beffa.
Avec mon amitié
René
J’espère que tu gardes précieusement tous tes entretiens qui mériteraient d’être retranscrits _ un bien utile conseil d’ami...

Voilà donc une très précieuse contribution à une meilleure connaissance d’un panorama élargi et considérablement plus ouvert _ et heureux ! _ de la musique au XXe siècle,

face à l’étroitesse ronchonne, grise et triste, des sectateurs d’un purisme moderniste acétique un moment hégémonique dans les institutions musicales en France, très éloigné des goûts du public des mélomanes, au risque de tarir la composition de musique d’exigence de qualité en France…

….

Mais le vent a commencé de très heureusement tourner…

Un immense merci, donc, à Karol Beffa, et à son œuvre ouverte et, somme toute _ en ses diverses très riches modalités, et in fine _, heureuse, en toute sa très humaine modestie, et son goût généreux du partage… 

Ce jeudi 7 avril 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

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