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Nouvel accord sur Reincken… et sur Clément Geoffroy…

25oct

Le 17 octobre dernier, il y a tout juste dix jours,

j’exprimai mon double enthousiasme

en mon article  

tant à l’égard d’un étonnant merveilleux compositeur incroyablement méconnu,

Johann Adam Reincken (1643 – 1722),

que vis-à-vis d’un très brillant jeune claveciniste, Clément Geoffroy, son interprète,

pour un superbe CD produit par L’Encelade,

le CD Johann Adam Reincken : Toccatas, Partitas & Suites,

ECL 1705.

Eh bien,

voici que sur son site,

Discophilia, les chroniques de Jean-Charles Hoffelé,

et en date du 22 octobre dernier,

celui-ci,

toujours très avisé,

émet un commentaire assez voisin

à propos de ce très brillant disque :

LE CLAVECINISTE DU TABLEAU

Jugez-en donc :

LE CLAVECINISTE DU TABLEAU

L’Hortus Musicus, quelques pièces de clavecin, trois pièces d’orgue, voilà tout ce que nous aura laissé durant sa longue existence (quatre-vingt-deux ans) Johann Adam Reincken, le claveciniste qui vous regarde droit dans les yeux au centre de la célèbre toile de Johannes Voorhoust que l’on peut admirer au musée de Hambourg. Buxtehude joue de la viole à ses côtés et le berce d’un regard extasié. Quelle merveille que cette allégorie de la musique ! et comme les pièces sereines et tendres, majestueuses et solaires qu’assemble Clément Geoffroy dans ce très bel album y sont bien assorties.

Le style français _ celui des Suites _ n’est jamais très loin dans ces musiques savantes qui ne renoncent pourtant jamais aux charmes, Reincken est un sensuel d’abord, ce que donne particulièrement à entendre le jeu vif et coloré de Clément Geoffroy qui envole le clavier du très piquant Emile Jobin d’après Ruckers, quel clavecin ! Idéal pour ces musiques où la danse le dispute aux toccatas et aux fugues.

D’avoir enfin tout un disque consacré à ce mince corpus que Gustav Leonhardt ou Carole Cesari n’avaient qu’effleuré permet de prendre la mesure de son importance _ oui ! _, la variété de ses affects, l’intelligence suprême de son harmonie qui fit attribuer la Toccata en la majeur à Purcell : une telle grâce dans l’éloquence pouvait prêter à confusion autant que la publication de l’œuvre dans un recueil anglais.

Johann Sebastian Bach savait bien l’importance de ce musicien pour les musiciens, il admirait son œuvre et avait transcrit au clavecin pour son usage domestique le Praeludium en ut majeur entre autres pièces tirées de l’Hortus Musicus.

Je ne peux plus quitter ces musiques brillantes et profondes, si subtilement et allégrement jouées par ce jeune claveciniste dont j’avais déjà admiré le premier album chez le même éditeur, courrez-y et commencez par la plage 14, ce Holländische Nachtigall au naturalisme délicieusement astringent.

LE DISQUE DU JOUR

Johann Adam Reincken(1643-1722)
Toccata en la majeur
Ballett, Partite diverse
Suite en la mineur
Toccata en sol mineur
Fugue en sol mineur
Praeludium en ut majeur
Suite en ut majeur
Holländische Nachtigahl
Die Meierin. Partite diverse

Clément Geoffroy, clavecin


Un album du label L’Encelade ECL1705

Photo à la une : © DR

Ce jeudi 25 octobre 2018, Titus Curiosus – Francis Lippa

A propos du double album « Nouvelles Suites » de Louis Couperin, par Christophe Rousset

18oct

Pour prolonger

beaucoup plus substantiellement

mon bien trop bref aperçu _ un simple signal de parution _ du 5 septembre dernier

sur le double CD Nouvelles Suites (Harmonia Mundi HMM 902501.02) 

que Christophe Rousset vient de consacrer au merveilleux Louis Couperin (1626 – 1661),

compositeur que je porte au pinacle de toute la musique française,

voici le très bon article Nouvelle Suites de l’autre Couperin, par Christophe Rousset

que Jean-Charles Hoffelé consacre ce jour à ce double album

sur le site de Res Musica :

NOUVELLES SUITES DE L’AUTRE COUPERIN, PAR CHRISTOPHE ROUSSET

Louis Couperin (1626-1661) : Onze Nouvelles Suites de clavecin.

Christophe Rousset, clavecin.

2 CD Harmonia Mundi.

Enregistré à la Cité de la musique en janvier 2018.

Livret en français et en anglais reproduisant un grand entretien avec Christophe Rousset et Jean-Claude Battault.

Durée : 120:26

Couperin Nouvelles Suites Rousset HM

Le clavecin du grand Louis : Christophe Rousset exhausse l’art de Louis Couperin sur un instrument idéal.

Voici neuf ans Christophe Rousset abordait aux rives passionnées de la musique de Louis Couperin, alternant pour le label Aparté foucades et pointes sèches sur un beau Louis Denis de 1658, prétexte à un double album où l’instrument suscitait le répertoire. C’est encore  les noces d’un clavecin historique et d’une musique que célèbre ce nouvel enregistrement.

En entendant Le Moutier de la Suite en Ut, on comprend que le splendide Couchet du Musée de la Musique est idéalement destiné au répertoire du XVIIe siècle, affaire de sonorité, qu’épice sa tierce pure, qui donne de ces musiques une autre image harmonique, plus roide.

Comme tous les interprètes du Grand Louis, Rousset a dû constituer ses propres suites, puisque les pièces nous sont parvenues en ordre dispersé _ voilà. Il les assemble logiquement par famille tonale, et soudain ce sont des univers particuliers _ on ne peut plus singuliers, en effet _ qui surgissent. Le génie _ voilà !!! _ de Louis Couperin aura été d’introduire dans une pratique du clavecin encore fortement influencée par l’art des luthistes _ oui _ une puissance expressive qui passe par une harmonie astringente. Rousset la fait entendre dans toute sa sauvage audace, aidé par ce clavecin impérieux, mais il souligne plus encore le goût du compositeur pour les grandes architectures, pour les gestes amples où parait un baroque à la fois sévère et fastueux.

Les fameux Préludes non mesurés où éclate le génie expressif du compositeur sont empoignés, déclamés, exposés, littéralement ils projettent les Suites dans de nouveaux univers d’expression comme de nature sonore. Sans négliger la fantaisie d’une Blandine Verlet, le ton âpre, le jeu visionnaire et roide que Rousset accorde à son instrument vont plus loin dans le théâtre de ce génie du baroque français, trop éclipsé _ faute de mieux connaître cette musique de Louis Couperin _ par son neveu François. Il faudrait un second volume pour qu’encore une fois cette adéquation parfaite résonne.

Voilà.

Mais on ne manquera pas de revenir

aussi

aux merveilleuses interprétations que donna,

et à diverses reprises

_ Philips, 1988, DHM 1999, Philips 1992, Alpha 2007, tout particulièrement ;

et j’en oublie probablement pas mal d’autres… _

de ces œuvres de Louis Couperin,

l’immense Gustav Leonhardt.

Ce jeudi 18 octobre 2018, Titus Curiosus – Francis Lippa

Comparer les interprétations au disque des Pièces de clavecin de François Couperin : au plaisir de la Tribune des Critiques de disques de France-Musique…

08oct

François Couperin (1668 – 1733) est un des compositeurs _ si subtils _ parmi les plus difficiles qui soient.

Aussi attendais-je avec un plaisir amusé

la souvent très intéressante Tribune des Critiques de Disques, de France-Musique,

de ce dimanche, 

consacrée aux Pièces de clavecin de François Couperin,

même si je n’apprécie pas nécessairement

ni le choix des interprétations,

ni le choix des critiques invités,

de son présent producteur-animateur _ souvent partial, et pas du côté qui me sied… _,

Jérémie Rousseau.


Celui-ci avait choisi trois de ces brèves Pièces de clavecin,

et des plus justement parmi les plus célèbres :

Les Barricades mystérieuses,

Le Tic-toc-choc, ou les Maillotins,

et le Dodo, ou l’amour au berceau,

chaque fois sous les doigts de six clavecinistes différents :

Scott Ross, Blandine Verlet, Christophe Rousset, Frédérick Haas, Skip Sempé et Noëlle Spieth ;

Noëlle Spieth, Christophe Rousset, Olivier Fortin, Blandine Rannou, Olivier Beaumont et Blandine Verlet ;

Frédérick Haas, Noëlle Spieth, Skip Sempé, Gustav Leonhardt, Scott Ross et Christophe Rousset.

Épreuve redoutable

pour tous les auditeurs _ et d’abord pour les critiques-journalistes invités _

ayant à affiner la tension qualitative de leur écoute,

en vue d’un jugement circonstancié,

c’est-à dire le mieux argumenté _ et justifié ! _ possible,

à propos d’un compositeur

au goût si exigeant et complexe,

en son étourdissant _ et éblouissant d’enchantement ! _ naturel de simplicité…

Et ce fut la braise sous la glace torride

de Gustav Leonhardt

qui l’emporta.

Bonne écoute,

à votre tour !

Vous allez assurément vous régaler !!!

Ce lundi 8 octobre 2018, Titus Curiosus – Francis Lippa

 

 

 

Dans les « Goldberg » (suite) : Diego Ares, au clavecin…

06août

Pour poursuivre mes réflexions d’avant-hier sur les Goldberg d’Angela Hewitt au piano,

voici un nouvel article sur le site de Res Musica, ce 4 août,

consacré cette fois aux Goldberg de Diego Ares au clavecin,

et sous la plume de Jean-Charles Hoffelé :

LES VARIATIONS GOLDBERG PAR DIEGO ARES


Johann Sebastian Bach (1685-1750) :

Adagio en sol majeur BWV 968 d’après le BWV 1005 ;

Variations Goldberg BWV 988.

Diego Ares, clavecin.

1 CD Harmonia Mundi.

Enregistré en mars 2017 au Lisztzentrum Raiding en Autriche.

Notice bilingue (français et anglais). Durée : 60:29

Deux albums Soler,

un voyage chez Scarlatti pensé pour surprendre (et qui fit mouche),

voici Diego Ares échappé de son Espagne pour tenter l’expérience des Variations Goldberg.

Virtuose, il l’est assurément et l’a prouvé dans ses trois premiers disques. Devant la grande architecture de ce jardin nocturne que sont les Goldberg il a la sagesse de laisser sa fougue à la porte du studio d’enregistrement. Les micros élégants de Sébastien Chorion, placés à l’exacte distance qui capture le modeste rayonnement dynamique du clavecin si subtil et si clair, lui sont des aides précieuses.

Car ses Goldberg portées par une spiritualité rayonnante et pourtant secrète ne sont pas de celles qui veulent vous stupéfier : les tempos sont larges (une heure vingt sept d’une musique qui semble à l’écoute tutoyer l’infini), les harmonies chantent, l’ornementation discrète se fond dans un « espressivo » français de pudeur et d’élégance, et surtout, les polyphonies se parent de cantabile qui seraient ceux d’un violon, d’une viole, mais d’un clavecin ?

Qui faisait ainsi dans les Goldberg, lumineux, sévère et tendre à la fois ? Diego Ares aurait-il entendu la leçon de Gustav Leonhardt ? Remettant encore et encore ces deux disques dans notre platine, ils n’évoquent que celles du Maître, jusque dans cette douceur qui suggère, dans le ton de grande mélancolie qui en sort, dans la variété des caractères au sein d’une variation et jusque dans les doubles discours main à main de certaines.

Le modèle aurait pu être embarrassant, spectre implacable qui tétanise, mais Ares ajoute à ces perfections une imagination rêveuse, des arrière-plans où un orchestre imaginaire vient colorer l’instrument, les phrasés, les accents, les ponctuations faisant apparaître ici un hautbois, là un luth, sans que jamais ce soit un effet : la fluidité du geste lie tout dans un seul vaste mouvement où chaque variation apporte une nouvelle émotion. Le très beau Joel Katzmann d’après Taskin est en lui-même une ode à la prégnante « Sehnsucht » qui rayonne tout au long de cet enregistrement magique : il ouvre grandes les portes de ce cahier où tant ont cherché et se sont perdus avec plus ou moins de talents.

Diego Ares tient le fil d’Ariane de ce labyrinthe, suivez-le les yeux fermés pour mieux entendre son chant : dès le sombre Adagio en sol majeur qui prélude ici au grand œuvre, doux carillon des morts, la fascination opère immanquablement.

Ce lundi 6 août 2018, Titus Curiosus – Francis Lippa

la postérité-filiation (musicale) de l’immense Gustav Leonhardt : Pierre Hantaï, Elisabeth Joyé, Benjamin Alard…

19fév

Comment rendre _ enfin ! j’ai appris son décès, survenu le 16 janvier, le 18 janvier : cela fait un mois… _ l’hommage le plus juste qui soit, à un talent musical tel que celui de Gustav Leonhardt ? qui nous a procuré tant et tant des plus hautes jouissances qu’un musicien peut offrir tant au concert qu’au disque ?..


Car nous avons eu bien de la chance, à Bordeaux, que le maître apprécie non seulement la beauté élégante et noble (sans ostentation) de notre ville, mais aussi la singularité de l’orgue Dom Bedos de l’abbatiale Sainte-Croix, au point d’y revenir souvent donner des concerts : d’abord, peut-être, à l’amphi 700 de la Faculté des Lettres, pour le Gram ; mais aussi et surtout au Temple du Hâ, pour le Carré, à de nombreuses et ô combien heureuses reprises ; mais aussi au Grand-Théâtre ; et encore en quelques beaux châteaux de vin, tels que Yquem ou Carbonnieux ; et encore Soutard, pour un concert privé de clavicorde… Sans compter, outre plusieurs grands récitals d’orgue à Sainte-Croix, l’enregistrement si marquant, en juin 2001, du CD Alpha 017 L’Orgue Dom Bedos de Sainte-Croix de Bordeaux, à l’advenue duquel j’ai ma modeste participation, outre ma contribution au livret « la construction de l’orgue Dom Bedos en l’abbatiale Sainte-Croix de Bordeaux sous la réforme mauriste« , pages 16 à 23. Et côtoyer au quotidien le maître, et son humour incisif, outre son élégance, n’est certes pas peu en une vie d’amoureux de la musique… Je l’ai revu et écouté aussi à Arques…

Aussi, mets-je à profit pour ce blog

ce courrier adressé ce matin même à mon ami Jean-Paul Combet, le fondateur d’Alpha,

pour lui faire part de l’article de Renaud Machard dans Le Monde daté de ce dimanche 19 février 2012, qui à l’occasion de concerts du très doué et toujours « parfait » Benjamin Alard, lui rend au passage aussi hommage,

en saluant l’amitié et la collaboration éditoriale (pour Alpha) qui les unissait, Gustav et Jean-Paul…

Voici donc ce courriel :

De :  Titus Curiosus
Objet : Benjamin Alard, Gustav Leonhardt et Jean-Paul Combet : texte choisi à lire aux funérailles
Date : 19 février 2012 08:42:17 HNEC
À :   Jean-Paul Combet

Un bel article d’hommage(s),
que tu as dû relever, dans Le Monde
(édition papier de ce dimanche 19 février)…

Sinon, le voici…
http://www.lemonde.fr/culture/article/2012/02/18/benjamin-alard-fait-sonner-saint-louis_1645273_3246.html


J’espère que tu vas bien,
amitié(s)

Titus

P.s. : sais-tu ce qu’est ce texte
« magnifique » (!)
que Gustav Leonhardt a fait lire à ses funérailles ?

Benjamin Alard fait sonner Saint-Louis

MUSIQUE | | 18.02.12 | 13h42

On ne l’avait pas revu depuis quelque temps : Benjamin Alard, 27 ans, a toujours la même allure et ces traits juvéniles à la Harry Potter que lui donnent parfois des lunettes cerclées, mais il n’est plus tout à fait le benjamin de l’école de clavecin et d’orgue française. Elle est si florissante (ce que Murray Perahia, le grand pianiste américain, confirme quand on lui parle de clavecin, un instrument qu’il adore et joue en privé) que, chaque semestre, un nouveau talent _ tel, à Bordeaux, Aurélien Delage… _ semble éclore _ grâce au génie de la transmission d’Elisabeth Joyé, me faut-il tout spécialement ajouter ! Une fée !

Mais Benjamin Alard est d’une graine différente _ et singulière. On pourrait dire que ce grand jeune homme discret, fin, réservé mais à l’humour subtil, a su être vieux _ c’est-à-dire pleinement mature _ de bonne heure. Dès ses premières apparitions publiques, après l’obtention du très prestigieux Premier Prix du Concours international de Bruges, en 2004 (sorte de Concours Tchaïkovski ou Chopin du clavecin et de la musique ancienne), le musicien semblait avoir tout compris des chefs-d’oeuvre de la littérature pour le clavier, ce qu’il démontrait avec l’aplomb sans tapage d’un sage : un jeu extrêmement calme et affûté, dégraissé mais d’une souplesse merveilleuse, comme géré par un subtil entrelacs de tensions savamment poussées et relâchées _ c’est parfaitement énoncé !

Pour ceux qui ne connaîtraient pas ses _ merveilleux ! _ disques d’orgue ou de clavecin, distribués par les labels Hortus, puis Alpha _ par exemple le génial double CD des Partitas de Bach : Clavier Übung – I, le CD Alpha 157 _, il est possible d’entendre Benjamin Alard un dimanche par mois, à l’heure du déjeuner, à la tribune de l’église Saint-Louis-en-l’Ile, où il est organiste titulaire, et au clavecin, lors de concerts organisés à l’hôtel de Lauzun, à quelques pas, quai d’Anjou. Deux séries en écho et en intelligence, la première dans la vaste nef, la seconde dans une salle de 90 places seulement.

L’ensemble fait la part belle à Jean-Sébastien Bach, mais fait entendre aussi des compositeurs auxquels Alard est très sensible, ceux de la jointure des XVIIe et XVIIIe siècles, comme Samuel Scheidt _ 1587-1654, en fait : c’est un contemporain de Schütz… « Sa programmation permet de prendre des distances avec les concerts d’orgue, parfois un peu poussiéreux, du dimanche après-midi« , avoue Benjamin Alard. « Je n’y vois rien de mal, mais je tiens à faire passer un message vraiment musical et exigeant, et aussi à mettre en regard, en « contrepoint », le terme qui sert de titre à la série, la littérature des deux instruments. »

Alard dit aussi vouloir faire découvrir la beauté de l’orgue Bernard Aubertin dont il est le cotitulaire depuis 2005 : « C’est un instrument neuf qui est construit d’après les canons anciens pour jouer spécifiquement la musique allemande des XVIIe et XVIIIe siècles. Son statut et son état sont exceptionnels, surtout si on les compare à ceux de beaucoup d’orgues de la capitale, dont certains sont en mauvaise santé et attendent des restaurations, comme les tribunes de Saint-Nicolas-des- Champs ou Saint-Merri« , précise Alard.

On s’étonne de la jauge de la petite salle de l’hôtel de Lauzun et de son incidence sur l’économie du projet : « Ce projet n’a, en fait, pas vraiment d’économie car notre association, Claviers en l’Isle, ne possède pas la licence de concert. D’ailleurs, ce n’est pas l’esprit de ces rencontres avec le public, que nous voulons singulières et au service premier de la musique. » Singulières mais en rien élitistes, assure Alard : « C’est juste que le clavecin n’est pas fait pour être joué dans des grandes salles et ce n’est que dans un tel cadre qu’on peut vraiment l’entendre » _ oui ! ; comme, aussi, dans les salons ou chambres de l’Hôtel de Soubise, où je suis venu écouter la perfection d’Elisabeth Joyé dans un récital (sublime !) de musique française…

Le festival Contrepoints est aussi soutenu par L’Autre Monde, l’association créée par Jean-Paul Combet, fondateur du label discographique Alpha. « Jean-Paul, qui est un ami, ne fait pas qu’éditer notre dépliant, mais il nous conseille dans la programmation. » Benjamin Alard doit beaucoup à M. Combet : « Il a publié la plupart de mes disques, mais je lui suis redevable de ma découverte _ in vivo : à l’Académie Bach, d’Arques-la-bataille, en Haute-Normandie, près de Dieppe _ de Gustav Leonhardt« , confie le claveciniste à propos du « pape » de l’instrument, qui vient de mourir le 16 janvier.

« C’était en Normandie, ma région natale, lors d’un concert organisé par Jean-Paul. Je me souviens encore avec émotion de ce choc. » Le choc pour l’orgue eut lieu très jeune. Le jeune Alard s’initie à l’instrument grâce au curé de sa paroisse. « Le son de cette machine me fascinait« , se souvient-il. Il travaille avec Louis Thiry, pour lequel il ne cache pas sa vive admiration. Le clavecin vient après. Mais il ne cessera de jouer de conserve les deux types de clavier.

De Leonhardt, auquel on l’a plusieurs fois comparé pour la noblesse _ oui ! _ de leurs jeux, Benjamin Alard n’a cependant pas été l’élève. « J’ai été comme beaucoup extrêmement impressionné par son dernier concert, donné à Paris _ c’était le 12 décembre dernier _, quelques jours _ un mois à peine _ avant sa mort. Et très marqué aussi par les textes _ de sagesse de la vie _ qu’il avait choisi de faire lire à ses funérailles _ à la Westerkerke d’Amsterdam. Des textes magnifiques qui disaient tous le doute _ actif _ face à l’existence. Cet homme suggérait, aidait les musiciens à puiser ce qu’il y a de meilleur et singulier en eux. Il doutait _ positivement _, ne proférait rien. C’est cela qu’il nous laisse en héritage« , conclut Benjamin Alard, visiblement ému.

Contrepoints,
par Benjamin Alard (orgue). Eglise Saint-Louis-en-l’Ile, 19 bis, rue Saint-Louis-en-l’Ile, Paris 6e. Un dimanche par mois, jusqu’au 10 juin. Prochain concert : le 19 février à 12 h 30. Œuvres de Samuel Scheidt, Dietrich Buxtehude. Entrée et participation libres. Durée du concert : une heure, sans entracte.

Renaud Machart

Article paru dans l’édition du 19.02.12

Titus Curiosus, ce 19 février 2012

 

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