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Interpréter les Descentes d’Orphée aux Enfers de Marc-Antoine Charpentier : une parfaite réussite de Vox Luminis et A Nocte Temporis

23jan

Marc-Antoine Charpentier (1643 – 1704)

me tient tout spécialement à cœur,

ne serait-ce que par la découverte que je fis d’une partie des musiques crues perdues

de son petit opéra de 1678 Les amours d’Acis et Galatée,

sur un livret de Jean de La Fontaine (1621 – 1695)

_ cf mon livret au CD Un Portrait musical de Jean de La Fontaine, de La Simphonie du Marais dirigée par Hugo Reyne

(CD EMI 7243 S  45229 2 5),

un programme de concert et de disque conçu à l’occasion du tricentenaire de la mort du poète en 1995,

et qui comporte pas mal de bien belle musique de Charpentier…

Cf aussi les précisions que j’en donne

en mon article  du 18 avril 2009…

Cf aussi la note de Catherine Cessac à propos de cette découverte

à la page 138 de son « Marc-Antoine Charpentier » en l’édition de 2004, chez Fayard…

Aussi m’est-il hors de question

de laisser passer le CD Orphée aux Enfers

des Ensembles Vox Luminis et A Nocte Temporis,

de Lionel Meunier et Reinoud van Mechelen,

soit le CD Alpha 566 qui paraît présentement ;

et comporte Orphée descendant aux Enfers (H.471)

et La Descente d’Orphée aux Enfers (H.488)

_ ce dernier petit opéra nous étant hélas parvenu incomplet,

privé d’un possible Acte 3 des retrouvailles aux Enfers d’Orphée et Eurydice ;

dont on ignore même si un tel Acte 3 a été composé, puis perdu, ou bien si l’œuvre a été laissée en cet état inachevé par Charpentier lui-même :

le manuscrit ne comportant aucune indication qui permettrait de trancher quelle a été l’intention du compositeur…

Une excellente occasion de comparer quelques interprétations de ces œuvres,

présentes parmi les CDs de ma discothèque.

Je retrouve ainsi

le bouleversant CD Ricercar RIC 037011 intitulé Orphée descendant aux Enfers,

enregistré en 1987

par l’unique _ et hélas irremplacé _ Henri Ledroit (1946 – 1988),

un an à peine avant son décès prématuré.

Ainsi que le CD Erato 063011913-2 de La Descente d’Orphée aux Enfers,

enregistré en 1995 par Les Arts Florissants,

avec Paul Agnew en Orphée…

Autant la version (d’Orphée descendant aux Enfers) du Ricercar Consort est émouvante,

avec les tempi qui conviennent,

et bouleversent :

à fendre l’âme !

autant la version (de La Descente d’Orphée aux Enfers) des Arts Flo déçoit,

avec des tempi trop rapides, inadéquats au sujet…

_ que l’on compare ainsi, pour commencer, l’ouverture primesautière de l’œuvre par les Arts Flo en 1995

avec l’ouverture, infiniment plus juste, en gravité, par Vox Luminis aujourd’hui… 

Le présent CD

des Ensembles Vox Luminis et A Nocte Temporis,

est, lui, une parfaite réussite !!!

qui rend parfaitement la tension inhumaine du drame des Enfers,

et toute la tendresse d’Orphée…


Bravo !!!

Les livrets de ces deux œuvres (de 1683 et 1686 ; toutes deux pour Mademoiselle de Guise) de Marc-Antoine Charpentier

n’indiquent pas le nom du librettiste ;

mais s’inspirent précisément, les deux, des Métamorphoses d’Ovide :

au livre X et aux vers 1 à 63,

avec le choix d’Ixion, Tantale et Tityos _ et non pas Orion, ni Sisyphe _

comme ombres infernales suppliciées à l’infini, sans terme à venir jamais,

avec lesquelles dialogue tendrement Orphée, en sa catabase.

 

À comparer avec la Nekuia du chant XI de l’Odyssée d’Homère ;

et les Catabases du chant VI de l’Éneïde de Virgile

et de l’Enfer de la Divine Comédie de Dante.

« Effroyables enfers« , ne sont-elles pas les premières paroles d’Orphée

dans l’Orphée descendant aux Enfers (de 1683) ?

et « Affreux tourments« , celles d’Ixion, Tantale et Titye

au début du second acte de La Descente d’Orphée aux Enfers (de 1686) ?..

Auxquelles répondent

et la « douce harmonie » qui « frappe l’oreille« 

de Tantale

dans l’œuvre de 1683 ;

et « la touchante voix » et « la douce harmonie » qui « suspend le rigoureux tourment« 

d’Ixion, Tantale et Titye

dans l’œuvre de 1686…

Car tel est bien l’extraordinaire efficace du chant d’Orphée

dont ces œuvres de Marc-Antoine Charpentier nous font, à leur tour, ressentir la magie

_ au moins pour un moment _

consolatrice…

Marc-Antoine Charpentier applique,

avec la merveilleuse tendresse qui caractérise son art,

ce qu’il a appris des Oratorios _ sacrés _ de Carissimi à Rome,

à l’esprit français des soirées intimes chez Mademoiselle de Guise.

Ce jeudi 23 janvier 2020, Titus Curiosus – Francis Lippa

L’art du chant français du règne de Louis XIV : Dumesny, haute-contre de Lully, par Reinoud van Mechelen et A Nocte Temporis

10jan

Dès le 17 novembre dernier,

j’avais consacré un petit article

au remarquable CD Alpha 554 Dumesny haute-contre de Lully

de Reinoud van Mechelen et A Nocte Temporis.

Ce vendredi 10 janvier,

sur son blog Discophilia,

Jean-Charles Hoffelé consacre un intéressant article

intitulé La Voix de Lully

à ce CD.

Le voici :

LA VOIX DE LULLY

Bernard Clédière parti _ après le succès de Proserpine en 1680 ; il avait chanté dans Cadmus et Hermione, AlcesteThésée, Atys, Isis, Psyché, Bellérophon et Proserpine de 1673 à 1680 _, Dumesny devint le premier haute-contre de la fin du règne musical de Lully, créateur de Persée, Phaéton, Amadis, Roland, Armide, Acis et Galatée _ de 1682 à 1686. Sa haute stature, son port noble charmèrent le Florentin autant que sa voix subtile qui aimait à briller dans les emplois passionnés. Lully disparu _ le 22 mars 1687 _, Dumesny continua à fasciner les compositeurs de la génération suivante avant que l’embonpoint et le déclin de son instrument à la justesse de plus en plus incertaine l’éloigne de la scène où il lui fallait six bouteilles de champagne par soirée.


L’illustration de l’album ne manque pas de piquant, on y voit Reinoud Van Mechelen, casserole _ de cuivre _ en main, rappelant que notre haute-contre, jeune homme, fut cuisinier de l’Intendant Foucault à Montauban _ beaucoup des grands chanteurs du Baroque français étaient originaires du Midi. Admiratif, le public pince sans rire lui adressait en guise de compliment : « Ah ! Phaéton, est–il possible/ Que vous ayez fait du bouillon ? ».

L’occasion est belle pour Reinoud Van Mechelen de parcourir les plus beaux airs que chanta Dumesny, du Persée (1682) de Lully à Amadis de Grèce (1699) de Campra, y mettant une discrète prononciation d’époque qui ne parvient pas à déparer les élégies et les plaintes, les magiques chants de sommeil, comme les airs plus expansifs (« Ma vertu cède au coup » du Théagène et Cariclée de Desmarest).

Au rang des premières, une merveille, « Infortuné, que dois-je faire ? » de la Didon de Desmarest et plus encore « Amour, que sous tes lois » du Céphale et Procris d’Elisabeth Jacquet de la Guerre, ouvrage qui finira bien par trouver les bonheurs du disque.

La voix souple, le timbre élégiaque du ténor _ oui _ se marient aux décors nostalgiques dont il cerne lui-même ses mots ; comme les couleurs de A Nocte Temporis lui font un écrin profond !


LE DISQUE DU JOUR


Dumesny, haute-contre
de Lully

Airs et scènes extraites d’œuvres de Jean-Baptiste Lully, Pascal Collasse, Henry Desmarest, Marin Marais, Louis de Lully, Marc-Antoine Charpentier, Elisabeth Jacquet de la Guerre, Charles-Hubert Gervais, André Cardinal Destouches, André Campra

Reinoud Van Mechelen, ténor
A Nocte Temporis, mezzo-soprano

Un album du label Alpha Classics 554

Photo à la une : le ténor Reinoud Van Mechelen – Photo : © Senne Van der Ven

Une très remarquable contribution

à une meilleure connaissance du chant lullyste français,

en plus du charme tendre de sa beauté.

Ce vendredi 10 janvier 2020, Titus Curiosus – Francis Lippa

 

 

Chanter Lully (et les lullystes) entre 1675 et 1699 : Dumesnil, par Reinoud van Mechelen

17nov

C’est un passionnant CD

_ le CD Dumesny haute-contre de Lully : le CD Alpha 554 _

sur ce qu’est l’art du chant français

d’un chanteur à la Cour de Louis XIV

que nous offre Reinoud van Mechelen

_ avec les musiciens de l’Ensemble A Nocte Temporis _

en une réalisation exemplaire.

Bien sûr

pas de virtuosité (à l’italienne) ici,

ni même de morceau de vedettariat (comme à l’époque _ à venir sous Louis XV, par exemple pour un Jelyotte, ou une Marie Fel _ de Rameau) ;

mais simplement les subtilités délicieuses de l’incomparable français de la tendresse.

Ce parcours _ entre 1677 et 1697 _ nous fait aborder des œuvres

(ni même des compositeurs)

qui ne courent _ hélas _ pas assez nos platines :

pour les compositeurs,

outre bien sûr Jean-Baptiste Lully (1632 – 1687) :

Pascal Collasse (1649 – 1709),

Henry Desmaret (1661 – 1741),

Marin Marais (1656 – 1728) & Louis de Lully (1664 – 1734),

Marc-Antoine Charpentier (1643 – 1704),

Elisabeth Jacquet de La Guerre (1665 – 1729),

André Cardinal Destouches (1672 – 1749),

et André Campra (1660 – 1744).

Ce dimanche 17 novembre 2019, Titus Curiosus – Francis Lippa

InAlto aux anges de la spiritualité baroque romaine

09avr

Pour élargir-approfondir l’explicitation de l’admiration

que j’affirmais _ bien trop brièvement _ le 26 mars dernier

en mon article 

envers le magnifique CD Teatro Spirituale _ Rome (c. 1610) _ le CD Ricercar RIC 399 _

de Lambert Colson et son très remarquable Ensemble InAlto,

voici que ce matin je découvre sur le site de Res Musica

ce très juste article de Cécile Glaenzer

intitulé

InAlto sur les hauteurs de la spiritualité baroque à Rome :

Œuvres d’Emilio de’ Cavalieri (1550-1602), Paolo Quagliati (c.1555-1628), Giovanni Franceso Anerio (1569-1630), Francisco Soto de Langa (1534-1619), Giovanni de Macque (1550-1614), Antonio Cifra (c.1584-1629), Luca Marenzio (1553-1599), Paolo Animuccia (?-1563), Girolamo Frescobaldi (1683-1643).

Ensemble InAlto.

1 CD Ricercar.

Enregistré en janvier 2018 (Trevi) et septembre 2018 (Belgique).

Durée: 01:12:15


teatro spirituale ricercar









..










Après deux enregistrements remarqués, le premier consacré à Schein _ le CD Ramée RAM 1401, en 2015 _ et le second à Schütz et ses contemporains _ le CD Passacaille PAS 1023 en 2016 _, c’est vers l’Italie du début du XVIIesiècle que se tourne le jeune ensemble belge InAlto conduit par le cornettiste Lambert Colson, démarche initiée dans son précédent opus, Un cornetto a Roma, paru chez Passacaille en 2017 _ le CD Passacaille PAS 1033.

Le programme de ce disque est construit comme une succession d’exercices spirituels autour du thème de la pénitence, sur le modèle des psaumes entendus dans les cercles oratoriens à Rome dans les premières années du XVIIe siècle _ oui. Fondée par Philippe de Neri  à la fin du XVIesiècle, la congrégation de l’Oratoire a joué un rôle _ très _ important dans la diffusion des idées de la Contre-Réforme catholique _ en effet ! La musique a très vite été primordiale au cœur de la spiritualité oratorienne _ et le très grand efficace de sa diffusion _, transformant ses réunions de prière en une prédication en musique _ voilà ! à la Chiesa Nuova, à Rome _, faisant la part belle à l’expression _ oui _ de l’introspection _ ainsi partagée, et diffusée. C’est ce qu’illustre magnifiquement _ oui, vraiment ! _ ce programme très bien pensé. Composés dans le style du recitar cantando _ à partir de Caccini et Peri, à Florence, Emilio de’ Cavalieri, à Rome, puis bientôt Monteverdi, à Mantoue d’abord et ensuite à Venise _, les psaumes anonymes _ sublimes !!! _ présents dans cet enregistrement _ et peut-être même ses sommets ! je l’indiquais moi-même aussi en mon article du 26 mars dernier… _, confiés à la voix soliste _ de dessus _ de soprano et à celle de ténor, sont d’une _ vraiment ! _ extraordinaire intensité expressive. Les inventions chromatiques et les enchaînements harmoniques audacieux rappellent _ oui _ l’écriture de Cavalieri _ qu’on se rapporte à l’écoute des (importants) CDs Alpha 011 (Lamentations) et 065 (Rappresentatione Di Anima Et Di Corpo), en 2001 et 2004. Les voix amples et bien timbrées d’Alice Foccroulle et de Reinoud Van Mechelen y font merveille _ absolument ! Cela aussi je l’indiquais. On est particulièrement ému _ profondément, même _ à l’écoute du De profondis _ demeuré anonyme donc _ qui ouvre cet enregistrement, où la voix de soprano semble trouver au plus profond _ voilà _ de l’âme les élans _ vers le Ciel _ qui implorent son Créateur. Il en est de même dans le Miserere qui culmine _ oui !!! _ comme un sommet d’expressivité au centre du programme _ comment ne souscrirais-je pas à cette justissime appréciation ?!! L’importance donnée au texte _ oui, et c’est fondamental en ces œuvres _, servi par une diction parfaite _ oui ! _, est sublimée _ je prononçais moi aussi le mot de « sublime«  _ par un sens des couleurs _ oui _ particulièrement soigné. Ainsi, le continuo, qui fait alterner orgue et clavecin alliés au théorbe, soutient _ oui… _ les affects _ essentiels ! _ des voix avec beaucoup de sensibilité _ et c’est encore peu dire.


Autour de ces psaumes, Lambert Colson a imaginé un écrin de pièces vocales et instrumentales de compositeurs de la même époque _ que ces œuvres de Cavalieri ainsi que ces anonymes, autour de 1600… _, comme autant d’exercices spirituels propres à l’élévation des sens et de l’esprit _ voilà la direction fondamentale de cette spiritualité musicalement incarnée. Un quatuor vocal alterne avec un quatuor de sacqueboutes _ instruments majeurs en la musique de ce moment _ pour nous entraîner dans les dédales polyphoniques _ oui ! _ d’une méditation musicale de _ très _ haut vol. Deux pièces jouées sur l’orgue Renaissance (1509) de l’église San Francesco de Trevi _ en Ombrie _ ponctuent judicieusement le programme. On peut toutefois regretter une prise de son trop proche des tuyaux de l’orgue, qui favorise la restitution des bruits de mécanique au détriment de la réverbération naturelle du lieu, particulièrement dans la Toccata pour l’élévation de Frescobaldi. Quant au _ merveilleux _ cornet de Lambert Colson _ oui _ qui survole _ et emporte _ ce programme tel un vol d’anges, il nous fait entrevoir ce qu’il y a au-delà des cieux _ oui, oui, oui.

Ce mardi 9 mars 2019, Titus Curiosus – Francis Lippa

 

Lambert Colson et InAlto à la Chiesa Nuova à Rome : un chef et un ensemble passionnants ! pour incarner le sublime de ce répertoire d’élévation

26mar

Un premier CD

du cornettiste Lambert Colson

et son ensemble InAlto

m’avait énormément plu :

le CD Passacaille 1033

intitulé Un Cornetto a Roma 1500 – 1700

_ The Cornetto and its music in Rome 1500 – 1700

… 

comportant des œuvres _ superbes ! _ de

Costanzo Festa, Francesco Soriano, Girolamo Frescobaldi, Francesco Magini, Ercole Pasquini, Nicolo Borboni, Josquin des Prez et Giovanni Pierluigi da Palestrina/Francesco Rognoni…

Eh bien ! le chef et cornettiste Lambert Colson et son ensemble InAlto

récidivent

en une pareille très haute réussite

_ qui atteint ici aussi au sublime ! _ 

avec le CD Ricercar RIC 399

intitulé Teatro Spirituale (Rome, c. 1610)

_ Penitential Music in the Chiesa Nuova in Rome (c. 1610).


Avec cette fois des œuvres de

Emilio de’ Cavalieri, Paolo Quagliati, Giovanni Francesco Anerio, Francisco Sono de Langua, Givanni de Marque, Antonio Cifra, Luca Marenzio, Paolo Animuccia, Girolamo Frescobaldi, ainsi que _ et ce n’est pas là le moins beau _ des œuvres, aussi, demeurées anonymes _ Reinould Van Mechelen y atteint le ciel !..

Des œuvres, pour l’essentiel, au tournant de la Renaissance

et du début du Baroque…

L’intensité dramatique du recueillement

et de l’élévation spirituelle _ et charnelle _

atteint là son acmé.

Et dans les salles si merveilleuses des Oratoriens de la Chiesa Nuova,

vous voici immergé pleinement !!!

Et en lévitation…

Un apport majeur à l’incarnation charnelle

de ce sublime répertoire…

Et le livret est à la hauteur de la musique…

Ce mardi 26 mars 1019, Titus Curiosus – Francis Lippa

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