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Une intéressante Tribune des Critiques de Disques sur France-Musique dimanche dernier consacrée à 3 extraits (Prélude, Menuet, Toccata) du sublimissime subtil « Tombeau de Couperin » de Maurice Ravel : esprit ludique versus pianisme…..

31mai

Une bien intéressante _ mais discutable, du moins à mon goût : d’abord en le choix discographique du producteur, puis en les appréciations d’interprétations de la part des critiques invités… _ Tribune des Critiques de Disques (à écouter ici) sur France-Musique dimanche dernier, 26 mai 2024, à propos de 3 extraits (Prélude, Menuet, Toccata) du sublimissime « Tombeau de Couperin » pour piano seul, de Maurice Ravel,

avec, autour de Jérémie Rousseau, les expertises de Mélissa Khong, Alain Lompech et Négar Haéri…

Déjà, j’ai un peu regretté que le choix _ privilégiant un peu trop à mon goût le pianisme des interprètes au détriment de l’esprit de l’œuvre elle-même et du génie formidablement subtil et singulier du compositeur, Maurice Ravel… _ de Jérémie Rousseau pour cette Tribune,

ait écarté la Forlane et le Rigaudon, que j’aime tant _ cf par exemple mon article du 21 avril dernier, autour du Rigaudon luzien, dédié à Pierre et Pascal Gaudin : «  » _,

au profit du Menuet, et surtout de la Toccata : par un probable parti-pris, me semble-t-il, de tester le pianisme _ digital, virtuose _ des interprètes ici comparés, au détriment de l’esprit, subtilissime, de l’œuvre de Ravel...

Des 18 interprétations en piano solo de ce Rigaudon

dont ma discothèque personnelle comporte à ce jour la performance en CD :

_  1) Robert Casadesus in double CD Classics MH2K _ enregistré à New-York en décembre 1951 : 3′ 10 ; écoutez-ici : peut-être ma version ancienne préférée ! Quelle vie, et quel chic !
_  2) Marcelle Meyer in coffret EMI Classics 0946 384699 2 6 _ enregistré à Paris en mars 1954 : 3′ 07
_  3) Walter Gieseking in double CD Warner Classics 0190 295 7755063 _ enregistré à Londres en mars 1954 : 3′ 10
_  4) Samson François in coffret Erato 0190 295 651 473 _ enregistré à Paris en 1957 ou 1958 : 2′ 36
_  5) Samson François in coffret Erato 0190 295 651 473 _ enregistré à Monte-Carlo en juin 1967 : 2′ 27 ; écoutez-ici, et c’est splendide !
_  6) Vlado Perlemuter in CD Nimbus NI 5011 _ enregistré à Birmingham en août 1973 :3′ 20
_  7) Yvonne Lefébure in CD FY FYCD 018 _ enregistré à Paris en janvier 1975 : 2′ 35

_  8) Jean-Yves Thibaudet in coffret Decca 478 3725 _ enregistré à Amsterdam en mars 1991 : 3′ 03
_  9) Dominique Merlet in double CD Bayard Musique 308 631.2 _ enregistré en 1991 : 3′ 07
_  10) Alice Ader in CD Fuga Libera FUG 592 _ enregistré en 2002 : 3′ 47
_  11 ) Jean-Efflam Bavouzet in double CD MDG 604 1190 – 2 _ enregistré en janvier 2003 : 3′ 10 ; écoutez-ici, c’est très bien !

_ 12) Alexandre Tharaud in double CD Harmonia Mundi HM 901 811.12 _ enregistré à Paris en avril 2003 : 3′ 02 ; écoutez-ici, c’est tout à fait superbe !
_ 13 ) Roger Muraro in double CD Accord 476 0942 enregistré en mai 2003 : 3′ 11

_ 14) Steven Osborne in double CD Hyperion CDA 47731/2 _ enregistré à Londres en septembre 2010 : 3′ 01 ; écoutez-ici, c’est magnifique ! 
_ 15) Bertrand Chamayou in double CD Erato 08256 460 2681 enregistré à Toulouse en 2015 : 3′ 06 ; écoutez-ici, c’est vraiment excellent !

_ 16) Clément Lefebvre in CD Evidence EVCD 083 enregistré à Hardelot en avril 2021 : 3′ 25 : écoutez ici, ce n’est pas mal du tout !
_ 17) Philippe Bianconi in double CD La Dolce Volta LDV 109.0 enregistré à Metz en avril 2022 : 3′ 00

_ 18) Martin James Bartlett in CD Warner Classics 5054197896804 _ enregistré à Londres en mars 2023 : 3′ 05 : écoutez-ici ce preste et dansant Rigaudon

Jérémie Rousseau n’a retenu que 2 d’entre elles, superbes, en effet :

_ celle d’Alexandre Tharaud, enregistré en 2003, pour Harmonia Mundi,

et

_ celle de Bertrand Chamayou, enregistré en 2015, pour Erato .

Préférant aux 16 autres,

celles

de Louis Lortie, enregistré en 1988 _ en un CD Chandos CHAN 8620 dont j’ignorais l’existence jusqu’ici _ ;

Anne Quéfellec, enregistré en 1990  _ en un double CD Erato 5614812 qui ne m’a pas beaucoup convaincu… _ ;

François Dumont, enregistré en 2014 _ en un CD Piano Classics PCLD 0055 dont j’ignorais aussi l’existence jusqu’ici _ ;

 et Benjamin Grosvenor, enregistré en 2015 _ du CD Decca 483 0255 « Homages« , enregistré au Wyastone Concert Hall en décembre 2015, dont je dispose, je viens de découvrir que « Le Tombeau de Couperin » est matériellement absent ! ; accessible seulement électroniquement : bisque, bisque, rage !!!..

Et qui ne m’ont guère convaincu lors de l’audition, ce jour, du podcast de cette émission !!!

Même si c’est à deux pianos ou à quatre mains qu’elles jouent le piano de Ravel _cf par exemple mes articles du 11 septembre 2018 « «  et du 21 avril 2020 « «  _,

les toujours parfaites Katia et Marielle Labèque servent idéalement l’esprit et la veine basquaise, dansée, de Maurice Ravel…

Et pour ma part,

après des auditions renouvelées des diverses interprétations discographiques du leste et très enlevé « Rigaudon » (dédié aux luziens Pierre et Pascal Gaudin, ses amis d’enfance et d’adolescence lors de ses vacances à Saint-Jean-de-Luz) du merveilleux « Tombeau de Couperin » pour piano seul, présentes en ma discothèque personnelle,

ma préférence continue plus que jamais d’aller aux versions prestes et éclaboussantes d’esprit ludique d’Alexandre Tharaud _ en avril 2003 _ et de Martin James Bartlett _ en mars 2023, soient vingt années plus tard que le CD pour l’éternité magnifiquement juvénile d’Alexandre Tharaud, en un CD jubilatoire dans lequel intervient aussi, et pas seulement de ses justes conseils, le cher Alexandre Tharaud ; cf mon article du 16 février dernier : « «  

Plutôt l’esprit _ ludique _ que le pianisme

Je persiste, donc, et je signe…

Ce vendredi 31 mai 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

D’un Rigaudon l’autre : d’une interprétation pleine de vitalité du « Rigaudon » pour orchestre du « Tombeau de Couperin » M 68a (de 1919) par John Wilson et son Sinfonia of London, à la recherche d’une aussi excellente interprétation du « Rigaudon » des « Six Pièces pour piano deux mains » M 68, de Maurice Ravel…

21avr

Mon article d’hier samedi 20 avril «  » dont m’a tout spécialement touché _ regarder ici la vidéo de cet extrait… _ le « Rigaudon » preste, intense et subtil (M 68a, de 1919) tel que donné dans le CD Chandos CHSA 5324 « Ravel – Berkeley – Pounds – Orchestral Works« ,

m’a incité à rechercher quelle interprétation _ au disque _ de la pièce originale (M 68) pour piano seul de ce « Rigaudon« -là de Ravel, orchestré plus tard, en 1919, pourrait procurer une similaire vitale joie d’écoute.

À cette fin,

je viens, ce dimanche matin 21 avril, de procéder à une écoute comparative de 18 interprétations que j’ai réussi à dénicher dans le désordre des CDs de ma discothèque personnelle de ce « Rigaudon » pour piano à deux mains (M 68) ;

dont voici les interprètes, ainsi que les références discographiques :

_  1) Robert Casadesus in double CD Classics MH2K _ enregistré à New-York en décembre 1951 : 3′ 10 ; écoutez-ici : peut-être ma version ancienne préférée ! Quelle vie, et quel chic !
_  2) Marcelle Meyer in coffret EMI Classics 0946 384699 2 6 _ enregistré à Paris en mars 1954 : 3′ 07
_  3) Walter Gieseking in double CD Warner Classics 0190 295 7755063 _ enregistré à Londres en mars 1954 : 3′ 10
_  4) Samson François in coffret Erato 0190 295 651 473 _ enregistré à Paris en 1957 ou 1958 : 2′ 36
_  5) Samson François in coffret Erato 0190 295 651 473 _ enregistré à Monte-Carlo en juin 1967 : 2′ 27 ; écoutez-ici, et c’est splendide !
_  6) Vlado Perlemuter in CD Nimbus NI 5011 _ enregistré à Birmingham en août 1973 : 3′ 20
_  7) Yvonne Lefébure in CD FY FYCD 018 _ enregistré à Paris en janvier 1975 : 2′ 35

_  8) Jean-Yves Thibaudet in coffret Decca 478 3725 _ enregistré à Amsterdam en mars 1991 : 3′ 03
_  9) Dominique Merlet in double CD Bayard Musique 308 631.2 _ enregistré en 1991 : 3′ 07
_  10) Alice Ader in CD Fuga Libera FUG 592 _ enregistré en 2002 : 3′ 47
_  11 ) Jean-Efflam Bavouzet in double CD MDG 604 1190 – 2 _ enregistré en janvier 2003 : 3′ 10 ; écoutez-ici, c’est très bien !

_ 12) Alexandre Tharaud in double CD Harmonia Mundi HM 901 811.12 _ enregistré à Paris en avril 2003 : 3′ 02 ; écoutez-ici, c’est tout à fait superbe !
_ 13 ) Roger Muraro in double CD Accord 476 0942 enregistré en mai 2003 : 3′ 11

_ 14) Steven Osborne in double CD Hyperion CDA 47731/2 _ enregistré à Londres en septembre 2010 : 3′ 01 ; écoutez-ici, c’est magnifique ! 
_ 15) Bertrand Chamayou in double CD Erato 08256 460 2681 enregistré à Toulouse en 2015 : 3′ 06 ; écoutez-ici, c’est vraiment excellent !

_ 16) Clément Lefebvre in CD Evidence EVCD 083 enregistré à Hardelot en avril 2021 : 3′ 25 : écoutez ici, ce n’est pas mal du tout !
_ 17) Philippe Bianconi in double CD La Dolce Volta LDV 109.0 _ enregistré à Metz en avril 2022 : 3′ 00

_ 18) Martin James Bartlett in CD Warner Classics 5054197896804 _ enregistré à Londres en mars 2023 : 3′ 05 : écoutez-ici ce preste et dansant Rigaudon

Quel bel hommage à Pierre et Pascal Gaudin, les deux beaux-frères (décédés, au front, le 12 novembre 1914) de Magdeleine Hiriart-Gaudin, la cousine, mais oui !, de Maurice Ravel _ cf mon article «  » du 17 août 2022… 

Réussir à bien attraper le naturel si subtil, intense, fluide et moiré de Ravel est assurément difficile…

S’en approcher est déjà un bonheur !

Et revoir maintenant la vidéo de l’extrait plein de vitalité de ce « Rigaudon » (de 1919) par John Wilson et son orchestre…

Et encore, en forme de bonus à cet article-ci,

écoutez aussi ici (24′ 32) l’orchestation des Six Pièces pour piano à deux mains réalisée _ pour la Fugue et la Toccata, restées non orchestrées par Ravel lui-même, par Zoltan Kocsis… _ par Zoltan Kocsis en un complet « Tombeau de Couperin » pour orchestre,

et dirigé ici par lui à la tête de l’Orchestre Philharmonique National Hongrois ; disponible en un CD Hungaroton Classic 10286 paru en 2003 :

quelle extraordinaire œuvre ! C’est vraiment très très beau !

Ce dimanche 21 avril 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

Pour approcher d’encore plus près à la vérité de Ravel en son plus intime, le stupéfiant « Ravel – L’OEuvre pour le Piano » du magnifique Philippe Bianconi (suite)…

29sept

Plus j’écoute _ quasiment en continu, quand je suis à ma table de travail _ le double CD la dolce volta LDV 109.0 de Philippe Bianconi « Ravel – L’Œuvre pour le Piano« ,

et après le témoignage déjà émerveillé de mon article d’avant-hier 27 septembre « « ,

plus je pense

que la formidable maîtrise, si pleine _ avec une formidable prise de son, aussi, il faut le préciser, de François Eckert ! _ en son extrême délicatesse (et parfaite naturelle fluidité) de jeu des diverses micro-inflexions si expressives en leur finesse et ultra-délicatesse, dénuées de la moindre volonté _ à l’égard de quelque public que ce soit… _ d’exhibition de virtuosité, du piano de Ravel,

que parvient ici à nous donner avec tellement de toute simple naturelle évidence Philippe Bianconi,

nous offre là un inestimable cadeau _ de grâce ! _ qui approche au plus près la vérité même de Ravel en son plus intime, à son solitaire piano, pour lui seul…

Et c’est bien là aussi le sentiment qu’éprouve, et à son tour, en un justissime article intitulé « Nocturne« , sur son site Discophilia, le bon Jean-Charles Hoffelé, ce vendredi 29 septembre,

je le découvre en ce petit matin du vendredi 29 septembre :

NOCTURNE

Philippe Bianconi revient à son cher Ravel dont il avait déjà gravé l’intégrale de l’œuvre pour piano seul sous l’écoute bienveillante de Suzanne et René Gambini voici bien trente ans _ pour le label Lyrinx, en 1993. Un vaste soleil illuminait alors son jeu, Ravel en lumière, joué assez dandy _ et dandy, Ravel le fut aussi, en sa première jeunesse… _, alliant à une beauté toute classique quelques traits proustiens : on croyait voir le compositeur tiré à quatre épingles _ ainsi qu’en témoignent visuellement quelques photos du jeune Ravel… _ dans chaque note de sa musique.

Il ajoute aujourd’hui, en accord avec _ l’excellent ravélien qu’est lui aussiClément Lefebvre, la suite de Ma mère l’Oye qui manquait à son album Lyrinx. Le dialogue très sombre de La Belle et la Bête signale illico que les portes d’un autre univers se sont ouvertes : ce Ravel-là sera d’abord celui du Gibet, de Scarbo, d’Ondine _ de Gaspard de la nuit, en 1908 _, l’envers _ ou le revers, voilà… _ teinté d’un brin de fantasque du rayonnement solaire que le pianiste y avait jadis entendu.

Les Miroirs _ de 1904-1905 _ sont tendus, sombres, presqu’amers _ mais jamais tout à fait, surtout pas… _ (Une barque sur l’océan avec cette main gauche obstinée avant le retour du ressac), étranges d’atmosphères non seulement pour Oiseaux tristes, pour la fantasmagorie de Noctuelles, pour l’Alborada _ formidable de présence _ mêlant l’ironie à une certaine _ pointe très fine, un soupçon effleurée, de _ tristesse, pour La Vallée des cloches aussi, si nostalgique _ Ravel aimait les reflets des miroirs…

Et si le vrai visage _ voilà ! voilà ! _ de Ravel paraissait dans ce piano qui fut l’instrument _ oui, aux harmoniques orchestrales aussi… _ de son _ solitaire et méditatif _ quotidien ? Inquiet, intranquille _ oui _, splénétique _ oui _ tout au long d’un Gaspard de la nuit _ en 1908 _ où même Ondine a un côté Loreley. Jusqu’au Tombeau de Couperin _ de 1914-1917 _ qui ne renonce pas à l’espressivo, voyant derrière les danses, au travers de l’esseulement de la Fugue les visages des disparus, jusqu’aux Valses nobles et sentimentales _ de 1911 _,vénéneuses, emplies de parfums de tubéreuse : dans l’ultime page, un opium semble rendre immatériels et la musique de Ravel et le jeu du pianiste – onirisme trouble au possible.

Les petites pièces tardives ou pas, Menuets _ de 1895 et 1909 _, Pavane _ de 1899 _, et hommages « dans le style de », le bref Prélude  _ de 1913 _ troublant comme un regret, sont jouées avec un sens de la nuance, du phrasé juste _ oui, oui, oui _ qui les hissent au rang de chefs-d’œuvre. Sommet _ probable, oui… _ de l’ensemble _ ainsi sublimement interprété par un Philippe Bianconi en un (paradoxalement sérénissime de maîtrise !) état de grâce de gravité… _, si je ne devais en choisir qu’un : la _ confondante _  Sonatine _ de 1903-1905 : oui, ainsi insidieusement glaçante, mine de rien en sa terrifiante douceur, elle est proprement sidérante ! Écoutez comment Philippe Bianconi fait sourdre les ombres, ose le cri  _ munchien, en 1893 _ qui saisit soudain au centre du Modéré.

Et maintenant, il faut _ oui ! _ que La Dolce Volta lui offre l’occasion d’enregistrer les deux Concertos.

LE DISQUE DU JOUR

Maurice Ravel (1875-1937)


L’Œuvre pour piano (Intégrale)

Philippe Bianconi, piano
Clément Lefebvre, piano
(Ma mère l’Oye, version à quatre mains)

Un album de 2 CD du label La Dolce Volta LDV 109.0

Photo à la une : le pianiste Philippe Bianconi –
Photo : © William Beaucardet

 

Ce merveilleux transcendant double CD Ravel de Philippe Bianconi

est tout simplement un tranquille _ mais tout sauf placide, cependant… _ sommet _ sans jamais, ni en rien, se pousser si peu que ce soit du col _ de la discographie du singulier _ oxymorique _ et si magnifique Maurice Ravel…

Ce vendredi 29 septembre 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Pour le piano de Ravel, un Philippe Bianconi idéalement idoine, « expressivo » en la pudeur et discrétion magnifiques de l’exigeant envers lui-même et la musique compositeur merveilleux…

27sept

C’est un Ravel parfaitement idoine que Philippe Bianconi vient de nous donner en son parfait double album « Ravel – L’œuvre pour piano » (la dolce volta LDV 109.0), en 143′, enregistré dans la Grande Salle de Arsenal-Metz en Scènes du 11 au 28 avril 2022, sur un piano Steinway D-274.


Bien sûr, le piano de Ravel a été d’assez nombreuses fois parfaitement servi déjà _ ainsi les Intégrales de Robert Casadesus (en 1951), Walter Gieseking (en 1954), Samson François (en 1967), Vlado Perlemuter (en 1973), Dominique Merlet (en 1991), Alice Ader (en 2002), Roger Muraro (en 2003), Alexandre Tharaud (en 2003), Jean-Efflam Bavouzet (en 2003), Steven Osborne (en 2011), Bertrand Chamayou (en 2016), et probablement quelques autres, moins bien rangées et mieux cachées, figurent-elles en ma discothèque personnelle… _ ;

il n’empêche, le piano de Ravel de Philippe Bianconi est ici idéalement réussi, en une justissime adhésion à l’alpha et omega de l’esprit du compositeur discret et pudique en sa vie, mais extrêmement exigeant envers lui-même et la musique en son œuvre, parfaite.

Voici ce qu’en a finement chroniqué, il y a 3 jours, en un très juste et fin article intitulé « Philippe Bianconi et le piano de Ravel, entre lumière et ombre« , Jean Lacroix, sur le site de Crescendo :

Philippe Bianconi et le piano de Ravel, entre lumière et ombre

LE 24 SEPTEMBRE 2023 par Jean Lacroix

Maurice Ravel (1875-1937) : L’œuvre pour piano seul ; Ma mère l’Oye pour piano à quatre mains.

Philippe Bianconi ; Clément Lefebvre (pour Ma mère l’Oye).

2022.

Notice en français, en anglais et en japonais.

143’00’’.

Un album de deux CD La Dolce Volta LDV 109.0. 

Formé au Conservatoire de Nice, sa ville natale, Philippe Bianconi (°1960) participe très jeune à des concours, sous l’impulsion de Pierre Cochereau, alors directeur de l’institution.  Il remporte un premier prix à Belgrade (il a 17 ans), puis à Cleveland en 1981, avant de se classer deuxième, quatre ans plus tard, au Concours Van Cliburn, remporté par le Brésilien José Feghali, le Britannique Barry Douglas étant troisième. A son programme, Bianconi a déjà inscrit un extrait des Miroirs de Ravel. Dès 1987, il se produit à Carnegie Hall, sa carrière internationale est lancée. Il se révèle aussi un accompagnateur de premier ordre en signant avec Hermann Prey les trois grands cycles de lieder de Schubert au milieu des années 1980 (Denon). Bientôt, il se produit dans le monde entier et ses disques, y compris de musique de chambre, sont applaudis. Entre 2015 et 2021, il est gratifié à trois reprises par des Jokers de Crescendo pour des récitals, déjà parus à La Dolce Volta, consacrés à Chopin, Schumann et Debussy.


Près de trois décennies se sont écoulées depuis que Philippe Bianconi a proposé une première intégrale de l’œuvre pour piano seul de Ravel chez Lyrinx. Du 11 au 18 juin 2022, il a remis le couvert dans la Grande Salle de Arsenal-Metz en Scènes. Dans un copieux entretien qui sert de notice, Bianconi explique le sens de sa démarche actuelle : Ce nouvel enregistrement a rendu plus fort et plus personnel _ voilà _ le rapport que j’ai depuis toujours à l’œuvre de Ravel. J’ai redécouvert le bonheur du son ravélien, mais j’ai également pris la mesure de la face sombre _ oui _ de sa musique. Avec le temps, et lors de cette année que j’ai passée à travailler avant l’enregistrement, j’ai réalisé que je l’avais auparavant perçue de façon plutôt univoque : irradiante, diurne et claire _ lumineuse, oui. On lira avec le plus grand intérêt la dizaine de pages dans lesquelles le pianiste évoque une série de thèmes, comme la part de solitude _ oui _ que l’on peut percevoir chez le compositeur, notamment dans l’Alborada del gracioso ou dans Une barque sur l’océan, le terme « expressif » _ voilà ! _ que l’on trouve de façon récurrente dans ses partitions, la pudeur, la rigueur _ alliées, unies, en une forme d’oxymore…  _, la sensualité, le lyrisme, la couleur pianistique ou la richesse de ses petites pièces. Bianconi souligne encore la nécessité _ absolue _ du tact _ le plus fin qui soit _ et de la subtilité _ bien sûr _ nécessitée par des inflexions très fines _ finesse est un des mots cruciaux ravéliens _, et insiste sur la liberté _ aussi ! _ de l’interprète qui, dans un tel contexte, veillera à ne pas appuyer ou rechercher les effets, à laisser la phrase s’épanouir, la laisser respirer tout en s’efforçant d’être expressif _ voilà, voilà…

Tout est dit dans cet entretien passionnant, dont on salue l’initiative de l’éditeur (ce n’est pas la première fois : le Debussy de 2020 en proposait un autre). Ce que nous résumons, brièvement, des propos de Bianconi se trouve mis en évidence à chaque instant de ce remarquable album de deux disques qui donne de l’œuvre pour piano seul de Ravel une vision d’une élégance exemplaire _ élégance est aussi un mot-clé ravélien… Celle-ci se manifeste dès les Jeux d’eau transparents qui ouvrent le programme, avant des Miroirs au sein desquels les remarques relevées dans l’entretien (ah ! ces Oiseaux tristes !) sont appliquées, entre austérité et sensualité _ toujours l’oxymore atteindre sans la moindre lourdeur. La Pavane pour une infante défunte étale sa grâce, la Sonatine se déroule entre ravissement et générosité. Et quelle beauté dans la sonorité ! _ oui. On apprécie hautement les _ admirablesValses nobles et sentimentales dont les deux adjectifs sont signes de sensibilité et d’émotion. Elles sont investies de moments entre lumière et ombre que Gaspard de la nuit va porter à son paroxysme _ à l’acmé du soutenable / insoutenable _ : une Ondine cristalline, un Gibet blafard, un Scarbo qui effleure le fantastique, sans sombrer dans la tentation _ qui serait grossière et malvenue _ de la virtuosité. Quant au Tombeau de Couperin, il est chargé de pudeur _ encore un mot-clé ravélien _ , alors que le Menuet antique respire la fluidité _ à mille lieues de la moindre lourdeur.

Chaque approche de Bianconi se révèle d’un grand équilibre _ oxymorique. Il souligne aussi, dans l’entretien, le fait que son caractère ne le pousse pas à l’extravagance, défaut que Ravel craignait _ oui _ en raison des tempéraments parfois trop envahissants des interprètes de son époque. Son parcours captive en raison d’un style assumé entre intensité et délicatesse _ voilà _, qui trouve aussi son épanouissement dans la série de petites pièces, qualifiées par Bianconi de bijoux. Il les cisèle avec un art consommé, entre saveur de l’instant, charme fugace et lyrisme prenant _ toujours le périlleux mais discret défi de l’oxymorique… En complément de l’intégrale, on découvre une délicieuse _ oui _ version à quatre mains de Ma mère l’Oye, partagée avec Clément Lefebvre, lauréat du Concours Long-Thibaud-Crespin en 2019, qui a gravé lui-même un récital Ravel en 2021 chez Évidence _ cf mes articles «  » et «  » des 18 novembre et 30 décembre 2021.

Cette intégrale démontre à quel point Philippe Bianconi a poursuivi une longue réflexion sur ce corpus de Ravel. Son intelligence sensible, la maturité de son approche, entre lumière et ombre, le tout servi par une technique de haute volée, avec un jeu de pédales savamment dosé, place cet album indispensable et superbement présenté sur le premier rayon moderne de toute discothèque ravélienne _ c’est dit et parfaitement dit.

Son : 9    Notice : 10    Répertoire : 10    Interprétation : 10

Jean Lacroix

Le Ravel de Bianconi nous comble.


Ce mercredi 27 septembre 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Bravissimo au ravelissime CD Ravel de Clément Lefebvre

30déc

Pour enfoncer le clou de mon article  du 18 novembre dernier,

dans lequel je me référais au commentaire, excellent, de ce CD par Jean-Charles Hoffelé, en un article intitulé Ravel danse, de la veille,

voilà que je suis tombé hier sur un nouvel article de commentaire de ce ravélissime CD de Clément Lefebvre, sur le site ResMusica, et sous la plume de Stéphane Friédérich :

un article intitulé cette fois Le réjouissant Ravel de Clément Lefebvre

Que voici :

Le réjouissant Ravel de Clément Lefebvre

Après un splendide _ oui ! _ album consacré à Rameau et Couperin également chez Evidence Classics _ cf mon article du 9 juin 2018 : _, Clément Lefebvre nous offre, loin des pages les plus spectaculaires de Ravel, des interprétations marquantes de pièces composées à l’ombre du Grand Siècle.

Classicisme et/ou modernité, précisément : la question est induite dans l’excellent texte de présentation _ de Clément lefèbvre lui-même ? _ qui offre la parole au compositeur placé devant le dilemme de rendre dommage à « ce XVIIIᵉ siècle de mes rêves » tout en demeurant pleinement lui-même dans l’effervescence des années 1890-1910. À la première mesure, la Sonatine naît sous les doigts du pianiste comme une évidence _ oui, tout simplement, en effet. Il est d’ailleurs impossible qu’elle ne soit pas “juste” et d’en relâcher une seule note, mais aussi de ne pas projeter le son vers le haut, de ne pas éviter “l’effet bibelot” ou, pire, le rachitisme analytique. La Sonatine n’est guidée que par une lumière à peine tamisée, jouant de « ce battement d’ailes » comme le décrivit si bien Vlado Perlemuter. Interpréter avec raffinement sans être précieux _ voilà ! _, voilà précisément ce que réussit Clément Lefebvre dans cette œuvre, puis dans l’élan du Menuet sur le nom de Haydn, moins “lent” que supposé, mais toujours ciselé dans le chant intime _ oui : ravélien. C’est, en effet, une musique que l’on joue pour soi et qui devrait être fortement déconseillée dans les grandes salles de concert. L’œuvre ne croît que par ses ambiguïtés, ses suggestions, une divine hypocrisie _ ou plutôt pudeur _ de styles bariolés. Elle s’amuse de ses indications « très vite mais pas précipité», mais aussi « sans prudence et sans merci ! ». Le superbe Yamaha CFX que l’on entend est réglé comme un cartel de Versailles avec juste ce qu’il faut d’or, de patine et de doux balancement.

Le cœur de l’album, ce sont les Valses nobles et sentimentales. Clément Lefebvre multiplie les modes d’attaques, les respirations brèves, les atmosphères qui naissent et disparaissent aussitôt, grâce à un toucher associant tendresse et robustesse _ voilà. C’est à la fois franc, élégant et suggestif _ oui : sans la moindre « hypocrisie« , par conséquent : le mot était un peu malheureux... Les ombres d’une chorégraphie et le pressentiment de l’orchestration déjà pensée par Ravel favorisent la prise de risques. Dans la cinquième danse, par exemple, l’interprète tire les rythmes “à lui”, dans un tempo un peu plus rapide que ce « presque lent », mais l’effet si bien calculé en devient… naturel _ comme il se doit, raveliennement… Les valses sont ce qu’on en attend : piquantes et aimables à la fois, des successions déroutantes de mouvements contraires et indansables.

Le Menuet Antique qui suit, frôle la parodie “chabriesque”. Peut-on imaginer, en 1895, soit deux ans avant la disparition de Brahms, une œuvre plus éloignée de l’écriture du viennois ? Quant à la partition à demi-reniée par le compositeur, la Pavane jouant sur les maux d’une infante, « ce morceau qui fait l’admiration des demoiselles qui ne jouent pas très bien du piano » écrit le critique Roland-Manuel, Clément Lefebvre ne se réfugie pas dans la distanciation affective ou, pire encore, dans un jeu la main sur la poitrine : il laisse les harmonies si délicates s’épanouir par elles mêmes. C’est amplement suffisant, et donc difficile à exécuter. D’une mourante feinte, à l’hommage aux disparus (eux, bien véritables), le Tombeau de Couperin clôt ce disque d’un néo-classicisme d’avant-garde. L’interprète nous a prouvé, en effet, que ces deux termes n’étaient pas tant des oxymores, que la nostalgie de faire revivre une Europe en paix _ probablement. Dans ce Tombeau de Couperin, imaginons que Clément Lefebvre nous convie au souvenir de promenades dans le Palais Royal, dans des jardins à la française. Le piano toujours aussi limpide et narratif ne rompt pas un instant avec le charme moqueur et la noblesse discrète _ oui _ des premières œuvres de ce disque. Rameau et Couperin, toujours _ oui.

Maurice Ravel (1875-1937) : Sonatine ; Menuet sur le nom de Haydn ; Valses nobles et sentimentales ; Menuet antique ; Pavane pour une infante défunte ; Le Tombeau de Couperin.

Clément Lefebvre, piano.

1 CD Evidence Classics.

Enregistré au Théâtre Elisabéthain du Château d’Hardelot, en avril 2021.

Notice en anglais et français.

Durée : 60:05

Un CD délectablement ravelissime en sa sveltesse raffinée

aux antipodes du moindre maniérisme…

Ravel, un musicien de l’intimité discrète, mais ferme.

Ce jeudi 30 décembre 2021, Titus Curiosus – Francis Lippa

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