Une brassée de souvenirs (excellents) en remontée du (joyeux) passé,
en cet échange de courriels avec Bernard Plossu : voici…
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Le 29 mars 09 à 22:51, Bernard Plossu a écrit :
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des petites notes (dans le train : « en route vers Carcassonne« …)…
plo
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De : Bernard Plossu
A : Amicus X
Envoyé le : Dimanche, 29 Mars 2009 22:48
Sujet : notes
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Dans le livre « Quinze hommes splendides » de Yvonne Baby, Bresson parle de « bizarre mélange de hasard et de prédestination« , ça me fait un peu penser à ma lubie de parler de « rencontre de sagesse et de délire » en photographie…
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Page 60, Robert Bresson cite Corot : « il ne faut pas chercher mais attendre« , citation que je cite toujours, tout le temps…
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Robert Bresson parle, tourne, réfléchit autour du silence, de son rôle, sa présence plus forte que le bruit (que la musique), le non-bruit… Et même on pourrait dire que sa musique est une forme de silence, non ? elle ne dit pas quoi penser (grossière erreur de penser que Bresson est moral, on le disait janséniste, je dirais plutôt « puriste », comme Dreyer dans « Ordet » : chef d’œuvre d’image avant tout).
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De son côté, Edward Hall (mon maître et ami) a analysé, décortiqué, le rôle des odeurs dans la société américaine, qui mourra un jour de ne plus en avoir.
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Etc… Je passe les notes qui suivent…
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Ma réponse (à ce passage-là ; qui « me retient » tout spécialement…) :
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—–E-mail d’origine—–
De : Titus Curiosus
A : Bernard Plossu
Envoyé le : Lundi, 30 Mars 2009 6:24
Sujet : Re: notes : Kairos + Edward Hall + Brecht par Didi-Hubermann
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La « rencontre » me passionne, comme tu le sais (notamment par ce que j’ai pu aussi en écrire :
« Pour célébrer la rencontre« , que publia sur son site (« Ars Industrialis« , en mars 2007) Bernard Stiegler ;
« Cinéma de la rencontre : à la ferraraise _ ou un jeu de halo et focales sur fond de brouillard(s) : à la Antonioni« , ce gros essai inédit).
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Sur le hasard, et sa réception, le concept (grec) de « kairos » va très loin…
Je n’aime pas beaucoup, en revanche, le mot (de Bresson) de « prédestination« .
Je préfère plutôt ton cocktail à toi de « sagesse et délire« ; même si « délire » n’est peut-être pas le terme (un peu trop « mode » ; « jeune »…) le plus adéquat à mes yeux, du moins…
Mais l’oxymore est parlant…
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Sur le silence, oui… : un espace où peut _ et où seulement peut _ se déployer le jeu de la créativité
pour un artiste…
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Le livre que je suis en train de lire, de Georges Didi-Huberman, « Quand les images prennent position _ l’œil de l’Histoire 1« ,
traite pleinement de cela
à travers le montage photos/légendes/épigrammes poétiques
que Brecht a élaboré en son « Kriegsfibel« (« ABC de la guerre« ) qui ne put être publié qu’en 1955…
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« Le livre se vendit très médiocrement, laissant à Brecht, peu avant sa mort, l’impression douloureuse que le public allemand cultivait un « refoulement insensé de tous les faits et jugements concernant la période hitlérienne et la guerre » (selon une expression de Brecht lui-même, citée par Klaus Schuffels, en une présentation intitulée « Genèse et historique« , de l’édition française, traduite par Philippe Ivernel, de cet « ABC de la guerre« , aux Presses Universitaires de Grenoble, en 1985)…
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Ce livre (rare) de Brecht devrait te passionner.
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Je ne crois pas, cependant, qu’on en trouve facilement des exemplaires, que ce soit en allemand, ou en français (cf la note page 30 du livre de Didi-Hubermen, pour toutes les précisions : Brecht ne put publier »Kriegsfibel« , et encore pas comme il le voulait _ il dut y opérer des « coupures » ; ainsi que promettre un second volume (qui aurait été) plus « positif », lui… _, qu’en 1955
_ né le 10 février 1898 à Augsbourg, en Bavière, Bertolt Brecht est mort très vite après cette publication de novembre 1955 : le 14 août 1956, à Berlin-Est, pour être précis : il n’a donc pas eu le temps d’écrire cette « suite »…)…
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J’en suis page 198 de ce (très beau !) livre de Didi-Huberman ; et il me reste 60 pages.
J’écrirai bien sûr mon prochain article sur lui…
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Le concept central, à partir de celui de « montage/démontage »
étant celui de « rythme« …
C’est fondamental.
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« Ne pas chercher, mais attendre« , dis-tu : oui ; et encore, sans traquer ; seulement être prêt à recevoir,
et sans crispation, forcément… « Kairos » dit ici l’essentiel…
Se reporter à ce que j’ai pu en écrire
et en mon (petit) article (de mars 2007), et en mon (gros) essai (terminé en janvier 2008)…
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Que tu parles de Edward Hall
comme ton « maître et ami« est assez extraordinaire, pour moi : je parle de ses livres (« La Dimension cachée« , « Le langage silencieux » ; et « Au-delà de la culture« , « La danse de la vie _ temps culturel, temps vécu« , etc…) à mes élèves chaque année…
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Il faudra que tu me racontes un peu
comment vous vous connaissez…
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Edward Hall est un maître génial de l’attention !!!
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Titus
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La réponse de Bernard, enfin :
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De : Bernard Plossu
Objet : Re : notes : Kairos + Edward Hall + Brecht par Didi-Hubermann
Date : 31 mars 2009 10:22:34 HAEC
À : Titus Curiosus
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Je voyais très souvent Hall à Santa Fe !
(il m’a même cité plusieurs fois dans ses articles !)
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Il a écrit un petit texte d’intro aussi à mon livre « Bernard Plossu’s New Mexico » publié il y a pas longtemps aux USA à University of New Mexico Press, on le trouve pas cher sur Abebooks ….
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et je commence le texte de mon livre » The African desert » publié à University of Arizona Press (Usa aussi) par une citation de « La Dimension cachée »
(on le trouve aussi pas cher sur Abebooks, mais le problème des livres américains est l’envoi postal qui peut être plus cher que le livre !)
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Sa théorie de la proxémie s’applique totalement à la distance juste que la focale du 50 mm me permet en photo !
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J’ai passé du temps voici 10 jours avec David Lebreton
_ cf mon article du 7 août sur le superbe « Éloge de la marche« de David Lebreton, en mai 2000 : « Continuer d’apprendre à marcher« … _,
à Digne ensemble : il est à 100 % le successeur de Hall !
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plo
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Jamais lu encore Didi-Huberman, mais on me le conseille de toutes parts !
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Merci de m’en parler si bien
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b
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ps :
à propos de Brecht, un de mes « 33 tours » préféré a toujours été Lotte Lenya chantant « Surabaya Johnny » de « L’Opéra de 4 sous« , tu connais surement : sublime ! ! !
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Oui !!! je le vénère aussi ;
et je collectionne même les chansons (et interprétations) de Brecht/Weil : outre Lotte Lenya, bien sûr _ plusieurs disques !!! _, Gisela May, Marianne Faithfull, Cathy Berberian, Milva _ j’aime tout particulièrement sa voix si chaude ! _, Teresa Stratas, Ute Lemper, etc… J’ai aussi un album de 2 CDs passionnants d’enregistrements des années trente et quarante, intitulé « From Berlin to Broadway« , édité par Pearl : GEMM CDS 9189 ; plus un autre d’extraits de cette compilation-là… Et encore un étonnant (et remuant les tripes) « September songs _ the music of Kurt Weill« , avec, parmi bien d’autres, Nick Cave, P. J. Harvey, David Johansen, Elvis Costello, Charlie Haden, Betty Carter, Lou Reed; et même Bertolt Brecht lui-même _ en 1930 : ne pas manquer !!! _ ; et Kurt Weil _ le charme ! _ ; et Lotte Lenya (en 1955) ; et encore William B. Burroughs : un CD Sony SK63046, en 1997… Le temps va son train… J’aime aussi, un peu à part _ quelle féminité ! _ le « Speak low« , particulièrement raffiné (= « sofistiqué » !), d’Anne Sofie Von Otter, en 1994 (CD Deutsche Grammophon 439 894-2) ; pour compléter cette somptueuse et fort variée palette d’interprétations…
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Ainsi, l’autre jour, n’ai-je pas pu résister à l’écoute, au rayon Musique de la Librairie Mollat, juste à l’instant où j’y effectuais mon petit tour, presque de routine (pour jeter un œil _ ou une oreille _ aux derniers arrivages), à une interprétation par Les Doors _ ou par la voix sublime de Jim Morrisson ? mais les autres aussi y sont très bien ! _ d' »Alabama Song« , sur un Live (de mars 1967) « At the Matrix« , à San Francisco (double CD DMC 8122-79884-8 : une merveille !) : j’ai acheté l’exemplaire unique ; et me le repasse en boucle… C’est renversant de beauté…
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Cela m’a rappelé, en outre, mon copain Pierre Géraud _ qui vit depuis longtemps à l’île de La Réunion _, chez lequel passait si souvent la musique des disques-vinyle _ je revois les pochettes ; comme je ré-entends les chansons ; et la voix si prenante de Jim Morrisson ! _ des Doors : ce devait être cette extraordinaire année 1969, l’été de laquelle notre groupe (de philosophie) auto-intitulé (!) « Freud » _ sur l’œuvre duquel nous « planchions » passionnément dans les sous-sols de la Fac des Lettres, Cours Pasteur, à Bordeaux _, avons, suite à la vision du film de Buñuel, « La Voie Lactée« , entrepris notre « pélerinage » à Compostelle : en fait l’aller-retour Bordeaux-Santander en vélo (un peu plus de 1000 kilomètres ; et camping sauvage : il pleuvait aussi pas mal) ! Quel merveilleux voyage de plus de cinq semaines… Dira-t-on jamais assez le charme des (rudes !) côtes des (ultra-vertes !!!) montagnes basques, et des ventas où se désaltérer, et se restaurer : tortillas, o huevos con jamón : le vélo creuse passablement l’appétit ! Un soir à Deva, nous avons même dîné deux fois _ la seconde rien que pour tenir compagnie à d’autres (joyeux !) convives de l’auberge… C’est (assez) beau, la jeunesse (= la décennie des « vingt ans »…) !
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Et tout cela « revient » magnifiquement _ les « bouffées de souvenirs »… _ en écoutant Brecht et Les Doors ;
comme en me souvenant de ce que dit si finement Edward Hall, dans cette « Dimension cachée« …
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Merci donc de tes « notes« , envoyées _ comme il se doit _ « au débotté« .., Bernard…
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Titus Curiosus, le 1er avril 2009
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