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L’acuité philosophique d’Yves Michaud sur de vils mésusages du mot « mérite » : la lanterne du philosophe versus le trouble cynique des baudruches idéologiques

10oct

Mardi 13 octobre prochain, à 18 heures, Yves Michaud sera présent dans les salons Albert-Mollat pour présenter au public bordelais son lucidissime « Qu’est-ce que le mérite ?« , qui vient de paraître aux Éditions Bourin…

La « quatrième de couverture«  de ce brillant petit livre de 300 pages annonce la couleur _ ou la teneur générale _ de l’ouvrage :


« Le mérite, le travail, l’effort ont fait retour dans le discours politique et dans l’opinion.

Il faut mériter son salaire ou sa promotion ; les rémunérations doivent être fixées au mérite ; et l’on promet aux élèves méritants des décorations sur le modèle des croix d’honneur du passé.

Mais ce retour _ dans le discours politique et l’opinion _ est bizarre _ remarque, et c’est le point de départ de son enquête de « démasquage«  _ Yves Michaud : « démasquage«  du cynisme de l’idéologie, inversement proportionnel, lui, à la dose de naïveté !..

Non seulement il se produit au milieu de revendications égalitaires toujours fortes _ parmi les citoyens des États de régime « démocratique«  tout au moins ; mais la démocratie est bien en (assez) sévère « crise« , semble-t-il ; dont participe, encore, cette même idéologie _,

mais c’est aussi un drôle de mérite _ nous y voilà ! _ qui revient _ après quelques années de mise en « sommeil«  au magasin des accessoires usagés, dépareillés…

Pas question _ cette fois « moderne« -ci ! ah ! la « modernité«  ! face à la ringardise, elle a « figure«  bien avenante !.. :

bien des « figures«  se sont mises en place, en effet, dans le monde au moment (seconde moitié, louis-quatorzième, du XVIIème siècle : la France allait donner alors, et pour un moment, le ton en Europe, juste avant l’heure, le siècle suivant, de l’Angleterre marchande… ; cf le « Tirez les premiers, Messieurs les Anglais…« , à Fontenoy ; en 1745…) ;

au moment de la « Querelle des Anciens et des Modernes » : et ce sont les Modernes qui ne vont pas tarder à l’emporter au siècle suivant, dit, lui, « des Lumières«  _


Pas question, donc, de valeur morale, d’accomplissements humains, de bonnes actions _ d’« œuvres« _, de vertu _ comme cela avait été le cas au Moyen-Age théologique et au XVIIème siècle aristocratique.

On parle _ en ces discours tenus par tout un chacun, ou presque, et (largement) amplifiés (surtout) par les médias : ils ont fonction, ceux-là, entre « fait«  et « droit » (il y a de l’espace, où « pousser » quelques « coins » (d’« avantages« ), tant qu’on y est…), de « légitimation«  : c’est là la fonction (bien pragmatique !) de l’« idéologie«  _


on parle
, donc, de travail, d’efforts _ et surtout de rémunérations _ ce sont elles qu’il s’agit en effet de « justifier » (dans l’opinion) comme on ne peut plus « normales » :

là-dessus, lire les si remarquables articles de Paul Krugman, dans le New-York Times (et repris dans El Pais, en espagnol) :

j’y ai consacré cet automne quelques uns de mes propres articles, sur ce blog, au moment des élections américaines, et des espoirs suscités par l’élection de Barack Obama :

« avis d’expert« , le 8 octobre 2008 ;

« de la crise ; et du « naufrage intellectuel » à l’ère de la « rapacité »« , toujours ce 8 octobre ;

et « sur le réel et le sérieux« , le 8 novembre 2008… _

Le mérite semble _ la nuance, le doute, sinon la (re-)mise en cause, est d’importance !.. _ une sorte _ un dangereux « simili«  ! rien qu’une une contrefaçon !.. _ de droit

_ à faire reconnaître (et avaliser !) dans les mœurs (et des lois !) : par élections (démocratiques) tout particulièrement ! et en priorité ! Vox populi = vox Dei !!!

Grâce, tout particulièrement, à la très bienvenue « légalisation«  de « lois«  on ne peut plus effectives votées alors par la (on ne peut plus « légale« ) « majorité parlementaire«  :

cf, par exemple, l’éclairage presque aveuglant (!) de la situation actuelle, ces jours-ci,

après le rejet du « Lodo Alfano«  (cf cet article-ci de La Repubblica « La Consulta: lodo Alfano illegittimo« , le 7 octobre),

de l’Italie de Berlusconi… _

Le mérite semble _ bien dangereusement hélas pour le droit ! que devient-il entre les tripatouillages de ces faiseurs de lois ?! _ une sorte de droit à

récompense financière _ en tout cas quelque chose qui doit _ très (et rien que) pragmatiquement ! _ payer. » Yves Michaud.

C’est pour comprendre le sens réel _ = véritable : à rebours des paillettes aveuglantes (et régnantes de fait !) de l’idéologie ! _ du mot « mérite »,

ce qu’il cache et ce qu’il révèle _ voilà le passionnant résultat de ce très incisif travail d’élucidation d’Yves Michaud en ce « Qu’est-ce que le mérite ?«  _,

qu’Yves Michaud a écrit ce texte,

réflexion profonde

_ en effet ; entre autres grâce au très nourricier apport de ses tenants

(autant les références théologiques premières : saint Augustin, saint Thomas d’Aquin, saint Ignace de Loyola, le cardinal Bellarmin ; et aussi Luther et Calvin ;

que l’œuvre des moralistes classiques : La Rochefoucauld, La Bruyère)

et aboutissants

(le passionnant travail d’élucidation des philosophes contemporains, notamment, ou au tout premier chef, anglo-saxons : à commencer par John Rawls ; et, surtout, le prix Nobel d’Économie 1998, Amartya Sen, auquel sont consacrées de très judicieuses pages ;

mais bien d’autres aussi : Anthony Giddens, Harry G. Frankfurt, Peter Frederick Strawson, Bernard Williams, Michaël Walzer, Marc Fleurbaey, Alan Dworkin, Albert Hirschman, Judith N. Shklar, Thomas Nagel, Robert Nozick, Susan Hurley, Brian Barry, Gary S. Becker) !.. _

sur quelques aspects essentiels autant qu’étranges de la société contemporaine : primes, vanités, people, VIP, Rolex…« 

En une brève « Note sur les références«  (sous-titrée « Good bye Saint Thomas ?« ), Yves Michaud remarque en ouverture de son travail (pages 11 et 12 de son livre), l’absence du concept de « mérite«  dans la plupart des « Dictionnaires«  (tel, par exemple, celui de Monique Canto, en 1996 : « Dictionnaire d’éthique et de philosophie morale« …) et « Vocabulaires«  (tel, par exemple, celui de Barbara Cassin, en 2004 : « Vocabulaire européen des philosophies« ) philosophiques ; ou de théologie (tel, par exemple, celui de Jean-Yves Lacoste, en 1998 : « Dictionnaire critique de théologie« )…

La bibliographie de départ d’Yves Michaud concerne donc, malheureusement, le seul « monde anglo-américain«  : « What Do We Deserve ? : A Reader on Justice and Desert« , de L. P. Pojman et O. McLeod (OUP 1998) et « Equality, Selected Readings« , du même L. P. Pojman, avec R. Westmoreland (OUP 1997)…


Yves Michaud ajoutant, page 12 :

« L’entrée « Desert » du « Stanford Encyclopedia of Philosophy«  sur le web htttp://plato. stanford.edu/entries/desert/ rédigée  par O. McLeod en 2008, donne une bibliographie assez riche en langue anglaise qui permettra à ceux qui le souhaitent d’aller plus loin« .

Dont acte (et merci ! pour les plus curieux)…

En passant en revue, ce matin, la presse nationale et internationale, sur le Net,

je tombe sur ceci, qui retient mon attention :

« Il n’y a pas si longtemps encore _ un passé qui, quatre-vingts ans plus tard, semble, décidément, s’être éloigné de plus en plus vite _,

un homme digne d’admiration _ voilà ! la « dignité de » en lieu et place du « mérite à » !.. _ était

un être dont le courage est un courage moral _ et pas seulement une entreprise pragmatique _,

la force une force de conviction _ effective : à rebours des seules persuasion et croyance… _,

la fermeté celle du cœur et de la vertu _ vraie :

les pages d’Yves Michaud sur les « fondements » de la vertu, parmi la foule des déterminations génétiques, ainsi que le « jeu«  social (et le renouveau actuel de la vogue des « jeux« ), sont passionnantes ; cf sa référence au livre de Ted Honderich « Êtes-vous libre ? Le problème du déterminisme« … _ ;

un être qui juge la rapidité _ celle, tout au moins, qui confond vitesse et précipitation ! _ puérile,

les feintes illicites _ = indignes _,

la mobilité et l’élan _ de simple « agitation« , ici : tout le contraire du véritable « élan«  !.. _ contraires à la dignité _ un concept fondamental, décidément, assez malmené par les temps qui courent…

Cet être, il est vrai, a fini par ne plus subsister _ tel un « vestige«  pas encore tout à fait biologiquement mort : c’était dans les décennies vingt et trente du siècle passé ; et en ce qui demeurait, dans la vieille Europe centrale, de la « kakanie«  _ que

dans le corps enseignant secondaire

et dans toute espèce de déclarations purement littéraires _ telle celle, « déclaration » (le terme est bien intéressant ! ) de Musil lui-même _ ;

c’était devenu un fantôme idéologique _ par un retournement de concept, cependant ! nous allons pouvoir le constater… ;

à moins que le « fantôme«  n’insiste à venir hanter quelques dernières mauvaises consciences ;

et ne « résiste«  ; au moins sur ce mode « d’idées« -là !.. :

sont-elles aisément tuables ? anéantissables ?..  _ ;

et la vie a dû se trouver un nouveau type de virilité » _ et de « mérite » ?.. : plus « modernes«  !!! _,

peut-on lire au très lucide, aussi, chapitre 13 de « L’Homme sans qualités » de Robert Musil,

quand le personnage d’Ulrich, qui n’en finissait pas de douter de la valeur (effective) de ses travaux scientifiques, lit quelque part ces mots : « Un cheval de course génial » :

soit un véritable coup de massue pour lui ;

comme la confirmation qu’il est décidément « un homme sans qualités« …

En cette œuvre majeure _ « L’Homme sans qualités« … _ de notre modernité (si largement kakanienne !), fruit d’une entreprise de plus de vingt ans, des années 20 du siècle passé, et interrompue à la mort brutale de Musil, en avril 1942...

J’emprunte ici cette « réflexion«  à un article suggestif de Frank Nouchi, « Le temps des « fantômes idéologiques »« , dans Le Monde en date pour l’édition papier de ce samedi 10 octobre 2009…


Que cette petite « réflexion » musilienne

_ suggérée à Franck Nouchi par l’éditrice Viviane Hamy lisant le portrait du cheval « Sea The Stars« , le crack des cracks, « né pour gagner«  écrit par Christophe Donner dans Le Monde du 7 octobre _

donne un peu à penser,

en attendant la conférence d’Yves Michaud mardi prochain, à 18 heures, dans les salons Albert-Mollat, à propos de ce brillant et tellement judicieux « Qu’est-ce que le mérite ?« ,

conférence dont j’aurai le plaisir, et l’honneur, d’assurer la fonction de modérateur…


Titus Curiosus, ce samedi 10 octobre 2009


Post-scriptum :


On pourra compléter la lecture de « Qu’est-ce que le mérite ?« 

par l’article de contribution d’Yves Michaud au n° 33 de « Philosophie Magazine«  (consacré, ce mois d’octobre-ci) au « Scandale de l’inégalité« ), aux pages 54-55 et 58-59 :

« Il faut penser l’égalité en termes de réalisation de soi«  ;

« discutant les travaux de John Rawls _ précise le sous-titre de l’article _, et, surtout, s’appuyant sur ceux d’Amartya Sen, Yves Michaud nous invite à dépasser une vision strictement économique de l’inégalité » ;

car « on oublie la liberté, la dignité, le respect de soi« …


C’est le _ très judicieux ! _ concept senyen de « capabilité » que met tout particulièrement ici en exergue Yves Michaud :

en invitant à « redonner toute sa complexité à l’idée de réalisation de soi, en comprenant que « les hommes sont divers de diverses manières », comme le dit Sen. Si vous voulez être riche comme Séguéla et avoir des Rolex, c’est un idéal qui se défend _ hum ! l’argument est, en partie du moins, assez « rhétorique«  : la « liberté«  de tels projets (de tels enrichissements) pouvant faire aussi pas mal d’ombre à d’autres (qui ne cherchent pourtant même pas à s’enrichir…)… Si vous voulez mener une vie retirée et dédiée à l’étude, c’est aussi un choix existentiel qui se défend _ portant un peu moins d’ombres à d’autres, celui-là de « choix existentiel«  Dans un cas, vous risquez d’avoir quelques problèmes de santé _ à partir du stress, peut-être… _, mais une belle Rolex. Dans l’autre, d’être un peu plus heureux et équilibré, mais plus pauvre et moins connu.

Et la tâche d’une anthropologie avancée est de tenir compte de cette complexité.

La science économique met d’ailleurs au point aujourd’hui des instruments mesurant _ ah ! la mesure ! et son « empire » ; pour ne pas dire son « impérialisme«  ; avant même Galilée, Descartes, Adam Smith… _ assez bien les inégalités de bonheur, de risque, de qualité de vie _ je pense, en France, aux travaux de Serge-Christophe Kolm _ presque toutes les publications de celui-ci sont en anglais, sauf « Bonheur Liberté, Bouddhisme profond et Modernité«  paru en 1982 aux PUF… _ ou Marc Fleurbaey » _ auteur de « Théories économiques de la justice« , aux Éditions Economica, en 1996, et « Capitalisme ou démocratie ? L’alternative du XXIème siècle« , aux Éditions Grasset, en 2006 :

peut-on ainsi lire à la page 58 du numéro 33 d’octobre 2009 de « Philosophie Magazine« 


Et le tout dernier chapitre (pages 249 à 272) de « Qu’est-ce que le mérite ? » porte précisément pour titre « Mérite et sociabilité » ;

tandis que la « conclusion«  (pages 273 à 280) s’intitule « Le Mérite et la vertu » ;

avec ces tout derniers mots, page 280 :

« Si les vertus pouvaient revivre

_ vraiment : peut-être comme au temps de la théologie, ou à celui de l’aristocratie ;

voire à celui de la « kakanie » dont se souvenait Musil ; et dont ne demeuraient plus, depuis 1919, que de « fantomatiques » vestiges dans quelques figures du « corps enseignant secondaire ; et dans toute espèce de déclarations purement littéraires« … _,

nous pourrions effectivement nous passer du mérite.

Nous n’aurions rien à _ devoir, et assez péniblement… _ mesurer.

En l’état des choses, j’ai bien peur qu’il nous faille nous en tenir à de pauvres mesures _ toujours fort approximatives !..

Encore heureux si, comme j’ai essayé de le faire comprendre, nous mesurons… leur pauvreté » : oui !..

un peu plus modestement, en quelque sorte…

De l’identité (composite et ouverte) selon Claudio Magris

30avr

Un tout à fait intéressant article dans « El Pais » de ce jeudi 30 avril,

à l’occasion d’une conférence à Barcelone de Claudio Magris,

un de nos écrivains contemporains européens majeurs _ de lui, lire en priorité, le merveilleux « Microcosmes » ; ainsi que « Trieste, une identité de frontières » (avec Angelo Ara ; l’original, italien _ « Trieste. Un’ identità di frontiera » _, est paru en 1982) _,

lors d’un colloque sur le thème de « l’impureté« …

« Claudio Magris se asoma a la impureza »

 El escritor reflexiona sobre la vertiente ambigua y relativa de la vida moderna

J. M. MARTÍ FONT – Barcelona – 30/04/2009

« No tenemos una sola identidad _ mais plusieurs ; ou une multiple, et complexe, et en mouvement plus ou moins permanent… Podemos tener una identidad nacional, una identidad ética _ que no es menos importante _, una identidad cultural y muchas otras. Yo estoy seguramente mucho más cerca de un liberal de Uruguay que de un fascista italiano, por ejemplo. ¿ Por qué ser italiano o catalán _ une identité « de nationalité«  : Magris s’exprimant ici et ce jour-là à Barcelone, en Catalogne, si soucieuse de sa « nationalité » (« catalane«  ! cf Enric Prat de la Riba : « La Nacionalitat catalana« , en 1906…) face à la « nationalité » (même si pas encore la « raza » : de franquiste mémoire !.. le film « Raza«  fut réalisé, en 1942, sur la base d’un scénario du Caudillo lui-même, derrière le pseudonyme de « Jaime de Andrade« …) ; face à la « nationalité » « espagnole » _ debe ser más importante que ser creyente o no creyente ? Si alguien me dice que es creyente voy a saber algunas cosas sobre su identidad mucho más reveladoras _ ôter des voiles des « signes » : soit le critère « intéressant » de l’herméneute décrypteur ; quel qu’il soit : et pas nécessairement, ni seulement, un « écrivain » _ que si me dice que es español.« 

« Hay una nefasta tendencia a identificar el futuro con la eternidad«  _ figée : « tel qu’en lui-même l’éternité le change« -rait, une fois pour toutes (= apocalyptiquement !)…

El escritor Claudio Magris (Trieste, 1939) ha estado en Barcelona para clausurar el ciclo de conferencias que, bajo el título « Impurezas« , ha llevado a cabo el Centro de Cultura Contemporánea (CCCB) a lo largo de los últimos meses. « La impureza« , asegura, « es asumir que la vida tiene este lado ambiguo, relativo, donde precisamente hay que buscar lo puro, que no se encuentra en el interior _ trop pauvre, trop sec, trop inerte et fermé _ de un sistema puro. »

El escritor italiano habló sobre los mitos y sobre el monólogo « Así que usted comprenderá »  (Anagrama)

_ « Vous comprendrez donc« , en traduction en français, par Jean et Marie Noëlle Pastureau, aux Éditions Gallimard, le 30 octobre 2008 (cf aussi mon article du 29 décembre 2008 : « A propos de Claudio Magris : petites divergences avec Pierre Assouline _ sur son blog “la république des livres” «  ; et, plus encore, l’article du 1er janvier 2009 : « Le bonheur de venir de lire “Vous comprendrez donc”, de Claudio Magris« …) _,

revisión del de Orfeo y Eurídice, donde es ella _ cf, de son épouse, Marisa Madieri (1938-1996) le magnifique « Vert d’eau » : paru en traduction française aux Éditions « L’Esprit des péninsules » en janvier 2002 _ la que habla desde el más allá y explica _ oui, pages 54 et 55 de son adresse au « Président«  des Enfers : « je l’aurais détruit » ; « et moi je disparaissais à sa vue, heureuse parce que je le voyais retourné déchiré mais fort vers la vie, ignorant du néant, capable encore de redevenir serein, peut-être même heureux. Et maintenant, en effet, chez lui, chez nous, il dort tranquillement. un peu fatigué, bien sûr, mais… » ; page 55… _ por qué no quiere volver a ver a su amado.

« Los mitos son también impuros » _ c’est-à-dire « mêlés« 

Magris, cuyo relato « Danubio » (Anagrama) _ « Danube« , paru en traduction française (par Jean et Marie-Noëlle Pastureau), le 1er janvier 1988, aux Editions Gallimard _ sirvió a muchos europeos _ dont, probablement, notre cher Pierre Assouline ; cf l’article de son blog « la république des livres » : « Claudio Magris n’en sort pas« , le 13 décembre 2008 _ para descubrir la mitteleuropa articulada en torno al Imperio Austrohúngaro, que había quedado semioculta detrás del telón de acero con la división de Europa posterior a la II Guerra Mundial, contempla ahora con la perspectiva que da el paso de 20 años lo sucedido en ese espacio _ mitteleuropéen (marqué par les Habsbourg : cf « Le Mythe et l’Empire » de ce même Claudio Magris, en 1991 pour la traduction en français…) _ al que, como trentino _ ou plutôt triestin : Trieste et Trente faisant deux !.. _, pertenece de pleno derecho _ celui de la riche (et longue) Histoire ; et ses « droits«  sont, en effet, puissants : ils ne s’effacent pas, « pour toujours« , d’un simple coup de chiffon sur ardoise-magique, d’un décisif trait de plume (plus paraphes de chacun des divers signataires), en un « traité« , fût-il dit, le plus solennellement du monde (après « guerre mondiale » !..), « de paix« 

« Tuve la gran suerte de poder viajar por la Europa del Este durante cuatro años _ d’enquête sur le (très vaste) terrain-territoire _ durante un periodo de relativa tranquilidad, entre 1982 y 1986 _ en son travail de préparation pour « Danube » : l’édition italienne de « Danubio » parut effectivement l’année 1986 chez Garzanti _ ; si no hubiera sido así, en 1989 [cuando se produjo el derrumbe del bloque soviético] no hubiera podido descender a los diferentes estratos de la historia, descubrir cosas, en si mismas poco importantes _ des « détails » !.. _, pero reveladoras. Esta experiencia fue clave _ oui ! _ para poder comprender lo que pasó después _ en cette Europe centrale et orientale qui a accentué encore ses propensions à la « balkanisation«  _, porque cuando se viven _ dans trop de précipitation _ estos grandes acontecimientos históricos es fácil quedarse sólo en la superficie »  _ l’ennemi de qui veut vraiment, en effet, « pouvoir comprendre » ce qui survient

Reconoce que se esperaba un cierto resurgimiento de los _ vieux _ nacionalismos, de la tendencia a cerrarse _ se recroqueviller _ sobre las pequeñas _ voire micro _ identidades, y lamenta que, hasta cierto punto, « se ha perdido la sensación de la pertenencia a un mundo común : la mitteleuropa ». « Hay dos memorias« , apunta, « la que se sitúa en la continuidad ; y aquella obsesionada con el pasado, obligada a presentar la factura _ revancharde _ de todos los agravios padecidos en el pasado, empeñada en un victimismo competitivo consistente en poder esgrimir más víctimas que el vecino.« 

La omnipresente crisis _ ouverte, « en grand« , ce récent automne 2008 _ la afronta con escepticismo. « Hay, ciertamente, una gran preocupación, pero reconozco que yo mismo no sé aún, como mucha gente, si la crisis en la que estamos metidos no es más que una vanguardia de la _ plus grave encore : catastrophique ; sur ce concept, cf Jean-Pierre Dupuy ; par exemple, « Pour un catastrophisme éclairé _ quand l’impossible est certain«  _ que llegará más tarde ; o si ha sido exagerada tal vez por razones políticas _ par les uns, ou les autres _ para sacar provecho _ plein de partialité, malhonnête… Las sociedades reaccionan de dos maneras : el pánico o la solidaridad. » _ « le socialisme ou la barbarie« , a pu dire, en son temps, un Cornelius Castoriadis, autre (assez !) « grand européen«  : né à Istamboul, lui ; un lieu encore plus crucial (que Trieste) de notre « vieille Europe« … De Cornelius Castoriadis, lire en priorité : « L’Institution imaginaire de la société« 

Pero la quiebra _ soit une « rupture«  _ del modelo, asegura, no le ha sorprendido. « Siempre he creído que hay una nefasta tendencia a identificar el futuro con la eternidad, con la única posibilidad, con los últimos días _ d’Apocalypse ! _ de la Historia. A finales de la década de 1920 se creía que el capitalismo estaba a punto de ser destruido. Y no era cierto. Hasta hace un año se creía _ depuis l’heure des imprécations de Thatcher et Reagan _ que el capitalismo anglosajón, que no es el mismo que la tradición _ continentale (par exemple, le « modèle rhénan« )  _ europea, era la única posibilidad y el punto de llegada de la Historia _ cf, par exemple, de Francis Fukuyama : « La Fin de l’Histoire et le dernier homme«  Es ridículo.« 

Pero Magris teme que no haya nadie sentado al volante _ ou de pilote dans l’avion _, o que los que están en la sala de control no fijen su atención en la carretera. « Vivimos en un sistema tan autoreferencial _ avec un « réel » oh combien étroit ! en conséquence… _, en el que la clase política está de tal manera enfrascada en la tarea de autorepresentarse _ avec, en contrepoint, « L’Invisibilité sociale«  de ceux qui ne sont pas si peu que ce soit, eux (= les « autres« …),  « regardés« , faute d’être si peu que ce soit « entendus » (ni encore moins, forcément, « écoutés« ), comme nous en avertit Guillaume Le Blanc dans son très beau dernier livre, paraissant ces jours-ci aux PUF… _, que ya no le queda tiempo _ une affaire essentielle , cette « prise de temps » (et d’« égards« … : le contraire du « mépris » : pour connaître et comprendre…)… _ para atender a lo que sucede fuera. Como habla todo el rato de la crisis, no tiene tiempo de estudiarla _ un requisit capital pour toute vraie (et « honnête«  !) « recherche » !.. Claro que, como decía Chesterton, los que escriben los artículos de fondo son siempre los conservadores porque juzgan un hecho de hoy con la mentalidad de ayer.« 


Titus Curiosus, ce 30 avril 2009

Le diagnostic d’une impasse _ ou les dégâts de l’idéologie et de la démagogie électoralistes dans la « crise » universitaire _ par Marcel Gauchet

23avr

Un constat d’expert _ particulièrement navré _ face au gâchis (à court, à moyen ainsi qu’à long terme, fort probablement !) de l’actuelle « mise en crise«  (et en « pourrissement« ) délibérée(s) de l’Université française ; et ce par une piètre « tactique » de démagogie électoraliste (populiste) ;

par Marcel Gauchet _ co-auteur de « Conditions de l’éducation« , en novembre 2008 ; et de « Pour une philosophie politique de l’éducation _ Six questions d’aujourd’hui« , en octobre 2003, avec Marie-Claude Blais et Dominique Ottavi _, ce jour dans « Le Monde » :

« L’« autonomie » veut dire la mise au pas des universitaires« 

Propos de Marcel Gauchet,

recueillis par Maryline Baumard et Marc Dupuis

_ et farcis, à mon habitude, de quelques commentaires…

LE MONDE | 22.04.09 | 10h11  •  Mis à jour le 22.04.09 | 15h08

Dans votre dernier livre, « Conditions de l’éducation« , vous mettiez _ le livre est paru au mois de novembre dernier _ l’accent sur la crise de la connaissance. Le mouvement actuel dans l’enseignement supérieur n’en est-il pas une illustration ?

L’économie _ conçue d’une certaine façon, du moins : pas au service des besoins des personnes _ a, d’une certaine manière, dévoré _ = détruit _ la connaissance. Elle lui a imposé un modèle qui en fait une machine à produire des résultats dans l’indifférence à la compréhension et à l’intelligibilité des phénomènes _ ce qui est particulièrement niais et grave. Or, même si c’est une de ses fonctions, la connaissance ne peut pas servir uniquement à créer de la richesse _ surtout financière; et pour quelques uns, surtout, en priorité. Nous avons besoin d’elle _ aussi et d’abord _ pour nous aider à comprendre notre monde _ en sa complexité à toujours déchiffrer… Si l’université n’est plus du tout en position de proposer un savoir de cet ordre _ de l’intelligence du réel : l’idéal des Lumières _, elle aura échoué. Or, les savoirs de ce type ne se laissent ni commander _ mécanico-technocratico-militairement _ par des comités _ que ce soient des « comités Théodule« , ou que ce soient, carrément, de l’ordre de la « nomenkatura«  des « soviets » _ de pilotage, ni évaluer par des méthodes quantitatives _ un point crucial de l’analyse de Marcel Gauchet.

N’est-ce pas pour cela que la question de l’évaluation des savoirs occupe _ dans le dispositif législatif (ou de « décret«  !) à mettre en place _ une place centrale dans la crise ?

Alors que les questions posées par les modalités de l’évaluation sont très complexes, puisqu’elles sont inséparables d’une certaine idée _ non neutre, non in-nocente ! et « qui commande«  tout !.. _ de la connaissance, elles ont été réglées _ par les modalités législatives (ou de « décret« ) :  » le diable se cache toujours dans les détails » _ de manière expéditive par l’utilisation d’un modèle _ mathématico-physique _ émanant des sciences dures _ championnes (et pour cause !) du réductionnisme au tout-« quantitatif » !.. Ces grilles d’évaluation sont contestées jusque dans le milieu des sciences dures pour leur caractère très étroit _ très peu fin _ et leurs effets pervers _ en cascade… Mais, hormis ce fait, ce choix soulève une question d’épistémologie fondamentale : toutes les disciplines de l’université entrent-elles dans ce modèle ? Il y a des raisons _ puissantes _ d’en douter.

Ce n’est pas un hasard si les sciences humaines ont été en pointe dans le mouvement. Il s’agit pour elles de se défendre _ bec et ongles… ; et « à mort«  _ contre des manières de les juger _ et « évaluer« , noter ; et « condamner » !.. _ gravement inadéquates _ eu égard à leurs spécificités, plus fines et « délicates«  L’exemple le plus saillant est la place privilégiée accordée aux articles dans des revues « à comité de lecture« , qui dévalue totalement la publication de _ vrais _ livres _ ouverts, eux, à l’appréciation (tous azimuts) d’un beaucoup plus large public cultivé ; et « hors côteries« , lui… ; ainsi, et d’abord, que de « pairs » : compétents ! ; et pas livrés à un jugement discrétionnaire, intéressé, et partisan : très « étroit« , en effet, lui ; et partiel, et partial… Or pour les chercheurs des disciplines humanistes _ et le qualificatif est bien à prendre « à la lettre » (celle qui sert « l’esprit«  ! et un « idéal » de « l’Homme«  : là-dessus, lire Alain…)… _, l’objectif principal et le débouché naturel de leur travail est le livre _ soit bel et bien une œuvre propre et singulière ; pas un simple (ou vulgaire) instrument de carrière : cf la vigoureuse et magnifique description on ne peut plus et on ne peut mieux « réaliste«  du régime éditorial « stalinien » dans la Hongrie d’après 1956 par Imre Kertész dans « Le Refus«  ; ou le monde (et la « novlangue« ) selon le « 1984 » du lucidissime George Orwell (en 1948)… On est en pleine impasse épistémologique. _ absolument : mais ces « décideurs »-légiférant-(ou-« décrétant« )-là s’en soucient-ils seulement ? eux qui ne pensent (machiavéliquement _ plutôt que machiavéliennement !) qu’au nombre de « ré-élections » qui les obsèdent (en se rasant quotidiennement la barbe ou la moustache le matin…) ?.. Et à ce compte, le champion (et « modèle« ) serait : un certain Berlusconi…

Toutefois, la source du malaise _ de cette « mise en crise » de l’université ; et de la place civilisationnelle du savoir, de l’enseignement ; et de l’apprentissage et de la transmission (sur-qualifiés à tours de bras de vilains « conservatismes« ) _ est bien en amont des textes de réforme qui cristallisent aujourd’hui les oppositions.

L’université souffre au premier chef de sa mutation démographique _ depuis, juste après 1968, la première « réforme Edgar Faure » de l’Université, pour ce qui concerne la France… Elle a mal vécu une massification _ en effet ; sans démocratisation authentique, hélas ; c’est-à-dire au mépris de la qualité ; et du « qualitatif« _ qui s’est faite _ quasi exclusivement _ sous le signe de la compression des coûts et qui s’est traduite par une paupérisation _ de l’Université (et ses acteurs). Il faut bien voir que nous sommes confrontés ici à un mouvement profond, qui relève de l’évolution des âges de la vie, et qui étire la période de formation _ au moins universitaire, de « jeunes » devenus aussi, à bien des égards, pour beaucoup (et « en masse« , générationnellement ; « bombardement«  des larges mass medias aidant), des « adulescents » de plus en plus longtemps « prolongés«  _ jusqu’à 25 ans. L’afflux vers l’enseignement supérieur est donc naturel _ dans les « normes sociales » en cours, c’est-à-dire « modernes«  !.. _, indépendamment du contenu offert _ bien sûr : on y a un peu moins « regardé« , le plus souvent, sans doute… Étant donné la « culture politique » française, dans l’imaginaire collectif _ et cela, depuis les rois Bourbon, probablement, et les édits « pacificateurs«  de Henri IV, dont l’édit de Nantes (le 30 avril 1598) _, l’université devient le prolongement naturel de l’école républicaine gratuite et presque socialement obligatoire _ en effet : d’où la formidable prégnance populaire encore de notre devise « Liberté – Egalité -Fraternité«  !.. Je ne crois pas plausible _ selon quels critères : de pragmatisme (de « besoins«  techniques des « métiers possibles« ) ? de fort resserrement des budgets (économiques) ? _ de maintenir le modèle de cette école républicaine jusqu’à 25 ans ; mais je comprends pourquoi _ de par cette histoire : et française, et républicaine _ les gens y croient. C’est même constitutif de notre pays _ oui : au moins depuis Henri IV ; ou François Ier ; ou plus en amont encore : qu’en disent les historiens du Moyen-Âge ?.. Mais cette spécificité en rencontre une autre _ tout aussi (et presque autant) « française«  historiquement… : ce que comprit fort bien l’habile Louis XVIII ; après Napoléon, lui-même… _, qui joue en sens inverse, à savoir l’existence d’un système à part _ de « distinctions » et « privilèges«  _ pour la formation des élites, celui des grandes écoles. Il s’ensuit que nos dirigeants, issus en général de ce circuit « d’élite« , sont peu intéressés par l’université, quand ils ne la méprisent pas _ certes.

Notre université paie donc le prix d’une spécificité hexagonale ?

Ce partage universités/grandes écoles pèse très lourd. Partout ailleurs, le problème de l’université est vital puisqu’il y va de la formation des élites. Mais pas chez nous, la bourgeoisie française disposant d’un système ultra-sélectif de grande qualité pour la formation de ses rejetons, qui a de surcroît l’avantage unique d’être gratuit _ au nom du « mérite«  (et de la méritocratie). Mieux : on peut même y être payé pour apprendre : voir Polytechnique ou Normale Sup _ idem. L’université de masse, en regard, tend à être traitée comme un problème social _ et non, prioritairement, de formation (et accès) au savoir. Nos gouvernants viennent de découvrir qu’elle était aussi un problème économique _ pour le budget de l’État (et la charge des contribuables). Mais leur regard reste conditionné par le passé : ils veulent des résultats _ pré-formatés, à la façon d’un « plan«  de type « soviétique« , selon la responsabilité de « patrons » (des Universités), selon la logique plutôt uniforme (de rentabilité prévisionnelle) des « marchés«  _ pour pas cher.

C’est sur un terrain déjà bien miné qu’arrive le mot nouveau _ bien connoté (de « loi«  décidée « par soi-même« ) _ d' »autonomie » ?

Ce mot admirable _ en effet : cf ce qu’en dit Kant (en la « Critique de la raison pratique« , ou dans les « Fondements de la métaphysique des mœurs«  _ que personne ne peut récuser n’est _ en cette occurrence-ci ! _ qu’un mot _ d’orwelienne « novlangue«  Il est illusoire de croire que parce qu’on a le mot, on a la chose _ nous ne sommes pas dans le monde féérique des marques et « logos«  (cf « Propaganda _ comment manipuler l’opinion en démocratie« , d’Edward Bernays (neveu de Freud : le livre-pionnier parut en 1928 aux États-Unis ; ou « La Stratégie du désir _ une philosophie de la vente » de Dichter Ernest (en 1960; la traduction française parut aux Éditions Fayard en 1961) : bibles des imaginatifs communicants du « marketing«  Demandons-nous ce qui se cache derrière ses promesses apparentes _ d’« autonomie«  Pour avoir une autonomie véritable _ et non « illusoire«  _, il faut disposer de ressources indépendantes. Or, en France, c’est exclu, puisque le bailleur de fonds reste _ du moins pour le moment, provisoirement _ l’Etat. On peut certes développer des sources de financement autres. Elles font peur à un certain nombre de mes collègues, mais je les rassure tout de suite, ça n’ira jamais très loin : le patronat français ne va pas par miracle _ du fait de lourdes « pesanteurs sociologiques » historiques… _ se mettre à découvrir les beautés _ « pour la forme« , gratuites _ d’un financement qu’il n’a jamais pratiqué. Notre « autonomie à la française » ne sera donc qu’une autonomie de gestion _ administrative ! _ à l’intérieur de la dépendance financière et du contrôle politique final _ Ouf ! _ qui va avec. Le changement est moins spectaculaire _ et davantage « poudre aux yeux«  _ que le mot ne le suggère.

D’autres modèles étaient _ on remarque la formulation au passé _ possibles ?

Certains pays de l’Est comme la Pologne ont pris un parti radical dans les années 1990. L’État a opéré une dotation des universités en capital ; et elles sont devenues des établissements indépendants. A elles de faire fructifier leurs moyens et de définir leur politique. Si un tel changement était exclu _ toujours au passé ! nos « pesanteurs«  sont endémiquement lourdes (sur la plutôt « longue durée« , dirait peut-être Braudel) ; et la « rupture«  surtout matamoresque… _ chez nous, ce n’est pas seulement en raison du « conservatisme » français. C’est aussi et surtout que notre système n’est pas si mauvais _ tiens donc ! _ et que tout le monde le sait, peu ou prou. A côté de ses défauts manifestes, il possède des vertus cachées.

On pourrait même soutenir, de manière provocatrice, qu’il est « l’un des plus compétitifs du monde« , dans la mesure où il est l’un de ceux qui font _ financièrement, à la « débrouillardise«  _ le mieux avec le moins d’argent. C’est bien la définition de la compétitivité, non ? Dans beaucoup de disciplines, nous sommes _ culture d’une certaine « ingéniosité » aidant, peut-être… _ loin d’être ridicules par rapport à nos collègues américains, avec des moyens dix fois moindres.

Et vous pensez que le grand public _ soit le « peuple souverain« , qui vote ! mais de qui donc peut-il bien être le « public«  spectateur ?.. _ en a une vision déformée ?

Comment le connaîtrait-il ? L’image romantique _ éthérée _ du « chercheur » dissimule une réalité _ au quotidien des travaux _ très différente. La recherche est probablement le secteur le plus compétitif, le plus concurrentiel, le plus soumis à la pression _ rien moins ! _ de tous les secteurs de la vie sociale _ on peut en lire un compte-rendu féroce de la vie dans les laboratoires universitaires dans l’autobiographie de Paul Feyerabend, « Tuer le temps » (en traduction française aux Éditions du Seuil en 1996). C’est d’ailleurs l’un des motifs de la désaffection _ des postulants-étudiants _ pour les sciences. Il faut une vocation solidement chevillée au corps pour endurer cette vie de moine-soldat, où vous avez à vous battre tous les jours pour _ accrochez-vous bien ! _ rester dans le coup, obtenir des moyens, faire valider vos résultats, le tout pour un salaire sans aucun rapport avec ceux des cadres de l’économie _ commerciale, vendeuse. Il y a _ donc _ quelque chose de fou _ versant sadisme _ dans le besoin d’en rajouter une couche _ de la part des pouvoirs ! _ et de resserrer encore le contrôle, comme si les chercheurs n’étaient pas capables de détecter seuls _ par une autonomie de l’intelligence, cette fois _ les sujets porteurs _ de fécondité de leur ingéniosité _, comme s’ils étaient assez stupides pour aller s’embourber dans des domaines qui n’ont aucun intérêt pour personne. Qui donc fait preuve d’aveuglement, ignorance et incompétence, ici ?

Le pire à mes yeux pour l’avenir _ c’est lui qui est en balance, en bascule ; au bord de la ruine (par la « casse«  de ce qui marche !) _ est dans cette prétention à « programmer _ de points nodaux administratifs : de tout-puissants « présidents«  d’université ! _ la recherche« . Comme s’il pouvait exister des « méta-chercheurs » en position de piloter le travail des autres ! _ ainsi « subalternisés » et placés et maintenus « aux ordres » : en totale situation d' »hétéro-nomie« , pour le coup : par cette « caporalisation«  des structures de décision et pouvoir… La situation normale _ du point de vue de la saine raison, et de la légitimité (de droit) _ est celle du chercheur qui soumet _ en le proposant à un jugement et une discussion de viabilité _ un projet à des instances _ de conseil, à l’amiable ; chacun faisant entendre librement ses réflexions _ qui le jugent réaliste, ou prioritaire, compte tenu des moyens disponibles, exactement comme un banquier prend un risque _ qui engage sa responsabilité _ en prêtant de l’argent à une entreprise _ afin de soutenir et faire réussir l’ambition ainsi dessinée par le postulant. Mais l’idée _ même de la recherche à inventer et mener, et le programme des travaux qu’elle induit _ ne peut venir que du chercheur ! Autrement, le conformisme _ voilà le péril ; l’académisme au détriment de l’audace ! de l’originalité ! du « génie » !.. _ est garanti. C’est une machine à tuer l’originalité dans l’œuf _ voilà ! _ qui se met en place.

Quelles conséquences l' »autonomie » _ ainsi instituée _ aura-t-elle sur la vie professionnelle _ concrète, effective, « au quotidien«  _ des enseignants-chercheurs ?

L' »autonomie » entraîne le passage des enseignants-chercheurs sous la coupe _ un terme à bien mesurer ! _ de l’université _ via le « président » qui y est (et sera) élu _ où ils travaillent. L’établissement, à l’instar de n’importe quelle autre organisation ou entreprise, se voit doté d’une gestion de ses « ressources humaines«  _ on les connaît bien déjà ; on les voit fonctionner… _, avec des capacités de définition _ rigidifiée _ des carrières et, dans une certaine mesure, des rémunérations. C’est un changement fondamental _ de caractérisation du pouvoir de décision _, puisque d’un statut qui faisait de lui _ l’enseignant-chercheur _ un agent (indépendant) du progrès de la connaissance _ son objectif et sa priorité ! _, recruté par des procédures rigoureuses _ en effet ! _ et évalué par ses pairs _ enseignants-chercheurs indépendants (d’esprit) eux-mêmes _, il passe à celui d’employé _ plus que dépendant ! désormais : incité (le couteau sous la gorge) à la servilité ! _ de cet établissement.

Jusqu’où va ce « changement fondamental » ?

C’est un changement complet de métier _ rien moins ! Il est visible que la mesure de cette transformation _ d’abord idéologique (caporalière) ; et électoraliste _ n’a pas été prise _ par l’opinion, endormie face au pouvoir politique concepteur et signataire du décret (du 22 avril). L' »autonomie » des universités veut dire en pratique la mise au pas _ avec passage de la nuque et du col (et de toute la tête ; ainsi que le buste) sous les fourches caudines _ des universitaires. Toute la philosophie de la loi _ une jolie expression _ se ramène _ ah ! _à la seule « idée » _ c’est une philosophette _ de la droite en matière d’éducation, qui est de créer des « patrons de PME«  _ voilà !!! _ à tous les niveaux _ des ex-« services publics«  de l’Instruction-Enseignement-Éducation _, de la maternelle à l’université _ au service des seuls « besoins » (prévisibles) de la clientèle (électorale d’abord) des « parents-d’élèves » (souvent affolés, et à juste titre, par les graves incertitudes d’avenir de leurs enfants)… Ô Mânes d’Alain, soulevez-vous !.. Il paraît que c’est _ le « management«  de type-PME _  le secret de l’efficacité _ managériale… On peut _ de fait, sinon de droit : c’est une hypothèse d’école aimable… _ juger que le statut antérieur _ des « enseignants-chercheurs«  _ était archaïque et n’était plus tenable _ pragmatiquement _ à l’époque d’une université de masse ; mais encore fallait-il expliciter _ devant l’opinion publique (citoyenne), et en vue d’un débat honnête ! (= véritablement « démocratique«  !) _ les termes de cette mutation _ à mener, tambour battant et bannières au vent, au nom de la « modernité » « réformiste«  ; versus les « conservatismes«  « corporatistes«  de tous poils ; l’air est connu… _ et clarifier _ mais qui peut bien rechercher la clarté en matière de « machiavélisme » ?.. _ les conséquences à en tirer.

Ce statut _ la « bête«  à mettre à bas ! _ était un concentré de l’idée du « service public à la française« , avec ses équilibres subtils _ oui… : fruits d’une Histoire de compromis pacifiés (non sans secousses, ou embardées, d’ailleurs…) _ entre la méritocratie, l’émulation et l’égalité. Toutes les universités ne sont pas égales, personne ne l’ignore ; mais tout le monde est traité de la même façon. Il n’y a rien de « sacro-saint » là-dedans ; mais on ne peut « toucher«  _ au nom de quelque « rupture«  que ce soit ! : de quel côté est se cache ici l’idéologie ? _ à tels produits de l’histoire _ il faut en avoir suffisamment conscience ! _ qu’en pleine connaissance de cause _ c’est peut-être là un peu beaucoup demander ! ces derniers temps… _ ; et en mettant toutes les données sur la table _ sinon, gare aux conséquences des méfaits de « Gribouille«  : nous avons pu constater, cet automne, où ont mené les deux mandats flambants de George « W« . Bush !.. Tout le monde n’en a pas encore pris de la graine _ à part les slogans des communiquants (« Yes, YOU can«  !!!) : cherchez l’erreur !..

C’est donc tout le fonctionnement de notre société qui _ par ricochets _  est interrogé là ?

Le problème universitaire est un bon exemple _ en effet : paradigmatique ! _  du problème général _ de fond : et posant des choix politiques fondamentaux _ posé à la société _ ou « Nation« , je ne sais (ou « le peuple« )… _ française, celui d’assurer l’adéquation à la « marche du monde«  _ dite « globalisation« _ de notre « modèle » hérité de l’Histoire ; et organisé autour de l’idée de République. Toute la difficulté _ et de tout Politique ! _ est de faire évoluer ce « modèle«  _ « français » (et antérieur, déjà à la « République » depuis 1789 _ sans brader notre héritage _ et ses valeurs _ dit « républicain« . Nous ne verserons pas d’un seul coup _ même par la vertu de quelque volontarisme bonapartien (de « rupture« ) !!! _ dans un modèle compétitif et privé _ ultra-libéral _, qui n’a jamais été _ de fait _ dans notre histoire _ comme quiconque a pu s’en pénétrer, même avec un cursus secondaire médiocre (ou pire). Comment intégrer davantage de décentralisation et d’initiative _ « girondines« , en quelque sorte… _, tout en maintenant un État garant de l’intérêt général _ s’il demeure un tel « idéal régulateur«  qui soit « voulu«  (= effectivement) par le « corps national«  _ et de l’égalité des services ? _ s’ils demeurent, aussi, en tant que vrais « services publics«  ?.. C‘est ce point d’équilibre entre les mutations nécessaires _ « globalisation » poussant à la roue (« de l’Histoire« ) _ et la persistance de son identité historique _ difficile à renverser ou rayer d’un seul trait de crayon magique (par décret !) _ que le pays recherche _ d’élection en élection ; à coup de changements de majorité… Il n’est pas « conservateur » : il est « réactif«  _ au quart de tour !.. Mais pour conduire ce genre d' »évolutions« , il faut procéder à découvert, oser le débat public _ et davantage de « vraie » démocratie (= honnête)…

Ce qui a été _ tactiquement _ absolument évité…

Le gouvernement a fait le choix d’une offensive éclair _ à la Bonaparte au Pont d’Arcole _, sur la base d’une grande méconnaissance _ par incompétence foncière (et mépris) _ du terrain universitaire. Probablement, ce sentiment d’urgence _ un des effets pervers de ce malheureux quinquennat ; renforcé d’une très dangereuse pente à la présidentialisation ; sans freins ; et un rabotage de la plupart des contrepouvoirs _ a-t-il été multiplié par le choc _ (très médiocrement !) médiatique seulement, hélas ! : c’est un indice du poids des « communiquants » parmi les conseillers du « Prince« , à la Cour… _ du « classement mondial des universités » fait par l’université de Shanghaï _ et un enseignant de Chimie ! _, qui a secoué nos élites _ si l’on peut s’exprimer ainsi… : « autoproclamées« , plutôt _ dirigeantes ; sans leur inspirer, hélas, le souci de se mettre _ effectivement !!! _ au courant. Si vous ajoutez à cela une image d’Épinal _ = un cliché ! _ de ce qu’est le système universitaire américain, aussi typique du sarkozysme _ hollywoodien _ que largement fausse ; plus l’idée que n’importe quelle stratégie de communication bien menée _ à la façon que décrit Machiavel : tantôt « en lion« , tantôt « en renard«  ; avec comme postulat la plus grande ignorance (et crédulité) possible(s) de à qui on s’adresse (cf « Gorgias » de Platon)… _ vient à bout de tous les problèmes _ principalement d’opinion (ou électoraux) _, vous avez les principaux ingrédients de la « crise » actuelle _ et de la situation, choisie tactiquement, de « pourrissement« .

Quelle « sortie de crise » imaginez-vous ?

Quelle que soit l’issue du mouvement _ de tensions _, le problème _ de fond _ de l’université ne sera pas réglé. Le pourrissement est (…) fatal, mais la question restera béante et resurgira _ « réforme« -t-on jamais par simples décrets ?.. Peut-on museler pour toujours la voix du peuple ? Si le gouvernement _ qui joue la tactique _ croit que parce qu’il a gagné une bataille, il a gagné la guerre, il se trompe. La conséquence la plus grave _ à court terme, du moins _ sera sans doute une détérioration supplémentaire de l' »image » de l’université, ce qui entraînera la fuite des étudiants qui ont le choix vers d’autres formes d’enseignement supérieur ; et ne laissera plus à l’université que les étudiants non sélectionnés ailleurs. De quoi rendre le problème _ social ; puis culturel ; et, in fine, civilisationnel _ encore un peu plus difficile.

Propos recueillis par Maryline Baumard et Marc Dupuis

Article paru dans l’édition du 23.04.09.

Marcel Gauchet :

historien et philosophe, directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales, Marcel Gauchet, 62 ans, a publié beaucoup d’articles, notamment dans « Le Débat« , revue dont il est rédacteur en chef. On lui doit aussi de nombreux ouvrages où la démocratie, le pouvoir et le politique sont centraux. La transmission est un sujet qui lui importe ; et il a co-signé, fin 2008, en collaboration avec Marie-Claude Blais et Dominique Ottavi, « Conditions de l’éducation«  (aux Éditions Stock, 2008) _ on se souvient aussi, par les trois mêmes, en novembre 2003, d’un excellent et nécessaire « Pour une philosophie politique de l’éducation _ Six questions d’aujourd’hui« 

A méditer

_ on pourra lire avec profit « Prendre soin 1 _ De la jeunesse et des générations«  de Bernard Stiegler ;

ainsi que consulter le site d’« Ars Industrialis« , qu’il dirige _ ;

et l’Histoire, qui prend toujours du temps _ et son temps (propre !) ; au delà des variations des opinions et des votes aux élections des électeurs _ jugera,

comme d’habitude…

Titus Curiosus, ce 23 avril 2009

Le suicide d’une philosophe : de la valeur de vérité (et de justice) dans le marigot des (petits) accommodements d’intérêts

08nov

Un article _ hélas _ significatif (du présent : de la « société »…) sur l’excellent blog de philosophie de François Noudelmann : « 24 heures Philo » _ sur le site de Libération ; en date du 3 novembre 2008…

03/11/2008

« Une philosophe broyée par l’université de Brest »

(sic)

Par Jacques Dubucs, Jean Gayon, Joëlle Proust, Anouk Barberousse, Philippe Huneman•

«  Marie-Claude Lorne, philosophe, s’est donné la mort à 39 ans. En 2004, agrégée de l’Université, elle avait soutenu une thèse de philosophie des sciences et bénéficié, durant sa rédaction, de plusieurs subventions internationales. Par la suite, elle a effectué deux séjours postdoctoraux, à Montréal et à l’Institut d’Histoire et de Philosophie des Sciences et des Techniques de Paris (IHPST). Elle a enfin été élue en mai 2007 à un poste de Maître de Conférences à l’Université de Bretagne Occidentale (Brest).

Engagée dans une recherche de longue haleine sur les notions de fonction, d’information et d’intentionnalité en psychologie et en biologie, ainsi que sur la biologie contemporaine du développement, Marie-Claude Lorne devenait clairement une autorité en philosophie de la biologie, une interlocutrice privilégiée de ceux qui, Français comme étrangers, sont au premier plan de cette discipline. Tous ceux qui l’ont croisée ont été impressionnés par l’exigence et la clarté de sa pensée. Sur le terrain des idées, Marie-Claude ne transigeait jamais. Beaucoup se souviendront de ses interventions passionnées lors des colloques de philosophie. Pour cela, ses amis l’admiraient et enviaient son intransigeance : jamais elle ne cédait devant un argument qu’elle n’estimait pas intégralement clair ou satisfaisant.

Le 22 septembre, elle laissait à son domicile une lettre annonçant son suicide ; le 3 octobre, son corps a été retrouvé dans la Seine. Sa disparition est une grande perte pour la philosophie, française comme internationale ; elle laisse une œuvre interrompue que ses collègues auront à cœur de rendre publique.

Pourquoi cette jeune musicienne et mélomane raffinée, se comptant beaucoup d’amis, cette femme enthousiaste aimant les bons vins, les dîners et les soirées d’après conférences, a-t-elle ainsi abrégé sa vie ? Sa longue lettre d’adieu fait état de sa «non titularisation» comme maître de conférences à l’Université de Bretagne Occidentale. Il faut savoir qu’en général, cette titularisation va de soi ; son refus nécessite des carences majeures publiquement attestées (non effectuation du service, incompétence pédagogique majeure, violence _ et encore, celles-ci n’ont que très rarement entraîné un rejet du corps universitaire, comme beaucoup peuvent en témoigner).

Chercheuse hors pair, Marie-Claude Lorne était aussi une enseignante irréprochable : de multiples témoignages d’étudiants et de collègues viennent maintenant nous le confirmer. Ainsi, cette sentence, prise par une commission de spécialistes ayant siégé et œuvré dans des conditions peut-être légales mais déontologiquement invraisemblables et inacceptables au regard des us et coutumes universitaires, s’avère indubitablement une «décision injuste» (deux membres présents sur dix titulaires et dix suppléants ont siégé ; contre tous les usages de l’Université, la décision n’a été communiquée à l’intéressée qu’après trois mois, à la veille de la rentrée). Marie-Claude a elle-même souligné l’injustice foncière de cette décision dans sa lettre d’adieu. Après le drame, huit des membres de la commission de spécialistes ont véhémentement protesté par lettre auprès de l’Université, du recteur, du ministre et du Conseil National des Universités.

De fait, une telle décision n’avait rien d’irréversible, tant les amis que Marie-Claude avait alertés, étaient déterminés à faire valoir son droit à l’encontre d’une sanction qu’ils estimaient, sur la forme comme sur le fond, inique. Néanmoins, quelle que soit l’issue des recours, elle disait se voir condamnée à exercer à l’avenir son métier dans un «environnement professionnel hostile», perspective qu’elle refusait à juste titre de supporter. Même si nous ne comprendrons jamais vraiment pourquoi Marie-Claude a vécu cette décision comme injuste au point de se donner la mort, il est clair qu’elle l’a entendue comme un arrêté ultime, irrévocable à l’encontre de sa légitimité comme philosophe, c’est-à-dire comme une violence symbolique extrême.

Marie-Claude aimait vraiment la vérité, fidèle en cela à l’exigence originelle de la philosophie. Le semblant, quelque nom qu’on veuille bien lui donner _ « diplomatie » les bons jours, « hypocrisie » les mauvais _ elle n’en voulait pas. Elle n’a jamais cédé là-dessus, refusant de feindre de se ranger aux avis de plus puissants pour tirer les bénéfices de son allégeance. D’où, bien sûr, des difficultés prévisibles ; elle les connaissait et les acceptait.

La tragique disparition de Marie-Claude Lorne nous interpelle sur un monde du travail capable d’ainsi broyer les individus, et demande une réaction énergique. Toutes les enquêtes le montrent : le taux des suicides déclenchés par des motifs professionnels est en hausse inquiétante. Lorsqu’une telle dérive en vient à toucher des institutions républicaines, elle est particulièrement insupportable.

A Brest, Marie-Claude en a payé le prix. Un prix démesuré. »

Jacques Dubucs (Directeur de recherche, Directeur de l’IHPST (CNRS/Paris I Sorbonne/ENS) ; Jean Gayon (Professeur à l’Université Paris I Sorbonne) ; Joëlle Proust (Directeur de recherche, Institut Jean Nicod (CNRS/EHESS/ENS)) ; Anouk Barberousse, Philippe Huneman (Chargés de recherche à l’IHPST).

Rédigé le 03/11/2008 à 15:05

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Voici les sites qui parlent de Une philosophe broyée par l’université de Brest :

Commentaires

Avec pressions à la clé.
Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés… même à l’Université.

Avec tristesse et révolte, je pense à cette femme brillante bien sûr, mais surtout intègre et bien trop jeune pour un tel destin tragique.

http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=46451

Rédigé par: candide | le 03/11/2008 à 17:09

Ce genre de geste, malheureusement, se renouvellera … Ce ne sera que la conséquence logique de l’autonomie des Universités qui permettra toutes les magouilles locales de petit groupes de baron(ne)s locaux sans aucun contrôle … Aujourd’hui, ces contrôles sont déjà rares … la preuve !

Rédigé par: B.D. | le 03/11/2008 à 17:14

L’université compte autant de cuistres que de savants ; et parmi les raisons de son effacement, les batailles pour trois ronds de frites, les rivalités de personnes, de territoires… D’où la nécessité d’apprendre les hommes, avant d’étudier les livres… Quelle triste affaire qui sent le provincialisme à plein nez… Sans compter qu’un poste de maître de conférences n’est déjà pas la panacée pour un savant de haut niveau : faut-il un dessin des obligations de service ? Refuser la titularisation dans ce cas, c’est effectivement renvoyer la personne sur les bords de Seine, lui courbant l’échine et l’injuriant en bas-breton

Rédigé par: Vieux Taxi | le 03/11/2008 à 17:40

Bien entendu, je ne connais ni cette collègue, ni les « dessous » de l’affaire. Mais je sais que le monde universitaire peut être, au moins autant que le monde des affaires, impitoyable ; et qu’en outre on n’y a pas droit à l’oubli ! J’assure les collègues de ma profonde sympathie.

Rédigé par: quercus | le 03/11/2008 à 17:56

La lente mais irrésistible putréfaction de l’Université démontre l’achèvement de la phase terminale du nihilisme européen : le milieu philosophique lui-même est profondément gangréné par le cynisme, le ressentiment et la volonté de vengeance. Aucune générosité intellectuelle ni aucune recherche désintéressée de la vérité ; seulement des conflits d’ego et des haines recuites. Alors effectivement, ceux qui _ parce qu’ils existent _ tentent vraiment de « penser » dans ce cloaque doivent avoir le cœur bien accroché. Mme Lorne était probablement trop délicate pour l’Université. Qu’elle repose en paix.

Rédigé par: Crocodile | le 03/11/2008 à 18:08

Cette affaire très regrettable a déjà fait l’objet d’articles sur le net beaucoup moins clairs et objectifs que celui-ci. Néanmoins, il me semble qu’un suicide est chose trop personnelle pour qu’on puisse s’en saisir pour faire le procès de l’Université comme d’aucuns l’ont essayé ailleurs.
Il est en effet très rare qu’une titularisation soit refusée. Maintenant, je suis scandalisé par les conditions dans lesquelles la décision a été prise : deux membres présents seulement. Que faisait donc le collègue chargé de présider la section de spécialistes en question ? Cela fait partie de ses attributions de téléphoner aux uns et aux autres pour avoir du monde.

Rédigé par: Pomponius | le 03/11/2008 à 18:46

L’émotion m’étreint à lire ces lignes. Universitaire scientifique, bien que beaucoup plus modeste que Mme Lorne, j’ai également ressenti cette violence sans nom à l’issue de ma thèse au moment où j’envisageais de me tourner vers la recherche.
Cet absolu respect de la vérité que j’ose estimer partager avec elle ne permet pas de s’accomoder du « système ». « Psychorigide« , ai-je souvent entendu.
Mme Lorne par son geste désespéré (?) ou héroïque attire notre attention sur ce qui ne va pas en Philosophe _ qui guide vers la Vérité. Puisse-t-elle trouver le repos de l’esprit dans le grand sommeil de la mort.

Rédigé par: michel | le 03/11/2008 à 18:52

Encore sous le choc pour quelqu’un que je ne connaissais pas, mais pour une situation qui concerne la pseudo collégialité à l’université. Cet événement en rappelle d’autres…

Ce drame nous touche tous et nous oblige à réfléchir au « fonctionnement » de nos belles institutions.

Mes condoléances sincères et mes pensées à ses proches
Avrel

Rédigé par: Avrel | le 03/11/2008 à 18:56

Triste Université qui est une véritable « machine à formater du tiède » : recherches audacieuses et recherches critiques étouffées ; recrutements de complaisance ; rabougrissement de la pensée au profit de de pathétiques batailles entre ego mal placés…

Rédigé par: Isabelle | le 03/11/2008 à 18:57

Actuellement, c’est toute la philosophie académique, du secondaire à l’Université, qui se laisse broyer sans piper mot et consent à son propre marasme et avilissement. On n’entend que Badiou sauver un peu l’honneur, alors que tous les professeurs de philosophie sans exception devraient aller dans les rues expliquer le « Discours de la servitude volontaire » ou « Le Capital« .
Et en interne, que dire, sinon que ça pue intensément ? Inégalités monstrueuses des charges de travail, incapacité à se mettre d’accord sur des progressions d’apprentissage raisonnées, incapacité à motiver et harmoniser des évaluations, querelle des chapelles (continentale ou analytique, appepienne ou acirephienne), rareté malthusienne des postes et guerres intestines subséquentes (qui font à présent des morts), isolement ; et impossibilité de poursuivre un travail de recherche dès lors qu’on enseigne dans le secondaire tant l’avalanche de classes et de copies rend impossible même le loisir nécessaire à la lecture et à la simple pensée, etc., etc.
Non, décidément, la philosophie n’est pas faite pour tout le monde. Il faut pour pouvoir en vivre tolérer un degré de turpitude, de violence et de miasme qui ferait vomir n’importe qui possédant quelque bon sens réellement partagé.
Evidemment, les pages du magazine « Philosophie », ou les joliesses et belles phrases médiatico-lénifiantes de Raphaël E. ne donnent aucune idée de tout cela, ni d’ailleurs non plus des sacrifices qu’il faut faire pour pouvoir réaliser son rêve de penser et enseigner en compagnie de maîtres en humanité si l’on n’est pas issu d’un milieu d’héritiers. Car le fond de l’affaire est là. La philosophie académique est la chasse gardée de l’Ecole réactionnaire et de la réaction tout court. On y tire à vue sur tout ce qui n’a pas l’apparence de respecter, relativement à ces turpitudes, un silence de bon aloi, bourgeois et cossu comme l’essentiel du recrutement philosophique académique lui-même, comme si ce silence-là était en soi une garantie de justesse et de justice.

Hélas, à quelques exceptions près, les « philosophes », dans leur silencieuse grégarité, auront consenti à la disparition de l’Ecole publique, si elle disparaît ( ce qui, au train où vont les choses, ne va pas manquer d’arriver). Sans doute même beaucoup auront-ils souhaité cette disparition, n’y voyant aucun inconvénient, pour pouvoir eux aussi, comme untel et untel dont le nom ne mérite pas d’être cité, vivre « philosophiquement » en vendant de la conférence culturelle à des gogos tout aussi héritiers qu’eux, à raison de 6000 euros la demi-journée.
Non, la montagne de dégoût qui a anéanti Mme Lorne n’est pas du tout inconcevable : il est très facile de l’éprouver et il est très difficile de ne pas y céder. On aimerait souvent, comme Nietzsche, pouvoir trouver un prétexte honnête, une maladie, pour quitter cet affligeant milieu et aller respirer enfin l’air des cimes afin de retrouver le meilleur de l’humanité en discutant contre, tout contre, Platon.

Rédigé par: pamyr | le 03/11/2008 à 19:26

J’étais loin d’être aussi brillant que Mme Lorne, mais je comprend sa souffrance, de six années de sacrifices impossibles à courir après la CNU et une qualification.
L’université française tue la qualité et la compétence, on le sait depuis longtemps. On découvre qu’elle le fait au sens propre.

Rédigé par: Jo | le 03/11/2008 à 19:32

Voilà pour cet article et ses commentaires de lecteurs sur le blog 24 heures Philo.

N’étant pas moi-même universitaire ; et, éprouvant, a contrario _ positivement donc _, pas mal d’estime ; et c’est un euphémisme : beaucoup ! _ personnelle _ pour la plupart des collègues philosophes qu’il m’arrive de fréquenter, notamment au sein de la « Société de philosophie de Bordeaux » ;

je n’en ai que davantage d’aisance à citer ces différents témoignages ci-dessus, sur le blog 24 heures Philo, donc, comme l’expression symptômatique du malaise de toute notre société _ rien moins ! envisagée comme un tout solidaire… _ ; ainsi, ce malaise, que celui des institutions _ l’université, mais plus largement, l’Ecole,

qui ont en chargent d’aider à « se former », « se développer », « s’épanouir », les esprits (et les personnes)…

Malaise face aux valeurs de vérité et de justice…

Montaigne intitulait le premier « essai’ de son troisième et dernier livre d' »Essais » : « De l’utile et de l’honnête« …

J’ai la chance de ne pas disposer de _ ni subir _ un « tempérament » pessimiste ;

il n’empêche ;

je suis, ou/et demeure, « de plus en plus » inquiet

de ce qu’un des commentateurs de l’article publié sur ce blog de François Noudelmann et Eric Aeschimann nomme « le nihilisme européen » _ ou plutôt « occidental » ? voire « mondialisé » ?.. _,

et qui sape les fondements de la confiance de chacun

tant en ses propres forces _ jusqu’à des suicides, tel que celui de cette philosophe de trente neuf ans !… _,

qu’en les autres,

en « le monde »…

Très personnellement, donc,

je me permets ici d’exprimer mon accord avec la « réception », par Laurent Joffrin, dans son (bel) éditorial _ « Yes, he can » _ de Libération le jeudi 6 novembre, de l’élection de Barack Obama à la fonction de présidence des Etats-Unis d’Amérique ;

et l’accès, de fait, de ce dernier _ « beau, jeune et bronzé« , s’est autorisé à proférer l’inénarrable bouffon Berlusconi (un des « toutous » de Busch encore en poste…)  _ à un certain leadership mondial ; et cela, qu’on s’en satisfasse, ou accommode, ou pas ; ou plus ou moins… ;

quand il _ Laurent Joffrin _ débute ainsi son article :

« L’avenir a changé de camp.

Pendant plus de vingt ans, les conservateurs l’avaient annexé.

Ils viennent de le perdre.« 

Car c’est aussi ainsi que j’ai interprété, en un article précédent _ « Sur le réel et le sérieux : le « point » de Paul Krugman sur l’enjeu de l’élection américaine du 4 novembre aux Etats-Unis » _, l’attribution, ce mois d’octobre-ci, du “prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel” à Paul Krugman ;

par comparaison avec l’attribution de ce même “prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel”, en octobre 1976, il y a exactement trente-deux ans, à  Milton Freedman…


J’ose interpréter ces divers événements

comme davantage que seulement un signe,

comme un bien réel sursaut

_ celui que Nietzsche, l' »anti-nihiliste » en chef, appelait si fort de ses voeux, par exemple dans « Ainsi parlait Zarathoustra _ un livre pour tous et pour personne » _,

comme un bien réel sursaut, donc, pour s’extirper de ce « nihilisme« ,

de la « pulsion de mort » mortifère

_ selon Freud (dans ses si essentiels « Essais de psychanalyse« ) ;

qui,

tant sadiquement que masochistement,

sape _ durablement et terriblement : en l’effondrant, à force de l’effriter… _ le sol même sur lequel s’efforcent de marcher, et essaient de se tenir (debout), et d’avancer, les personnes « humaines »…

Bref, à rebours de ce que ce suicide de la philosophe semble montrer

_ plutôt que « démontrer »… _,

je veux voir, en l’élan

_ interprétant le sien, personnel, d' »élan », comme celui d’un peuple entier (le peuple de Walt Whitman, en ses « Feuilles d’herbe« ) qui « se réveille » de ses mauvais rêves (d’alcoolique) _ ;

je veux voir, en l’élan qui porte Barack Obama

_ comme en l’élan qui avait porté, le mardi 8 novembre 1932, Franklin Delano Roosevelt _,

un « espoir » d’inversion _ enfin, depuis trente deux ans !!! (1976) _ de nos valeurs « sociales » :

politiques (à propos du rôle et de la valeur de l’Etat _ et du service public !!! _,

économiques,

culturelles ;

existentielles, in fine

Modestement,

Titus Curiosus, ce 8 novembre 2008

Sur le réel et le sérieux : le « point » de Paul Krugman sur l’enjeu de l’élection du 4 novembre aux Etats-Unis

02nov

Sur l’article de Paul Krugman « Desperately Seeking Seriousness » dans l’édition du New-York Times du 26 octobre dernier…

Pour poursuivre la réflexion sur ce qu’il en est du « réel »,

ainsi que du « sérieux » _ quant à la recherche (élémentaire !) de la vérité sur ce « réel », face aux « marchands » d’illusions (et croyances) en tous genres (et ça se bouscule au portillon !), et autres camelots et bateleurs d’estrades (politiques) _

et/ou,

en conséquence de quoi,

de l’élémentaire honnêteté intellectuelle

(des chercheurs, conseilleurs, discoureurs, etc… jusqu’à tout un chacun : vous et moi…),

en une société (civile) dominée _ depuis voilà plus de trente ans, maintenant : cela commence à faire un peu long

(cf mon précédent article : « de la crise et du naufrage intellectuel à l’ère de la rapacité _ suite : les palais de l' »âge d’or » à Long Island« , d’après un très bel article, déjà, de Paul Krugman, dans le New-York Times, le 20 octobre 2002) _,

par les « marchands »

et autres « camelots politiques » (style Thatcher et Reagan),

appuyés sur l’idéologie pseudo compétente d’idéologues _ stipendiés _ du genre d’un Milton Freedman (« prix Nobel d’Economie » en 1976 :

né le 31 juillet 1912 à New York et décédé le 16 novembre 2006 à San Francisco, Milton Freedman est « généralement » considéré comme l’un des économistes les plus « influents » de ce XXe siècle _ qui est peut-être en train de s’achever ces mois d’octobre et novembre 2008 (et pas le 11 septembre 2001 !)…

Titulaire du « prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel » _ voilà, en fait, l’expression juste ! _ de l’année 1976, Milton Freedman a été un ardent défenseur du « libéralisme », à moins que ce ne soit, plutôt, et en fait, de l' »ultralibéralisme » :

sur cette dernière nuance-ci (« libéralisme« / »ultralibéralisme« ),

on peut se reporter à l’excellente contribution _ elle aussi _ d’hier, dans le numéro du Monde daté du 2 novembre, de Michel Rocard, interrogé par Françoise Fressoz et Laetitia Van Eeckhout, sur la « crise financière » : « la crise sonne le glas de l’ultra-libéralisme« ),

voici,

ici et maintenant,

un magnifique article

_ d' »actualité politique », d’abord, simplement, et modestement : l’élection aura lieu le 4 novembre ! _,

intitulé « Desperately Seeking Seriousness«  dans l’édition du New-York Times du 26 octobre,

par le tout récent

_ le vent venant de tourner ; et les girouettes de suivre : pardon de permettre l’impression de qualifier l’honorable jury suédois de « girouette : on pourrait dire, plus noblement (à la Hegel, et selon son souci « réaliste » de la « wirklichkeit« ), « zeitgeist » : « esprit (ou « air« ) du temps » : mais est-ce bien différent ?  _

par le tout récent « prix Nobel d’Économie »

(ou plutôt « prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel« ),

Paul Krugman ;

pour ceux qui lisent l’espagnol,

l’édition d’El Pais d’aujourd’hui, 2 novembre, en propose une traduction en castillan _ « En busca desesperada de la seriedad » _, par María Luisa Rodríguez Tapia.

Je n’en ai pas (encore : hélas !) trouvé une édition en « traduction en français »

_ ce que je me permettrai d’interpréter, et sans trop de « mauvais esprit » (j’espère…), comme un certain « retard »(hélas), de la France (ou des Français), dans le défi (et urgence !) de mieux comprendre (et mieux agir dans _ ou sur) le monde d’aujourd’hui… ;

un « retard » qui donne « à penser », lui aussi…

Voici cet excellent article de Paul Krugman « Desperately Seeking Seriousness« 

en version originale,

puis en traduction en castillan ;

et je me permettrai de « mettre en gras » ce qui me paraît le plus significatif

_ ainsi que de truffer (un peu) l’article original de quelques commentaires (parfois un peu « philosophiques » : avec des références aux œuvres de Platon, Machiavel, ou Freud…), en vert _,

comme modeste contribution d’un « simple » _ dans tous les sens du terme _ « curieux »,

à la recherche un peu « désespérée » _ à son modeste niveau _ d’un peu mieux comprendre « sérieusement » le « réel« ,

ou le monde,

afin d’un peu mieux, très simplement, « s’y orienter »

(comme en complément bien « empirique » à la préoccupation d’un Emmanuel Kant, en 1786, de préciser quelque réponse à la question « Qu’est-ce que s’orienter dans la pensée ?« …

D’abord, dans la version originale, sous la _ vraiment excellente ! _ plume de Paul Krugman :

October 26, 2008
Paul Krugman : Desperately Seeking Seriousness _ quel beau (car juste !) titre !

« Maybe the polls and the conventional wisdom are all wrong… But right now the election looks like a … solid victory, maybe even a landslide, for Barack Obama…

Yet just six weeks ago the presidential race seemed close, with Mr. McCain if anything a bit ahead. The turning point was the middle of September, coinciding precisely with the sudden intensification of the financial crisis… But why has the growing financial and economic crisis worked so overwhelmingly to the Democrats’ advantage? …

I’d like to believe _ car c’est un peu trop beau pour être « vraiment vrai » : d’où ce conditionnel (« j’aimerais croire »  : « croire » au sens, ici, de « supposer »…) lucide ! _ that the bad news convinced _ et c’est bien de cela en effet qu’il s’agit : « convaincre » ; et non pas « persuader«  (= faire « passionnellement croire ») : là-dessus, relire inlassablement « Gorgias » de Platon ; ou/et les si justes pédagogiquement « Propos » (sur l’éducation, les pouvoirs, le bonheur, etc…) d’Alain _ many Americans, once and for all, that the right’s economic ideas are wrong and progressive ideas are right. And there’s certainly something to that…

But I suspect that the main reason for the dramatic swing in the polls is something less concrete… As the economic scene has darkened, I’d argue, Americans have rediscovered the virtue of seriousness _ « the virtue of seriousness » : voilà l’expression décisive ! Celle qui m’a incité à rédiger cet article… And this has worked to Mr. Obama’s advantage, because his opponent has run a deeply unserious campaign.

Think about the themes of the McCain campaign… Mr. McCain reminds us, again and again, that he’s a maverick _ but what does that mean ? His maverickness _ en français : « être un franc-tireur » _ seems to be defined as a free-floating personality trait, rather than being tied to any specific objections… to the way the country has been run for the last eight years.

Conversely, he has attacked Mr. Obama as a “celebrity”, but without any specific explanation of what’s wrong with that…

And the selection of Sarah Palin… clearly had nothing to do with what she knew, or the positions she’d taken _ it was about who she was, or seemed to be _ et le modèle n’a été que trop exportable outre-Atlantique, hélas !!! Americans were supposed to identify with a « hockey mom » who was just like them _ comme si l’identification était un argument de choix pertinent d’un dirigeant politique ! C’est baigner là dans la pensée magique (cf Lucien Lévy-Bruhl : « Primitifs » ; « Esquisse d’une théorie générale de la magie » de Marcel Mauss ; et Claude Lévi-Strauss : « La Pensée sauvage« )…

In a way, you can’t blame Mr. McCain for campaigning on trivia _ after all, it’s worked in the past. Most notably, President Bush got within hanging-chads-and-butterfly-ballot range of the White House only because much of the news media, rather than focusing on the candidates’ policy proposals, focused on their personas : Mr. Bush was an amiable guy you’d like to have a beer with, Al Gore was a stiff know-it-all, and never mind all that hard stuff about taxes and Social Security. And let’s face it: six weeks ago Mr. McCain’s focus on trivia seemed to be paying off handsomely.

But that was before the prospect of a second Great Depression concentrated the public’s mind.

The Obama campaign has hardly been fluff-free _ in its early stages it was full of vague uplift. But the Barack Obama voters see now is cool, calm, intellectual and knowledgeable, able to talk coherently about the financial crisis in a way Mr. McCain can’t _ ou l’épreuve du réel… And when the world seems to be falling apart, you don’t turn to a guy you’d like to have a beer with, you turn to someone who might actually know how to fix the situation _ soit Socrate (et Platon) versus Gorgias, Polos et Calliclès, in « Gorgias » ! et encore Socrate (et Platon) versus Thrasymaque et le point de vue rapporté par Glaucon, dans « la République« , toujours de Platon…

The McCain campaign’s response to its falling chances of victory has been telling : rather than trying to make the case that Mr. McCain really is better qualified to deal with the economic crisis, the campaign has been doing all it can to trivialize things again. « Mr. Obama consorts with ’60s radicals ! He’s a socialist ! He doesn’t love America ! » Judging from the polls, it doesn’t seem to be working.

Will the nation’s new demand for seriousness last ? Maybe not _ remember how 9/11 (2002) was supposed to end the focus on trivialities ? For now, however, voters seem to be focused on real issues. And that’s bad for Mr. McCain and conservatives… : right now, to paraphrase Rob Corddry, reality has a clear liberal bias

_ c’est le « réel », en ses « apparitions », qui change ;

les « réalistes » (= « pragmatiques ») sont bien forcés

(par l’avantage, provisoire _ sur la scène sociale, économique et politique ; ainsi qu’idéologique ! _, du « principe de réalité » sur le « principe de plaisir« 

_ cf Freud dans « Au-delà du principe de plaisir« , en 1920, publié in « Essais de psychanalyse«  : un très grand livre ! _

de s’y « adapter » (machiavéliennement, si j’ose dire ;

à moins que ce ne soit « machiavéliquement », seulement ; en revenir au « Prince« )

si peu que ce soit,

du moins pour un moment, le temps que le temps tourne à nouveau, et soit, de nouveau, plus propice à leurs manœuvres peu, honnêtes (ou intègres)…

Et dans sa traduction en castillan, par Maria Luisa Rodríguez Tapia, dans el Pais de ce 2 novembre :

« En busca desesperada de la seriedad »

Paul Krugman 02/11/2008

Es posible que todos los sondeos y opiniones generalizadas se equivoquen, y que John McCain, inesperadamente, gane. Ahora bien, en estos momentos da la impresión de que el triunfo demócrata es inevitable : una victoria sólida, tal vez incluso aplastante, de Barack Obama ; gran aumento del número de escaños demócratas en el Senado, tal vez incluso suficientes para darles una mayoría a prueba de bloqueos parlamentarios, y también un amplio avance demócrata en la Cámara de Representantes.

Hace sólo seis semanas los resultados parecían ajustados e incluso levemente favorables a McCain. El momento decisivo de la campaña se vivió a mediados de septiembre, coincidiendo con la repentina intensificación de la crisis financiera tras la bancarrota de Lehman Brothers. Pero ¿ por qué la crisis económica y financiera ha beneficiado de una forma tan abrumadora a los demócratas ?

Con todo el tiempo que he dedicado a presentar argumentos contra el dogma económico conservador, me gustaría creer que la mala situación convenció a muchos estadounidenses, por fin, de que las ideas económicas de la derecha son erróneas y las ideas progresistas son las acertadas. Y no cabe duda de que hay algo de eso. Hoy, cuando incluso el propio Alan Greenspan reconoce que se equivocó al creer que el sector financiero podía autorregularse, la retórica reaganesca sobre la magia del mercado y los males de la intervención del Gobierno resulta ridícula.

Además, McCain parece asombrosamente incapaz de hablar sobre economía como si fuera un asunto serio. Ha tratado de responsabilizar de la crisis a su culpable favorito, las asignaciones presupuestarias especiales del Congreso, una afirmación que deja atónitos a los economistas. Inmediatamente después de la quiebra de Lehman, McCain declaró: « Los cimientos de nuestra economía son sólidos« , por lo visto sin saber que estaba repitiendo casi al pie de la letra lo que dijo Herbert Hoover después de la crisis de 1929.

No obstante, sospecho que la razón fundamental del espectacular giro en las encuestas es algo menos concreto y más etéreo que el hecho de que los acontecimientos hayan desacreditado al fundamentalismo del libre mercado. En mi opinión, a medida que la situación económica ha ido oscureciéndose, los estadounidenses han redescubierto la virtud de la seriedad. Y eso ha beneficiado a Obama, porque su rival ha llevado a cabo una campaña tremendamente poco seria.

Piensen en los temas que han centrado la campaña de McCain hasta ahora. McCain nos recuerda, una y otra vez, que es un heterodoxo, pero ¿qué significa eso? Su heterodoxia parece definirse como un rasgo independiente de su personalidad, no vinculado a ninguna objeción concreta contra la manera de gobernar el país durante los últimos ocho años.

Por otro lado, ha criticado a Obama diciendo que es un « famoso », pero sin explicar en concreto qué tiene eso de malo; se da por supuesto que las estrellas de Hollywood tienen que caernos mal.

Y es evidente que la elección de Sarah Palin como candidata republicana a la vicepresidencia no tuvo nada que ver con sus conocimientos ni sus posturas; fue por lo que era, o lo que parecía ser. Se suponía que los estadounidenses debían identificarse con una hockey mom parecida a ellos.

En cierto sentido, es comprensible que McCain haga campaña apoyándose en nimiedades; al fin y al cabo, en otras ocasiones ha funcionado. El caso más notable fue el del presidente Bush, que si logró colocarse a un paso de la Casa Blanca y que todo dependiera de una cuestión de papeletas mariposa y perforaciones mal hechas fue sólo porque gran parte de los medios, en vez de prestar atención a las propuestas políticas de los candidatos, se centraron en sus personalidades: Bush era un tipo simpático con el que uno podía tomarse una cerveza, mientras que Al Gore era un tieso sabelotodo; y eso era lo importante, no ese lío de los impuestos y la Seguridad Social. Y seamos francos: hace seis semanas parecía que la atención de McCain a las nimiedades estaba dándole buenos resultados.

Pero eso era antes de que la perspectiva de una segunda Gran Depresión captara la atención de la gente.

La campaña de Obama no ha estado tampoco libre de tonterías; en sus primeras fases estaba llena de un vago optimismo. Pero el Barack Obama que ven los votantes hoy es un hombre sereno, tranquilo, intelectual y enterado, capaz de hablar sobre la crisis financiera con una coherencia que McCain no tiene. Y, cuando parece que el mundo se viene abajo, uno no recurre a un tipo con el que le gustaría tomarse una cerveza, sino a alguien que quizá sepa realmente cómo arreglar la situación.

La reacción de la campaña de McCain al ver que disminuyen sus posibilidades de victoria ha sido significativa: en vez de argumentar que McCain está más preparado para hacer frente a la crisis económica ha hecho todo lo posible para volver a frivolizar las cosas. ¡Obama se junta con radicales de los años sesenta! ¡Es un socialista! ¡No ama a Estados Unidos! A juzgar por las encuestas, no parece que esté sirviendo de nada.

¿Persistirá la nueva exigencia de seriedad del país? Quizá no; ¿se acuerdan de que se suponía que con el 11-S iban a acabarse las frivolidades? Pero, de momento, parece que los votantes sí están interesados por los temas que de verdad son importantes. Y eso es malo para McCain y para los conservadores en general: en estos momentos, para parafrasear al cómico Rob Corddry, la realidad es claramente progresista. –

© 2008 New York Times News Service. Traducción de María Luisa Rodríguez Tapia.

De quoi réfléchir un minimum, sur le « sérieux » des compétences réelles,

face à la légéreté des « convictions », des « croyances », du poids de la « crédulité » aussi…

Même si,

tant Paul Krugman, dans son article du New-York Times du 26 octobre,

que Michel Rocard, dans son entretien avec Françoise Fressoz et Laetitia Van Eeckhout du Monde de ce 2 novembre,

sont loin d’être naïfs sur l’efficacité immédiate ou directe, à court terme

_ le « contexte » (du « présent » historique) jouant, aussi, beaucoup pour donner du poids et de l' »autorité » à leur « parole » et à leur « intervention » (et « focalisation » pertinente)

auprès de ceux qui

_ en masse, grégairement, le plus souvent (ils préfèrent « copier-coller » des opinions qu’ils croient majoritaires) _

veulent si peu (ou si mal) entendre, et comprendre _ ;

même si tant Paul Krugman que Michel Rocard, donc,

sont loin d’être naïfs sur l’efficacité

de leur « action » _ de sagacité _ de « désembrouillage » de la complexité du « réel », déjà, même

(et des « faits » à « établir » : avec validité objective) ;

et de « désembrouillage » des idéologies « intéressées » et bien peu objectives, elles,

qui ajoutent leur « confusion » (subjective et passionnelle ; quand ce n’est pas, même, de parfaite « mauvaise foi ») aux brouillages

(et brouillards, déjà) de ce « réel » lui-même ;

et si il appartient à chacun, _ comme « honnête homme«  _ à son niveau, à sa place, et hic et nunc, « en situation« , dirait un Sartre (cf ses « Situations« ),

de sempiternellement inlassablement,

avec « vaillance » _ c’est un « travail » de l’esprit à l’œuvre ! _ et avec « courage« 

_ les deux « vertus » que Kant met en avant dans son indispensable et toujours d’extrême actualité et urgence, « Qu’est-ce-que les Lumières ? » _ pour lui, c’était en Prusse, à Koenigsberg, et en 1784, déjà… _

et si il appartient à chacun

de faire effort si peu que ce soit,

en commençant par (bien) écouter, (bien) s’informer

(à bonnes, et plurielles, sources : en « débats » ouverts, « libres » : c’est-à-dire exigeants quant à l’effort de « vérité », au-delà des « intérêts », économiques, surtout, qui s’affrontent ;

qu’il en ait, ce « chacun », claire conscience, ou pas,

c’est-à-dire une conscience embrumée, ou brouillée)

pour _ toujours essayer, chacun, de mieux _ « comprendre »...

Même si,

tant Paul Krugman

que Michel Rocard, donc,
demeurent, forcément, circonspects

sur les capacités d’un (isolé) article,

et, plus généralement, de leur action

_ chacun des deux à son niveau, et dans sa sphère (d’influence) _ ;

sur les capacités

de « convaincre » les décideurs, les pouvoirs,

ainsi que les individus, et, au-delà de leur individualité séparée, les peuples

_ ou du moins leurs « majorités » politiques (en démocratie !),

à la veille des élections présidentielles américaines de ce mardi 4 novembre : après-demain ! _ ;

soit de « convaincre »,

en raison (et pas « en affects » populistes),

tout un chacun,

de changer d’attitude

tant de l’entendement que de la volonté, en action,

au profit d’un « réalisme de la vérité

et de la justice »…

Où commence la naïveté ? où commence l' »utopie » ?

Où se trouve le vrai « réalisme » ?

Sur ce point, afin d’un peu mieux le « penser », je me permettrai de « renvoyer » à ce grand livre

qu’est « L’Institution imaginaire de la société« , en 1975,

de Cornelius Castoriadis (1922, Constantinople, ou Istamboul _ comme on voudra _ – 1997, Paris)…

Bref,

de quoi réfléchir ;

et agir,

quant à notre « crise »…


Titus Curiosus, ce 2 novembre 2008

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