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Pour une « économie de la contribution » : diagnostic et pharmacopée « anti-Viagra » (de l' »économie de la culture ») du docteur Stiegler

26oct

Vendredi dernier, à 10 h, au Conseil Régional d’Aquitaine, dans le cadre d' »ateliers » :

« le numérique et la créativité en région« ,

était organisé un « débat » :

« La créativité et l’innovation au cœur de la relation homme / territoire dans un monde numérique« , avec les interventions des philosophes Bernard Stiegler et Heinz Wismann, avec Hervé Le Guyader pour « modérateur« …

Une initiative pratique a priori (du moins…) utile, prometteuse, féconde ; et mieux que bienvenue :

de première urgence ! :

tant il est positif que le terrain (plus ou moins institutionnel) des « entrepreneurs« 

(« producteurs » _ « créateurs » ou « exploitants » : à y regarder d’un peu près, de l’Art et de la Culture : ici, je sens sur mes épaules comme un souffle d’ironie d’un Michel Deguy… : encore faut-il s’entendre sur les justes qualifications…)

comme celui des « décideurs«  (politiques) _ en sinon « locomotives de l’action« , du moins en « boosters » d’appoint, mais vitaux, à l’ère de la concurrence (mondialisée) acharnée « sur le terrain«  (régional, en l’occurrence)… _

bénéficie du diagnostic et des pistes (éclairants !) que proposent les philosophes les mieux informés et réfléchissants d’aujourd’hui…

Une aubaine…

C’est en curiosus (et ami de Bernard Stiegler ;

cf mon article du 31 mai dernier sur la conférence de Bernard Stiegler au Festival « Philosophia » de Saint-Émilion : « Très fortes conférences d’Olivier Mongin et Bernard Stiegler à propos de ce qu’est « faire monde » à l’excellent festival « Philosophia » de Saint-Emilion« …)

que _ non « institutionnel« , que je suis, de facto _ j’accours à cette « rencontre«  ;

toujours en appétit _ personnel ! _ de la plus performante lucidité qui soit

pour toujours tenter d’un peu mieux (et de ma place ; et à mon échelle ! _ d’individu…) comprendre ce qui se passe présentement, ce qui se trame, dans le secret des flux (et tourbillons agités) humains les plus opérationnels dans le monde d’aujourd’hui :

j’essaie de « faire«  _ de ma place et à mon échelle, donc _ « le philosophe«  ;

et depuis le 3 juillet 2008, sur mon blog « En cherchant bien » _ ou « Les Carnets d’un curieux » : c’est son titre alternatif… _, je le partage (un peu) aussi (!) par l’écriture avec d’éventuels lecteurs un tant soit peu patients, en plus d’être, eux aussi, un tant soit peu curieux :

car il faut, certes, arriver à « suivre » le flux (un peu contourné, sinon réellement « labyrinthique« …), en son élan _ porteur, je voudrais croire … _ de mes circonlocutions,

ô « indiligents lecteurs »

(cf ici l' »Adresse » _ « Au lecteur«  _ inaugurale sublime des « Essais » du génialissime Montaigne, en 1581, à l’ouverture de la modernité philosophique :

l’article d’ouverture de ce blog annonçait la couleur ; on peut s’y reporter ; j’y suis _ de tempérament obstiné, ou têtu : par quelques ascendances bretonnes et basquaises, peut-être ; en plus d’être gascon ; et voisin de Montaigne, par mon enfance des côteaux surplombant la Dordogne… _ absolument fidèle)…

J’en viens au fait de la teneur de l’intervention (diagnostic + pharmacopée !) de Bernard Stiegler _ en « médecin consultant« , en quelque sorte... _ au Conseil Régional ce vendredi dernier 23 octobre

(cf aussi l’article de Bernard Stiegler : « Le Mépris« , sur le site « Culture Action Europe » du « Forum Européen pour les Arts et le Patrimoine« …) 

L’analyse du « modèle » de l »économie créative » au « menu » de cette rencontre organisée par le Conseil Régional d’Aquitaine a été proposée, dès 2001-2002, par John Howkins et Richard Florida (cf « Economie créative. Une introduction« , paru aux Éditions Mollat, en février 2009) :

cf John Howkins : « The Creative Economy« , 2001, Allen Lane ;

et Richard Florida : « The Rise of the Creative Class. And How It’s Transforming Work, Leisure and Everyday Life« , 2002, Basic Books ; et « Cities and the Creative Class« , 2005, Routledge…

Bernard Stiegler se déclare « en profond désaccord » avec ce modèle tout bonnement ségrégationniste d' »économie créative » du début des années 2000 ;

et selon lui les « pôles de compétitivité« , les « creative clusters » proposés par ces auteurs tels que Florida et Howkins ne sont que des « clusters Viagra » destinés à tenter de « relever » un peu l’énergie démotivée d’un modèle consumériste moribond _ et cela dès les années 80 ;

soit « remédier » à la « débandade » par défaut de désir du « consommateur« , en « dépression » chronique carabinée…

Un « psycho-pouvoir« , relevant le « bio-pouvoir » détecté et analysé par Michel Foucault dans la décennie 80,

vise au « contrôle de la vie de nos âmes » par une « destruction de la formation de l’attention« … 

« La crise économique » se trouve ainsi « devant nous« , souligne Bernard Stiegler ;

et se caractérise par « une perte de savoir généralisée » (soit, au sens étymologique, et selon Marx comme selon Adam Smith, une « prolétarisation« ) ;

une « crétinisation généralisée« , dit-il…


Aussi importe-t-il, sinon d’arrêter ce processus (peut-être « inarrêtable« ),

du moins, au moins, de le « penser » ;

et de le « retourner« , peut-être, vers (et pour) d’autres objectifs…

Aussi Bernard Stiegler propose-t-il d’abandonner les catégorisées usées  de « technologies de l’information et de la communication« , au profit de celles de « technologies cognitives et _ surtout ! _ culturelles » ;

avec pour résultats du déploiement des premières, une « paralysie de l’intellect« , « notamment politique« …

Et d’évoquer son expérience personnelle, au Centre Pompidou, de l’évolution vers un « consumérisme culturel » qu’il qualifie d' »effrayant » ;

avec l’obsession d' »augmenter les flux » des « visiteurs«  de passage, quand les œuvres demandent d’abord qu’on leur consacre du temps _ et un « dialogue«  : un tant soit peu serein… _ : « le temps de l’amour des œuvres« , précisément ! On ne peut pas aimer à la va-vite…


D’où l’urgente réhabilitation (et « renaissance«  : Bernard Stiegler embrayant ici sur les analyses éclairantes de Heinz Wismann) de l »amateur » et de l' »amatorat« .

En lieu et place d’une « consommation« , passive (et clonée) qui « consume« ,

aider au passage à une « économie«  _ active et pleinement créatrice _ de la contribution » !..


Toute technique est _ ainsi que l’a montré Jacques Derrida, d’abord en sa « Pharmacie de Platon«  _ un « pharmakon« , ambivalent : selon la dose, le médicament-drogue qui soigne devient un poison qui tue ! les pharmaciens ne distribuent donc les « médicaments » que selon ce que prescrivent, avec l’autorité certifiée de leur savoir, les médecins ;

sinon, ils ne sont plus que des « dealers« …

L' »amateur » (d’Art et de culture) qui se forme à l’expérience _ toujours et nécessairement, pour être vraiment « authentique« , singulière _ des œuvres et à l’épreuve d’échanges continus (et critiques) de « jugements de goût » avec d’autres témoignant peu à peu de leur propre compétence en cette matière complexe, infiniment fine et subtile, et prenant du temps,

est celui qui parvient à « porter au comble une intensité«  _ de joie, ajouterais-je… _ qui, sinon, « se perd dans le flux des choses substituables » ;

cela pouvant aussi passer, et nécessairement _ cf André Leroi-Gourhan : « Le Geste et la parole » ; et Sylvain Auroux : « La révolution technologique de la grammatisation. Introduction à l’histoire des sciences du langage« , paru en 1994, aux Éditions Pierre Mardaga… _, par certains artefacts…

Adressant le lendemain un courriel à Bernard Stiegler que je n’avais matériellement pas pu « saluer » après son intervention en séance publique,

 De :   Titus Curiosus

Objet : Intervention au Conseil Régional d’Aquitaine
Date : 24 octobre 2009 07:23:13 HAEC
À :   Bernard Stiegler

voici ce que je lui déclarais :

La séance d’hier au Conseil Régional m’a évoqué « L’Invitation » de Claude Simon…

Je suis un peu effrayé de, je crains, l’inefficacité de ces raouts
(même si on peut rêver qu’une petite graine d’une « piste » lancée là pourrait germer…) ;

il est pourtant tellement nécessaire
que certains « décideurs » comprennent un peu mieux
et agissent autrement…

Les intermédiaires de la culture
sont redoutables…

Bien de la surdité et de la veulerie régnaient comiquement, pensais-je pendant le « buffet« …
Là, je me remémorais le rire ravageur du Thomas Bernhard narrateur des « Arbres à abattre« 
_ dont le sous-titre est : « une irritation« 

J’admire votre énergie…

Bien à vous,

Titus Curiosus

Voilà.
Les enjeux sont si cruciaux…

Titus Curiosus, ce 26 octobre 2009


Post-scriptum :

voici l’intégralité de l’article de Bernard Stiegler « Le Mépris » cité plus haut ; et farci de quelques commentaires miens, en plus des gras que j’y dépose ;

il résume bien le sens de l’intervention-contribution de Bernard Stiegler au Conseil Régional d’Aquitaine vendredi dernier vers 11 heures… :

« L’Union Européenne et sa Commission subissent à nouveau l’affront d’un scrutin qui les désavoue _ calamiteux comme jamais, comme si la « construction de l’Europe » ne pouvait que conduire à la destruction de la vie démocratique qu’elle prétend incarner _ certes ! quelle tragédie pour nous tous que cette « destruction de la vie démocratique«  !!! _, et produire amertume et défiance des Européens _ en effet, de facto _ vis à vis de ce qu’ils ne reconnaissent donc pas _ certes ! _ comme l’Europe _ son « idée« , son « idéal régulateur« , dirait un Kant… ; cf, justement, de mon ami François Jullien, son tout récent « L’Invention de l’idéal et le destin de l’Europe«  _, mais, tout au contraire, comme l’organisation de son discrédit _ voilà ! est-ce aussi là une part (au moins…) de son « destin«  ?.. _, sur le plan intérieur aussi bien que sur le plan international _ et se résignent à subir, passivement…


Or, après l’effondrement du consumérisme fordiste _ un fait crucial _, advenu au cours de la crise de 2008 _ le krach financier et bancaire d’octobre 2008 _, il est évident que la coopération européenne est plus urgente que jamais pour contribuer à inventer _ oui ! cf « L’Institution imaginaire de la société« , cette œuvre visionnaire et indispensable du grand Cornelius Castoriadis _, particulièrement avec l’Amérique et l’Asie, un nouveau modèle industriel _ oui ! et plus fécond ! _ capable de surmonter la situation proprement catastrophique dans laquelle ce qu’il faut appeler « le règne de la bêtise systémique«  _ magnifique formulation d’une lucidité confondante ! hélas… _ a plongé l’humanité toute entière _ voilà ! Ce nouveau modèle industriel doit inventer un « nouveau mode de vie« , c’est à dire une « nouvelle culture«  _ authentiquement démocratique : pour accoucher du meilleur de l’humanité ; au lieu du pire, pour les profits (financiers et de pouvoir) mesquins et minables de très peu, comme c’est le cas de la « pente » prise aujourd’hui…

La « bêtise systémique » que cette « nouvelle culture » doit dès maintenant combattre _ voici la tâche sollicitant les ardeurs plus rationnelles ! _ a été engendrée et imposée par l’hégémonie du marketing _ oui ; cf sa théorisation par Edward Bernays (neveu de Siegmund Freud, expatrié aux États-Unis ; et créateur du marketing) : « Propaganda : comment manipuler l’opinion en démocratie« , dès 1928… _, dont les industries dites « culturelles«  _ sic, en effet ! c’est une auto-proclamation de leur part !.. il s’agit le plus souvent, et à échelle « mondialisée« , d’« industries de l’entertainment«  (!) _ auront été le bras séculier _ redoutablement efficace… _ : totalement soumises aux impératifs consuméristes, celles-ci auront lentement mais sûrement détruit la _ réelle  et vraie ! _ culture _ et, en cela, systématisé le règne de la bêtise _ par la « crétinisation » de masse des esprits ; cf aussi Dany-Robert Dufour : « L’Art de réduire les têtes«  _ en obnubilant les esprits _ oui ; par une opération de focalisation d’immense envergure… _ et en discréditant les institutions en charge de les élever _ à commencer par l’école ; cf ici le « Prendre soin _ de la jeunesse et des générations » de Bernard Stiegler lui-même. Dans ce contexte, ce que l’on appelle depuis Malraux la « démocratisation de la culture » s’est renversé et décomposé en « consumérisme culturel«  _ voilà !

Or, le modèle consumériste est mort _ ou moribond : tel est le diagnostic que pose et porte Bernard Stiegler _, et le « consumérisme culturel » avec lui _ s’il est vrai qu’il était fondé sur l’opposition fonctionnelle des producteurs _ vendeurs _ et des consommateurs _ acheteurs… Avec le fordisme, et avec les grandes industries de la métallurgie qui le mirent en œuvre, et qui dominèrent grâce à lui le XXè siècle, s’effondrent aussi les « industries culturelles » qui imposèrent à la culture _ au sens que critique de sa verve (et alacrité) le grand Michel Deguy ! cf son très beau et si juste « Le Sens de la visite » (aux Éditions Stock, en 2006 : une merveille !) _ la fonction d’organiser _ fort méthodiquement _ la consommation _ tout en détruisant les publics _ amateurs-amoureux singuliers : authentiquement « cultivés« , eux ; cf ici les magnifiques travaux de mes amies Marie-José Mondzain, « Homo spectator« , et Baldine Saint-Girons, « L’Acte esthétique » : indispensables !!! _ des œuvres, transformés _ ces dits « publics«  _ en audiences _ voilà : mesurées, comptabilisés, par le très précieux « audimat«  Il est triste que Michel Piccoli, dont le personnage « méprisé » incarne précisément cette question dans _ le film de Jean-Luc Godard, en 1963 _ « Le Mépris » _ d’après le roman éponyme d’Alberto Moravia « Le Mépris« , paru, lui, en 1954… _, en ait eu si peu conscience _ lui, Juliette Greco et quelques autres qui auront bien « profité » de ce système : « bien« , c’est à dire avec art _ l’accroche de cette allusion m’échappant pour le moment…

Depuis quatre ans maintenant, « Ars Industrialis«  _ qu’anime Bernard Stiegler ; et qui me fit l’honneur de publier, en avril 2007, mon article « Pour célébrer la rencontre« , en appendice à une présentation de « De la Démocratie participative _ fondements et limites » de Bernard Stiegler et Marc Crépon… _ affirme que ce modèle _ consumériste _, qui suscite tant de mépris, n’est plus soutenable, et qu’une autre organisation de l’économie industrielle est possible :

celle que nous appelons « l’économie de la contribution«  _ expression et concept à retenir ! à une époque où le terme « impôt » a été vilainement substitué à celui de « contribution« _, fondée sur les caractéristiques des réseaux et technologies numériques, où le couple fonctionnel production/consommation  _ ainsi que cet autre couple fonctionnel : vente/achat ?.. _ n’est plus pertinent. Le contributeur _ actif-effectif _, qui n’est ni un consommateur ni un producteur, met en œuvre des technologies cognitives et culturelles qui forment ensemble des technologies de l’esprit.

De toute évidence, le nouveau milieu social, de plus en plus pénétré par ces technologies, fait pour le moment apparaître et proliférer surtout des modèles hyperconsuméristes, addictifs _ cf « Addict » d’Avital Ronell… _, extrêmement mimétiques _ à rebours de l’originalité, voire « génialité«  vraies… _, que le marketing organise très systématiquement _ les algorithmes de l’hypertechnologie y aidant _ ; et dont il exploite les possibilités inouïes de contrôle comportemental individualisé et de manipulation des groupes _ d’utilisateurs dont est activée une hyper-passivité « réflexe«  Autrement dit, les réseaux numériques, les technologies culturelles qui s’y développent et les pratiques sociales qui s’y inventent sont porteuses _ a priori ! _ de possibilités radicalement alternatives _ et en lutte _ :

_ l’une est ce qui rend possible l’invention de relations économiques et industrielles fondées sur l’investissement _ possiblement enthousiaste _ personnel et collectif ; « l’intelligence partagée » ; et la formation de nouveaux espaces et de nouveaux temps critiques _ un point crucial ! _ soutenus par une politique industrielle des technologies de l’esprit qui doit être avant tout une politique culturelle, associant très largement les artistes, les écrivains, les penseurs et les scientifiques _ acteurs ; et « authentiques » (pas « imposteurs » : ce point-ci étant de mon fait !..) ; dont le « génie«  œuvre effectivement

_ l’autre vise _ a contrario _ à étouffer dans l’œuf _ c’est plus sûr ! ne pas laisser s’établir d’autres réseaux, d’autres flux, des habitudes de pratiques concurrentes ! _ les possibilités inédites que les technologies culturelles ouvrent _ vraiment : en une véritable liberté créatrice ; et pas du tout seulement illusoire… _ à un nouvel âge de la vie de l’esprit _ en ce début de XXIème siècle _, et à augmenter _ au contraire ! _ le pouvoir de contrôle _ oui _ comportemental, d’instrumentalisation _ voilà ! _ des artistes, écrivains, penseurs et scientifiques _ réduits à des objets et images (voire à des marques) _, et d’hyperconsumérisation de la culture _ elle-même : en touts cas de ses ersatz, ou de certaines de ses « retombées » seulement ; coupées des élans vrais, « créateurs« , eux (d’œuvres), mobilisateurs d’attention aigüe et d’enthousiasmes autrement « porteurs«  (et inspirants)… _, en aggravant encore la « bêtise systémique » _ malgré la catastrophe économique à laquelle celle-ci a _ pourtant _ déjà conduit le monde en 2008.

Il ne fait pas de doute que l’Union Européenne _ sous laquelle de ses « espèces » ?.. la Commission ? le Parlement ? les chefs d’État se mettant d’accord lors de « sommets«  ?.. _ n’a pas choisi la première possibilité, même si rien ne prouve qu’elle aura choisi la seconde : l’Union est un organisme complexe _ certes _ que peuvent traverser des conflits _ des tensions, des jeux non joués entièrement tous à l’avance… Mais il est certain que son absence de clarté _ certes ! cf sa porosité aux lobbies _ en ce domaine comme en tant d’autres aura contribué à son échec électoral _ à quoi fait précisément allusion Bernard Stiegler ici ?.. à l’augmentation galopante de l’abstention des électeurs aux « votations«  ?.. Car chacun sait aujourd’hui, délibérément ou intuitivement, dans l’Europe comme dans le monde entier, que faute d’un sursaut de l’intelligence collective _ « solidaire« , forcément : embarquée sur un même et unique bateau : la « nef des fous«  ?.. _, l’avenir du monde entier est compromis à brève échéance _ mais s’en soucie-t-il, ce « chacun«  qui « sait« , pour autant ?… cf le mot fameux (rapporté) de la Pompadour à Louis XV : « après nous, le déluge«  ; le mot aurait été prononcé, en manière de consolation au roi, le soir de la nouvelle de la défaite face à la Prusse, le 5 novembre 1757, à RossbachEt tout le monde _ des acteurs « vrais«  de la culture « authentique«  ?.. _ attend _ pour le reste, relire toujours le portrait du « dernier homme » du « discours du Surhumain » du superbe de lucidité « Prologue » d’« Ainsi parlait Zarathoustra _ un livre pour tous et pour personne » de Nietzsche (la précision est cruciale) : sur la pente savonneuse du nihilisme où s’entraîne l’humanité… _ que l’Europe _ celle de tous les Européens ? _ joue enfin le rôle que sa puissance économique et culturelle _ doublement ? _ lui impose _ en droit ; sinon en fait : ainsi, la démocratie se donne-t-elle, ne serait-ce que sur le plan politique, les dirigeants qu’elle « mérite » ? afin d’encourager le meilleur des œuvres possibles de cette « Europe«  ; de ces « Européens«  ?.. Cf ici le si pertinent « Qu’est-ce que le mérite ? » (aux Éditions Bourin), de mon autre ami lucidissime, lui aussi, Yves Michaud…

Jamais la question de l’alternative _ Hic Rhodus, hic saltus ! _ ouverte par la numérisation n’aura été _ réellement _ posée dans ce dont on nous parle _ voire « abreuve«  _ sous les noms _ flambants _ d’ »industrie de la connaissance« , de « société de savoir« , de « bataille de l’intelligence » et d’ »économie créative«  : autant de discours qui semblent plus vouloir conjurer par des incantations _ hélas : quand les mots se substituent aux choses ; ou l’ère (se poursuivant…) des « conduites magiques« _ la réalité _ carnassière _ du « capitalisme cognitif », également appelé « culturel », qui produit pour le moment exactement le contraire _ certes ! _ de la connaissance, du savoir ou de la création, que mettre un terme au « règne _ bien effectif, lui ; et auto-satisfait : à la Monsieur Homais… _ de la bêtise«  _ mais bien masqué par la panoplie ultra habile de tous les faux-semblants de la démagogie ! combien de victoires électorales a t-elle, celle-ci, la démagogie, ainsi, à mettre à l’actif de son « tableau de chasse » ?.. _, dont ces discours participent eux-mêmes très souvent de la façon la plus directe _ en effet : la propagande de l’idéologie est d’autant plus efficace qu’inaperçue : en douceur et rires allègres de connivence…

Et pas une seule fois la question de cette alternative n’aura été évoquée dans le cadre de  « l’année européenne de l’innovation et de la créativité » voulue en 2009 par le président de la Commission européenne _ brillamment réélu : M. José Manuel Durão-Barroso ; pose-t-il jamais les vraies questions de fond ?.. Que veut dire ici « créativité » ? Il ne fait pas de doute que, rapproché du mot « innovation« , il fait référence aux concepts de creative economy et de creative class, avancés par John Howkins et Richard Florida en 2001 et en 2002 respectivement. Les thèses de Florida et Howkins émergent sur le fond d’une théorie managériale _ voilà _ de la créativité qui est elle-même une version de la théorie _ managériale ? _ de l’innovation. Sa spécificité consiste à poser que la source de l’innovation est la créativité des individus.

Toute la théorie de l’innovation a été pensée dans le cadre consumériste _ d’une économie du taux de profit de la vente (sur un marché). Cependant, tandis qu’elle aboutissait au concept d’ »économie créative« , se développaient _ aussi, à côté _ les nouvelles pratiques qui ne correspondent plus à ce modèle consumériste fondé sur la grégarisation _ voilà ! cf la litanie rigolarde des « nous«  des « derniers hommes«  clignant des yeux d’autosatisfaction, du « Zarathoustra«  de Nietzsche… _ de l’individu _ se pensant même (= se figurant, se croyant, se leurrant : illusoirement !) « original« , en la « singularité » apparente de sa « conscience de lui-même » distincte, certes, de sa « conscience des autres«  : chacun comme une île… _, mais sur la « contribution«  _ à des échanges de réciprocité et mutualité, éventuellement _ qui met en valeur la singularité _ réelle et « vraie« , elle : mais bel et bien « à constituer«  dynamiquement, « découvrir« , « faire émerger«  en des actes, en des œuvres effectivement réalisées ; pas avant ! _ de l’individu _ ou plutôt de la personne _ dans un modèle collaboratif, c’est à dire intrinsèquement social _ avec des exemples désormais connus tel Wikipédia, le monde open source et le modèle des creative commons, ce qui constitue le vrai sujet de ce que l’on appellera non pas l’économie créative, mais la « société contributive« .

L’absence totale de vision et de compréhension de ces enjeux _ au profit de l’abandon à la « main aveugle » du marché, livré seulement à l’alea du jeu de ses forces… _ est l’un des nombreux facteurs d’échec _ actuel _ de l’Union européenne. Celle-ci ne vivra, c’est à dire qu’elle ne saura unir _ voilà _ les pays et les populations qui la composent, que le jour où elle prouvera _ aux Européens citoyens : la chose est encore bien difficile à faire advenir… qui, seulement, la veut ?.. _ qu’elle a une vision d’avenir. Cette « année de l’innovation et de la créativité » aurait dû être consacrée à orienter _ car tel est là le pouvoir du politique _ le processus de numérisation en cours, qui affecte toutes les dimensions de la vie psychique et sociale, vers la mise en œuvre d’une nouvelle politique industrielle, mettant la culture et l’esprit _ actifs _ au cœur de son déploiement, comme « économie de la contribution« , contre le consumérisme, et en premier lieu, contre le consumérisme _ dit, bien improprement : c’est une tromperie considérable ! Cf Michel Deguy… _ « culturel » _ afin d’inventer un nouvel âge industriel fondé sur l’économie d’une valeur plus précieuse que toute autre : l’intelligence, au sens où le XVIIIème siècle la met au fondement de la sociabilité sous toutes ses formes, sensibles aussi bien qu’intellectives _ à l’inverse de la crétinisation, donc…

Il n’en aura rien été _ cette année 2009-ci, du moins… Et c’est pourquoi le monde culturel européen _ en l’espèce des personnes le « constituant«  par leur activité vraiment « œuvrante«  (et pas par les à-côté people !..)… _ ne se sera pas plus _ activement _ mobilisé que les peuples de l’Union dans l’exercice démocratique _ de « votation », lui… _ qui leur était proposé. Il n’est cependant jamais trop tard _ ah ! l’Histoire n’est pas à sens unique… C’est pourquoi nous appelons _ voici… _ les artistes, les écrivains, les penseurs et les scientifiques de toute l’Europe à se mobiliser en se rassemblant à Bruxelles avant la fin de cette année pour que la culture soit _ enfin !

… 

on connaît la « pensée » (apocryphe ! seulement… : il s’agit d’un désormais célèbre hoax !) que Hélène Ahrweiler prêta, au conditionnel de l’idéel, seulement, donc, à Jean Monnet : « si c’était à refaire, je commencerais par la culture… » ; mais l’Histoire ne se refait pas !!! : « Si c’était à refaire, je commencerais par la culture, pourrait s’écrier Jean Monnet s’il revenait parmi nous« , s’était précisément exprimée madame Ahrweiler, en un discours public pour une cérémonie d’ouverture des « États généraux des Etudiants Européens« , dans la décennie 80… : on mesure excellemment là toute la fonction, en toutes ses ambivalences, justement, de l’« idéal«  ;

fonction (et ambivalences) à laquelle (et auxquelles) vient de consacrer une très significative étude François Jullien : « L’Invention de l’idéal et le destin de l’Europe » ; en confrontation avec le « penser«  dynamisant chinois

(cf du même François Jullien le récent aussi « Les Transformations silencieuses«  ; ainsi que « La Propension des choses : pour une histoire de l’efficacité en Chine« )_

pour que la culture soit mise _ réellement ; grâce à des décisions d’engagement économique des Politiques _ au cœur du projet de l’Union européenne de demain, et au service d’une renaissance _ « concept » parfaitement analysé et commenté, à excellent escient, par Heinz Wismann lors de sa propre intervention au Conseil Régional d’Aquitaine, vendredi dernier 23 octobre, au matin _ de la société industrielle _ dont l’Europe des Lumières fut le berceau  historique.

Bernard Stiegler

Mario Vargas Llosa et la « cité perverse » selon Dany-Robert Dufour

18oct

Comme pour illustrer l’analyse que l’excellent Dany-Robert Dufour,

l’auteur de « L’Art de réduire les têtes _ sur la nouvelle servitude de l’homme libéré, à l’ère du capitalisme total« , en 2003, « On achève bien les hommes _ de quelques considérations actuelles et futures de la mort de Dieu« , en 2005 et « Le Divin marché _ la révolution culturelle libérale« , en 2007 _ tous d’excellente lucidité _,

propose ce mois d’octobre-ci, 2009, avec « La Cité perverse _ libéralisme et pornographie«  (chez son éditeur Denoël) _ dont s’impose l’urgence, et pas rien que médiatico-circonstancielle (sur ce terrain, un clou chassant très vite l’autre : « tournez-manèges !« …), de la lecture !

voici, ce dimanche 18 octobre 2009, un article fort intéressant _ sur un regard autre que franco-français, en quelque sorte ; même s’il n’est pas non plus du point de vue « de Sirius« _ de Mario Vargas Llosa _ l’auteur de « La Ville et les chiens« , en 1963, et de « La Maison verte« , en 1966 ; ainsi que de « Conversation dans la cathédrale« , en 1969… _, en « tribune libre » de El Pais :

« Desafueros de la libido« ,

avec pour sous titre »Los casos del cineasta Roman Polanski, el ministro de Cultura francés, Frédéric Mitterrand, y el primer ministro italiano, Silvio Berlusconi, nos muestran el eclipse de toda moral« …

Le voici en espagnol :

« El cineasta Roman Polanski fue detenido en Zúrich, durante un Festival de Cine que le rendía un homenaje, por la policía suiza, a pedido de la justicia de Estados Unidos, debido a una violación cometida en 1977 (hace 32 años) en Hollywood, delito que el propio Polanski reconoció, antes de fugarse de California en pleno proceso cuando el tribunal que lo juzgaba aún no había pronunciado sentencia. Ahora, mientras espera que Suiza decida si acepta el pedido de extradición, se multiplican las protestas de cineastas, actores, actrices, intelectuales y escritores de Europa y América por el « atropello« , exigiendo su liberación. La moral de la historia es clara : emboscar, emborrachar, drogar y violar a una niña de 13 años, que es lo que hizo Polanski con su víctima, Samantha Geimer, a la que atrajo a la casa deshabitada de Jack Nicholson con el pretexto de fotografiarla, es tolerable si quien comete el desafuero no es un hombrecillo del montón sino un creador de probado talento (Polanski lo es, sin la menor duda).

Uno de los defensores más ruidosos del cineasta polaco-francés (tiene ambas nacionalidades _ Roman Polanski est né Raymond Roman Liebling le 18 août 1933 à Paris, de parents polonais immigrés) ha sido el ministro de Cultura de Francia, señor Frédéric Mitterrand, sobrino del presidente François Mitterrand y ex socialista _ appréciation qui est à nuancer : seulement « radical de gauche« , il y a un certain temps ; pour ne pas dire un temps certain _ que abandonó las filas de este partido _ non ! lui-même semble nier avoir été jamais encarté au parti socialiste…  _ cuando el presidente Nicolas Sarkozy lo llamó a formar parte de su Gobierno _ Frédéric Mitterrand avait déjà accepté sa nomination par le Président Sarkozy à la tête de la prestigieuse Villa Médicis, à Rome… De même, il avait fait savoir son vote en faveur de Jacques Chirac aux élections présidentielles de 1995 ; son oncle François Mitterrand étant encore de ce monde… No sospechaba el ministro que poco después de formular aquella enérgica protesta se vería en el corazón de una tormenta mediática parecida a la del realizador de « El cuchillo en el agua » _ « Le Couteau dans l’eau« , co-écrit avec Jerzy Skolimowski, et son premier long métrage, en 1962 _ y  » El pianista » _ « Le Pianiste« , « Palme d’or«  au festival de Cannes, en 2002.

En efecto, hace pocos días, la hija del líder del Front Nacional, Jean Marie Le Pen, Marine Le Pen, inició una ofensiva política contra el ministro Mitterrand, recordando que en 2005 éste publicó un libro autobiográfico, « La Mauvaise vie«  (« La mala vida« ), en el que confesaba haber viajado a Tailandia en pos de los chicos jóvenes de los prostíbulos de Patpong, en Bangkok. La confesión, muy explícita, venía adornada de consideraciones inquietantes, por decir lo menos, sobre los efectos turbadores que la industria sexual de adolescentes en el país asiático provocaba en el autor: « Todo ese ritual de feria de efebos, de mercado de esclavos, me excita enormemente« . La hija del líder ultra francés, y algunos diputados socialistas _ Benoît Hamon, Manuel Valls, Arnaud Montebourg, etc... _, unidos por una vez con este motivo, se preguntaban si era adecuado que fuera « ministro de Cultura » de Francia alguien que, con su conducta, desmentía de manera categórica los declarados empeños del Gobierno francés por erradicar de Europa el « turismo sexual » hacia los países del Tercer Mundo como Tailandia donde la prostitución infantil, una verdadera plaga, golpea de manera inmisericorde sobre todo a los pobres.

El ministro Mitterrand, sin dejarse arredrar por lo que él y sus defensores consideran una conjura de la extrema derecha fascista y un puñado de resentidos del Partido Socialista, compareció en la hora punta de la Televisión Francesa. Explicó que « había cometido un error, no un delito » y que, naturalmente, no pensaba renunciar porque « recibir barro de la ultraderecha es un honor« . Aseguró que no practica la pedofilia y que los chicos tailandeses de cuyos servicios sexuales disfrutó ya no eran niños. « ¿Y cómo sabía usted, señor ministro, que no eran menores de edad?« , le preguntó la entrevistadora. Desconcertado, el señor Frédéric Mitterrand optó por explicar a los televidentes la diferencia semántica entre »homosexualidad » y « pedofilia« .

La defensa que han hecho políticos e intelectuales franceses del ministro de Cultura se parece mucho a la que ha cerrado filas detrás de Polanski, y hermana también, cosa significativa, como a los críticos, a gente de la derecha y la izquierda. Se recuerda que, cuando el libro salió, el propio presidente Sarkozy alabó la franqueza con que el señor Mitterrand exponía a la luz pública los caprichos de su libido, y afirmó: « Es un libro valiente y escrito con talento« . Con todo este chisporroteo periodístico en torno a él, es seguro que « La Mauvaise vie » (« La mala vida« ) se convertirá pronto en un best-seller _ certes… Tal vez no obtenga el « Prix Goncourt« , pero quién puede poner en duda que lo leerán hasta las piedras _ bel hispanisme ! Nadie parece haberse preguntado, en todo este trajín dialéctico, qué pensarían en Francia de un ministro tailandés que confesara su predilección por los adolescentes franceses a los que vendría a sodomizar (o a ser sodomizado por ellos) de vez en cuando en las calles y antros pecaminosos de la Ciudad Luz _ Paris. Moral de la historia : está bien practicar la pedofilia y fantasías equivalentes _ à mieux élucider, tout de même ! _ siempre que se trate de un escritor franco y talentoso y los chicos en cuestión sean exóticos y subdesarrollados _ soient à peu près les arguments (mais tus, non signifiés à lui noir sur blanc) qui ont probablement valu son exclusion d’antenne (de « collaborateur régulier« , tout du moins) de France-Culture (de l’émission de Philippe Meyer « L’Esprit public« ) à Yves Michaud, il y a dix jours : le lendemain, ce dernier réitéra son « appréciation«  des faits de l’affaire de droit « Polanski«  au micro de Nicolas Demorand, face à Alain Finkielkraut, lors du 7-10 de France-Inter, le vendredi 9 octobre : chacun peut en juger sur pièces…

Comparado con el cineasta Polanski y el ministro Mitterrand, el primer ministro de Italia, Silvio Berlusconi, es, en materia sexual, un ortodoxo y un patriota. A él lo que le gusta, tratándose de la cama, son las mujeres hechas y derechas y sus compatriotas, es decir, que sean italianas. Él ha hecho algo que de alguna manera lo emparienta con los 12 Césares de la decadencia y sus extravagancias descritas por Suetonio _ en sa « Vies des douze Césars«  _ : llenar de profesionales del sexo no sólo su suntuosa residencia de Cerdeña llamada « Villa Certosa » sino, también, el Palacio que es la residencia oficial de la jefatura de Gobierno, en Roma _ le Palazzo Chigi, piazza Colonna ; à moins que ce ne soit sa résidence privée à Rome, le Palazzo Grazioli, via del Plebiscito… Los entreveros sexuales colectivos y seudo paganos que propicia han dado la vuelta al mundo gracias al fotógrafo Antonello Zappadu _ en janvier 2009 _, que los documentó y vendió por doquier. Al estadista le gustaba disfrutar en compañía y en una de esas extraordinarias fotografías de « Villa Certosa » ha quedado inmortalizado el ex primer ministro checo, Mirek Topolanek _ du parti ODS, le principal parti de la droite tchèque ; le 24 mars 2009, son gouvernement est renversé par une motion de censure ; et cède la place le 8 mai à un gouvernement intérimaire dirigé par le social-démocrate Jan Fischer, du principal parti de centre-gauche… _, quien, de visita en Italia, fue invitado por su anfitrión a una de aquellas bacanales, donde aparece dando un salto simiesco, desnudo como un pez y con sus atributos viriles en furibundo estado de erección (¿lanzaba al mismo tiempo el alarido de Tarzán?), entre dos ninfas, también en cueros. ¿La moraleja en este caso? Que si usted es uno de los hombres más ricos de Italia, dueño de un imperio mediático, y un político que ha ganado tres elecciones con mayorías inequívocas, puede darse el lujo de hacer lo que a sus gónadas les dé la reverendísima gana

_ à confronter aux expressions de la « quatrième de couverture » de « La Cité perverse _ libéralisme et pornographie » de Dany-Robert Dufour : « Pornographie, égotisme, contestation de toute loi, acceptation du darwinisme social, instrumentalisation de l’autre : notre monde est devenu sadien. Il célèbre désormais l’alliance d’Adam Smith et du marquis de Sade. A l’ancien ordre moral qui commandait à chacun de commander ses pulsions, s’est substitué un nouvel ordre incitant à les exhiber, quelles qu’en soient les conséquences« , annonce ainsi Dany-Robert Dufour

Hablar de escándalo en estos tres casos sería impropio. Sólo hay escándalo cuando existe un sistema moral vulnerado por el hecho _ le concept crucial ! en ces diverses polémiques _ escandaloso. Eso es lo que subleva a toda o parte de la sociedad. Lo que vemos, en estos episodios, es más bien el eclipse de toda moral _ voilà ! _, simples espectáculos _ eh oui ! devant les caméras… _, utilizados, por quienes los defienden o los condenan, no en nombre de principios y valores sobre los que existiría alguna forma de consenso social _ qui « s’effrite«  _, sino de intereses políticos _ brutement pragmatiques _, reflejos condicionados ideológicos _ avec de moins en moins le temps de réfléchir, questionner _, frivolidad _ dangereuse en proportion de ses effets séducteurs _ y una chismografía mediática que los redime de toda connotación ética _ voilà le tour de passe-passe _ y los convierte en diversión _ doublement gagnante par ce qu’elle montre autant que par ce qu’elle cache _ para el gran público _ c’est moi, bien sûr, qui souligne… Para la cultura imperante, sólo es lícito condenarlos desde un punto de vista estético y sostener, sin caer en el ridículo, que es una vulgaridad violar niñas, ir a Tailandia como hace la plebe a alquilar muchachos y contratar hetairas para las fiestas palaciegas ¡y luego hacerlas candidatas al Parlamento Europeo! Todo eso revela _ seulement _ mal gusto _ mais tous les goûts ne sont-ils pas, n’est-ce pas, dans la nature ?.. _, una imaginación sexual burda y cochambrosa _ et pas davantage…

La generación a la que pertenezco _ Mario Vargas Llosa est né le 28 mars 1936 à Arequipa, au Pérou : il a donc soixante-treize ans _ dio varias batallas : por la revolución, el comunismo, la emancipación de la mujer, la libertad religiosa y la libertad sexual. Parecía que, habiendo perdido todas las otras, por lo menos en Occidente habíamos ganado esta última. Episodios como los que resumo en esta nota muestran que creer semejante cosa es una ilusión. ¿Qué clase de libertad sexual hay detrás de las villanías de este trío? Abusar de una niña de 13 años, gozar con adolescentes que son esclavos sexuales por culpa del hambre y la violencia y convertir en un burdel el poder al que se ha llegado mediante el voto de millones de ingenuos, son acciones que hacen escarnio de la libertad que precisamente clama porque en la vida sexual desaparezca esa relación de amo y esclavo que, en estos tres casos, se manifiesta de manera flagrante. La libertad sexual es en ellos una patente de corso que permite a quienes tienen fama, dinero o poder, materializar de manera impune sus deseos _ tout simplement « pervers« , les qualifie, après Freud et la psychiatrie classique, Dany-Robert Dufour _ degradando _ sadiquement (ou masochistement : relire Freud ; ou le « Vocabulaire de la psychanalyse«  de Laplanche et Pontalis… _ a los más débiles. Apuesto mi cabeza que los tres héroes de estas historias reprobaron escandalizados las violaciones y abusos sexuales de niños en los colegios religiosos que han llevado al borde de la ruina a la Iglesia Católica en países como Estados Unidos e Irlanda, por las sumas enormes con que han debido compensar a las víctimas. Ni ellos ni sus defensores parecen conscientes de que sus proezas son todavía menos excusables que las de los curas pedófilos por la posición de privilegio que tienen y de la que abusaron, envileciendo _ en effet : car la liberté n’est certes pas la licence ; relire dans « Gorgias » de Platon les raisons de Socrate face à Calliclès !.. _ con sus actos la noción misma de libertad. Cuánta razón tenía Georges Bataille cuando _ cf « L’Érotisme«  _ pronosticaba que la supuesta sociedad « permisiva » serviría para acabar con el erotismo pero no con la brutalidad sexual. »


A méditer par tout un chacun !


Titus Curiosus, ce 18 octobre 2009

Post-scriptum :

sur l’exhibitionnisme (et ses actuelles instrumentalisations !),

lire l’excellent « La Privation de l’intime » de Michaël Foessel ; 

cf mon article du 11 novembre 2008 sur cette « pulvérisation maintenant de l’intime _ une menace envers la démocratie« …

L’acuité philosophique d’Yves Michaud sur de vils mésusages du mot « mérite » : la lanterne du philosophe versus le trouble cynique des baudruches idéologiques

10oct

Mardi 13 octobre prochain, à 18 heures, Yves Michaud sera présent dans les salons Albert-Mollat pour présenter au public bordelais son lucidissime « Qu’est-ce que le mérite ?« , qui vient de paraître aux Éditions Bourin…

La « quatrième de couverture«  de ce brillant petit livre de 300 pages annonce la couleur _ ou la teneur générale _ de l’ouvrage :


« Le mérite, le travail, l’effort ont fait retour dans le discours politique et dans l’opinion.

Il faut mériter son salaire ou sa promotion ; les rémunérations doivent être fixées au mérite ; et l’on promet aux élèves méritants des décorations sur le modèle des croix d’honneur du passé.

Mais ce retour _ dans le discours politique et l’opinion _ est bizarre _ remarque, et c’est le point de départ de son enquête de « démasquage«  _ Yves Michaud : « démasquage«  du cynisme de l’idéologie, inversement proportionnel, lui, à la dose de naïveté !..

Non seulement il se produit au milieu de revendications égalitaires toujours fortes _ parmi les citoyens des États de régime « démocratique«  tout au moins ; mais la démocratie est bien en (assez) sévère « crise« , semble-t-il ; dont participe, encore, cette même idéologie _,

mais c’est aussi un drôle de mérite _ nous y voilà ! _ qui revient _ après quelques années de mise en « sommeil«  au magasin des accessoires usagés, dépareillés…

Pas question _ cette fois « moderne« -ci ! ah ! la « modernité«  ! face à la ringardise, elle a « figure«  bien avenante !.. :

bien des « figures«  se sont mises en place, en effet, dans le monde au moment (seconde moitié, louis-quatorzième, du XVIIème siècle : la France allait donner alors, et pour un moment, le ton en Europe, juste avant l’heure, le siècle suivant, de l’Angleterre marchande… ; cf le « Tirez les premiers, Messieurs les Anglais…« , à Fontenoy ; en 1745…) ;

au moment de la « Querelle des Anciens et des Modernes » : et ce sont les Modernes qui ne vont pas tarder à l’emporter au siècle suivant, dit, lui, « des Lumières«  _


Pas question, donc, de valeur morale, d’accomplissements humains, de bonnes actions _ d’« œuvres« _, de vertu _ comme cela avait été le cas au Moyen-Age théologique et au XVIIème siècle aristocratique.

On parle _ en ces discours tenus par tout un chacun, ou presque, et (largement) amplifiés (surtout) par les médias : ils ont fonction, ceux-là, entre « fait«  et « droit » (il y a de l’espace, où « pousser » quelques « coins » (d’« avantages« ), tant qu’on y est…), de « légitimation«  : c’est là la fonction (bien pragmatique !) de l’« idéologie«  _


on parle
, donc, de travail, d’efforts _ et surtout de rémunérations _ ce sont elles qu’il s’agit en effet de « justifier » (dans l’opinion) comme on ne peut plus « normales » :

là-dessus, lire les si remarquables articles de Paul Krugman, dans le New-York Times (et repris dans El Pais, en espagnol) :

j’y ai consacré cet automne quelques uns de mes propres articles, sur ce blog, au moment des élections américaines, et des espoirs suscités par l’élection de Barack Obama :

« avis d’expert« , le 8 octobre 2008 ;

« de la crise ; et du « naufrage intellectuel » à l’ère de la « rapacité »« , toujours ce 8 octobre ;

et « sur le réel et le sérieux« , le 8 novembre 2008… _

Le mérite semble _ la nuance, le doute, sinon la (re-)mise en cause, est d’importance !.. _ une sorte _ un dangereux « simili«  ! rien qu’une une contrefaçon !.. _ de droit

_ à faire reconnaître (et avaliser !) dans les mœurs (et des lois !) : par élections (démocratiques) tout particulièrement ! et en priorité ! Vox populi = vox Dei !!!

Grâce, tout particulièrement, à la très bienvenue « légalisation«  de « lois«  on ne peut plus effectives votées alors par la (on ne peut plus « légale« ) « majorité parlementaire«  :

cf, par exemple, l’éclairage presque aveuglant (!) de la situation actuelle, ces jours-ci,

après le rejet du « Lodo Alfano«  (cf cet article-ci de La Repubblica « La Consulta: lodo Alfano illegittimo« , le 7 octobre),

de l’Italie de Berlusconi… _

Le mérite semble _ bien dangereusement hélas pour le droit ! que devient-il entre les tripatouillages de ces faiseurs de lois ?! _ une sorte de droit à

récompense financière _ en tout cas quelque chose qui doit _ très (et rien que) pragmatiquement ! _ payer. » Yves Michaud.

C’est pour comprendre le sens réel _ = véritable : à rebours des paillettes aveuglantes (et régnantes de fait !) de l’idéologie ! _ du mot « mérite »,

ce qu’il cache et ce qu’il révèle _ voilà le passionnant résultat de ce très incisif travail d’élucidation d’Yves Michaud en ce « Qu’est-ce que le mérite ?«  _,

qu’Yves Michaud a écrit ce texte,

réflexion profonde

_ en effet ; entre autres grâce au très nourricier apport de ses tenants

(autant les références théologiques premières : saint Augustin, saint Thomas d’Aquin, saint Ignace de Loyola, le cardinal Bellarmin ; et aussi Luther et Calvin ;

que l’œuvre des moralistes classiques : La Rochefoucauld, La Bruyère)

et aboutissants

(le passionnant travail d’élucidation des philosophes contemporains, notamment, ou au tout premier chef, anglo-saxons : à commencer par John Rawls ; et, surtout, le prix Nobel d’Économie 1998, Amartya Sen, auquel sont consacrées de très judicieuses pages ;

mais bien d’autres aussi : Anthony Giddens, Harry G. Frankfurt, Peter Frederick Strawson, Bernard Williams, Michaël Walzer, Marc Fleurbaey, Alan Dworkin, Albert Hirschman, Judith N. Shklar, Thomas Nagel, Robert Nozick, Susan Hurley, Brian Barry, Gary S. Becker) !.. _

sur quelques aspects essentiels autant qu’étranges de la société contemporaine : primes, vanités, people, VIP, Rolex…« 

En une brève « Note sur les références«  (sous-titrée « Good bye Saint Thomas ?« ), Yves Michaud remarque en ouverture de son travail (pages 11 et 12 de son livre), l’absence du concept de « mérite«  dans la plupart des « Dictionnaires«  (tel, par exemple, celui de Monique Canto, en 1996 : « Dictionnaire d’éthique et de philosophie morale« …) et « Vocabulaires«  (tel, par exemple, celui de Barbara Cassin, en 2004 : « Vocabulaire européen des philosophies« ) philosophiques ; ou de théologie (tel, par exemple, celui de Jean-Yves Lacoste, en 1998 : « Dictionnaire critique de théologie« )…

La bibliographie de départ d’Yves Michaud concerne donc, malheureusement, le seul « monde anglo-américain«  : « What Do We Deserve ? : A Reader on Justice and Desert« , de L. P. Pojman et O. McLeod (OUP 1998) et « Equality, Selected Readings« , du même L. P. Pojman, avec R. Westmoreland (OUP 1997)…


Yves Michaud ajoutant, page 12 :

« L’entrée « Desert » du « Stanford Encyclopedia of Philosophy«  sur le web htttp://plato. stanford.edu/entries/desert/ rédigée  par O. McLeod en 2008, donne une bibliographie assez riche en langue anglaise qui permettra à ceux qui le souhaitent d’aller plus loin« .

Dont acte (et merci ! pour les plus curieux)…

En passant en revue, ce matin, la presse nationale et internationale, sur le Net,

je tombe sur ceci, qui retient mon attention :

« Il n’y a pas si longtemps encore _ un passé qui, quatre-vingts ans plus tard, semble, décidément, s’être éloigné de plus en plus vite _,

un homme digne d’admiration _ voilà ! la « dignité de » en lieu et place du « mérite à » !.. _ était

un être dont le courage est un courage moral _ et pas seulement une entreprise pragmatique _,

la force une force de conviction _ effective : à rebours des seules persuasion et croyance… _,

la fermeté celle du cœur et de la vertu _ vraie :

les pages d’Yves Michaud sur les « fondements » de la vertu, parmi la foule des déterminations génétiques, ainsi que le « jeu«  social (et le renouveau actuel de la vogue des « jeux« ), sont passionnantes ; cf sa référence au livre de Ted Honderich « Êtes-vous libre ? Le problème du déterminisme« … _ ;

un être qui juge la rapidité _ celle, tout au moins, qui confond vitesse et précipitation ! _ puérile,

les feintes illicites _ = indignes _,

la mobilité et l’élan _ de simple « agitation« , ici : tout le contraire du véritable « élan«  !.. _ contraires à la dignité _ un concept fondamental, décidément, assez malmené par les temps qui courent…

Cet être, il est vrai, a fini par ne plus subsister _ tel un « vestige«  pas encore tout à fait biologiquement mort : c’était dans les décennies vingt et trente du siècle passé ; et en ce qui demeurait, dans la vieille Europe centrale, de la « kakanie«  _ que

dans le corps enseignant secondaire

et dans toute espèce de déclarations purement littéraires _ telle celle, « déclaration » (le terme est bien intéressant ! ) de Musil lui-même _ ;

c’était devenu un fantôme idéologique _ par un retournement de concept, cependant ! nous allons pouvoir le constater… ;

à moins que le « fantôme«  n’insiste à venir hanter quelques dernières mauvaises consciences ;

et ne « résiste«  ; au moins sur ce mode « d’idées« -là !.. :

sont-elles aisément tuables ? anéantissables ?..  _ ;

et la vie a dû se trouver un nouveau type de virilité » _ et de « mérite » ?.. : plus « modernes«  !!! _,

peut-on lire au très lucide, aussi, chapitre 13 de « L’Homme sans qualités » de Robert Musil,

quand le personnage d’Ulrich, qui n’en finissait pas de douter de la valeur (effective) de ses travaux scientifiques, lit quelque part ces mots : « Un cheval de course génial » :

soit un véritable coup de massue pour lui ;

comme la confirmation qu’il est décidément « un homme sans qualités« …

En cette œuvre majeure _ « L’Homme sans qualités« … _ de notre modernité (si largement kakanienne !), fruit d’une entreprise de plus de vingt ans, des années 20 du siècle passé, et interrompue à la mort brutale de Musil, en avril 1942...

J’emprunte ici cette « réflexion«  à un article suggestif de Frank Nouchi, « Le temps des « fantômes idéologiques »« , dans Le Monde en date pour l’édition papier de ce samedi 10 octobre 2009…


Que cette petite « réflexion » musilienne

_ suggérée à Franck Nouchi par l’éditrice Viviane Hamy lisant le portrait du cheval « Sea The Stars« , le crack des cracks, « né pour gagner«  écrit par Christophe Donner dans Le Monde du 7 octobre _

donne un peu à penser,

en attendant la conférence d’Yves Michaud mardi prochain, à 18 heures, dans les salons Albert-Mollat, à propos de ce brillant et tellement judicieux « Qu’est-ce que le mérite ?« ,

conférence dont j’aurai le plaisir, et l’honneur, d’assurer la fonction de modérateur…


Titus Curiosus, ce samedi 10 octobre 2009


Post-scriptum :


On pourra compléter la lecture de « Qu’est-ce que le mérite ?« 

par l’article de contribution d’Yves Michaud au n° 33 de « Philosophie Magazine«  (consacré, ce mois d’octobre-ci) au « Scandale de l’inégalité« ), aux pages 54-55 et 58-59 :

« Il faut penser l’égalité en termes de réalisation de soi«  ;

« discutant les travaux de John Rawls _ précise le sous-titre de l’article _, et, surtout, s’appuyant sur ceux d’Amartya Sen, Yves Michaud nous invite à dépasser une vision strictement économique de l’inégalité » ;

car « on oublie la liberté, la dignité, le respect de soi« …


C’est le _ très judicieux ! _ concept senyen de « capabilité » que met tout particulièrement ici en exergue Yves Michaud :

en invitant à « redonner toute sa complexité à l’idée de réalisation de soi, en comprenant que « les hommes sont divers de diverses manières », comme le dit Sen. Si vous voulez être riche comme Séguéla et avoir des Rolex, c’est un idéal qui se défend _ hum ! l’argument est, en partie du moins, assez « rhétorique«  : la « liberté«  de tels projets (de tels enrichissements) pouvant faire aussi pas mal d’ombre à d’autres (qui ne cherchent pourtant même pas à s’enrichir…)… Si vous voulez mener une vie retirée et dédiée à l’étude, c’est aussi un choix existentiel qui se défend _ portant un peu moins d’ombres à d’autres, celui-là de « choix existentiel«  Dans un cas, vous risquez d’avoir quelques problèmes de santé _ à partir du stress, peut-être… _, mais une belle Rolex. Dans l’autre, d’être un peu plus heureux et équilibré, mais plus pauvre et moins connu.

Et la tâche d’une anthropologie avancée est de tenir compte de cette complexité.

La science économique met d’ailleurs au point aujourd’hui des instruments mesurant _ ah ! la mesure ! et son « empire » ; pour ne pas dire son « impérialisme«  ; avant même Galilée, Descartes, Adam Smith… _ assez bien les inégalités de bonheur, de risque, de qualité de vie _ je pense, en France, aux travaux de Serge-Christophe Kolm _ presque toutes les publications de celui-ci sont en anglais, sauf « Bonheur Liberté, Bouddhisme profond et Modernité«  paru en 1982 aux PUF… _ ou Marc Fleurbaey » _ auteur de « Théories économiques de la justice« , aux Éditions Economica, en 1996, et « Capitalisme ou démocratie ? L’alternative du XXIème siècle« , aux Éditions Grasset, en 2006 :

peut-on ainsi lire à la page 58 du numéro 33 d’octobre 2009 de « Philosophie Magazine« 


Et le tout dernier chapitre (pages 249 à 272) de « Qu’est-ce que le mérite ? » porte précisément pour titre « Mérite et sociabilité » ;

tandis que la « conclusion«  (pages 273 à 280) s’intitule « Le Mérite et la vertu » ;

avec ces tout derniers mots, page 280 :

« Si les vertus pouvaient revivre

_ vraiment : peut-être comme au temps de la théologie, ou à celui de l’aristocratie ;

voire à celui de la « kakanie » dont se souvenait Musil ; et dont ne demeuraient plus, depuis 1919, que de « fantomatiques » vestiges dans quelques figures du « corps enseignant secondaire ; et dans toute espèce de déclarations purement littéraires« … _,

nous pourrions effectivement nous passer du mérite.

Nous n’aurions rien à _ devoir, et assez péniblement… _ mesurer.

En l’état des choses, j’ai bien peur qu’il nous faille nous en tenir à de pauvres mesures _ toujours fort approximatives !..

Encore heureux si, comme j’ai essayé de le faire comprendre, nous mesurons… leur pauvreté » : oui !..

un peu plus modestement, en quelque sorte…

Le jeu de la leçon d’humour comme « résistance » citoyenne : l’affaire marseillaise du « Sarkozy, je te vois ! » à la gare Saint-Charles

05juil

Le journal (toujours « de référence » ! ne serait-ce que par de tels articles !) « Le Monde« 

publie, ce samedi 4 juillet 2009, un passionnant « Point de vue« 

(c’est sous cette rubrique, en effet, qu’il est proposé à lire par le quotidien du soir) :

« « Sarkozy, je te vois ! » : le protagoniste de l’affaire raconte son happening citoyen«  :

narrant avec un plus que remarquable talent d’intelligence et de clarté (de la part de son « héros/victime » qui en fait le récit)

la succession assez politiquement éloquente, tout un chacun va pouvoir en juger, des « épisodes«  (à rebondissements rien moins que « politiques« , en effet),

le jour même de l' »incident » _ le mercredi 27 février 2008 _, puis seize mois durant _ le jugement vient d’être rendu ce vendredi 3 juillet 2009 : « Le juge de proximité qui présidait le tribunal de police de Marseille chargé de juger cette affaire a estimé, vendredi 3 juillet, que le « tapage injurieux diurne troublant la tranquillité d’autrui » qui était reproché à l’auteur des propos n’était pas constitué » _, en ses « suites » policiario-judiciaires,

narrant la succession des « épisodes« , donc,

de son « aventure » politico-policiario-judiciario-médiatico, et enfin philosophico-pédagogique…

« Épisodes » d’abord subis :

en « croisant« , pour commencer (à sa descente de train, de retour d’Avignon : c’était le mercredi 27 février 2008), le « contrôle » par deux policiers,

dans l’espace d’arrivée (en permanence bondé d’une foule compacte et bigarrée) de l’immense et très long Hall de la très vaste gare Saint-Charles,

d’un éventuel « sans-papier«  ;

et en y « répondant« , lui, spontanément

_ car c’est bien d’une « réponse » (= de « résistance » « citoyenne » ! à ce qui a été ressenti comme rien moins qu’une effective « menace à la démocratie« ) qu’il s’agit là !.. _,

 et dans le mouvement même de sa marche,

par une double apostrophe de son cru (« Sarkozy, je te vois !.. Sarkozy, je te vois !.. »),

ludique, humoristique,

et courageuse, à la fois :

on le mesure à la lourdeur de l’engrenage policiario-judiciaire dans lequel ce « témoin« , non passif et non-mutique (à la différence de tant d’autres des citoyens) s’est trouvé « entraîné« ,

en commençant par les heures passées par lui aussitôt après « au poste » de police…

mais aussi, pour une très notable part, fort intelligemment « réagis » et même « conduits« ,

et cela, tant sur le moment que par la suite _ nous allons le découvrir ici en son détail _

de la part de ce très remarquable « témoin-citoyen« ,

pour les espaces de manœuvre qui se sont ouverts devant lui (voire qu’il a su « ouvrir » lui-même, assez « génialement » et courageusement),

à chacun des « épisodes » survenus et affrontés,

avec un sens de la « répartie« 

et de la « réaction » opportune efficace

assez rares…

_ Ou quand le sagace et vif  « Rouletabille« , le héros actif de Gaston Leroux (cf « Le Mystère de la chambre jaune« , « Le Parfum de la dame en noir« , « Rouletabille chez le tsar« , etc… : cf le collectif en deux volumes « Les aventures extraordinaires de Rouletabille reporter »…), prend la place d’un un plus emprunté « Joseph K.« , le protagoniste tétanisé, lui, du « Château » et du « Procès » de Kafka _ en pays de « kakanie« , il est vrai ; pas en république française ! _ ;

et cela _ et surtout ! _ « dans le réel » qui lui tombe dessus ; et pas « dans la fiction » seulement…

Voici le récit _ truffé, comme à l’accoutumé sur ce blog, de mes commentaires _ qu’en donne au « Monde » le « héros-victime » de cette « affaire« 

emblématique de la situation de notre belle France eu égard à l’état présent de sa « démocratie » de fait,

Patrick Levieux,

« professeur de philosophie,

relaxé par le tribunal de police de Marseille le 3 juillet« ,

ainsi que celui-ci signe ce « témoignage-analyse des faits » donné au « Monde » :

« Je suis cet homme qui cria par deux fois « Sarkozy, je te vois ! ». Et, aujourd’hui, je suis très heureux du dénouement de cette affaire pour au moins deux raisons. D’une part, l’emballement médiatique a permis de ridiculiser la politique sécuritaire du président de la République. Nous savons tous maintenant que prononcer « Sarkozy, je te vois ! » peut nous amener devant les tribunaux. Après cet épisode, qui pourra encore contester que nos libertés individuelles ne soient sérieusement menacées par ce pouvoir ?

D’autre part, cette affaire a montré que le « storytelling« , cet art de raconter des histoires, n’est pas l’apanage des communicants des grands groupes capitalistes ou des campagnes électorales victorieuses _ ou pas : quand « règnent«  les « communiquants«  Un simple quidam peut détourner _ avec des trésors de ruse ! dans le labyrinthe des circonstances rencontrées _ le storytelling et raconter à son tour sa propre histoire _ mais c’est assez difficile, tant sont puissants les pièges à éviter et surmonter, tout de même !.. Dans son fameux livre _ « Storytelling, la machine à fabriquer des histoires et à formater des esprits » : le livre est paru le 13 novembre 2008 aux Éditions de La Découverte… _ consacré à ce sujet, l’essayiste Christian Salmon présente le storytelling comme une « machine à raconter » _ et faire croire _ qui _ on ne peut plus cyniquement _« remplace le raisonnement rationnel, bien plus efficace que toutes les imageries orwelliennes _ in l’indispensable « 1984«  _ de la société totalitaire ». L’affaire du « Sarkozy, je te vois ! » donne des raisons d’être plus optimistes, et montre que l’on peut _ aussi _ utiliser le storytelling à des fins citoyennes _ avec beaucoup d’habileté ainsi qu’un minimum de « chance« , aussi, dans l’assez impressionnant (et assez dissuasif, a priori) « jeu de piste«  de la (petite) « souris«  et des (gros) « chats«  : de la (grande) machine politico-policiario-judiciario-médiatique : a priori, on a un peu plus de chance de s’y retrouver « Joseph K.«  que « Rouletabille reporter »

Tout a commencé par un petit mensonge _ aux policiers du poste de police sur le statut social et la profession du trublion interpellé : y aurait-il eu « affaire«  sinon ?… Ce mercredi 27 février 2008, je reviens d’Avignon ; à l’époque je suis journaliste au mensuel alternatif « L’Âge de faire« . Après l’incident _ avec les policiers procédant à l’interpellation d’un suspect d’être « sans-papiers«  dans le Hall de la gare Saint-Charles _, interrogé au poste de police sur ma profession, je me présente comme étant allocataire du RMI. « Journaliste » est une profession beaucoup trop voyante. A 46 ans, un homme au RMI est forcément un pauvre gars, sans relations, fragile, impuissant, qui ne fera pas de vagues auprès de l’administration _ une « victime » née, si j’osais le commenter ainsi : un excellent « appât«  pour démarrer sinon une « affaire« , du moins une assez significative « histoire vraie«  : à « raconter«  par un journaliste ?..

Plusieurs mois après _ en 2008 encore, probablement… _, lorsque je suis à nouveau convoqué au commissariat de quartier pour être interrogé une seconde fois sur cet incident, je confirme être au RMI, même si, entre-temps, j’ai de nouveau rejoint _ à la rentrée de septembre ?.. _ l’Éducation nationale _ le statut social d’une personne n’est jamais sans conséquence pour sa « perception«  par les autres… Dans l’Éducation nationale, les syndicats sont puissants, les relais médiatiques nombreux, la procédure aurait pu alors ne pas se poursuivre _ ce qui aurait été « expérimentalement » dommage… Je voulais _ ce « jugé«  n’est certes pas passif _ rester un anonyme, dans toute la faiblesse de son état, sans passe-droit ni Rolex, et regarder la machine administrative tourner… _ voilà donc l’objet « de fond«  de l’« expérimentation«  en cours : explorer le déroulé du processus judiciario-médiatico-politique…

Lorsque, le 20 avril _ 2009 _, un huissier de justice vient me remettre la citation à comparaître devant le tribunal _ ce sera le mardi 19 mai _ pour « tapage injurieux diurne« , je suis confronté à un dilemme. Soit je comparais comme un individu lambda _ ce qui avait été la « tactique » adoptée sur le champ, puis suivie scrupuleusement jusque là… _, perdu parmi les individus que la justice ordinaire juge chaque jour : je suis condamné ou relaxé, mais l’histoire _ « expérimentale« , donc… _ s’arrête là, avant même d’avoir pu commencer. Soit je pose un acte citoyen et saisis cette occasion _ et revoici notre cher ami Kairos ! _ pour montrer _ et exposer en pleine lumière sur la scène publique (et médiatico-politique, au premier chef)… _ les dérives de la politique sécuritaire du président de la République. Il s’agira de construire une histoire qui mette en scène la figure d’un quidam, d’un sans nom et sans visage qui interpelle en le tutoyant le signifiant-maître « Sarkozy » dans une société crispée _ et en voie d’accélération de « tétanisation« , apeurée ! terrorisée elle-même… _ par le rictus sécuritaire. Mais comment construire _ très effectivement, dans les rouages mêmes, tels qu’ils fonctionnent, du réel sociétal et des institutions judiciaires et médiatiques _ cette narration ? _ voilà l’état de formulation du « problème » tel qu’il se posait ce 20 avril 2009 au justiciable et citoyen Patrick Levieux…

On le sait _ depuis les travaux de narratologie : de Victor Chklovsky, Vladimir Propp (« Morphologie du conte« ), Tzvetan Todorov, Gérard Genette (in « Figures III« ), Umberto Eco (« Lector in fabula« ), Philippe Hamon, et d’autres… _, dans toute histoire, le personnage central ne reste jamais seul _ pour « survivre » (ou « réussir« ) dans l’intrigue… Il lui faut un personnage _ adjuvant, relais et catalyseur _ qui va l’aider à poursuivre son cheminement _ vers le succès dans le réel (de l’histoire) ; isolé, il demeure impuissant et voué à l’échec ! Même si j’avais parcouru les salles de rédaction en exhibant ma convocation et le procès-verbal, l’histoire _ médiatico-politique _ ne se serait pas écrite. Un anonyme n’a pas la crédibilité _ la vérité ne suffisant pas pour apparaître avec « évidence«  « crédible«  ! et, qui plus est, circonstance affaiblissante, quand elle dérange des « puissants«  ! _ pour porter _ en effet : c’est une affaire d’« autorité« , seule « porteuse« , reconnue par l’« opinion » en place : sans cette « reconnaissance« -là (de quelques uns, « faisant » de fait cette « opinion«  régnante), rien n’accède (vérité comprise !!!) à la visibilité (et évidence !) générale (de la plupart des autres _ via Reuter ou l’AFP)... _ pour porter _ donc _une telle histoire, même s’il a été journaliste _ et par là un peu de ce « sérail« -là : ils en sait la logique implacable du fonctionnement, au moins.

Toute « histoire«  a ainsi besoin d’un porteur suffisamment « crédible » pour elle ; et cela, dans un horizon de « réception« , d’« attente« , rien moins que favorable, neutre ou objectif : assez fermé qu’il est, majoritairement, à l’exigence même de vérité, entre tant d’intérêts (= l’« utile«  !) l’emportant (sur l’« honnête« ), de loin, au quotidien des « affaires«  courantes, sur son « souci« … La vérité nécessite par là qu’on se batte beaucoup, avec passablement de courage, mais aussi avec bien de tact, et même habileté, pour elle ! Que de vérités à jamais inconnues, car étouffées par la cruelle suffisance

_ à la Monsieur Homais (in « Madame Bovary«  de Flaubert ; cf aussi, de Flaubert, l’implacable « Dictionnaire des idées reçues«  ; en appendice à « Bouvard et Pécuchet« …) _

des opinions en place. Un beau sujet pour philosophes ; et professeurs (et élèves candidats bacheliers) de philosophie. C’est à se demander comment une telle discipline d’enseignement peut encore « exister » : en France, du moins…Est-ce là une « anomalie«  sociétale ?..

Pour _ réussir à _ continuer _ effectivement _ à écrire _ dans le réel sociétal (de 2009) _ cette histoire, il faut _ donc adjoindre _ un avocat, un orateur brillant, suffisamment alerte pour être capable d’affronter _ et surmonter _ le bruit médiatique sans être dupe _ non plus _ sur les dérives de la « société du spectacle« . C’est un ami, journaliste au quotidien « La Marseillaise » qui me trouve la perle rare : Philippe Vouland, spécialiste des questions des droits de l’homme. L’avocat est une institution _ sociétalement reconnue : elle en « impose«  _ dont on écoute _ tant judiciairement, bien sûr, que médiatiquement, aussi _ la parole, quand celle d’un anonyme est rarement entendue _ là-dessus, lire l’éloquent et très opportun « L’Invisibilité sociale » de l’ami Guillaume Le Blanc : « invisibilité«  (fruit d’une cécité) qui est plus encore une inaudibilité (fruit d’une surdité) sociale… Sans avocat, l’histoire ne serait pas écrite _ grand merci donc à lui !

L’avocat choisi, cinq jours avant l’audience du tribunal _ fixée au mardi 19 mai _, l’histoire pouvait être lancée _ le jeudi 14 mai, très exactement, donc ; et avec grand succès : cf le blog de maître Eolas, en plus de tous les grands médias nationaux _ sur la scène médiatique _ c’est l’objectif et le champ-de-bataille : il s’était de plus en plus clairement précisé… Un simple coup de fil au bureau marseillais de l’AFP _ voilà le retentisseur : formidable… _ suivi d’un courriel indiquant les coordonnées de mon avocat _ pour compléments utiles d’« information » qui soient dûment filtrés… _ suffiront à amorcer _ avec un remarquable succès, donc _ la machine _ médiatico-politique.


Dès lors se pose la délicate question de _ la préservation ou pas de _ l’anonymat _ du « témoin-victime-héros«  (de l’histoire) : le citoyen Patrick Levieux… Raconter une histoire audible _ c’est-à-dire, d’abord, digne de susciter quelque écoute que ce soit et la moindre curiosité : au lieu de la surdité générale ! _ signifie qu’il faut éviter que la narration se fragmente en autant de récits qu’il y a de journalistes _ selon le principe du « téléphone arabe » : la rumeur se diffracte… En m’exposant _ en tant que Patrick Levieux en pleine lumière _ sur un plan médiatique, l’histoire aurait pu tourner à la cacophonie _ tout se brouille et se perd. La question de la dérive sécuritaire dans notre société aurait pu laisser la place à celle plus anecdotique _ et avec « clichés« _ du _ petit _ personnage au centre de cette affaire _ et à la mise en cause suspicieuse de sa légitimité : est-ce un gauchiste ? Est-ce un provocateur ? Est-ce un personnage en quête de gloire ? C’est donc l’avocat Philippe Vouland qui affrontera _ et en le verrouillant, aussi, de toute sa compétence _ le bruit médiatique, en s’exposant _ lui seul _ devant les micros et les caméras _ en faisant écran, d’une part, à l’image (absente) de l’inculpé et, d’autre part, en préservant le mieux possible, ainsi « filtrée« , la « communication«  à diffuser des bruits parasites qui la tueraient. De mon côté, je refuse _ absolument _ d’être photographié et d’être interviewé par la télévision : même floutée, l’image continue à dire quelque chose comme la présence honteuse de quelqu’un qui se cacherait _ mieux vaut l’absence nette et carrée de l’image qu’un ambigü floutage…

L’un des ressorts du storytelling est de s’adresser à l’imaginaire collectif _ et ses clichés terriblement efficacement pénétrants. Pour cela, je laisse échapper une _ unique : on va, faméliquement, s’y précipiter _ petite précision en direction des journalistes sur ma profession, non celle qui était la mienne au moment de l’incident _ journaliste _, mais celle que j’exerce au moment où l’affaire éclate : professeur de philosophie. Et c’est ainsi que résonnent _ puissamment _, dans l’imaginaire collectif, les rapports énigmatiques entre le philosophe _ avec son aura d’idéalisme, de vérité (désintéressée), aussi, et de résistance, souvent, aux séductions et intimidations des pouvoirs en place… _ et les puissants avec des histoires déjà entendues _ et servant de références de « représentation«  _ où entrent en scène _ secourablement _ des personnages comme Diogène, Protagoras, Socrate…

A ce moment-là _ au mois de mai 2009 _, il s’agit de permettre à cette histoire de continuer à s’écrire _ tant institutionnellement que sociétalement, via les médias. Pour cela, il faut faciliter _ surtout quand on connait un peu, du dedans, le « sérail«  _ le travail _ de récit _ des journalistes. Un témoignage factuel _ très ciblé _ est _ alors _ envoyé au site d’information en ligne « Rue89 » ; celui-ci sera également distribué le jour de l’audience _ le mardi 19 mai, donc. Je donne _ voici la piste à suivre !.. (au-delà de l’« os à ronger« …) _ une justification : il s’agit d’« un geste pédagogique _ d’un professeur de philosophie ! _, un trait d’humour destiné à détendre l’atmosphère ». Le rire n’est ni de gauche ni de droite. L’humour doublé du geste pédagogique permet de toucher le public le plus vaste _ et d’avoir les rieurs, comme la didactique, « de son côté«  : en sympathie avec soi…

En réfléchissant _ avec le recul de seize mois supplémentaires _ à ce geste _ du 27 février 2008 _, je me demande aujourd’hui _ 3 juillet _ dans quelle mesure celui-ci n’est pas _ aussi, voire d’abord ! _ un geste artistique, un happening

_ tout à fait spontanément improvisé (et comme éventuel déclencheur, ludique, de « suites«  : « pour voir«  et « s’amuser » : « galéjer« …), en débarquant, ce 27 février, d’Avignon,

c’est-à-dire la ville du grand Festival de théâtre (celui-là même où le 28 juillet 1968, le « Living Theatre » de Julian Beck et Judith Malina se vit signifier l’interdiction municipale et préfectorale de jouer sa pièce-happening « Paradise Now« ) ;

en débarquant d’Avignon, donc,

dans le Hall bondé, remuant et passablement bruissant de la gare Saint-Charles ; cette gare Saint-Charles elle-même sise sur « les hauts« , assez ventés, de la ville de « Marius« , « Fanny« , « César« , et autres marseillais immortalisés de par le monde entier par le verbe « haut-en-couleurs« , lui-même, de Pagnol : ne voilà-t-il pas là une situation « guignolesque«  inspirant tout particulièrement et le jeu et le verbe d’un philosophe-et-journaliste « citoyen«  ?..

Le storytelling citoyen serait-il _ alors _ la dernière invention que les citoyens anonymes pourraient s’approprier _ théâtralement, artistiquement ! _ pour dénoncer ce que Voltaire _ assez théâtral lui-même : cf mon article du 28 octobre 2008, à propos de « Promenades sous la lune » de Maxime Cohen : « Sous la lune : consolations des misères du temps » : Maxime Cohen y consacrant un fort intéressant chapitre, très explicitement intitulé « Éloge vengeur du théâtre de Voltaire«  (aux pages 290 à 305) à cet aspect trop méconnu selon lui (« Mérope« , « Irène« , « Mahomet« , etc…) de l’œuvre d’Arouet… _ appelait en son temps « l’infâme » ? »


Patrick Levieux,

Professeur de philosophie, relaxé par le tribunal de police de Marseille le 3 juillet.

Ou le jeu de l’humour

_ en débarquant d’Avignon à Marseille _

comme leçon de « résistance » citoyenne,

en un pays dont l’hymne porte le nom de « Marseillaise« 

et où figure _ ce n’est tout de même pas rien !!! _ en préambule à la « Constitution » de la République

_ jusqu’à ce que le Congrès réuni à Versailles le « réforme« , le « modernise« , le « dé-ringardise » :

au nom du primat du désormais sacro-saint pragmatisme

et de ses servantes, les bienheureuses économies de budget ?.. _

la « Déclaration des droits de l’homme et du citoyen » de 1789…

Que voici, pour se rafraîchir _ cela fait toujours du bien ! _ la mémoire :

Article 1er : Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune.

Article 2 : Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l’oppression.

Article 3 : Le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément.

Article 4 : La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi.

Article 5 : La Loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la Société. Tout ce qui n’est pas défendu par la Loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas.

Article 6 : La Loi est l’expression de la volonté générale. Tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse. Tous les Citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents.

Article 7 : Nul homme ne peut être accusé, arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la Loi, et selon les formes qu’elle a prescrites. Ceux qui sollicitent, expédient, exécutent ou font exécuter des ordres arbitraires, doivent être punis ; mais tout citoyen appelé ou saisi en vertu de la Loi doit obéir à l’instant : il se rend coupable par la résistance.

Article 8 : La Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une Loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée.

Article 9 : Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi.

Article 10 : Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi.

Article 11 : La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre à l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi.

Article 12 : La garantie des droits de l’Homme et du Citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée.

Article 13 : Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés.

Article 14 : Tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée.

Article 15 : La Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration.

Article 16 : Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n’est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution.

Article 17 : La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité. …

Avec, encore, pour conclure, cet avis d’un ami américain :

Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre, et finit par perdre les deux.

Ainsi que ce refrain d’une chanson

_ de 1958, avec des paroles de Maurice Vidalin sur une musique de Jacques Datin _

qu’a chantée naguère Colette Renard :

« Marseille, tais-toi Marseille,

Tu cries trop fort !

Je n’entends pas claquer

les voiles dans le port !« 

Titus Curiosus, le 5 juillet 2009

Très fortes conférences d’Olivier Mongin et Bernard Stiegler à propos de ce qu’est « faire monde », à l’excellent Festival « Philosophia » de Saint-Emilion

31mai

Avant de me mettre au travail, ce matin (du 31 mai 2009),

ce courriel à mes amis en Provence (la galeriste) Michèle Cohen, à Aix, et (le photographe) Bernard Plossu, à La Ciotat,

en pensant au vernissage de l’exposition de Bernard Plossu « French Cubism _ hommage à Paul Strand« , à la NonMaison, que dirige Michèle Cohen à Aix-en-Provence :

 De :   Titus Curiosus

Objet : Alors ? + le festival « Philosophia » à Saint-Emilion
Date : 31 mai 2009 07:13:48 HAEC
À :   Bernard Plossu

Cc :   Michèle Cohen

Alors ? Ce vernissage _ à la NonMaison à Aix à 18h _ fut-il joyeux ?

Quant à moi,
je n’ai pas regretté ma balade saint-émilionnaise :
il faisait très beau
_ ce samedi après-midi du 30 mai _ ;
et le festival de « philosophie »
_ cela ne court pas les rues… _,
(probablement…) pour marquer « en hauteur » le classement du « paysage viticole » du « pays » de Saint-Émilion au « Patrimoine mondial de l’humanité » (de l’Unesco)
avait choisi pour thème : « monde« , « mondialisation » et « universalité« …


Les conférences d’Olivier Mongin, le directeur d’Esprit (nous nous connaissons : la Société de Philosophie de Bordeaux,
dont je suis un membre _ un peu _ actif du bureau, l’avait reçu il y a quelques années _ c’était le 15 mars 2001, au CAPC _ ; et il se souvenait de moi),
et de mon ami Bernard Stiegler _ je l’avais moi-même reçu pour la « Société de Philosophie«  le 18 novembre 2004, dans les salons Albert Mollat _
furent brillantes _ et même brillantissimes ! _ :
à la fois d’un très haut niveau de pensée
_ sur ce qu’il faut essayer de penser de la « mondialisation » et de la « crise«  (de « civilisation » !) : rien ne vaut les philosophes pour aider la lucidité !!! _
et à la portée d’un public pas nécessairement spécialiste des concepts (les plus pointus)

Je vais écrire un article

et sur ces 2 conférences
et sur le « concept » même
_ très remarquable (comme sa « réalisation« , par Éric Le Collen) _ de ce « Festival » de philosophie : une grande réussite,
qui attire beaucoup de monde dans cette ville d’art
(comme Aix, même si plus petite de taille ; et dépourvue d’université : l’université est à Bordeaux…) qu’est Saint-Émilion (qui a l’atout _ extraordinaire ! _ de son merveilleux vin ; et tout à côté, il y a aussi Pomerol !)

En « photo« ,
« Hôtel » n’est pas encore sur les étals des librairies à Bordeaux
_ en tout cas pas au rayon « Beaux-Arts » et au nom de Plossu (où je le cherche !), à la librairie Mollat…

J’ai acheté le très intéressant _ et c’est un euphémisme ! passionnant, devrais-je plutôt dire ! _ « Controverses _ une histoire juridique et éthique de la photographie« ,
paru chez Actes-Sud, par Daniel Girardin et Christian Pirker _ et le Musée de l’Elysée à Lausanne…

En attendant vos échos du vernissage à la NonMaison,

je vous embrasse,

Titus

Après une première conférence non philosophique

_ j’avais préféré aller écouter Carmen Añón Féliu, paysagiste et expert évaluateur du « Comité du Patrimoine Mondial » de l’Humanité (de l’Unesco : elle avait participé à la décision de l’inscription de Saint-Émilion sur la liste de ce prestigieux label) _ sur le sujet le « Patrimoine mondial, une valeur universelle ?« ,

plutôt que le philosophe Pierre-Henri Tavoillot sur le sujet de « Une leçon particulière sur l’universel : les Lumières » _,

dont la teneur, certes non in-intéressante, m’a tout de même parue un peu « courte« , tant de contenu de questionnement que d’apport de « faits » ou de « critères » ;

la conférence d’Olivier Mongin a comblé, a contrario, mon appétit de perspectives fouillées perspicaces, concrètes tout autant qu’audacieuses ;

sur le sujet de « Mondialisation et reconfiguration des territoires« , c’est aussi le professeur à l’Université Nationale du Paysage, de Versailles, que nous avons pu entendre, à partir, notamment, d’une très riche (philosophiquement) et large (géographiquement) expérience, dont témoigne le livre « La Condition urbaine : la ville à l’heure de la mondialisation« …

Olivier Mongin met en avant la difficulté que peuvent présentement connaître les « territoires«  (relativement statiques ; même si le mot d' »espace » contient aussi la racine « spes« , l’espoir…) ; et avec eux (= ces « territoires« ), en conséquence, l' »habiter » des hommes, face à l’extraordinaire puissance des « flux » (et leurs « liquidités« ) sur lesquels « fonctionne » l’économie post-moderne mondialisée, désormais…


Ainsi Olivier Mongin cite-t-il un auteur américain mettant en avant « ce » que « le mur » tant « protège«  (en l’isolant de l’altérité d’un dehors) qu' »exclut » et « met en danger«  (en l’exposant à toutes forces hostiles), dans la logique (urbaine) des « malls«  (mais pas seulement ceux du « vendre« , bien connus dorénavant de par le monde _ avec partout les mêmes « enseignes« , vendant et répandant partout les sempiternelles mêmes « marques » _ : ceux, aussi, des « quartiers hautement surveillés et protégés« , en expansion continue de par la planète !), on ne peut plus vectoriellement…

Ce qui m’a personnellement rappelé la perspective distincte de (l’européen) Georg Simmel en son si bel article « Porte et pont » (in « Les Grandes villes et la vie de l’esprit« , par exemple ; ou encore in « Philosophie de la modernité« ) ; à laquelle s’oppose le raisonnement en « ami ou ennemi » d’un autre européen, mais pas du même bord philosophique, Carl Schmitt…

Olivier Mongin a aussi cité, à propos d’une « ville globale » argentine _ hermétiquement coupée de son voisinage, mais parfaitement connectée à toutes les autres « villes globales » du globe… _, Saskia Sassen (« La Globalisation : une sociologie« ), à laquelle j’ai consacré un précédent récent article (le 21 avril 2009 : « Du devenir des villes, dans la “globalisation”, et de leur poésie : Saskia Sassen« )…

Bref, la ville doit « composer » _ et harmonieusement, si possible : elle est fondamentalement un dispositif de « rencontres« , de « réunions », de « cohabitations« … _ des forces diverses, dans un espace (« urbain« ) relativement identifiable ; selon la logique de la « polis«  : le terme dérive, héraclitéennement, de « polemon« , le conflit…

Et « se reconfigurer » aussi…

Bref, les questions de fond concernent  le « co-habiter« , le « vivre ensemble » ; avec ses circuits divers, ses cercles, ses parcours (de « flux« , déjà : la rue…) en mouvements incessants ; d’où le caractère crucial et plus que jamais « actuel » des enjeux de la démocratie (qui soit « véritable » !) ; qu’Olivier Mongin a très clairement pointés..

Les évocations par Olivier Mongin des mégapoles, telle Kinshasa _ avec un « habiter » totalement oxymorique… _, ou de la « ville globale » (à la Saskia Sassen…), telle celle qui jouxte Buenos Aires,

gagneront à êtres comparées aux regards et analyses de Régine Robin dans son très beau « Mégapolis » _ cf mon article du 16 février 2009 : « Aimer les villes-monstres (New-York, Los Angeles, Tokyo, Buenos Aires, Londres); ou vers la fin de la flânerie, selon Régine Robin« … ;

qui m’a valu cette réponse de Régine Robin, en date du 18 mars, et sous l’intitulé « votre beau texte » :

Nicole Lapierre m’a fait suivre votre blog consacré à mon livre. Il est très beau, très poétique. J’en suis très émue et heureuse.
Restons en contact.
Très amicalement et poétiquement.
Régine Robin.

Cela fait plaisir…

Quant à l’ami Bernard Stiegler,

sa prestation _ sur le sujet « Du marché au commerce » et dans une forme olympique ! _ fut particulièrement brillante, tant il a su amener le public (très nombreux et extrêmement attentif dans le cloitre de la collégiale par cette belle après-midi splendidement ensoleillée _ de nombreux livres furent achetés après la conférence !) à entrer dans une intelligence jubilatoire du présent (et de sa « crise« ) en pénétrant peu à peu la conceptualisation stieglérienne, à propos de ce qui sépare le « commerce » des singularités qualitatives (de « personnes » qui sont des « sujets« )  d’un « marketing » qui vise l’accélération _ spéculative financière : strictement comptable _ de l’efficacité d’un dispositif d’achat par de simples (et de plus en plus « simplets« , « crétinisés« …) « cœurs de cible«  ;

dont le fort habile neveu de Sigmund Freud, Edward Bernays, parti d’Autriche faire fortune aux Etats-Unis, rédigea en 1928 le mode d’emploi basique : « Propaganda : comment manipuler l’opinion publique« …

En lieu et place du « commerce« , par exemple, de l’amour,

dans la logique complexe et qualitative d’un parcours (plus ou moins, et peut-être infiniment, labyrinthique et long ; avec, aussi, un certain coefficient d’improbabilité ; ainsi que de l’imprévu, plein de charme !) de « désirs » échangés,

procéder par ce dit « marketing » à la mise en place _ sociétale, instituée _ de dispositifs pavloviens strictement « réflexes » de satisfaction rapide de « pulsions » (« déchargées« ) par la « consommation« ,

c’est-à-dire l’achat, payé en espèces sonnantes et trébuchantes ;

ou mieux, en leur équivalent électronique ;

de « dépense« ,

de biens et services identifiés (et « fidélisés » _ mais ce n’est pas ici une vertu… _ addictivement en « marques » :

sur l’addiction, lire Avital Ronell : « Addict : fixion et narcotextes » ;

et sur les « marques« , lire Naomi Klein : « No logo _ la tyrannie des marques« …).

Bernard Stiegler s’en prend alors plus spécifiquement à la « bêtise systémique » d’une « consommation » « crétinisée » ;

qui ne prend jamais le temps (devenu bientôt trop coûteux pour elle) d’un peu mieux évaluer,

ni d’échanger des impressions _ un « consommateur » en a-t-il jamais ? _ avec d’autres (« dépenseurs » d’argent : on se contente de « faire les comptes » !..),

en une logique (spéculative strictement comptable ! et à toute vitesse ; et parfois assez complexe…) de rendement d’intérêt (financier !) le plus « à court terme » possible installée par et en faveur d’actionnaires « spéculateurs » hyper mobiles (= les principaux bénéficiaires d’un tel « jeu » de « placements« …) ;

pas même pour le profit,

davantage « engagé« , lui, dans les arcanes du « réel » et d’un « travail » de transformation des choses (et selon de bien réels « métiers« ),

des « investisseurs » d' »entreprises« …

Bref, l’alternative de la souricière (de l’aujourd’hui sociétal de « crise« ) est bien :

_ ou bien le « choix » « réaliste » de ces valeurs « spéculatives » « irréelles » de profit pour soi du seul « marché«  (auquel poussent certains élus politiques, que Bernard Stiegler n’hésite pas, au passage et sans s’y attarder, à nommer ; dans le sillage du « There is no alternative » d’une Mrs Thatcher, à la fin des années 70 ; ou d’un « Le problème, c’est l’État » d’un Ronald Reagan au début des années 80) ;

_ ou bien la décision (généreuse : moins intéressée et égocentrée) d’un « commerce » plus « solidaire« , tant des personnes que des citoyens, de tout remettre à plat de ces échanges de soi avec les autres sur de plus saines (= vraies) bases :

où il s’agit enfin, et pour chacun, de « consister » ; en une « intimité » à d’autres non instrumentalisés, ni « jetables » après hyper rapide « consommation » (et « consumation« ) de quelques « services » « vite faits bien faits« …

C’est là situation de fait

_ cf ici l’alternative d’un Cornelius Castoriadis dès les années 50 entre un « vrai socialisme » ; et une « réelle barbarie« … (bien du chemin restant à accomplir pour le comprendre mieux…) _

que les nouvelles technologies _ de plus en plus sophistiquées et efficaces, certes ; celles du « temps-lumière » (après le « temps-carbone« …), selon les expressions du tout récent « Pour en finir avec la mécroissance » de Bernard Stiegler (avec Alain Giffard et Christian Fauré) _ proposent, de gré ou de force, aux organisations inter-humaines ;

à commencer par politiques et économiques :

ainsi Bernard Stiegler a-t-il très brièvement « remarqué« , au passage _ les cloches de la collégiale sonnant alors à toute volée et longuement par-dessus le cloître… _, qu’appelés très prochainement à voter, nous disposions (encore) d’une certaine responsabilité de « citoyens » ;

et que certains chefs d’État, de fait, « appuient » (davantage que d’autres personnes) certains « dispositifs relationnels » (de marketing) qui « néantisent » le sujet en la personne ;

à nous d’en prendre (un peu) mieux conscience ;

et d’en tenir (un peu mieux) compte en nos actes ; pour choisir (et pas seulement un jour d’élection) entre  (tout) ce qui va vers l' »in-humain« , et (tout) ce qui y « résiste » !..

C’est là situation de fait que les nouvelles technologies proposent de gré ou de force aux organisations des rapports du « commerce » humain, dans tous ses aspects ;

et à l’aune, donc, de l’alternative (puissante) entre « non-inhumain » ou bien « inhumain » : à nous d’en prendre mieux et plus fermement conscience…

L’enjeu étant bien la « singularité » à découvrir, faire émerger et cultiver_ ou pas _ pour l’épanouir _ ou la laisse périr d’inanition _, des personnes…

Ou la singularité, aussi, d’œuvres de « culture« ,

tels les vins de ce terroir de Saint-Émilion

_ et de Pomerol, pour lequel Bernard Stiegler a « avoué » une certaine prédilection… _,

à l’heure d’une certaine « parkérisation » plus ou moins galopante, par « marketing » et « pré-formatage » de « produits« 

_ à la (de plus en plus pressante, semble-t-il… ; mais c’est à voir !..) demande, précisément de « consommateurs« -« acheteurs » ;

davantage que du fait même de l’excellent « connaisseur des vins« , en leur singularité, justement (!), qu’est le célèbre Robert Parker

(l’auteur en effet célébré et porté au pinacle _ par des « consommateurs » ? des « amateurs » ? voire des « amoureux » ?.. _ du « Guide Parker des Vins de France« …) _,

justement,

aux dépens des « terroirs » et des savoirs (hautement) cultivés d’œnologues-artistes, au moins autant qu’artisans :

« Le vin de terroir est-il l’avenir de la viticulture mondiale ?« ,

devaient on ne peut plus opportunément et « en connaissance de cause » (!) s’interroger, avec le public, le lendemain matin le « Professeur de géographie et d’aménagement ; et membre de l’Institut » Jean-Robert Pitte, en compagnie de Denis Saverot, Directeur de la rédaction de « La Revue du Vin de France« , et, éminent viticulteur « du cru » saint-émilionnais, Alain Moueix, Président de l' »Association des Grands Crus Classés de Saint-Émilion« …

Bernard Stiegler aimant tout particulièrement choisir

pour exemples de la « mise en place » des concepts assez pointus que sa recherche d' »intelligence _ au plus fin, au plus précis, au plus juste ! _ de la complexité du réel » propose,

des situations « parlant » _ et « en vérité » ! _ « au plus près » des savoirs d’expérience de ses auditeurs-interlocuteurs…

Et le public d’agréer à l’analyse…


A une question d’un auditeur (se) demandant

si le « marketing » ne représentait pas une tendance fondamentale de « l’humain » en tant que « nature humaine« ,

Bernard Stiegler a répondu, avec beaucoup de nuances

_ car le « pharmakon« , lui-même entre remède et poison, est autant affaire d’infinie délicatesse dans le « dosage » que de choix des finalités entre aider et nuire, porter assistance et porter tort (tant à soi-même, par masochisme, qu’à autrui, par sadisme), construire et détruire ; et cela dans l’ambivalence tissée au cœur même (battant !) du jeu de « composition« , d’assonances et dissonances, harmonie et dysharmonie, des « pulsions » et « désirs« , évoluant, eux-mêmes, ces « affects« , avec « plasticité« , entre « émotions« , « sentiments » et « passions » (lire ici tant le « Traité des passions de l’âme » de Descartes que la sublime « Éthique » de Spinoza)… _,

Bernard Stiegler a répondu, avec beaucoup de « nuances »

que, quant à lui, il ne pouvait pas se prononcer s’il existait, ou pas, une « nature » de l' »humain » ;

que tout ce qu’il pouvait « assumer« , c’était la possibilité (et le devoir) d’une « retenue » certaine de la « personne » (toujours en devenir « métastatique » elle-même et en (ou plutôt par) ses actions : il l’a expliqué à l’aide de l’image des « tourbillons » du fleuve _ il a dit « la Gironde » _ qui « se maintiennent » comme « tourbillons » dans le jeu complexe et tourmenté, parfois violent et imprévisible, des courants) envers les tentations (ou « pulsions » brutes),

présentes en chacun de nous _ sans exception : là-dessus, on pourra lire le magnifique « Passer à l’acte« , de Bernard Stiegler, paru le 6 juin 2003 aux Éditions Galilée _, et pouvant s’exprimer et « éclater » (= « exploser« …) à tout moment, si nous n’apprenons pas à les « retenir« , à les « conduire« ,

envers les tentations

de nous comporter « in-humainement« .

Succomber, ou pas, à ces « tentations » permanentes de l' »in-humain« ,

voilà ce qui caractérise le projet _ tant personnel que collectif ; et collectif, d’abord, forcément ! « civilisationnel » ! _ de se comporter en « personne« , ainsi qu’en citoyen responsable, aussi,

« majeur« 

_ cf ici le toujours et plus que jamais indispensable et actuel (!) « Qu’est-ce que les Lumières ? » d’Emmanuel Kant _

en une société où « l’autre » (aussi bien que « soi« -même !!!) est aussi « vraiment » pris en compte _ existentiellement, l' »affaire » dépasse la simple éthique ; et est proprement, via les rapports inter-humains économiques de tous les instants, « politique » ! _ autrement qu’en un simple « moyen« , « instrument« , « outil » (ou « cœur de cible » : calculable), réductiblement ;

ou objet de prédation, carrément…


On voit ici combien _ et avec quelle urgence ! _ s’impose la tâche (philosophique !) de (re-) mettre au clair une « anthropologie fondamentale«  pour ce temps-ci de technologies hyper-rapides _ lire ici Paul Virilio : par exemple « Vitesse et politique« … _ et hyper-efficaces…

A laquelle « anthropologie fondamentale« , il me semble que le travail de longue haleine, et avec quelle belle constance ! de Bernard Stiegler contribue magnifiquement…

Un « Festival » de philosophie de très grande qualité que ce « Festival Philosophia » de Saint-Émilion ;

et particulièrement efficacement organisé par Éric Le Collen (et son équipe) ;

qui permet au « pays de Saint-Émilion » de bien « cultiver« , le long des années qui passent (et en progressant vraiment), son label de « Patrimoine mondial » de l’Humanité…

Titus Curiosus, le 31 mai 2009

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