Posts Tagged ‘Paul Hindemith

Le sublime bouquet final de l’Emerson String Quartet, avec Barbara Hannigan (et le piano de Bertrand Chamayou, pour un « Infinite Voyage », le CD Alpha 1000…

23oct

Pour ses adieux, après 47 ans de magnifiques concerts et disques,

l’Emerson String Quartet nous offre, avec le CD Alpha 1000, un somptueux « Infinite Voyage » _ regardez et écoutez cette brève vidéo (de 2′ 36) de présentation… _,

en compagnie de la toujours merveilleuse soprano Barbara Hannigan (accompagnée aussi pour la « Chanson perpétuelle » Op. 37, d’Ernest Chausson, par le pianiste Bertrand Chamayou),

avec un programme idéal et absolument parfait pour eux, constitué _ aussidu Quatuor à cordes Op. 3 d’Alban Berg, du Quatuor à cordes n°2 Op. 10 d’Arnold Schoenberg, et de la peu courue très belle « Melancholie » Op. 13 de Paul Hindemith.

C’est l’article de Jean Lacroix dans Crescendo le 16 octobre dernier qui a accru mon intérêt pour ce marquant CD du Quatuor Emerson :

Le Quatuor Emerson : la fin d’un parcours de près de cinq décennies

LE 16 OCTOBRE 2023 par Jean Lacroix

Infinite Voyage.

Paul Hindemith (1895-1963) : Melancholie op. 13 ;

Alban Berg (1885-1935) : Quatuor à cordes op. 3 ;

Ernest Chausson (1855-1899) : Chanson perpétuelle op. 37 ;

Arnold Schoenberg (1874-1951) : Quatuor à cordes n° 2 en fa dièse mineur op. 10.

Quatuor Emerson ; Barbara Hannigan, soprano ; Bertrand Chamayou, piano.

2022.

Notice en anglais, en français et en allemand. Textes des mélodies en langue originale, avec traductions en deux langues.

72’55’’.

Un CD Alpha 1000.

Toute histoire a une fin, mais dans la vie, chaque fin annonce un nouveau départ, dit un adage populaire, qui peut s’appliquer à la décision du Quatuor Emerson de mettre fin à 47 ans de carrière avec ce dernier enregistrement proposé par Alpha. On a du mal à y croire, tant ses membres sont inscrits dans le paysage de la musique de chambre depuis leur fondation à New York en 1976, avec une équipe stable pendant quatre décennies (Eugene Drucker et Philip Setzer aux violons -ils ont alterné régulièrement leur poste-, Lawrence Dutton à l’alto et David Finckel au violoncelle, remplacé en 2013 par Paul Watkins). Les Emerson, c’est des dizaines d’albums couvrant toute l’histoire du quatuor, de Haydn et Mozart jusqu’à Chostakovitch, en passant par Beethoven, Brahms, Mendelssohn, Debussy, Ravel, Bartók et maints autres, répertoire américain du XXe siècle compris _ et, à sa parution, en 2016, je n’avais pas manqué de me procurer leur coffret de 52 CDs « Complete Recordings on Deutsche Grammophon » 00289 479 5982. C’est aussi une série de créations : Adès, Previn, Rihm, Rorem, Harbison, Schuller… liste non limitative. En 2016, à l’occasion de leur quarantième anniversaire, le label DG avait publié un cube de 52 disques _ le voilà… _ qui retrace leur formidable carrière et fait la démonstration d’un son beau, sculptural et moelleux, comme l’a un jour défini un critique. Nul doute que les mélomanes ne cesseront de se référer encore et encore à leurs multiples interprétations.

Leur histoire commune s’achève donc en ce début d’automne, avec une affiche qui confirme ce que déclare Eugene Drucker dans la notice : Au fil des décennies, nous nous sommes continuellement intéressés au répertoire exigeant et intellectuellement enrichissant de l’école de Vienne _ oui. Mais nous n’avons joué le Deuxième Quatuor de Schoenberg qu’une seule fois, au milieu des années 1980, avant d’y revenir en 2015 pour un concert avec Barbara Hannigan au Festival de Berlin. Depuis lors, chaque fois que nous collaborions, nous nous disions qu’il nous faudrait un jour ou l’autre enregistrer ce chef-d’œuvre. Voilà chose faite _ dont acte. Le présent album, dont le titre, Infinite Voyage, illustre aussi la longue amitié des Emerson avec la soprano canadienne _ Barbara Hannigan, donc _, propose cette partition du Viennois, qui provoqua un scandale lors de sa création dans la cité natale du compositeur en décembre 1908 et dont la caractéristique est l’utilisation de la voix dans les deux derniers mouvements. Nous allons y revenir.

Suivons le programme tel qu’il est proposé. Il s’ouvre par la peu enregistrée Melancholie de Paul Hindemith, quatre lieder que le compositeur dédie à un ami mort au front en 1918, sur des textes tirés du recueil homonyme du poète Christian Morgenstern, traducteur d’Ibsen et de Strindberg, mort de la tuberculose (1871-1914). En moins de quinze minutes, l’auditeur est transporté dans un univers poignant, à la fois ésotérique et mystérieux, au sein duquel les douleurs sont familières, malgré les primevères qui fleurissent, où le tissage de la brume répond à la sombre goutte de la mort (titre du troisième poème) et où la forêt est immobile et silencieuse, entre l’oiseau dont l’œil se voile et la lune qui s’élève avec un chœur d’étoiles. Ces petits bijoux qui égrènent la tristesse et la morosité ont été bien servis par Christiane Oelze et l’Ensemble Villa Musica (MDG, 1995) ou par Barbara Höfling et le Quatuor Helian (NDR/Dreyer Gaido, 2015). Barbara Hannigan, en pleine complicité avec les Emerson, y déploie la sensibilité qu’on lui connait, portée par des cordes qui distillent la science de leur art avec une émotion qui enlace la voix _ oui.

Le Quatuor op. 3 d’Alban Berg, créé à Vienne le 24 avril 1911, est la seule page purement instrumentale que les Emerson se sont ici réservée _ en ce magistral CD conclusif. Quelques jours après la première, le compositeur épouse la jeune femme qu’il aime, Hélène Nakowski, conquise de haute lutte malgré l’opposition du père de l’élue ; le quatuor lui est dédié. Les dissonances de la partition, libérée du système tonal, s’accompagnent d’un lyrisme qui sait se révéler éperdu et d’une sensualité qui s’insinue entre les lignes. Les deux mouvements, traduits par les Emerson avec une effusion contrôlée, à la fois tendre et incisive _ voilà ! _, révèlent dans leur approche toute l’expressivité que Berg y a mise, entre amour pour la bien-aimée et intensité du langage, sans effusion immodérée, mais avec souffle.

La Chanson perpétuelle d’Ernest Chausson, pour laquelle Bertrand Chamayaou rejoint la soprano et le quatuor, est tragique dans l’évocation de cette femme désespérée que son bien-aimé a délaissée et qui se prépare au suicide. Ce poème à la perfection formelle est extrait du recueil de Charles Cros (1842-1888), Le coffret de santal, dont la version définitive a été publiée en 1879. Il a été proposé en trois versions par Chausson, tout à la fin de sa trop courte existence : avec piano, avec orchestre, ou pour voix, piano et quatuor. Les vers, que le compositeur n’utilise pas dans leur totalité -ce qui leur donne peut-être encore plus de force-, inscrivent la solitude, l’infinie douleur et l’appel de la mort, entre symbolisme et expressionnisme _ voilà. Jessye Norman en a laissé une version bouleversante et inoubliable avec Michel Dalberto et le quatuor de la Philharmonie de Monte Carlo (Erato, 1983). D’autres voix (Andrée Esposito, Brigitte Balleys, Sandrine Piau) ont bien servi cette page dramatique. Dans un registre d’une finesse qui laisse la désespérée peu à peu se diriger vers l’étang où elle va (se) couler, Barbara Hannigan, soutenue par le piano discret de Chamayaou et les cordes chantantes des Emerson, exprime toute la résignation sans issue avec une réelle pudeur.

Le Quatuor n° 2 de Schoenberg, composé entre mars 1907 et juillet 1908, est dédié à son épouse, malgré les difficultés que le couple rencontre alors, Mathilde, sœur de Zemlinsky, ayant, avec le peintre Richard Gerstl (1883-1908), une liaison qui finira par le suicide du jeune artiste. Dans la notice, Nicolas Derny rappelle que des historiens ont parlé pour cette partition d’un quatuor à cinq voix. Le chant, phénomène rare _ en effet _, s’invite en effet dans les deux derniers mouvements, sur des textes du recueil Le Septième anneau (1907) du poète allemand Stefan George (1868-1933), que l’on peut situer dans le mouvement symboliste et qui se présente comme un pont entre le style de la fin du XIXe siècle et le modernisme. C’est le moment où le langage musical de Schoenberg est en pleine mutation et marque sa tendance à passer de la tonalité à la non-tonalité. Si le premier mouvement exprime une forte tension, le scherzo qui suit cite une chanson viennoise dans laquelle presque tous les couplets répètent Alles ist hin (Tout est fichu), ce qui déclencha l’hilarité des premiers auditeurs. On relira à ce sujet ce qu’en dit Alain Poirier dans l’Arnold Schoenberg qu’il a signé conjointement avec Hans Heinz Stuckenschmidt (Fayard, 1993). La spécificité des deux derniers mouvements, lents tous les deux, est donc de leur associer la voix. Stefan George parle de deuil et de douleur, mais aussi d’amour à ôter et de désir de bonheur dans Litanei, puis d’aspiration à la transcendance dans Entrückung (Ravissement), le premier (troisième mouvement) étant construit comme thème et variations, avec des traces postwagnériennes, le second adoptant une liberté de langage dans laquelle la voix semble être attirée vers une autre « planète », celle du passage vers la série des douze sons. Les Emerson en offrent une interprétation toute en décantation et en profondeur, respectueuse de la construction et de la structure. Lorsque la voix de Barbara Hannigan vient s’insérer dans le processus, on se prend à entrer dans un espace qui serait en suspension. C’est à la fois beau et émouvant, L’osmose est totale _ oui _ entre la soprano et les cordes. Une vraie réussite, digne résultat du travail commun des cinq artistes.

Cet ultime album des Emerson, enrichi de jolies photographies en couleurs, est un bel hommage qui leur est rendu et qu’ils se rendent à eux-mêmes. On le thésaurisera _ oui _ comme un précieux cadeau offert aux mélomanes _ voilà. Chaque membre du quatuor va maintenant se diriger vers d’autres voies. Le titre de la notice Au revoir, mais pas adieu, est porteur d’un avenir, où l’on espère encore pouvoir les rencontrer.

Son : 9  Notice : 10  Répertoire : 10  Interprétation : 10

Jean Lacroix

Un CD absolument superbe !!!

Ce lundi 23 octobre 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Le parfait classicisme assumé de Christian Poltéra dans un lui-même parfait CD Bis-2507 « Haydn-Hindemith »…

06fév

À la rescousse de mon article du 22 décembre dernier, « « ,

ainsi que de celui, le 22 août précédent, sur ResMusica, de Pierre-Jean Tribot, sous le titre de « Haydn revisité et en perspective par Christian Poltéra« ,

voici maintenant sur ce même CD Bis Records 2507,

cet article-ci, « Le virtuose« , de Jean-Charles Hoffelé en date du 4 février 2023.

 

LE VIRTUOSE

La franchise de l’archet, le plaisir voluptueux des traits _ oui _, le vaste soleil qui inonde l’orchestre _ voilà _ dès le Moderato du Concerto en ut, comment ne pas céder au pur plaisir physique du jeu de Christian Poltéra ?

Abordant ces deux chefs-d’œuvre du classicisme _ en effet, joyeux et serein _, le violoncelliste leur ôte la patine sentencieuse dont on les aura trop souvent alourdis. Comme jadis Frédéric Lodéon, Christian Poltéra chante à archet déployé, et emporte les Finales dans des tempos fusants. Sa virtuosité est invisible _ comme cele se doit _ tant tout vole ici, et sourit, musique absolument heureuse _ oui ! _, sans une ombre, où les Adagios prennent des airs de sérénades de plein air.

Poltéra ajoute le chant noble de l’Adagio de la 13e Symphonie, vrai petit concerto pour son instrument, avant de passer de la lumière à l’ombre, renouant avec son tropisme pour le XXe siècle, et s’appropriant la Trauermusik que Paul Hindemith destinait à l’alto, quatre méditations dont les chants nostalgiques emplissent sa grande caisse. Admirable _ oui, comme toujours avec Poltéra _, mais soudain on regarde ailleurs.

LE DISQUE DU JOUR

Franz Joseph Haydn
(1732-1809)


Concerto pour violoncelle et orchestre No. 1 en ut majeur, Hob. VIIb:1
Concerto pour violoncelle et orchestre No. 2 en ré majeur, Hob. VIIb:2
Symphonie No. 13 en ré majeur, Hob. I:13 (extrait : II. Adagio cantabile)


Paul Hindemith (1895-1963)


Trauermusik

Christian Poltéra, violoncelle
Münchener Kammerorchester

Un album du label BIS Records 2507

Photo à la une : le violoncelliste Christian Poltéra – Photo : © DR

Ce lundi 6 février 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

De bonnes nouvelles de l’excellent violoncelliste suisse Christian Poltéra : un très réussi CD Bis Joseph Haydn – Paul Hindemith

23déc

Parmi les assez nombreux excellents violoncellistes d’aujourd’hui,

Christian Poltéra déçoit bien rarement.

À preuve,

ce récent CD Bis SACD 2507 « Haydn Cello Concertos in C & D – Hindemith Trauermusik« ,

dans lequel le violoncelliste suisse _ né à Zurich en 1977 _ dirige aussi, de son violoncelle, le Münchener Kammerorchester.

Bien sûr, ce répertoire, bien connu pour sa qualité, compte pas mal de très bonnes interprétations au disque ;

mais la réalisation, justissime, de Christian Poltéra est sans défaut.

Un avis partagé par Pierre-Jean Tribot, sur le site de Crescendo, en date du 22 août 2022,

en un article intitulé « Haydn revisité en perspective par Christian Poltéra« :

Haydn revisité et en perspective par Christian Poltéra

LE 22 AOÛT 2022 par Pierre Jean Tribot

Joseph Haydn (1732-1809) : Concerto pour violoncelle n°1 en Ut Majeur, Hob.VIIb:1  : Concerto pour violoncelle n°2 en Ré majeur, Hob.VIIB:2 ; Symphonie n°13 en Ré majeur, Hob I:13 (« Adagio« ) ;

Paul Hindemith (1895-1963) : Trauermusik pour violoncelle et orchestre à cordes.

Münchener Kammerorchester, Christian Poltéra.

2021. Livret en anglais, allemand et français. 61’20’.’ BIS-2507.


Le violoncelliste suisse Christian Poltéra poursuit ses pérégrinations à travers le répertoire pour violoncelle _ voilà _ avec une nouvelle étape centrée sur deux piliers du répertoire : les deux concertos de Haydn, mis en perspectives avec la Trauermusik, jouée ici dans sa rare version pour violoncelle, bien moins pratiquée que la version pour alto.

Les concertos pour violoncelle de Haydn comptent parmi les œuvres les plus enregistrées _ en effet _, souvent par des jeunes solistes en quête de notoriété. On pointe trop souvent un concept interprétatif démonstratif et survitaminé qui galvaude en partie l’esprit de ces partitions. Heureusement, avec Christian Poltéra on entre au cœur de l’art de l’interprétation _ voilà. Le musicien impose un climat de musique de chambre (il faut rappeler que l’effectif orchestral est réduit) _ oui _ avec un superbe travail sur les dynamiques, les nuances et les moindres détails des partitions. Haydn scintille ici comme une pierre précieuse dans une _ sereine _ lumière d’été _ oui. Le Münchener Kammerorchester est le partenaire idéal et on apprécie son adaptabilité et sa justesse de ton et de style. Le haut degré technique et la qualité d’écoute mutuelle de ces musiciens font de l’interprétation de ces concertos, une nouvelle référence. Nos oreilles n’avait pas été aussi enthousiastes depuis l’album de Jean-Guihen Queyras pour Harmonia Mundi, il y a déjà près de 20 ans !

Le bonheur est complété par le superbe “Adagio” de la Symphonie n°13 qui met en avant le violoncelle.

Dans Hindemith, le ton est grave, et les musiciens imposent le climat de retenue et de noirceur requis _ c’est sobrement et justement dit. Un CD parfaitement équilibré.

Son : 10 – Livret : 10 – Répertoire : 10 – Interprétation : 10

Pierre-Jean Tribot

Un CD dont je ne voulais pas me passer, et qu’il m’a fallu commander.

Ce vendredi 23 Décembre 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

Ecouter les trop méconnues Sonates pour vents et piano de Paul Hindemith (1895-1963)

05mai

L’œuvre, diverse et variée, de Paul Hindemith (Hanau, 16 novembre 1895 – Francfort, 28 décembre 1963)

est encore trop méconnue,

parmi les réalisations musicales marquantes du XXe siècle.

À preuve ses 10 superbes Sonates pour vents et piano,

d’entre 1936 et 1955,

dont voici, déjà, une assez aisément accessible interprétation par podcast.

Ce jeudi 5 mai 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

Chercher sur mollat

parmi plus de 300 000 titres.

Actualité
Podcasts
Rendez-vous
Coup de cœur