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la situation de l’artiste vrai en colère devant le marchandising du “culturel” : la poétique de Michel Deguy portée à la pleine lumière par Martin Rueff _ deuxième parution

13mai

Avant un article de compte-rendu _ enchanté ! à venir… _ de la sublime conférence hier soir de Martin Rueff et Michel Deguy

à propos du tellement important (et magnifique !) Différence et identité : Michel Deguy, situation d’un poète lyrique à l’apogée du capitalisme culturel

_ une étude : l’éditeur ayant choisi d’abréger, en supprimant cette ultime notation (toute de modestie splendide !), le sous-titre proposé par Martin Rueff à son (monumental : ne surtout pas s’en effrayer !!!) travail : une mine ! pour découvrir et arpenter (sentier par sentier, quasi caillou par caillou, touffes d’herbe et de fleurs unes à unes rencontrées et célébrées-méditées dans le souffle fécondant de la parole et de sa trace cueillie et recueillie)

pour découvrir et arpenter, mieux, le chemin de penser poïétique du philosophe-poète et poète-philosophe, tout uniment, Michel Deguy : si grand en son humilité fondamentale _

de Martin Rueff, paru en 2009,

muni d’un lien pour écouter son podcast (95 minutes d’anthologie ! pour comprendre _ comme enfin ! _ l’époque !!!),

voici,

simplement,

la ré-édition de mon article du  23 décembre 2009 :

la situation de l’artiste vrai en colère devant le marchandising du “culturel” : la poétique de Michel Deguy portée à la pleine lumière par Martin Rueff


C’est sur le modèle de “l’artiste en colère” du Charles Baudelaire _ Un poète lyrique à l’apogée du capitalisme (traduit en français par Jean-Yves Lacoste en une parution chez Payot en 1982 ; et rééditée enPetite bibliothèque Payoten 2002) du magnifique Walter Benjamin _ travail hélas interrompu par l’exil et la mort prématurée du philosophe à Portbou le 26 septembre 1940 ; il était né à Berlin le 15 juillet 1992 _

que Martin Rueff vient de rendre le plus bel hommage _ celui d’une analyse méthodique fouillée d’une sublime lucidité ! _ qui soit au poète (et philosophe) _ dont vient de paraître, en date du 23 octobre 2009, La Fin dans le monde, aux Éditions Hermann, dans la collectionLe Bel Aujourd’hui _ inflexible et exigeant _ au point, bien involontairement de sa part (cf le plus qu’éclairant grand cahier Michel Deguy qu’a dirigé et publié Jean-Pierre Moussaron, aux Éditions Le Bleu du ciel, à Bordeaux, en 2007), d’en terroriser plus d’un encore aujourd’hui !.. _ qu’est le très grand Michel Deguy (né en 1930) ;

en même temps que “sous” l’intuition de l’analyse philosophique impeccable _ autant qu’implacable _ de Gilles Deleuze (1925-1995) en son opus _ probablement _ majeur, Différence et répétition, paru en 1968 :

avec ce très grand travail de fond, à l’articulation _ ultrasensible ! _ de l’intuition poétique et de l’analyse philosophique, que constitue Différence et identité : Michel Deguy, situation d’un poète lyrique à l’apogée du capitalisme culturel, aux Éditions Hermann, dans la collection “Le Bel Aujourd’hui

Car l’œuvre de Michel Deguy _ faut-il, seulement, l’indiquer ?.. _ est une œuvre tout uniment de poésie et de philosophie :

de poésie avec _ ou à partir de _ la philosophie ;

de philosophie avec _ ou à partir de _ la poésie…

Or, la tradition installée _ culturellement : à creuser… _ française

regarde d’un assez mauvais œil _ et sans pouvoir, décidément, se défaire de ce vilain travers opacifiant, qui lui nuit tant !.. en lui collant ainsi tellement, telle une taie, l’aveuglant… _ les transversalités, les transgressions de genres, les “passages” de “frontières“…

Et ce n’est certes pas un hasard que ce soit le “trans-frontières“, à maints égards, qu’est Martin Rueff :

entre littérature

(et poésie : ce n’est certes pas non plus pour rien que Martin Rueff est _ ou soit ? _ lui-même poète ; je veux dire connait _ ou connaisse _ l’expérience irremplaçable de l’écriture même de la poésie !!! Cf, par exemple, son récent Icare crie dans un ciel de craie, aux Éditions Belin, en 2008 ; ou/et son Comme si quelque, aux Éditions Comp’Act, en 2006 : succulents de délicatesse hyper-lucide ! On n’écrit, ni ne pense, à partir de rien ! Et à partir du phraser poétique vrai n’est en effet pas peu…)


entre littérature (et poésie, donc) et philosophie

_ son L’Anthropologie du point de vue narratif (modèle poétique et modèle moral de Jean-Jacques Rousseau) est à paraître aux Éditions Honoré Champion ; c’est de cet important travail que s’est nourrie la riche conférenceLe Pas et l’abîme, ou la causalité du roman grisque Martin Rueff a donnée à la Société de Philosophie de Bordeaux le 8 décembre dernier ; cf mon article précédent, du 12 décembre :L’incisivité du dire de Martin Rueff : Michel Deguy, Pier-Paolo Pasolini, Emberlificoni et le Jean-Jacques Rousseau de “Julie ou la Nouvelle Héloïse”” _ ;

entre France (Paris) et Italie (Bologne) où il réside _ à la fois ! _ ;

et enseigne (aux Universités de Paris-7-Denis Diderot, et de Bologne _ si prestigieuse : fondée en 1088, cette université qui a pris le nom de Alma mater studiorum en 2000, est la plus ancienne du monde occidental (1116, pour l’université d’Oxford ; 1170, pour l’université de Montpellier ; 1250, pour celle de Salamanque ; 1253, pour la Sorbonne _) ;

entre la langue française,

dans laquelle il écrit (ses travaux personnels, si j’ose ainsi m’exprimer !) : “poésies” et essais“,

et la langue italienne,

qu’il traduit (si utilement) :

le poète Eugenio De Signoribus (né en 1947, à Cupra Marittima, dans la province d’Ascoli Piceno, dans la région des Marches) : Ronde des convers, aux Éditions Verdier, et dans la collection si belle “Terra d’altri“, à la direction de laquelle Martin Rueff a succédé au grand Bernard Simeone, que la mort nous a pris si précocement (1957-2001) ;

le philosophe Giorgio Agamben (né en 1942, à Rome _ et lecteur intensif de Walter Benjamin, dont il a été, en Italie, l’éditeur des œuvres complètes _) : Profanations, La Puissance de la pensée, L’Amitié, Qu’est-ce qu’un dispositif ?, Nudités ;

l’historien _ magnifique lui aussi ; et pas seulement historien, non plus _ Carlo Ginzburg (né en 1939, à Turin ; et fils de Natalia et Leone Ginzburg) : Nulle île n’est une île…)…

ce n’est, donc, pas tout à fait un hasard que ce soit le “trans-frontières“, à maints égards, qu’est Martin Rueff qui se soit attelé à cette tâche importante de mieux servir le travail “ressassant” et inlassablement “creuseur _ à la façon, mais en son genre, desvieilles taupes” de l’Histoire, selon Marx… _ de Michel Deguy, en le mettant splendidement lumineusement en perspective,

et dans son parcours _ poétique ! même si aussi philosophique… _ singulier,

depuis Meurtrières, en 1959 (aux Éditions Pierre-Jean Oswald _ ce premier recueil, difficilement accessible, nous est re-donné intégralement dans le grand cahier Michel Deguy de Jean-Pierre Moussaron, aux Éditions Le Bleu du ciel, en octobre 2007, aux pages 302 à 329…), et Fragment du cadastre, en 1960 (aux Éditions Gallimard, collection “Le Chemin“, que dirigeait Georges Lambrichs),

jusqu’au Sens de la visite, en 2006 (aux Éditions Stock), et Desolatio et Réouverture après travaux, en 2007 (aux Éditions Galilée)

_ La Fin dans le monde n’étant pas, alors, encore paru : ce sera, aux Éditions Hermann, dans la collectionLe Bel Aujourd’hui aussi (que dirige Danielle Cohen-Lévinas), le 23 octobre 2009… _

et dans notre Histoire générale _ sur le même bateau _,

à partir du “modèle d’analyse de situation civilisationnelle_ si j’ose pareille expression _ que Walter Benjamin a échafaudé, à la fin de la décennie 1930, pour “situer“, déjà, Charles Baudelaire (1821-1867), en son Charles Baudelaire _ Un poète lyrique à l’apogée du capitalisme

J’ai déjà signalé la (double) “incisivité” et de Michel Deguy, et de Martin Rueff ;

et leur singulière acuité d’attention

_ civilisationnelle, politique,culturelle (avec les pincettes des guillemets : sur l’usage, spécifiquement, des guillemets (et autres tirets ; dont j’use et abuse !) par Michel Deguy, lire la passionnante analyse de Martin Rueff aux pages 407 à 420 (surla syntaxe de Michel Deguy) de ce décidément richissime Différence et identité !.. _

à l’état et qualités du devenir de la civilisation :

ce n’est certes pas pour rien que sur le tout dernier _ et très récent : de tout juste deux mois ! _ essai de Michel Deguy, La Fin dans le monde,

 je n’ai jusqu’à présent rien lu _ ni recension, ni même seulement mention factuelle _ dans aucun journal, ni revue : il a fallu la rédaction de mes articles (de ce blog !) et l’opération de “mise” de liens avec les collections de livres disponibles à la librairie Mollat pour que je “découvre” cette parution (en date du 23 octobre dernier : il y a donc exactement deux mois aujourd’hui) !

Et cela, outre la difficulté propre _ occasionnelle ? devenue consubstantielle ? à méditer !.. _ à la “réception” (par le lectorat, au-delà de son cercle de proches : à partir de celui des pairs !) de l’œuvre entier de Michel Deguy,

et dont il se plaint, non sans humour _ mais pas non plus sans amertume _, à Jean-Pierre Moussaron, dans la _ très précieuse, vraiment ! Michel Deguy ne se livrant(un tout petit peu) lui-même pas très souvent… _ préface, intitulée “Autobio“, en ouverture du grand cahier Michel Deguy, aux pages 6 à 10, à propos de ce que lui même nomme son propre “ressassement” :

Je me répète, et sans doute exagérément _ pour qui ? Et littéralement, un peu plus souvent qu’à l’heure (page 6) ;

en précisant (page 7) :

Peut-être le plus intéressant, dans cette affaire de ressassement _ voilà donc le terme ! _ tient-il à la composition ; à mon tournemain _ à former: patiemment, sans précipitation ; en apprenant à bien accueillir, réceptionner, même, en toute sa variété (de surprise), la circonstance… : c’est délicat ; et demande toute une vie ; au point que c’en est peut-être, bien, en allant jusque là, la principale affaire _, à ma façon de construire _ bien y penser !

Affaire d’abord, de progrès lents en pensée _ dont acte ! _, de tardive _ ne fait-on pas, maintenant, l’éloge des vins devendanges tardives?.. _ maturation ; voyage au long cours _ certes ! tout un charme… _ ; avance un mot puis l’autre ; assure le pas _ voilà ! d’abord sans assurance… _ ; recommence ; rebrousse et repars _ assurément ! à la godille !.. entre les mottes de terre grasse ; et en sautant aussi de sillon en sillon…

Ensuite : de la série. C’est comme en peinture et en musique _ oui : d’un Art à un autre, apprendre l’art très délicat, lui aussi (poïétique !), de transposer avec le maximum de justesse (finesse, délicatesse, donc) de lasemblance… ; sur un schème parent, lire L’Altération musicale _ ou ce que la musique apprend au philosophe de l’excellent Bernard Sève… _ : sériels, leit-motive, thème et variations, reprise ; sérialité _ par exemple chez Bach ; et le père, et les fils. L’esprit de série organise non seulement une séquence, un ensemble, mais _ surtout, telle la fine cerise sur le beau gâteau _ à l’échelle de l’”œuvre”, en finalise l’unification _ et lamise en placede ce qui vient, ainsi, s’ajointer, et qui se découvre alors,sur ce tard, seulement… : il y faut donc tout cet assez long temps (de vie à vivre ; et ainsi, finalement, vécue) ; à commencer par la chance, inégale, d’avoir vécu suffisamment longtemps, donc (et peut-être aussi, en sus, un peu appris ; ce qui est loin d’aller de soi, si l’on peut en juger : autour de soi…) Cela, c’est-à-dire durer un peu, de fait n’est pas uniformément donné à tous… : la mort faisant son ménage entre les locataires (éventuellement) concurrentiels du viager ! Sur la perte des aimés, cf le déchirant Desolatio _,

L’esprit de série organise non seulement une séquence, un ensemble, mais à l’échelle de l’”œuvre”, en finalise l’unification

secrètement et explicitement _ les deux : au lecteur, indiligent, dit notre Montaigne !, d’être un tant soit peu attentif ! sinon, qu’il quitte le livre !, avertissait en ouverture de ses Essais ce sublime Montaigne… ; un vrai grand livre se mérite aussi un tant soit peu… _ :

entre la structure et la multiplicité effective, pièce par pièce, item par item,

c’est la récurrence _ qui demande donc (voire exige, mais sans jamais le manifester directement…) un minimum de patience ; et l’accueil (hospitalier !), de la part du lecteur, tant de la pure et stricte neuveté, que de lareprise; jamais tout à fait strictement identique, indiscernable, à la première occurrence pour soi, lecteur… _,

la hantise _ aussi (obsessionnelle ?), de l’échec (final) : de la sècheresse ; du tarissement ; de (l’idée de) la mort (là où le don du temps s’interrompra, se brisera, irréversiblement, cette fois-là) : quand, chaque fois que (nous) fait défaut assez de confiance… Avec la grâce efficace de son élan.

De l’”idée fixe“, disait Valéry, aux Variétés… On la reconnaît.

Le toujours-recherché se découvre au gré de la rencontre _ à qui le dit-on ? Cf mon propre article : Célébration de la rencontre; plus joyeux, lui… Je ne trouve pas, je cherche.

Soit un texte majeur ! que cet “Autobio“, aux pages 6-7 du grand cahier Michel Deguy… Merci à Jean-Pierre Moussaron de l’avoir sollicité ; et obtenu ainsi…

Et fin de l’incise sur les difficultés de la “réception (générale et particulière) de l’œuvre de Michel Deguy

_ le constat de l’échouage ne me quitte jamais, page 7 ; peut-être du fait d’”une sous-estimation de la part des autres, qui _ décidément… _ ne me préfèrent pas, encore page 7 (en note en bas de page : préfèrent” étant surligné !) _,

en dehors, cependant, de son cercle  _ “infracassable, lui : ce n’est certes pas peu ! page 12 _ d’amis très fidèles ; dont Martin Rueff (cf le colloque que celui-ci organisa à Cerisy : L’Allégresse pensive (dont les actes sont publiés aux Éditions Belin)…

Il existe, j’y reviens donc maintenant, un vrai problème _ endémique ! _ de diffusion de l’information, à travers les filtres _ trop intéressés! pas assezlibres(= désintéressés) ! les 9/10èmes du temps _ de la presse, des medias ;

et c’est fort modestement

_ eu égard à mon lectorat ! que je ne ménage certes pas non plus par la longueur invraisemblable (!) de mes articles, en plus de mon usage (ou abus ?) des guillemets, tirets, gras, parenthèses : à en donner le vertige, m’a même (gentiment) soufflé l’ami Nathan Holchaker ! _

que je m’étais décidé, pour ma (toute petite) part, à répondre favorablement à la demande de l’équipe directionnelle de la librairie Mollat d’ouvrir ce blog, “En cherchant bien“, ou “les carnets d’un curieux

_ sur ce qu’est un carnet, lire ce qu’en dit, et combien magnifiquement !, Michel Deguy lui-même dans P.S. : Du carnet à l’archive, aux pages 193 à 195 du grand cahier Michel Deguy !.. J’en partage, et comment ! toutes les analyses et conclusions !

j’en prélève et exhausse, au passage, cette remarque-ci, page 193 : Si je travaille en carnet, c’est pour ne rien laisser passe de l’inchoatif, insignifiant même _ mais cela est toujours à voir ; et à réviser… _ de la pensée naissante _ voilà ! La crainte est de perdre à jamais quelque vérité ; crainte d’amnésies partielles inguérissables _ d’une vérité l’ayant, tel l’Ange, croisé et visité, en vitesse (supersonique !), et si discrètement !.. Et c’est aussi cela, Le sens de la visite ; cf cet opus majeur (paru aux Éditions Stock) que Michel Deguy nous a donné (à tous, les lecteurs amis potentiels) en septembre 2006…

que je m’étais décidé, donc,

d’ouvrir ce blog

le 3 juillet 2008, afin de “re-médier“, fort modestement, certes _ et même probablement très illusoirement : à la Don Quichotte brisant des lances devant (plutôt que sur, ou que contre…) les moulins à vent des hauteurs de La Mancha… _, à cette “difficulté” de “médiation” d’une authentique “culture

_ hors champ du pseudo (= faux ! mensonger ! contributeur d’illusions !)culturel:

une des cibles si justifiées de Michel Deguy ! Ce culturel qui se conforte, grassement, à rien qu’identifier, reconnaître, à la Monsieur Homais (de Madame Bovary : Flaubert : expert en bêtise de fatuité !) ; au lieu de se laisser déporter par le jeu des différences actives de la semblance et de la différance

Et j’en partage ô combien ! le diagnostic avec Martin Rueff, qui en fait _ de ceculturel-ci… _ le décisif chapitre II (de base !) de son essai (de la page 59 à la page 96) :

car c’est bien ce culturel-là que désigne l’expression cruciale du sous-titre de l’essai : “à l’apogée du capitalisme culturel” ;

là-dessus, lire, aussi, les travaux (lucidissimes) de Bernard Stiegler et de Dany-Robert Dufour : par exemple Mécréance et discrédit _ l’esprit perdu du capitalisme, pour le premier ; et Le Divin marché _ la révolution culturelle libérale, pour le second… _,

à partir d’une “curiosité” qui soit “vraie” et réelle _ c’est-à-dire, pour réelle, effective : au fil des jours, et des mois, des saisons, des années ; au fil renouvelé (c’est une condition sine qua non !) du temps ! encore une problématique cruciale et de Michel Deguy, et de Martin Rueff ! _, et pas marchande ou de propagande (ni de divertissement ; d’entertainment !) : je dois être bien naïf, encore à mon âge (et en cet “âge” : du “capitalisme culturel“) !..

Fin de l’incise.

et ce n’est certes pas pour rien que le dernier essai de Michel Deguy

s’intitule La Fin dans le monde

Le plan de l’essai Différence et identité de Martin Rueff :

Après un “Avertissement qui explicite le projet de l’essai et ses enjeux terriblement concrets _ et dont rend compte la quatrième de couverture

que voici :

« Les questions des spécialistes de la poésie ne sauraient être étrangères _ voilà la mission ! casser cette étrangèreté préjudiciable (à la connaissance ; et à la re-connaissance, aussi, de ce qui vaut vraiment !)… _ au public le plus large. J’ai voulu mettre face à face _ oui _ ceux qui ont fini par se tourner le dos : les poètes et leurs lecteurs professionnels, chagrins de la désaffection du grand public, le grand public, irrité _ lui _ de la difficulté des propositions de la poésie contemporaine. Je me suis demandé pourquoi l’art moderne _ plastique au premier chef _ avait réussi à imposer ses visions _ en formes d’images ?.. _, et pas la poésie. Il fallait donc s’expliquer, et expliquer ce que font les poètes _ voilà !

En consacrant une étude à Michel Deguy, l’un des plus grands poètes français contemporains, je me suis donc proposé de procéder comme un critique d’art : me situer _ en cette enquête _ sur le plan même _ poïétique ! _ de la création d’un inventeur de formes _ ce quifaitetréalisel’humanité effective ! à la place desfantômesetzombiesen quoi on nous vampirise et réduit…

Je me suis demandé ce qui faisait la singularité de Michel Deguy. J’ai trouvé que sa poésie et sa poétique rencontraient la question _ notamment philosophique _ qui a dominé la pensée et l’existence _ rien moins ! _ depuis une bonne cinquantaine d’années : celle du rapport de l’identité et de la différence. Comme il est hautement révélateur que cette rencontre ait d’abord _ du fait de sa positionen première ligne? _ eu lieu en poésie _ oui ! par son hyper-sensibilité extra-lucide fulgurante à son meilleur ! _, j’ai compris que la « question » du rapport poésie et philosophie était mal posée. » MARTIN RUEFF

I. Différence et identité _ pages 37 à 58.

II. Le culturel _ pages 59 à 96.

III. La poésie _ pages 97 à 192.

IV. La poétique profonde _ pages 193 à 230.

V. Le poème _ pages 231 à 406.

Suivis de deux “Annexes :

_ Identité et différence dans la prose _ pages 407 à 426.

_ Identité et différence entre les langues : attachement en langue et fidélité en traduction _ pages 427 à 440.

 L”approche” de Martin Rueff se fait de plus en plus précise _ et c’est passionnant de le suivre ! _ :

du “cadre” le plus général (bien concret et bien historique ! nous “emportant” !.. à analyser et faire mieux connaître !)

_ ne perdons pas de vue qu’il s’agit de comprendre, en l’”éclairant, unesituationartistique (en tension; mais quel Art vrai n’est pas en tension?.. sauf qu’ici latensiondevient de plus en plus terrible : celle d’un poète lyrique, et en l’occurrence, Michel Deguy, tout uniment poète et philosophe !,à l’apogée du capitalisme culturel(assez peu soucieux de l’exigence de vérité de la poésie ; pas davantage que de l’exigence de vérité de la philosophie : sinon pour ses propres usagesculturels…), qui se déploie de plus en plus allègrement depuis 1950 jusqu’à aujourd’hui, et tout spécifiquement en ce nouveaumillénaire sans contre-poids (politique, notamment !) au marchandising mondialisé… ; pour une tensionplus terrible encore, en ses violences déchaînées, du moins, cf le travail irremplaçable (!) de Claude Mouchard : Qui, si je criais…? Oeuvres-témoignages dans les tourmentes du XXème siècle, paru aux Éditions Laurence Teper le 3 mai 2007…) _

_,

aux actes très précis par lesquels,

se démarquant du “culturel“,

le poète (et philosophe) Michel Deguy cerne sa conception _ tant théorique que pratique : indissociablement ! et il est d’abord un écrivant de poèmes ! _ de la poésie

et d’une “poétique profonde” ;

pour analyser au plus près _ vers à vers, et avec quelle lucidité ! _ ce qui se construit dans “le poème“, item après item, œuvre après œuvre, de 1959 à aujourd’hui _ cela fait cinquante ans de cette écriture creusante _, du poète…

Michel Deguy : Poème, qu’il prolonge le moment de l’éveil ! Le vent aux sabots de paille sur le seuil ! _ in Poèmes de la presqu’île, en 1961.

Martin Rueff commente : Poème éveil à l’inattendu survenu en surplus d’affluence ; poème disponibilité aux différences du temps rendues simultanément actuelles“, page 385.

Michel Deguy : Le présent, dit-il, est ce qui s’ouvre. Donc n’est pas sur le mode de ce qui contient, ou maintient en soi ; mais est ce qui est disjoint, déhiscent, disloqué, frayé _ venteux, inspiré _ in Donnant donnant, en 1981.

Martin Rueff : Le poème saisit _ oui ! _ le lecteur au présent de la langue _ voilà _ et, par lui, la langue semble comme “rendre présent” _ oui, et en sa dérobade même _ le présent lui-même : frisson lyrique, intensité par où le poète touche, émotion quand la poésie rencontre _ oui _ le rythme profond de l’existence _ c’est tout à fait cela ! La proposition lyrique, énoncée au présent de l’indicatif, rassemble les présents et les offre au lecteur, page 385 _ pour qu’il les fasse aussi, en cette parole énoncée, prononcée, proférée, siens… C’est superbe de vérité !

Avec cette conclusion-ci, de tout l’essai, page 406 :

Il y a bien une raison poétique _ ni déraison, ni flatus vocis, ni mensonge… _ qui est aussi la raison des poèmes. Écrits au présent de la circonstance _ qu’il fallait accueillir _, ils inaccomplissent _ en leur mouvement même, émouvant (lyrique !), de profération _ l’accompli _ des faits, des gestes (de la vie) _ pour ineffacer _ un peu, toujours _ le devenu incroyable _ une formulation de Michel Deguy sur laquelle Martin Rueff a bien fait porter toute la force de son analyse.

Martin Rueff évoque aussi, à cet égard (capital !) de l’ineffacer le devenu incroyable, la réception active (= créatrice à son tour), par Michel Deguy du film Shoah de Claude Lanzmann

(fruit de douze ans pleins de penser au travail, filmique, d’image-mouvement, du cinéaste qu’est devenu Claude Lanzmann, en sa propre lente maturation d’artiste-créateur !

_ cf là-dessus mes 7 articles de cet été 2009 à propos du Lièvre de Patagonie : de La joie sauvage de l’incarnation : l’”être vrais ensemble” de Claude Lanzmann _ présentation I, le 29 juillet, à La joie sauvage de l’incarnation : l’”être vrais ensemble” de Claude Lanzmann _ dans l”écartèlement entre la défiguration et la permanence”, “là-haut jeter le harpon” ! (VII), le 7 septembre… _)

: le magnifique Au sujet de Shoah, le film de Claude Lanzmann, que Michel Deguy a publié aux Éditions Belin, dans la collection L’Extrême contemporain, en 1990…

La poésie dresse _ oui ! _ la lucidité _ oui ! _ de ses “visions” et de ses “imageries logiques” contre _ oui : avecincisivité!.. _ les mythes de la littérature rendus puissants _ hélas, comme armes de propagande du marchandising ! _ par l’indifférence _ terriblement affadissante _ culturelle _ nihiliste : d’où la situation moribonde de la poésie aujourd’hui auprès du plus large public (?) d’humains, “se dés-humanisant petit à petit, ainsi dé-poïétisés eux-mêmes (cf les admirables, vraiment ! Homo spectator de Marie-José Mondzain et L’Acte esthétique de Baldine Saint-Girons) ;

telle la grenouille très progressivement (= insensiblement ; sinon elle s’échapperait en sautant très vite hors du bocal !) ébouillantée, sans en prendre, ainsi, jamais véritablement conscience : sans rien ressentir ; car on ne ressent que différentiellement !

Porteuse de nouvelles différences _ se renouvelant par sa propre inlassable curiosité ! _, la promesse _ de vérité proprement ressentie _ des poèmes sans illusion _ de Michel Deguy :

sans illusion bien (réflexivement) ressenti, cela aussi ! grâce à cette poétique profonde(et profondément mélancolique, aussi, dans son cas : sans la moindre auto-complaisance ! quant au savoir du devoir, un jour, cesser de vivre ; du ne pas avoir encore, indéfiniment, du temps à soi, ou à donner à d’autres, devant soi…)

grâce à cette poétique profonde

pas à pas mise en œuvre… _

Porteuse de nouvelles différences, la promesse des poèmes sans illusion, donc,

n’est pas vaine“…

C’est contre cette terrible force d’asphyxie de ce qui illusionne (depuis pas mal de temps : en l’ère, sinon même “à l’apogée“, “du capitalisme culturel” ; en l’ère du marchandising déchaîné…)

que Martin Rueff a mis la force d’analyse de son essai de “situation

d’”un poète lyrique” tel que Michel Deguy…

Grand merci, Martin, pour nous tous,

tellement “endormis“, “anesthésiés“, par cet appendice “culturel” de la déshumanisation 

et cela,

ô combien risiblement!,

pour le profit si vain _ abyssalement ridicule ! _ de quelques marchands ; et profiteurs _ de quoi jouissent-ils donc tant ? du jeu mesquin (et sadique) de leur nuire ?.. _ de “pouvoir” !

Peut-être bien que, socialement du moins,money is time” ;

mais le temps et le vivre _ qui nous sont octroyés déjà biologiquement par une certaineespérance de vie, même (et parfois dans des proportions de variation considérables !) variable socio-historiquement… _ méritent-ils d’être “ainsi_ qualitativement veux-je dire _ vendus ?  

C’est de cela que Kafka _ par exemple en son Journal _ savait _ et combien ! inextinguiblement !.. _ rire !

Cf aussi,

après le “Tout est risible quand on pense à la mort” de l’incomparable Thomas Bernhard _ cf son indispensable autobiographie (L’Origine ; La Cave ; Le Souffle ; Le Froid & Un enfant ; item après item…) ; ainsi que son ultime sublime roman-cri : Extinction _ un effondrement,

aujourd’hui Imre Kertész :

lire son immense terrible Liquidation !

Merci, cher Martin Rueff,

de ce beau travail,

quant au devenir de l’”humain” ; en “situation” d’”anesthésie” (telle la grenouille ébouillantée lentement)…

La poésie n’est pas, non plus que la philosophie, des plus mal placés

pour le penser (et ressentir) “en vérité“…

A fortiori quand, comme avec Michel Deguy, ainsi que vous-même,

elles vont de concert !!!

Titus Curiosus, ce 23 décembre 2009


Titus Curiosus ce 13 mai 2010,

pour cette « reprise » de mon article ;

et avant un prochain compte-rendu de la conférence de Martin Rueff & Michel Deguy de ce mercredi 12 mai-ci dans les salons Albert-Mollat…

Les défis du (bien) lire et du (bien) penser à l’ère du numérique : Nicolas Carr avec Bernard Stiegler et Alain Giffard à propos de la lecture numérique (et pour une « économie de la contribution » !)

07juin

 Alors que je n’ai pas encore tout à fait achevé ma lecture (j’en suis aux deux tiers : à la page 195, sur 295) de « Pour en finir avec la mécroissance« , sous-titré « Quelques réflexions d’Ars Industrialis« , que proposent Bernard Stiegler, Alain Giffard et Christian Fauré aux Editions Flammarion _ le livre est paru en avril _,


voici que je découvre ce matin sur le site du Monde

un excellent article (de 6 bonnes pages, tout de même : quand l’auteur signale ici même lui-même la difficulté, pour la « lecture sur écran » _ du « lecteur numérique » moyen… _, de dépasser la taille d’une ou deux pages) de Nicolas Carr, « Est-ce que Google nous rend idiot ?« , paru, lui, il y a juste un an, en juin 2008, sous le titre original de « Is Google Making Us Stupid ?« , dans la revue The Atlantic,

et qui me paraît assez bien éclairer les enjeux de l’expansion ultra-rapide sur toute la planète (« globalisée« ) des outils (pas seulement _ et loin de là même ! _, d' »information » et « communication« ) numériques…


Car c’est du devenir _ on ne peut plus actuel et effectif _ du « penser » même ;

ainsi, aussi, on ne peut plus « basiquement« , si j’ose dire, que du « sentir«  ; et « ressentir« , »éprouver » : organiser son expérience d' »exister » et de « vivre« 

_ soi-même, dans son corps, avec ses sens et avec « sa tête« ,

et avec les autres, en toutes les relations (et échanges), y compris et pour commencer d' »intimité » :

c’est dire (et mesurer) l’importance (et l’amplitude) de l' »aisthesis« … _ ;

organiser son expérience d' »exister » et de « vivre » _ je reprends l’élan de ma phrase… _

d' »humain » !

qu’il s’agit en cette « utilisation » quasi permanente désormais (pour de plus en plus d’entre nous…) des « outils » numériques…


Mais avant de publier ici même, à mon tour, cet article de Nicolas Carr,

tel que le publie en traduction française « Le Monde » :

je cite : « dont la traduction, réalisée par Penguin, Olivier et Don Rico, a été postée sur le FramaBlog en décembre« …

je tiens à évoquer un peu précisément les travaux en cours _ passionnants ! _ sur ces sujets mêmes (= les incidences du devenir technologique le plus sophistiqué sur le devenir de notre collectivité « humaine« , ou « civilisation« ) de Bernard Stiegler, Alain Giffard, et les membres de la très féconde association « Ars Industrialis » :

de fait,

c’est la réponse de Bernard Stiegler à l’envoi d’un de mes articles, à propos justement, de la « lecture des articles de blog« ,

en l’occurrence celui-ci du 23 mai 2009 : « Lire, écrire, se comprendre : allers et retours de “bouteilles à la mer” : la vie d’un blog…« ,

qui m’a incité à découvrir quelques unes des dernières « leçons » d' »Ars Industrialis« , dans l’ouvrage qu’il vient de co-signer avec Alain Giffard et Christian Fauré, « Pour en finir avec la mécroissance« ,

à propos de ce qu’il qualifie, en son message (et avec Alain Giffard), de « lectures industrielles« .

Les titres des contributions de ces « Quelques réflexions d’Ars Industrialis » sont les suivants :

« Du temps-carbone au temps-lumière« , pour l’article de Bernard Stiegler (de la page 11 à la page 114) ;

« Des lectures industrielles« , pour l’article d’Alain Giffard (de la page 117 à la page 216) ;

et « Dataware et infrastructure du cloud computing« , pour l’article de Christian Fauré (de la page 219 à la page 278).

La « Post-face » du livre, intitulée « Le Nouveau commerce et la renaissance de la culture« 

consiste en un entretien de Bernard Stiegler avec David Sanson, pour le numéro 48 de la revue « Mouvement« , de juillet 2008 (de la page 279 à la page 290) ;

suivi (de la page 291 à la page 295) d’une résolution : « Résolution adoptée par « Ars Industrialis » et par le collectif interassociatif « Enfance et média », dans le cadre du débat « Télévision et société » organisé le 6 décembre 2008 au Théâtre de la Colline« ,

avec la double signature d’Éric Favey, président du « Collectif Interassociatif Enfance et Média« , et de Bernard Stiegler, président d' »Ars Industrialis« …

 De :   Bernard Stiegler

Objet : Rép : Sur l’attention _ et ses « politiques »
Date : 25 mai 2009 13:02:43 HAEC
À :   Titus Curiosus

Cher Titus Curiosus
Quand je pense à vous me vient le mot de « constance » _ qui est aussi un prénom que j’aurais aimé porter, au masculin bien sûr.


Voici des questions

_ en l’occurrence celles-là mêmes qu’aborde mon article « Lire, écrire, se comprendre : allers et retours de “bouteilles à la mer” : la vie d’un blog…«  proposé à lire à Bernard Stiegler… _

de ce que je nomme « les nouveaux circuits de transindividuation » où se passent tant de choses surprenantes, parfois consternantes, parfois exquises. Elles s’inscrivent pour moi dans l’orbe de ce que Giffard a appelé « les lectures industrielles«  dans un livre que nous venons de cosigner.
Je viens par chez vous le prochain week-end.
Merci pour votre constance.
Bien à vous,
BS

Pour la conférence _ magnifique, le 30 mai à 17 heures _ de Bernard Stiegler, « Du marché au commerce« , ponctuée par le carillon « à toute volée » des cloches de la collégiale de Saint-Émilion, lors du passionnant et très riche festival de philosophie « Philosophia« , les 30 et 31 mai derniers,

cf le compte-rendu qu’en propose mon article du 31 mai : « Très fortes conférences d’Olivier Mongin et Bernard Stiegler à propos de ce qu’est “faire monde”, à l’excellent Festival “Philosophia” de Saint-Emilion« …

En attendant d’en écouter l’enregistrement sur le site de ce festival ;

et de se le procurer, un peu plus tard, sur CD-Rom…

Des questions passionnantes, quant aux diverses pentes en concurrence pour notre avenir d' »humains » :

ou bien capables de demeurer (ou de devenir davantage) « non-inhumains« ,

ou bien de sombrer dans l' »inhumain« …

Pour ce qui concerne Bernard Stiegler,

sa position est que :

« au cours de la dernière décennie _ la première de ce nouveau siècle _, un autre modèle comportemental

_ que ce « consumérisme » qui « constitue un processus autodestructeur«  (ou « nihilisme » ; et « sado-masochisme« , aussi, à mon sentiment ; si ce n’est à celui de Bernard Stiegler aussi…) _

est apparu ;

qui dépasse l’opposition _ irréductiblement contradictoire _ de la production et de la consommation ;

dont le logiciel libre et les licences « creative commons » sont les matrices conceptuelles et historiques » _ selon la formulation très claire de la quatrième de couverture de « Pour en finir avec la mécroissance« 

Et Bernard Stiegler de le préciser positivement ainsi :

« Ce nouveau modèle constitue la base d’une économie de la contribution.

Il permet d’espérer qu’après la domination de la « bêtise systémique » à laquelle aura conduit le consumérisme _ celui qui vend l’essentiel du « temps de cerveau humain » à de la crétinisation… _,

les technologies numériques seront mises au service d’une nouvelle intelligence collective et d’un nouveau commerce social

_ pour autant qu’émergent une volonté politique et une intelligence économique nouvelles _ et cela ne manque pas d’une certaine dose d’ironie en ce jour d’élections (pour le Parlement européen) !.. _, et que s’engage la lutte pour en finir avec la mécroissance« …

En tout cas,

on ne peut pas dire qu' »Ars Industrialis » demeure les bras ballants…

Et maintenant,

voici l’article de Nicolas Carr (de juin 2008) que publie, à son tour, Le Monde (en date du 5 juin 2009) :

 « Est-ce que Google nous rend idiot ?« 

InternetActu | 05.06.09 | 16h47  •  Mis à jour le 05.06.09 | 21h10″ »

Il nous a semblé important de vous proposer à la lecture « Is Google Making Us Stupid ?« , l’article de Nicolas Carr, publié en juin 2008 dans la revue The Atlantic, et dont la traduction, réalisée par Penguin, Olivier et Don Rico, a été postée sur le FramaBlog en décembre. Dans cet article, Nicolas Carr (blog), l’auteur de Big Switch et de « Does IT matter ?« , que l’on qualifie de Cassandre des nouvelles technologies, parce qu’il a souvent contribué à un discours critique sur leur impact, part d’un constat personnel sur l’impact qu’à l’internet sur sa capacité de concentration pour nous inviter à réfléchir à l’influence des technologies sur notre manière de penser et de percevoir le monde. Rien de moins.

“Dave, arrête. Arrête, s’il te plaît. Arrête Dave. Vas-tu t’arrêter, Dave ?” Ainsi le super-ordinateur HAL suppliait l’implacable astronaute Dave Bowman dans une scène célèbre et singulièrement poignante à la fin du film de Stanley Kubrick « 2001, l’odyssée de l’espace« . Bowman, qui avait failli être envoyé à la mort, au fin fond de l’espace, par la machine détraquée, est en train de déconnecter calmement et froidement les circuits mémoires qui contrôlent son “cerveau” électronique. “Dave, mon esprit est en train de disparaître”, dit HAL, désespérément. “Je le sens. Je le sens.”

Moi aussi, je le sens. Ces dernières années, j’ai eu la désagréable impression que quelqu’un, ou quelque chose, bricolait mon cerveau, en reconnectait les circuits neuronaux, reprogrammait ma mémoire. Mon esprit ne disparaît pas, je n’irai pas jusque là, mais il est en train de changer. Je ne pense plus de la même façon qu’avant. C’est quand je lis que ça devient le plus flagrant. Auparavant, me plonger dans un livre ou dans un long article ne me posait aucun problème. Mon esprit était happé par la narration ou par la construction de l’argumentation, et je passais des heures à me laisser porter par de longs morceaux de prose. Ce n’est plus que rarement le cas. Désormais, ma concentration commence à s’effilocher au bout de deux ou trois pages. Je m’agite, je perds le fil, je cherche autre chose à faire. J’ai l’impression d’être toujours en train de forcer mon cerveau rétif à revenir au texte. La lecture profonde, qui était auparavant naturelle, est devenue une lutte _ tel est le changement, important, survenu…

Je crois savoir ce qui se passe. Cela fait maintenant plus de dix ans que je passe énormément de temps sur la toile, à faire des recherches, à surfer et même parfois à apporter ma pierre aux immenses bases de données d’Internet. En tant qu’écrivain, j’ai reçu le Web comme une bénédiction. Les recherches, autrefois synonymes de journées entières au milieu des livres et magazines des bibliothèques, s’effectuent désormais en un instant. Quelques recherches sur Google, quelques clics de lien en lien et j’obtiens le fait révélateur ou la citation piquante que j’espérais _ en effet ! Même lorsque je ne travaille pas, il y a de grandes chances que je sois en pleine exploration du dédale rempli d’informations qu’est le Web ; ou en train de lire ou d’écrire des e-mails, de parcourir les titres de l’actualité et les derniers billets de mes blogs favoris, de regarder des vidéos et d’écouter des podcasts ou simplement de vagabonder d’un lien à un autre, puis à un autre encore. (À la différence des notes de bas de page, auxquelles on les apparente parfois, les liens hypertextes ne se contentent pas de faire référence à d’autres ouvrages ; ils vous attirent inexorablement _ voici le processus décisif apparu… _ vers ces nouveaux contenus).

Pour moi, comme pour d’autres, le Net est devenu un media universel, le tuyau d’où provient la plupart des informations _ le terme est à relever _ qui passent par mes yeux et mes oreilles _ et cela par rapport à l’exercice « habituel«  des sens et de l’esprit… Les avantages sont nombreux d’avoir un accès immédiat à un magasin d’information _ voilà donc la « ressource«  nouvelle apparue ! _ d’une telle richesse, et ces avantages ont été largement décrits et applaudis comme il se doit. Le souvenir parfait de la mémoire du silicium”, a écrit Clive Thompson de « Wired« , “peut être une fantastique aubaine pour la réflexion.” Mais cette aubaine a un prix _ ses effets, directs ou secondaires... Comme le théoricien des média Marshall McLuhan le faisait remarquer dans les années 60, les média ne sont pas uniquement un canal passif d’information. Ils fournissent les bases de la réflexion, mais ils modèlent également _ et « formatent« _ le processus _ même _ de la pensée _ c’est-à-dire du « penser » de tous ceux qui en font durablement usage… Et il semble que le Net érode _ gravement _ ma capacité de concentration et de réflexion. Mon esprit attend désormais _ un peu (beaucoup ?) passivement _ les informations de la façon dont le Net les distribue : comme un flux de particules _ toutes constituées et seulement à recevoir _ s’écoulant _ ultra _ rapidement. Auparavant, j’étais un plongeur _ initiateur et maître (physiquement, corporellement) de mes propres gestes ; et immergé _ dans une mer de mots _ à laquelle j’allais, plus ou moins à mes rythmes, me confronter, en ses divers courants… Désormais, je fends la surface _ seulement _ comme un pilote de jet-ski _ emporté par la machine et à sa vitesse (à elle, la machine)…

Je ne suis pas le seul. Lorsque j’évoque mes problèmes de lecture avec des amis et des connaissances, amateurs de littérature pour la plupart, ils me disent vivre la même expérience _ de pénibilité. Plus ils utilisent le Web, plus ils doivent se battre _ voilà _ pour rester concentrés _ et c’est là le point décisif _ sur de longues pages d’écriture _ en luttant (désespérément !) contre la fatigue pour pouvoir « tenir«  la distance de la « lecture« … Certains des bloggeurs que je lis ont également commencé à mentionner ce phénomène. Scott Karp, qui tient un blog sur les média en ligne, a récemment confessé qu’il avait complètement arrêté de lire des livres. “J’étais spécialisé en littérature à l’université ; et je passais mon temps à lire des livres”, écrit-il. “Que s’est-il passé ?” Il essaie de deviner la réponse : “Peut-être que je ne lis plus que sur Internet, non pas parce que ma façon de lire a changé (c’est à dire parce que je rechercherais _ désormais seulement rien que _ la facilité _ non… _), mais plutôt parce que ma façon de PENSER a changé ?”

Bruce Friedman, qui bloggue régulièrement sur l’utilisation des ordinateurs en médecine, décrit également la façon dont Internet a transformé ses habitudes intellectuelles _ du « raisonner«  “J’ai désormais perdu presque totalement la capacité de lire et d’absorber _ c’est-à-dire « comprendre » vraiment : en « réfléchissant«  _ un long article, qu’il soit sur le Web ou imprimé”, écrivait-il plus tôt cette année. Friedman, un pathologiste qui a longtemps été professeur l’école à de médecine du Michigan, a développé son commentaire lors d’une conversation téléphonique avec moi. Ses pensées, dit-il, ont acquis un style “staccato”, à l’image de la façon _ gestique… : il s’agit de comportements (et répétés ; et assez vite addictifs) _ dont il scanne rapidement de petits passages de texte provenant de multiples sources en ligne. “Je ne peux plus lire « Guerre et Paix« , admet-il. “J’ai perdu la capacité de le faire. Même un billet de blog de plus de trois ou quatre paragraphes est trop long pour que je l’absorbe. Je l’effleure à peine” _ seulement : ce qui devient un handicap et une incapacité…

Les anecdotes par elles-mêmes ne prouvent pas grand chose. Et nous attendons encore des expériences neurologiques et psychologiques sur le long terme, qui nous fourniraient une image définitive sur la façon dont Internet affecte _ objectivement _ nos capacités cognitives. Mais une étude publiée récemment (.pdf) sur les habitudes de recherches en ligne, conduite par des spécialistes de l’université de Londres, suggère que nous assistons peut-être à de profonds changements de notre façon _ même _ de lire et de penser _ voilà ce qui m’intéresse tout particulièrement : d’où l’intitulé de cet article... Dans le cadre de ce programme de recherche de cinq ans, ils ont examiné des traces informatiques renseignant sur le comportement des visiteurs de deux sites populaires de recherche, l’un exploité par la bibliothèque britannique et l’autre par un consortium éducatif anglais, qui fournissent un accès à des articles de journaux, des livres électroniques et d’autres sources d’informations écrites. Ils ont découvert que les personnes utilisant ces sites présentaient “une forme d’activité d’écrémage”, sautant _ oui _ d’une source à une autre et revenant rarement _ voilà _ à une source qu’ils avaient déjà visitée. En règle générale, ils ne lisent pas plus d’une ou deux pages _ c’est là un seuil d’attention _ d’un article ou d’un livre avant de “bondir_ happés qu’ils sont par l’addiction à la disponibilité offerte par la machine et les liens et les favoris… _ vers un autre site. Parfois, ils sauvegardent _ = mettent en « réserve » pour une potentielle future lecture (ou « utilisation« ) _ un article long, mais il n’y a aucune preuve qu’ils y reviendront jamais et le liront réellement _ voilà le résultat effectif le plus courant… Les auteurs de l’étude rapportent ceci :

Il est évident que les utilisateurs ne lisent pas en ligne dans le sens traditionnel. En effet, des signes montrent que de _ bel et bien _ nouvelles formes de “lecture” apparaissent lorsque les utilisateurs “super-naviguent” horizontalement de par les titres, les contenus des pages et les résumés pour parvenir à des résultats rapides. Il semblerait presque qu’ils vont en ligne pour éviter de lire de manière traditionnelle.

Grâce à l’omniprésence du texte sur Internet, sans même parler de la popularité des textos sur les téléphones portables, nous lisons peut-être davantage aujourd’hui que dans les années 70 ou 80, lorsque la télévision était le média de choix. Mais il s’agit d’une façon différente de lire, qui cache une façon différente de penser _ voilà ! _, peut-être même un nouveau sens de l’identité _ et voilà bien l’enjeu « de fond«  de ce changement ! “Nous ne sommes pas seulement ce que nous lisons”, dit Maryanne Wolf, psychologue du développement à l’université Tufts et l’auteur de « Proust et le Calamar : l’histoire et la science du cerveau qui lit« . “Nous sommes définis par notre façon de lire _ rien moins ! Wolf s’inquiète que le style de lecture promu par le Net, un style qui place “l’efficacité” et “l’immédiateté” au-dessus de tout, puisse fragiliser notre capacité pour le style de lecture profonde _ voilà comment on doit le spécifier _ qui a émergé avec une technologie plus ancienne, l’imprimerie, qui a permis de rendre banals les ouvrages longs et complexes _ disponibles durablement pour notre regard attentif ; et à notre rythme : tranquillement. Lorsque nous lisons en ligne, dit-elle, nous avons tendance à devenir _ minimalement, en quelque sorte ; et réductivement _ de “simples décodeurs de l’information”. Notre capacité à interpréter le texte, à réaliser les riches connexions mentales qui se produisent _ tout un travail fécond _ lorsque nous lisons profondément et sans distraction _ voilà l’autre type de lecture : celui qui est menacé _, reste largement inutilisée.

La lecture, explique Wolf, n’est pas une capacité instinctive de l’être humain. Elle n’est pas inscrite dans nos gènes de la même façon que le langage. Nous devons apprendre à nos esprits comment traduire les caractères symboliques que nous voyons dans un langage que nous comprenons. Et le médium ou toute autre technologie que nous utilisons pour apprendre et exercer la lecture joue un rôle important dans la façon dont les circuits neuronaux sont modelés _ peu à peu _ dans nos cerveaux _ activés : certes. Les expériences montrent que les lecteurs d’idéogrammes, comme les chinois, développent un circuit mental pour lire très différent des circuits trouvés parmi ceux qui utilisent un langage écrit employant un alphabet. Les variations s’étendent à travers de nombreuses régions du cerveau, incluant celles qui gouvernent des fonctions cognitives essentielles comme la mémoire et l’interprétation des stimuli visuels et auditifs. De la même façon, nous pouvons nous attendre à ce que les circuits tissés par notre utilisation du Net seront différents _ sans doute _ de ceux tissés par notre lecture des livres et d’autres ouvrages imprimés _ dis-moi comment tu lis, je te dirai comment « tu deviens« 

En 1882, Friedrich Nietzsche acheta une machine à écrire, une “Malling-Hansen Writing Ball” pour être précis. Sa vue était en train de baisser, et rester concentré longtemps sur une page était devenu exténuant et douloureux, source de maux de têtes fréquents et douloureux. Il fut forcé de moins écrire, et il eut peur de bientôt devoir abandonner _ l’écriture. La machine à écrire l’a sauvé, au moins pour un temps. Une fois qu’il eut maîtrisé la frappe, il fut capable d’écrire les yeux fermés, utilisant uniquement le bout de ses doigts. Les mots pouvaient de nouveau couler de son esprit _ et son « penser«  _ à la page _ qui le « retiendrait« 

Jamais système de communication n’a joué autant de rôles différents dans nos vies, ou exercé une si grande influence sur nos pensées, que ne le fait Internet de nos jours. Pourtant, malgré tout ce qui a été écrit à propos du Net, on a très peu abordé la façon dont, exactement, il nous reprogramme _ rien moins ! L’éthique intellectuelle du Net reste obscure.

À peu près au moment où Nietzsche commençait à utiliser sa machine à écrire, un jeune homme sérieux du nom de Frederick Winslow Taylor apporta un chronomètre dans l’aciérie Midvale de Philadelphie et entama une série d’expériences historique dont le but était d’améliorer l’efficacité des machinistes de l’usine. Avec l’accord des propriétaires de Midvale, il embaucha un groupe d’ouvriers, les fit travailler sur différentes machines de métallurgie, enregistra et chronométra chacun de leurs mouvements ainsi que les opérations des machines. En découpant chaque travail en une séquence de petites étapes unitaires et en testant les différentes façons de réaliser chacune d’entre elles, Taylor créa un ensemble d’instructions précises, un “algorithme”, pourrions dire de nos jours, décrivant comment chaque ouvrier devait travailler. Les employés de Midvale se plaignirent de ce nouveau régime strict, affirmant que cela faisait d’eux quelque chose d’à peine mieux que des automates, mais la productivité de l’usine _ elle _ monta en flèche.

Plus de cent ans après l’invention de la machine à vapeur, la révolution industrielle avait finalement trouvé sa philosophie et son philosophe. La chorégraphie industrielle stricte de Taylor, son “système” comme il aimait l’appeler, fut adoptée par les fabricants dans tout le pays et, avec le temps, dans le monde entier. À la recherche de la vitesse, de l’efficacité et de la rentabilité maximales, les propriétaires d’usine utilisèrent les études sur le temps et le mouvement pour organiser leur production et configurer le travail de leurs ouvriers. Le but, comme Taylor le définissait dans son célèbre traité de 1911, « La direction des ateliers » (le titre original « The principles of scientific management » pourrait être traduit en français par “Les principes de l’organisation scientifique”), était d’identifier et d’adopter, pour chaque poste, la “meilleure méthode” de travail _ en terme de « rentabilité économique » de l’entreprise _ et ainsi réaliser “la substitution graduelle de la science à la méthode empirique dans les arts mécaniques”. Une fois que le système serait appliqué à tous les actes du travail manuel, garantissait Taylor à ses émules, cela amènerait un remodelage, non seulement de l’industrie, mais également de la société, créant une efficacité parfaite utopique. “Dans le passé, l’homme était la priorité”, déclare-t-il, “dans le futur, la priorité, ce sera le système”.

Le système de Taylor, le « taylorisme« , est encore bien vivant ; il demeure l’éthique de la production industrielle. Et désormais, grâce au pouvoir grandissant que les ingénieurs informaticiens et les programmeurs de logiciel exercent sur nos vies intellectuelles, l’ »éthique » de Taylor commence également à gouverner le royaume de l’esprit. Internet est une machine conçue pour la collecte automatique et efficace, la transmission et la manipulation des informations, et des légions de programmeurs veulent trouver “LA meilleure méthode”, l’algorithme parfait, pour exécuter chaque geste mental de ce que nous pourrions décrire comme “le travail de la connaissance”.

Le siège de Google, à Mountain View, en Californie, le Googleplex, est la Haute Église d’Internet, et la religion pratiquée en ses murs est le taylorisme. Google, selon son directeur-général Eric Schmidt, est “une entreprise fondée autour de la science de la mesure” ; et il s’efforce de “tout systématiser” dans son fonctionnement. En s’appuyant sur les téra-octets de données comportementales qu’il collecte à travers son moteur de recherche et ses autres sites, il réalise des milliers d’expériences chaque jour, selon le « Harvard Business Review« , et il utilise les résultats pour peaufiner les algorithmes qui contrôlent de plus en plus la façon dont les gens trouvent l’information et en extraient le sens. Ce que Taylor a fait pour le travail manuel, Google le fait pour le travail _ de « lecture industrielle« , l’appelle Alain Giffard … _ de l’esprit.

Google a déclaré que sa mission était “d’organiser les informations du monde et de les rendre universellement accessibles et utiles”. Cette société essaie de développer “le moteur de recherche parfait”, qu’elle définit comme un outil qui “comprendrait exactement ce que vous voulez dire et vous donnerait en retour _ instantané _ exactement ce que vous désirez”. Selon la vision de Google, l’information est un produit comme un autre, une ressource utilitaire qui peut être exploitée et traitée avec une efficacité industrielle. Plus le nombre de morceaux d’information auxquels nous pouvons “accéder” est important, plus rapidement nous pouvons en extraire l’essence, et plus nous sommes productifs en tant que penseurs _ selon la logique pragmatique de cet « utilitarisme« 

Où cela s’arrêtera-t-il ? Sergey Brin et Larry Page, les brillants jeunes gens qui ont fondé Google pendant leur doctorat en informatique à Stanford, parlent fréquemment de leur désir de transformer leur moteur de recherche en une intelligence artificielle, une machine comme HAL, qui pourrait être connectée directement à nos cerveaux _ rendus ultra performants ultra « utilitaristement« , si j’ose dire… “Le moteur de recherche ultime est quelque chose d’aussi intelligent que les êtres humains, voire davantage”, a déclaré Page lors d’une conférence il y a quelques années. “Pour nous, travailler sur les recherches est un moyen de travailler sur l’intelligence artificielle.” Dans un entretien de 2004 pour Newsweek, Brin affirmait : “Il est certain que si vous aviez toutes les informations du monde directement fixées à votre cerveau ou une intelligence artificielle qui serait plus intelligente que votre cerveau, vous vous en porteriez mieux” _ en terme d’efficacité technique, probablement… L’année dernière, Page a dit lors d’une convention de scientifiques que Google “essayait vraiment de construire une intelligence artificielle et de le faire à grande échelle.”

Une telle ambition est naturelle, et même admirable, pour deux mathématiciens prodiges disposant d’immenses moyens financiers et d’une petite armée d’informaticiens sous leurs ordres. Google est une entreprise fondamentalement scientifique, motivée par le désir d’utiliser la technologie, comme l’exprime Eric Schmidt, “pour résoudre les problèmes qui n’ont jamais été résolus auparavant” ; et le frein principal à la réussite d’une telle entreprise reste l’intelligence artificielle. Pourquoi Brin et Page ne voudraient-ils pas être ceux qui vont parvenir à surmonter cette difficulté ?

Pourtant, leur hypothèse simpliste voulant que nous nous “porterions mieux” si nos cerveaux étaient assistés ou même remplacés par une intelligence artificielle, est inquiétante _ ah ! Cela suggère que d’après eux l’intelligence résulte d’un processus mécanique _ une technique ; et pas un « art« … _, d’une suite d’étapes discrètes qui peuvent être isolées, mesurées et optimisées _ et pas d’un flux « plastique » du « penser«  Dans le monde de Google, le monde dans lequel nous entrons lorsque nous allons en ligne, il y a peu de place pour le flou de la réflexion _ et s’auto-régulant lui-même, ce « flou » en mouvement, en permanence (d’un sujet effectivement « pensant« , cartésien, ou chomskien ; et pas d’« arcs-réflexes«  pavloviens) : c’est un point capital… L’ambiguïté n’est pas un préliminaire _ ou plutôt une série d’étapes, en forme de « sas«  _ à la réflexion, mais un bogue à corriger _ et éliminer ! Le cerveau humain n’est qu’un ordinateur _ technologiquement _ dépassé qui a besoin d’un processeur plus rapide et d’un plus gros disque dur.

L’idée que nos esprits doivent fonctionner comme des machines traitant des données à haute vitesse n’est pas seulement inscrite dans les rouages d’Internet, c’est également le business-model qui domine le réseau. Plus vous surfez rapidement sur le Web, plus vous cliquez sur des liens et visitez de pages, plus Google et les autres compagnies ont d’occasions de recueillir des informations sur vous ; et de vous nourrir _ en un retour utra réactif _ avec de la publicité. La plupart des propriétaires de sites commerciaux ont un enjeu financier à collecter les miettes de données que nous laissons derrière nous lorsque nous voletons de lien en lien : plus y a de miettes, mieux c’est _ à « exploiter«  Une lecture tranquille ou une réflexion lente et concentrée _ en effet ! _ sont bien les dernières choses que ces compagnies désirent _ = dont elles ont besoin !.. C’est leur intérêt commercial _ bien compris (pour elles !) _ de nous distraire.

Peut-être ne suis-je qu’un angoissé. Tout comme il y a une tendance à glorifier le progrès technologique, il existe la tendance inverse _ dans la logique que Jacques Derrida a qualifiée de « pharmakon » ; et que reprend et développe Bernard Stiegler… _, celle de craindre le pire avec tout nouvel outil ou toute nouvelle machine. Dans le « Phèdre » de Platon, Socrate déplore le développement de l’écriture. Il avait peur que, comme les gens se reposaient de plus en plus sur les mots écrits comme un substitut à la connaissance qu’ils transportaient d’habitude dans leur tête, ils allaient, selon un des intervenants d’un dialogue, “arrêter de faire travailler leur mémoire _ c’est ce travail sur soi qui est vraiment fécond _ et devenir oublieux.” Et puisqu’ils seraient capables de “recevoir une grande quantité d’informations sans instruction appropriée”, ils risquaient de “croire posséder _ illusoirement ! _ une grande connaissance, alors qu’ils seraient en fait largement ignorants”. Ils seraient “remplis de l’orgueil de la sagesse au lieu de la sagesse réelle” _ cherchez l’erreur ! Socrate n’avait pas tort, les nouvelles technologies ont souvent les effets qu’il redoutait, mais il manquait de vision à long terme. Il ne pouvait pas prévoir les nombreux moyens que l’écriture et la lecture allaient fournir pour diffuser l’information, impulsant des idées fraîches et élargissant la connaissance humaine (voire la sagesse).

L’arrivée de l’imprimerie de Gutenberg, au XVe siècle, déclencha une autre série de grincements de dents. L’humaniste italien Hieronimo Squarciafico s’inquiétait que la facilité à obtenir des livres conduise à la paresse intellectuelle _ l’ennemie (cf plus tard Kant : « Qu’est-ce-que les Lumières ?«  _, rende les hommes “moins studieux” et affaiblisse leur esprit. D’autres avançaient que des livres et journaux imprimés à moindre coût allaient saper l’autorité religieuse, rabaisser le travail des érudits et des scribes, et propager la sédition et la débauche _ tous facteurs à prendre en compte, en effet… Comme le professeur de l’université de New York, Clay Shirky, le remarque, “la plupart des arguments contre l’imprimerie était corrects et même visionnaires.” Mais, encore une fois, les prophètes de l’apocalypse ne pouvaient imaginer la myriade de bienfaits que le texte imprimé allait _ aussi, en « pharmakon » ambivalent _ amener _ cf, à propos des thèses là-dessus de Bernard Stiegler, mon article du 31 mai 2009 : « Très fortes conférences d’Olivier Mongin et Bernard Stiegler à propos de ce qu’est “faire monde”, à l’excellent Festival “Philosophia” de Saint-Emilion« 

Alors certes, vous pouvez vous montrer sceptique vis-à-vis de mon scepticisme. Ceux qui considèrent les détracteurs d’Internet comme des béotiens technophobes ou passéistes auront peut-être raison, et peut-être que de nos esprits hyperactifs, gavés de données surgira un âge d’or de la découverte intellectuelle et de la sagesse universelle. Là encore, le Net n’est pas l’alphabet, et même s’il remplacera peut-être l’imprimerie, il produira quelque chose de complètement différent. Le type de lecture profonde qu’une suite de pages imprimées stimule est précieux, non seulement pour la connaissance que nous obtenons des mots de l’auteur, mais aussi pour les vibrations intellectuelles _ en flux… _ que ces mots déclenchent dans nos esprits. Dans les espaces de calme _ et vibrants _ ouverts par la lecture soutenue et sans distraction _ voilà _ d’un livre ; ou d’ailleurs par n’importe quel autre acte de contemplation _ voilà le terme adéquat pour cette « opération«  _, nous faisons nos propres associations, construisons nos propres inférences et analogies, nourrissons nos propres idées _ singulières, selon notre « génie » singulier sollicité ; et se construisant en ces « métamorphoses« , selon une « plasticité » ouverte… La lecture profonde, comme le défend Maryanne Wolf, est indissociable de la pensée profonde _ voilà l’enjeu « de fond« , c’est on ne peut mieux le cas de le dire.

Si nous perdons ces endroits calmes, ou si nous les remplissons _ sans flux _ avec du “contenu_ formaté, pré-mâché _, nous allons sacrifier quelque chose d’important non seulement pour nous même, mais également pour notre culture _ collective, partagée : celle-ci étant en permanence en gestation « animée«  d’elle-même, et selon les processus que Bernard Stiegler conceptualise sous le terme de « transindividuation«  Dans un essai récent, l’auteur dramatique Richard Foreman décrit de façon éloquente ce qui est en jeu :

Je suis issu d’une tradition culturelle occidentale, pour laquelle l’idéal (mon idéal) était la structure complexe, dense et “bâtie telle une cathédrale” de la personnalité hautement éduquée et logique _ ou plutôt rationnelle ? _, un homme ou une femme qui transporte en soi-même une version unique _ possiblement (et « idéalement« , donc !) « singulière«  _ et construite personnellement _ en effet ! et avec patience… _ de l’héritage tout entier _ partagé _ de l’Occident. Mais maintenant je vois en nous tous (y compris en moi-même) le remplacement de cette densité interne complexe _ oui ; et diaprée _ par une nouvelle sorte d’auto-évolution _ subie et grégarisante ; et a minima considérablement « simplifiée« _ sous la pression de la surcharge d’information _ seulement ; « brute«  _ et la technologie de “l’instantanément disponible”_ selon l’impérialisme terriblement envahissant et uniformisateur du « Time is money« …

« À mesure que nous nous vidons _ oui _ de notrerépertoire interne _ plastique, vivant _ issu de notre héritage dense, conclut Foreman, nous risquons de nous transformer en “crêpe humaine”, étalée _ platement et rigidement _ comme un pâte large et fine _ ultra superficiellement _ à mesure que nous nous connectons à ce vaste réseau d’information accessible en pressant simplement sur une touche.

Cette scène de « 2001 : l’odyssée de l’espace » me hante _ donc… Ce qui la rend si poignante, et si bizarre, c’est la réponse pleine d’émotion de l’ordinateur lors du démontage de son esprit : son désespoir à mesure que ses circuits s’éteignent les uns après les autres, sa supplication enfantine face à l’astronaute, “Je le sens, je le sens. J’ai peur.”, ainsi que sa transformation et son retour final _ régressif _ à ce que nous pourrions appeler un état d’innocence _ = d’idiotie (« in-fans«  : celui qui n’a pas encore appris à parler…). L’épanchement des sentiments de HAL contraste avec l’absence d’émotion qui caractérise les personnages humains dans le film, lesquels s’occupent de leur boulot avec une efficacité robotique _ cf mon article du 28 avril 2009 sur les dangers d’un utilitarisme « totalitaire«  : « de quelques symptômes de maux postmodernes : 2) “l’inculture du résultat”, selon Michel Feher«  Leurs pensées et leurs actions semblent scénarisées, comme s’ils suivaient les étapes d’un algorithme. Dans le monde de « 2001« , les hommes sont devenus si semblables aux machines _ ils sont même carrément mis en hibernation (prolongée) quand aucune tâche programmée n’est envisagée à solliciter d’eux _ que le personnage le plus « humain » se trouve être une machine. C’est l’essence de la sombre prophétie de Kubrick : à mesure que nous nous servons des ordinateurs comme intermédiaires de notre compréhension du monde, c’est notre propre intelligence qui devient semblable à l’intelligence artificielle _ soit « une crêpe » !!!

Nous vous invitons à réagir à cet article sur le Framablog où la traduction a été originellement publiée. Vous pouvez également consulter la suite de ce dossier sur Internetactu.

Des sujets d’importance, comme tout un chacun peut ainsi en juger ;

pour l’heure, j’en retiens surtout

la perspective positive

d’une « économie de la contribution« …

Titus Curiosus, ce 7 juin 200

Post-scriptum :

En recherchant dans la bibliographie de « Pour en finir avec la mécroissance« ,

je découvre la référence suivante, page 298 :

Nicholas Carr, « The Big Switch : Rewiring the World, From Edison to Google« , W. W. Norton & Company, 2008…

Et je me permets, très naïvement, de rappeler mes propres « contrats de lecture« , dans les articles liminaires de ce blog :

« de la longueur et du style : du contrat de lecture (d’un blog)« , dès le 14 juillet 2008 _ il faudrait toutefois lui « injecter » quelques « respirations« … ;

ainsi que l’article d' »ouverture » de ce blog, le 3 juillet 2008 (lui « respire« …) : « le Carnet d’un curieux« …

De mon point de vue _ présomptueux ? _,

je défends donquichottesquement l’effort de lecture _ sur l’écran aussi !.. _ d’entrer avec patience, persévérance, et, surtout, amour _ c’est un peu mieux qu' »empathie« … _, dans le style même des textes (= leur temporalité, le rythme de leur « souffle« , qui doit toujours être éminemment « singulier » ; et non sans, de plus, une certaine « ampleur » de développement), le temps nécessaire :

à une « vraie » lecture.

Et l’amour, lui qui se réjouit, ne compte pas vraiment le temps…

La temporalité du penser-chercher (libre) versus la logique comptable-et-compétitive (utilitariste) : la liberté (de la vérité) sous la pression du « réalisme » de la rentabilité

13mar

Un excellent article (et pétition) sur le blog « 24 heures Philo » (le riche et passionnant blog coordonné par François Noudelmann et Eric Aeschimann : Lien permanent) :

« Les revues prises dans le piège de l’évaluation«  par un collectif de « revues de sciences humaines » à la date d’hier, 12 mars, sur le site de Libération,

qui nous donne _ excellemment (et urgemment !) _ à réfléchir sur les enjeux de la temporalité dans ce qui se joue en ce moment sur ce que va devenir notre monde ; de quel côté va-t-il pencher ? :

Voici cette « communication » du collectif de « revues de sciences humaines » que je me permets d’assortir, as usual, de quelques commentaires « miens » :

Un débat très important agite, depuis 2008 au moins, la communauté internationale des chercheurs. Il concerne les revues et les modalités de leur classement, de leur notation et de leur évaluation. L’évaluation des revues n’est pas neuve (pensons par exemple au classement proposé par le CNRS en 2004), et les chercheurs sont familiers de la logique de hiérarchisation, plus ou moins formelle, qui sous-tend les pratiques scientifiques. Il nous semble même normal, sensé et essentiel que soient mises en valeur et distinguées _ car penser, c’est juger, distinguer, évaluer : critiquer, c’est-à-dire trier et choisir (retenir et écarter, et transmettre) _ les revues dont la qualité scientifique est reconnue par les professionnels de la recherche. Mais selon quels critères _ de fait ? de droit ? _ et selon quelles modalités ? Aujourd’hui, il nous paraît urgent de faire connaître notre position sur cette question, d’autant que la signification de la liste française de revues établie par l’AERES (Agence d’Evaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur) s’est vue confortée par la réforme du statut de l’enseignant-chercheur promue par l’actuel gouvernement.

Pourquoi ce projet de réforme, qui met les chercheurs dans la rue depuis bientôt deux mois, s’inscrit-il dans le prolongement direct de la création de l’AERES et de son classement des revues ? Parce qu’octroyer à l’AERES le monopole de l’évaluation des chercheurs consiste tout simplement à faire des revues les supports privilégiés de la discrimination et de la compétition entre chercheurs. Une fois la réforme adoptée, ces derniers seront jugés uniquement _ !!! _ sur le nombre de leurs publications _ !!! _ et sur la note attribuée _ !!! _, par l’AERES, à la revue dans laquelle ils auront publié. Pour le dire autrement, si un chercheur publie un texte dans une excellente revue spécialisée, mais mal (voire pas du tout) classée par l’AERES ou par son aîné l’ERIH (European Reference Index for the Humanities), il ne sera pas considéré _ labélisé ; officiellement ! _ comme un « bon » chercheur _ et ayant à trainer sur son front ce stigmate ! _, et verra son travail _ de facto lourdement _ confiné aux tâches enseignantes et administratives. Il n’aura donc plus l’occasion de mener à bien ses recherches _ on en mesure les effets ! _ et de les publiciser _ placardisées bel et bien qu’elles seront, par ce dispositif officialisé de censure…

Pourquoi cette réforme est-elle en totale inadéquation avec la manière dont fonctionnent _ actuellement _ nos revues ? Même si elles reposent sur le principe de la sélection et de la critique _ librement _ constructives _ la signature des articles n’engageant que l’autorité intellectuelle de leurs auteurs : mais c’est énorme ! _, les revues en sciences humaines et sociales n’ont absolument pas vocation à noter _ !!! : le nombre (= le quantitatif) évitant d’aller regarder un peu plus (et mieux) dans les coins ; c’est-à-dire de lire ! (= le qualitatif) _ les chercheurs ! Elles produisent _ créent _ et transmettent un savoir. Qu’elles soient spécialisées, généralistes, ou interdisciplinaires, leur objectif est d’informer la communauté scientifique _ curieuse _, de transmettre _ dans une perspective dynamique ouverte et libre !!! _ de nouveaux programmes de recherche _ à mener _, de poser des problèmes _ ils ne vont pas (ni jamais ! cf Bachelard, sur le « sens du problème » comme marque de l' »esprit scientifique » !) de soi ; et les « créer » est la première et essentielle mission, fondamentale et féconde, de « la recherche » ; qui deviendra, plus tard, un peu mieux « établie », « le savoir » : reconnu ; et même « la science » : admirée… _, de discuter _ toujours et indéfiniment !.. _ des méthodes _ indéfiniment en chantier _, de stimuler _ avec fécondité ouverte _ les interprétations, et non de récompenser ou sanctionner les individus _ réduits aux compétitions sans merci du (misérable) carriérisme…

La logique comptable et compétitive _ et c’est bien de son expansion impériale qu’il s’agit, hic et nunc !!! _ de l’actuelle réforme met à mal, tout particulièrement, le rôle des « comités de rédaction », qui travaillent en effet collectivement _ c’est important : il s’agit toujours d’un travail d’équipe ; et non de camarillas à la solde d’ambitions individuelles _ à l’élaboration d’une ligne éditoriale, en fonction de laquelle les articles sont sélectionnés ou non pour la publication. Les placer en position de faire le tri entre « bons » et « mauvais » chercheurs, c’est introduire, dans leur travail, d’autres considérations _ certes ! mortifères pour l’autorité de la recherche _ que celles qui président _ actuellement, pour l’essentiel _ à la ligne éditoriale de la revue. Or les membres d’un comité de rédaction ne sauraient être réduits à la fonction de froids _ lire Imre Kertész sur la logique de l’édition en régime totalitaire, in « Le Refus » : admirable !!! On peut lire aussi, du même, l’encore plus effrayant de réalisme « Liquidation » !!! _ administrateurs, fidèles _ l’adjectif est admirable ! _ aux critères de sélection _ on connait aussi ceux (« critères de sélection« ) d’Auschwitz : toujours de Kertész, lire, cette fois, « Etre sans destin« , à propos de l »instant décisif » (qui n’est pas celui de Henri Cartier-Bresson !.. _ dictés par la mode du moment _ on ne connaît que trop l’admirable constance et l’héroïque souci d' »autorité » et de « fondement » de telles pratiques !!! _ ou par une conception homogène et stagnante _ transie et cadavérisante ! _ des définitions de la scientificité. Une revue n’existe pas non plus sans le travail d’un comité de lecture _ ouvert et honnête, en ses exigences puissantes de « valeur » scientifique … _ dont l’avis consultatif ou le pouvoir décisionnel sont absolument cruciaux. Il revient en effet au comité de lecture de juger _ en toute liberté de l’esprit ; et, le plus possible, rien qu’elle !!! _ les articles répondant à l’appel à contributions lancé par une revue. Les choix de publication qu’effectue un tel comité n’ont rien de neutre _ chacun ses options, ses paris ; mais en toute honnêteté ! _, et il n’y a donc aucune raison pour qu’il en existe une forme unique _ officielle ! _ et supérieure _ ou totalitaire ! Là encore, se joue l’identité _ libre ! _ d’une revue.

La course à la publication, le risque de discriminations injustifiées _ sinon par de sordides intérêts carriéristes de quelques uns, cherchant à se faire un tout petit peu plus « malins » que les autres : le mot ne porte que trop bien le poids de son étymologie… _ et de renforcement des dissymétries, l’accumulation de critères de sélection mal ajustés aux situations spécifiques _ du « réel » en sa complexité : auxquels se confronte toute vraie honnête « recherche » _ : voilà ce que propose aujourd’hui le Ministère de la Recherche aux revues dont certaines sont pourtant mondialement réputées _ en effet : mais pour combien de temps ? si tels devenaient les nouveaux « handicaps » de la « compétition » ainsi organisée (ou truquée)… _ pour leurs qualités scientifiques et l’originalité _ essentielle ! _ de leur ligne éditoriale _ on sait ce que deviennent les « normalisations« … Voulons-nous d’une classification arbitraire des revues ? Voulons-nous que les revues soient instrumentalisées _ c’est de cela qu’il s’agit, avec cette machiavélisation tous azimuts galopante cf mon article du 11 novembre « la pulvérisation maintenant de l’intime : une menace envers la réalité de la démocratie » à propos de l’instrumentalisation de l’intimité, aussi, in « La privation de l’intime«  de Michaël Foessel…  _, pour ne plus devenir, en fin de compte, que les « chambres d’enregistrement » des ambitions individuelles des chercheurs ? Non, car cette logique compétitive et quantitative correspond mal _ le mot est faible ; et l’enjeu est capital !!! _ aux temporalités de la recherche en sciences humaines et sociales _ ainsi qu’ailleurs aussi ; en d’autres activités « à normaliser »… Faire du terrain, aller aux archives _ pour commencer _, formuler _ = créer en réfléchissant quasiment en permanence !.. _ de nouvelles hypothèses _ voilà le matériau « à créer » de base ! _, proposer _ aux pairs (en recherche) _ des interprétations, écrire _ oui ! _, et penser _ à tout moment du processus ! _, tout cela prend du temps ! A l’inverse, être condamné à publier à tout prix, n’importe où, n’importe quand, afin d’éviter la relégation _ normalisée (et totalitaire) _ dans la catégorie « mauvais chercheur », est tout simplement incompatible avec les exigences d’un travail de recherche honnête _ « honnête » : voilà le terme capital ; et ici, je me permets de renvoyer à l’essai décisif de Montaigne en ouverture de son dernier « livre » d’« Essais » : « De l’utile et de l’honnête » (livre III, chapitre premier) ; Montaigne, les « Essais » ; Machiavel, « Le Prince » : les classiques (ô combien critiques !) de la modernité.

Les mutations actuelles de l’Université font peser un grand nombre d’incertitudes sur l’avenir financier et matériel de la plupart des revues. Beaucoup d’entre elles étant liées à des institutions, des laboratoires, des centres de recherche, amenés à être restructurés si l’AERES et l’ANR (Agence Nationale de la Recherche) en décident ainsi, elles risquent _ l’époque (des « réformes » et des « ruptures » affichées) est particulièrement dangereuse : que de « mises à mort » ! que de « casse » !.. _ clairement leur survie ! Il faudrait donc _ idéalement, d’abord _ mener une réflexion digne de ce nom _ avec un vrai débat : ouvert et « honnête » : mais c’est peut-être beaucoup demander là à certains de nos présents « élus » (munis, qu’ils sont, de l’onction de l’élection « démocratique » !)… _ sur les modes de subvention _ vitales _ des revues. D’autant que dans le contexte d’un tarissement évident des abonnements de bibliothèques et d’une baisse non moins évidente des ventes de « sciences humaines et sociales » en librairie, les revues se retrouvent confrontées aux questions de la numérisation et de l’édition électronique

En dépit de l’existence de portails comme Cairn et Revues.org pour la mise en ligne des revues « vivantes », ou Persée pour les anciens numéros de revues, la France accuse encore un certain retard dans le débat sur ces questions, faute de prise de conscience politique _ suffisante (et suffisamment opérante) _ sur le sujet. Et pour cause : le ministère de la Recherche nous dit que la revue va devenir le moyen central de l’évaluation des chercheurs, mais ne songe _ le terme est assez savoureux _ même pas à ce qu’est réellement une revue de sciences humaines et sociales ! Il en ignore farouchement _ dogme de la priorité commerciale « aidant »… _ les modes de fonctionnement, les usages, l’originalité éditoriale, les soutiens et modes de financement. Ceci, finalement, n’étonnera guère, puisque force est de constater que le gouvernement actuel veut engager à toute vitesse _ prendre de court toute velléité de résistance à la modernité de la part des corporatismes conservateurs, cela va de soi !.. ; c’est là le B-A BA des stratégies auxquelles forment les écoles commerciales _ la réforme de la recherche, sans même avoir pris le temps d’en connaître _ mais un ministère est-il un organe de « connaissance » ? ou d' »action » ?.. _ ni les acteurs ni les supports.


Nous exigeons que les revues ne soient pas transformées en instruments de contrôle des chercheurs, et appelons donc à une suppression des listes de revues AERES, dans le prolongement de la demande de moratoire du 9 février 2009 par les instances scientifiques du CNRS. Nous demandons que soient préservées la pluralité, la diversité et les spécificités des revues de recherche en sciences humaines et de sciences sociales.

Revues signataires : Actes de la recherche en sciences sociales, Annales du Midi, Champ Pénal, Clio. Histoire, Femmes et Sociétés, Communications, Etudes Roussillonnaises. Revue d’Histoire et d’Archéologie Méditerranéennes, Genèses. Sciences sociales et histoire, Gérer et comprendre, Hérodote, Interrogations, Journal des anthropologues, L’Homme, La Recherche en éducation. Revue électronique internationale francophone, Le Temps des médias, Politix, Revue d’histoire du XIXe siècle, Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, Revue du MAUSS, Revue Française de Socio-Economie, Ruralia, Tracés. Revue de Sciences Humaines, Travail, genre et société, Vingtième Siècle. Revue d’histoire.

Voilà

un problème éminemment concret et d’actualité toute pressante,

quand, aussi, tourne (un peu, semble-t-il…) le vent du « réalisme » _ outre Atlantique, d’abord : « Yes, we can« …

Intérêt (de l' »utile« ) versus vérité (de l' »honnête« ),

à l’aune de la curiosité (libre !) de la recherche.

Une tension de valeurs éminemment cruciale, chacun peut (et doit ! il y va du « destin » de la démocratie : rien moins !!!) en juger…


Je me suis référé en mon petit commentaire, outre Montaigne et Machiavel

(et Michaël Foessel : il faut aussi lire le très remarquable « La privation de l’intime » sur les dangers de l’impérialisme de l’instrumentalisation, rampant, « du plus quotidien » de nos vies !.. _ = l’intime : en danger de disparition, ou « pulvérisation » ! cf mon article du 11 novembre : « la pulvérisation maintenant de l’intime : une menace envers la réalité de la démocratie« …) ;

je me suis référé à l’œuvre _ si important ! _ d’Imre Kertész…

De lui, Imre Kertész, j’attends _ et « Dossier K.« , paru en français le 4 janvier 2008 ne m’a pas (encore) satisfait sur ce point : il est vrai que la traduction en français de ses oeuvres a toujours un peu de retard (par rapport à l’original, en hongrois, et à la traduction en allemand _ Imre Kertész résidant désormais surtout à Berlin…) ; un livre passionnant et nécessaire !!! _ ;

de lui, j’attends un avis d’expert : en menaces de liberté !!

cf et « Etre sans destin » et « Le Refus » ;

tout comme « Liquidation » et, admirable, « Le Drapeau anglais » _ recueil comportant le bouleversant parce que fondamental « Le Chercheur de traces » (qu’on trouve aussi, en cas d’indisponibilité du recueil, en édition séparée)…

j’attends un avis d’expert (de vérité libre !)

sur la cité démocratique capitaliste,

en ses derniers (récents et présents) « tournants », tout particulièrement…

Car le « réalisme » me paraît venir _ rien moins ! _ changer de sens…


Titus Curiosus, ce 13 mars 2009

Jubilatoire conférence hier soir de Bernard Sève sur le « tissage » de l’écriture et de la pensée de Montaigne

14nov

Hier soir, à 18 heures à La Machine à Lire,

Bernard Sève a pu enfin

_ et avec quelle flamme ! en sa parole vive, précise et délicate _

« donner » _ nonobstant la délicate coordination des diverses disponibilités d’agendas des librairies bordelaises et du conférencier, assez fortement requis par ses tâches d’enseignant (de philosophie esthétique _ et notamment auprès de doctorants) à l’Université de Lille-3 _

pour la Société de philosophie de Bordeaux,

la conférence sur Montaigne, d’après son si lumineusement éclairant _ mon pléonasme est maladroitement volontaire ! _ « Montaigne. Des règles pour l’esprit« , paru aux PUF en novembre 2007 ;

que personnellement j’appelais fortement de mes vœux, depuis l’achèvement de ma lecture de ce « sésame » montanien…

Bernard Sève avait choisi hier soir de diriger aimablement et délicatement notre attention sur ce que j’intitulerais « le tissage » entre l’écriture si idiosyncrasique de Montaigne _ « à sauts et à gambades » ; lui dictant,

sous la dictée inspirante de son propre génie singulier, déjà,

ses longues, longues écharpes de phrases si caractéristiques (de sa langue si richement « imagée » d’écrivain)

à son secrétaire les notant en quelque sorte « à la volée » :

d’où cette allure de conversation, si vive, et si riche d’humour, du « texte » qui en fixe le parcours _ ;

Bernard Sève avait choisi de diriger notre attention sur ce que j’intitulerais

« le tissage » entre l’écriture si idiosyncrasique de Montaigne, donc,

et le penser

_ encore plus riche et nuancé que cet « écrire » :

collant si délicatement aux plus infimes nuances d’un pensable

si proche, lui-même, de ce que son corps comme son âme,

si unis, si amis, si mêlés,

soufflent à son « génie », à sa « fantaisie »,

à son esprit, précisément _ qu’il lui faut essayer de « régler » _,

entre l’abîme de la folie

_ dont nous a parlé hier soir Bernard Sève en cette si vibrante conférence _,

et « l’entretien des Muses«  _ selon le mot (musical), un peu plus d’un siècle plus tard, d’un François Couperin _ ; « l’entretien _ merveilleux  _ des Muses«  :

ainsi ai-je pu, à mon tour abonder, en ce sens-là, en rappelant que le dernier mot des « Essais de Messire Michel, Seigneur de Montaigne« 

_ puisque tel est le titre même que Montaigne a très précisément donné à son livre ! ainsi que nous l’a « rappelé » hier soir Bernard Sève ! (et écrit dans son article « Le « génie tout libre » de « l’incomparable auteur de l’Art de conférer » : ce que l’écriture de Pascal doit à Montaigne » _ in le numéro 55 / 2007 de « Littératures » : « Pascal a-t-il écrit les « Pensées » ?« , aux Presses Universitaires du Mirail) _,

en son dernier chapitre

de son ultime livre (« De l’expérience« , Livre III, chapitre 13),

est une invocation aux Muses et à Apollon.

Je lis :

« Les plus belles vies sont, à mon gré, celles qui se rangent au modèle commun et humain, avec ordre, mais sans miracle et sans extravagance. Or la vieillesse a un peu besoin d’être traitée plus tendrement. Recommandons-la à ce Dieu

_ Apollon, donc : le seigneur des Muses… : Apollon cytharède… _

protecteur de santé et de sagesse mais gaie et sociale :

« Frui paratis et valido mihi

Latoe, dones, et, precor, integra

Cum mente, nex turpem senectam

Degere, nec cythara carentem. »

_ sois, traduits, ces vers d’Horace, en l’Ode 31 du livre I (des « Odes« ) :

« Fils de Latone, puisses-tu m’accorder de jouir de mes biens en bonne santé, et, je t’en prie, avec des facultés intactes. Fais que ma vieillesse ne soit ni honteuse, ni privée de lyre« …

Je me contenterai de citer ces échanges de courriers électroniques du mois de décembre 2007,

issus de ma lecture toute fraîche de ce si beau et si utile _ pour pénétrer les merveilles du penser si riche et si précis en l’infinie subtilité de ses diaprures de Montaigne _ « Montaigne. Des règles pour l’esprit » :


De :       Titus Curiosus
Objet :     le « Montaigne » de Bernard Sève
Date :     7 décembre 2007 07:42:39 HNEC
À :       Frédéric Brahami


Cher Frédéric,

Je viens d’achever le « Montaigne » de notre ami Bernard Sève.
Quel livre éclairant !

même pour le « montanien » naïf que je suis,
par rapport aux « montaniens » ô combien cultivés que, lui et toi, vous êtes.

Quelle entrée précieuse _ que ces « Règles pour l’esprit » _ dans le lacis de l’écriture du matois gascon périgourdin !
Avec tout ce que cela peut révéler quant aux voies (et voix) multiples du cheminement philosophique,
je pense notamment aux chemins divers (jusqu’aux sentiers) du « concept »…


J’ai beaucoup apprécié ton entrée « montanienne » de l’article de laviedesidees.fr
_ en sa très belle recension « En-deçà, au-delà, du scepticisme« , du 3 décembre 2007 sur l’excellent site de « la vie des idées »… ;

Frédéric Brahami est l’auteur de livres très remarquables, dont « Le scepticisme de Montaigne » (aux PUF, en 1997) et « Le travail du scepticisme. Montaigne, Bayle, Hume » (également aux PUF, en 2001) _

à propos du « résumé » : « Tout abrégé sur un bon livre est un sot abrégé ».

Bernard Sève consacre un chapitre extrêmement intéressant, « Concepts, sentences et thèses« , à cette question,
avec notamment un détour par les distinctions bergsoniennes
, dans « La pensée et le mouvant« ,
entre « concepts raides », « concepts souples » et « concepts individuels »…
Il cite aussi le travail de Jean-Claude Pariente, « Le langage et l’individuel« , en 1973…

En tout cas, je me sens proche de ces cheminements-là _ les vôtres _,
d’où cette « étiquette » de « montanien naïf » que je pourrais sinon revendiquer,
du moins assumer…

As-tu reçu le passage _ prolixe _ de mon petit « essai » « Cinéma de la rencontre » ?
Si tu disposes d’un peu de temps,
il me plairait bien que tu me dises un petit mot de ce « montanisme » naïf de ma démarche.
Même s’il faudrait sans doute avoir la patience (et d’abord le temps) de lire l' »essai » en entier,
c’est son « tout » qui fait sens,
même pour un texte qui n’a certes pas le génie de celui de Montaigne…

Bien à toi,

Titus Curiosus

 De :      Bernard Sève

    Objet :     Réponse trop brève
Date :     7 décembre 2007 10:57:29 HNEC
À :       Titus Curiosus

Cher Titus Curiosus,

Merci de tout ce que vous dites du « Montaigne« .  Nous partageons un même amour pour son écriture, sa pensée, sa philosophie.  Je suis heureux que mon approche trouve des échos dans vos propres lectures de Montaigne, cela indique au moins que je ne me suis pas totalement égaré. Je suis intimement persuadé qu’il y a des forces et des richesses inouïes dans Montaigne, que la réduction que l’on fait ordinairement de sa pensée au « scepticisme » empêche, littéralement, de voir. J’essaie simplement d’attirer l’attention sur ces richesses, de les faire voir, c’est tout et c’est beaucoup.

Vous évoquez la possibilité que je vienne présenter le livre à Bordeaux.  Ce serait avec un très grand plaisir, et ce serait une occasion de vous revoir et de parler viva voce.

A très bientôt j’espère,

très amicalement à vous,

Bernard Sève

Le 20 mai 2003, j’avais eu le très grand plaisir, et la joie, de présenter Bernard Sève lors de sa conférence dans les salons Albert Mollat, autour de son passionnant « L’Altération musicale _ ou ce que la musique apprend au philosophe » (paru aux Éditions du Seuil en août 2002)…

De :       Titus Curiosus
Objet :     Attirer l’attention, faire voir, c’est tout et c’est beaucoup
Date :     7 décembre 2007 13:36:51 HNEC
À :       Bernard Sève


Cher Bernard Sève,

Comme je vous suis en votre lecture si fine et si judicieuse de Montaigne,
et comme je partage, aussi, les « règles » pratiques que vous savez en dégager…
Car Montaigne, sans didactisme, sans profession de foi d' »enseigner », nous propose modestement son exemple,
son exemple de « juger »,
en alerte de justesse, en permanence,
et joyeusement.


D’autre part, et surtout,
il n’y a aucune urgence à me lire…
J’espère qu’alors, si ce temps vient, vous serez un peu « amusé » de mes « extravagances », de mes « dé-prises » _ vous mettez un peu « en garde » contre elles _,
et j’ai même hâte _ je suis en train de me contredire, mais c’est une hâte toute « gratuite » et très joyeuse _ de la lecture que vous pourrez faire de mon petit « essai » sur le « Cinéma de la rencontre« ,
quand il me semblera « terminé ». Quel lecteur de luxe vous ferez !

Vos remarques _ et « distinguo » _ sur le caractère ou pas d' »interlocuteur » (de Montaigne) que pouvait lui être La Boétie, sont passionnantes, quant à ce qui sépare « conférer » et cette « amitié » unique de son espèce entre Etienne de La Boétie et lui…
Pour ma part, je suis assez demandeur d' »interlocuteur » dans la vie, et bien sûr rarement satisfait : demeurent cependant les livres : ils sont là, à peu près tranquilles dans leur disponibilité à nos questions et réactions…
Ou le fantasme de la « librairie » montanienne, et ses « prospects »…
Votre concept de « concept individuel » (d’après Bergson, et peut-être aussi Pariente) est passionnant, et me serait « d’usage », si je ne m’illusionne pas trop.


Mais je suis, pour l' »écrire », « du genre » de Montaigne :

« tant qu’il y aura de l’encre et du papier« , « j’ajouterai » des nuances, à l’infini des précisions, des « détails »…
Du moins pour ce qui est des nuances du qualitatif.
J’ai noté aussi votre remarque sur le peu de goût de Montaigne pour les raisonnements mathématiques.
Il n’aurait pas été un sectateur de Galilée. et son « utile » diffère considérablement de celui d’un Descartes.


Merci, donc, de votre réponse.

Et j’avise Corinne Crabos de la Librairie Mollat de votre « disponibilité à refaire le voyage de Bordeaux« …

Titus Curiosus

Voilà…

Hier soir, mon souhait d’écouter viva voce Bernard Sève sur Montaigne a été comblé.

Merci à lui.

Merci à la Société de philosophie. Merci à La Machine à Lire. Merci à tous ceux qui ont aidé à ce que Bordeaux et les Bordelais entende un peu ce qui m’apparaît constituer un merveilleux « sésame »

afin de mieux pénétrer le « monde montanien » ;

et la parole vive et douce et ferme

et généreuse

de celui qui leur fut un grand maire…

Titus Curiosus, ce 14 novembre 2008

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