Archives du mois de octobre 2023

L’art de composer un programme de concert (et de disque) : la magie du CD « Bartok, Janacek & Kurtag » de Benedek Horvath, en novembre 2018 à Paris…

21oct

Dans la continuité de mes articles d’avant-hier «  » et hier « « ,

c’est sur l’art de composer un programme aussi magique que celui du CD Artalinna ATL 027 « Bartok, Janacek & Kurtag« , que je désire ce matin me pencher d’un peu près…

En mes articles «  » du 8 octobre et «  » du 9 octobre dernier, et dans l’esprit de précédents articles consacrés à l’oeuvre de Bela Bartok, c’était l’œuvre éminemment singulière et si prenante de Bela Bartok qui avait initié de polariser ma curiosité…

Et c’est dans la poursuite de l’exploration de cette curiosité-là _ que je qualifierais de « Bartok«  _ que l’article « Paysages imaginaires » de Jean-Charles Hoffelé en date du 3 octobre dernier, m’avait conduit à aussitôt commander ce CD Artalinna ATL 027 « Bartok, Janacek & Kurtag » de Benedek Horvath, reçu et écouté le 8 octobre…

Et c’est tout de suite la magistrale, si idéalement brumeuse, interprétation de « Dans les brumes » (de 1913) de Leos Janacek, qui, de fait, m’a immédiatement saisi, subjugué, et très vite confondu d’admiration éperdue pour le magistral poétique art d’interpréter de Benedek Horvath _ écoutez ici : les podcasts des mouvements I (3’28), II (3’45), III (2’30), et IV (4’19) de ce sublime « Dans les brumes« , par Benedek Horvath… _cf ainsi mon article d’hier « « …

Cependant, peu à peu, en mon écoute en boucle de ce merveilleux CD de Benedek Horvath, et comme insidieusement,

c’est la petite douce et très tendre musique de György Kurtag en ses « Éclats » (de 1973) et en ses « Jeux« , « Jatekok » (de dates diverses), qui s’est imposée aussi à mon admiration éperdue, telle qu’ainsi servie par la poésie de ce jeu de piano magique de Benedek Horvath ;

me faisant presque oublier les bartokiennes « Improvisations sur des chants paysans hongrois » (de 1920) et les « Danses roumaines » (de 1910) que je désirais, au départ de ma curiosité, écouter…

De György Kurtag, je possède plusieurs CDs _ dont le magistral CD BMC CD 233 du Budapest Music Center Records « György and Marta Kurtag play Kurtag« , en une sélection de 39 « Jatekok«  enregistrés en 1978, 1988, 1993 et 2001 (+ une « Suite pour 4 mains«  de 1950-51, enregistrée, elle, en 1955… ; jeter aussi un œil et une oreille à cette vidéo, par Zoltan Kocsis, hélas moins poétique à mon goût que ce que propose ici, en ce CD Artalinna, Benedek Horvath, dont voici des accès aux podcasts :

« Livre VI n°18 » (2′ 35), « Livre III n°4b«  (1′ 26), « Livre II n°21«  (0′ 33), « Livre II n°5«  (0′ 15), « Livre VI n°6«  (0′ 46), « Livre I n°57«   (1′ 04) et « Livre II n°37«  (2′ 30)… _,

mais qui n’avaient jusqu’ici pas suscité pareil sentiment d’admiration éperdue que celui éprouvé à l’écoute, ce jour, de ce magique CD de concert live de Benedek Horvath…

Peut-être, justement, une affaire de programme subtilement, c’est-à-dire poétiquement, composé de concert ;

en plus de la magie, ensuite, du jeu sur le piano…

Voilà !

Ce samedi 21 octobre 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Ré-écouter et re-comparer diverses interprétations du chef d’oeuvre « Dans les brumes » de Leos Janacek, au regard, aujourd’hui, de la poésie si intense et juste du piano ultra-sensible et fort de Benedek Horvath…

20oct

Dans la poursuite des réflexions de mon article d’hier «  » à propos de mon émerveillement pour le piano justissime de Benedek Horvath _ né à Budapest en 1989, Benedek Horvath avait donc 27 ans lors de l’enregistrement, à Paris, au mois de novembre 2018, de son merveilleux CD « Bartok, Janacek & Kurtag » Artalinna ATL 025 _,

je me décide ce matin à comparer, à l’écoute des divers CDS, son sublime « Dans les brumes« , ce chef d’œuvre transcendant de Leos Janacek, avec les interprétations précieusement thésaurisées de ma part en ma discothèque personnelle de

_ Rudolf Firkusny (à Munich en 1971, pour Deutsche Grammophon, et à New-York en 1989, pour RCA),

_ Radosval Kvapil (à Paris en 1989 pour Adda),

_ Alain Planès (à Aulnay-sous-Bois en 1994 pour Harmonia Mundi),

_ Leif Ove Andsnes (à Snape – Suffolk en 1995 pour Virgin Classics),

_ Cathy Krier (à Luxembourg en 2013 pour CAvi-Music)

_ ou encore Lars Vogt (à Cologne en 2020 pour Ondine)…

Ce qui incidemment me renvoie aussi à un article mien du 13 mars 2022 : «  » :

Ecouter et comparer diverses interprétations de « Dans les Brumes » de Leos Janacek…

— Ecrit le dimanche 13 mars 2022 dans la rubriqueMusiques

Je me suis demandé à laquelle des interprétations de « Dans les brumes » de Leos Janacek (Hukvaldy, Moravie, 3 juillet 1854 – Ostrava, Moravie, 2 août 1928) que ma discothèque comporte, allait ma préférence :

Rudolf Firkusny (en 1971 et 1989) ? Radoslav Kvapil (en 1989) ? Leif Ove Andsnes (en 1990) ? Alain Planès (en 1994) ? Cathy Krier (en 2013) ?

Ou bien à la plus récente d’entre elles (en 2021) : celle de Lars Vogt ?..

Le génie si idiosyncrasique de Leos Janacek est terriblement malaisé à « attraper » par les interprètes qui osent se frotter à sa musique…

Pour ma part, déjà, je préfère le quelque chose de plus légèrement râpeux de Radoslav Kavpil (Brno, Moravie, 15 mars 1934) à l’élégance irrépressible et magnifique de Rudolf Firkusny (Napadjedl, Moravie, 11 février 1912 – Staatsbourg, New-York, 19 juillet 1996) ;

et tous deux sont eux aussi moraves…

Dans mon article du 10 janvier 2018 (« « ), j’avais exprimé une certaine admiration pour le talent très probe et vif de Cathy Krier (Luxembourg, 17 janvier 1985), dans son double album Janacek…

….

Et j’aime aussi beaucoup l’art toujours très juste d’Alain Planès (Lyon, 20 janvier 1948) : en son CD Janacek, également… 

Et Leif Ove Andsnes (Karmøy, 7 avril 1970) est vraiment très bien lui aussi, assez proche de l’élégance rêveuse, morave, de Rudol Firkusny…

Mais Lars Vogt (Düren, 8 septembre 1970) est absolument fidèle à l’idiosyncrasie incisive, à l’occasion râpeuse, et tendre sans le moindre pathos, de Leos Janacek…

Ce dimanche 13 mars 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

Un article d’il y a 18 mois qu’il me faut, à la réécoute aujourd’hui de ces diverses interprétations, et comparativement au jeu absolument justissime de Benedek Horvath,

nécessairement revoir et ajuster…

Et je dois dire que l’interprétation live, de novembre 2018, de Benedek Horvath touche le cœur le plus intime de la poésie à la fois incisive et tendre, tragique aussi, de Leos Janacek : un vrai miracle d’intelligence et sensibilité du pianiste ;

nous frémissons à ressentir sur la peau les gouttelettes des brumes nimbant le paysage ouateux et mouvant des vallons et tourbières de Moravie…

Ce vendredi 20 octobre 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

Le choc du piano de Leos Janacek sous les doigts de magicien de Benedek Horvath, en un concert rien moins que parfait…

19oct

C’est sur la foi de l’enthousiasme communicatif du très fiable Jean-Charles Hoffelé en son article du 3 octobre dernier « Paysages imaginaires« ,

PAYSAGES IMAGINAIRES

Il faut bien plus que des doigts _ et comment ! _ pour saisir le presque-rien _ voilà _ qui ouvre dans un regret onirique les Improvisations que Bartók tissa sur les chants de paysans hongrois notés lors de ses voyages dans les villages de la puszta. La matière sonore éthérée que suscite le toucher immatériel _ unique… _ de Benedek Horváth est déjà emplie de ce sfumato qui tissera tant de mystères au long de _ ce chef d’œuvre sans égal qu’estDans les brumes, cette esquisse quasi abstraite coulée de la plume de Janáček, dont la Sonate rythme un peu plus loin le programme de ce concert parfait _ absolument !

Couleurs, pesées, pédale économe mais efficace – elle ne dissout jamais les attaques ou les rythmes chez Bartók _ comme il est absolument nécessaire, bien sûr _, écoutez la précision du tambour qui ouvre la première des deux Danses roumaines. Ce piano est une pure machine à imaginaire, qui impose jusque dans les irisations de Játékok – hélas seulement une sélection – des visions entre rêve et cauchemar que Kurtág aura notées dans sa calligraphie arachnéenne. Merveille _ oui ! _ qui exige une science de faire sonner l’instrument que j’aimerais entendre s’employer _ aussi _ à Debussy.

Aussi raffiné et complexe que soit le jeu de Benedek Horváth, dont j’avais tant aimé le premier album _ en 2016 _ où déjà s’affirmait la fusion KurtágBartók, et paraissait sous masque le compositeur de Jenůfa (l’opus de Kurtág, Les Adieux, est noté « à la manière de Janáček »), c’est la nature même de sa sonorité, ample, boisée, profonde, abolissant les marteaux à force de timbres – cela est sensible dans les écarts d’Éclats, l’autre opus de Kurtág présent au programme – qui me rend ce pianiste si physiquement proche _ oui, oui, oui.



Magnifique disque _ vraiment !!! _, dont la perfection ne laisse pas croire qu’il a pu être capté en public _ si : il fallait cette vie…

LE DISQUE DU JOUR

Béla Bartók (1881-1945)


Improvisations sur des chants paysans hongrois, Op. 20,
Sz. 74, BB 83

2 Danses roumaines, Op. 8a, Sz. 43, BB 56


Leoš Janáček (1854-1928)


Dans les brumes, JW 8:22
Sonate pour piano « 1.X.1905 », JW 8:19


György Kurtág (né en 1926)


Szalkak (Éclats), Op. 6d
Játékok (selection : Livre VI, Nos. 18, 6 ; Livre IV, No. 3b ; Livre II, Nos. 21, 5, 37 ;
Livre I, No. 57)

Benedek Horváth, piano

Un album du label Artalinna ATL-A027

Photo à la une : le pianiste Benedek Horváth – Photo : © DR

..

 

que je me suis empressé de commander le CD Artalinna « Bartok, Janacek & Kurtag« , le CD Artalinna ATL 027,

que je viens de recevoir ce jeudi, et qui immédiatement m’enchante,

tout spécialement dans le piano si singulier de Leos Janacek, « I-X-1905 » et « Dans les brumes« …

Avec pour conséquence mon intention de commander aussi, et au plus vite, le précédent CD Artalinna « Liszt, Bartok« , ATL 013,

dont voici ce que l’excellent Jean-Charles Hoffelé disait, déjà, en un article intitulé « Hungaria« , paru sur son site Discophilia le 11 octobre 2016,

il y a tout juste 7 ans déjà :

HUNGARIA

Le lent carillon qu’égrène dans le vent du soir György Kurtág au long de sa pièce inspirée par La Vierge de Frydek de Janáček et qu’il aura nommée « Les Adieux » ouvre et referme ce disque dédié à l’âme hongroise par Benedek Horváth, vingt cinq ans _ en 2016. Il en prolonge l’écho avec En rêveLiszt fait entendre à la reprise un glas que tant de pianistes oublient de faire sonner ; pas lui. Musiques de cloches _ et à quand Ligeti ?.. _, art de la résonance, mise en espace des claviers divers que savent susciter un emploi savant de la pédalisation, déjà rien qu’en cela, du grand art _ voilà.

Un jeune pianiste ? Un maître _ oui. Écoutez seulement l’orchestre qu’il déploie de son piano dans la plus littéraire, la plus habitée version d’Après une lecture du Dante que j’ai entendue depuis celle(s) de Claudio Arrau. Il y faut un clavier profond et des doigts héroïques, une armure de virtuose, une âme de poète ; il les a toutes deux. Voilà pour la preuve.

Mais pour l’esprit, qui se ressent et ne se prouve pas, la cantilène fragile qui ouvre En rêve de Liszt – une apparition juste inquiète comme il faut, un Füssli en sons –, la sélection si sentie opérée principalement dans les Deuxième et Troisième Cahiers de Pour les enfants de Bartók, vous en diront plus : ce piano en timbres, ces phrasés tendres mais sans sucre, cette grâce d’une suspension de l’harmonie au détour d’un accord, quelle grammaire, quel style à vingt-cinq ans !

Et si vous préférez le virtuose, l’Allegro barbaro de Bartók, la Sixième Rhapsodie de Liszt, tous deux dits à plein clavier, hantés par des verbunkos guerriers, déclamés, vous en apprendront plus, sans que jamais le musicien ne s’absente.

Pourtant, le sommet du disque reste selon moi la Sonate de Bartók, partition complexe que seul jusqu’alors Dino Ciani aura su incarner, motoriste et crâneur à la fois. Horváth y met une touche de grand fauve, creusant le clavier, jouant non d’un piano mais quasi d’un gamelan. Ce que faisait aussi Ciani, mais il lui en coûtait. Secret du hongrois _ un héritage de la langue ? _ : le tempo, qui lui donne tout le temps de glorifier le corps harmonique. Mais au fond, voilà le secret de son art : il joue non pas à deux mains mais à dix doigts. Cette plénitude du son ne s’explique pas autrement que par cette pratique qui transmue l’horizontalité du clavier en un orchestre.

Vite, une suite que je verrais bien chez Beethoven.

LE DISQUE DU JOUR

Bartok_Lisszt_Cover1110György Kurtág (né en 1926)


Les Adieux (in Janáceks Manier) (2 versions)


Franz Liszt (1811-1886)


Im Traum, S. 207
Après une lecture du Dante (No. 7, des Années de pèlerinage II,
S. 161)

Rhapsodie hongroise No. 6
en ré bémol majeur, S. 244/6


Béla Bartók (1881-1945)


Allegro Barbaro, Sz. 49, BB 63
Sonate pour piano, Sz. 80, BB 88
Pour les enfants, Sz. 42, BB 53 (sélection)

Benedek Horváth, piano

Un album du label Artalinna ATL-015

Photo à la une : © Jean-Baptiste MillotCDs Artalinna, 

Quel choc !

Jamais je n’avais aussi bien perçu, chez de merveilleux interprètes pourtant, le génie si singulier et vraiment extraordinaire de l’immense Leos Janacek _ le morave _ en ces 2 sonates pour piano,

que sous ces doigts magiques de Benedek Horvath !

Et voici, aussi, une vidéo (de 13′ 23) d’une interprétation de ce même magique « Dans les brumes » de Janacek, par Benedek Horvath, enregistré en concert le 10 novembre 2018

_ sur ce CD Artalinna AT L, la pièce dure 14′ 04 ; et le CD a été enregistré à l’église évangélique Saint-Marcel, à Paris, les 11-13 et 14 novembre 2018 ! Juste après cette prise en concert du 10 novembre 2018…

Chapeau bien bas, l’artiste !

Nous te suivrons désormais…

Ce jeudi 19 octobre 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Sur la réception par la critique de « Vêpres de la Vierge » de Monteverdi en Cinémascope, technicolor et relief, par Pygmalion : quelques écoutes un peu diverses…

18oct

Le double CD Harmonia Mindi HMM 902710.11 des « Vespro della Beate Vergine » de Claudio Monteverdi _ ce chef d’œuvre magistral et renversant de 1610, composé à Mantoue, mais destiné à Venise… _ par l’Ensemble Pygmalion de Raphaël Pichon, a reçu des appréciations un peu contrastées de la critique ;

par exemple, sous la plume de Frédéric Degroote à page 84 du Diapason n° 726 de ce mois d’octobre-ci (3 étoiles),

et sous celle de Philippe Venturini à la page 84 du Classica n° 256 de ce même mois d’octobre (5 étoiles).

Frédéric Degroote, dans Diapason :

« Dès le martèlement de l’invitatoire Deus in adjutorium, le ton est donné : celui d’un Vespro vocalement et orchestralement opulent, alignant plus de 35 choristes et 25 instrumentistes, sans compter les solistes.

(…)

Tout dans sa relecture millimétrée est surligné en jaune fluo, à coups de vifs contrastes ou de superpositions d’instruments.

L’Ave maris stella accuse une lenteur à faire suffoquer les chanteurs ; l’Amen final, pourtant noté sans changement de tempo, s’étire davantage encore, dans un crescendo à l’extase superlative. Dans le Gloria Patri du Magnificat, Pichon passe outre les chiavette _ ces clefs indiquant qu’il faut transposer une quarte plus bas, et non jouer dans le ton écrit _ et se targue de faire chanter des sol aigus aux deux ténors pour « décupler l’impact émotionnel ». La fin prévue par Monteverdi semblant ne pas lui suffire, il calque sur le Fidelium animæ la toccata d’ouverture sous prétexte d’arguments doxologiques.

Si l’on s’étonne de ces libertés philologiques, on ne peut que louer la réactivité des forces en place pour défendre cette vision à la loupe, ce Monteverdi en réalité augmentée. Au moins cette expérience sonore, où règne un mysticisme de pacotille, reflète-t-elle fidèlement l’une des définitions que le chef donne des Vêpres de Monteverdi : « la première œuvre cinématographique de l’histoire de la musique« . Au point que l’on croit aisément être revenu d’un péplum« .

Et puis Philippe Venturini, dans Classica :

« Depuis le concert de février 2019 à la chapelle royale du château de Versailles, capté puis publié en DVD par Château de Versailles Spectacles (…)Raphaël Pichon conserve une conception foisonnante et recueillie à la fois, nourrie du faste de l’église comme de la vitalité du théâtre, du tumulte du Tintoret comme de la richesse chromatique de Véronèse. L’effectif fourni du chœur (une trentaine de chanteurs) et la variété de l’orchestre, permettent de souligner _ et non pas surligner, ici _ les styles ancien et moderne, de distinguer les pièces polyphoniques chorales (les 5 psaumes) des motets solistes (les 4 concerti sacri annoncés sur la partition), d’éclairer cette « première œuvre cinématographique de l’histoire de la musique« .

Contrairement à René Jacobs (Harmonia Mundi, 1995), Gabriel Garrido (K617, 1999) ou Jordi Savall (Alia Vox, 1988), Raphaël Pichon ne recourt pas aux interpolations en grégorien, sauf pour la conclusion (Domine, exaudi orationem meam), qui récite la toccata d’ouverture, et insère le motet Sancta Maria, succurre miseris SV 328.

La prise de son généreuse d’Hugues Deschaux, permet de disposer d’une matière sonore onctueuse qui, heureusement, ne brouille pas la polyphonie et maintient les solistes dans un espace global.

Comme à son habitude, Raphaël Pichon prête attention au texte, que ce soit dans la torrentielle réponse à l’appel initial, les différents épisodes du Dixit Dominus (les temps forts bien marqués sur « conquassabit« , la fluidité du « De torrente« ), ou du Magnificat qui investit un vaste espace.  La grâce surnaturelle du Nigra sum d’Emiliano Gonzales Toro, la sensualité du Pulchra es de Céline Scheen et Perrine Devillers, l’énergie du Fecit potentiam de Lucile Richardot, participent à cette « expérience de l’extase » _ orgasmique ? _ que cherche le chef« .

Cf aussi l’article, uniment laudatif, lui, intitulé « Ode mariale » de Jean-Charles Hoffelé sur son site Discophilia, en date du 15 setembre dernier.

ODE MARIALE

En février 2019, la Chapelle Royale résonnait de fulgurantes Vêpres à la Vierge, Monteverdi investissait le temple du Grand Siècle sous la conduite ardente _ voilà _ de Raphaël Pichon. Ceux qui étaient présents ont gardé de cette aventure des souvenirs pour la vie, heureusement le label du Château de Versailles a publié la captation filmée de ces soirées historiques.



Mais Raphaël Pichon est en constant « work in progress ». Adieu l’image, ces nouvelles Vêpres seront toute entières sonores, et gardent des solistes prestigieux des concerts de Versailles les seuls Lucile Richardot – son Fecit potentiam est historique -, Nicolas Brooymans et le saisissant doublé des ténors, Emiliano Gonzalez Toro et Zachary Wilder, le premier atteignant au sublime ici plus qu’encore qu’à Versailles pour Nigra sum.

Adieux les mises en espaces, au Temple du Saint-Esprit à Paris, dans la roideur post-pandémique de janvier 2022, Raphaël Pichon réinvente « ses » Vêpres, assumant leur caractère disparate, les espaçant de plain-chant, dorant à force cornets et saqueboutes les icônes, et célébrant, dans une spatialisation savante qui songe toutes oreilles ouvertes aux espaces oniriques de San Marco _ forcément… _, les polyphonies gabrielliennes _ oui. La nudité des a capella adossés aux fastes des célébrations, tout rend compte des multiples visages de ces Vêpres qu’on sait composites.

Miracle, elles coulent enfin d’une seule ligne, tour à tour ténue ou spectaculaire, comme elles ne l’avaient plus fait depuis la version princeps _ celle de 1964, celle de 1989 ? _ de John Eliot Gardiner, ce n’est pas sous ma plume un mince hommage à l’art de ce jeune homme qui n’aime se confronter qu’aux chefs-d’œuvre, l’année passée une Saint Matthieu bouleversante, aujourd’hui ces Vêpres éloquentes, à quoi pense-t-il pour demain ?

LE DISQUE DU JOUR

Claudio Monteverdi
(1567-1643)

Vespro della Beata Vergine,
SV 206

Pygmalion
Raphaël Pichon, direction

Céline Scheen, soprano
Perrine Devillers, soprano
Lucile Richardot, mezzo-soprano
Emiliano Gonzalez Toro, ténor
Zachary Wilder, ténor
Antonin Rondepierre, ténor
Étienne Bazola, basse
Nicolas Brooymans, basse
Renaud Brès, basse

Un album de 2 CD du label harmonia mundi HMM 902710.11

Photo à la une : le chef Raphaël Pichon – Photo : © DR

Des regards tous trois intéressants,

en harmonie aussi avec ma propre écoute, impressionnée… 

Ce mercredi 18 octobre 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Une étincelante pépite Martinu : le double concerto pour violon, piano et orchestre (de 1953), par le violon de Josef Spacek, le piano de Miroslav Sekera et l’Orchestre Symphonique de Radio-Prague dirigé par Petr Popelka, un lumineux et profond CD Supraphon…

17oct

Une étincelante pépite Martinů :

le sublime « double concerto pour violon, piano et orchestre » (H. 342, composé à New-York _ et quelque part cela se ressent… _ en 1953), par le violon de Josef Špaček, le piano de Miroslav Sekera, et l’Orchestre Symphonique de Radio-Prague dirigé par Petr Popelka,

en un lumineux et profond CD Supraphon (SU 4330-2) _ avec la « Sonate pour violon n°3 » H. 303 (de 1944), et les « 5 Pièces brèves pour violon et piano » H. 184 (de 1930) de Martinů ; enregistré du 31 octobre au 2 novembre 2021 au Studio 1 de la Radio tchèque à Prague, pour le « double concerto« , et dans la salle Dvořák du Rudolfinum, du 11 au 14 mai 2020 pour la « Sonate n°3« , et le 23 octobre 2022 pour les « 5 pièces brèves«  _ :

voilà ma découverte éblouie de ce jour,

tout innocemment présent sur la table des nouveautés du rayon Musique de la librairie Mollat.

Or, Bohuslav Martinů (Polička, 8 décembre 1890 – Liestal – Suisse, 28 août 1959) est un compositeur que depuis longtemps je porte au pinacle de même que j’adore pas mal de compositeurs tchèques et moraves, Antonín Dvořák, Josef Suk, Leoš Janáček, par exemple, dont la musique me parle tout spécialement…

Ce « Double Concerto pour violon, piano et orchestre » de Martinů qui n’est pas sans me rappeler d’une certaine façon le somptueux « Double Concerto pour violon, violoncelle et orchestre » (Op. 102, de 1887), de Johannes Brahms (1833 – 1897), que je viens de chroniquer avec une intense admiration aussi le 12 octobre dernier : « « …  

De cette œuvre admirable _ archivée H. 342 _ d’un Martinů de la maturité accomplie _ en 1953, le compositeur est dans sa 63e année de vie, et va bientôt revenir des États-Unis, pour résider à nouveau en cette France de son épouse Charlotte… _,

nous disposons aussi d’une splendide vidéo d’un enregistrement _ d’une durée de 27′ 07 _ en concert, en la salle Dvořák du merveilleux Rudolfinum de Prague, le 9 octobre 2021, par ces mêmes admirables interprètes, Josef Špaček, Miroslav Sekera, et l’Orchestre Symphonique de Radio-Prague dirigé par Petr Popelka, qui l’enregistreront bientôt en studio  _ en une durée de 26′ 10, au CD _ peu après : du 31 octobre au 2 novembre suivants…

Ma discothèque recèle aussi, en un coffret Hyperion de 4 CDS _ intitulé « The complete music fir violin and orchestra« , par Bohuslav Matousek, le Czech Philharmonic Orchestra, sous la direction de Christopher Hogwood, paru en 2019 ; cf mon article du 21 mars 2019 : « «  _, une autre interprétation _ elles ne sont pas nombreuses _ de ce même « double concerto pour violon, piano et orchestre » (H. 342, de 1953) de Bohuslav Martinů,

par Bohuslav Matoušek au violon, Karel Košarek au piano, et Christopher Hogwood dirigeant le Czech Philharmonic Orchestra…

Et d’autre part,

on peut aussi accéder ici même à une vidéo _ d’une durée de 26′ 47 _ d’un précédent et lui aussi merveilleux, très touchant, « double concerto pour violon, piano et orchestre » de Bohuslav Martinů, de 1910 cette fois _ Martinů n’avait même pas 20 ans… _, et archivé H 13, en une interprétation de Bohuslav Matoušek au violon et Petr Adamec au piano _ assez étrangement nulle part ne sont indiqués ni le nom de l’orchestre, ni celui du chef qui l’a dirigé ; et je ne possède hélas pas le précieux coffret de 4 CDs qui le comporte… _qui vient nous offrir une passionnante et très belle mise en perspective du parcours musical de Bohuslav Martinů, de 1910 à 1953…   

Enfin, il me faut aussi et bien sûr faire l’éloge du brillant violoniste très attachant de ce CD Supraphon de l’automne 2021 : Josef Špaček ; dont je possède déjà les belles interprétations du CD Supraphon SU 1482-2 « Dvořák, Suk, Janáček – Violin Concertos« , paru en 2015, avec l’Orchestre Philharmonique tchèque dirigé par le grand Jiří Bělohlávek…

On peut aussi découvrir Josef Špaček en cette brève vidéo (d’une durée de 3′ 21) de présentation, avec son compère violoncelliste  Tomáš Jamník, d’un très séduisant CD Supraphon SU 4304-2 « Paths« , de Duos pour violon et violoncelle de Leoš Janáček, Gideon Klein, Bohuslav Martinů et Ervín Schulhoff…  

Que de splendides musiques tchèques et moraves !

Et que de merveilleux interprètes idoines en ce si sensible et émouvant répertoire…

Ce mardi 17 octobre 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

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