Posts Tagged ‘Ainsi parlait Zarathoustra

Et encore un somptueux fondamental chapitre sur le lait-legs nourricier de la littérature : le chapitre « Le legs empoisonné _ Laisser ses livres », un fécondissime pharmakon, entre la perte, en 1948, du père Georges Cixous (et l’aubaine de sa bibliothèque), et l’interruption à venir, en 2004, du formidable dialogue entretenu avec l’ami Jacques Derrida : quand reste et tant que demeure une conversation nourrie avec les auteurs de vraie littérature (et philosophie), via les livres que ceux-ci nous ont laissés-destinés ad libitum…

17nov

Et voici maintenant, de la page 77 à la page 93 de ce recueil décidément absolument indispensable qu’est ce tout récent « Et la mère pond vite un dernier œuf« 

_ il nous faudra bien sûr revenir sur le choix de ce titre plutôt comique donné à ce recueil, dont la source se rencontrera un peu plus loin, au chapitre suivant, « Max und Moritz, et ma mère« , aux pages 98-99 :

« J’ai commencé à réfléchir sur les mystères du texte et les secrets de la littérature, rue Philippe à Oran pendant la guerre, en suivant ma mère en visite chez ces vauriens de Max et Moritz. Moi qui hurlait quand on me donnait l’ordre de manger un peu de poulet, une rareté précieuse sur une table famélique, je dégustais avec ravissement les vers suivants :

Hahn und Hühner… Coq et poules avalent l’hameçon

Les voilà pendus à la dure branche de l’arbre

(…)

Le cou des quatre pendus s’étire démesurément, leur chant s’angoisse également. Et ce qui me fait mal à crier me séduit par la musique des mots _ voilà ! Les poules meurent en chœur, rime rime avec crime, les vers tapent du pied. J’avais beau hurler d’angoisse jusqu’au ciel avec les poules _ c’était en novembre 1942, à Oran, 54 rue Philippe, qu’Hélène écoutait ainsi sa mère jouer en marionnettes confectionnées de sa main les contes tragi-archi-comiques de « Max und Moritz » de Wilhelm Busch…  _, en tant qu’œuf j’étais contente que ma mère ponde vite une dernière fois » : des bombes pleuvant alors, ce mois de novembre 1942, sur Oran.

Et à la page 104, encore ceci qui éclaire ce titre du recueil :

« Dans sa chambre ma mère centenaire _ elle mourra le 1er juillet 2013, âgée de 103 ans  _ ne lit plus que Max und Moritz. Elle se prend pour une poule prête à trépasser. Mais il y a dans ces images insupportables _ de Wilhelm Busch _ de quoi la faire pondre de rire.

Ce que m’apporte _ me révèle _ Wilhelm Busch : le rire dans l’horreur », commente Hélène ; j’y reviendrai en l’article suivant… _

un autre somptueux fondamental chapitre sur le lait-legs nourricier _ pour le non tari (« tant qu’il y aura de l’encre et du papier« , et bien sûr de la force de vie…) si fécond « rêvoir » à l’œuvre d’Hélène : formidable pharmakon à son inénarrable façon à elle, à son tour… _  de la littérature pour Hélène Cixous : le chapitre « Le legs empoisonné _ Laisser ses livres« , un fécondissime pharmakon d’intarissables conversations poursuivies, vaille que vaille, à la guerre comme à la guerre, et à-la-va-comme-je-te-pousse et m’inspire-respire-expire-souffle _ entre lire les livres de la Bibliothèque, puis penser-panser, rêver en son « rêvoir », et soi-même allant se livrer corps et âme à la jubilation terrible et hilarante de son écrire… _, entre la blessure à panser de la perte sans legs écrit, ni même dit _ seulement la collection de volumes Nelson de sa bibliothèque ainsi laissée sans mot dire de sa part… _, du père Georges Cixous, le 2 décembre 1948, à son décès, et l’interruption à venir le 9 octobre 2004, au décès à lui aussi, l’ami Jacques, du formidable dialogue-conversation _ aussi par téléfaune, puis au « rêvoir« , via les livres laissés de l’ami parti, qui lui-même songeait fort à son propre posthume… ; cela, nous le verrons au chapitre terminal, et lui aussi évidemment capital, de ce livre-ci, aux pages 113 à 137, intitulé « Le chat et le château » : tout, en cet admirable indispensable recueil de textes d’Hélène Cixous qu’est ce jubilatoire « Et la mère pond vite un dernier oeuf« , venant parfaitement « se rejoindre » et s’imbriquer… _ ô combien nourricier, à son tour, avec l’irremplaçable, forcément _ qui donc est substituable ?.. Personne ! Et encore moins ni ami ni aimé ; la consolation-pansement-pharmakon, si elle est désirée-envisagée-recherchée-poursuivie, semble tellement difficile et peut-être même quasi impossible à obtenir et tenir-maintenir longtemps et jusqu’au bout de sa propre mortelle vie, en ce duel à la vie-à la mort des pulsions de vie et la pulsion de mort, si puissantes et tellement compliquées à apprendre à dévier-manœuvrer afin d’essayer-tenter de parvenir à surmonter-survivre à la douleur-poignard du deuil subi de ces si cruelles pertes… _ ami Jacques Derrida…

Ici,

et de la phrase, page 78, à propos de Jacques Derrida :

« il laissait ses livres à la place de sa personne. Et parmi son œuvre immense, ses innombrables méditations sur les mystères tragiques et philosophiques de l’héritage« ,

presque directement à la suite des mots mêmes, impératifs, de l’ouverture de ce chapitre, page 77 :

« Un jour des derniers temps, mon ami Jacques Derrida me dit : « Si je ne suis plus là, tu pourras continuer à lire mes livres. » Je grimaçai d’horreur. C’était un dit de vérité à venir, un verdict, une annonce amère. Une phrase à deux coups. Mise à mort et promesse. Ablation et substitution. La mort pour moi, la survie pour mes livres » ;

et des sublimissimes pages 79-80 à propos de ce qu’Hélène, en forme de « viatique » qui lui était nécessaire, raconte de ce qu’elle a pu bientôt trouver de son père « homme de parole et de mots, c’étaient des mots extraordinaires qu’il me donnait tous les jours« , une fois celui-ci brutalement disparu et enlevé à elle, le 2 décembre 1948 :

« J’ai hérité de Georges mon père le besoin géorgique de déterrer les mots, de descendre sous le taire, de nettoyer, d’arroser, et d’écouter ce qui erre le long du silence _ c’est admirable ! J’ai toujours aimé Virgile et par conséquent Dante. Outre ce lien indécis et ouvert comme tout, mon père a laissé _ très matériellement _ une bibliothèque. Il ne l’a ni donnée, ni léguée, il l’a laissée avec cet abandon, ce suspens de la volonté dernière, qui fait le don idéal, celui que l’on n’a pas fait exprès. Alors ce legs laissé sans le su, je l’ai pris, je m’en suis constitué l’héritage par excellence, le bien attribué par le sort, béni pour avoir été lu par mon père, et ramassé, lui mort, sur ses étagères. Je n’en finissais pas de composer le lai de la Bibliothèque : j’ai lu, depuis mon père et sans son injonction, il m’a laissée lisant le tout de la littérature, le bon et le mauvais, le sublime et le détritus, son compost, sa litièrature. Sans maître, sans conseil, sans loi. J’ai tout dévoré. De gauche à droite, j’ai sucé un à un tous les volumes de la collection Nelson, tout était bon également. J’ai rien oublié. Je crois que j’ai mangé mon père jusqu’aux moelles. Hériter pour la vie, si c’était possible, je crois que ce serait cette opération : absorber, consommer, transsubstantier le Laissé, en forces vitales pour soi _ voilà.  Sans dette. Et entre tous les legs nourriciers, recevoir et faire son miel d’une Bibliothèque » _ une opération merveilleusement accomplie par Hélène.

je me rends immédiatement aux deux puissantes pages finales de ce crucial et fondamental chapitre, aux pages 92 et 93, consacré à l’héritage des livres, et pas seulement ceux laissés sur les étagères de son père, Georges Cixous, le 2 décembre 1948 :

« Peut-on échapper à l’héritage ?

Moi-même j’ai bien fini par me rendre à Jérusalem, où je ne voulais surtout pas aller _ sur le récit de ce voyage en son « Gare d’Osnabrück à Jerusalem » (paru le 14 janvier 2016), cf par exemple mon article « « , en date du 16 juin 2018…

Pour payer une infime part de ma dette à l’égard de ma généalogie multimillénaire _ tant sépharade qu’ashkénaze… _, minimissime, pour répondre : oui, à la question êtes-vous coupable ? A la question : êtes-vous juive, je mets : oui, je décide et consens à répondre sur le formulaire _ demandé à remplir pour l’obtention du visa d’entrée en Israël _, oui, alors que mon amour de la Vérité compliquée, mon besoin vital _ oui _ de pousser la pointe de la pensée au cœur du combat des paradoxes, mon alliance avec l’inconnu c’est-à-dire le pays de l’écriture _ ce territoire-trésor lui aussi… _, le courageusement infidèle, toutes mes obsessions vitales, veulent que je dise non pas oui mais : juive je le suis par vent de nord-nord-ouest, ou par mauvais temps, mais par beau temps clair sans rafales de vent, ou quand je suis en mes libertés dans les rêves, je ne réponds que : rien ni plus ni moins.

En tant que chat, ou écureuil _ du jardin aux arbousiers et pins de la maison d’écriture des Abatilles _, ou ancien chien _ tel son chien Flip _ je ne suis pas plus juive que le cheval ni moins, j’aime les vaches, comme ma mère, pour la fatalité de la vie je m’identifie aux poules, je n’ai guère de difficultés à reconnaître mon âme dans celle d’une poule, j’ai les mêmes battements de cœur,

mais à tous les juifs qui sont juifs se sentent juifs, juifs des avant et juifs des après, je reconnais que je dois un trésor inestimable _ voilà… _ d’angoisses et de tourments, l’usage illimité _ et persistant _ de la tragédie et ce qui va avec l’exercice de la douleur : l’esprit de révolte, la jubilation _ oui, magnifique ! _, l’eau du rire qui jaillit au milieu du brasier et jusqu’à l’avant-dernière minute dans les camps d’extermination _ ici je pense au grand Imre Kertész du « Chercheur de traces« … _, la nostalgie perplexe du désert, la fréquentation des zones d’exclusion et le don nomadique, la façon d’allonger perpétuellement le cou au maximum pour scruter l’horizon, comme si le présent était là-bas dans le lointain futur ou au contraire la façon de creuser des puits sous son lit à la recherche de pensées ou êtres perdus et peut-être conservés dans les souterrains du temps, toutes ces herbes amères tous ces sucs et ces miels spirituels dont l’écriture se régale« 

Un chapitre magistral !

Consacré aux ressources, fabuleux trésor où puiser encore et toujours de conversations essentielles que peut offrir le dialogue ouvert et infini du lire-écrire-penser, pour Hélène en son « rêvoir », avec les auteurs vrais de la littérature et de la philosophie _ pas ses pullulantes-purulentes contre-façons de « litièrature« – compost, à destination des oisifs-qui-lisent pour se distraire-désennuyer-divertir : en fait ne plus penser du tout à l’essentiel… Revenir lire et méditer ici le merveilleux chapitre « Lire et écrire » du Zarathoustra de Nietzsche, joliment sous-titré « un livre pour tous et pour personne« … Ou encore le très juste récent « Un Sens à la vie _ enquête philosophique sur l’essentiel » de mon ami bruxellois Pascal Chabot… Des livres nécessaires et vrais, en ces temps de faussaires et fausseté…

Bien évidemment à suivre…

Ce dimanche 17 novembre 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

Pour conclure sur le parcours présent de rétrospection (provisoire…) de François Noudelmann, enfant rétrospectif du cimetière bouleversé et rénové de Cadillac, en 2020 : le sentiment d’ « à part – tenance » et le désir d’ « a – s- similation » – intégration – « a – grégation » – « incorporation » à la France, en ses filiations chahutées par l’Histoire ; et les « modalités et intensités » et « harmonieuse complicité » d’affinités adventices heureuses, de François Noudelmann…

27mai

Ce samedi 27 mai,

je conclus l’élan des commentaires de ma lecture du splendide et profond « Les enfants de Cadillac » de François Noudelmann, à la suite de mes 6 articles précédents :

_ du dimanche 21 mai : « « 

_ lundi 22 mai : « « 

_ mardi 23 mai :  « « 

_ mercredi 24 mai : « « 

_ jeudi 25 mai : « « 

_ et du vendredi 26 mai : « « 

Sur le complexe et difficile « sentiment d’appartenance« , dans lequel s’entend nécessairement, comme une sorte d’implacable répétitif destin, et en même temps, un très tenace sentiment d’ « à part – tenance » _ à sa « francité« , du fait de la « judéité«  héritée de sa marquante branche familiale paternelle (par son histoire personnelle de fils très très proche, par « cette vie avec mon père, plus conjugale que familiale » (l’expression se trouve à la page 174 des « Enfants de Cadillac« …), un bon bout de temps seuls, et isolés, tous les deux, à Lyon, « pendant notre vie commune » (l’expression se trouve à la page 59), entre les huit ans et les treize ans du petit François, de 1967 à 1972) ; et de génération en génération, comme répétivement, chez ces Noudelmann-ci, le lien à la mère (et a fortiori aux branches maternelles) est soit carrément rompu, coupé, tranché vif, soit extrêmement distendu et lache… _ de François Noudelmann,

on retiendra pas mal de lucidissimes expressions sur le fait d' »en être » ou « ne pas en être » vraiment, de cette « francité » par « a – s -similation » si ardemment désirée par son père et, avant, son grand-père, en leur difficile, et in fine tragique, parcours de vie (en Lithuanie, 1891 – Cadillac, 1941), pour Chaïm _ mort de cachexie, c’est-à-dire de faim, en un asile de fous, sous le régime de Vichy, en 1941 _, et Paris 18e, 1916 – Limoges, 1998, pour Albert _ avec un passage ultra-violent de « cinq années allemandes », en Silésie, entre 1940 et 1945 ; et in fine suicidé, alors qu’il n’avait aucune maladie, avec un pistolet à grenaille _)… 

Ce sont donc ces très belles expressions-là, sous la plume de François Noudelmann, en ce profond et lucidissime « Les enfants de Cadillac« , que je tiens ici et maintenant, et en forme de conclusion provisoire à mes lectures et relectures, à la loupe, le plus possible attentives aux plus infimes détails dans lesquels se niche et se tient caché, comme c’est bien connu, le diable, l’essentiel du message crypté, d’abord à lui-même, bien sûr _ mais c’est le travail patient et inspiré (= d’« imageance« ) d’écriture qui vient porter à la conscience de l’auteur, qui va l’assumer, point après point, jour après jour, détail (et mot prononcé) advenu par détail (et mot prononcé) advenu, et avec l’expérience de l’âge, le sens ainsi porté à un peu plus et un peu mieux de lumière ; et c’est bien cela seul qui fait advenir une œuvre vraie, véridique et véritable, et pas un simple produit de marketing, promis à obsolescence rapide, tel qu’un « roman«  divertissant, à consommer juste pour le fun, et très vite digérer… : « Je hais les oisifs qui lisent« , s’exclame Nietzsche en le magnifique « Lire et écrire » de son indispensable « Ainsi parlait Zarathoustra«  _, ce qu’il y a apprendre vraiment des vies, à commencer par la sienne propre, et celles de ses proches, et d’abord ceux auxquels nous sommes généalogiquement affiliés comme fils ou fille, petit-fils ou petite-fille, arrière-petit-fils ou arrière-petite-fille, etc. : nous n’y échappons – coupons pas…

Voici donc ce qu’ici, ce samedi 27 mai, et en forme de conclusion provisoire à mes lectures suivies, je me permets de retenir des expressions de François Noudelmann sur le feuilletage de ses doubles liens personnels, et plus ou moins hérités de sa filiation paternelle, à la « francité » et à la « judéïté » _ avec, aussi, l’appoint de mes farcissures de commentaire, en vert _ :

Pages 164-165 :

« Je lui _ Albert, le père bien aimé _ ai longtemps tourné _ en pensée, surtout après son suicide (à Limoges, le 16 juillet 1998) et la cérémonie de la dispersion de ses cendres en un ruisseau du Limousin, et jusqu’à ce jour qui a suivi le choc de l’expérience du cimetière de Cadillac, le 19 septembre 2020… _ le dos, avant de réfléchir _ ce fut « au moment _ à la toute fin, donc, de l’été 2020 _ où j’avais pris mes résolutions, où j’avais établi les réglages _ tant géographiques que mentaux _ entre ma vie de Français à l’étranger _ résidant désormais, probablement depuis 2019, à New-York ; là-dessus, de même que sur la précision des dates, François Noudelmann demeure très discret… _ et mon pays de naissance _ la France, donc : François Noudelmann est né à Paris, à l’hôpital Rothschild, le 20 décembre 1958 _ que la mémoire familiale se rappella à moi, de manière inattendue, alors que le monde s’était figé dans ses frontières à cause de la pandémie de covid. (…) Voilà que je fus invité dans le cimetière français qui avait retrouvé la trace de mon grand-père Chaïm. (…) Ce fut donc pour assister _ à Cadillac, en Gironde _ à la rénovation d’un cimetière abandonné que je revins _ ce fut le 19 septembre 2020, je le répète ici _ sur les traces funéraires de mon fou grand paternel « , lit-on page 223 _ au défaut _ répété, peut-être endémique… _ de transmission, dans ma lignée, des pères aux fils. Refusant d’hériter du moindre bien qui me rappellerait le corps paternel _ le corps de ce père, Albert, dont François avait été pourtant (mais justement…) si physiquement proche de 1967 à 1972, quand ils vivaient, et c’était même une « vie, avec mon père, plus conjugale que familiale« , lit-on page 174 ; et page 172 : « Depuis mon jeune âge, j’avais pris en effet l’habitude de dormir avec lui et de chercher son contact, restant sur ses genoux après le déjeuner, reniflant l’odeur de son pyjama dans le lit. Il faut dire aux lecteurs suspicieux qu’un père juif est souvent une mère normale« …) _, je ne revins jamais sur ses traces, son absence de tombe _ les cendres d’Albert ayant été dispersées, selon sa volonté expresse, dans un ruisseau du Limousin… _ facilitant le détachement de tout lieu. Il m’a fallu la mémoire _ après la cérémonie au cimetière des fous de Cadillac, le 19 septembre 2020 _ de son propre père _ Chaïm Noudelmann _ pour le retrouver _ lui, Albert _ et tenter de comprendre ce que succéder veut dire _ et cela, en toutes ses acceptions _, si cette notion doit être maintenue. Entre Chaïm et Albert, un récit a bégayé, celui de l’assimilation des Juifs, le fils _ Albert _ oubliant son père _ Chaïm, interné comme fou : d’abord à Sainte-Anne, puis en 1929 à Cadillac _ et poursuivant _ pourtant, malgré cet oubli-refoulement de la figure paternelle _ le même désir _ que celui de son père _ de fuir ses origines juives _ voilà ! _ et de s’incorporer _ le mot est très puissant _ à la France, quitte à recevoir son passé _ autour de son histoire personnelle, avec la place qu’y ont occupé les marques les plus sensibles de sa judéité : la prononciation bien sonore de son nom, et le signe corporel bien visible, une fois mis à nu, de sa circoncision… _ en pleine face, comme un boomerang _ en 1940, sur minable antisémite dénonciation… La superposition de leurs histoires, l’une _ incurablement _ sans parole, l’autre confiée _ un jour unique de 1980, et dix heures durant, à un enregistrement sur un petit magnétophone… _, redouble le paradoxe de ces vies tragiques, le destin _ du retour à l’Est des pogroms quitté très jeune par Chaïm _ se réalisant par le souhait même d’y échapper _ en devenant, pour Albert, un soldat français passant cinq années de prisonnier-esclave juif des Nazis en Silésie… Mais de Chaïm et d’Albert à moi François _que s’est-il transmis de leur judéité et de leur francité ? _ telle est là la question de fond de ce très grand livre… En décidant d’exhumer _ par le travail de recherche et de penser _ le premier _ Chaïm (1891 – 1991) _ de la fosse commune de Cadillac, en écrivant la confidence _ enregistrée sur le magnétophone, en 1980 _ du second _ Albert (1916 – 1998) _ sur ses cinq années allemandes mai 1940 – février 1945 _, j’ai l’intuition qu’être français doit _ beaucoup, pour François _ à  leurs souffrances et désillusions _ aussi : tout cela est inextricablement mêlé…. Même si nos vies demeurent _ de fait _ incomparables car je n’ai connu ni la guerre ni la relégation. Né en France, n’ayant jamais été menacé, je ne saurais porter ni revendiquer cette mémoire sans imposture« …

Page 166 :

_ « L’histoire de nombreux Juifs venus d’Europe de l’Est est sans doute _ et c’est certes là plus qu’un euphémisme ! _ marquée par leur désir d’intégration _ voilà ! _ et leur éloignement _ assez souvent radical _ de la tradition _ liée à bien trop de tragédies et malheurs… _, au point qu’ils donnèrent volontiers des prénoms français à leurs enfants _ ainsi, moi-même  ai-je reçu le prénom de Francis… _, et le mien, François, remplit au mieux cette condition. (…) François, je porte le prénom de mon pays« .

Page 174 :

_ « Parmi les questions posées à un individu sur son identité, on lui demande d’où il est, car il est censé connaître ses origines, sa famille, sa ville, sa région ou son pays. La difficulté que j’ai toujours éprouvée, et que j’éprouve encore aujourd’hui, à définir ces affiliations, et le recours à des périphrases pour y répondre bien que je sois français, doivent sans doute à cette vie avec mon père _ à Lyon, de 1967 à 1972 _ plus conjugale que familiale j’y reviens ici encore, car cela fut en effet crucial pour la formation de l’idiosyncrasie de François Noudelmann. Lui seul _ Albert _ fut ma patrie, celle qui a fait de moi un fils et un compatriote«  _ en ces années sensibles de sortie de l’enfance et entrée dans l’adolescence, entre les huit et treize ans du petit François.

Page 175 :

_ « La paternité ne se réduit pas au partage des gènes et elle repose sur un élan _ affectif, affectueux même _ réciproque de l’enfant et du père. Le mien m’a reconnu deux fois, à la naissance _ le 20 décembre 1958 _ puis en obtenant ma garde juridique _ lors du prononcé du jugement de divorce d’avec la mère de François, en 1967 ; et page 184, François Noudelmann ajoutera ceci : « J’ai dit qu’il m’a reconnu deux fois, mais il m’aura quitté deux fois aussi, en se (re-) mariant _ en 1972 _ puis en se suicidant » _ le 16 juillet 1998. Les recompositions familiales qui s’ensuivirent _ à commencer par le malencontreux remariage d’Albert avec sa troisième épouse en 1972, et le déménagement consécutif du couple formé par le père Albert et son fils François, de Lyon à Limoges _ modifièrent toutefois mon sentiment de l’appartenance _ et de l’« à part -tenance«  _ comme l’éprouvent les enfants dont les racines se troublent à mesure que leurs foyers se fracturent et se transforment _ se recomposent, comme cela se dit maintenant. Cette expérience de vie dans des mondes différents leur enseigne le relativisme, que j’appris très tôt » _ dès les âges de huit et treize ans, par conséquent.

Pages 191-192 :

_ « La fréquentation des universités me conduisit à devenir docteur, non en médecine comme l’auraient compris mes parents, mais en philosophie _ ce fut le 11 juillet 1995, à l’université Paris 4. Cependant la charge symbolique de ma réussite vint _ un peu plus tôt _ du concours  qui, visant simplement à recruter des professeurs, me rendit « agrégé de français » _ de Lettres modernes… _, ainsi que je l’annonçai fièrement à mon père qui n’avait aucune idée de cette promotion. Si je devenais le premier fonctionnaire de la famille, toutes branches comprises, je pouvais surtout afficher qu’en moi s’étaient agglomérés, agglutinés assez de savoirs pour être un français « agrégé », ayant la densité _ rassurante _ d’une molécule. Cette agrégation à la française signait le parachèvement d’un désir _ familial des Noudelmann, depuis Chaïm, venu à Paris, non sans difficultés, « à l’âge de dix-huit ans«  (page 16), en 1909 donc, en carriole à cheval, de Lithuanie… _ de France, commencé avec la naturalisation _ »par décret du 16 juin 1927″ (comme indiqué page 25) _ de mon grand-père _ Chaïm _, juif _ de nationalité _ russe, et confirmé cinquante ans plus tard _ j’en ignore la date précise _ par celui dont le nom figurait désormais au tableau de ceux qui « apprendraient le français » aux jeunes Français. L’étude du latin m’avait même permis de repérer dans le mot d’agrégé la racine étymologique de grégaire, grex, le troupeau. Ainsi avais-je rejoint la troupe des Français, non pour y tenir un fusil, comme Chaïm _ entré dans l’armée française en 1911 (lit-on page 16) _, mais comme passeur de la langue et de sa culture. Ce résultat marquait aussi une fin, l’effacement des origines s’étant réalisé _ principalement _ grâce aux parentés adoptives _ ce serait à préciser, du moins eu égard à cette date de l’agrégation de français… _ qui m’avaient embarqué dans leurs mondes parallèles où les histoires de shtetl, de génocides – on ne disait pas encore Shoah – n’étaient pas déterminantes. Ce passé tragique faisait partie de l’Histoire universelle et ne définissait pas mon identité, d’autant moins que les témoins ne souhaitaient pas en parler. L’assimilation _ a- s -similation… _ au pays ne pouvait être mieux prouvée que par l’entrée dans un corps d’État« .

Page 221-222 :

_ « Bien que j’abbhorre les identifications _ mensongèrement réductrices _, lorsque je suis à l’étranger _ hors de France, par conséquent _, c’est le mot de Français qui me vient en premier. Comme pour tous les exilés – un terme que je préfère à celui d’expatrié -, des événements politiques et culturels ravivent de temps à autre l’appartenance au pays natal, quand bien même on a décidé de ne plus lire les journaux ni de regarder les télévisions françaises. (…) Avec l’éloignement, et dans la langue qui ordonnera _ et c’est fondamental _ pour toujours mon rapport au monde, bien que je découvre des émotions inédites _ et enrichissantes… _ en moi grâce aux images, aux sensations et aux idées recelées dans une autre langue, je m’interroge sur ce qui me fait _ de fait, si, tellement _ français, et ce sont moins des fromages ou des terroirs que des œuvres _ voilà ! _ qui surgissent _ avec une joyeuse vivacité. Lorsque je lis Montaigne ou Marivaux _ deux de mes auteurs absolument préférés à moi aussi ! _, leurs tournures de phrase _ voilà ! _ agissent sur mes poumons et mes nerfs, et elles déclenchent, par le rire, la raison et les sons, une harmonieuse complicité _ ou connivence radieuse, nous y sommes en plein… Plus encore que toute configuration langagière _ mais oui ! Et comment ! _, la musique _ si délicate, fine, et si subtile en son plus parfait naturel dépourvu d’affectation : tempérée… _ de Fauré, de Debussy et de Ravel me dit, sans les mots _ mais oui ! _ que je suis français, même si je peux pleurer _ en effet _ avec des compositeurs italiens, allemands, russes ou espagnols. J’y reconnais mes modalités et intensité » _ voilà le secret magnifiquement dégagé ici par François Noudelmann : des modalités et des intensités sonores idiosyncrasiques partagées au plus intime, crucial et essentiel de soi…

Toute une philosophie fondamentale se trouve ainsi merveilleusement exprimée là, en sa rétrospection _ provisoire : mais qu’est-ce donc qui ne l’est pas ? du moins tant qu’existe de l’encre et du papier, ainsi que de la vie (et de la lucidité), pour penser et écrire, et éventuellement ré-écrire et retoucher… _ de trois parcours géographico-sentimentaux, plus ou moins désirés, plus ou moins bousculés, et parfois violemment chahutés par l’Histoire, de trois générations _ Chaïm (1891 – 1941), Albert (1916 – 1998), François (1958) _ de Noudelmann,

entre Lithuanie et New-York, et surtout un attachement français peut-être indéfectible, viscéral, à la France _ en sa culture, si sensible et si fine, de climat idéalement doux et tempéré : sa littérature et sa musique tout spécialement, en tout cas en premier, pour le petit-fils de Chaïm et fils d’Albert, François… _, par François Noudelmann,

lui qui a l’oreille si fine _ et je viens de me procurer, je l’avais commandé, son « Penser avec les oreilles« , paru le 29 août 2019, un an avant l’expérience renversante du 19 septembre 2020 à Cadillac, et l’admirable rétrospection dont celle-ci a été la source nourricière féconde de mémoire et de recherche, et de penser, encore et toujours…

Ce samedi 27 mai 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Le « Borges » de Bioy, 8éme au classement par Babelia des 100 « mejores libros del siglo XXI »

30nov

Ce matin, parcourant El Pais de ce jour,

je découvre un article signé Javier Rodrigos Marcos,

intitulé Los 21 mejores libros del siglo XXI 

révélant le classement (par Babelia _ par un jury de 84 « experts » en littérature… _) des 100 meilleurs livres de notre XXIéme siècle,

dans lequel figure au 8ème rang

le Borges de _ mon cousin argentin (1914 – 1999) _ Adolfo Bioy Casares : Bioy

_ le livre, par les soins de Daniel Martino, fut publié, posthume, en novembre 2006 aux Ediciones Destino. Et telle est la raison qui fait de ce Borges de Bioy un classique du XXIème siècle. J’écris cela en rêvant de la publication, un jour (?), de l’intégralité de ce Journal personnel de Bioy ; dont l’intérêt va considérablement plus loin que son amitié littéraire avec Borges… Mais quel éditeur aura la folie de s’engager dans pareille immense publication ? Et pour quel lectorat ? En son indispensable Zarathoustra, au magnifique chapitre Lire et écrire du livre I, Nietzsche écrivait : « je hais les oisifs qui lisent« … Et les éditeurs-commerçants font des livres pour ce public de tels lecteurs-consommateurs-acheteurs-là… D’autant que Bioy, en rédigeant les pages de Journal personnel, n’avait certes pas la moindre visée de publication de ces notules personnelles-là… Bien éloignées de ses visées de perfection du style de ce qu’il donnait à publier… Son Journal était pour lui-même seulement ; une sorte d’aide-mémoire fixant un peu des instants fugitifs de sa vie.

8. ‘Borges’, Adolfo Bioy Casares

De las 20.000 páginas _ mazette ! _ de cuadernos íntimos que Bioy (1914-1999) escribió a lo largo de su vida, su relación con Borges ocupa 1.700_ soit 8,5 % de l’ensemble ; restent donc 91,5 %, soient 18 500 pages ! Un trésor !!! _, explicó en una información de 2006 Javier Rodríguez Marcos. Son las que preparó para este volumen antes de morir : “Aunque el libro se extiende entre 1931 y 1989, Bioy resume _ et c’est un peu dommage ; même si c’est mieux que rien ! _ los 15 primeros años _ entre 1931 et 1946 _ en una decena de páginas. Eso sí, brillantes. Los diarios borgianos de Bioy están llenos de literatura_ certes. Borges dijo que su relación era una profunda amistad “sin intimidad” cuya piedra angular eran los libros _ voilà. Mais la vie va bien au-delà des livres lus, écrits ou à écrire… Même si écrire son Journal est aussi de l’écriture…


Immédiatement je me souviens des mots prononcés par Edgardo Scott

à l’Institut Cervantes de Bordeaux le mardi 8 octobre dernier

lors d’une table ronde intitulée Regards croisés autour d’Adolfo Bioy Casares,

que j’animais,

avec les contributions très précieuses des auteurs argentins éminents lecteurs de Bioy

Stella Maris Acuña, Silvia Renée Arias et Edgardo Scott.

Edgardo Scott n’hésitant pas à qualifier ce Borges posthume de Bioy (1914 – 1999)

de plus grand livre argentin du XXIème siècle

_ et personnellement je porte ce Journal de Bioy au pinacle… Il m’intéresse passionnément.


Si bien que le vendredi 11 octobre suivant, à l’Auditorium de la Bibliothèque de Bordeaux-Mériadeck,

lors d’une nouvelle table ronde que j’animais, et intitulée Les Héritiers d’Adolfo Bioy Casares,

avec Eduardo Berti et Edgardo Scott,

je n’hésitai pas à commencer la séance d’entretiens

en demandant à Eduardo Berti

ce qu’il pensait de cette remarque d’Edgardo Scott

qualifiant ce Borges de Bioy

de plus grand livre de la littérature argentine du XXIème siècle.

Voici cet article d’El Pais :

Los 21 mejores libros del siglo XXI

Un jurado de 84 expertos ha escogido para Babelia los títulos más relevantes de las dos primeras décadas del milenio


30 NOV 2019 – 00:24 CET

mejores libros

SETANTA

« Hacer listas« , escribe Alberto Manguel en su Diario de lecturas, “da lugar a cierta arbitrariedad mágica, como si la simple asociación pudiera crear sentido”. Pues bien, ¿qué sentido se puede encontrar en una lista que trata de hacer balance de las dos primeras décadas del siglo XXI? Empecemos por el principio. El martes 11 de septiembre de 2001, dos aviones de pasajeros secuestrados por terroristas suicidas derribaron las Torres Gemelas de Nueva York, mataron a casi 3.000 personas y cambiaron el mundo para siempre. De paso, mandaron al trastero de las hipótesis la teoría hegeliana del fin de la historia reciclada por Francis Fukuyama tras la caída del muro de Berlín y zanjaron la discusión sobre si el siglo XXI empezaba en el año 2000 o en 2001. La guerra de las galaxias se quedó en choque de civilizaciones. Los ordenadores pasaron la prueba del efecto 2000, pero sus usuarios — la nueva gran palabra — entraron en la era del miedo, la inseguridad, la precariedad, la intimidad (pública) y la realidad (virtual).



El futuro había llegado tan pronto en forma de metralla que los cines se llenaron de remakes ; las librerías, de cánones, recuentos y resúmenes y listas de lo muy muy y lo más más (que había que ver, leer y escuchar… antes de morir). También de relatos con un fondo de historia universal y libros de no ficción o de autoficción que dan tanto valor a la trama como a su making-of. Incapaz de imitar a una realidad presente que parecía de novela, la literatura se volcó en el pasado, en la memoria (histórica y a secas), en las investigaciones periodísticas, en la primera persona y en la propia literatura, que se volvió metatodo.


De ahí el triunfo absoluto de 2666, un libro total compuesto de cinco partes y publicado en otoño de 2004, al año siguiente de la muerte de su autor. Desde Borges —retratado minuciosamente por Adolfo Bioy Casares en un diario ya ineludible—, ningún escritor ha influido _ tel est donc le critère probablement décisif de ce choix _ tanto como Roberto Bolaño en las nuevas generaciones. Que sus libros empezasen a publicarse en Anagrama y actualmente lo hagan en Alfaguara — las dos editoriales más presentes _ un élément à prendre en compte _ en la lista de Babelia — es otro síntoma del peso de algunos sellos en la creación del gusto contemporáneo _ du moins hispanophone ; un facteur à noter, donc.


El escritor chileno Roberto Bolaño, en 1997.

El escritor chileno Roberto Bolaño, en 1997. MANOLO S. URBANO

Acaso por una mera cuestión generacional, la literatura canónica de las dos primeras décadas del siglo XXI se ha ocupado de hurgar en las heridas del XX _ pour ce qui concerne les dominantes thématiques. Las guerras mundiales, la guerra civil española, la posguerra, la descolonización, las migraciones, el apartheid, las dictaduras latinoamericanas, la caída del imperio soviético, los feminicidios en Ciudad Juárez o las turbulencias en Oriente Próximo pueden rastrearse en la obra del propio Bolaño, Ian McEwan, W. G. Sebald, Javier Marías, Javier Cercas, Tony Judt, Mario Vargas Llosa, J. M. Coetzee, Zadie Smith, Svetlana Aleksiévich, Emmanuel Carrère, Marjane Satrapi o Edmund de Waal _ oui.


Pero si esos autores empiezan a ser canónicos no es solo por los temas que abordan, sino por el modo _ voilà _ en que lo hacen _ un point forcément décisif, lui aussi _ : mezclando realidad y ficción, narración y reflexión, dinamitando los géneros tradicionales o dejando que su intimidad sin filtros discuta con la historia universal _ oui. Ese yo con voluntad de nosotros es el que ha producido además títulos como los de Joan Didion, Lucia Berlin, Anne Carson y Raúl Zurita — que tituló su obra magna con su propio apellido —, pero sobre todo los seis volúmenes de Karl Ove Knausgård _ j’ignorai jusqu’ici l’existence même de cet auteur.


También la gran historia y la intimidad cruda están presentes en títulos del siglo XXI tan exitosos como El Código Da VinciEl niño con el pijama de rayas o Cincuenta sombras de Grey. ¿Por qué no están en esta lista? Tal vez porque no cuadran con la definición que el crítico Northrop ­Frye acuñó para la “gran literatura” : aquella que es “dueña de una visión siempre más vasta que la de sus mejores lectores” _ ici encore un facteur décisif… El poeta Wystan Hugh Auden lo matizó así : “Hay libros que han sido injustamente olvidados ; ninguno es injustamente recordado” _ en effet !


La crisis económica de 2008 sumó la indignación a la inseguridad y dio la razón a una novela premonitoria publicada en España un año antes : Crematorio, de Rafael Chirbes. De paso, empoderó — el verbo del siglo — a un género y a una generación. El feminismo y el ecologismo son por ahora la respuesta más contundente a una deriva insostenible que va camino de convertir en realismo puro una novela de, digamos, ciencia-ficción como La carretera, de Cormac ­McCarthy. Protagonizada por dos hombres solos — un padre y un hijo — que vagan por un planeta devastado, la distopía del autor estadounidense incluye en sus páginas algo que se parece a una definición de la literatura de hoy : “Dios no existe y nosotros somos sus profetas”.


1. ‘2666’, Roberto Bolaño


« 2666 es lo mejor de una producción literaria prematuramente interrumpida », escribió Ana María Moix en Babelia en 2004, « Amalfitano, uno de los protagonistas de la segunda de las cinco partes o novelas que componen 2666, obra póstuma de Roberto Bolaño (1953-2003), rememora desde México una conversación sostenida, hacía años en Barcelona, con un joven farmacéutico que pasaba sus noches de guardia leyendo. Al joven le gustaba leer novelas breves como La metamorfosis, de Kafka ; Bartleby, el escribiente, de Melville ; Un corazón simple, de Flaubert, o Un cuento de Navidad, de Dickens, títulos que escogía en lugar de El proceso, Moby Dick, Bouvard y Pécuchet El Club Pickwick, novelas largas de los citados autores. ‘Qué triste paradoja, pensó Amalfitano’, escribe Bolaño. ‘Ya ni los farmacéuticos ilustrados se atreven con las grandes obras, imperfectas, torrenciales, las que abren caminos en lo desconocido. Escogen los ejercicios perfectos de los grandes maestros (…)‘. Y, de hecho, eso es 2666 : una gran obra torrencial, que abre caminos en lo desconocido ». Moix apunta que las cinco partes de esta gran obra pueden leerse por separado, pero se perdería la grandeza que alcanzan juntas.

2. ‘Austerlitz’, W. G. Sebald

La novela del alemán W. G. Sebald (1944-2001) narra la odisea vital de un hombre sin historia llamado Jacques Austerlitz en busca de ese tejido perdido en el tiempo que son sus padres. El protagonista camina sobre los restos de una devastación insoportable después de dos guerras.Austerlitz es una formidable representación del destino del hombre moderno llevado a un extremo : el del desarraigo extremo ; también lo es de la capacidad de supervivencia del ser humano”, escribió en estas páginas José María Guelbenzu en 2002. Traducción de Miguel Sáenz.

3. ‘La belleza del marido’, Anne Carson


Anne Carson (1950) abordó en La belleza del marido el conflicto desencadenado por su separación. “Hay en este poemario”, escribió el crítico Ángel Rupérez en 2003, “una tensión entre la idealización inicial del marido (…) y el derrumbe de ese ídolo que consigue sobrepasar con creces el anecdotario más estrictamente autobiográfico y confesional, constantemente convertido en materia poética contaminada por un continuo y soterrado — no explícito — aliento lírico hecho de elegía comedida y de creencia incondicional en la belleza”Traducción de Ana Becciu.

4. ‘La Fiesta del Chivo’, Mario Vargas Llosa


La Fiesta del Chivo es un relato sobre el dictador dominicano Rafael Leónidas Trujillo Molina y, a la vez, un impresionante fresco de la corrupción destructiva de las dictaduras. En su crítica de 2000, el argentino Tomás Eloy Martínez definió la novela del premio Nobel Mario Vargas Llosa (Arequipa, 1936) como “un retrato implacable del poder absoluto en una novela que se lee sin respiro de principio a fin”.

5. ‘Expiación’, Ian McEwan


Con minuciosidad y un talento infinito, el británico Ian McEwan (Aldershot, 1948) ha ido construyendo una obra tan variada como imprevisible. Expiación es una de sus novelas más célebres, mucho antes de que fuese llevada al cine. En su crítica, Andrés Ibáñez calificó en 2002 la novela como “un relato de una ambición y un alcance nada frecuentes”. “Es, ante todo”, proseguía, “un triunfo de la imaginación creadora, una obra que justifica en sí misma la existencia del arte de la novela”Traducción de Jaime Zulaika.

6. ‘Limónov’, Emmanuel Carrère


Emmanuel Carrère (París, 1957) ha construido un género propio en el que mezcla la autobiografía con el retrato de personajes insólitos. Así definió el autor a su protagonista en 2013 : “Ha sido granuja en Ucrania, ídolo del underground soviético, mendigo y después mayordomo de un millonario en Manhattan ; escritor en París, soldado en los Balcanes, y, ahora, en el inmenso burdel del poscomunismo en Rusia, viejo jefe carismático de un partido de jóvenes desesperados. Él se ve como un héroe, pero también se le puede considerar un cabrón : yo no me atrevo a juzgarlo”Traducción de Jaime Zulaika.

7. ‘Tu rostro mañana’, Javier Marías



Javier Marías cerró su trilogía Tu rostro mañana en 2007 con Veneno y sombra y adiós, en la que reflexiona sobre el egoísmo, la verdad y la culpa. José-Carlos Mainer calificó la obra de ejemplo del género de la autoficción : “Marías ha logrado la construcción más sostenida, compleja e importante que tal voluntad (de estilo y de género) ha producido en las nuevas letras españolas”. Mainer describe la obsesión por “la naturaleza de la verdad” y cree que “el punto de partida de la existencia es el egoísmo”.

8. ‘Borges’, Adolfo Bioy Casares



“De las 20.000 páginas de cuadernos íntimos que Bioy (1914-1999) escribió a lo largo de su vida, su relación con Borges ocupa 1.700”, explicó en una información de 2006 Javier Rodríguez Marcos. Son las que preparó para este volumen antes de morir : “Aunque el libro se extiende entre 1931 y 1989, Bioy resume los 15 primeros años en una decena de páginas. Eso sí, brillantes. Los diarios borgianos de Bioy están llenos de literatura”. Borges dijo que su relación era una profunda amistad “sin intimidad” cuya piedra angular eran los libros.

9. ‘Verano’, J. M. Coetzee



Verano,
 la tercera entrega de las memorias del sudafricano J. M. Coetzee (1940), “revela una audacia literaria que no por consecuente con la última parte de su obra deja de ser un reto original”, escribió José María Guelbenzu en 2010. En este libro, cinco entrevistados crean con su testimonio un Coetzee personal e íntimo, en un documento que manifiesta la viveza de espíritu del escritor y su apuesta irreductible por la verdad literaria. Traducción de Jordi Fibla.

10. ‘El año del pensamiento mágico’, Joan Didion



“La obra de no ficción de Joan Didion (1934) ejemplifica bien el género conocido como ensayo personal, una forma de escritura cuyo objetivo es someter a examen circunstancias de orden histórico o sociológico desde una perspectiva radicalmente subjetiva”, escribió en 2005 en estas páginas Eduardo Lago. Este libro de duelo es, en palabras del escritor, “el más personal por lo íntimo y doloroso del tema” : la muerte de su marido. Traducción de Javier Calvo.

11. ‘Mi lucha’, Karl Ove Knausgård


El noruego Karl Ove Knausgård (1968) narra su vida en seis tomos bajo el título de Mi lucha ,como la autobiografía de Hitler. “Un vertedero documentario que necesita existir para que surja, de vez en cuando, un prodigio que, por sí solo, parecería puramente retórico pero que, nacido de la abrumadora acumulación de detalles, se convierte en una epifanía”, opinó Alberto Manguel en 2014. Traducción de Kirsti Baggethun y Asunción Lorenzo.

12. ‘La carretera’, Cormac McCarthy

Un padre y su hijo, supervivientes de una hecatombe nuclear, caminan hacia un sur que, solo quizá, sea su salvación. “Unidos por el amor y el miedo, son la expresión de una soledad intolerable”, escribió J. M. Guelbenzu en su crítica de esta novela de Cormac McCarthy (1933). Traducción de Luis Murillo Fort.

13. ‘Crematorio’, Rafael Chirbes

Rafael Chirbes (1949-2015) narró en esta novela la corrupción urbanística en España. “Con una escritura de precisión clínica en la que a veces recala un medido lirismo, el escritor no cede al olvido de la grande y pequeña historia de nuestro país. Como si Galdós vigilara”, escribió sobre el autor y su obra J. E. Ayala-Dip.

14. ‘Dientes blancos’, Zadie Smith

“El rasgo más característico de la escritura de Zadie Smith (1975) es su propensión a la sátira. No obstante, Dientes blancos no es una novela divertida”, escribió Francisco Solano en 2001. “Retrata el espacio multirracial habitado por hijos de inmigrantes, cuya asimilación a la metrópoli, junto con la confrontación con los padres, les aboca a ser víctimas de una mezcolanza ideológica y religiosa que produce claros efectos de atolondramiento”Traducción de Ana M. de la Fuente.

15. ‘Manual para mujeres de la limpieza’, Lucia Berlin

La estadounidense Lucia Berlin (1936-2004) empezó a publicar (no a escribir) muy tarde y solo a finales del pasado siglo se la comenzó a reconocer como una narradora excepcional. Manual para mujeres de la limpieza es una antología de relatos basados en la vida itinerante de la autora, alcohólica, que trabajó en toda clase de oficios para mantener a sus hijos. “Todo cuanto relata tiene olor a verdad”, aseguró José María Guelbenzu en 2016. Traducción de Eugenia Vázquez Nacarino.

16. ‘Zurita’, Raúl Zurita

“La primera impresión que produce Raúl Zurita (Santiago, 1950) es la de un poeta perdido en el mundo del misterio y la espiritualidad”, escribió el cronista Patricio Fernández en 2012. “No lee, canta, se lamenta, y reza”. Y este poeta publicó aquel año su particular autobiografía, un poemario de 800 páginas en el que se expone más crudamente que nunca.

17. ‘Postguerra’, Tony Judt

El historiador británico (1948-2010) logró con este libro una hazaña, mezclando las lavadoras, los Beatles y Margaret Thatcher. Esto es, la vida cotidiana, la cultura y la política. “La nueva Europa constituye un éxito notable vitalmente vinculado a un terrible pasado”, escribió Santos Juliá en su reseña. “Para que los europeos conserven siempre ese víncu­lo vital hay que enseñárselo de nuevo a cada generación”Traducción de Jesús Cuéllar y Gloria E. Gordo del Rey.

18. ‘Soldados de Salamina’, Javier Cercas

J. Ernesto Ayala-Dip habló en su crítica de Soldados de Salamina en 2001 de la mezcla entre “el relato real” que se plantea en el libro de Cercas y la “obra de ficción” que realmente es. La historia del fallido fusilamiento de Rafael Sánchez Mazas, escritor y fundador de la Falange, se desarrolla con “esa prosa que se desliza con la naturalidad que da la madurez”, añadió Ayala-Dip sobre esta novela.

19. ‘El fin del Homo sovieticus’, Svetlana Aleksiévich

Cuando Svetlana Aleksiévich (Ucrania, 1948) recibió el Premio Nobel de Literatura, muchos lectores descubrieron la fuerza de una obra, a medio camino entre el periodismo y la historia. El fin del ‘Homo sovieticus ofrece las voces de los que vivieron el fin del comunismo. “Su obra es también una revancha del periodismo”, escribió Lluís Bassets sobre su obra, “que busca las fuentes más modestas y las experiencias más sencillas para explicar lo que fue silenciado durante las siete décadas soviéticas”Traducción de Jorge Ferrer.

20. ‘Persépolis’, Marjane Satrapi

En Persépolis, el único cómic en la lista, la autora iraní cuenta la revolución islámica de 1980 vista por una niña, la que Marjane Satrapi era entonces, con 10 años, cuando tuvo que ponerse pañuelo por primera vez para ir a la escuela. “Tenía un deber para con mi país”, le dijo en 2002 a Jaume Vidal en una entrevista. Un cómic en blanco y negro porque, según Satrapi, “el rojo de la sangre podría ser muy dramático”Traducción de Albert Agut.

21. ‘La liebre con ojos de ámbar’, Edmund de Waal

A través de la historia de 264 miniaturas japonesas llamadas netsukes — entre ellas, la liebre que da título al libro —, Edmund de Waal (Nottingham, 1964) construye la historia de su familia, aunque va mucho más allá en un retrato de la historia reciente de Europa y de sus profundas heridas y ausencias. Traducción de Marcelo Cohen.

Del 22 al 50

22. La grande, Juan José Saer
23. Nunca me abandones, Kazuo Ishiguro
24. Anatomía de un instante, Javier Cercas
25. Demasiada felicidad, Alice Munro
26. La tabla rasa, Steven Pinker
27. Los años, Annie Ernaux
28. Temporada de huracanes, Fernanda Melchor
29. Sapiens, Yuval Noah Harari
30. Kafka en la orilla, Haruki Murakami
31. El nervio óptico, María Gainza
32. Los diarios de Emilio Renzi, Ricardo Piglia
33. La novela luminosa, Mario Levrero
34. En presencia de la ausencia, Mahmud Darwish
35. Incendios, Wajdi Mouawad
36. Pensar rápido, pensar despacio, Daniel Kahneman
37. Las correcciones, Jonathan Franzen
38. El adversario, Emmanuel Carrère
39. La mancha humana, Philip Roth
40. Canadá, Richard Ford
41. Elizabeth Costello, J. M. Coetzee
42. Terror y utopía, Karl Schlögel
43. Lectura fácil, Cristina Morales
44. Las poetas visitan a Andrea del Sarto, Juana Bignozzi
45. Ordesa, Manuel Vilas
46. Distancia de rescate, Samanta Schweblin
47. La noche de los tiempos, Antonio Muñoz Molina
48. Teoría King Kong, Virginie Despentes
49. El mundo deslumbrante, Siri Husvedt
50. Los testamentos, Margaret Atwood

Del 51 al 100 (por orden alfabético del apellido del escritor)

Americanah, Chimamanda Ngozi Adichie
Diccionario de autores latinoamericanos, César Aira
Experiencia, Martin Amis
Patria, Fernando Aramburu
Un país mundano, John Ashbery
Fun Home, Alison Bechdel
Genios : un mosaico de cien mentes creativas y ejemplares, Harold Bloom
Vida precaria, Judith Butler
El día del Watusi, Francisco Casavella
Las ensoñaciones de la mujer salvaje, Hélène Cixous
Hombre lento, J. M. Coetzee
A contraluz, Rachel Cusk
La maravillosa vida breve de Óscar Wao, Junot Díaz
Jamás el fuego nunca, Diamela Eltit
El olvido que seremos, Héctor Abad Faciolince
Un ángulo me basta, Juan Antonio González Iglesias
El giro, Stephen Greenblatt
El tejido del cosmos, Brian Greene
Homo Deus. Breve historia del mañana, Yuval Noah Harari
Trabajos del reino, Yuri Herrera
Sumisión, Michel Houellebecq
La posibilidad de una isla, Michel Houellebecq
La doctrina del shock, Naomi Klein
La casa de la fuerza, Angélica Liddell
Berta Isla, Javier Marías
Asterios Polyp, David Mazzucchelli
Necropolítica, Achille Mbembe
C, Tom McCarthy
Aquí, Richard McGuire
Todo lo que tengo lo llevo conmigo, Herta Müller
Escapada, Alice Munro
Suite francesa, Irène Némirovsky
Infiel. Historias de transgresión, Joyce Carol Oates
El salto del ciervo, Sharon Olds
El capital en el siglo XXI, Thomas Piketty
Un apartamento en Urano, Paul B. Preciado
Diccionario sánscrito-español. Mitología, filosofía y yoga, Òscar Pujol
Retaguardia roja, Fernando del Rey
La conjura contra América, Philip Roth
Harry Potter y el misterio del príncipe, J. K. Rowling
La última noche, James Salter
Clavícula, Marta Sanz
El artesano, Richard Sennett
La estupidez, Rafael Spregelburd
La poesía del pensamiento, George Steiner
La gran brecha. Qué hacer con las sociedades desiguales, Joseph Stiglitz
Los errantes, Olga Tokarczuk
Nada se opone a la noche, Delphine de Vigan
Hablemos de langostas, David Foster Wallace
Fabricando historias, Chris Ware

Así ha decidido el jurado : hombres que votan a hombres y jóvenes que leen a extranjeros

_ je remarque aussi que les nombreux lecteurs de ce très intéressant article paru dans El Pais qui prennent la peine de commenter-critiquer les choix de cette liste, indiquent les « oubliés » selon eux de cette liste. Et parmi ceux-ci, revient le plus souvent le nom de l’écrivain roumain Mircea Cartarescu, et son roman Solénoïde, paru en traduction française le 22 août 2019 (aux Éditions Noir sur blanc).

Mircea Cartarescu : un auteur que m’a vivement recommandé l’ami Eduardo Berti, qui s’est rendu tout spécialement à Pollença (dans l’île de Mallorca) pour la remise à Mircea Cartarescu (pour l’ensemble de son œuvre) du Prix Formentor, le 29 septembre 2018 ; le jury de ce Prix Formentor s’était réuni à Buenos Aires le 9 avril 2018 ; et en faisait partie Alberto Manguel, le lauréat précédent de ce Prix Formentor, en 2017 ; et grand lecteur (et ami, mieux encore !) de Bioy, Silvina Ocampo, et Borges.

Et lire aussi de mon ami Bernard Sève :

De haut en bas _ philosophie des listes

_ cf mon article du 4 avril 2010 :

Ce samedi 30 novembre 2019, Titus Curiosus – Francis Lippa

L’autre chef d’oeuvre , après « L’Art de la joie », de Goliarda Sapienza : ses extraordinaires « Carnets »

05jan

Ce début janvier 2019,

paraissent, aux Éditions du Tripode,

et toujours en une merveilleuse traduction _ elle coule de source ! _ de Nathalie Castagné

_ sa découvreuse et révélatrice à l’univers entier ! Ce n’est certes pas peu !!! _,

une sélection _ de 461 pages _

des 8000 pages manuscrites

que rédigea au jour le jour, entre 1976 et 1996 _ l’année de sa mort : le 30 août 1996 ;

des suites d’une chute dans les escaliers de sa maison de Gaeta _

la géniale Goliarda Sapienza

_ soit quelque chose comme 5 % de ce qui a été rédigé en ses Carnets personnels… _ ;

et ce, d’après une sélection de son mari et veuf, Angelo Pellegrino

(né, lui, à Palerme le 2 août 1946),

et qui est aussi son légataire universel ;

qui la fit d’abord paraître, cette sélection, en Italie, en 2011 et 2013,

en deux volumes séparés,

intitulés

Il Vizio di parlare a me stessa _ Taccuini 1976 – 1989

et La Mia Parte di gioia _ Taccuini 1989 -1992,

chez le prestigieux éditeur Einaudi :

soit un nouvel éblouissant chef d’œuvre,

rédigé _ et strictement pour elle-même : « parlare a me stessa » ! _ par Goliarda au jour le jour,

au fil du quotidien de ses rencontres, voyages et événements survenant divers ;

et avec, aussi, c’est à noter, des intermittences, parfois très longues : de mois ou même d’années :

quand Goliarda choisissait de consacrer-réserver exclusivement le temps si précieux de son écriture

(et son désir d’écrire, pas nécessairement permanent ; elle subissait aussi des moments de dépression ;

d’absence d’enthousiasme envers sa fondamentale passion d’écrire…)

à la rédaction d’autres romans-fictions à composer, ou de divers textes _

après ce monument et chef d’œuvre presque trop puissant et éclatant

_ quelque part dérangeant pour bien des lecteurs,

y compris ceux, professionnels, des maisons d’édition, qui longtemps le refusèrent ! en Italie… _

qu’est le roman

_ inspiré et transposé (sublimé…) de sa propre vie (Goliarda est née à Catane le 10 mai 1924)

ainsi que de la vie de sa mère, Maria Giudice (Codevilla, 27 avril 1880 – Rome, 5 février 1953) _

L’Art de la joie

_ de 800 pages.

Cf ce mot de Nietzsche

_ Goliarda fut-elle une de ses lectrices ? _

entamant ainsi

le lucidissime chapitre Lire et écrire

de son sublime Ainsi parlait Zarathoustra _ un livre pour tous et pour personne :

« De tout ce qui est écrit, je ne lis que ce quelqu’un écrit avec son sang.

Écris avec ton sang : et tu verras que le sang est esprit.

Il n’est guère facile de comprendre le sang d’autrui.

Je hais les oisifs qui lisent« .


Et c’est assurément avec son sang

_ qui est esprit ! et comment !!! _

que Goliarda a écrit,

tant son L’Art de la joie

que ses sublimes Carnets.

Pour cela,

je me réfère, aussi, à ce très riche et passionnant article de Valentina Tuveri,

paru le 30 août 2016 sur le site Monde du Livre :

L’Art de la joie de Goliarda Sapienza : la traduction comme moteur de reconnaissance mondiale


Personnellement,

je dois dire que je préfère l’ouverture infinie de l’écriture des notations au jour le jour d’un carnet personnel

_ ou d’une correspondance intime :

je pense ici aux courriers (enchantés ! et enchanteurs pour nous qui les lisons…) de trois fois par semaine

de Madame de Sévigné à sa fille, Madame de Grignan :

alternant le compte-rendu précis et parfois amusé du plus quotidien du quotidien, avec des envolées passionnées de sentiments ou d’émotions, de la marquise _,

à la construction tant soit peu organisée, même la plus belle qui soit, d’une fiction,

fut-elle mâtinée de pas mal d’éléments autobiographiques _ ou biographiques.

Pour y trouver l’accent de la plus grande justesse tissée à la plus audacieuse liberté ;

du moins à son meilleur…



Ce samedi 5 janvier 2019, Titus Curiosus – Francis Lippa

La sublime justesse de l’humour de Dominique Noguez, cette fois dans un merveilleux « Causes joyeuses ou désespérées »

29mai

On ne dira jamais assez de bien de Dominique Noguez,

si magnifiquement juste,

avec l’humilité, toujours, de la brièveté,

en ce qu’il nous offre généreusement à _ joyeusement _ partager et lire de lui.

Cette fois, ce mois de mai 2017, pour ce cadeau inespéré, que constitue ce bref et tellement délicieux florilège (d’articles la plupart déjà publiés, ici ou là, à quelque occasion assez spécifique, mais soigneusement conservés, ensemble, en un dossier à portée de sa main, parce que bien aimés de lui, leur auteur) qu’il nous propose maintenant _ et, bien sûr, rien de cela n’a d’un seul moindre poil vieilli : la sublime fraîcheur (de vérité !) de toute cette petite musique-là est demeurée intacte, pure, vierge : à jamais tout simplement juste !!! _, sous le titre de Causes joyeuses ou désespérées, qui paraît aux Éditions Flammarion.

Je me permets ici de simplement reproduire le courriel à l’ami Pierre Bergounioux _ auquel l’ouvrage est dédié, je m’en suis avisé en terminant ma lecture _ que j’ai adressé hier, afin de tâcher de joindre _ par courriel, ou au téléphone _ Dominique Noguez lui-même :

Cher Pierre,

à chaque parution d’un ouvrage de Dominique Noguez,
je m’en saisis et m’en délecte !

Ainsi de ce brillant et plus encore merveilleusement juste ! « Causes joyeuses ou désespérées »,
dont je m’avise, venant d’en terminer la lecture, qu’il vous est dédié _ sans davantage d’explication…

J’ai rencontré une seule fois Dominique Noguez : aux obsèques (en décembre 2006) de notre ami commun Hervé Brevière ;
qui me parlait souvent de lui, et de leur amitié
nouée en khâgne au lycée Montaigne à Bordeaux.

Je me demandais si c’était là, en ces classes, que vous avez fait, vous aussi, la connaissance de Dominique Noguez ;
mais en y réfléchissant, Hervé est passé au lycée Montaigne un peu avant moi (qui suis né en 1947) ;
alors que vous, y êtes passé un peu après.

J’ai eu l’adresse électronique de Dominique Noguez, mais l’ai égarée…
Et j’aimerais lui proposer de venir présenter son livre _ tant de justesse en si peu de mots et avec cet humour détonnant en même temps que humble _ chez Mollat…

En tout cas, je suis ravi d’apprendre ainsi l’estime que vous porte Dominique Noguez…

Bien à vous, Pierre,

Francis

Voilà.

C’est en effet un bonheur rare de lecteur que d’admirer et se réjouir si vivement de tant de justesse de penser, en telle grâce de légèreté grave _ à la Mozart ? à la Domenico Scarlatti ? Je me délecte aussi depuis samedi dernier de l’écoute en boucle du 5 éme volume de Sonates de Domenico Scarlatti que vient de nous donner le génial Pierre Hantaï : mêmes qualités de justesse, de vivacité, d’esprit, d’humour, de légèreté grave, ainsi que de politesse de la brièveté, que dans l’alacrité d’écriture, si intensément merveilleuse, de Dominique Noguez ! _ d’écriture, avec tant d’esprit ainsi que de culture _ aussi large que profondément faite sienne, et avec une aussi sublime pertinence ! _,

avec ce merveilleux humour, aussi incisif et mordant que tendre, doux et apaisé…

Ce Causes joyeuses ou désespérées est tellement pourvoyeur de joie à chacune de ses 176 pages

qu’il doit être à faire rembourser de toute urgence par la Sécurité sociale…


Titus Curiosus, ce lundi 29 mai 2017

P. s. : le terme de « Causes » se justifie ici par la nécessité _ au moins pour l’auteur _ d’un si peu que ce soit d’argumentation ou plaidoyer à dérouler, a minima, et en toute modestie _ sans guère d’illusion, de sa part, de réussir à convaincre surtout ceux qui ne le liront pas !!! _, face à tant de cécité d’esprit jointe à tant d’inculture galopante, parmi les opinions arrêtées de beaucoup trop nombreux de nos frères humainslà-dessus, et sur cela, revenir au lucidissime portrait du « dernier homme » dans le génial Prologue d’Ainsi parlait Zarathoustra de Nietzsche…

Ce Causes joyeuses ou désespérées _ à son tour « un livre pour tous et pour personne«  _ de Dominique Noguez, étant, bien sûr, lui aussi une petite bouteille à la mer : des lecteurs potentiels…

Et au final, c’est bien toujours la joie qui doit l’emporter… Nous n’en démordrons décidément pas !

 

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