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De la place de la pudeur dans l' »intimité Plossu » : conversation à distance…

25fév

Pour continuer d’explorer l’intimité dans la poïétique des artistes qui me touchent le plus,

telle Elisabetta Rasy _ cf mon article du 22 février : « Les mots pour dire la vérité de l’intimité dévastée lors du cancer mortel de sa mère : la délicatesse (et élégance sobre) parfaite de “L’Obscure ennemie” d’Elisabetta Rasy » _,

ou tel Bernard Plossu _ cf mes articles du 27 janvier : « L’énigme de la renversante douceur Plossu : les expos (au FRAC de Marseille et à la NonMaison d’Aix-en-Provence) & le livre “Plossu Cinéma” » ; et du 14 février derniers : « Bernard Plossu de passage à Bordeaux : la photo en fête ! pour un amoureux de l’intime vrai… » _,

voici un article, « Plossu Cinéma au FRAC PACA » _ signé Nathalie Boisson _, du magazine (gratuit) marseillais Ventilo tel qu’il vient de m’être transmis, hier soir, par l’ami Bernard Plossu :

De :   Bernard Plossu

Objet : Trans. : suite mail précédent interview Taktik Ventilo en fait !!
Date : 24 février 2010 19:15:11 HNEC
À :   Titus Curiosus

interview dans la revue Ventilo

plo

—–E-mail d’origine—–
De : Denis Canebière

A : Bernard Plossu

Envoyé le : Mercredi, 24 Février 2010 17:03
Sujet : suite mail précédent interview Taktik Ventilo en fait !!


Bernard,
Dans mon mail précédent, je te parle de Taktik qui est l’ancêtre du journal gratuit actuel Ventilo !
C’était au siècle dernier !
Correction donc !
Il s’agit de Ventilo et pour me faire pardonner, au cas où tu ne l’aurais pas déjà, voici le lien : http://www.journalventilo.fr/expo/ 
Amitiés
Denis C

Le voici donc ici aussi ! Farci, selon ma coutume, de commentaires miens (en vert)…

expo

Plossu cinéma au FRAC PACA

Publié le 24 fév 10 dans Expo

L’interview : Bernard Plossu

Rencontrer Bernard Plossu, c’est un peu comme réactiver la célèbre formule de Lautréamont : « Beau comme la rencontre _ voilà _ fortuite d’un parapluie et d’une machine à coudre sur une table de dissection » _ en un peu moins potache (!) et surréaliste, probablement… C’est convoquer _ gentiment ! _ une esthétique de la surprise _ en effet ; en douceur _, une poésie du quotidien où la beauté est une trouvaille fugace _ c’est tout à fait cela ! à apprendre à accueillir… Généreux _ et comment ! _, le photographe a accepté de partager une partie de sa sagesse _ ça peut se dire ainsi… _ en se soumettant au questionnaire de Sophie Calle _ même si assez peu plossuïen (ou plossuïenne : pour la dame) ; et c’est un euphémisme ! : remarquer le niveau particulièrement gratiné de « négativité«  de la moindre des pistes proposées par ce « questionnaire«  callien ! : « mort« , « rêve« , « détester« , « manquer« , « renoncer« , « défendre« , « reprocher«  et « servir«  ! nous voilà en plein dans l’air nihiliste du temps ; et donc aux antipodes d’un Bernard Plossu !!! mais Bernard n’entre pas dans ce piège… _, puis de se dévoiler _ un peu : avec délicatesse _ le temps d’un abécédaire improvisé _ pourquoi pas ?

Plossu-portrait.jpg


Quand êtes-vous déjà mort ?

Je suis mort de douleur en 1985, mais je ne révèlerai pas pourquoi. En revanche, je suis retourné à la vie en 1986.

Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Eh bien je les rêve encore. Plutôt que de rêves, je parlerais du réel de l’enfant _ « réel«  tout imaginatif, ludique ; lire là-dessus (le génial) Winnicott… _, et en ce qui me concerne, un enfant qui lisait beaucoup de bandes dessinées et a donc appris à cadrer avec la ligne claire très tôt _ un élément important dans l’historique de la poïétique photographique Plossu ! A quand, après le Plossu Cinéma, un « Plossu BD ligne claire«  ?.. Ce qu’il y a dans le carré explique _ fait comprendre _ tout le reste, ce qui se passe autour _ le hors cadre : le monde autour… Et en fait la photo, c’est la mise en rectangle ou en carré des leçons _ voilà comment procède l’intuition foudroyante (à mille à l’heure) de l’artiste _ que j’ai apprises _ voilà ! quand la plupart n’apprennent jamais rien ! de rien ! ni de personne ! ah ! la pédagogie ! quel art d’atteindre (= dégeler ; et disposer à l’élan et à la joie de réfléchir) les cervelles !… _ de la ligne claire en BD. Donc, ce ne sont pas les rêves d’enfant, c’est plutôt le côté rêveur _ à la Bachelard (l’art de la rêverie), alors ; pas à la Freud (et le rêve nocturne : inconscient, lui) ; ou plutôt « le côté joueur« , à la Winnicott !.. Un très grand ! A re-découvrir ! _ d’une vie d’enfant _ continué toute sa vie d’adulte par l’artiste, « jouant«  : mais oui !!! on ne peut plus sérieusement et joyeusement à la fois. Vivre, c’est « habiter«  la vie « en poète«  : en dansant… Et c’est divin : cf Nietzsche : « je ne croirais qu’en un dieu qui sache danser«  !…

Citez trois artistes que vous détestez
Le mot est trop fort _ un peu violent _, il y a _ seulement _ une énergie _ voilà ! _ qui ne me correspond pas _ simplement… _ : « entrer en correspondance«  avec une énergie est bien, en effet, la « proposition«  de l’artiste ; et au spectateur, lui, et alors, de « se connecter«  ou pas (« à la chinoise«  : cf François Jullien, par exemple dans La Grande image n’a pas de forme…), à l’énergie « proposée« , en fonction de la co-disposition des formes (elles-mêmes encore un peu mouvantes ; et plus ou moins émouvantes) présentées, par cette œuvre rencontrée, venant entrer ici et maintenant en composition avec ses propres dispositions cinesthésiques du moment (de cette rencontre avec l’œuvre) ; ou de toujours, aussi : c’est cette « connexion« -là que Baldine Saint-Girons nomme on ne peut mieux proprement « acte esthétique » (son livre, passionnant, est magnifique !) ; et souvent, sinon le plus souvent même, nous, spectateurs potentiels, nous y refusons, à cette « connexion«  d’énergies, nous n’y sommes pas prêts ; ou carrément la rejetons ; et ce pour des raisons de non agrément qui peuvent même être, parfois, parfaitement fondées !.. D’autres fois, et même le plus souvent, nous subissons seulement les conditionnements des autres, sous forme de goûts (socialement) institués (c’est ici qu’on peut lire Bourdieu ; ou Lahire ; ou Nathalie Heinich…), formatés, et figés, fossilisés ; et notamment sous l’aspect de « modes«  (sociales ; et idéologiques). Bref, que ce soit pour de bonnes, ou pour de mauvaises raisons, je veux dire qui soient fondées ou pas, nous nous anesthésions nous-mêmes le plus souvent face aux « propositions«  (ludiques pourtant) des œuvres des artistes… En peinture, je n’aime pas Fernand Léger, De Stael, Mathieu _ trop massifs, probablement ; voire, pour le dernier du moins, poussifs, ajouterais-je… En photo, plutôt que de nommer _ un Gary Winogrand ? un Sebastiaõ Salgado ?.. là, c’est moi seul qui m’avance ! pas Bernard ! _, je préfère ne dire que ce que je n’aime pas : le trop grand angle _ trop embrassant, mal étreignant… _, le spectaculaire _ voilà ! soit l’inverse de ce que je qualifierais de l’attention fine du  « choix de l’intime«  plossuïen… _ qui en fonçant le ciel des images rajoute _ vulgairement : en surlignant ; pour les un peu trop lourds, ou pas assez finauds, qui risqueraient, les disgraciés, de ne pas assez vite « piger » ce qu’il y aurait ici à leur « communiquer« , en le pointant plus fort du doigt : ce sont, ceux-là, des « communiquants«  (et ils « savent faire »…) ; et on comprend que le succès, via les médias, leur arrive ; et se répande, massif : c’est plus gros et facile à repérer (comme « marque«  de fabrique)… _

le spectaculaire qui en fonçant le ciel des images rajoute, donc, une couche au drame _ à ces « couches«  massives lourdingues, la touche toute de vivacité de Bernard Plossu préfère un grain léger très fin… C’est exactement le même principe qu’au cinéma, lorsque la musique devient _ pléonastiquement _ dramatique _ trémolos aidant _ pour que le public soit bien conditionné _ et pris : voilà ! Une bonne photographie, c’est une photo qu’on _ ou qui ? _ ne doit pas conditionner à l’avance _ ce qu’Umberto Eco baptise du joli nom d’« œuvre ouverte«  Enfin, je n’aime pas le manque de pudeur _ voilà le mot-clé lâché. Ils sont plus que trois, les photographes qui font de mauvaises photos de nu _ par exemple : trop près d’être « pornographiques«  ! _ et n’ont pas compris que la plus grande beauté de la photo, c’est la pudeur _ et on en trouve quelques unes, de ces photos de « nu«  éminemment pudiques, dans l’œuvre Plossu, sans chercher très loin.

Vous manque-t-il quelque chose ?
Vu la passion _ voilà : sans ce moteur (proprement thaumaturge), que peut-il jamais se faire, en Art du moins (mais dans la vie aussi) ?.. rien qui ait de l’élan, en tout cas… _ que j’ai pour l’objectif de 50 mm, il ne me manque rien, je crois _ c’est magnifique ! Bernard n’a rien, lui, chère Sophie Calle, d’un frustré : de Sophie Calle, je me souviens surtout de l’inénarrable « No sex to-night » : quelle sublime expérimentation ! Combien de gogos suivent cela ?.. Le 50, c’est l’objectif de la redoutable intelligence et de l’acuité visuelle _ voilà ! l’acuité du regard et son intelligence ! C’est une jolie métaphore que de s’apercevoir qu’un objet technique peut t’apporter _ en prolongement du travail propre de l’œil, en quelque sorte ; c’est à dire le déploiement de l’acte crucial du regard : sur ces « lunettes« -là, se faisant parfois « télescope« , et parfois « microscope« , bref : mouvement d’accommodation constant, on trouve une sublime remarque de Proust dans Le Temps retrouvé ; le passage est fort justement célèbre… _ l’âme _ voilà _ que tu recherches _ et c’est la tienne, l’artiste ! qu’il te faut simplement désherber de ce qui l’encombre… _, et en même temps c’est un choix très rigoureux _ au résultat photographique net et impitoyable (y compris avec du flou !)…Et c’est aussi cela que je trouve dans le cinéma (= l’œil en mouvement formidable) d’Antonioni…

Sur cet œil-là « au travail« , je conseille le très beau journal de travail du film Par delà les nuages (Al di là delle nuvole), en 1995, qu’a tenu très scrupuleusement Wim Wenders : Avec Michelangelo Antonioni _ chronique d’un film (aux Éditions de l’Arche, en 1997)… C’est un document irremplaçable sur la poïesis du cinéaste Antonioni _ à l’œil incomparablement photographique ; là-dessus j’ai écrit tout un essai : « Cinéma de la rencontre : à la ferraraise« , avec ce sous-titre un peu explicitatif : « Un jeu de halo et focales sur fond de brouillard(s) : à la Antonioni«  : inédit…

A quoi avez-vous renoncé ?
Aux voyages lointains, pas uniquement à cause de l’âge, parce que j’ai déjà beaucoup voyagé, mais aussi parce que les pays « motivants » ont été complètement matraqués _ oui _ de voyages organisés, où les gens _ débarqués en « touristes«  et constamment pressés… _ ont abusé _ oui _ de la photo et emmerdé le Tiers Monde _ oui _ en leur mettant un numérique sur le nez sans aucun respect, aucune pudeur _ par rien moins que « vols d’âmes«  Il faut voyager en ami _ mais oui _, pour partager ses photos _ et être « reçu » avec une hospitalité « vraie«  _, pas en conquérant _ que de malotrus prédateurs (= touristes grossièrement voyeurs en même temps qu’exhibitionnistes) de par tous les déserts (forêts, montagnes) les plus reculés du monde, désormais !..


Que défendez-vous ?

Les jeunes photographes, passionnément _ mais oui ! Et, je déteste qu’on dise d’un jeune photographe qu’il me copie. Il ou elle a tout à fait le droit de copier _ = prendre modèles, pour « commencer«  _ ses aînés _ qui l’ont simplement « précédé«  dans le temps ; c’est-à-dire « essayé«  déjà, eux aussi, un peu, avant lui-même… _ pour se trouver _ voilà, voilà le but : un artiste a à « se former« , peu à peu, acte après acte, avec patience et obstination, afin de « se découvrir« , peu à peu, et « devenir« , enfin, peu à peu aussi, et de plus en plus, et de mieux en mieux, presque « lui-même«  (la coïncidence n’étant qu’un idéal asymptôtique ! jamais complètement pleine ! ni, encore moins, et heureusement, définitive ! il y a toujours, et joyeusement, à continuer à « œuvrer«  !) ; l’identité se construit (toute une vie) dans la multiplicité des rencontres, des apports, des échanges, des « introjections«  assumées et dépassées ; et surtout celles, rencontres, qui sont « vraiment«  fécondes et « vraiment«  ouvertes ; pas dans la fermeture et l’isolation ! qui sont pauvreté ; et négation de soi ! Moi aussi, j’ai copié _ c’est-à-dire imité : « mimesis«  est le mot qu’employaient Platon et Aristote… _ tout le monde _ comme les peintres débutants (et continuant toujours à se former, évoluer), apprennent en imitant les maîtres (= en apprenant d’eux et par eux) ; l’isolement est une stérilisation ! une barbarie ! qu’on y réfléchisse un peu plus et mieux à l’heure de la diminution imposée (pour raisons de « saine économie« , qu’ils serinent et claironnent ! en pratiquant la charité la mieux « ordonnée«  qui soit, bien entendu, ces « vertueux«  en exhibition ! ici, lire Molière, en plus de La Fontaine…), à l’heure de la diminution imposée des horaires d’enseignement (eh ! oui !) en classe… Là-dessus, lire aussi l’indispensable Prendre soin _ de la jeunesse et des générations du vigilant et infatigable et passionnant Bernard Stiegler… L’exposition Plossu cinéma, ça n’est que _ ici, comme une exagération orale : rhétorique… _ de la copie de cameramen

_ ceux d’Antonioni ; ou le Coutard de Godard : cf la phrase, page 180 de Plossu Cinéma, dans l’échange magnifique et si important avec Michèle Cohen dans la voiture entre la Ciotat et Aix : « Récemment je t’ai écrit que je trouvais les scénarios d’Antonioni rasoirs et bourgeoisement convenus ; mais je dois, je me dois, en homme d’image, de dire que la photographie de la trilogie en noir et blanc est grandiose ! La Notte avait pour directeur de la photo Gianni di Venanzo, L’Avventura, Aldo Scavarda, et L’Eclisse, Enzo Serafin _ Bernard le sait par cœur ! Comme c’est étrange que ce soient trois directeurs différents ! Pourtant le ton, ultra photographique, est si semblable : du coup totalement du Antonioni ! La séquence de la fin de L’Eclisse, ces quinze ou vingt minutes tout en photographies filmées, est tellement belle, tellement moderne, comme on aime à dire maintenant, d’un mot qui veut tout dire vaguement.«  Etc.. Et Bernard de citer derechef Raoul Coutard, par exemple dans Alphaville de Godard… « Le rôle des « directeurs de la photo » n’est pas assez connu du public. Les musiques, après tout, font parler d’elles au cinéma. Alors pourquoi ne parle-t-on pas plus des photographes de films ? » Voilà !.. _, et c’est ce que j’aime dans cette expo _ Plossu Cinéma _, montrer d’où je viens _ ce que Alain Bergala nomme, dans sa contribution (aux pages 16 à 27), dans le livre, si beau, Plossu Cinéma : « Le cinéma séminal de Bernard Plossu » : « séminal » en sa poïétique photographique ! rien moins !.. Fin de l’incise sur la photo au cinéma lui-même ! _

Il y a un côté courageux et culotté de montrer ses racines _ voilà _ et de dire qu’on a copié _ c’est-à-dire qu’on s’est « inspiré » des autres, tout simplement… Nul n’est une île !

Que vous reproche-t-on ?
De faire trop de livres. L’expo du FRAC montre à quel point je fais des livres comme un cinéaste fait des films. Je fais deux sortes de livres : les purement créatifs ou expérimentaux, comme Plossu Cinéma _ sur une idée (de génie !) de Michèle Cohen, la directrice de la galerie LaNonMaison à Aix-en-Provence : comment le petit Bernard est devenu Plossu ! _, qui correspondent à mon langage _ ainsi que sa poïétique, en mon vocabulaire (cf Le Poétique de Mikel Dufrenne, en 1963, aux PUF)… _, et les commandes _ ce sont celles-là qui lui sont reprochées (ou plutôt, en fait, jalousées !) ; cf mon article d’indignation du 15 juillet 2008 : « Probité et liberté de l’artiste« , à propos d’une critique acerbe à l’égard du si beau et si juste (= si rigoureux dans la réalisation de ses objectifs) Littoral des lacs, une « commande« , en effet, du Conservatoire du littoral pour les deux départements de Savoie… L’article n’a pas vieilli ! Donc, au final, ça fait beaucoup _ soit une œuvre ! Mais cette démarche a permis _ oui ! Eluard dit que le poète est « moins l’inspiré que l’inspirant«  _ à d’autres jeunes photographes d’oser _ oui ! on est d’abord timide ! trop craintif, pour la plupart… _ le faire. Au fond, un éditeur a plusieurs auteurs pour vivre, pourquoi un auteur n’aurait-il pas droit lui aussi à plusieurs éditeurs ?

A quoi vous sert l’art?
L’art sert

_ un mot bien ambigü… ; mais l’art a toujours des visées, en effet ; même s’il n’est jamais simplement « moyen«  en vue d’une rien qu’« utilité«  (servile) ; auquel cas, il s’agit seulement d’une « technique« , mécanique et reproductive : mécanisable… ; et quant à l’Art (avec la majuscule) servile, il s’agit de celui des propagandes, et pas seulement celles, plus commodes à stigmatiser (tant elles sont peu discrètes), évidemment, des régimes totalitaires !.. Par exemple, ce pseudo Art admirable qui se met au service relativement discret des saints et saintes « Communication« , « Idéologie » (relookée et maquillée style invisible-imperceptible, désormais) et « Marketing« … _

l’art sert, donc, avant tout à partager (pour les autres _ ce qu’il donne à ressentir et éprouver : merci de cette générosité inépuisable… _) et à être curieux (pour soi _ et à l’infini : et Titus Curiosus d’opiner ! à son tour… _). Je dis souvent à mes élèves de ne pas s’intéresser _ de manière désintéressée : cela ne se forçant pas… _ qu’à la photo _ certes ! les « voies«  du sens et de la sensibilité (et donc de la création : tout ensemble !) sont multiples ; et s’interconnectent, aussi !.. Aujourd’hui, je rentre du jardin de Monet à Giverny. A quoi sert ce jardin ? Il a été un prétexte, « un motif » _ oui ! qui met en « mouvement » et « émeut« , rend plus « mobile«  : voilà son étymologie ! il « inspire«  ; et fait mieux respirer ! _ pour l’art de Monet _ lui-même, d’abord _, et il a tellement marqué l’histoire de l’art que c’est devenu un jardin pour le monde entier. On retombe sur cette idée de partage entre le particulier et l’universel _ et du jeu d’ouverture entre ce qui est « dans«  le cadre, et ce qui du monde autour y entre, « venant y pénétrer«  discrètement, presqu’invisiblement, aussi, pour qui s’y sensibilise, à ce « cela«  (presqu’invisible) du monde, avec et grâce à l’artiste, qui nous le fait ainsi délicatement « entrevoir« , percevoir et recevoir ; a contrario des foules d’« anesthésiés«  (et donc insensibles, sourds, aveugles, etc.., Béotiens satisfaits d’eux-mêmes, « idiots«  au sens littéral du terme !) « auto-anesthésiés«  par précaution ; en expansion, hélas, par les temps qui courent : l’humanité est en train d’en crever !.. Cf la fausse sagesse mesquine (criminelle autant que suicidaire pour la civilisation !) des trois singes… D’où la bêtise sans nom et le crime grave qu’est l’absence d’apprentissage véritable (grâce à un enseignement, d’abord, effectivement digne de son nom ! suffisant ! et pas light !) et suffisamment développé de ce que sont les démarches d’Art (= la poïesis en acte et en œuvres !) à l’école : au lycée !!! L’art, c’est aussi un effort _ un geste, un écart, d’un millième de seconde même, le plus souvent… _ qui nous oblige à ralentir _ voilà : dans un monde de pressés, aux « ratiches«  si longues, qu’elles labourent le sol ! ceux-là ne sont pas des artistes !_, à ne pas faire comme cette personne qui vient de passer à toute vitesse avec son 4×4 _ ah ! les 4×4 ! et le mépris des autres… _ dans un endroit où il y a des gens _ qui passent, eux aussi ; et peuvent se faire écraser : par ceux-là, du 4×4, sans égard… L’art, c’est être capable de lever le pied _ tel le narrateur de Du côté de chez Swann, s’abîmant une heure entière à contempler en son détail, tellement luxueux, une haie (éblouissante en son éclat) d’aupébines… _, c’est lutter contre la vulgarité _ certes : que de faux artistes blin-bling, encore, courant nos rues, nos places, nos avenues ; et même nos palais de la république : avec la complicité obséquieuse des micros et caméras des medias ! cf mon article, par exemple, du 12 septembre 2008 : « Decorum bluffant à Versailles : le miroir aux alouettes du bling-bling« …

PETIT ABECEDAIRE

Plossu

A comme… Afrique :

le continent de l’origine _ peut-être pas toute, tout de même… Mozart, ainsi, n’était pas « Africain« … Bernard parle ici surtout du jazz… et du rythme… _ de la musique, de la danse… L’Amérique ne serait rien culturellement _ hum ! hum ! _ sans la musique africaine. Tous les musiciens blancs, d’Elvis à Dylan, ont été influencés par elle _ certes ; mais ce n’est là qu’un type de musique : celui que diffusent le plus (et aident à « consommer«  et faire acheter, plus encore, sans doute…) les radios…

C comme… Chocolat :

j’aime beaucoup / Cézanne : j’avoue ne pas aimer ses verts et ses bleus _ moi si ! mais Cézanne est (comme il s’est reconnu lui-même !) un « couillu » ; Bacon, aussi : Bernard ne l’apprécie pas trop, lui non plus, je sais ; moi, si !.. _, pour moi le sud, c’est Soutine _ pulvérisant sublimement les clichés ! en effet ! _ / Cubisme : un photographe, c’est un danseur qui du haut de son entrechat voit cubiste _ merveilleuse définition ! qu’on se le dise ! Quand on bouge, les lignes de force _ oui ! voilà le vivant ! la « Nature naturante« , dirait un Spinoza, à côté des Chinois !.. se mouvant juste, juste en-dessous des « formes«  un peu moins (mais à peine…) mobiles, elles, et donc un tout petit peu plus (c’est affaire de degrés : infinitésimaux !) arrêtées ; un peu, à peine, moins musicales, en conséquence de quoi, ou un peu, à peine, moins rythmées, si l’on préfère, de la « Nature naturée«  ! Cf ici, en France (et même en Provence, au pays des cyprès qui s’élancent, se tordent…) un Van Gogh à Arles et Saint-Rémy ; ou un Cézanne se posant face à la Sainte-Victoire afin de la regarder se mettre à danser !.. _

quand on bouge, les lignes de force , donc,

que l’on voit tout le temps _ déjà ! et en relief, donc ! _ changent _ voilà : c’est là le bougé-dansé, musical, de Plossu ! La photo, c’est du cubisme en mouvement _ c’est magnifique !

E comme… Espagne :

j’adore y aller. C’est le pays du très grand photographe Baylon _ un grand ami ; et un complice en poïesis _ et du peintre Miguel Angel Campano.


H comme… Histoire / Hésitation :

donc la connaissance, mais le doute _ certes : lire Popper (et son critère décisif de « falsiabilité«  pour la « vraie«  recherche scientifique) ; ou Alain : « penser, c’est dire non«  Mais Hélas l’Histoire n’hésite pas à se répéter _ sans « leçons«  ; cf Hegel…

I comme… Italie !

A lui seul ce mot veut _ pour Bernard ; pour moi aussi : (presque) tout y virevolte et danse ; avec le charme de l’élégance et, aussi, passablement d’humour… _ tout dire…
Illusiones optica : le dernier film que j’ai vu.

J comme… Jawlensky :

j’aime ses portraits _ moi aussi : ils fouillent loin ; quelles profondes couleurs !..
Jalousie :

le sentiment le plus difficile à vaincre, à surmonter _ peut-être pas pour tous, pourtant…
Je :

Céline disait « Je, le pronom le plus dégoûtant » ou un truc comme ça. Je, c’est l’ennemi de l’intelligence _ quand le Je n’est qu’égocentrique, du moins ; mais il peut aussi être « départ de perspective«  (et de construction « vraie«  d’une « personne« …), par son ouverture, précisément, profonde et grave, en même temps que joyeuse, sans peur, sur l’altérité ; cf Montaigne… Ne pas trop le détruire, ce Je-là ! ni le « haïr«  (à la Pascal)…

L comme… Lumière :

en photographie, c’est le noir et blanc, le gris _ leur infini intense camaïeu ; le jeu profondément soyeux de leurs vagues. En beauté, j’aime celle _ si sensible par la tension calme et tellement puissante de sa quasi transparence flottante _ du nord : Vermeer, Brueghel, Constable…


N comme… Napoléon :

l’homme qui n’a pas hésité à faire mourir de froid des milliers de soldats pendant la campagne de Russie. Quelle folie de pouvoir envoyer des êtres humains mourir de froid ! _ sur le froid : lire Le Froid de l’immense Thomas Bernhard, avec son rire formidablement si « humain«  : « tout est risible quand on pense à la mort« … Un rire, à ce degré d’« humain« , qui nous manque très fort aujourd’hui ; même si nous avons, tout de même, l’immense, lui aussi, Imre Kertész (l’auteur du grand Liquidation) : en ces temps de « déshumanisation«  galopante…

Propos recueillis par Nathalie Boisson


Intime conviction

Au FRAC, l’exposition Plossu cinéma présente une œuvre singulière _ eh ! oui ! _ au carrefour de la photographie et du cinéma autour de cinq thématiques. Brillant !

Plossu.jpg

Montrer ses racines, dire d’où l’on vient _ en deux expos (au FRAC de Marseille et à La NonMaison d’Aix-en-Provence) et un livre tels que ce (en trois volets, si l’on veut) Plossu Cinéma _ est un exercice difficile _ a priori, du moins, dans une société assez intimidante et plutôt décourageante, en général. Il s’agit de se livrer _ oui : un peu, au moins… _ à travers l’autre _ effleuré : dans les photos _ tout en gardant une distance respectueuse, une distance amoureuse _ voilà ! Cette distance, c’est celle du regard de Plossu _ absolument ! Il s’est construit très tôt _ en effet ; par son regard même… _ à travers le cinéma de la Nouvelle Vague, où l’image, en prise avec le réel _ oui ! _, dénuée de tout artifice _ quel défi ! _, retrouvait de sa brutalité _ du moins de sa probité, de sa vérité et de sa liberté face au réel (et par là de sa force !) ; puis par l’exercice de plus en plus passionné de la photographie ! à la Plossu… Ces images constituent un double, une entité _ réalisée _ pour lui _ et qu’il lui fallait (existentiellement, humainement !) retenir (du vivre passant : qui passe vite…)… On retrouve à la lecture du Livre de l’Intranquillité de Pessoa quelque chose de cette doublure photographique interprétative, et plus précisément dans le regard de Bernardo Soares : « Voir, c’est avoir vu » _ avec la perspective, nourrissante, de la mémoire : une culture vive et vivante incorporée, en quelque sorte… Comment être proche et distant ? _ par le regard : voilà ! Comment être intime et pudique ? _ c’est l’essentiel !!! Pour l’artiste _ « vrai«  qu’est Bernard Plossu _, la pudeur est l’une des clés de la photo _ davantage : le sas « humain » obligé ! _ et c’est ce qui ressort de cette exposition _ oui ! oui ! _ où la réflexion _ du spectateur convié et comblé _ doit se saisir d’un paradoxe _ oxymorique, comme tout ce qui est essentiel ! _, des deux faces _ absolument indissociables _ de l’intime : « enfoui et fouillé, dedans et dehors »

_ lire aussi là-dessus mon article juste précédent (du 22 février) sur l’écriture sublime, en la sobriété de sa pudeur, d’Elisabetta Rasy, se retournant sur l’histoire de son « intimité«  avec sa mère, mise à vif (à pleurer ! sinon hurler…) lors du cancer terminal de celle-ci, dix huit mois durant, dans L’Obscure ennemie : « Les mots pour dire la vérité de l’intimité dévastée lors du cancer mortel de sa mère : la délicatesse (et élégance sobre) parfaite de “L’Obscure ennemie” d’Elisabetta Rasy« 

L’intime opère _ voilà : il est dynamisant ! c’est un élan ! _ donc systématiquement dans un entre-deux _ absolument : se mouvant quasi reptiliennement, en danses… _, se situant entre l’apparition et la disparition _ oui ! _, la « monstration » et l’effacement du sujet _ avec, à la réception (active) de l’Homo spectator, encore, ce qui doit s’appeler un Acte esthétique du même ordre (clignotant !)… Le sujet ici, c’est à la fois _ et tout ensemble ! : l’« intime«  est une relation, un vecteur magnifiquement en tension : vers l’altérité désirée et à jamais possédée, hors de « saisie«  (et de « maîtrise« ) en tant que telle, de l’autre… _ celui qui est photographié et le photographe _ en un unique mouvement se déployant, dansé. Au spectateur, à travers ses déambulations au sein des cinq thématiques (« Plossu cinéma », « Le déroulement du temps », « Les cinémas de l’ouest américain », « Réminiscences » et « Train de lumière » _ de l’exposition Plossu Cinéma_), de se laisser porter _ oui : avec délicatesse et plénitude d’attention, aussi… en toute amitié… et avec douceur… _ par l’univers poétique et mystérieux _ qui tout à la fois vient nous cueillir et vient nous accueillir _ d’un homme _ « humain » !.. _ à l’âme voyageuse et au cœur cinéphile.

Nathalie Boisson


Plossu cinéma : jusqu’au 17/04 au FRAC Provence Alpes Côte d’Azur (1 place Francis Chirat, 2e) et à la Non-Maison (22 rue Pavillon, Aix-en-Provence). Rens. 04 91 91 27 55 / www.fracpaca.org

A noter également :
Le 27/02 à 14h au Cinémac (63 avenue d’Haïfa, 8e) : présentation en avant-première des films Le voyage mexicain
(30 mn) de Bernard Plossu et Un autre voyage mexicain (1h50) de Didier Morin,  en présence des réalisateurs.
Le 20/03 à 14h30 au FRAC, dans le cadre du Week-end Musées Télérama : projection du film Le voyage mexicain, en présence de Bernard Plossu et Dominique Païni.
Le 26/03 à 17h à l’Alcazar : rencontre avec Bernard Plossu autour du processus de création de ses livres : « Faire un livre, c’est comme faire un film », suivie d’une projection cinématographique.

Merci beaucoup à ce très intéressant article de Nathalie Boisson !

Celle-ci a su obtenir de Bernard Plossu _ et quasi mine de rien… _ des analyses (de son Art) profondes : absolument passionnantes ! Chapeau !

Titus Curiosus, le 25 février 2011

Barack Obama : le réalisme de la probité (ou l' »audace d’espérer ») : une « refondation » _ et peut-être pas pour l’Amérique seulement…

25jan

Un intéressant _ mais aussi (un peu) ambigü ! _ article (de Christophe De Voogd) sur le riche site de NonFiction, le 20 janvier :

« Cicéron « speechwriter » d’Obama ? : l’éloquence revient à la Maison-Blanche« 
[mardi 20 janvier 2009 – 18:00]


lui-même d’après l’article _ important, pionnier ! _ de Charlotte Higgins « The new Cicero« 
(sous-titré : « Barack Obama’s speeches are much admired and endlessly analysed,
but one of their most interesting aspects is the enormous debt they owe to the oratory of the Romans
« )
dans The Guardian du 26 novembre :


Ou : quand l’art oratoire antique aide à comprendre pourquoi _ à éclaircir, cependant : quelle est la position, in fine, de l’auteur de l’article ? _ le nouveau président américain a été élu : une étude en règle du « style obamien » _ un objet d’analyse plus qu’intéressant !!! Tel est, en effet, le « chapeau » de l’article de Christophe De Voogd, sur la page de NonFiction…

Voici donc, tout d’abord, l’article de Christophe De Voogd

_ surligné et « farci », selon ma coutume sur ce blog, de mes commentaires (parfois critiques)

Même si l’adresse inaugurale _ d' »inauguration » de son mandat présidentiel, plutôt ! _ du nouveau président américain ne constitue pas, à première vue

_ surtout pour qui a eu le tort (comme moi-même, aussi) de le suivre en direct traduit en français sur une des chaînes de la télévision française, plutôt que de l’écouter « directement » sur CNN, par exemple (et maintenant sur You Tube) :

et l’anglais de Barack Obama est admirable de netteté comme de force ! si puissante est l' »actio » d’abord de sa voix… _,

son meilleur discours,

elle confirme qu’avec Barack Obama, l’éloquence fait son grand retour à la Maison-Blanche
après des décennies de « communication » et d’appauvrissement du discours présidentiel américain

_ statistiquement analysé par Elvin Lim dans « The Anti-intellectual Presidency« .

De fait, l’arsenal rhétorique d’Obama
_ servi de plus par des qualités (élégance, voix, gestuelle
_ oui ! _) décisives à l’actio  (certes !) de l’orateur _
a de quoi impressionner.


On retrouve, peu ou prou, les mêmes caractéristiques dans tous ses grands discours,
depuis celui de la convention démocrate de 2004 _ le 27 juillet, à Boston ; cf « L’Audace d’espérer » ; qui investissait John Kerry… _, qui a lancé sa carrière nationale,
jusqu’à son Victory speech du 4 novembre _ 2008 _,
en passant par le plaidoyer d’anthologie pour la réconciliation interraciale à Philadelphie en mars dernier _ le 18 mars _
et le discours de Berlin sur les relations États-Unis/Europe en août _ en fait le 24 juillet 2008…

Et même le discours d’investiture du 20 janvier _ 2009 _, nous le verrons, s’intègre parfaitement dans ce « style obamien »,
dont la richesse _ quand « le style, c’est l’homme même » (dixit Buffon en son « Traité du style« ) !.. _ fait du 44ème président des États-Unis un « nouveau Cicéron«  (Charlotte Higgins dans The Guardian du 26 novembre) _ mais pas seulement « en paroles » ; l’enjeu est profond ! intègrant rien moins qu’une « vision » de civilisation…


L’abondance des figures utilisées est un premier signe de cette richesse _ de la pensée, et pas rien que de la forme : une poiesis (et grande !) y est à l’œuvre ! _ : allitérations, anaphores (répétitions initiales d’une phrase à l’autre), antithèses, rythmes ternaires, questions et précautions oratoires, concessions, dialogisme (échange imaginé avec des interlocuteurs absents), ainsi qu’un goût prononcé pour la métonymie, détail qui frappe l’imaginaire _ ou plutôt la pensée même mise en mouvement ! rien des voies pernicieuses des faux fuyants (à impasses…) romantiques ! ou des manœuvres trompeuses des « communiquants » qui florissent de par le monde depuis trop longtemps ! _ bien plus que le concept générique ou l’idée abstraite : pour parler d’écologie, par exemple, point de chiffres, ni de considérations savantes sur le réchauffement climatique, mais une évocation concrète : « tandis que nous parlons, des voitures à Boston et des usines à Beijing font fondre la calotte glaciaire dans l’Arctique, réduisent le littoral sur l’Atlantique, et amènent la sècheresse dans les fermes, du Kansas au Kenya » (discours de Berlin).

Le jeu subtil sur les trois registres aristotéliciens du discours est une autre force du style obamien :

importance de l’ethos, c’est-à-dire du caractère _ ou de l’identité (personnelle et riche des éléments qui la constituent et « composent »), en son « génie » propre (et singulier) _ de l’orateur lui-même, qui aime _ mais sans narcissisme (mal venu, lui !), ni incitation insidieuse à mêler improprement projections (sur) et identifications (à) un autre (malsainement idolâtré) à l’image de soi _ souligner les différentes facettes _ ou sources abondées _ de sa personnalité (à commencer par sa double origine ethnique) ; et recourt de façon systématique au « storytelling » personnel _ aux usages souvent ambigüs et malsains : quand ils ne recherchent que de trompeuses projections faussement identificatives ! sur le modèle des « stars » ; cf le livre d’Edgar Morin : « Les Stars« … _ :

ainsi dans presque tous ses discours, la saga _ est-ce donc de cela qu’il s’y agit ?.. non ! _ de son père kenyan.

Le pathos, le ressort affectif, est l’autre registre majeur d’Obama,
incarné par un appel systématique _ une recette, donc, pour l’auteur de l’article ?.. _ aux valeurs et aux mythologies _ est-ce vraiment le terme adéquat ? non ! _ identitaires : liberté, bonheur, foi, pères fondateurs, etc… _ s’agit-il donc là de « mythes » ? j’espère bien que non !!! ne pas confondre avec les contrefaçons de bien des politiciens et praticiens de la « com' » ; en France, pour commencer… _ ;

là encore le procédé _ le « geste » rhétorique est-il nécessairement un « procédé » : « truqueur » et mensonger ? _ du « storytelling » à fonction métonymique est roi :

ainsi, le 20 janvier, pour évoquer _ superficiellement ?.. _ l’esprit de sacrifice, il met en avant les soldats « morts à Concord, Gettysburg, en Normandie et à Khe Shan » ;

ou, pour illustrer l’indispensable _ pour qui ? serait-ce là quelque trait d’ironie ?.. surtout quand tant d’autres l’estiment fort « dispensable » !.. _ solidarité citoyenne : « C’est la gentillesse de ceux qui accueillent _ ah ! l’hospitalité ! _ un étranger lorsque les digues sont rompues, c’est l’altruisme _ au temps (thatchérien, reaganien, etc…) de l’utilitarisme réaliste (égoïste ; et haineux : pour le concurrent ; ou l’autre, tout-court ! matiné, il est vrai, d’une « larme » _ mesurée, cependant : dosée au plus juste ! _ de « compassionnel »…) _ des travailleurs qui préfèrent _ par « socialisme » ?.. Obama s’en est vu accuser (par McCain)… _ réduire leurs heures de travail _ et les partager ; cf la « loi » (si aisément vilipendée et brocardée par certains) des « 35 heures » !!! chez nous _ plutôt que de voir son ami perdre son emploi » ; etc…

Quant au logos, l’appel à la raison,

il est également présent,

notamment à travers l’utilisation _ cardinale selon Aristote (in sa « Rhétorique« … : un « basique » !..) _ de l’enthymême (ou syllogisme oratoire) fondé sur  l’analogie : « Si nous avons pu créer l’OTAN pour faire plier l’Union soviétique, nous pouvons nous retrouver dans un partenariat nouveau et global pour démanteler les réseaux qui ont frappé à Madrid et à Amman«  (discours de Berlin).

Mais le plus intéressant _ et le plus ingénieux (oui !..) _ se trouve sans doute dans la façon dont Obama mêle les trois registres :

l’émotion est toujours sollicitée dans l’ethos :

ainsi lorsqu’il souligne l’humilité et l’humanité _ vraies _ de ses grands-parents (des deux côtés !) ;

inversement, les passages les plus affectifs sont soigneusement ponctués de connecteurs logiques (« c’est pourquoi« , « donc« ).

L’on est également frappé par la rigueur de la construction de discours souvent très longs,
dont les différents moments sont savamment _ comment le prendre ? _ reliés par des relations d’analogie et des images récurrentes :

« les ponts » _ à construire _ et les « murs » _ à abattre _ (discours de Berlin),

le long « voyage » de l’Amérique (20 janvier) _ ne sont-ce là que « figures de style » ? ou axes et sources vives d’un (grand) projet politique démocratique ? Qu’en pense Christophe De Voogd, l’auteur de cet article ?

Par ailleurs, jouant _ le mot n’est pas, lui non plus, tout à fait sans ambivalence ; si l’on n’est pas un Donald Winnicott ; ou un Noam Chomsky : et voilà, au passage de mon « commentaire », quelqu’un qui serait passionnant à lire sur ce sujet précis-là de la « rhétorique de Barack Obama » (indépendamment de sa contribution vidéo très intéressante ! dans Le Monde du 16 janvier dernier : « Noam Chomsky : regard critique sur l’Amérique« ) _ sur la structure classique de l’exposition (exorde, narration, thèse, péroraison),

Barack Obama sait prendre les libertés du virtuose _ de l’art oratoire ; avec sa « sprezzatura«  ; lire là-dessus la méditation raffinée de cet art (de s’adresser, avec égard, à l’autre) de Baldassare Castiglione : « Le Livre du courtisan » ; en lieux éminemment policés, en effet… _ :

départs in medias res (dans le vif du sujet), digressions nombreuses, et longues exhortations.

Ce dernier trait est aussi typique d’un style fortement marqué par les prédicateurs noirs américains ;

c’est également le cas de la pratique obamienne _ en public, bien sûr : le discours parlé s’adresse aux autres qui y répondent _ du « call and response« ,

illustrée par le fameux « yes we can« , repris en chœur par le public.

N’est-ce pas encore la référence biblique qui inspire le message central du discours de Berlin :

le passage de l’ »ancienne Alliance » de la guerre froide à la « nouvelle Alliance » contre les périls de notre monde ?

Et n’est-ce pas encore elle que l’on retrouve le 20 janvier, dans le slogan _ mais est-ce bien cela (et rien que cela), un « slogan » (manipulateur = persuasif) ? N’est-ce pas, tout au contraire, et on ne peut davantage fondamentalement, le projet fondateur même ? l’axe porteur (!) de toute la politique de Barack Obama ?.. et qui vient de rencontrer la confiance des électeurs le 4 novembre ?.. Attention aux contresens d’interprétation !.. _ de la « refondation de l’Amérique » (« remaking America« ) _ « refondation » : un concept décisif : s’y méprendre serait terrible !.. _, illustrée par la référence répétée _ mais ce n’est pas là pure incantation langagière : thaumaturgique, magicienne ! _ à la fondation du pays, et l’analogie entre deux « hivers d’épreuves« , celui surmonté en son temps par George Washington et celui que nous connaissons aujourd’hui ?

Cette réactivation constante de l’origine _ comme sol de confiance où prendre l’appui puissant de l’action à accomplir _, ce renouvellement du pacte primordial _ voilà l’important : un pacte politique profondément (et authentiquement, lui _ je veux dire pas mensongèrement ; pas « idéologiquement » _ démocratique !!! _, cette relecture des « actes fondateurs », est une thématique centrale _ la source de l’élan ; et le fond de la légitimité ! _ d’Obama. Dans l’aventure biblique du peuple américain, il ne propose rien moins qu’un « Nouveau Testament _ mais laïque (pas « fondamentaliste religieux ») ! _ de la Liberté » _ avec ses conditions effectives _ « à remettre intact aux générations futures« …

A vrai dire, son deuxième speechwriter, aux côtés de Cicéron, pourrait bien être… Jésus-Christ !

On le voit, l’unité d’inspiration _ et la cohérence (de l’élan, donc) _, d’un discours l’autre, est frappante _ mais cette « inspiration »-là n’est pas purement formelle, ou « rhétorique » : de surface ; c’est une poiesis en acte, venant droit d’un fond fécond et profond… Pareille générosité et élégance ne trompent pas : nous voici aux antipodes des cliquetis et scintillements à paillettes des camelots bonimenteurs de boulevards…


Dès lors, l’on peut mesurer précisément les différences entre les discours du candidat et la première allocution _ « d’inauguration » _ du président. Elles tiennent tout simplement au contexte _ en effet !

Contrairement à l’adage,

tout bon discours est en effet un « discours de circonstances«  _ mais oui… : à l’écoute (authentique) de qui le reçoit ; et peut y répondre (ou pas)… quand il s’agit d’un peu plus que de déclencher des réflexes (d’achat, consommation ou vote) !.. Or celles-ci ont changé radicalement.

Désormais doté de la légitimité morale _ et ce n’est pas rien ! surtout comparé à des exemples (d’absence de générosité) ; certains qui nous sont plus proches… _ et de l’autorité légale (sans parler des sondages de rêve !),

Barack Obama n’a plus besoin de développer le registre de l’ethos : les Américains sont convaincus de ses qualités. Lui, qui avait tant développé dans sa campagne le caractère improbable (« unlikely« ) de sa candidature, pour retourner l’argument en sa faveur (n’était-il pas _ lui, Barack Hussein Obama _ aussi improbable que le « rêve américain«  lui-même ?) a désormais _ au fauteuil de Président dans le salon ovale de la Maison-Blanche _ cause gagnée _ mais l’ambition n’est pas, ici, seulement d' »occuper » le poste et « jouir » de sa fonction ; mais bien d’accomplir ce qui a été très clairement proposé ; et qui est, en cette occurrence-ci, de « construire« , et non de « détruire » _ ainsi qu’il l’a très littéralement énoncé : « sachez que vos peuples vous jugeront sur ce que vous pouvez construire, pas détruire » ! _ ; d' »unir » le peuple, et non pas de le « diviser » (pour régner)…

D’où dans le processus d’énonciation,

après une rapide captation de bienveillance _ acquise, elle aussi (la bienveillance), ce jour-là (le 20 janvier 2009) ; et à ce moment (intense)-là (de midi) _,

la quasi-disparition _ déjà auparavant… _ du « je » et l’omniprésence _ authentique, ici ; pas « de majesté » pseudo, ou plutôt de facto, monarchique ! (versaillaise…, dirions-nous, nous, Français !) _ du « nous » : chef incontesté du « we-group » national, le (nouveau) président peut _ de facto et de juris, en même temps ! _ parler au nom de tous _ « en vérité » (en son cas) !..

D’où également la structure beaucoup plus classique _ « attique » ? « ionienne » ? _ de l’ensemble

qui sied à la dignité présidentielle _ désormais : mais la personne qui parle vient-elle, elle-même, de « changer » ? ne s’agit-il pour elle, comme c’est le cas pour bien d’autres, que d’un « job » (de 4 ou 8 ans, pour lui ; de 7 ou 5 ans, pour ces autres-là…) ?..


Demeure pourtant, constante chez Obama, la grande variété des destinataires _ bien réels, en leur variété en effet ! et pas seulement « ciblés » au plus juste… _ du discours :

le peuple américain dans toutes _ oui _ ses composantes bien sûr, « Union » oblige _ mais en quel sens : « oblige » de fait (électoralement ?) ; ou « oblige » de droit ? ; on peut s’interroger sur les arrières-pensées de l’auteur de l’article… ; en tout cas, Barack Obama est un peu mieux placé (que d’autres à un tel poste), par son parcours personnel, non seulement au sein des États-Unis, mais de par le monde, pour un peu moins oublier certains (que ces autres _ carrément exclueurs ! eux !.. _ à de tels postes…) _ ;

mais aussi de nombreux interlocuteurs _ vraiment ! fin de l’uni-latéralisme !.. _ étrangers :

alliés traditionnels _ Barack Obama est remarquable par sa capacité réellement supérieure d' »écouter » ! _,
mais aussi Musulmans auxquels on tend la main ;
dictateurs
de tout poil et terroristes que l’on met en garde.

Demeurent les très nombreux appels à l’action et au devoir (« must« ), que l’on attend d’un homme qui doit « tracer la route » _ métaphore centrale ; qui est donc parfaitement choisie _ en effet !

Demeure aussi _ trait essentiel du bon orateur _ la grande clarté de la thèse et du message (« le monde a changé et nous devons _ pragmatiquement, ici : Obama est un « réaliste » ; mais avec la probité, lui ! _ changer avec lui« _ même si ce n’est pas là la raison première de ce « devoir »-là de changement… _ ) _ ainsi que de la « vision » !..

Demeure enfin cette conviction impressionnante _ de puissance ! _, cette « probité » _ la base (solide) de toute son action ; son sens porteur ; et qui suscite une vraie profonde confiance ! _, à laquelle, nous rappelle Aristote, « le discours emprunte je dirai presque sa plus grande force de persuasion » _ pas seulement de facto.

Et ce point, capital, aurait assurément mérité d’être (bien davantage) développé dans cet article riche d’enseignements de Christophe De Voogd.

* À lire également sur nonfiction.fr :

– Nicole Bacharan : « Les Noirs américains : Des champs de coton à la Maison Blanche » (Panama), par Benoît Thirion.

– Nicole Bacharan : « Le petit livre des élections américaines » (Panama), par Benoît Thirion.

– Sylvie Laurent : « Homérique Amérique » (Seuil), par Alice Béja.

– L’entretien de Sylvie Laurent, par Alice Béja.

– Barack Obama : « De la race en Amérique » (Grasset), par Henri Verdier.

– Barack Obama : « De la race en Amérique » (Grasset), par Balaji Mani.

– Andrew Gelman : « Red state, blue state, rich state, poor state : Why Americans Vote The Way They Do » (Princeton University Press), par Clémentine Gallot.

– L’entretien d’Andrew Gelman, par Clémentine Gallot.

– Justin Vaïsse : « Histoire du néoconservatisme aux États-Unis » (Odile Jacob), par Adrien Degeorges.

Et voici maintenant l’article de départ (du fort intéressant _ et parfois ambigu, voire carrément contestable ! nous l’avons aperçu…) « papier » de Christophe De Voogd dans NonFiction du 20 janvier, donc) :

le travail perspicace et fouillé de Charlotte Higgins, « The new Cicero« , dans The Guardian du 26 novembre :

The new Cicero

D’abord, le « chapeau » de l’article, du Guardian :

Barack Obama’s speeches are much admired and endlessly analysed, but,

says Charlotte Higgins,

one of their most interesting aspects is the enormous debt _ voilà _ they owe to the oratory of the Romans.

Puis l’article lui-même de Charlotte Higgins :

In the run-up to the US presidential election,

the online magazine Slate ran a series of dictionary definitions of « Obamaisms« .

One ran thus :
« Barocrates. An obscure Greek philosopher who pioneered a method of teaching in which sensitive topics are first posed as questions then evaded« 
_ « Barocrates« , par Chris Wilson, le 23 juin 2008, sur Slate…

There were other digs at Barack Obama that alluded to ancient Greece and Rome. When he accepted the Democratic party nomination _ à Denver, le 28 août 2008 _, he did so before a stagey backdrop of doric columns. Republicans said this betrayed delusions of grandeur : this was a temple out of which Obama would emerge like a self-styled Greek god. (Steve Bell also discerned a Romanness in the image, and drew Obama for this paper as a toga-ed emperor.) In fact, the resonance of those pillars was much more complicated than the Republicans would have it. They recalled the White House, which itself summoned up visual echoes of the Roman republic, on whose constitution that of the US is based. They recalled the Lincoln Memorial, before which Martin Luther King delivered his « I have a dream » speech. They recalled the building on which the Lincoln Memorial is based _ the Parthenon. By drawing us symbolically to Athens, we were located at the very birthplace of democracy.

Here’s the thing : to understand the next four years of American politics, you are going to need to understand something of the politics of ancient Greece and Rome.

There have been many controversial aspects to this presidential election, but one thing is uncontroversial : that Obama’s skill as an orator has been one of the most important factors _ perhaps the most important factor _ in his victory. The sheer numbers of people who have heard him speak live set him apart from his rivals _ and, indeed, recall the politics of ancient Athens, where the public speech given to ordinary voters was the motor of politics, and where the art of rhetoric matured alongside democracy.

Obama has bucked the trend of recent presidents _ not excluding Bill Clinton _ for dumbing down speeches. Elvin T. Lim’s book « The Anti-Intellectual Presidency : The Decline of Presidential Rhetoric from George Washington to George W Bush« , submits presidential oratory to statistical analysis. He concludes that 100 years ago speeches were pitched at college reading level. Now they are at 8th grade. Obama’s speeches, by contrast, flatter their audience.

His best speeches are adroit literary creations, rich,

like those doric _ ou plutôt ioniennes, voire corinthiennes ? la distinction n’est pas superficielle… _ columns with allusion,

his turn of phrase consciously evoking lines by Lincoln and King,

by Woody Guthrie and Sam Cooke.

Though he has speechwriters, he does much of the work himself  : Jon Favreau, the 27-year-old who heads Obama’s speechwriting team, has said that his job is like being « Ted Williams’s batting coach« .

James Wood, professor of the practice of literary criticism at Harvard, has already performed a close-reading exercise on the victory speech _ le 4 (ou plutôt 5 novembre, avant l’aube, à Grant Park), à Chicago _ for the New Yorker _ voici cet article : « Victory Speech« , le 17 novembre. Can you imagine the same being done of a George Bush speech ?

More than once, the adjective that has been deployed to describe Obama’s oratorical skill is « Ciceronian« . Cicero, the outstanding Roman politician of the late republic, was certainly the greatest orator of his time, and one of the greatest in history. A fierce defender of the republican constitution, his criticism of Mark Antony _ cf le sublime « Jules Cesar » de Shakespeare (en 1599) ; et le film, magnifique, avec l’interprétation mémorable de Marc-Antoine par Marlon Brando, de Mankiewicz (en 1953) _ got him murdered in 43 before Jesus-Christ _ sur le meurtre de Cicéron, le 7 décembre 43 avant-Jésus-Christ, peu avant d’atteindre le port de Formies, lire la description terrible qu’en donne l’ »Histoire de Rome » de Tite-Live (« Ab Vrbe Condita« , CXX), qui nous a été transmise par Sénèque le Rhéteur (« Suasoriae« , VI, 17)…

During the Roman republic (and in ancient Athens) politics was oratory. In Athens, questions such as whether or not to declare war on an enemy state, were decided by the entire electorate (or however many bothered to turn up) in open debate. Oratory was the supreme political skill, on whose mastery power depended.

Unsurprisingly, then, oratory was highly organised and rigorously analysed. The Greeks and Romans, in short, knew all the rhetorical tricks, and they put a name to most of them.

It turns out that Obama knows them, too.

One of the best known of Cicero’s techniques is his use of series of three to emphasise points : the tricolon. The most enduring example of a Latin tricolon is not Cicero’s, but Caesar’s « Veni, vidi, vici » _ I came, I saw, I conquered. Obama uses tricola freely. Here’s an example : « Tonight, we gather to affirm the greatness of our nation, not because of the height of our skyscrapers, or the power of our military, or the size of our economy … »

In this passage, from the 2004 Democratic convention speech, Obama is also using the technique of « praeteritio«  _ drawing attention to a subject by not discussing it. He is discounting the height of America’s skyscrapers etc, but in so doing reminds us of their importance.


One of my favourites among Obama’s tricks was his use of the phrase « a young preacher from Georgia« , when accepting the Democratic nomination this August ; he did not name Martin Luther King. The term for the technique is « antonomasia ». One example from Cicero is the way he refers to Phoenix, Achilles’ mentor in the Iliad, as « senior magister » _ « the aged teacher« . In both cases, it sets up an intimacy between speaker and audience, the flattering idea that we all know what we are talking about without need for further exposition. It humanises the character _ King was just an ordinary young man, once. Referring to Georgia by name localises the reference _ Obama likes to use the specifics to American place to ground the winged sweep of his rhetoric _ just as in his November 4 speech : « Our campaign … began in the backyards of Des Moines and the living rooms of Concord and the front porches of Charleston« , which, of course, is also another tricolon.

Obama’s favourite tricks of the trade, it appears, are the related anaphora and epiphora.

Anaphora is the repetition of a phrase at the start of a sentence. Again, from November 4 : « It’s the answer told by lines that stretched around schools … It’s the answer spoken by young and old … It’s the answer … »

Epiphora does the same, but at the end of a sentence. From the same speech (yet another tricolon) : « She lives to see them stand out and speak up and reach for the ballot. Yes we can. » The phrase « Yes we can » completes the next five paragraphs.

That « Yes we can » refrain might more readily summon up the call-and-response preaching of the American church than classical rhetoric. And, of course, Obama has been influenced by his time in the congregations of powerfully effective preachers.

But James Davidson, reader in ancient history at the University of Warwick, points out that preaching itself originates in ancient Greece. « The tradition of classical oratory was central to the early church, when rhetoric was one of the most important parts of education. Through sermons, the church captured the rhetorical tradition of the ancients. America has preserved that, particularly in the black church. »

It is not just in the intricacies of speechifying that Obama recalls Cicero.

Like Cicero, Obama is a lawyer.

Like Cicero, Obama is a writer of enormous accomplishment _ « Dreams From My Father«  _ « Les Rêves de mon père » _, Obama’s first book, will surely _ en effet… _ enter the American literary canon _ c’est un chef d’oeuvre !


Like Cicero, Obama is a « novus homo«  _ the Latin phrase means « new man » in the sense of self-made.

Like Cicero, Obama entered politics without family backing (compare Clinton)

or a military record (compare John McCain).

Roman tradition dictated you had both.

The compensatory talent Obama shares with Cicero, says Catherine Steel, professor of classics at the University of Glasgow, is a skill at « setting up a genealogy of forebears _ not biological forebears, but intellectual forebears. For Cicero, it was Licinius Crassus, Scipio Aemilianus and Cato the Elder. For Obama, it is Lincoln, Roosevelt and King. »

Steel also points out how Obama’s oratory conforms to the tripartite ideal laid down by Aristotle,

who stated that good rhetoric should consist of pathos, logos and ethos _ emotion, argument and character.

It is in the projection of ethos that Obama particularly excels.

Take this resounding passage :

« I am the son of a black man from Kenya and a white woman from Kansas. I was raised with the help of a white grandfather who survived a Depression to serve in Patton’s army during World War II and a white grandmother who worked on a bomber assembly line at Fort Leavenworth while he was overseas. I’ve gone to some of the best schools in America and lived in one of the world’s poorest nations. » He manages to convey the sense that not only can he revive the American dream, but that he personally embodies _ actually, in some sense, is (tout à fait !) _ the American dream.

In English, when we use the word « rhetoric« , it is generally preceded by the word « empty« . Rhetoric has a bad reputation _ issue de la tradition socratico- (cf « Gorgias« ) platonicienne.

McCain warned lest an electorate be « deceived by an eloquent but empty call for change« .

Waspishly, (Hillary) Clinton noted, « You campaign in poetry, you govern in prose.« 

The Athenians, too, knew the dangers of a populace’s being swept along _ cf aussi « la République«  de Platon _ by a persuasive, but unscrupulous demagogue (and they invented the word).

And it was the Roman politician Cato _ though it could have been McCain _ who said « Rem tene, verba sequentur« . If you hold on to the facts, the words will follow.

Cicero was well aware of the problem. In his book « On The Orator » _ « De L’orateur«  _, he argues that real eloquence can be acquired only if the speaker has attained the highest state of knowledge _ « otherwise what he says is just an empty and ridiculous swirl of verbiage« .

The true orator _ et pas manipulateur démagogue _ is one whose practice of citizenship _ authentiquement républicaine et démocratique ! _ embodies _ oui : « incarne » et « porte »… _ a civic ideal _ whose rhetoric, far from empty, is the deliberate, rational, careful organiser of ideas and argument _ oui ! _ that propels the state forward _ avec progrès (authentique ; pas dans la langue-de-bois brillamment mise en relief par George Orwell en son « 1984« , en 1948 ; où sont baptisées « réformes » les « casses » et régressions réactionnaires, en tous genres)… safely and wisely.

This is clearly what Obama, too, is aiming to embody : his project
_ oui ! _ is to unite rhetoric, thought and action in a new politics that eschews _ sans tromperie politicienne de bas étage, ici ! _ narrow bipartisanship.
...
Can Obama’s words translate into deeds ?


The presidency of George Bush provided plenty of evidence that a man who has problems with his prepositions
may also struggle to govern well
_ comme c’est excellemment diagnostiqué…

We can only hope _ avec réalisme et pragmatisme _ that Obama’s presidency proves that opposite.

Charlotte Higgins is the author of « It’s All Greek To Me: From Homer to the Hippocratic Oath, How Ancient Greece Has Shaped Our World » (Short Books).

Un passionnant article ; qui nous donne aussi bien à penser
autour des pratiques de « communication »

en France aussi _ tels les Guaino et le staff de l’Elysée, peut-être… _,

par rapport à l’action politique ; et à l’aune de critères de légitimité (et pas seulement légalité) démocratique…

Avec Barack Obama,
le monde vient de changer
et de « réel »
et de « réalisme »,

pouvons-nous raisonnablement penser…

Puissent les citoyens français, eux aussi,
ne pas trop tarder à en prendre assez clairement conscience !
et à mettre leurs actes et leur pratique _ de citoyens d’une démocratie _ en cohérence avec cela,

en conséquence…

C’est en tout au cas un tel espoir

_ « l’audace d’espérer« , a dit Barack Obama à la convention démocrate de Boston le 27 juillet 2004 ; cf aussi son livre : « L’Audace d’espérer«  _

que j’ose personnellement formuler…

Titus Curiosus, ce 25 janvier 2009


Post-scriptum :

Recevant ce matin un envoi d’articles de Marianne Massin _ l’auteur de l’excellent « La Pensée vive » _,

je remarque, en exergue à son article « Enjeux philosophiques d’une approche stylistique de l’œuvre d’art« , ces bien opportunes citations de Proust :

« Le style pour l’écrivain aussi bien que la couleur pour le peintre est une question non de techniques mais de vision » _ dans « Le Temps retrouvé » ; à la page 289 de l’édition GF-Flammarion, en 1986, précise la note…

Et : « Quand j’ai écrit un pastiche _ détestable, d’ailleurs _ de Flaubert, je ne m’étais pas demandé si le chant que j’entendais en moi _ l’expression, autour du mot « chant« , est bien intéressante… _ tenait à la répétition des imparfaits ou des participes présents. sans cela je n’aurais jamais pu le transcrire » _ dans « A propos du style de Flaubert« , in « Chroniques« , aux pages 204-205, dans l’édition Gallimard de 1927 …

Soit le cadeau d’une merveilleuse conclusion à l’interrogation et l’analyse de ce que peut bien être le « style obamien«  _ et pas seulement celui de ses discours…

Voici donc la réponse quant à ce qu’est le fond du « style » :

Vision (d’artiste) et élan, à la source (= l’inspiration active) ;

avec, à l’arrivée (après l’œuvre qui les exprime, cette vision et cet élan conjoints),

ce qu' »en fruits », cette vision-élan donne, prodigue : c’est l’affaire, alors, de l' »acte æsthétique«  _ comme le dégage si attentivement, subtilement et justement Baldine Saint-Girons, en son « Acte esthétique« , précisément _ de la « réception » tout active de tous ceux qui vont bien vouloir « s’y exposer » ; et qui doit être éminemment « inspirée », à son tour ; mais l’œuvre y aide, pousse, encourage, en donnant pas mal de son « enthousiasme » (en son éclat, à elle) à qui veut bien jouer si peu que ce soit son jeu (à elle, l’œuvre, donc _ jeu dont l’artiste lui-même n’est qu’un maillon, bienveillant, lui aussi…


Soit une articulation-connexion (ou « rencontre ») si peu probable en sa beauté (de « connexions » tellement aléatoires, donc),

qu’elle peut ressortir aussi du registre _ j’ose le prononcer _ de la grâce

_ mais pas seulement : elle a aussi et d’abord, cette « articulation-connexion »(ou « rencontre ») de choses, de dispositifs (de lieu et de temps), d’actes, de regards de personnes, peu probable ;

elle a aussi et d’abord des conditions éminemment concrètes, éducatives, économiques, culturelles

(celles que dégage l’acuité d’analyse du « Partage du sensible » de Jacques Rancière) _

qui sont bien de l’ordre et de la responsabilité éminentes aussi, quelque part et à quelque moment, du Politique.

Barack Obama semble tout particulièrement sensible à la positivité de ces « connexions sensibles »-là…

C’est une chance _ à ne pas manquer ; mais savoir saisir : tout passe si vite _ et pour l’Amérique ; et pour le monde…

Une dernière (autre) chose encore :

ce matin, toujours,

sur l’excellent site « 24 heures Philo« ,

cet article-ci : « Obama et le réveil d’un peuple«  par Patrice Nganang…

Decorum bluffant à Versailles : le miroir aux alouettes du bling-bling

12sept

Sur une très fine _ comme à son habitude _ « lecture »
par Philippe Dagen
dans le Monde du 11 septembre
de l’expo Jeff Koons à Versailles

_ suite de mes articles précédents :
« Art et tourisme à Aix _ 1, 2, 3 et 4«  ;
« Du tourisme _ suite _ une surfréquentation destructrice »
et « De Ben à l’Atelier Cézanne à Aix à Jeff Koons au château de Versailles« …

« Philippe Dagen : Jeff Koons honore Louis XIV »
Le Monde 11.09.08 | 14h53
•  Mis à jour le 11.09.08 | 18h43

L’exposition Jeff Koons à Versailles a lieu jusqu’au 31 octobre 2008
Château de Versailles

Voici ce remarquable article ; mes (modestes) « farcissures » se glissant ici en vert…


Quinze œuvres de l’artiste américain Jeff Koons, 53 ans, sont disposées dans les appartements royaux du château de Versailles
tandis que « Split Rocker« 
, le monumental animal bicéphale recouvert de cent mille fleurs, trône dans les jardins.

Il serait difficile d’ignorer l’événement, vu son orchestration médiatique.

Les touristes n’ont du reste pas l’air surpris _ mondialisation (à commencer par médiatique) aidant, forcément un peu ! _, qu’ils viennent du Japon, du Brésil ou de l’est de l’Europe. Ils prennent immédiatement des photos des œuvres
_d’eux devant les œuvres de préférence
_ le dispositif de « projection »-« introjection » (cf Mélanie Klein : « Essais de psychanalyse« ) fonctionnant à plein (cf Bernard Stiegler, passim _ dont Prendre soin).
Les jeunes couples posent devant le gros cœur rouge et or suspendu au-dessus de l’Escalier.
« Balloon Dog » _ le chien géant rose magenta _ et « Rabbit » _ le lapin géométrique argenté _ attirent les objectifs _ des touristes photographiant.
Des sourires et des rires dans la foule cosmopolite, des indignations, aussi, mais bien rares.
Koons ne fait pas vraiment scandale

_ et pour cause :

qui de ce public ne s’y reconnaît,

en ses repères, si je puis dire, « culturels » médiatiques (de « marques » dûment estampillées) mondialisés ?… Versailles devenant l’annexe (sur « circuit ») d’Euro-Disney, à Marne-la-Vallée,

avant passages _ ou le « retour d’Ulysse« , mais assez peu monteverdien, lui, à Ithaque

(ou à son « petit Liré » ; d’après un « beau voyage » par les « Antiquités de Rome » et « Regrets » _ de Joachim du Bellay ; ou de Julien Gracq, dans l’attristant « Les Sept collines« ) ;

avant passages dûment réitérés par la case caddie /supermarché, ou la fidélité pénélopienne (cf les rêves de Molly Bloom au final de l' »Ulysse » de James Joyce) au quotidien… Tout se tient…


Il _ Jeff Koons, l' »artiste » dont il s’agit ici, donc : « Koons ne fait pas vraiment scandale«  _ n’y tient pas _ l’affluence des visiteurs et l’aura (planétaire) qui en découle, lui suffisant ! Il l’a répété _ et les faits lui donnent raison. Son goût pour le brillant et le pompeux s’accorde au décor des appartements.
Son « Autoportrait » en marbre blanc se dresse sur un socle en faux marbre vert de style à peu près Louis XV.
« Moon« , lune aux lueurs bleues, est à sa place à l’extrémité de la « Galerie des Glaces ».
Un grand vase de fleurs en bois peint est opportun dans la « Chambre de la Reine ».

Entre la sirène de porcelaine qui étreint « la panthère rose » et les dames nues et dorées qui soutiennent les candélabres, une parenté se devine.
La porcelaine de « Michael Jackson and Bubbles » n’est pas plus dorée et étincelante que les ornements des portes et des corniches.

Quand l’accord visuel est impossible, Jeff Koons et Laurent Lebon, commissaire de l’exposition, s’en sortent par une astuce. Les « aspirateurs », alors ultramodernes, que Koons superposait en 1981 dans des vitrines, occupent l' »Antichambre du Grand Couvert », sous le portrait officiel de Marie-Antoinette. Deux états de la condition féminine se font ainsi face. « L’Ours et le Policier » sont logiquement dans le « Salon de la Guerre » ; et le « Rabbit » ventripotent dans « celui de l’Abondance ». Le plus souvent, aucun heurt ne se produit entre le néopop de Koons et les décors royaux. L’artiste se glisse ici avec souplesse.

C’est que la question de l’unité ne se pose pas seulement en termes visuels. Elle touche à la nature des objets qui se trouvent rapprochés.

Pourquoi avoir, au temps de Louis XIV, si ostensiblement surchargé ses appartements de bronzes, marbres, peintures allégoriques, orfèvreries et argenteries ? Pour « démontrer » à ses sujets et aux autres nations _ à « méduser » _ la prospérité et la puissance de la monarchie française et imposer aux regards et aux mémoires leurs symboles.

Que fait Koons, si ce n’est mettre en évidence des objets tout aussi symboliques ? Ils exaltent l’Amérique, son mode de vie, son culte du nouveau et de la richesse.
Les sujets ont changé,

les procédés se ressemblent _ soit, au-delà de l’Histoire, une leçon d' »Histoire de l’Art » ; à moins que ce ne soit l’inverse.

A Versailles, au temps de Louis XIV, ce sont les codes de la mythologie antique _ cf Philippe Beaussant : « Louis XIV artiste » : un livre merveilleux de justesse et d’agrément pour le lecteur, autant que d’érudition (passionnément instructive) _ qui ont servi.
Koons, lui, se sert des codes d’Hollywood et de la publicité, du kitsch populaire et de la consommation courante.

C’est l’essentiel de son entreprise _ le terme est d’une justesse absolue _, dont ne sont montrés ici que quelques exemples parmi bien d’autres. Depuis les années 1980, non sans méthode ni logique, il met en scène la société dans laquelle il est né. On peut la juger sévèrement, la dire simpliste et parfois stupide. Mais Koons a le mérite _ en est-ce donc vraiment un ? _ de donner à en voir la vérité, avec une candeur et une ardeur qui laissent parfois perplexe _ tiens donc !..

Il ne crée pas des formes _ tel n’est en rien son but. Il s’empare de formes connues
_ les plus connues possible
(of course !!! c’est là un commentaire de ma part…) _
et les magnifie

_ est-ce le terme adéquat ? la lisibilité jusqu’à la boursouflure mérite-t-elle le qualificatif de « magnificence » ?… _

par l’agrandissement, le matériau de prix, le socle ou la vitrine

_ tout ce qui améliore la « visibilité » : peu y échappent, en de tels dispositifs politico-médiatiques, si efficacement financés et « machinés » !..

Mais reprendre les figures de Diane, de Mars ou d’Hercule à la fin du XVIIe siècle, était-ce si différent ?

Lire, en plus de Philippe Beaussant, les conseils de Louis XIV lui-même pour gouverner (au Dauphin : « Mémoires pour l’instruction du Dauphin« )…

Les artistes de Versailles, accomplissant un programme politique et propagandiste
_ on ne saurait mieux dire, cher Philippe Dagen _

les artistes de Versailles, accomplissant un programme politique et propagandiste

_ donc,

issu, via Mazarin, d’Urbain VIII Barberini (et des galeries des Palazzi et Ville romaines : à cet égard,
la référence au Baroque est on ne peut mieux « venue », en effet, de la part de Jeff Koons _,

n’ont rien inventé, reprenant des thèmes
_ et procédés, me permettrai-je d’ajouter à Philippe Dagen _
usés
_ mais « relancés » par le Baroque, via les labyrinthes moins lisibles du maniérisme _
depuis la Renaissance
_ cf la splendeur de Michel-Ange à la Chapelle Sixtine.

Ils leur ont conféré une efficacité
_ c’est tout le jeu

(politico-médiatique, au service de la « Propagande de la Foi », à l’ère de la Contre-Réforme),

du « baroque » barberinien _ d’Urbain VIII _, précisément !!! _
irrésistible
_ c’est là un terme crucial _
en accomplissant des prodiges techniques nouveaux et ruineux.

L’intrusion des objets à la fois si triviaux et si luxueux de Koons dans le château

rend cela soudain bien plus sensible
_ voilà bel et bien, en effet, l' »effet » visé et sans doute obtenu par cette exposition Koons à Versailles.
Elle fait regarder avec moins de respect
_ coucou « L’art m’emmerde ! » de Ben (et Érik Satie)
au seuil de l' »Atelier Cézanne » d’Aix-en-Provence !… _ ;

elle fait regarder avec moins de respect
ce qui les entoure _ qu’est ce qui ici, par ce « dispositif », est « décor » ? _,
ces productions prestigieuses et convenues

_ à commencer par les kilomètres d’allégories de Lebrun aux murs et aux plafonds :

à Versailles, comme dans les palais romains

(qu’on aille admirer, le samedi matin seulement, la spendide galeria du Palazzo Colonna !…) _

qui déclament la gloire du roi,
nymphes en série, mètres de moulures dorées, glaces si précieuses.


Il y a là une certaine conception de l’art et de sa fonction,
celle de l’art qui aspire à éblouir et à fasciner le plus grand nombre
,

la foule des sujets autorisés à pénétrer à la cour

_ hier :
Louis XIV y tenait beaucoup !

Louis XV (dans les petits-appartements)

et Louis XVI (dans la serrurerie) l’ont fui !… _,
le cortège des touristes autorisés à y piétiner
_ amenés en foules compactes par tours operators _

à leur tour

_ aujourd’hui.

Cette conception, on peut s’en méfier
_ esthétiquement

(pour ce qu’il en est de la beauté _ des critères de légitimité artistique) ?
politiquement

(pour ce qu’il en est de la justice _ des critères de légitimité politique ?) _,

d’autant que son efficacité
_ un critère régnant on l’a appris au moins depuis 1532 (date de la publication du « Prince«  de Nicolas Machiavel _ 1469-1527 ; « Le Prince » a été écrit en 1513…) _
est certaine.

L’exposition Koons à Versailles en est la manifestation récente la plus explicite.
En ce sens, elle est remarquable.


Titus Curiosus

lisant Philippe Dagen ce 12 septembre 2008

Exposition Jeff Koons à Versailles, château de Versailles, Versailles (Yvelines).
Tous les jours, de 9 heures à 18 h 30, jusqu’au 31 octobre.
( et jusqu’à 17 h 30 ensuite)
Nocturne les samedis de 18 h 30 à 22 heures. Entrée : 13,50 €.
Jusqu’au 14 décembre.

De Ben à l’Atelier Cézanne à Aix, à Jeff Koons chez Louis XIV à Versailles

10sept

Suite aux « petites réflexions » sur « Art et Tourisme » (« à Aix _ et ailleurs« ) ; puis sur « Tourisme et Environnement _ dans le massif du Mont-Blanc » : à propos de l' »installation » _ visible dès demain _ d' »œuvres » de Jeff Koons au Château de Versailles…

Sur une des blogs invités par le journal Le Monde _ le blog « Qu’est-ce que l’art (aujourd’hui) ? » _ , on trouve, en date d’aujourd’hui, ceci _ selon mon habitude, je mets en gras ce qu’il me plaît de souligner :

09 septembre 2008

Jeff Koons au château de Versailles

jeff-koons-lobster.1220945639.jpg Demain, c’est l’ouverture de la rétrospective Jeff Koons au château de Versailles. Au total, 16 pièces ont ainsi pris place, et jusqu’en décembre prochain, entre les appartements du roi et la Galerie des Glaces. « Art contemporain » versus « Ère du Roi-Soleil » ? Avouons-le, de ce côté-ci de l’Atlantique, on attendait l’artiste américain, phare du flashy et fan du kitsch plutôt à Londres, et dans le très grand « Hall des Turbines » de la Tate Modern…

Mais à la “surprise” générale, c’est à Versailles, dans le château XVIIe siècle du Roi-Soleil, au cœur même des appartements du Roi et de la Reine, qu’il faudra donc se rendre pour prendre la mesure de cette rétrospective, première du genre sur le sol français. Parmi ces 16 pièces, une seule, Split Rocker, avec ses 12 mètres de haut et son installation interne de 90.000 plantes, est postée à l’air libre devant l’ »Orangerie ». Les 15 autres s’égrènent dans les pièces du château : Lobster, une langouste en acier et aluminium peint et pendu comme un jouet gonflable, dans le « Salon de Mars » (voir image ci-dessus) ; Rabbit, un lapin en acier chromé placé dans le « Salon d’Abondance » ; Balloon Dog dans le « Salon d’Hercule », un bouquet de fleurs en bois polychrome dans la « Chambre de la Reine » ; enfin, une Marilyn scotchée à une panthère rose baptisée « Pink Panter » dans le « Salon de la Paix ».

“Les habitués seront étonnés […], confiait Jeff Koons dans le dossier de presse. Mais j’aimerais qu’on ait le sentiment d’embrasser le futur. Le temps est une ligne continue qui se perpétue à travers les Arts et les artistes. […] Versailles ? Oui, je suis emballé par ce défi royal, c’est mon plus beau projet.”

Une récente adjudication à New-York de l’une de ses pièces à plus de 23 M$, et le tableau de cette exposition versaillaise se fait plus précis ; d’autant que, pour cet événement, François Pinault est le mécène principal, présent à hauteur de quelque 2 M€. Cela ajoute sans doute à l’enthousiasme ambiant.

Pourtant, cette exposition ne fait pas l’unanimité.

Jeff Koons à Versailles, certes, le ton est donné : du grand, de la démesure, des installations imagières rigolotes et narcissiques, le tout bien coté et valant une petite fortune, car appartenant aux plus grandes collections de la planète (Pinault, Joannou, Fearnley, Broad). A y regarder de plus près, ce profil d’artiste ressemblerait aussi et de plus en plus à son feu compatriote pop, grand brasseur de business lui aussi : Andy Warhol. Pour l’anecdote, dans le « Salon d’Apollon », Jeff Koons a choisi d’exposer son autoportrait tout en marbre…

Au-delà d’une œuvre chère et en apparence simplette qui plaît aux grands comme aux petits, que peut bien chercher Jeff Koons : la notoriété ? l’argent ? les femmes ? Il semble que sa période sexe et picturale, inspirée de son idylle avec la Cicciolina son ex-épouse, qui fit scandale en son temps à la Biennale de Venise (1990), soit du passé. Cet artiste de 53 ans, cravaté et corseté dans son beau complet tout neuf, se concentre visiblement maintenant sur la réussite de ses affaires et la trace artistique qu’il souhaite laisser.

Pour avoir quelques clés et mieux appréhender ces œuvres ainsi que l’engouement qu’elles peuvent susciter, il est sans doute préférable de pointer le jeu volontaire et décalé de leur l’échelle, les matériaux hétéroclites qui, agencés selon les soins de ses ateliers bien organisés, troublent un instant (est-ce un ballon gonflé ? de l’acier ? du bois ? de la peinture ?). Mais quoi qu’il se passe, le recours à une représentation qui fait référence quasi systématiquement à un univers enfantin et populaire renvoie aussi au style Disney.

09 septembre 2008

Commentaires

  1. Non, non… il n’y a pas du tout de “surprise générale”… Jeff Koons en France et à Versailles, c’est dans l’ordre des choses…
    Il y a 10 ans ou plus, Alisson Gingeras arrivait au Centre Pompidou, dont le président était Jean-Jacques Aillagon, avec le projet d’une expo Koons… Aujourd’hui et depuis plusieurs années, Alisson Gingeras, à la suite de Jean-Jacques Aillagon, gère la collection Pinault, grand collectionneur de Koons.
    10 ans donc que le milieu de l’art contemporain attend cette rétrospective : le rêve. « Rédigé par Sylvie Philippon« 
  2. Où est la “vision” ?
    Où est l’âme ?
    Que cette œuvre “gentiment” régressive et “poliment” nihiliste soit l’expression servile du pouvoir de l’argent, n’indispose donc personne !
    Faut-il que ces messieurs nous aient fait dégorger toute notre mœlle pour que nous nous vautrions gaiement là-dedans !f »Rédigé par Bats and Swallows« 
  3. Quand on sait que l’un des principaux collectionneurs de Jeff Koons est François PINAULT, au demeurant il a bon goût, et que le responsable du Château de Versailles est Jean Jacques AILLAGON, ancien ministre de la culture, mais aussi proche collaborateur de PINAULT quand celui ci imaginait installer sa fondation d’art contemporain sur l’Île Seguin à Boulogne, et aujourd’hui à Venise, on se dit qu’il y avait sans doute un intérêt réciproque à la rencontre de Versailles, son château et Jeff Koons.Cela étant, on ne peut s’empêcher de craindre dans cette histoire un quelconque intérêt _ voire affaire de gros sous _ pour glorifier la rencontre du Kitsch US et celle du classicisme Français.Allez, la vipère n’est pas bonne conseillère, quand elle utilise sa langue ! »Rédigé par  Thierry« 
  4. Le lien que vous faites entre Warhol et Koons me semble judicieux (je le fais aussi !). J’avais vu la rétrospective Warhol à Bruxelles il y a quelques années. Ce qui m’avait le plus ému, c’étaient ses photos en noir et blanc et ses petits films, notamment celui consacré à sa petite égérie de la Factory (dont le prénom m’échappe sur le moment). Je n’ai jamais vu, “en vrai” du moins, une œuvre de Koons, et, pour être honnête, je ne me déplacerai pas spécialement à Paris pour voir la rétrospective de Versailles (à moins que quelque mécène, Jean Jacques Aillagon peut-être, m’offre le séjour !). J’ai plutôt tendance à penser ainsi : de Warhol à Koons, une Amérique enfantine et grandiose, certes, mais peut-être dérisoire ? J’ai envisagé de publier sur mon propre blog (L’Amour délivre), une fois n’est pas coutume s’agissant d’un blog littéraire, un article sur le sujet… De la même façon que beaucoup se rendent compte aujourd’hui que Picasso était probablement plus un virtuose qu’un génie (si j’en crois le dossier Bacon du Monde 2 de samedi dernier, Francis Bacon semblait le penser aussi…), il est probable que la trace laissée dans l’histoire de l’Art par nos deux acolytes américains ne sera pas celle que reflète leur cote du moment ! D’autres, dont on parle un peu moins (Marc Rothko par ex.), prendront leur place, insensiblement : c’est souvent ainsi ; il y a les œuvres du moment, et celles qui grandissent dans la durée, et ce ne sont pas nécessairement les mêmes, loin s’en faut ! mais vous savez cela aussi bien que moi. J’apprécie vos articles, mesurés, bien écrits et… “instructifs”, comme on disait autrefois, dans ma tendre enfance ! Bravo.
    Joël Bécam « Rédigé par: joelbecam « 

Comme pour les commentaires des lecteurs de l’article de « Libération » de vendredi 5 septembre « Le Mont-Blanc broie du noir » à propos des dangers de la « surfréquentation touristique »

_ cf mon « Du tourisme (suite) : une surfréquentation destructrice » _,

les commentaires des lecteurs du blog « Qu’est-ce que l’art (aujourd’hui) ? » ne nécessitent guère de commentaire, pour prolonger les réflexions que j’esquissais à partir de la présence d’une expo Ben _ et du panneau « L’Art m’emmerde » _ aux portes du « sanctuaire » qu’a pu être le « Musée-Atelier » du Chemin des Lauves (et atelier de Paul Cézanne, entre 1902 et 1906)…


Corinne Rondot interrogée à propos de l' »expo Koons » à Versailles dans l’émission _ d’Arnaud Laporte _ d’entre 12 heures et 13 heures 30 sur France-Culture ce mercredi, se demandait qui avait le plus à « gagner » de l' »Art classique » et de l »Art contemporain » à pareille « installation », « confrontation », « cohabitation »… Une réflexion que je livre ici telle quelle…


Michel Fraisset, Directeur de l' »Atelier Cézanne » (d’Aix-en-Provence), fait _ cf mes 4 articles « Art et Tourisme à Aix » _ du « lieu » internationalement attractif, à Aix, dont il a la responsabilité (« touristique »), un « lieu de culture ouverte » _ caractérisé « surtout » par sa « convivialité« , le « partage » et des « émotions«  : dont profitent les artistes (et les œuvres) invités ;

mais qui peut retentir aussi sur le regard (titillé malicieusement par un « L’Art m’emmerde« ) posé par les visiteurs-amateurs sur un maître admiré, voire vénéré, tel que Paul Cézanne…

Dans le cas des « Galeries », « Salons » et « Chambres » (royaux et royales) de Versailles, existe aussi une « mise en mouvement » à double-sens _ du présent vers le passé ; et du passé vers le présent _ des regards (et pensées) des regardeurs-spectateurs _ du moins potentiellement, « en puissance », dirait Aristote…

Cependant, l’aura _ et la cote sur le marché international _ de Jeff Koons s’augmente(nt) passablement de pareille « rétrospective » en un tel lieu ; davantage que s’enrichit la gloire de Versailles…


Soit un avatar de plus de ce qui se passa ici en 1870, en 1919, et même en 1940, avec le « passage » en ces mêmes « Galeries » et « Salons », non seulement d’un Bismarck ou d’un Foch, mais aussi d’un certain Adolf Hitler…

« Le Roi s’amuse » aussiauraient dit un Victor Hugo _ en son théâtre _ ;

un Pascal _ en ses « Pensées » _ ;

ainsi qu’un Giono _ dans le terrible « Un roi sans divertissement« …

Qu’on relise surtout les « Lettres » de Madame de Sévigné sur ses visites « enchantées » _ et les éblouissants « medianoche » en musique _ à Versailles ;

et le duc de Saint-Simon, en ses « Mémoires« …


Titus Curiosus, ce 10 septembre

Art et tourisme à Aix _ et ailleurs (4)

07sept

Enfin, un essai de synthèse de réflexion _ sur « Art et Tourisme » _, après ces diverses impressions de « terrain » sur quelques uns des sites cézanniens d’Aix
ainsi que sur Aix-en-Provence elle-même,
et, en particulier, aussi, la fréquentation à toute heure très importante de l’Office de Tourisme,
à la Rotonde sur laquelle débouche la promenade archi-fréquentée, et belle, du cours Mirabeau…

Aix dispose d’un remarquable patrimoine artistique
architectural
_ pour commencer : celui de cette très, très jolie ville provençale _,

mais aussi avec sa large collection de Musées
_ et pas seulement le très riche et nouvellement splendidement ré-aménagé Musée Granet
(avec sa magnifique exposition rétrospective « François-Marius Granet » ;
après la très importante « Cézanne en Provence« , en 2006 ;
et avant une exposition, pour l’été 2009, « Picasso-Cézanne« ) :
le Musée du Vieil Aix,
le Musée des Tapisseries,
le Musée Paul Arbaud,
les Fondations Vasarely et Saint-John Perse,
etc…


ainsi que son si justement célèbre festival de musique…

Autant d’atouts
qui,
en plus du nom de Cézanne et des sites cézanniens
et de la « figure de proue »
de la montagne Saint-Victoire
dominant la ville ;

qui attirent en permanence des flots de touristes
qui viennent y passer et séjourner,
faisant affluer une importante manne
financière ;
à savoir « gérer »


De fait,
l’Office de Tourisme d’Aix
aide à organiser et répartir
, géographiquement ou urbainement, la demande « touristique » d’Art
de la part de ses visiteurs
de satisfaisante manière pour les demandes variées, forcément _ à commencer en fonction de la durée prévue du séjour (notamment hôtelier) dans la ville _,
des uns
et des autres…


Tels ceux, par exemple, qui se satisfont d’un circuit commenté par haut parleur
en petit train roulant

à travers les ruelles de la vieille ville…

Ou ceux qui ont une demande plus « ciblée » :
mettre leurs pas
dans ceux des mieux connus des aixois,
tels Paul Cézanne ;
ou Émile Zola.

Pour lesquels ont été rédigés _ par Michel Fraisset pour l’Office de Tourisme d’Aix _ d’excellents fascicules, avec plans de la ville,
« Sur les pas de » :

« Sur les pas de Cézanne » ; « Sur les pas de Zola« …

Il se trouve que
désirant connaître les auteurs de l’excellent diaporama du Grand-Salon du « Jas de Bouffan »,
j’ai été acheminé par les très serviables hôtesses de l’Office de Tourisme
vers le bureau de la responsable de la communication,
Bernadette Marchand, qui m’a très gentiment fourni le renseignement (« Gianfranco Iannuzzi », auteur de ce passionnant _ très instructif et très beau _ diaporama) que je désirais obtenir pour rédiger mon article ;

et que, lui signifiant mon haut degré de satisfaction des visites des sites cézanniens,
je lui ai indiqué l’unique point qui m’y avait un peu « gêné » _ le panneau « L’art m’emmerde«  (selon Érik Satie ; et Ben !…)
se balançant à la brise juste à l’entrée de l' »Atelier Cézanne » ; de la responsabilité de Ben, donc ;
ainsi qu’une expo Ben
dans l’appentis adjacent à la bâtisse de l' »Atelier« 
_ ;

il se trouve que
le responsable de l’initiative d’accueillir une expo Ben en ce lieu (de pélerinage cézannien) _ Directeur de l' »Atelier Cézanne », ainsi qu’Adjoint de Direction et Responsable de la Communication
de l’Office de Tourisme _,
Michel Fraisset,
se trouvait présent en ce même bureau de l’Office de Tourisme…


Nous avons donc pu, Michel Fraisset et moi-même, échanger _ très aimablement _ un peu,
là-dessus…


Donner à connaître (si peu que ce soit ; ou, plus encore, donner _ ou alimenter _ le désir de mieux connaître) d’autres artistes
à ceux qui viennent « sur les pas de » Cézanne

_ tel un Jean Amado : passionnant ! cf mon article « Parcours d’Art à Aix _ préambule » _ est excellent ;

mais je ne suis pas certain qu’un Benjamin Vautier, en l’occurrence,
« agisse » dans une catégorie (d’Art) du même ordre (d’authenticité et de valeur
_ objective !)
qu’un Cézanne
;

ce qui pose la question de ce qu’il en est,
depuis Marcel Duchamp
, en 1914,
de l’art dit « contemporain » ;

parmi des impostures…

Sur ce point-là,
je me situerai personnellement
, en tant que « spectateur »-« amateur d’Art »,
plutôt dans la mouvance d’un Jean Clair,
l’auteur exigeant de « Malaise dans les musées » (en septembre 2007)
et « Journal atrabilaire » (en janvier 2006) ; « Lait noir de l’aube » (en mars 2007) ; « Autoportrait au visage absent _ Ecrits sur l’art 1981-2007 » (en mars 2008) :
ainsi que de « La barbarie ordinaire _ Music à Dachau » (en avril 2001)…

Bref,
les mal (ou contre) façons d’Art
agacent

_ un brin _
mon épiderme (de curieux d’Art vrai)

La question _ de fond _ devient alors
comment satisfaire la « demande »
_ qualitativement variée _
de ces divers « clients »…


Je reprends ici, et à la lettre près, le très précis paragraphe intitulé « Les Faits »
_ page 178 de la contribution « Aujourd’hui, l’Atelier Cézanne… » de l’album si riche « Atelier Cézanne » (en 2002, chez Actes-Sud) _
sous la plume de Michel Fraisset :

« Comment l’Atelier Cézanne est-il devenu le musée le plus visité des Bouches-du-Rhône en 1999 et le second en 2000 derrière la Vieille -Charité de Marseille ?
Cette augmentation considérable de la fréquentation
et des recettes engendrées
est bien entendu l’effet
d’actions mises en œuvre dès 1998

_ « l’équipe mise en place par l’Office de Tourisme d’Aix arrive _ à l' »Atelier Cézanne » _ fin 1997 » (page 177) _
et largement développées les années suivantes. »

Michel Fraisset précise alors :
« Ces actions peuvent se regrouper autour de quatre pôles :
La communication, l’animation, la gestion, la commercialisation.
En premier lieu, l’idée même du « musée » au sens traditionnel est abandonnée.
On ne parle plus du
« Musée Atelier Cézanne »,
mais de l’
« Atelier de Cézanne »
,
lieu de mémoire et d’histoire,
mais surtout lieu de convivialité, de partage et d’émotions.
Il n’y a plus de
« conservateur »,
ni de
« gardiens »,
ni de
« droits d’entrée »,
vocabulaire impropre pour un lieu
ce culture ouverte.


Les visiteurs
sont aussi
des clients

_ voilà le point crucial.

Dès lors leur satisfaction
doit être prise en compte.
 »
Fin de ce paragraphe,
page 178 d' »Atelier Cézanne » (publié aux Editions Actes-Sud en 2002 par la « Société Paul Cézanne »).

« Être prise en compte » : mais comment ?
Financièrement ? _ et seulement financièrement ?..

Et les « satisfactions » des uns
« équivalent-elles »
_ par quels circuits ? _ à la « satisfaction » _ ou « insatisfaction » _ des autres ?..

Sur quels critères les évaluer ? Est-ce bien de l’ordre _ quantitatif (et visible) _ du « mesurable » ?…

Comment pèsent ici les diverses _ et peu « homogènes » _ « demandes » :
« demandes d’Art »
et « demandes de Tourisme » ?


La « demande » de ceux qui empruntent le petit train parcourant les ruelles de la Cité aixoise _ un semblable petit train est apparu récemment à Bordeaux _ en écoutant le déroulé
du discours pré-enregistré,
est-elle « équivalente »
à la « demande » de ceux qui se mettent « sur les pas » du créateur Cézanne ?..
Ou du créateur Émile Zola ?..

« Sur les pas » étant le titre même

des remarquables fascicules _ avec plans _ diffusés par l’Office de Tourisme d’Aix, rédigés _ fort pertinemment dans le détail même des renseignement fournis et des localisations données avec beaucoup de précision _ par Michel Fraisset lui-même…

Chacun _ « acteur æsthétique » (cf l’excellent livre de Baldine Saint-Girons : « L’Acte esthétique » ; ou le tout aussi nécessaire « Homo spectator » de Marie-José Mondzain) _ peut, bien sûr, en « avoir » « pour sa mise » ; ou « pour son argent »
_ voire pour son désir : même si, là, pour le cas du « désir », c’est considérablement moins facilement,

et encore ! c’est un euphémisme,

calculable et encore moins réalisable « à coup sûr » ;
au contraire, même :

n’est « agréé » et « reçu » _ et au centuple, qui plus est ! _, ici,
que ce qui n’était _ même pas _ demandé !..

prévu, prémédité, imaginé, rêvé !..

Ah! ce qui peut être rêvé sur le seul nom d’une ville !…

Sur cela, lire Proust, la « Recherche« …


La seule précaution à (essayer de) prendre _ pour les metteurs en place des « dispositifs » d’organisation des « visites » _
étant
que ne se gêne (pas trop) la « cohabitation » des uns et des autres
;

et en espérant, même _ peut-être avec l’appoint d’un minimum de « pédagogie », mais pas trop « didactiquement » non plus, qui aurait, cette trop didactique pédagogie, le désastreux effet (de fuite) inverse ! _

que
les « touristes » de passage
deviendront
des « ravis »
d’une véritable « émotion »
(= « æsthétique« ) d’Art ;

et plus de simples consommateurs de « clichés » touristiques

_ de type « on connaît ! on vient, même, pour çà !.. »


En cela,
le « système » des « réservations » à l’Office de Tourisme
constitue un utile sas
_ un commode et précieux « goulot d’étranglement », en amont des « flux » d' »inondation »… _
à l’égard des risques de « bouchons » (de foule)…

J’ai en souvenir, par exemple,
le nombre faramineux d’autobus
affluant (et s’alignanten kyrielles) aux (immenses) parkings du château de Chenonceaux
pour y mener des charters entiers de visiteurs de jusque l’autre côté de la planète ;
quand d’autres lieux (tout aussi beaux et tout proches de Chenonceaux, en Touraine)
sont encore préservés de ces foules « consommatrices » bruyantes _ et assez peu « vraiment curieuses » _,

sur le circuit international

des « tour operators« …


Qui a vraiment « intérêt » à cela ? et à « faire du chiffre » ?..


Ou, encore, à Venise, autre exemple, le contraste entre le secteur, passablement encombré (de touristes), entre la Place Saint-Marc et le Pont du Rialto, d’une part,
et Dorsoduro, si tranquille _ lire le merveilleux livre du dorsodurien Pier Maria Pasinetti (1913-2006) : « De Venise à Venise » (« Dorsoduro » étant le titre original de ce livre, en italien)…

Comment éviter que l’afflux en grand nombre
gâte
la rencontre « personnelle »
_ et singulière : c’est un « acte esthétique », pas si fréquent, jamais « normalisé », ni, a fortiori, « formaté »… _
avec l’œuvre
_ en un Musée, ou en une église _
ou avec le lieu…

Se reporter sur ce point

(de la rencontre-découverte : avec une œuvre ou avec un lieu)

au magnifique premier chapitre ( intitulé « La paix du soir _ au risque d’halluciner« )

aux pages 39 à 66 de « L’Acte esthétique » de Baldine Saint-Girons,

à Syracuse,

décrivant par le détail ce qu’elle qualifie si justement d’« expérience forte« , indiquant même : « Toute expérience forte est nécessairement datée et localisée : c’était le 29 avril 2005 à Syracuse, à la fin d’une journée intense«  (page 42) ; « j’étais en compagnie d’amis siciliens, tous deux aussi émus que moi par ces hasards objectifs _ l’expression est aussi superbe que magnifiquement juste ! _ : mon collègue _ philosophe _ Giovanni Lombardo, et le jeune Emilio Tafuri » _ car les autres participent pour beaucoup aux rencontres et des lieux, et des œuvres… « Nous cheminions sul longomare, las et heureux. Moins directement heureux peut-être que sensibles à un accord musical inattendu surgi entre le monde et nous : nos sentiments et nos pensées nous semblaient atteindre à l’unisson, malgré des destins séparés. « La paix du soir », ai-je alors murmuré, comme si cette expression m’avait été soufflée. Une douce émotion nous envahit tous les trois. Impossible, semblait-il, de ne pas la reconnaître : elle nous enveloppait et nous absorbait, tissant entre nous un double lien, substantiel et musaïque » (page 43).

Je poursuis ma lecture : « Devait-elle davantage sa force à un état du monde ou au vocable ? Quels rôles fallait-il attribuer respectivement à la perception mondaine _ syracusaine, ici et alors _ et à sa formulation ? Silencieux et retenant notre souffle, nous croyions bien « entendre » la respiration du cosmos, miraculeusement pacifiée : n’était-ce pas le monde qui nous parlait diirectement à travers l’équilibre éphémère du crépuscule, alors que le jour le cédait au soir ? N’entendions-nous pas cette voix de façon quasi endophasique, presque comme une hallucination verbale ? Pourtant quelque chose de nouveau se produisit, dès lors que nous nommâmes « la paix du soir » ; la force poétique du phénomène du monde sembla décupler«  (page 44).

Et l’analyse se poursuit… Page 64, Baldine Saint-Girons pose la question : « L’acte esthétique peut-il se programmer ? » ; et elle y répond positivement : « Programmer des actes esthétiques nous est essentiel » (page 65) ; mais cet art demeure, toutefois, extrêmement subtil : « il suffira _ dit optimistement Baldine Saint-Girons _ de se déprendre de toutes choses _ qui retiennent et alourdissent _, de se faire bohémien, de se mettre en voyage _ combien, partis hors et loin de chez eux, y parviennent « vraiment », réellement ? _ : l’ailleurs s’ouvrira« , pose-t-elle, alors, page 65… Soit un acte d’ouverture à une réceptibilité ;

et à une réception effective, quand celle-ci advient, comme en réponse à quelque demande informulée, forcément, de notre part.

Et elle conclut ce beau chapitre liminaire de « L’Acte esthétique » par ces mots : « La « vraie vie » dont l’absence nous taraude serait-elle à notre portée grâce à l’acte esthétique, qui suppose un sujet tourné vers le dehors et un monde réenchanté ? Plus on y songe, plus on se demande si le véritable savoir, celui qu’il est inutile d’arborer, mais qui aide à vivre, n’est pas le savoir esthétique. « La paix du soir » pourrait s’élever de la sorte au rang de mathème, mais de mathème secret, dont la force opérative ne se révèlerait qu’à celui qui vacille sous l’aiguillon de l’æsthesis«  _ qu’il nous faut apprendre, avec délicatesse, à « recevoir » et « accueillir » : avec la plus pure _ épurée _ simplicité… Voilà tout ce qui peut se préparer _ sur (voire contre) soi _, mais ne se produit certainement pas _ jamais, du côté de la rencontre avec l’altérité _ sur commande… Ni ne s’achète ! par conséquent…

Sans compter que la ville, elle-même, doit demeurer vivante ;
pas rien qu’un « conservatoire de patrimoine »,

(ou une accumulation de boutiques de « marques » interchangeables, hélas, d’une ville à une autre)
pour visiteurs étrangers pressés
consommateurs de « clichés » seulement
parmi lesquels ils « se figurent » « reconnaître » quelque chose d' »attendu », déjà, d’eux, sans jamais rencontrer quelque altérité _ objective, et non pas fantasmée, ou virtuelle _ que ce soit !.. C’est qu’elle pourrait bien les « effrayer », pareille altérité…

Car une ville est tissée aussi, et consubstantiellement, de ses propres habitants…


Soit une question que se pose aussi, pour le devenir de sa ville,

l’excellent maire (et philosophe) de Venise,
Massimo Cacciari (de lui, en français, on peut lire : « Le Dieu qui danse« )…

Des questions pour non seulement
l’Office de Tourisme _ et la Ville _ d’Aix-en-Provence,

mais pour les mairies de villes à important capital patrimonial artistique
_ telle la mairie de Bordeaux ;

à l’heure de la candidature au label de
« capitale européenne de la culture »
pour 2013.

Titus Curiosus, ce 7 septembre 2008

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