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« Austérité et sensualité, rigueur et liberté » : les oxymores de la musique de César Franck, en un nouveau singulier CD (PDD 033) du Palais des Dégustateurs, de l’ami Eric Rouyer…

30oct

Outre la qualité de son oreille musicale, la fidélité amicale et musicienne est une des vertus d’Éric Rouyer,

l’âme éditoriale du passionnant label, toujours exigeant, Le Palais des Dégustateurs…

Ce mois d’octobre-ci 2023, paraît le CD PDD 033 de ce label, consacré à « César Franck et Blanche Selva« , par le piano toujours délié de Jean-Claude Vanden Eynden…

Outre un article très positif sur ce CD sous la plume de Jacques Bonnaure, à la page 82 du numéro 257 du Classica de ce mois de novembre, dont je retiens les excellentes expressions de « austérité et sensualité, rigueur et liberté » pour caractériser la singularité musicale de César Franck,

voici deux autres commentaires très laudatifs,

l’un de Michel Tibbaut :

« Bien cher Éric,

Votre CD Franck – Selva – Vanden Eynden est une pure merveille ! Aucune interprétation du Prélude, Choral et Fugue ne me satisfaisait vraiment entièrement… jusqu’à l’écoute de cette miraculeuse version ! Les tempos sont idéaux, ce qui est essentiel dans cette œuvre. Quant à l’émotion…
Les deux pages de Blanche Selva m’ont rappelé que Déodat de Séverac était son musicien de cœur » ;

et l’autre de Jean Lacroix _ dont on apprécie la plume et le jugement en ses articles de Crescendo _ :`

« Cher Monsieur Rouyer,

Après audition du disque de Jean-Claude Vanden Eynden, je partage tout à fait l’avis de Michel Tibbaut.
Le pianiste donne de Franck une magistrale vision personnelle, qui fouille la partition jusque dans son âme même, avec une sonorité ample et chaleureuse. Il y a beaucoup de sincérité chez Vanden Eynden, et l’on sent, comme il le dit dans sa note du 5 octobre, qu’il a une réelle intimité avec l’œuvre et que son interprétation résulte d’une véritable recherche de sens.
Le plaisir est grand aussi de découvrir sa lecture de Blanche Selva que je connais bien grâce, notamment, à Monsieur Guy Selva, avec lequel j’ai des échanges depuis quelques années déjà. Non seulement la transcription des Trois Chorals est éloquente, mais le charme de ses deux pièces ajoutées agit à plein régime.
Voilà un très beau CD, que je ne manquerai pas de saluer comme il le mérite dans mon futur texte sur le Palais des Dégustateurs. »
Ainsi que le podcast d’un entretien (de 31′ 28) entre Jean-Claude Vanden Eynden et Éric Rouyer, dans l’émission « Isère classique » de RCF radio, diffusée le 22 octobre dernier…

Une très belle réalisation discographique, donc…

Ce lundi 30 octobre 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

La très rare délicatesse de François Couperin idéalement saisie par Michèle Dévérité en son parfait et si bien nommé « L’Âme en peine – Pièces pour clavecin »

26oct

La très rare délicatesse de François Couperin _ si difficile à vraiment bien « attraper » et donner… _, est idéalement saisie par Michèle Dévérité en son parfait « L’Âme en peine – Pièces pour clavecin« ,

en un CD sonamusic SONA 2305,

enregistré au mois de juin 2018 à Bra-Sur-Lienne, en Belgique…

Cf le bel article, très juste, « Couperin selonMichèle Dévérité« , d’Olivier Vrins, le 15 octobre dernier, sur le site Crescendo :

Couperin selon Michèle Dévérité

LE 15 OCTOBRE 2023 par Olivier Vrins

François Couperin (1668-1733) : L’âme en peine. Pièces pour clavecin.

Michèle Dévérité, clavecin ; 2018.

Notice en anglais, français, néerlandais et allemand.

80’57’’.

Sonamusica SONA2305.

C’est une jolie surprise que nous réserve le label belge Sonamusica avec ce florilège de pièces pour clavecin de François Couperin, réunies avec goût et transcendées _ voilà _ par Michèle Dévérité, sur un instrument historique de premier choix. Un disque auquel L’âme en peine, dernière pièce du Treizième Ordre, dans la tonalité de si mineur décrite par Marc-Antoine Charpentier comme “solitaire et mélancolique”, donne son titre. Enregistré en 2018, il nous parvient enfin, en dépit du Covid et de la disparition successive de Thierry Bardon, Robert Kohnen et Jean-Pierre Nicolas -respectivement directeur artistique du projet, ancien professeur et mari de l’interprète. De quoi conférer à ce disque attachant une touche _ sans nul doute _ d’émotion supplémentaire.

Les aficionados d’orgue et de clavecin se souviendront sans doute de l’enregistrement entrepris par Michèle Dévérité d’une anthologie de musique italienne pour clavier du 17e siècle (chez Arion) et d’une intégrale de l’œuvre des Forqueray père et fils (chez Harmonia Mundi), encensées par la critique. Cette dernière réalisation dépeignait déjà “Les tourments de l’âme” avec pudeur et sincérité, sans emphase ni dramatisme _ voilà.L’âme en peine” est d’une veine comparable.

Le séduisant instrument sur lequel Michèle Dévérité a jeté son dévolu pour cet enregistrement se prête à merveille au répertoire. Il s’agit d’un clavecin anonyme construit en France aux alentours de 1650, récemment restauré. La sonorité en est d’une rondeur envoûtante dans tous les registres. Le médium est généreux, les basses, charnues. Les aigus sont chatoyants, quoique plus discrets -mais qu’importe, puisque, dans ses pièces de clavecin, Couperin aime particulièrement à s’attarder sur la moitié gauche du clavier _ la plus grave, oui.

“Dans cet enregistrement, nous avons spécialement soigné l’accord en l’adaptant à chaque tonalité”, nous précisait, il y a peu, Michèle Dévérité.

De fait, l’accord de l’instrument bouscule quelque peu nos habitudes d’écoute : au tempérament égal, qui s’est imposé en Occident depuis la fin de la période baroque, la protagoniste de ce disque a, en toute logique, préféré le tempérament “ordinaire”, qui prévalait encore France au 17e siècle et au début du 18e siècle. Ce tempérament, issu du tempérament mésotonique, agrandit inégalement certaines tierces et certaines quintes pour pouvoir jouer dans des tonalités éloignées. L’éloquence, l’expressivité exacerbées qui caractérisent la musique baroque sont rehaussées par ces tempéraments inégaux, à l’aide desquels les compositeurs -au premier rang desquels les clavecinistes français- érigeaient des œuvres chargées d’”affects”. Comme nous l’a judicieusement fait observer l’interprète de ce disque, qu’une pièce telle que La Convalescence soit à ce point “grinçante” n’est donc ni le fruit du hasard ni le résultat de ce que nous aurions trop vite tendance à qualifier aujourd’hui d’ “intonation défectueuse”, mais au contraire un effet recherché _ oui, en toute discrétion _ par Couperin, qui, très malade à l’époque de sa composition, se savait probablement condamné.

Cet enregistrement, dont Les Folies françoises ou les Dominos constituent le plat de consistance, offre un condensé des plus belles pièces pour clavecin de François Couperin, sans s’astreindre à ressasser coûte que coûte les plus connues (exit, donc, Les Baricades Mistérieuses !).

Publiées en quatre recueils entre 1713 et 1730, rassemblées par tonalités en vingt-sept suites ou “ordres”, les pages pour le clavecin du neveu de Louis Couperin sont, pour la plupart, d’une profonde mélancolie _ voilà, mais jamais larmoyante. On ne s’étonnera pas, dès lors, que l’interprète ne hâte pas le pas -pas même lorsque le compositeur l’invite à jouer “sans lenteur”. Encore fallait-il, pour faire une réussite de ce disque, faire davantage que “prendre le temps de l’expression” : traduire, par la délicatesse _ et c’est bien là le mot couperinien par excellence… _du toucher et des ornements, cette intimité, cette tendresse, cette fragilité _ oui, oui, oui _ qui sous-tend l’œuvre entier du compositeur. Et ne pas oublier que, si le clair-obscur règne en maître sur un pan non-négligeable de la production couperinienne, l’art de Couperin Le Grand est avant tout celui d’un coloriste. L’humour et la fantaisie ne faisaient d’ailleurs _ certes _ pas défaut à l’auteur du _ sublimeConcert dans le goût théâtral, comme en témoignent Les Fastes de la grande et ancienne Mxnxstrxndxsx, petite comédie en cinq tableaux qui égaie le programme en son centre, Les Amusemens, ou encore les intitulés évocateurs de nombreuses partitions.

J’avouerai de bonne foi que j’aime beaucoup mieux ce qui me touche que ce qui me surprend”, confessait ce peintre des sentiments qu’était François Couperin. Ce disque ne peut que ravir ceux qui partagent sa pensée. Michèle Dévérité imprègne les trente-trois pages qui défilent sous ses doigts de grâce, rêve et nostalgie _ voilà… Le langage favori de Couperin n’est-il pas, après tout, celui qui n’affirme rien mais insinue, pour reprendre la belle expression de Philippe Beaussant ?

Soulignons, pour finir, la clarté et le relief de la prise de son _ en effet _, ainsi que la beauté de l’objet en lui-même, serti dans une pochette à l’effigie du compositeur _ au regard introspectif _ et accompagné d’une notice quadrilingue, richement illustrée et documentée. Il n’y manque qu’une biographie de l’interprète _ très discrète elle-même.

Son : 10  Notice : 10  Répertoire : 10  Interprétation : 10

Olivier Vrins

Ce jeudi 26 octobre 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Pour le piano de Ravel, un Philippe Bianconi idéalement idoine, « expressivo » en la pudeur et discrétion magnifiques de l’exigeant envers lui-même et la musique compositeur merveilleux…

27sept

C’est un Ravel parfaitement idoine que Philippe Bianconi vient de nous donner en son parfait double album « Ravel – L’œuvre pour piano » (la dolce volta LDV 109.0), en 143′, enregistré dans la Grande Salle de Arsenal-Metz en Scènes du 11 au 28 avril 2022, sur un piano Steinway D-274.


Bien sûr, le piano de Ravel a été d’assez nombreuses fois parfaitement servi déjà _ ainsi les Intégrales de Robert Casadesus (en 1951), Walter Gieseking (en 1954), Samson François (en 1967), Vlado Perlemuter (en 1973), Dominique Merlet (en 1991), Alice Ader (en 2002), Roger Muraro (en 2003), Alexandre Tharaud (en 2003), Jean-Efflam Bavouzet (en 2003), Steven Osborne (en 2011), Bertrand Chamayou (en 2016), et probablement quelques autres, moins bien rangées et mieux cachées, figurent-elles en ma discothèque personnelle… _ ;

il n’empêche, le piano de Ravel de Philippe Bianconi est ici idéalement réussi, en une justissime adhésion à l’alpha et omega de l’esprit du compositeur discret et pudique en sa vie, mais extrêmement exigeant envers lui-même et la musique en son œuvre, parfaite.

Voici ce qu’en a finement chroniqué, il y a 3 jours, en un très juste et fin article intitulé « Philippe Bianconi et le piano de Ravel, entre lumière et ombre« , Jean Lacroix, sur le site de Crescendo :

Philippe Bianconi et le piano de Ravel, entre lumière et ombre

LE 24 SEPTEMBRE 2023 par Jean Lacroix

Maurice Ravel (1875-1937) : L’œuvre pour piano seul ; Ma mère l’Oye pour piano à quatre mains.

Philippe Bianconi ; Clément Lefebvre (pour Ma mère l’Oye).

2022.

Notice en français, en anglais et en japonais.

143’00’’.

Un album de deux CD La Dolce Volta LDV 109.0. 

Formé au Conservatoire de Nice, sa ville natale, Philippe Bianconi (°1960) participe très jeune à des concours, sous l’impulsion de Pierre Cochereau, alors directeur de l’institution.  Il remporte un premier prix à Belgrade (il a 17 ans), puis à Cleveland en 1981, avant de se classer deuxième, quatre ans plus tard, au Concours Van Cliburn, remporté par le Brésilien José Feghali, le Britannique Barry Douglas étant troisième. A son programme, Bianconi a déjà inscrit un extrait des Miroirs de Ravel. Dès 1987, il se produit à Carnegie Hall, sa carrière internationale est lancée. Il se révèle aussi un accompagnateur de premier ordre en signant avec Hermann Prey les trois grands cycles de lieder de Schubert au milieu des années 1980 (Denon). Bientôt, il se produit dans le monde entier et ses disques, y compris de musique de chambre, sont applaudis. Entre 2015 et 2021, il est gratifié à trois reprises par des Jokers de Crescendo pour des récitals, déjà parus à La Dolce Volta, consacrés à Chopin, Schumann et Debussy.


Près de trois décennies se sont écoulées depuis que Philippe Bianconi a proposé une première intégrale de l’œuvre pour piano seul de Ravel chez Lyrinx. Du 11 au 18 juin 2022, il a remis le couvert dans la Grande Salle de Arsenal-Metz en Scènes. Dans un copieux entretien qui sert de notice, Bianconi explique le sens de sa démarche actuelle : Ce nouvel enregistrement a rendu plus fort et plus personnel _ voilà _ le rapport que j’ai depuis toujours à l’œuvre de Ravel. J’ai redécouvert le bonheur du son ravélien, mais j’ai également pris la mesure de la face sombre _ oui _ de sa musique. Avec le temps, et lors de cette année que j’ai passée à travailler avant l’enregistrement, j’ai réalisé que je l’avais auparavant perçue de façon plutôt univoque : irradiante, diurne et claire _ lumineuse, oui. On lira avec le plus grand intérêt la dizaine de pages dans lesquelles le pianiste évoque une série de thèmes, comme la part de solitude _ oui _ que l’on peut percevoir chez le compositeur, notamment dans l’Alborada del gracioso ou dans Une barque sur l’océan, le terme « expressif » _ voilà ! _ que l’on trouve de façon récurrente dans ses partitions, la pudeur, la rigueur _ alliées, unies, en une forme d’oxymore…  _, la sensualité, le lyrisme, la couleur pianistique ou la richesse de ses petites pièces. Bianconi souligne encore la nécessité _ absolue _ du tact _ le plus fin qui soit _ et de la subtilité _ bien sûr _ nécessitée par des inflexions très fines _ finesse est un des mots cruciaux ravéliens _, et insiste sur la liberté _ aussi ! _ de l’interprète qui, dans un tel contexte, veillera à ne pas appuyer ou rechercher les effets, à laisser la phrase s’épanouir, la laisser respirer tout en s’efforçant d’être expressif _ voilà, voilà…

Tout est dit dans cet entretien passionnant, dont on salue l’initiative de l’éditeur (ce n’est pas la première fois : le Debussy de 2020 en proposait un autre). Ce que nous résumons, brièvement, des propos de Bianconi se trouve mis en évidence à chaque instant de ce remarquable album de deux disques qui donne de l’œuvre pour piano seul de Ravel une vision d’une élégance exemplaire _ élégance est aussi un mot-clé ravélien… Celle-ci se manifeste dès les Jeux d’eau transparents qui ouvrent le programme, avant des Miroirs au sein desquels les remarques relevées dans l’entretien (ah ! ces Oiseaux tristes !) sont appliquées, entre austérité et sensualité _ toujours l’oxymore atteindre sans la moindre lourdeur. La Pavane pour une infante défunte étale sa grâce, la Sonatine se déroule entre ravissement et générosité. Et quelle beauté dans la sonorité ! _ oui. On apprécie hautement les _ admirablesValses nobles et sentimentales dont les deux adjectifs sont signes de sensibilité et d’émotion. Elles sont investies de moments entre lumière et ombre que Gaspard de la nuit va porter à son paroxysme _ à l’acmé du soutenable / insoutenable _ : une Ondine cristalline, un Gibet blafard, un Scarbo qui effleure le fantastique, sans sombrer dans la tentation _ qui serait grossière et malvenue _ de la virtuosité. Quant au Tombeau de Couperin, il est chargé de pudeur _ encore un mot-clé ravélien _ , alors que le Menuet antique respire la fluidité _ à mille lieues de la moindre lourdeur.

Chaque approche de Bianconi se révèle d’un grand équilibre _ oxymorique. Il souligne aussi, dans l’entretien, le fait que son caractère ne le pousse pas à l’extravagance, défaut que Ravel craignait _ oui _ en raison des tempéraments parfois trop envahissants des interprètes de son époque. Son parcours captive en raison d’un style assumé entre intensité et délicatesse _ voilà _, qui trouve aussi son épanouissement dans la série de petites pièces, qualifiées par Bianconi de bijoux. Il les cisèle avec un art consommé, entre saveur de l’instant, charme fugace et lyrisme prenant _ toujours le périlleux mais discret défi de l’oxymorique… En complément de l’intégrale, on découvre une délicieuse _ oui _ version à quatre mains de Ma mère l’Oye, partagée avec Clément Lefebvre, lauréat du Concours Long-Thibaud-Crespin en 2019, qui a gravé lui-même un récital Ravel en 2021 chez Évidence _ cf mes articles «  » et «  » des 18 novembre et 30 décembre 2021.

Cette intégrale démontre à quel point Philippe Bianconi a poursuivi une longue réflexion sur ce corpus de Ravel. Son intelligence sensible, la maturité de son approche, entre lumière et ombre, le tout servi par une technique de haute volée, avec un jeu de pédales savamment dosé, place cet album indispensable et superbement présenté sur le premier rayon moderne de toute discothèque ravélienne _ c’est dit et parfaitement dit.

Son : 9    Notice : 10    Répertoire : 10    Interprétation : 10

Jean Lacroix

Le Ravel de Bianconi nous comble.


Ce mercredi 27 septembre 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Francesco Piemontesi une fois encore au sommet : en un magistral double album Pentatone « Liszt Transcendantal Etudes & Piano Sonata » _ ou la perfection de l’interprétation la plus subtilement incarnée d’un immense compositeur…

19sept

Le merveilleux pianiste Francesco Piemontesi _ né à Locarno le 7 juillet 1983  _ nous conduit à nouveau au sommet en un magique magistral double album Pentatone PTC 5187 052 « Liszt Transcendantal Etudes & Piano Sonata« , enregistré à Lugano en avril-mai 2021,

et tout juste paru le 1er septembre dernier…

Les titres de mes 6 précédents articles sur le génie _ mais oui ! _ d’interprétation de Francesco Piemontesi témoignent de ma constante superlative admiration pour son piano, dans Mozart, Schubert, comme Liszt _ et aussi Debussy _ :

_ le 26 décembre 2018 : «  » ;

_ Le 6 juin 2019 : «  » ;

_ le 27 juin 2019 : «  » ;

_ le 25 septembre 2019 : «  » ;

_ le 29 octobre 2019 : «  » ;

_ et le 24 octobre 2020 : «  » ;

C’est l’article de Jean Lacroix, très justement intitulé « Franz Liszt et Francesco Piemontesi : des affinités qui coulent de source« , paru avant-hier 17 septembre, sur le site de Crescendo, qui m’a appris l’existence _ ignorée jusqu’alors ! _ de ce double CD publié par l’excellent label Pentatone ; et m’a fait me précipiter chez mon disquaire préféré  pour me le procurer _ ce double CD « Liszt – Transcendantal Etudes & Piano Sonata – Francesco Piemontesi«  du label Pentatone, d’ailleurs, ne se trouvait pas sur la table des nouveautés, mais était tout simplement rangé, et en tête, sur une étagère au rayon « Liszt«  ; je n’ai donc pas eu de peine à le dénicher…

Voici donc cet article efficace et très juste, « Franz Liszt et Francesco Piemontesi : des affinités qui coulent de source« , de Jean Lacroix :

Franz Liszt et Francesco Piemontesi : des affinités qui coulent de source

LE 17 SEPTEMBRE 2023 par Jean Lacroix

Franz Liszt (1811-1886) :

Études d’exécution transcendante S. 139 ; Sonate pour piano en si mineur S. 178.

Francesco Piemontesi, piano. 2021.

Notice en anglais et en allemand.

96.00.

Un album de deux CD Pentatone PTC 5187 052.

Depuis sa troisième place au Concours Reine Elisabeth 2007, remporté cette année-là par Anna Vinnitskaya, le pianiste suisse Francesco Piemontesi (°1983) a fait son chemin, ô combien ! Né à Locarno, il a étudié à Hanovre avec Arie Vardi, mais a aussi pu travailler avec Alfred Brendel, Murray Perahia ou Alexis Weissenberg. Crescendo a suivi son parcours de façon régulière (lire l’entretien avec Pierre-Jean Tribot du 21 octobre 2020 _ publié sous le titre « Francesco Piemontesi, pianiste réflexif et discophile« … _). Piemontesi a enregistré pour plusieurs labels (Avanti, Naïve, Claves), notamment des pages de Mozart, Debussy, Dvořak ou Schumann. Pour Pentatone, il a gravé des œuvres de Schubert, un « Bach Nostalghia », ou un programme qui regroupait Schoenberg, Messiaen et Ravel. Avec ce dernier label, il prolonge son exploration du répertoire de Liszt, entamée avec brio pour Orfeo en 2017 _ cf mes propres articles des 26 décembre 2018 et 6 et 27 juin 2019 auxquels je viens de donner ci-dessus les liens… _ par les deux premières Années de pèlerinage et Deux Légendes, deux albums élégants agrémentés par des DVD, dont un documentaire aux superbes images, signé par Bruno Monsaingeon. Le nouveau programme Pentatone est non seulement alléchant, il est aussi audacieux.

La genèse des Études d’exécution transcendante s’étend sur près de vingt-cinq ans, cinq lustres au cours desquels, au fil du temps, Liszt a creusé la technique, fait des choix et insisté sur le développement. La vision aboutit en 1851 à un résultat fascinant : ces douze pages sont devenues un redoutable exercice de virtuosité, nourri du bagage littéraire et poétique que le génie hongrois du piano a accumulé. Tout ici est de haut vol _ et pas seulementent l’exécution qu’a en donner l’interprète… _, des frénétiques et mystérieux Feux follets (n° 5), à une valeureuse Chasse sauvage (n° 8) aux rythmes syncopés, ou encore, aux Harmonies du soir (n° 11). C’est l’étude la plus célèbre du recueil, une véritable incarnation poétique remplie de paix, de bonheur spirituel, de cohérence contemplative qui fait penser à la plénitude lamartinienne ; une musique d’une grande pureté _ voilà. On n’oubliera pas non plus la quatrième étude, Mazeppa, dédicacée à Victor Hugo, magistrale _ oui _ évocation d’un poème des Orientales ; très dramatique, c’est la substance du futur poème symphonique du même titre, et d’une version pour deux pianos et à quatre mains. Avant la découverte de l’ensemble sous les doigts de Piemontesi, il faut aller en plage 11 du premier disque et s’enivrer de ces Harmonies du soir pour se persuader que le pianiste suisse, technicien impeccable, possède le sens de la couleur, la fluidité des accents habités, l’élégance généreuse et la capacité expressive, le tout mêlé à une concentration de jeu phénoménale _ tout cela est de la plus haute justesse.

En 1964, lorsqu’il écrivait sa biographie sur Liszt pour les éditions Seghers (n° 5 de la collection « Musiciens de tous les temps »), Alfred Leroy avait souligné à quel point les Études d’exécution transcendante sont redoutables pour ceux qui s’affrontent à ce monument d’une durée dépassant l’heure : Elles doivent être exécutées avec un art fait de sensibilité, de nuances, de demi-teintes habilement ménagées, de grandioses orchestrations et de colorations délicates. Point d’acrobaties spectaculaires et vaines, point d’inutiles et fausses apparences, mais une pénétration de tout ce que ces Études enclosent de raffinement et de subtilité _ oui. À cette ligne directrice, qui convient tout à fait _ parfaitement _ à la vision de Piemontesi, le musicologue aurait pu ajouter, s’il avait connu le Suisse, des qualités qui sont les siennes : l’art des contrastes qui apparaît dès le Prélude et le Molto vivace qui suit, le dépouillement tendre ou rêveur _ c’est là un trait de jeu très présent chez ce subtil et magistral interprète _ qui parcourt le Paysage (n° 3) ou la Vision (n° 6), l’atmosphère entre ombre et lumières, proche de l’improvisation _ oui _, qui saupoudre la Ricordanza (n° 9). Piemontesi invite l’auditeur à un parcours exaltant, avec un piano très présent, capté à Lugano au printemps 2021 dans l’Auditorium Stelio Molo de la Radio Suisse Italienne (RSI). Lorsque le voyage s’achève sur le Chasse-neige, ce tableau d’un lyrisme si parfait qui marque la fin d’une aventure vécue intensément avec un artiste à la sensibilité épanouie _ oui ! _, on éprouve une vraie tristesse à le quitter… On n’oublie pas les versions déjà historiques de Claudio Arrau, Lazar Berman, Alfred Brendel ou György Cziffra, pour ne citer qu’elles, ni des signatures plus récentes, celles de Bertrand Chamayou, Marie-Claire Le Guay, Vesselin Stanev ou Gabriel Stern. Mais la vision de Francesco Piemontesi ne peut que susciter d’absolus éloges _ parfaitement ! Notre plaisir d’écoute est de cette hauteur d’intimité et grandeur à la fois…

Autre monument, autre réussite, la Sonate en si mineur, achevée à Weimar le 2 février 1853, qui occupe seule le deuxième disque _ écouter et regarder aussi cette superbe prise vidéo (d’une durée de 29′ 35) de Francesco Piemontesi interprétant cette célèbre Sonate en si mineur en concert à Prague le 1er novembre 2020, au magnifique Rudolfinum ; le double CD Pentatone, lui, a été enregistré, 6 mois plus tard, à l’Auditorio Stelio Molo de la Radiotelevisione Svizzera (RSI) à Lugano en avril et mai 2021… La dimension introvertie _ assez stupéfiante ! _ avec laquelle Piemontesi entame _ et l’oreille et le goût doivent aussitôt s’y adapter !.. _ ce long propos met en place une architecture qui va peu à peu _ oui _ installer un climat où la virtuosité, la véhémence, la dynamique et la netteté _ elle est très importante, et m’enchante dans le jeu d’interprète ultra-exigeant envers le respect le plus grand de la partition qui est celui de Francesco Piemontesi… _ vont s’imposer. Cette musique à couper le souffle _ en effet _ prend sous les doigts du pianiste suisse un caractère qui allie la sidérante beauté plastique _ voilà _ imaginée par le génie lisztien à une tension qui ne se relâche pas _ voilà. Ce piano peut se nimber d’une grande pudeur _ oui, et tendresse _, comme se réclamer d’un appel à une dimension grandiose _ vers le sublime _ au sein de laquelle la démesure _ aussi _ se laisse libre cours. Mais Piemontesi n’oublie jamais, et c’est en cela qu’il nous séduit, de veiller à conserver une sonorité qui sait combiner le murmure (Andante sostenuto) à une intense réflexion _ oui. Il manie les plans sonores avec une habile science des contrastes _ jamais artificielle ni poussée _ et une noble sensibilité _ c’est essentiel ! _, qui va conclure la sonate comme si elle s’effaçait, à la manière d’un baisser de rideau.

Ici aussi, la discographie est riche. On chérit les grandes réussites d’Argerich, Arrau, Brendel, Cziffra, Horowitz et ses sorcelleries, Pogorelich, Pollini, Richter, Rubinstein trop oublié, Zimerman… Mais on s’attarde aussi à de plus proches de nous : Colom _ cet immense pianiste catalan que j’apprécie énormément (c’est lui qui, en 1995, m’a fait découvrir et adorer la merveilleuse musique à nulle autre pareille de Manuel Blasco de Nebra ; et écouter un Mompou aussi beau qu’interprété par Federico Mompou lui-même : cf notamment mon article « «  du 23 avril 2022…) _, Dalberto, Grosvenor, Hamelin, Hough ou Yundi Li. Francesco Piemontesi rejoint cette pléiade qualitative en servant _ voilà ! _ Liszt avec toute la passion et la grandeur qu’il mérite. Pour la petite histoire, on signalera que la notice de ce superbe _ oui, oui, oui _ double album est signée par Nike Wagner, arrière-arrière-petite-fille de Liszt et fille de Wieland Wagner _ en effet.

Son : 9  Notice : 7  Répertoire : 10  Interprétation : 10

Jean Lacroix

À nouveau,

une merveilleuse et indispensable réalisation discographique du décidément parfait, chaque fois, Francesco Piemontesi.

Ce mardi 19 septembre 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Retour au Bach puissant et clair de Johannes Pramsohler et Philippe Grisvard, deux mois plus tard…

16juil

Voici que ce dimanche 16 juillet 2023,

avec son article « Bach, intégrale contextualisée des sonates pour violon et clavecin« ,

Christophe Steyne, sur le site de Crescendo, revient sur le coffret de 3 CDs Audax ADX 13783 autour de Johannes-Sebastian Bach,

que j’avais chroniqué il a déjà deux mois, le 14 mai dernier, sous l’intitulé de « « …

Bach, intégrale contextualisée des sonates pour violon et clavecin

LE 16 JUILLET 2023 par Christophe Steyne


Johann Sebastian Bach (1685-1750) : Sei Suonate à Cembalo certato è Violino Solo BWV 1014-1019. Sonates en sol mineur BWV 1020, en fa majeur BWV 1022.

Johann Adolph Scheibe(1708-1776) : Sonates en ré majeur, si mineur, la majeur.

Georg Philipp Telemann (1681-1767) : Concerto en ré majeur TWV 42D:6.

Christoph Schaffrath (1709-1763) : Duetto en la mineur CSWV F:30.

Johann Gottlieb Graun (1703-1771) : Sonate en si bémol majeur, GraunWV Av:XV:46.

Carl Philipp Emanuel Bach (1714-1788) : Sonate en si mineur Wq 76.

Johannes Pramsohler, violon.

Philippe Grisvard, clavecin.

Janvier à juillet 2021.

Livret en anglais, français, allemand, japonais.

TT 60’25 + 73’05 + 75’04.

Audax ADX 13783

La discographie compte des dizaines d’enregistrements des six Sonates pour violon et clavecin BWV 1014-1019. Et tant de succès ! De Reinhard Gobel/Robert Hill (Archiv) à Chiara Banchini/Jörg-Andreas Bötticher (Zig-Zag, 2011) et Leila Schayegh/Jörg Halubek (Glossa, 2015) pour s’en tenir aux quarante dernières années. Au demeurant, loin du superflu, le coffret qui nous arrive gagne ses galons tant le duo offre une lecture nette, caractérisée, altière _ oui. L’historique Rogeri (Brescia, 1713) resplendit comme astre au zénith, captive par la cohésion, la plénitude et l’autorité de sa palette sur tout le spectre. Johannes Pramsohler en tire des phrasés alacres (pétillant Presto de la sonate en la majeur), blasonnés de drame (Largo du BWV 1017), toujours denses et signifiants, avec ce qu’il faut de hauteur. Une vérité du ton, une magistrale pureté d’intonation dignes d’un Évangéliste des Passions. On admire dans ce jeu d’archet l’humble grandeur et la dilatation du sens d’un Kurt Equiluz. Sur un clavecin flambant neuf, d’après Mietke, l’agile Philippe Grisvard n’est pas en reste, prodiguant un dialogue incessamment animé, finement vascularisé. Et reçoit même un solo par l’Allegro qu’inclut cette mouture du BWV 1019. Dans ces pages où le clavier ne doit pas être réduit à un rôle d’accompagnateur, et même si certaines sessions semblent mieux équilibrées (par exemple pour le BWV 1016), le seul regret provient d’une captation qui (sur)valorise le violon.

En soi enviable, cette interprétation renforce son intérêt en élargissant le cadre _ voilà ! _, s’annexant les BWV 1020 et 1022, certes de paternité douteuse. Et surtout en s’inscrivant dans un panorama qui explore la concomitance et l’aval de la polyphonie en trio dans la sphère allemande, et spécifiquement septentrionale. « Présenter les six sonates dans leur contexte historique et montrer comment elles ont pu inspirer les jeunes compositeurs de la génération suivante », ainsi que résume la notice de Peter Wollny. Un répertoire qu’investigue méthodiquement Johannes Pramsohler, après un précédent album Bach & entourage (mai 2014), et deux double-albums French Sonatas for harpsichord and violin (mai 2016) et The Beginning of the Trio Sonata in England and France (décembre 2018).

Hormis Bach père & fils et le concerto de Telemann, le parcours n’inclut que des révélations. Ainsi le tout premier enregistrement de trois sonates de Johann Adolph Scheibe (on goûte les hésitantes roucoulades du Poco Presto de celle en ré majeur), que la postérité retient comme contempteur _ voilà _ du Cantor de Leipzig, tirées des archives du Conservatoire de Bruxelles. Tout aussi rares, et débusqués à la Staatsbibliothek de Berlin, écrits par deux compositeurs actifs à la Cour prussienne : une Sonate en si bémol majeur de Johann Gottlieb Graun, particulièrement contrastée, et un Duetto en la mineur de Christoph Schaffrath armé d’un irrépressible Allegro, puis un Largo aux rondeurs cuivrées, où Johannes Pramsohler darde les timbres comme d’un cor.

Parmi les quatre sonates que Carl Philipp Emanuel conçut en 1763, le programme a choisi celle cotée 76 au catalogue Wotquenne. Edna Stern (avec Amandine Beyer, Zig Zag, 2013) et tout récemment Rachel Kristian Bezuidenhout (avec Rachel Podger, Channel) l’abordaient sur le pianoforte, une option apte à faire sentir le changement d’esthétique et la fine sensibilité de ce cahier. Philippe Grisvard persiste sur son scintillant Griewisch, et son camarade cisèle des émois corsés. Globalement, ce coffret signe une réussite qu’on dirait singulière si elle ne faisait sens dans le panorama chambriste et concertant déployé CD après CD _ voilà : je les collectionne _ par les membres de l’ensemble Diderot, un des plus admirables projets d’aujourd’hui _ voilà _ dans la galaxie baroque.

Christophe Steyne

Son : 8 – Livret : 9,5 – Répertoire : 8-10 – Interprétation : 9,5

 

Bravo !

Ce dimanche 16 juillet 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

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